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Karim Benzema, meilleur buteur de l’équipe de (l’anti) France?

« Karim Benzema est en lien, on le sait tous, notoire avec les Frères musulmans », a déclaré sur CNews le ministre de l'Intérieur


Karim Benzema, meilleur buteur de l’équipe de (l’anti) France?
L'international français Karim Benzema, Madrid, 24 août 2010 © Back Page Images / Rex /REX/SIPA

Le grand benêt de Villeurbanne, expatrié en Arabie Saoudite, est accusé de répandre un frérisme d’atmosphère dans la jeunesse française… Gérald Darmanin affirme qu’il retirera ses accusations envers le joueur, s’il écrit un message pour notre professeur tué à Arras. L’avocat du footballeur dénonce un « odieux chantage », et explique qu’il lui aurait confié que « ce sont [ses] gamins qui souffrent parce qu’on accuse leur père d’être un terroriste »


Malgré son départ pour l’Arabie Saoudite l’été dernier, et sa retraite internationale prise l’hiver dernier au lendemain d’un Mondial qu’il n’a pas joué, Karim Benzema est revenu en force dans l’actualité nationale. Pas forcément par la bonne porte. Le « Ballon d’or du peuple » (c’est ainsi qu’il s’est présenté quand il s’est vu remettre le prestigieux trophée décerné par France Football à l’automne 2023), est suspecté, depuis le retour du tragique au Proche-Orient, à Arras et à Bruxelles, de faire preuve de beaucoup d’empathie pour les victimes gazaouies des bombardements israéliens, « qui n’épargnent ni femmes ni enfants », et pas du tout pour les victimes du terrorisme islamiste, que ce soit durant les années 2015-2016 ou plus récemment après le drame d’Arras.

Notre ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le suspecte d’être en lien « notoire avec les frères musulmans », fameuse organisation née en 1922 en Égypte dont les branches sont multiples et complexes à travers le monde, du Hamas jusqu’à l’ex-UOIF (Union des organisations islamiques en France) devenue « Musulmans de France »[1] en 2017.

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On peine à croire que le locataire de la place Beauvau sorte cela sans un minimum d’informations… Depuis, c’est un peu le concours entre le ministre de l’Intérieur, « Reconquête » et ce qu’il reste des Républicains pour taper le plus fort sur l’ancien attaquant du Real Madrid. Valérie Boyer, sénatrice LR de Marseille, a même demandé la déchéance de sa nationalité française… et le retrait de son Ballon d’Or.

Giroud-Benzema : la France tartiflette contre la France des kebabs

Entre Karim Benzema et le public français, ça a toujours été une longue histoire de « Je t’aime moi non plus ». Même lors de ses longs moments de disette devant le but avec l’équipe de France, personne n’a jamais contesté les qualités footballistiques du prodige formé à Lyon. L’attaquant, de son côté, n’a jamais fait tellement mystère que s’il avait revêtu le maillot bleu plutôt que celui des Fennecs algériens, c’était par pur opportunisme professionnel : il est plus facile de négocier un juteux contrat avec le Real Madrid, quand, à vingt-deux ans, on a déjà une vingtaine d’apparitions avec l’équipe de France. Il n’a que dix-neuf ans, quand il confie à RMC que les Bleus, « c’est plus pour le côté sportif, parce que l’Algérie c’est mon pays, voilà, mes parents ils viennent de là-bas. Après, la France… C’est plus sportif, voilà ». Quand retentit La Marseillaise, les lèvres de Benzema ne bougent jamais. En novembre 2015, lors d’un Real Madrid-FC Barcelone, quand le public espagnol fredonne l’hymne national français en hommage aux victimes des attentats, les caméras attrapent Benzema en train de cracher au sol. Nadine Morano, eurodéputée LR, y voit le signe de son dédain pour la France. « C’est nul d’inventer des histoires comme ça, de dire des choses graves. Pendant la Marseillaise, je suis concentré, je pense aux victimes, aux familles, à ma famille, aux gens qui m’aiment, au football. Je suis sincère et sérieux dans mon regard. Je crache à la fin, comme à tous les matchs, comme tous les joueurs », se défendait-il.

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A partir de son éviction des Bleus, en 2016, à la suite de l’affaire Valbuena, le public français va se couper en deux. Comme il y a eu les fans des Beatles d’un côté et ceux des Rolling Stones dans les années 60, les fans de Blur contre les fans d’Oasis dans les années 90, il y a dans la France des années 2010 deux camps : les pro-Giroud et les pro-Benzema. Avec un assez net clivage ethnique parmi les partisans. A regarder les réactions sur le net, se dessine une cassure entre la France tartiflette et la France des kebabs. Pourtant, au printemps 2021, c’est presque le grand rabibochage : Didier Deschamps rappelle l’enfant prodigue. L’union sacrée est en marche. Benzema et l’équipe de France, c’est l’histoire de l’ex que l’on croise un beau jour dans la rue. On se dit : « mais pourquoi on s’est séparés, au fait ? ». On se remet ensemble et après quelques minutes de vie commune, on se souvient pourquoi.

Un formidable exemple malgré tout

L’été dernier, Karim Benzema a fait partie de l’impressionnante transhumance de stars mondiales du football vers l’Arabie Saoudite. Pour les autres, les Neymar, les Cristiano Ronaldo, les salaires alléchants ont été l’unique motivation. Pour Benzema, il y avait un petit quelque chose en plus, un supplément d’âme. Il déclarait : « C’est un pays musulman et j’ai envie de vivre là-bas ». À l’instar de Diam’s, qui a arrêté le rap, a pris le voile et s’est réfugiée en Arabie après sa conversion… On l’a découvert le 23 septembre habillé à la Saoudienne pour la fête nationale : shemagh sur la tête, à damiers rouge et blanc? et bisht beige sur les épaules. Non loin, le drapeau saoudien repose. Il y a des nations d’adoption dont on adopte les codes plus rapidement que d’autres.

Karim est aujourd’hui au cœur de toutes les critiques de la droite nationale. Et pourtant, n’est-il pas un formidable exemple pour la jeunesse désœuvrée et déracinée d’ici, de retour aux sources spirituelles, au beau milieu du Dar al-Islam ? Gaspard Proust disait sur Europe 1, face à Philippe de Villiers : « Karim Benzema, moi je l’envie. Lui en Arabie Saoudite, contrairement aux Européens qui vivent sur le sol européen, s’il vit en harmonie avec les valeurs locales, il sait qu’il est parfaitement en sécurité dans la rue ».


[1] Le président des « Musulmans de France » à l’époque, Amar Lasfar, avait déclaré au moment où l’organisation changeait de nom : « Nous ne faisons pas partie des Frères musulmans. En revanche, nous nous inscrivons dans leur courant de pensée ».



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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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