Accueil Site Page 451

La RATP a-t-elle voulu annuler Noël?

0

La RATP aurait interdit à ses agents de souhaiter un joyeux Noël aux usagers.


Nous écrivons « aurait », au conditionnel, mais d’ailleurs la RATP n’ayant pas démenti, on pourrait tout à fait employer l’indicatif.

C’est une information sortie par Valeurs actuelles. Un kit de communication a été adressé au mois de novembre aux agents de la RATP par la direction de la ligne A du RER sur les animations de Noël. Oh pardon ! pour les aider à « véhiculer auprès des voyageurs un esprit de fête en partageant avec eux des moments de convivialité ». Une convivialité très surveillée. Dans la même note, on apprend effectivement que certains mots sont bannis. Mots et thématiques sont d’ailleurs partagés en deux colonnes : acceptés/proscrits.

La RATP dit ne vouloir discriminer personne

Ce qui est interdit, évidemment : « Joyeux Noël », la crèche, Jésus ou le calendrier de l’Avent. Mais, vous pouvez dire en revanche « Joyeuses fêtes de fin d’année », parler du Père Noël, des lutins de Noël (!), des rennes ou des cadeaux. L’arbre de Noël est aussi autorisé, mais on ne sait pas si le sapin est casher…

A lire aussi, Gabriel Robin: Gabriel Attal: jeune Premier

Sollicitée par le Figaro[1], la Régie répond qu’en tant qu’entreprise publique, « elle applique les principes de laïcité, de neutralité religieuse et de non-discrimination », et qu’elle interdit donc « les termes et symboles religieux ». Joyeux Noël, c’est religieux, mais pas le père Noël ou les lutins de Noël ? Ils n’ont pas compris que c’est le mot « Noël » qui renvoie à la naissance de Jésus et du christianisme. Tout cela n’est pas bien cohérent ! Passons.

La RATP n’est pas un cas isolé. Plusieurs entreprises et municipalités ont également banni « Joyeux Noël » cette année. Songez au grotesque Voyage en hiver de Nantes[2] qui, d’après les commerçants, n’a pas eu un franc succès.

Mais dans un pays laïque, il est normal de proscrire les symboles religieux, dira-t-on

Sauf qu’il ne s’agit pas de symboles religieux. Même les crèches. Je ne suis pas catholique, et moi cela ne me gêne nullement de voir une crèche. Le catholicisme n’est pas une religion parmi d’autres dans notre pays : c’est le substrat culturel de tous les Français, une part de notre identité collective. C’est notre histoire à tous. C’est aussi ça l’assimilation : se sentir héritier d’une histoire et d’une culture commune, d’où qu’on vienne. Et c’est ce que refusent le séparatisme islamiste et l’extrême-gauchisme. Chacun sa vie, chacun son histoire. Bien sûr, eux ils appellent ça le « vivre-ensemble ».

A lire aussi, l’éditorial d’Elisabeth Lévy: Justice pour Actéon!

Bien entendu, ce qui guide toutes ces circonvolutions sur Noël, c’est la peur de froisser les musulmans. Or, les musulmans qui adhèrent aux valeurs et mœurs françaises n’ont aucun problème avec Noël. Il y en a même certains qui le fêtent. Ceux que Noël offusque sont précisément les séparatistes, les adeptes d’un islam identitaire ou politique. On demande aux nouveaux arrivants s’ils acceptent l’égalité des sexes, l’homosexualité etc. – en tout cas on devrait. On pourrait ajouter l’acceptation de Noël dans les conditions pour s’installer en France. Encore faudrait-il que conditions il y ait.

La RATP, qui avait un temps été assez ferme contre les islamistes, veut sans doute ne pas nourrir l’obsession du deux poids – deux mesures. Elle se trompe. En matière d’identité, il doit y avoir un deux poids – deux mesures. La culture française a préséance en France.

Pour la « gauche diversitaire », expression de l’essayiste québécois Mathieu Bock-Côté, c’est le contraire : la culture majoritaire doit se faire toute petite, accorder aux Autres la domination, la préséance qu’elle avait exercée indûment… Cette volonté d’annuler Noël peut sembler dérisoire. C’est l’une des expressions du masochisme français. Vivement les vacances de Pâques !


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, après le journal de 8 heures.

[1] https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-ratp-a-t-elle-interdit-a-ses-agents-de-souhaiter-un-joyeux-noel-20240109

[2] https://www.causeur.fr/voyage-en-hiver-nantes-le-noel-de-joanna-rolland-ou-le-wokisme-pour-les-nuls-270270

Pour l’Afrique, le lobby gay a pris le pouvoir en France

La récente nomination de Gabriel Attal comme Premier ministre de la France à seulement 34 ans a captivé l’attention mondiale, non seulement en raison de sa jeunesse, mais aussi de son orientation sexuelle. Alors que la France se concentre sur ce nouveau chapitre politique du second quinquennat d’Emmanuel Macron, l’Afrique, majoritairement homophobe, pose un regard nuancé sur ce changement de leadership.


En Afrique, l’homosexualité demeure taboue et mal vue par une grande partie de la société qui accuse caricaturalement et faussement l’Occident de lui avoir importé « ce vice » sur son sol. Les gays et lesbiennes africain(e)s font d’ailleurs face à une véritable stigmatisation sociale, souvent obligé(e)s de cacher leur orientation par peur de représailles physiques. Les élites politiques, religieuses et coutumières condamnent elles aussi unanimement l’homosexualité sous toutes ses formes. Aujourd’hui encore, de nombreux pays refusent toujours de dépénaliser les relations homosexuelles. Certains, comme l’Ouganda ou le Nigeria, ont même récemment renforcé leur arsenal juridique anti-gay, s’irritant publiquement des pressions exercées par les ONG ou les alertes constantes des lobbies LGBTQ+ pointés du doigt pour leur « propagande intolérable ». 

L’annonce cette semaine  de la nomination comme nouveau chef de gouvernement de Gabriel Attal a soulevé des préoccupations quant à ses futures visites en Afrique. Selon le Dakar Times qui s’est fendu d’un long article sur le sujet, titrant sans ambages que le « lobby homosexuel avait pris le pouvoir en France », certains dirigeants africains pourraient être très frileux à l’accueillir, « de peur de subir les critiques de leur opinion publique locale ». « Les autorités politiques africaines qui accepteront de recevoir en visite officielle Monsieur Attal pourraient être accusées d’être des promoteurs des LGBT ou d’être homosexuels tout simplement » n’hésite pas à affirmer le jeune quotidien… 

A lire aussi: Viols du 7 octobre: féministes, où êtes-vous?

Le Dakar Times renchérit même en suggérant que la présence du nouveau Premier ministre français pourrait altérer les relations franco-africaines déjà sévèrement mises à mal depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron comme président de la République. L’incident au Cameroun, où l’ambassadeur français en charge des droits des LGBT a été déclaré persona non grata l’été dernier, témoigne de la résistance des pays africains à une approche qu’ils perçoivent comme intrusive et parfois contre-productive. Un écho aux remarques de diplomates étrangers qui se plaignent de la politique de promotion LGBTQ+ initiée par la France en Afrique. Dans un rapport daté de novembre 2023, la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française a vivement recommandé au gouvernement d’adapter les pratiques et les discours aux contextes locaux pour éviter de paraître ingérant. D’autant que, comme le souligne ce même document, les acteurs politiques locaux évitent généralement d’aborder publiquement le sujet, sauf pour le condamner. « (…) Il ne s’agit nullement d’accepter cette situation ni de renier nos valeurs, bien au contraire, mais d’adapter nos pratiques et nos discours aux contextes locaux pour les rendre audibles et acceptables par les populations locales, afin de ne pas agir, à l’étranger, comme si nous étions en France » peut-on lire dans le rapport.

Le Sénégal est un exemple en soi de cette homophobie généralisée en Afrique. Lors de la visite en février 2020 du Premier ministre canadien Justin Trudeau, le président sénégalais a expliqué sèchement que l’interdiction de l’homosexualité dans son pays « relevait de la spécificité culturelle de son pays ». « Organiser une gay parade (…), ce n’est pas possible parce que notre société ne l’accepte pas. La société, elle va évoluer, ça prendra le temps que ça prendra. (…) Chaque pays a son propre métabolisme » avait alors rappelé Macky Sall. Ancienne colonie française, le Sénégal a une justice répressive envers la communauté LGBTQ+ et s’appuie pour cela sur une ordonnance française de juin 1942 signée par le Maréchal Pétain, qualifiant les relations entre personnes de même sexe comme un « acte impudique ou contre nature ». Encore il y a peu, trois mois de cela, « le corps d’un jeune homme décédé, suspecté d’être gay, a été déterré et publiquement brûlé par une foule en colère ». Publiée sur les réseaux sociaux, la vidéo a suscité l’indignation générale contraignant la justice sénégalaise à ouvrir une enquête.

Pour le Dakar Times qui enfonce le clou, il est crucial pour la France de reconnaître la nécessité d’ajuster sa diplomatie aux réalités africaines, en évitant de projeter des valeurs qui pourraient être perçues comme étrangères. La première visite du Premier ministre Gabriel Attal en Afrique pourrait ainsi être un test déterminant pour les relations franco-africaines, mettant en lumière la délicate balance entre les droits humains et le respect des traditions locales.

La conquête tranquille

En trois générations, les musulmans de France sont devenus de plus en plus religieux, et les jeunes encore plus ultras. Forts d’une démographie jouant en leur faveur, ils imposent sans mal leurs règles et leurs mœurs face à un État incapable de défendre les lois de la laïcité. Le combat voltairien contre les Églises est perdu.


Le sondage réalisé par l’IFOP pour la chaîne franco-arabe elmaniya.tv auprès d’un millier de musulmans de France[1] a le mérite de quantifier une impression générale partagée par tous ceux qui travaillent au contact de cette catégorie de la population, en particulier dans les quartiers d’habitat social. Les musulmans, s’ils sont de plus en plus nombreux, et pas uniquement à cause des migrations, sont aussi de plus en plus religieux. C’est une réalité que devraient méditer tous ceux qui pensaient que le drapeau de la laïcité suffirait à empêcher l’intrusion des religions dans l’espace public et la sphère des comportements.

L’islam en France s’inscrit dans l’extension plus générale du Dar al-Islam

Les enseignants en zone urbaine, eux, n’ont pas été surpris : une majorité de leurs élèves est musulmane. Et cette religion, quand elle est majoritaire, s’impose aux autres, au moins en matière d’attitudes. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’à la question posée de sa nationalité, l’élève réponde « je suis de nationalité musulmane ». Les élus de ces mêmes villes ne devraient pas être surpris non plus, dès lors qu’ils ont, pour de nobles raisons, laissé s’édifier, à proximité des « quartiers », des mosquées pouvant accueillir le vendredi des milliers de fidèles.

Ce que révèle l’étude, en revanche, c’est la communauté des opinions qui s’expriment pour évoquer les relations entretenues par l’islam avec les règles, explicites ou implicites, de la loi commune. À presque toutes les questions posées, les trois quarts des personnes sondées répondent de la même manière. Ainsi, malgré le caractère très fragmenté de la religion musulmane en France, une pensée commune émerge au nom de l’oumma, la communauté des musulmans. Cette pensée commune est d’autant plus forte qu’elle est cohérente. Elle considère que la religion prévaut sur le reste, quel qu’il soit, et que tout ce qui s’oppose à ses préceptes doit être prohibé. Elle admet même, dans les cas les plus extrêmes, qu’un acte violent puisse être justifié par une atteinte aux principes considérés comme sacrés.

En cela, l’islam en France s’inscrit dans un mouvement plus général, et d’une certaine façon planétaire, qui prône l’extension du Dar al-Islam à tous les pays où les musulmans sont présents. Cette guerre de conquête – ou de conviction – prend des formes très variées. En France, elle est à deux doigts d’être gagnée parce qu’elle ne trouve plus, face à elle, d’autre dogme religieux capable de la contredire. On lui oppose, à la place, un principe mal défini en droit et d’une application à géométrie variable : la laïcité. L’islam bénéficie par ailleurs d’une conjoncture particulièrement favorable, encouragée par les pouvoirs publics : celle de la démographie, en partie liée à nos modes de redistribution sociale, et celle de l’immigration, qui privilégie les ressortissants de pays musulmans (Maghreb, Turquie, Afghanistan).

Le deuxième enseignement de cette étude bat en brèche une idée répandue qui voudrait que l’élévation du niveau de culture et de richesse atténue la pratique religieuse. C’est le contraire que l’on constate. Les élites musulmanes sont plus pratiquantes et plus engagées que leurs grands-pères ouvriers de l’industrie automobile. Je ne suis pas loin de penser que le même constat pourrait être dressé chez les catholiques.

Nouvelle génération plus éduquée

L’islam est présent en France depuis trois générations. La première était ouvrière. Elle pratiquait un islam « domestique », dans une discrétion qui a pu faire croire aux observateurs peu avisés qu’un islam prétendument modéré pouvait être érigé en modèle. La seconde génération, devenue française, mais de mères souvent nées en terre d’islam, a fait sortir la religion des « caves » et des salles de prière pour l’introduire dans l’espace public. La troisième, qui s’exprime ici, est devenue militante. Elle ne vit pas l’islam comme un acquis mais comme une conquête. Elle conteste sans retenue des règles fixées par la loi.

Cette troisième génération a bénéficié de l’ascenseur social. Elle est française de parents français, mais alimente l’essentiel de l’immigration familiale en épousant des conjoints nés au Maghreb ou en Turquie. En son sein, c’est la part la plus éduquée qui revendique avec le plus de conviction son adhésion aux principes de l’islam. L’islam ne s’est pas sécularisé avec le temps. Il s’est conforté. Ses porte-parole du quotidien sont ingénieurs ou professeurs de lycée. Nous en connaissons tous.

Ces porte-parole font de la loi de 1905 une lecture différente de celle qui prévaut chez les non-croyants. Ils réclament tout à la fois l’égalité de traitement entre les religions, dans la négation d’une religion « historique », et des droits particuliers tirés des prescriptions religieuses. Toute tentative d’encadrement de la pratique est dès lors vécue comme une discrimination, en particulier chez les plus jeunes. Le monde musulman a adopté, de ce point de vue, les codes de la démocratie occidentale : il s’insurge contre ce qui lui déplaît et s’organise en groupe de pression.

Ce faisant, l’islam investit la sphère publique mais, surtout, il se heurte à d’autres pratiques, à d’autres traditions, à d’autres héritages. Il inquiète la part de la population non musulmane qui craint de subir à terme l’opprobre de la mécréance. Déjà, ses enfants mangent hallal contre leur gré, doutent des bien-fondés de la science, s’accommodent de la séparation des garçons et des filles, s’insurgent contre les œuvres représentant des femmes nues et fustigent l’homosexualité. L’islam, au quotidien, impose son droit, c’est-à-dire la distinction entre le licite et l’illicite, le hallal et le haram. L’État, face à lui, peine à dire ce qui peut être toléré et ce qui doit être proscrit.

Le combat voltairien contre les Églises est perdu. La religion n’est pas une opinion. Elle n’est pas une adhésion. Elle est d’abord une communion avec un principe supérieur qui transcende le quotidien de chacun des fidèles. La religion est, avec la Patrie, la seule cause pour laquelle on accepte de mourir. Les dirigeants de ce pays ne peuvent plus ignorer les combats qui s’engagent.

Le défi d'être Français

Price: 21,00 €

18 used & new available from 2,61 €


[1] « Abayas, burqa, attentat d’Arras… enquête auprès des musulmans sur la laïcité et la place des religions à l’école et dans la société », 8 décembre 2023, ifop.fr.

L’apaisement à tout prix, «traumatisme de guerre» de l’Occident

0

Le monde occidental a développé un rapport à la guerre dénué de nuance. L’apaisement à tout prix, dont la responsabilité reviendrait aux partisans de la paix, est l’illusion que vient révéler la guerre entre le Hamas et Israël.


L’identité libertaire incarnée par l’Occident boit la tasse dans un monde où elle n’est qu’une identité parmi d’autres. La croyance qu’un monde de paix est le monde dans lequel il faut vivre, n’est pas une croyance unanime et la douleur du monde occidental à prendre acte de cette réalité lui est intime, causée par ses propres traumatismes et d’un relent d’impérialisme de l’esprit. Car si revendiquer une pensée unique sur les notions de bien et de mal relève d’une forme traditionnelle d’impérialisme, combler les lacunes profondes de compréhension du mécanisme de pensée d’une autre civilisation par auto-identification est un piège moderne dans lequel les peuples occidentaux semblent aujourd’hui s’enfoncer, à leurs risques et périls.

La guerre entre Israël et le Hamas éclaire d’une lumière brutale l’état du monde occidental. L’ère des réseaux sociaux où la propagation de tout et n’importe quoi se fait à la vitesse de l’éclair est le nouveau nid de sentiments violents, creusant les clivages toujours plus profondément. Certains revendiquent le désir d’unanimité, d’autres voient leurs nuances étouffées, et quelques-uns tentent de rétablir des vérités dans un contexte chaotique.

Notre perception de la guerre a changé récemment

Et tandis que le Moyen-Orient voit plutôt clair dans les idéologies qui s’y confrontent, le tumulte occidental, entre manifestations violentes, leçons données au doigt mouillé et politiques d’apaisement menant au financement du terrorisme, laisse perplexe.

D’où vient ce traumatisme lié à la guerre ? Car la guerre est inhérente à toutes les civilisations et ce n’est que très récemment que sa perception a évolué en Europe. Pendant longtemps, elle était une source de fierté, un art théorisé au cœur de l’histoire des nations. Historiquement, l’initiation d’une guerre en Europe n’a jamais servi d’autre but que celui d’étendre une idéologie à un territoire. Cette réalité a toujours été au coude à coude avec l’évolution sociale, prenant des tournants historiques avec les Lumières, Calvin, le romantisme, les Révolutions conduisant à des changements profonds de perceptions. Peu à peu, l’humain a pris la place de Dieu au centre des considérations sociales. Après les abominations de la Deuxième Guerre mondiale dont le monde européen a été acteur et témoin, celui-ci s’engage à abandonner la guerre. Épuisé par le siècle écoulé, mais aussi relativement rassasié par ses accomplissements technologiques et son accès aux ressources naturelles permis par la colonisation, le monde européen engage sa renaissance autour d’une coopération qui, puisqu’économique, se veut saine et engageante. Pour autant, la décolonisation ne se fait pas par bonté d’âme, rappelant que l’impérialisme ne s’effondre pas en un jour. Des décennies de guerres de décolonisation laisseront à l’Occident un goût de honte et de dégoût à l’origine de son traumatisme menant peu à peu à la confusion idéologique actuelle.

A lire aussi: Éric Zemmour: «C’est la même guerre de civilisations qui brûle Kfar Aza et Crépol»

L’Union européenne, si elle a réussi l’exploit de reconstruire sur des cendres, a oublié que la guerre restait une réalité du reste du monde. L’Occident s’enfonce involontairement dans ses propres mécanismes, réclamant un monde pacifié aux idéaux uniformes, oubliant qu’il lui a fallu deux millénaires pour adopter cet idéal. Deux millénaires de guerres au prix du sang de son propre peuple et de révolutions intellectuelles initiées, elles aussi, par son propre peuple. Aucune douleur ou croyance idéologique ne peut être imposée à d’autres civilisations aux croyances différentes.

Ainsi, l’Occident infantilise le conflit Israël-Hamas, appelant à sa fin sans trop préciser laquelle et en agitant l’index dans toutes les directions, au lieu de s’inquiéter du contexte dans lequel elle s’inscrit. Car cette guerre n’est pas un épiphénomène mais le résultat d’une stratégie d’influence d’ampleur menée depuis des années par la République islamique d’Iran. L’idéologie des Frères musulmans est très vivante, et vise à faire renaître de ses cendres l’empire du Califat, en conquérant des territoires pour instaurer des régimes dictés par la charia, et ce au nom de Dieu. L’Occident, peinant à concevoir une idéologie conquérante au nom de Dieu, la marginalise, servant ainsi la cause du conquérant.

Peu d’écho en Occident au mouvement “Femme, Vie, Liberté”, malheureusement

À l’heure où la confusion idéologique est à son maximum, où des débats sordides s’ouvrent en permanence sur autant de mensonges qu’il existe de faits historiques et contemporains, on pourrait s’attendre à un sursaut non équivoque des défenseurs de la liberté.

La République islamique d’Iran est un régime qui fait régner la terreur au sein de son peuple jour après jour. Exécutions arbitraires, pendaisons, torture, coups de fouet sont infligés à ceux qui ont le malheur de ne pas se plier aux lois liberticides. Son idéologie sanguinaire ne représente pas son peuple. Depuis la mort de Jina Mahsa Amini, le cri du peuple iranien résonne plus fort avec le mouvement “Femme, Vie, Liberté” et pourtant, ce cri ne trouve que peu d’écho dans les politiques occidentales. Pourquoi ? L’acceptation de l’idéologie conquérante semble acceptée uniquement lorsqu’elle reste cantonnée au Moyen-Orient, une région pour qui l’Occident n’a que de faibles attentes, laissant ainsi les peuples d’Iran, du Yémen, du Liban et de Syrie face à leur sort.

Manifestations de joie, Téhéran, Iran, 7 octobre 2023 © Sobhan Farajvan/PACIFIC P/SIPA

Parallèlement, Israël ne peut pas se permettre le luxe de vivre dans le déni des menaces existentielles ni celui d’adopter un idéal démilitarisé, puisque son existence et celle de la survie du peuple juif en dépendent. N’oublions pas que l’attaque du 7 octobre dernier survient quelques semaines avant ce qui aurait dû être l’accord de paix historique entre Israël et l’Arabie Saoudite. Cet accord aurait porté un coup ultime à la légitimité de la République islamique d’Iran et aurait affaibli encore davantage sa capacité à rester au pouvoir.

A lire aussi: Frappe à Beyrouth: «L’absence de réaction officielle israélienne permet au Hezbollah de « modérer » son discours»

On retiendra avec quelle efficacité la guerre entre le Hamas et Israël est venue faire rayonner les points faibles de l’Occident, laissant planer le doute sur sa posture de gardien des libertés. Tandis que la Jordanie et Israël procèdent à des attaques ciblées contre les bases liées à la République islamique d’Iran et ses proxies, avec les récentes frappes au Liban et en Syrie menant respectivement à l’élimination d’un haut commandant du Hezbollah, du numéro 2 du Hamas et de trafiquants de drogues liés à l’Iran, la prise de mesures par l’Occident se fait elle, toujours attendre. Au contraire, on observe tristement que l’utilisation d’otages comme outils commerciaux et actifs monétaires, semble être une stratégie qui continue d’être confortée. Depuis le 7 octobre, des milliards de dollars ont été débloqués en faveur de la République islamique d’Iran via la levée de sanctions[1], allant à contre-courant de ce qui devrait être la mise en place de stratégies fermes pour la survie des idéologies portées par l’Occident.


[1] https://www.foxnews.com/politics/critics-slam-biden-admin-waiver-gives-iran-access-10-billion-fund-absolutely-outrageous

Le véritable coût des embouteillages, un réquisitoire contre la ville de Paris

Le développeur de systèmes de navigation TomTom vient de publier son traditionnel classement annuel des grandes villes les plus embouteillées au monde. Il en ressort un véritable camouflet de la politique menée par la mairie de Paris.


La capitale française, dont la situation s’est encore dégradée en 2023 par rapport à 2022, est la deuxième ville au monde où les émissions de CO2 résultant des embouteillages sont les plus élevées et aussi la deuxième ville au monde où les coûts des embouteillages sont les plus élevés pour les automobilistes.

Dans l’indifférence presque générale et avec une dose de fatalisme assez incroyable des usagers, les embouteillages dans les grandes agglomérations sont devenus une calamité. Pour l’environnement d’abord, en augmentant considérablement la consommation de carburants et donc les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique. Pour l’économie ensuite, en gaspillant des dizaines de milliards d’euros en heures perdues et en dépenses inutiles par des millions de personnes. Enfin, en termes d’inégalités sociales et territoriales, qu’ils creusent, et aussi de santé publique en affectant les personnes qui les subissent.

C’est ce que démontrent année après année les classements objectifs, car sans intentions politiques, effectués par le développeur de systèmes de navigation TomTom. Son traffic index analyse les données récupérées dans 387 villes dans le monde dans 55 pays et sur six continents. Il prend en compte le temps passé pour se déplacer, les émissions de CO2 et le coût des carburants.

Un classement catastrophique pour Paris en termes d’émissions de CO2 et de coûts

TomTom vient de publier le 10 janvier sa dernière étude qui porte sur l’année 2023. Il en ressort que les villes où les conducteurs perdent le plus de temps en moyenne dans les embouteillages sont dans l’ordre: Dublin (158 heures), Lima (157 heures), Mexico (152 heures), Bucarest (150 heures) et Londres (148 heures). Paris n’est pas loin en neuvième position avec 120 heures, et affiche surtout des classements catastrophiques dans les domaines des émissions de gaz à effet de serre et des coûts de leurs déplacements pour les automobilistes.

A lire aussi, Eddy Royer: À Paris, petits arrangements avec la laïcité

En France, sur 25 villes analysées 10 ont enregistré l’an dernier un allongement des temps de transport en voiture. Sans surprise, Paris est la ville la plus embouteillée et la situation continue de se dégrader. Dans le centre-ville de la capitale et aux heures de pointe, un automobiliste a ainsi perdu en moyenne 120 heures dans les bouchons en 2023, l’équivalent de cinq journées… Par rapport à 2022, c’est 11 heures gaspillées de plus. Et cela est sans surprise désastreux en termes d’émissions de gaz à effet de serre, en dépit des affirmations contraires de la municipalité parisienne. Dans la capitale, les embouteillages engendrent en moyenne 344 kilos d’émissions de CO2 par automobiliste par an. Cela signifie que les émissions liées à Paris aux embouteillages contribuent pour 30% au bilan carbone total des trajets domicile-travail.

Bordeaux, Lyon et Nantes, les autres mauvais élèves français

À quelques mois seulement des Jeux Olympiques, la capitale française est ainsi la deuxième au monde pour les émissions de CO2 par véhicule aux heures de pointe juste derrière Londres avec 1.115 kilos par an pour une voiture à essence et 1.076 kilos pour une diesel sur un trajet quotidien de 10 kilomètres domicile-travail aux heures de pointe. En termes de coûts, la situation est la même. Paris est la deuxième ville au monde derrière le mini territoire de Hong Kong pour ce que l’automobiliste doit débourser pour effectuer…

>> La fin de l’article est à lire sur le site de la revue amie « Transitions & Energies » <<

La pétitionnite, une grave maladie

Nous sommes confrontés à un petit monde qui ne sait plus où donner de la pétition et s’illusionne sur son importance, son influence, son aura.


Le remaniement se fait attendre. Arrivera-t-il enfin ? Sophie Coignard, dans le Point, évoquait « le caractère toxique du remaniement » en enjoignant au président de la République de se décider une fois pour toutes au lieu d’atermoyer. Qu’il se produise ou non[1], cette période pousse jusqu’à la caricature ce que j’ai dénoncé dans mon billet du 5 janvier 2024. Il préside, nous attendons… Je pourrais continuer sur ce registre en espérant la fin de ce sadisme présidentiel, pour le gouvernement et les citoyens. Il est tout de même surprenant que le dessein politique soit si peu consistant que toutes ces péripéties semblent désordonnées. Ou faut-il considérer que les calculs politiciens l’emportent sur l’intérêt du pays ? Maintenant que le pays, après les fêtes de fin d’année, va reprendre ses activités, il n’est pas interdit, juste avant les choses sérieuses qui ne vont pas manquer de nous solliciter, de s’accorder un petit moment de dérision. Non pas que dans le fond l’affaire Depardieu ne soulève pas des interrogations fondamentales mais force est de reconnaître que ces dernières, la plupart du temps, ont été noyées dans le ridicule d’une pétitionnite aiguë. Nous en sommes pour l’instant à quatre pétitions.

A lire aussi: Le député islamo-gauchiste, les «dragons célestes» et le «dog whistle»

Vite : un Oscar pour Jacques Weber !

La première dans Le Figaro, en faveur de l’acteur, et à l’initiative de Yannis Ezziadi. Il est avant tout reproché à ce comédien d’écrire occasionnellement dans Causeur, qui n’a rigoureusement rien de la publication d’« extrême droite » évoquée çà et là. Avec le pluralisme de pensée inspiré par la passion de la liberté d’expression de ce magazine, une telle qualification, en effet, est purement grotesque !

Cette pétition à force est devenue exsangue, tant de personnalités ayant retiré leur signature par peur, par lâcheté, par une réflexion tardive… Il ne va bientôt plus rester que celle de son inspirateur ! Ces retraits, repentances, contritions, ne donnent pas une belle image du milieu culturel et de son courage. Le record est indiscutablement pour Jacques Weber qui a osé affirmer que l’avoir fait signer était « un autre viol » ! Les trois autres pétitions, dans des registres à peine différents, sont hostiles à la cause de Gérard Depardieu. On ne comprend pas pourquoi il était nécessaire de les multiplier, sinon par un narcissisme qui n’a pas de limites et consiste à croire qu’apposer son nom à la fin d’un texte va le rendre forcément digne d’intérêt et convaincant. Sans rire, on est confronté à un monde qui ne sait plus où donner de la pétition et s’illusionne sur son importance, son influence, son aura. Ou alors, comme l’a souligné Pascal Praud dans le Journal du Dimanche, c’est pour certains un moyen de se faire connaître et de sortir d’une ombre artistique pour entrer dans une infime lumière médiatique. Il n’est pas impossible que dans les prochains jours nous en ayons une cinquième ! Tout de même, quelle étrange perversion que celle de cette tradition de pétitionnisme à la française ! Ses ressorts sont d’abord de narcissisme, de surestimation de soi, comme si singulièrement ou collectivement il y avait là des personnalités, des fonctions, des activités qui garantissaient comme par magie la lucidité de la pensée et la justesse du point de vue. Il y a aussi une forme de paresse intellectuelle qui incite un groupe à valider (souvent sans le lire) un texte écrit par un seul et à donner ainsi l’apparence d’un travail commun quand ces exercices pétitionnistes relèvent plus des moutons de Panurge que d’autre chose. Enfin, avec ces prises de position répétées sur tout et n’importe quoi, les artistes qui en ont fait une véritable industrie se parent d’un engagement qui les fait passer pour des guerriers de papier et démontre qu’ils ne sont pas médiocres puisqu’au moins ils viennent à tout bout de champ nous imposer leur signature alors qu’on ne leur a rien demandé.

Le ridicule ne tue pas, même Patrice Leconte !

Ils ne comprennent pas que leur omniprésence sur les libelles, les soutiens, les dénonciations, les pétitions enlève tout impact en réalité à leur ostentatoire implication. La rareté d’une Catherine Deneuve, par exemple, sera infiniment plus persuasive que la profusion de bien d’autres ! La pétitionnite est en effet une grave maladie qui constitue pour quelques-uns une activité à plein temps, d’autant plus qu’elle peut se diversifier.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Kompromat à la française

Les artistes de gauche, l’univers du progressisme culturel ne s’étaient pas encore assez ridiculisés avec l’interminable feuilleton Depardieu. Il convenait qu’ils en fissent davantage en appelant à une « marche citoyenne » contre la loi Immigration. Les motivations de ces démarches sont du même ordre que pour les pétitions. Principalement la certitude qu’on a besoin d’eux, qu’on les espère, qu’on les attend pour savoir, nous le commun des citoyens, ce qu’il faut penser, quoi stigmatiser, quoi célébrer, et qu’ils sont des phares irremplaçables. Alors que non seulement leur avis tellement prévisible glisse sur nous sans nous troubler le moins du monde mais qu’il emporte probablement chez beaucoup un effet contraire : se méfier de ce que ces engagés de simulacre et de pacotille nous incitent à choisir. Cela va devenir un critère capital pour nos goûts, nos répugnances, nos hostilités et nos admirations artistiques et culturelles : nous aurons un préjugé très favorable pour ceux qui ne signeront aucune pétition. Qui ne croiront pas pouvoir entraver notre liberté.


[1] Le 8 janvier à 18 heures 30 on a appris la démission de la Première ministre et de son gouvernement. Dans sa lettre, Elisabeth Borne a sans équivoque manifesté qu’elle partait à la demande du président de la République. Gabriel Attal a été nommé Premier ministre le 9 à midi.

Luz ou Marsault, il faut choisir

Quelle déception! La nouvelle BD de Luz, Testosterror, donne dans le politiquement correct le plus navrant.


Pas rancunier pour deux sous, quelques années après avoir échappé à l’attentat contre Charlie Hebdo dans lequel périrent ses collègues et amis, le dessinateur Luz jugea approprié d’adapter en BD le roman Vernon Subutex, de Virginie Despentes, la même Virginie Despentes qui, dès le surlendemain de l’attentat, avait écrit un papier dans Les Inrocks pour déclarer son amour aux frères Kouachi, « ceux qui avaient décidé, à leur façon, la seule qui leur soit accessible, de mourir debout plutôt que de vivre à genoux », et qualifier leur geste meurtrier « d’acte héroïque ».

À lire aussi, Cyril Bennasar: Un dessin qui dérange

Les mois que Luz a passés dans les parages de Mme Despentes n’ont pas été inutiles et lui ont ouvert les yeux – mais pas dans le sens qu’on croit :« Il faut que je “dé-male gaze” mon propre travail », déclare-t-il aux Inrocks à l’occasion de la sortie de Testosterror, une BD dans laquelle il « épingle la masculinité toxique ». Car Luz a pris conscience que son dessin était « un peu trop masculin ». La preuve : « Je dessinais de petits nez aux femmes. » Une scène originelle est à la source de ce travail de démasculinisation, explique-t-il à L’Obs :« J’étais en train de pisser et j’avais laissé la porte ouverte. Ma fille me l’a fait remarquer. Et en fait, mon grand-père faisait exactement la même chose […], une manière de mettre son patriarcat en plein milieu de la famille. »

A lire aussi : Wokisme : la leçon du poulailler

Donc, Testosterror : un virus provoque la chute du taux de testostérone chez les hommes ; des mâles « radicalisés » entrent en résistance ; Jean-Patrick se détache du mouvement masculiniste pour découvrir sa part de féminité. L’album est présenté comme « une comédie satirique hilarante qui déconstruit l’homme d’hier pour inventer l’homme de demain ». C’est curieux, mais il existe actuellement une excellente BD qui, au contraire, déconstruit « l’homme de demain » à grands coups de tartes virilistes dans la tronche et célèbre l’homme auréolé de toute sa puissance hormonale. Le recueil des meilleurs dessins de Marsault pour la revue Furia est en effet disponible et, à l’inverse du machin woke de Luz, nous le conseillons très vivement.

Testosterror

Price: 29,90 €

25 used & new available from 20,92 €

La Furia Hors série Marsault: Fort comme une bête, libre comme un Dieu

Price: 12,90 €

4 used & new available from 12,90 €

L’impossible mission de Gabriel Attal

0

Le nouveau chef du gouvernement n’est pas seulement le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la République, il est aussi le produit de son milieu et de sa famille politique d’origine.


Il aura fallu sept ans pour qu’Emmanuel Macron, face au récif du RN, vire de bord. La question est de savoir s’il n’est pas trop tard pour éviter le naufrage. Le capitaine du Titanic n’avait pu le détourner à temps de l’iceberg.

Modernité ou jeunisme?

La nomination de Gabriel Attal comme Premier ministre, avant-hier, se veut symbolique d’une modernité juvénile et d’un « effet waouh », si prisé par la Macronie. Mais sa mission, imposée dans l’urgence, semble impossible. Le chef de l’Etat a invité l’habile communicant, 34 ans à « mettre en œuvre le projet de réarmement et de régénération » annoncé dans ses vœux, ceci dans « la fidélité à l’esprit de 2017 : dépassement et audace ». En réalité Attal de Couriss (particule maternelle qu’il avait naguère rajoutée), enfant bien né d’une haute bourgeoisie parisienne progressiste, aura le courage des idées des autres. C’est d’ailleurs la caractéristique de cette gauche convertie au réalisme, qui tente en urgence de quitter en douce les chimères des idéologies pour s’approprier les thèmes de la droite pragmatique. Déjà, dans les années 70, le gauchisme de l’époque (André Glucksmann, Claude Lefort, Cornélius Castoriadis, etc.) avait su récupérer le combat antitotalitaire longtemps mené sous les injures par la seule droite anticommuniste.

À lire aussi, Gabriel Robin: Gabriel Attal: jeune Premier

Dans tous les cas de figure, un socialisme à bout de souffle court après la modernité. Or l’histoire qui s’écrit ne puise rien dans le vide bavard de la majorité présidentielle, uniquement soucieuse de sa survie.

Un discours de passation de pouvoir aux accents populistes

Attal a un talent politique. Son passage à l’Éducation nationale (cinq mois) a été remarquable par les quelques décisions immédiatement appliquées (abaya, renvoi des élèves harceleurs, classes de niveau, etc). Mais quand Gérald Darmanin souligne qu’il veut, lui, « finir le travail qu’il a commencé », le ministre de l’Intérieur souligne en creux le maigre bilan de l’ambitieux qui lui a brûlé la priorité à Matignon. Le Premier ministre sera jugé aux actes. De ce point de vue, un préalable vote de défiance parlementaire, demandé par LFI, n’aurait pas de sens. Reste que son abandon de poste, alors que l’École s’effondre, ne fait pas apparaître une sincérité. Lors de la passation de pouvoir avec Elisabeth Borne, Attal a aligné les mots des « populistes », cette engeance qui répugne Macron, avant de filer auprès des inondés du Pas-de-Calais. Il a parlé des « classes moyennes », assuré qu’il fallait « garder le contrôle de notre destin », « renforcer la souveraineté nationale, celle de l’Europe, en maîtrisant notre immigration », etc.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Une idée folle: réinventer l’école!

Néanmoins, Macron reste le vrai Premier ministre, dans une Ve République claquemurée qui redoute d’avoir à se confronter au peuple. Contrairement à ce qu’affirme la Macronie, les questions économiques et sociales ne sont pas l’essentiel. Les priorités des Français sont, selon un sondage du Parisien1, le pouvoir d’achat (48%), la sécurité (39%), l’immigration (37%). La jeunesse d’Attal ne peut faire oublier le vieux monde sclérosé dont il est le produit. Peut-on faire une politique de droite quand on est de gauche ? Il est permis d’en douter.

La fracture identitaire

Price: 22,00 €

21 used & new available from 2,23 €

Le réveil des somnambules

Price: 20,00 €

17 used & new available from 2,38 €

  1. https://www.leparisien.fr/politique/notre-sondage-sur-ce-que-veulent-les-francais-pouvoir-dachat-securite-et-sante-en-tete-des-priorites-07-01-2024-6Q7PXD5MTZDEPASSIVAHA4OQAM.php ↩︎

Le doute est le sel de l’esprit

0

L’autobiographie « méditante » de Nathan Devers fait forte impression; le jeune philosophe y revient sur ce « grain de sable » venu s’immiscer dans la mécanique bien huilée de sa foi…


En 2022, avec son roman Les Liens artificiels, Nathan Devers réussissait le tour de force de créer une œuvre qui plut à un très vaste public – y compris parmi les plus jeunes – tout en étant saluée par la critique pour la justesse de son ton, la poésie de son style et la lucidité de son propos. Dans un monde qui avait apprivoisé le métavers on y découvrit une population composée de solitudes connectées et séparées. C’est un tout autre genre que l’auteur explore avec Penser contre soi-même paru le 3 janvier. Non plus roman ni dystopie mais une méditation autobiographique ou une autobiographie méditante qui n’est pourtant tenue par l’exactitude d’aucune chronologie. Cette dernière n’est qu’un chaos d’événements accumulés mais, en eux-mêmes, sans queue ni tête tandis que c’est la temporalité de sa conscience et de son cheminement intérieur que Nathan Devers ambitionne de recréer. D’une foi incandescente et d’une vocation de rabbin à un athéisme revendiqué ; d’une adolescence plongée dans l’exégèse de la Torah à une vie d’adulte consacrée entièrement à la littérature et à la philosophie. Que s’est-il passé ? Quel est ce grain de sable qui s’est immiscé dans la mécanique bien huilée de la foi?

Régénération pas désenchantée

N’y voyez pas trop vite un changement superficiel, un nouvel aiguillage sans incidence profonde comme si au lieu de partir étudier telle discipline il en avait choisi une autre. C’est d’un bouleversement complet d’une personnalité, d’une mort partielle et d’une nouvelle naissance, d’une sorte de génération de soi dont il s’agit ici et qui engage jusqu’à la possibilité de trouver -ou non- un sens à son existence même. Le petit grain de sable qui fait tout basculer a bien des noms : doute, incertitude, remise en question, dégoût du dogmatisme et du repli sur une communauté qui se tient quitte de toute interrogation de ses propres dogmes, désir de penser tout de nouveau dès les fondements en se débarrassant des oripeaux des réponses toutes faites et des solutions trop faciles. Ce revirement, ce “non” franc et net aux dogmes du judaïsme, à la croyance en Dieu qui remédierait à l’absence de signification de notre existence est, on le sent à la lecture, aussi bien déterminé par les insuffisances objectives de la religion que par les exigences intérieures du philosophe. Ce n’est pas seulement parce que les Juifs de son nouveau lycée cultivent un entre-soi morbide, haineux et stérile ni parce que tel rabbin, aussi brillant soit-il, se plaît, par des pirouettes logiques, à esquiver les questions essentielles, tel un sophiste aguerri, que Nathan Devers change de boussole existentielle : c’est aussi et surtout parce qu’il éprouve en lui-même, comme une exigence de probité intellectuelle, la nécessité de douter des idées qu’il n’est pas capable de fonder par lui-même. C’est peut-être parce qu’il préfère l’absence de boussole à celle, mal réglée, du dogmatique si sûr de lui.

L’écrivain et chroniqueur français Nathan Devers © Pascal Ito Albin Michel

On sent alors la présence et la prégnance des penseurs qui nourrissent sa propre méditation. Cela fait bientôt dix ans qu’il butine chez tous les plus grands. Les philosophes ne sont pas invoqués dans son texte comme les nouvelles autorités auxquelles se fier, nouveau dogmatisme subreptice; ils sont plutôt invités dans son texte comme des amis qui, avant lui, ont tous partagé l’universalité d’une démarche, de la démarche philosophique par excellence consistant à douter des évidences reçues et si facilement susceptibles d’être inculquées par un milieu social auquel on adhère en toute confiance. De la réfutation mise en place par Socrate des opinions reçues de ses interlocuteurs infatués de leur semblant de savoir à la méthode cartésienne enjoignant de douter radicalement de tout; de la remise en question de la valeur des valeurs par Nietzsche aux fameuses formules d’Alain “Penser c’est dire non” et “Le doute est le sel de l’esprit” nous saisissons que la philosophie est bien moins la pluralité des doctrines que l’unicité d’une exigence qui consiste à remettre sans cesse, infatigablement, sur le métier la question de la vérité des idées et des doctrines reçues. On passe de la certitude d’être sur le bon chemin à l’inquiétude permanente, à l’angoisse d’errer. Du dogme au doute. À condition de comprendre que le doute, loin d’être un mol oreiller, ne doit pas être compris comme le confort intellectuel du malin qui ne prend ni la peine ni le risque de se fier à quelque idée mais bien l’aiguillon de celui qui cherche le vrai en se méfiant de toutes les idoles.

Nathan-doutant a tué Nathan-croyant

Cette méditation, cette autobiographie est finalement le récit de toutes les séparations: d’avec une religion, d’avec une communauté, d’avec des traditions, des rites, des coutumes, des habitudes, d’avec une histoire, d’avec Dieu enfin. Séparation de soi d’avec soi surtout; expérience de l’altérité : en ce que, par une schizophrénie atténuée, Nathan-doutant a tué Nathan-croyant, en ce qu’il a mis au centre de sa vie la recherche d’une conscience lucide. Mais une conscience lucide est précisément séparée de ses propres contenus mentaux qu’elle juge sans concession, autant que faire se peut. Nathan Devers fait finalement un pied de nez aux déterminismes trop faciles. Notre existence a la possibilité d’être autre chose, comme il le dit, qu’un épiphénomène de notre naissance avec toute la cohorte de ses déterminations plus ou moins insidieuses (sociales, historiques, culturelles). Cette histoire est universelle; c’est l’expérience d’un recommencement, d’un revirement, d’une reprise mais qui restera toujours en quête d’un sens pour l’existence humaine.

Penser contre soi-même: Prix Cazes - Brasserie LIPP 2024

Price: 20,90 €

23 used & new available from 10,35 €

Le wokisme a atteint sa limite, mais il creuse encore

Pour notre chroniqueur, le wokisme est source de satisfactions journalières. Au moment où l’on croit qu’il ne peut pas se dépasser dans l’absurdité, l’inculture et, en un mot, le fascisme, il pulvérise sans cesse ses limites. Dernier avatar en date, la « culture du viol » transmise par le cinéma. Et les autres arts alors, ils comptent pour des prunes ?


Qui connaît Iris Brey ? Elle est, dit Le Monde1 (qui n’en finit plus de glisser sur la pente vaselinée du Grand N’importe Quoi) « autrice, critique et réalisatrice » : quand on porte ainsi plusieurs casquettes, c’est qu’on n’en mérite pas une. En fait de réalisatrice, cette aimable personne est une journaliste spécialisée dans la représentation du sexe au cinéma : elle sera d’ici peu maître de conférence dans une fac marginale, où elle occupera une chaire que d’autres auraient mieux méritée. En tout cas, elle est experte en glissements progressifs de l’insinuation. Après avoir évoqué Harvey Weinstein, puis Ronan Farrow (l’homme qui aime tellement sa mère qu’il prête à son ex-beau-père, Woody Allen, des comportements sur lesquels le FBI a enquêté par deux fois en vain), et enfin « l’ogre » Depardieu, qui incarnait, paraît-il, « une figure paternelle aimée », elle arrive au cœur de son sujet : le cinéma — tout le cinéma — est un acteur majeur de la « culture du viol ».

Dénonciation obligatoire

« Le cinéma est l’un des endroits où se fabrique la culture du viol et de l’inceste, parce qu’il dépeint majoritairement les agressions sexuelles du point de vue de l’agresseur comme un jeu, ou comme un moment érotique », dit-elle. Et de citer bien sûr Les Valseuses, où pourtant ni Miou-Miou ni Isabelle Huppert ni Brigitte Fossey ne boudent leur plaisir. Mais justement, c’est cela, le « male gaze », le « regard masculin ». Une femme ne filmerait pas de telles scènes de cette façon. Ou peut-être que si, les femmes étant leurs pires ennemies. Rappelez-vous La Leçon de piano de Jeanne Campion, Palme d’or à Cannes en 1993 (et palme aussi pour l’héroïne, interprétée par Holly Hunter). Les féministes professionnelles y perdent leur latin, parce que la réalisatrice est infiniment talentueuse, et ne se laisse pas enfermer dans la dénonciation obligatoire du viol.

A lire aussi, Yannis Ezziadi: Affaire Depardieu, la revanche des minables

C’est que des scènes de viol, au cinéma, il y en a quelques-unes. On se souvient, dans le Dernier tango à Paris, de cette extraordinaire publicité pour le beurre sans sel. Mais la plus féministe a, bien sûr, été filmée par un homme — Sam Peckinpah dans Croix de fer, où la violée (russe) coupe le sexe du violeur (allemand) d’un coup de dents.

Mais pourquoi s’arrêter au cinéma ? Les Liaisons dangereuses comportent une scène décisive entre Valmont et la toute jeune (circonstance aggravante, me dirent mes élèves — mais elles appartenaient déjà à cette génération qui a laissé l’intelligence au vestiaire) Cécile de Volanges. Quant à La Marquise d’O, de Heinrich von Kleist (1808 — le film qu’en a tiré Eric Rohmer en 1976 était une petite merveille, dans son traitement même de la scène du viol), le récit entier tourne sur l’enfant issu de ce viol, dont la mère cherche à retrouver l’auteur.

Ce n’est pas en montrant des viols qu’on incite au passage à l’acte

Il y a même des œuvres où le violeur tue la violée pour qu’elle ne parle pas — voir Maupassant et La Petite Roque. Et on fait lire ça à des enfants ?

A lire aussi, Barbara Lefebvre: Viols du 7 octobre: féministes, où êtes-vous?

Pourquoi s’arrêter là ? Le Bernin, le fabuleux sculpteur italien du début du XVIIe, a réalisé L’Enlèvement de Perséphone, où la belle n’est manifestement pas d’accord : suggérons à la Galerie Borghese, à Rome, de la déplacer dans les réserves — ou de la détruire à coups de masse. D’ailleurs, des enlèvements de belles personnes par des dieux concupiscents, la mythologie en est remplie — à commencer par Europe : oui, celle qui a donné son nom à notre continent se fit enlever sauvagement par un dieu déguisé en taureau. Une métaphore, sans doute… Chez Rubens, elle semble protester. Mais dans la version de Jordaens (1643), elle a l’air d’aimer ça, la gueuse ! Elle attend avec impatience, entourée de jolies femmes fessues et fort dénudées. Ils attendent quoi, au musée des Beaux-Arts de Lille, pour déposer la toile dans les combles ?

Bien sûr, toute la culture joue à frôler l’indicible. C’est même ce qui la constitue en tant que culture, et ce qui la distingue des pseudo-civilisations acculturées qui s’indignent dès qu’on leur montre des femmes nues — voir l’analyse d’Elisabeth Levy sur cette stupidissime affaire du collège Jacques-Cartier d’Issou. Ce n’est pas en montrant des viols que l’on incite à passer à l’acte, c’est en interdisant toute représentation : que je sache, à Hambourg ou Cologne pour le Saint-Sylvestre 2015-2016, les 2000 hommes qui ont agressé près de 1200 femmes n’étaient pas des Allemands gavés de bière, de choucroute et de films cochons. Mais le wokisme se nourrit d’indignations et d’incitations à l’interdiction. Il est la résurgence contemporaine des autodafés nazis et autres bûchers des vanités. Espérons que d’ici peu ces nouveaux gauleiters finiront comme Savonarole.

  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/06/affaire-depardieu-le-cinema-est-un-des-endroits-ou-se-fabrique-la-culture-du-viol_6209414_3232.html ↩︎

La RATP a-t-elle voulu annuler Noël?

0
DR

La RATP aurait interdit à ses agents de souhaiter un joyeux Noël aux usagers.


Nous écrivons « aurait », au conditionnel, mais d’ailleurs la RATP n’ayant pas démenti, on pourrait tout à fait employer l’indicatif.

C’est une information sortie par Valeurs actuelles. Un kit de communication a été adressé au mois de novembre aux agents de la RATP par la direction de la ligne A du RER sur les animations de Noël. Oh pardon ! pour les aider à « véhiculer auprès des voyageurs un esprit de fête en partageant avec eux des moments de convivialité ». Une convivialité très surveillée. Dans la même note, on apprend effectivement que certains mots sont bannis. Mots et thématiques sont d’ailleurs partagés en deux colonnes : acceptés/proscrits.

La RATP dit ne vouloir discriminer personne

Ce qui est interdit, évidemment : « Joyeux Noël », la crèche, Jésus ou le calendrier de l’Avent. Mais, vous pouvez dire en revanche « Joyeuses fêtes de fin d’année », parler du Père Noël, des lutins de Noël (!), des rennes ou des cadeaux. L’arbre de Noël est aussi autorisé, mais on ne sait pas si le sapin est casher…

A lire aussi, Gabriel Robin: Gabriel Attal: jeune Premier

Sollicitée par le Figaro[1], la Régie répond qu’en tant qu’entreprise publique, « elle applique les principes de laïcité, de neutralité religieuse et de non-discrimination », et qu’elle interdit donc « les termes et symboles religieux ». Joyeux Noël, c’est religieux, mais pas le père Noël ou les lutins de Noël ? Ils n’ont pas compris que c’est le mot « Noël » qui renvoie à la naissance de Jésus et du christianisme. Tout cela n’est pas bien cohérent ! Passons.

La RATP n’est pas un cas isolé. Plusieurs entreprises et municipalités ont également banni « Joyeux Noël » cette année. Songez au grotesque Voyage en hiver de Nantes[2] qui, d’après les commerçants, n’a pas eu un franc succès.

Mais dans un pays laïque, il est normal de proscrire les symboles religieux, dira-t-on

Sauf qu’il ne s’agit pas de symboles religieux. Même les crèches. Je ne suis pas catholique, et moi cela ne me gêne nullement de voir une crèche. Le catholicisme n’est pas une religion parmi d’autres dans notre pays : c’est le substrat culturel de tous les Français, une part de notre identité collective. C’est notre histoire à tous. C’est aussi ça l’assimilation : se sentir héritier d’une histoire et d’une culture commune, d’où qu’on vienne. Et c’est ce que refusent le séparatisme islamiste et l’extrême-gauchisme. Chacun sa vie, chacun son histoire. Bien sûr, eux ils appellent ça le « vivre-ensemble ».

A lire aussi, l’éditorial d’Elisabeth Lévy: Justice pour Actéon!

Bien entendu, ce qui guide toutes ces circonvolutions sur Noël, c’est la peur de froisser les musulmans. Or, les musulmans qui adhèrent aux valeurs et mœurs françaises n’ont aucun problème avec Noël. Il y en a même certains qui le fêtent. Ceux que Noël offusque sont précisément les séparatistes, les adeptes d’un islam identitaire ou politique. On demande aux nouveaux arrivants s’ils acceptent l’égalité des sexes, l’homosexualité etc. – en tout cas on devrait. On pourrait ajouter l’acceptation de Noël dans les conditions pour s’installer en France. Encore faudrait-il que conditions il y ait.

La RATP, qui avait un temps été assez ferme contre les islamistes, veut sans doute ne pas nourrir l’obsession du deux poids – deux mesures. Elle se trompe. En matière d’identité, il doit y avoir un deux poids – deux mesures. La culture française a préséance en France.

Pour la « gauche diversitaire », expression de l’essayiste québécois Mathieu Bock-Côté, c’est le contraire : la culture majoritaire doit se faire toute petite, accorder aux Autres la domination, la préséance qu’elle avait exercée indûment… Cette volonté d’annuler Noël peut sembler dérisoire. C’est l’une des expressions du masochisme français. Vivement les vacances de Pâques !


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, après le journal de 8 heures.

[1] https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-ratp-a-t-elle-interdit-a-ses-agents-de-souhaiter-un-joyeux-noel-20240109

[2] https://www.causeur.fr/voyage-en-hiver-nantes-le-noel-de-joanna-rolland-ou-le-wokisme-pour-les-nuls-270270

Pour l’Afrique, le lobby gay a pris le pouvoir en France

0
DR.

La récente nomination de Gabriel Attal comme Premier ministre de la France à seulement 34 ans a captivé l’attention mondiale, non seulement en raison de sa jeunesse, mais aussi de son orientation sexuelle. Alors que la France se concentre sur ce nouveau chapitre politique du second quinquennat d’Emmanuel Macron, l’Afrique, majoritairement homophobe, pose un regard nuancé sur ce changement de leadership.


En Afrique, l’homosexualité demeure taboue et mal vue par une grande partie de la société qui accuse caricaturalement et faussement l’Occident de lui avoir importé « ce vice » sur son sol. Les gays et lesbiennes africain(e)s font d’ailleurs face à une véritable stigmatisation sociale, souvent obligé(e)s de cacher leur orientation par peur de représailles physiques. Les élites politiques, religieuses et coutumières condamnent elles aussi unanimement l’homosexualité sous toutes ses formes. Aujourd’hui encore, de nombreux pays refusent toujours de dépénaliser les relations homosexuelles. Certains, comme l’Ouganda ou le Nigeria, ont même récemment renforcé leur arsenal juridique anti-gay, s’irritant publiquement des pressions exercées par les ONG ou les alertes constantes des lobbies LGBTQ+ pointés du doigt pour leur « propagande intolérable ». 

L’annonce cette semaine  de la nomination comme nouveau chef de gouvernement de Gabriel Attal a soulevé des préoccupations quant à ses futures visites en Afrique. Selon le Dakar Times qui s’est fendu d’un long article sur le sujet, titrant sans ambages que le « lobby homosexuel avait pris le pouvoir en France », certains dirigeants africains pourraient être très frileux à l’accueillir, « de peur de subir les critiques de leur opinion publique locale ». « Les autorités politiques africaines qui accepteront de recevoir en visite officielle Monsieur Attal pourraient être accusées d’être des promoteurs des LGBT ou d’être homosexuels tout simplement » n’hésite pas à affirmer le jeune quotidien… 

A lire aussi: Viols du 7 octobre: féministes, où êtes-vous?

Le Dakar Times renchérit même en suggérant que la présence du nouveau Premier ministre français pourrait altérer les relations franco-africaines déjà sévèrement mises à mal depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron comme président de la République. L’incident au Cameroun, où l’ambassadeur français en charge des droits des LGBT a été déclaré persona non grata l’été dernier, témoigne de la résistance des pays africains à une approche qu’ils perçoivent comme intrusive et parfois contre-productive. Un écho aux remarques de diplomates étrangers qui se plaignent de la politique de promotion LGBTQ+ initiée par la France en Afrique. Dans un rapport daté de novembre 2023, la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française a vivement recommandé au gouvernement d’adapter les pratiques et les discours aux contextes locaux pour éviter de paraître ingérant. D’autant que, comme le souligne ce même document, les acteurs politiques locaux évitent généralement d’aborder publiquement le sujet, sauf pour le condamner. « (…) Il ne s’agit nullement d’accepter cette situation ni de renier nos valeurs, bien au contraire, mais d’adapter nos pratiques et nos discours aux contextes locaux pour les rendre audibles et acceptables par les populations locales, afin de ne pas agir, à l’étranger, comme si nous étions en France » peut-on lire dans le rapport.

Le Sénégal est un exemple en soi de cette homophobie généralisée en Afrique. Lors de la visite en février 2020 du Premier ministre canadien Justin Trudeau, le président sénégalais a expliqué sèchement que l’interdiction de l’homosexualité dans son pays « relevait de la spécificité culturelle de son pays ». « Organiser une gay parade (…), ce n’est pas possible parce que notre société ne l’accepte pas. La société, elle va évoluer, ça prendra le temps que ça prendra. (…) Chaque pays a son propre métabolisme » avait alors rappelé Macky Sall. Ancienne colonie française, le Sénégal a une justice répressive envers la communauté LGBTQ+ et s’appuie pour cela sur une ordonnance française de juin 1942 signée par le Maréchal Pétain, qualifiant les relations entre personnes de même sexe comme un « acte impudique ou contre nature ». Encore il y a peu, trois mois de cela, « le corps d’un jeune homme décédé, suspecté d’être gay, a été déterré et publiquement brûlé par une foule en colère ». Publiée sur les réseaux sociaux, la vidéo a suscité l’indignation générale contraignant la justice sénégalaise à ouvrir une enquête.

Pour le Dakar Times qui enfonce le clou, il est crucial pour la France de reconnaître la nécessité d’ajuster sa diplomatie aux réalités africaines, en évitant de projeter des valeurs qui pourraient être perçues comme étrangères. La première visite du Premier ministre Gabriel Attal en Afrique pourrait ainsi être un test déterminant pour les relations franco-africaines, mettant en lumière la délicate balance entre les droits humains et le respect des traditions locales.

La conquête tranquille

0
Interdiction de l’abaya à l’école. « La génération actuelle, devenue militante, ne vit pas l’islam comme un acquis mais comme une conquête et conteste sans retenue des règles fixées par la loi. » D.R.

En trois générations, les musulmans de France sont devenus de plus en plus religieux, et les jeunes encore plus ultras. Forts d’une démographie jouant en leur faveur, ils imposent sans mal leurs règles et leurs mœurs face à un État incapable de défendre les lois de la laïcité. Le combat voltairien contre les Églises est perdu.


Le sondage réalisé par l’IFOP pour la chaîne franco-arabe elmaniya.tv auprès d’un millier de musulmans de France[1] a le mérite de quantifier une impression générale partagée par tous ceux qui travaillent au contact de cette catégorie de la population, en particulier dans les quartiers d’habitat social. Les musulmans, s’ils sont de plus en plus nombreux, et pas uniquement à cause des migrations, sont aussi de plus en plus religieux. C’est une réalité que devraient méditer tous ceux qui pensaient que le drapeau de la laïcité suffirait à empêcher l’intrusion des religions dans l’espace public et la sphère des comportements.

L’islam en France s’inscrit dans l’extension plus générale du Dar al-Islam

Les enseignants en zone urbaine, eux, n’ont pas été surpris : une majorité de leurs élèves est musulmane. Et cette religion, quand elle est majoritaire, s’impose aux autres, au moins en matière d’attitudes. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’à la question posée de sa nationalité, l’élève réponde « je suis de nationalité musulmane ». Les élus de ces mêmes villes ne devraient pas être surpris non plus, dès lors qu’ils ont, pour de nobles raisons, laissé s’édifier, à proximité des « quartiers », des mosquées pouvant accueillir le vendredi des milliers de fidèles.

Ce que révèle l’étude, en revanche, c’est la communauté des opinions qui s’expriment pour évoquer les relations entretenues par l’islam avec les règles, explicites ou implicites, de la loi commune. À presque toutes les questions posées, les trois quarts des personnes sondées répondent de la même manière. Ainsi, malgré le caractère très fragmenté de la religion musulmane en France, une pensée commune émerge au nom de l’oumma, la communauté des musulmans. Cette pensée commune est d’autant plus forte qu’elle est cohérente. Elle considère que la religion prévaut sur le reste, quel qu’il soit, et que tout ce qui s’oppose à ses préceptes doit être prohibé. Elle admet même, dans les cas les plus extrêmes, qu’un acte violent puisse être justifié par une atteinte aux principes considérés comme sacrés.

En cela, l’islam en France s’inscrit dans un mouvement plus général, et d’une certaine façon planétaire, qui prône l’extension du Dar al-Islam à tous les pays où les musulmans sont présents. Cette guerre de conquête – ou de conviction – prend des formes très variées. En France, elle est à deux doigts d’être gagnée parce qu’elle ne trouve plus, face à elle, d’autre dogme religieux capable de la contredire. On lui oppose, à la place, un principe mal défini en droit et d’une application à géométrie variable : la laïcité. L’islam bénéficie par ailleurs d’une conjoncture particulièrement favorable, encouragée par les pouvoirs publics : celle de la démographie, en partie liée à nos modes de redistribution sociale, et celle de l’immigration, qui privilégie les ressortissants de pays musulmans (Maghreb, Turquie, Afghanistan).

Le deuxième enseignement de cette étude bat en brèche une idée répandue qui voudrait que l’élévation du niveau de culture et de richesse atténue la pratique religieuse. C’est le contraire que l’on constate. Les élites musulmanes sont plus pratiquantes et plus engagées que leurs grands-pères ouvriers de l’industrie automobile. Je ne suis pas loin de penser que le même constat pourrait être dressé chez les catholiques.

Nouvelle génération plus éduquée

L’islam est présent en France depuis trois générations. La première était ouvrière. Elle pratiquait un islam « domestique », dans une discrétion qui a pu faire croire aux observateurs peu avisés qu’un islam prétendument modéré pouvait être érigé en modèle. La seconde génération, devenue française, mais de mères souvent nées en terre d’islam, a fait sortir la religion des « caves » et des salles de prière pour l’introduire dans l’espace public. La troisième, qui s’exprime ici, est devenue militante. Elle ne vit pas l’islam comme un acquis mais comme une conquête. Elle conteste sans retenue des règles fixées par la loi.

Cette troisième génération a bénéficié de l’ascenseur social. Elle est française de parents français, mais alimente l’essentiel de l’immigration familiale en épousant des conjoints nés au Maghreb ou en Turquie. En son sein, c’est la part la plus éduquée qui revendique avec le plus de conviction son adhésion aux principes de l’islam. L’islam ne s’est pas sécularisé avec le temps. Il s’est conforté. Ses porte-parole du quotidien sont ingénieurs ou professeurs de lycée. Nous en connaissons tous.

Ces porte-parole font de la loi de 1905 une lecture différente de celle qui prévaut chez les non-croyants. Ils réclament tout à la fois l’égalité de traitement entre les religions, dans la négation d’une religion « historique », et des droits particuliers tirés des prescriptions religieuses. Toute tentative d’encadrement de la pratique est dès lors vécue comme une discrimination, en particulier chez les plus jeunes. Le monde musulman a adopté, de ce point de vue, les codes de la démocratie occidentale : il s’insurge contre ce qui lui déplaît et s’organise en groupe de pression.

Ce faisant, l’islam investit la sphère publique mais, surtout, il se heurte à d’autres pratiques, à d’autres traditions, à d’autres héritages. Il inquiète la part de la population non musulmane qui craint de subir à terme l’opprobre de la mécréance. Déjà, ses enfants mangent hallal contre leur gré, doutent des bien-fondés de la science, s’accommodent de la séparation des garçons et des filles, s’insurgent contre les œuvres représentant des femmes nues et fustigent l’homosexualité. L’islam, au quotidien, impose son droit, c’est-à-dire la distinction entre le licite et l’illicite, le hallal et le haram. L’État, face à lui, peine à dire ce qui peut être toléré et ce qui doit être proscrit.

Le combat voltairien contre les Églises est perdu. La religion n’est pas une opinion. Elle n’est pas une adhésion. Elle est d’abord une communion avec un principe supérieur qui transcende le quotidien de chacun des fidèles. La religion est, avec la Patrie, la seule cause pour laquelle on accepte de mourir. Les dirigeants de ce pays ne peuvent plus ignorer les combats qui s’engagent.

Le défi d'être Français

Price: 21,00 €

18 used & new available from 2,61 €


[1] « Abayas, burqa, attentat d’Arras… enquête auprès des musulmans sur la laïcité et la place des religions à l’école et dans la société », 8 décembre 2023, ifop.fr.

L’apaisement à tout prix, «traumatisme de guerre» de l’Occident

0
Combattants du Hezbollah, Khirbet Selm, Liban, 9 janvier 2024 © Hussein Malla/AP/SIPA

Le monde occidental a développé un rapport à la guerre dénué de nuance. L’apaisement à tout prix, dont la responsabilité reviendrait aux partisans de la paix, est l’illusion que vient révéler la guerre entre le Hamas et Israël.


L’identité libertaire incarnée par l’Occident boit la tasse dans un monde où elle n’est qu’une identité parmi d’autres. La croyance qu’un monde de paix est le monde dans lequel il faut vivre, n’est pas une croyance unanime et la douleur du monde occidental à prendre acte de cette réalité lui est intime, causée par ses propres traumatismes et d’un relent d’impérialisme de l’esprit. Car si revendiquer une pensée unique sur les notions de bien et de mal relève d’une forme traditionnelle d’impérialisme, combler les lacunes profondes de compréhension du mécanisme de pensée d’une autre civilisation par auto-identification est un piège moderne dans lequel les peuples occidentaux semblent aujourd’hui s’enfoncer, à leurs risques et périls.

La guerre entre Israël et le Hamas éclaire d’une lumière brutale l’état du monde occidental. L’ère des réseaux sociaux où la propagation de tout et n’importe quoi se fait à la vitesse de l’éclair est le nouveau nid de sentiments violents, creusant les clivages toujours plus profondément. Certains revendiquent le désir d’unanimité, d’autres voient leurs nuances étouffées, et quelques-uns tentent de rétablir des vérités dans un contexte chaotique.

Notre perception de la guerre a changé récemment

Et tandis que le Moyen-Orient voit plutôt clair dans les idéologies qui s’y confrontent, le tumulte occidental, entre manifestations violentes, leçons données au doigt mouillé et politiques d’apaisement menant au financement du terrorisme, laisse perplexe.

D’où vient ce traumatisme lié à la guerre ? Car la guerre est inhérente à toutes les civilisations et ce n’est que très récemment que sa perception a évolué en Europe. Pendant longtemps, elle était une source de fierté, un art théorisé au cœur de l’histoire des nations. Historiquement, l’initiation d’une guerre en Europe n’a jamais servi d’autre but que celui d’étendre une idéologie à un territoire. Cette réalité a toujours été au coude à coude avec l’évolution sociale, prenant des tournants historiques avec les Lumières, Calvin, le romantisme, les Révolutions conduisant à des changements profonds de perceptions. Peu à peu, l’humain a pris la place de Dieu au centre des considérations sociales. Après les abominations de la Deuxième Guerre mondiale dont le monde européen a été acteur et témoin, celui-ci s’engage à abandonner la guerre. Épuisé par le siècle écoulé, mais aussi relativement rassasié par ses accomplissements technologiques et son accès aux ressources naturelles permis par la colonisation, le monde européen engage sa renaissance autour d’une coopération qui, puisqu’économique, se veut saine et engageante. Pour autant, la décolonisation ne se fait pas par bonté d’âme, rappelant que l’impérialisme ne s’effondre pas en un jour. Des décennies de guerres de décolonisation laisseront à l’Occident un goût de honte et de dégoût à l’origine de son traumatisme menant peu à peu à la confusion idéologique actuelle.

A lire aussi: Éric Zemmour: «C’est la même guerre de civilisations qui brûle Kfar Aza et Crépol»

L’Union européenne, si elle a réussi l’exploit de reconstruire sur des cendres, a oublié que la guerre restait une réalité du reste du monde. L’Occident s’enfonce involontairement dans ses propres mécanismes, réclamant un monde pacifié aux idéaux uniformes, oubliant qu’il lui a fallu deux millénaires pour adopter cet idéal. Deux millénaires de guerres au prix du sang de son propre peuple et de révolutions intellectuelles initiées, elles aussi, par son propre peuple. Aucune douleur ou croyance idéologique ne peut être imposée à d’autres civilisations aux croyances différentes.

Ainsi, l’Occident infantilise le conflit Israël-Hamas, appelant à sa fin sans trop préciser laquelle et en agitant l’index dans toutes les directions, au lieu de s’inquiéter du contexte dans lequel elle s’inscrit. Car cette guerre n’est pas un épiphénomène mais le résultat d’une stratégie d’influence d’ampleur menée depuis des années par la République islamique d’Iran. L’idéologie des Frères musulmans est très vivante, et vise à faire renaître de ses cendres l’empire du Califat, en conquérant des territoires pour instaurer des régimes dictés par la charia, et ce au nom de Dieu. L’Occident, peinant à concevoir une idéologie conquérante au nom de Dieu, la marginalise, servant ainsi la cause du conquérant.

Peu d’écho en Occident au mouvement “Femme, Vie, Liberté”, malheureusement

À l’heure où la confusion idéologique est à son maximum, où des débats sordides s’ouvrent en permanence sur autant de mensonges qu’il existe de faits historiques et contemporains, on pourrait s’attendre à un sursaut non équivoque des défenseurs de la liberté.

La République islamique d’Iran est un régime qui fait régner la terreur au sein de son peuple jour après jour. Exécutions arbitraires, pendaisons, torture, coups de fouet sont infligés à ceux qui ont le malheur de ne pas se plier aux lois liberticides. Son idéologie sanguinaire ne représente pas son peuple. Depuis la mort de Jina Mahsa Amini, le cri du peuple iranien résonne plus fort avec le mouvement “Femme, Vie, Liberté” et pourtant, ce cri ne trouve que peu d’écho dans les politiques occidentales. Pourquoi ? L’acceptation de l’idéologie conquérante semble acceptée uniquement lorsqu’elle reste cantonnée au Moyen-Orient, une région pour qui l’Occident n’a que de faibles attentes, laissant ainsi les peuples d’Iran, du Yémen, du Liban et de Syrie face à leur sort.

Manifestations de joie, Téhéran, Iran, 7 octobre 2023 © Sobhan Farajvan/PACIFIC P/SIPA

Parallèlement, Israël ne peut pas se permettre le luxe de vivre dans le déni des menaces existentielles ni celui d’adopter un idéal démilitarisé, puisque son existence et celle de la survie du peuple juif en dépendent. N’oublions pas que l’attaque du 7 octobre dernier survient quelques semaines avant ce qui aurait dû être l’accord de paix historique entre Israël et l’Arabie Saoudite. Cet accord aurait porté un coup ultime à la légitimité de la République islamique d’Iran et aurait affaibli encore davantage sa capacité à rester au pouvoir.

A lire aussi: Frappe à Beyrouth: «L’absence de réaction officielle israélienne permet au Hezbollah de « modérer » son discours»

On retiendra avec quelle efficacité la guerre entre le Hamas et Israël est venue faire rayonner les points faibles de l’Occident, laissant planer le doute sur sa posture de gardien des libertés. Tandis que la Jordanie et Israël procèdent à des attaques ciblées contre les bases liées à la République islamique d’Iran et ses proxies, avec les récentes frappes au Liban et en Syrie menant respectivement à l’élimination d’un haut commandant du Hezbollah, du numéro 2 du Hamas et de trafiquants de drogues liés à l’Iran, la prise de mesures par l’Occident se fait elle, toujours attendre. Au contraire, on observe tristement que l’utilisation d’otages comme outils commerciaux et actifs monétaires, semble être une stratégie qui continue d’être confortée. Depuis le 7 octobre, des milliards de dollars ont été débloqués en faveur de la République islamique d’Iran via la levée de sanctions[1], allant à contre-courant de ce qui devrait être la mise en place de stratégies fermes pour la survie des idéologies portées par l’Occident.


[1] https://www.foxnews.com/politics/critics-slam-biden-admin-waiver-gives-iran-access-10-billion-fund-absolutely-outrageous

Le véritable coût des embouteillages, un réquisitoire contre la ville de Paris

0
DR.

Le développeur de systèmes de navigation TomTom vient de publier son traditionnel classement annuel des grandes villes les plus embouteillées au monde. Il en ressort un véritable camouflet de la politique menée par la mairie de Paris.


La capitale française, dont la situation s’est encore dégradée en 2023 par rapport à 2022, est la deuxième ville au monde où les émissions de CO2 résultant des embouteillages sont les plus élevées et aussi la deuxième ville au monde où les coûts des embouteillages sont les plus élevés pour les automobilistes.

Dans l’indifférence presque générale et avec une dose de fatalisme assez incroyable des usagers, les embouteillages dans les grandes agglomérations sont devenus une calamité. Pour l’environnement d’abord, en augmentant considérablement la consommation de carburants et donc les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique. Pour l’économie ensuite, en gaspillant des dizaines de milliards d’euros en heures perdues et en dépenses inutiles par des millions de personnes. Enfin, en termes d’inégalités sociales et territoriales, qu’ils creusent, et aussi de santé publique en affectant les personnes qui les subissent.

C’est ce que démontrent année après année les classements objectifs, car sans intentions politiques, effectués par le développeur de systèmes de navigation TomTom. Son traffic index analyse les données récupérées dans 387 villes dans le monde dans 55 pays et sur six continents. Il prend en compte le temps passé pour se déplacer, les émissions de CO2 et le coût des carburants.

Un classement catastrophique pour Paris en termes d’émissions de CO2 et de coûts

TomTom vient de publier le 10 janvier sa dernière étude qui porte sur l’année 2023. Il en ressort que les villes où les conducteurs perdent le plus de temps en moyenne dans les embouteillages sont dans l’ordre: Dublin (158 heures), Lima (157 heures), Mexico (152 heures), Bucarest (150 heures) et Londres (148 heures). Paris n’est pas loin en neuvième position avec 120 heures, et affiche surtout des classements catastrophiques dans les domaines des émissions de gaz à effet de serre et des coûts de leurs déplacements pour les automobilistes.

A lire aussi, Eddy Royer: À Paris, petits arrangements avec la laïcité

En France, sur 25 villes analysées 10 ont enregistré l’an dernier un allongement des temps de transport en voiture. Sans surprise, Paris est la ville la plus embouteillée et la situation continue de se dégrader. Dans le centre-ville de la capitale et aux heures de pointe, un automobiliste a ainsi perdu en moyenne 120 heures dans les bouchons en 2023, l’équivalent de cinq journées… Par rapport à 2022, c’est 11 heures gaspillées de plus. Et cela est sans surprise désastreux en termes d’émissions de gaz à effet de serre, en dépit des affirmations contraires de la municipalité parisienne. Dans la capitale, les embouteillages engendrent en moyenne 344 kilos d’émissions de CO2 par automobiliste par an. Cela signifie que les émissions liées à Paris aux embouteillages contribuent pour 30% au bilan carbone total des trajets domicile-travail.

Bordeaux, Lyon et Nantes, les autres mauvais élèves français

À quelques mois seulement des Jeux Olympiques, la capitale française est ainsi la deuxième au monde pour les émissions de CO2 par véhicule aux heures de pointe juste derrière Londres avec 1.115 kilos par an pour une voiture à essence et 1.076 kilos pour une diesel sur un trajet quotidien de 10 kilomètres domicile-travail aux heures de pointe. En termes de coûts, la situation est la même. Paris est la deuxième ville au monde derrière le mini territoire de Hong Kong pour ce que l’automobiliste doit débourser pour effectuer…

>> La fin de l’article est à lire sur le site de la revue amie « Transitions & Energies » <<

La pétitionnite, une grave maladie

0
Gérard Depardieu, 2018 © Daina Le Lardic/Isopix/SIPA

Nous sommes confrontés à un petit monde qui ne sait plus où donner de la pétition et s’illusionne sur son importance, son influence, son aura.


Le remaniement se fait attendre. Arrivera-t-il enfin ? Sophie Coignard, dans le Point, évoquait « le caractère toxique du remaniement » en enjoignant au président de la République de se décider une fois pour toutes au lieu d’atermoyer. Qu’il se produise ou non[1], cette période pousse jusqu’à la caricature ce que j’ai dénoncé dans mon billet du 5 janvier 2024. Il préside, nous attendons… Je pourrais continuer sur ce registre en espérant la fin de ce sadisme présidentiel, pour le gouvernement et les citoyens. Il est tout de même surprenant que le dessein politique soit si peu consistant que toutes ces péripéties semblent désordonnées. Ou faut-il considérer que les calculs politiciens l’emportent sur l’intérêt du pays ? Maintenant que le pays, après les fêtes de fin d’année, va reprendre ses activités, il n’est pas interdit, juste avant les choses sérieuses qui ne vont pas manquer de nous solliciter, de s’accorder un petit moment de dérision. Non pas que dans le fond l’affaire Depardieu ne soulève pas des interrogations fondamentales mais force est de reconnaître que ces dernières, la plupart du temps, ont été noyées dans le ridicule d’une pétitionnite aiguë. Nous en sommes pour l’instant à quatre pétitions.

A lire aussi: Le député islamo-gauchiste, les «dragons célestes» et le «dog whistle»

Vite : un Oscar pour Jacques Weber !

La première dans Le Figaro, en faveur de l’acteur, et à l’initiative de Yannis Ezziadi. Il est avant tout reproché à ce comédien d’écrire occasionnellement dans Causeur, qui n’a rigoureusement rien de la publication d’« extrême droite » évoquée çà et là. Avec le pluralisme de pensée inspiré par la passion de la liberté d’expression de ce magazine, une telle qualification, en effet, est purement grotesque !

Cette pétition à force est devenue exsangue, tant de personnalités ayant retiré leur signature par peur, par lâcheté, par une réflexion tardive… Il ne va bientôt plus rester que celle de son inspirateur ! Ces retraits, repentances, contritions, ne donnent pas une belle image du milieu culturel et de son courage. Le record est indiscutablement pour Jacques Weber qui a osé affirmer que l’avoir fait signer était « un autre viol » ! Les trois autres pétitions, dans des registres à peine différents, sont hostiles à la cause de Gérard Depardieu. On ne comprend pas pourquoi il était nécessaire de les multiplier, sinon par un narcissisme qui n’a pas de limites et consiste à croire qu’apposer son nom à la fin d’un texte va le rendre forcément digne d’intérêt et convaincant. Sans rire, on est confronté à un monde qui ne sait plus où donner de la pétition et s’illusionne sur son importance, son influence, son aura. Ou alors, comme l’a souligné Pascal Praud dans le Journal du Dimanche, c’est pour certains un moyen de se faire connaître et de sortir d’une ombre artistique pour entrer dans une infime lumière médiatique. Il n’est pas impossible que dans les prochains jours nous en ayons une cinquième ! Tout de même, quelle étrange perversion que celle de cette tradition de pétitionnisme à la française ! Ses ressorts sont d’abord de narcissisme, de surestimation de soi, comme si singulièrement ou collectivement il y avait là des personnalités, des fonctions, des activités qui garantissaient comme par magie la lucidité de la pensée et la justesse du point de vue. Il y a aussi une forme de paresse intellectuelle qui incite un groupe à valider (souvent sans le lire) un texte écrit par un seul et à donner ainsi l’apparence d’un travail commun quand ces exercices pétitionnistes relèvent plus des moutons de Panurge que d’autre chose. Enfin, avec ces prises de position répétées sur tout et n’importe quoi, les artistes qui en ont fait une véritable industrie se parent d’un engagement qui les fait passer pour des guerriers de papier et démontre qu’ils ne sont pas médiocres puisqu’au moins ils viennent à tout bout de champ nous imposer leur signature alors qu’on ne leur a rien demandé.

Le ridicule ne tue pas, même Patrice Leconte !

Ils ne comprennent pas que leur omniprésence sur les libelles, les soutiens, les dénonciations, les pétitions enlève tout impact en réalité à leur ostentatoire implication. La rareté d’une Catherine Deneuve, par exemple, sera infiniment plus persuasive que la profusion de bien d’autres ! La pétitionnite est en effet une grave maladie qui constitue pour quelques-uns une activité à plein temps, d’autant plus qu’elle peut se diversifier.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Kompromat à la française

Les artistes de gauche, l’univers du progressisme culturel ne s’étaient pas encore assez ridiculisés avec l’interminable feuilleton Depardieu. Il convenait qu’ils en fissent davantage en appelant à une « marche citoyenne » contre la loi Immigration. Les motivations de ces démarches sont du même ordre que pour les pétitions. Principalement la certitude qu’on a besoin d’eux, qu’on les espère, qu’on les attend pour savoir, nous le commun des citoyens, ce qu’il faut penser, quoi stigmatiser, quoi célébrer, et qu’ils sont des phares irremplaçables. Alors que non seulement leur avis tellement prévisible glisse sur nous sans nous troubler le moins du monde mais qu’il emporte probablement chez beaucoup un effet contraire : se méfier de ce que ces engagés de simulacre et de pacotille nous incitent à choisir. Cela va devenir un critère capital pour nos goûts, nos répugnances, nos hostilités et nos admirations artistiques et culturelles : nous aurons un préjugé très favorable pour ceux qui ne signeront aucune pétition. Qui ne croiront pas pouvoir entraver notre liberté.


[1] Le 8 janvier à 18 heures 30 on a appris la démission de la Première ministre et de son gouvernement. Dans sa lettre, Elisabeth Borne a sans équivoque manifesté qu’elle partait à la demande du président de la République. Gabriel Attal a été nommé Premier ministre le 9 à midi.

Luz ou Marsault, il faut choisir

0
Marsault. D.R

Quelle déception! La nouvelle BD de Luz, Testosterror, donne dans le politiquement correct le plus navrant.


Pas rancunier pour deux sous, quelques années après avoir échappé à l’attentat contre Charlie Hebdo dans lequel périrent ses collègues et amis, le dessinateur Luz jugea approprié d’adapter en BD le roman Vernon Subutex, de Virginie Despentes, la même Virginie Despentes qui, dès le surlendemain de l’attentat, avait écrit un papier dans Les Inrocks pour déclarer son amour aux frères Kouachi, « ceux qui avaient décidé, à leur façon, la seule qui leur soit accessible, de mourir debout plutôt que de vivre à genoux », et qualifier leur geste meurtrier « d’acte héroïque ».

À lire aussi, Cyril Bennasar: Un dessin qui dérange

Les mois que Luz a passés dans les parages de Mme Despentes n’ont pas été inutiles et lui ont ouvert les yeux – mais pas dans le sens qu’on croit :« Il faut que je “dé-male gaze” mon propre travail », déclare-t-il aux Inrocks à l’occasion de la sortie de Testosterror, une BD dans laquelle il « épingle la masculinité toxique ». Car Luz a pris conscience que son dessin était « un peu trop masculin ». La preuve : « Je dessinais de petits nez aux femmes. » Une scène originelle est à la source de ce travail de démasculinisation, explique-t-il à L’Obs :« J’étais en train de pisser et j’avais laissé la porte ouverte. Ma fille me l’a fait remarquer. Et en fait, mon grand-père faisait exactement la même chose […], une manière de mettre son patriarcat en plein milieu de la famille. »

A lire aussi : Wokisme : la leçon du poulailler

Donc, Testosterror : un virus provoque la chute du taux de testostérone chez les hommes ; des mâles « radicalisés » entrent en résistance ; Jean-Patrick se détache du mouvement masculiniste pour découvrir sa part de féminité. L’album est présenté comme « une comédie satirique hilarante qui déconstruit l’homme d’hier pour inventer l’homme de demain ». C’est curieux, mais il existe actuellement une excellente BD qui, au contraire, déconstruit « l’homme de demain » à grands coups de tartes virilistes dans la tronche et célèbre l’homme auréolé de toute sa puissance hormonale. Le recueil des meilleurs dessins de Marsault pour la revue Furia est en effet disponible et, à l’inverse du machin woke de Luz, nous le conseillons très vivement.

Testosterror

Price: 29,90 €

25 used & new available from 20,92 €

La Furia Hors série Marsault: Fort comme une bête, libre comme un Dieu

Price: 12,90 €

4 used & new available from 12,90 €

L’impossible mission de Gabriel Attal

0
Emmanuel Macron et Gabriel Attal à Villers-Cotterêts le 30 octobre 2023 © Gabrielle CEZARD/SIPA

Le nouveau chef du gouvernement n’est pas seulement le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la République, il est aussi le produit de son milieu et de sa famille politique d’origine.


Il aura fallu sept ans pour qu’Emmanuel Macron, face au récif du RN, vire de bord. La question est de savoir s’il n’est pas trop tard pour éviter le naufrage. Le capitaine du Titanic n’avait pu le détourner à temps de l’iceberg.

Modernité ou jeunisme?

La nomination de Gabriel Attal comme Premier ministre, avant-hier, se veut symbolique d’une modernité juvénile et d’un « effet waouh », si prisé par la Macronie. Mais sa mission, imposée dans l’urgence, semble impossible. Le chef de l’Etat a invité l’habile communicant, 34 ans à « mettre en œuvre le projet de réarmement et de régénération » annoncé dans ses vœux, ceci dans « la fidélité à l’esprit de 2017 : dépassement et audace ». En réalité Attal de Couriss (particule maternelle qu’il avait naguère rajoutée), enfant bien né d’une haute bourgeoisie parisienne progressiste, aura le courage des idées des autres. C’est d’ailleurs la caractéristique de cette gauche convertie au réalisme, qui tente en urgence de quitter en douce les chimères des idéologies pour s’approprier les thèmes de la droite pragmatique. Déjà, dans les années 70, le gauchisme de l’époque (André Glucksmann, Claude Lefort, Cornélius Castoriadis, etc.) avait su récupérer le combat antitotalitaire longtemps mené sous les injures par la seule droite anticommuniste.

À lire aussi, Gabriel Robin: Gabriel Attal: jeune Premier

Dans tous les cas de figure, un socialisme à bout de souffle court après la modernité. Or l’histoire qui s’écrit ne puise rien dans le vide bavard de la majorité présidentielle, uniquement soucieuse de sa survie.

Un discours de passation de pouvoir aux accents populistes

Attal a un talent politique. Son passage à l’Éducation nationale (cinq mois) a été remarquable par les quelques décisions immédiatement appliquées (abaya, renvoi des élèves harceleurs, classes de niveau, etc). Mais quand Gérald Darmanin souligne qu’il veut, lui, « finir le travail qu’il a commencé », le ministre de l’Intérieur souligne en creux le maigre bilan de l’ambitieux qui lui a brûlé la priorité à Matignon. Le Premier ministre sera jugé aux actes. De ce point de vue, un préalable vote de défiance parlementaire, demandé par LFI, n’aurait pas de sens. Reste que son abandon de poste, alors que l’École s’effondre, ne fait pas apparaître une sincérité. Lors de la passation de pouvoir avec Elisabeth Borne, Attal a aligné les mots des « populistes », cette engeance qui répugne Macron, avant de filer auprès des inondés du Pas-de-Calais. Il a parlé des « classes moyennes », assuré qu’il fallait « garder le contrôle de notre destin », « renforcer la souveraineté nationale, celle de l’Europe, en maîtrisant notre immigration », etc.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Une idée folle: réinventer l’école!

Néanmoins, Macron reste le vrai Premier ministre, dans une Ve République claquemurée qui redoute d’avoir à se confronter au peuple. Contrairement à ce qu’affirme la Macronie, les questions économiques et sociales ne sont pas l’essentiel. Les priorités des Français sont, selon un sondage du Parisien1, le pouvoir d’achat (48%), la sécurité (39%), l’immigration (37%). La jeunesse d’Attal ne peut faire oublier le vieux monde sclérosé dont il est le produit. Peut-on faire une politique de droite quand on est de gauche ? Il est permis d’en douter.

La fracture identitaire

Price: 22,00 €

21 used & new available from 2,23 €

Le réveil des somnambules

Price: 20,00 €

17 used & new available from 2,38 €

  1. https://www.leparisien.fr/politique/notre-sondage-sur-ce-que-veulent-les-francais-pouvoir-dachat-securite-et-sante-en-tete-des-priorites-07-01-2024-6Q7PXD5MTZDEPASSIVAHA4OQAM.php ↩︎

Le doute est le sel de l’esprit

0
DR.

L’autobiographie « méditante » de Nathan Devers fait forte impression; le jeune philosophe y revient sur ce « grain de sable » venu s’immiscer dans la mécanique bien huilée de sa foi…


En 2022, avec son roman Les Liens artificiels, Nathan Devers réussissait le tour de force de créer une œuvre qui plut à un très vaste public – y compris parmi les plus jeunes – tout en étant saluée par la critique pour la justesse de son ton, la poésie de son style et la lucidité de son propos. Dans un monde qui avait apprivoisé le métavers on y découvrit une population composée de solitudes connectées et séparées. C’est un tout autre genre que l’auteur explore avec Penser contre soi-même paru le 3 janvier. Non plus roman ni dystopie mais une méditation autobiographique ou une autobiographie méditante qui n’est pourtant tenue par l’exactitude d’aucune chronologie. Cette dernière n’est qu’un chaos d’événements accumulés mais, en eux-mêmes, sans queue ni tête tandis que c’est la temporalité de sa conscience et de son cheminement intérieur que Nathan Devers ambitionne de recréer. D’une foi incandescente et d’une vocation de rabbin à un athéisme revendiqué ; d’une adolescence plongée dans l’exégèse de la Torah à une vie d’adulte consacrée entièrement à la littérature et à la philosophie. Que s’est-il passé ? Quel est ce grain de sable qui s’est immiscé dans la mécanique bien huilée de la foi?

Régénération pas désenchantée

N’y voyez pas trop vite un changement superficiel, un nouvel aiguillage sans incidence profonde comme si au lieu de partir étudier telle discipline il en avait choisi une autre. C’est d’un bouleversement complet d’une personnalité, d’une mort partielle et d’une nouvelle naissance, d’une sorte de génération de soi dont il s’agit ici et qui engage jusqu’à la possibilité de trouver -ou non- un sens à son existence même. Le petit grain de sable qui fait tout basculer a bien des noms : doute, incertitude, remise en question, dégoût du dogmatisme et du repli sur une communauté qui se tient quitte de toute interrogation de ses propres dogmes, désir de penser tout de nouveau dès les fondements en se débarrassant des oripeaux des réponses toutes faites et des solutions trop faciles. Ce revirement, ce “non” franc et net aux dogmes du judaïsme, à la croyance en Dieu qui remédierait à l’absence de signification de notre existence est, on le sent à la lecture, aussi bien déterminé par les insuffisances objectives de la religion que par les exigences intérieures du philosophe. Ce n’est pas seulement parce que les Juifs de son nouveau lycée cultivent un entre-soi morbide, haineux et stérile ni parce que tel rabbin, aussi brillant soit-il, se plaît, par des pirouettes logiques, à esquiver les questions essentielles, tel un sophiste aguerri, que Nathan Devers change de boussole existentielle : c’est aussi et surtout parce qu’il éprouve en lui-même, comme une exigence de probité intellectuelle, la nécessité de douter des idées qu’il n’est pas capable de fonder par lui-même. C’est peut-être parce qu’il préfère l’absence de boussole à celle, mal réglée, du dogmatique si sûr de lui.

L’écrivain et chroniqueur français Nathan Devers © Pascal Ito Albin Michel

On sent alors la présence et la prégnance des penseurs qui nourrissent sa propre méditation. Cela fait bientôt dix ans qu’il butine chez tous les plus grands. Les philosophes ne sont pas invoqués dans son texte comme les nouvelles autorités auxquelles se fier, nouveau dogmatisme subreptice; ils sont plutôt invités dans son texte comme des amis qui, avant lui, ont tous partagé l’universalité d’une démarche, de la démarche philosophique par excellence consistant à douter des évidences reçues et si facilement susceptibles d’être inculquées par un milieu social auquel on adhère en toute confiance. De la réfutation mise en place par Socrate des opinions reçues de ses interlocuteurs infatués de leur semblant de savoir à la méthode cartésienne enjoignant de douter radicalement de tout; de la remise en question de la valeur des valeurs par Nietzsche aux fameuses formules d’Alain “Penser c’est dire non” et “Le doute est le sel de l’esprit” nous saisissons que la philosophie est bien moins la pluralité des doctrines que l’unicité d’une exigence qui consiste à remettre sans cesse, infatigablement, sur le métier la question de la vérité des idées et des doctrines reçues. On passe de la certitude d’être sur le bon chemin à l’inquiétude permanente, à l’angoisse d’errer. Du dogme au doute. À condition de comprendre que le doute, loin d’être un mol oreiller, ne doit pas être compris comme le confort intellectuel du malin qui ne prend ni la peine ni le risque de se fier à quelque idée mais bien l’aiguillon de celui qui cherche le vrai en se méfiant de toutes les idoles.

Nathan-doutant a tué Nathan-croyant

Cette méditation, cette autobiographie est finalement le récit de toutes les séparations: d’avec une religion, d’avec une communauté, d’avec des traditions, des rites, des coutumes, des habitudes, d’avec une histoire, d’avec Dieu enfin. Séparation de soi d’avec soi surtout; expérience de l’altérité : en ce que, par une schizophrénie atténuée, Nathan-doutant a tué Nathan-croyant, en ce qu’il a mis au centre de sa vie la recherche d’une conscience lucide. Mais une conscience lucide est précisément séparée de ses propres contenus mentaux qu’elle juge sans concession, autant que faire se peut. Nathan Devers fait finalement un pied de nez aux déterminismes trop faciles. Notre existence a la possibilité d’être autre chose, comme il le dit, qu’un épiphénomène de notre naissance avec toute la cohorte de ses déterminations plus ou moins insidieuses (sociales, historiques, culturelles). Cette histoire est universelle; c’est l’expérience d’un recommencement, d’un revirement, d’une reprise mais qui restera toujours en quête d’un sens pour l’existence humaine.

Penser contre soi-même: Prix Cazes - Brasserie LIPP 2024

Price: 20,90 €

23 used & new available from 10,35 €

Le wokisme a atteint sa limite, mais il creuse encore

0
Iris Brey à Cannes le 10 mai 2018. © NIVIERE/ VILLARD/ SIPA

Pour notre chroniqueur, le wokisme est source de satisfactions journalières. Au moment où l’on croit qu’il ne peut pas se dépasser dans l’absurdité, l’inculture et, en un mot, le fascisme, il pulvérise sans cesse ses limites. Dernier avatar en date, la « culture du viol » transmise par le cinéma. Et les autres arts alors, ils comptent pour des prunes ?


Qui connaît Iris Brey ? Elle est, dit Le Monde1 (qui n’en finit plus de glisser sur la pente vaselinée du Grand N’importe Quoi) « autrice, critique et réalisatrice » : quand on porte ainsi plusieurs casquettes, c’est qu’on n’en mérite pas une. En fait de réalisatrice, cette aimable personne est une journaliste spécialisée dans la représentation du sexe au cinéma : elle sera d’ici peu maître de conférence dans une fac marginale, où elle occupera une chaire que d’autres auraient mieux méritée. En tout cas, elle est experte en glissements progressifs de l’insinuation. Après avoir évoqué Harvey Weinstein, puis Ronan Farrow (l’homme qui aime tellement sa mère qu’il prête à son ex-beau-père, Woody Allen, des comportements sur lesquels le FBI a enquêté par deux fois en vain), et enfin « l’ogre » Depardieu, qui incarnait, paraît-il, « une figure paternelle aimée », elle arrive au cœur de son sujet : le cinéma — tout le cinéma — est un acteur majeur de la « culture du viol ».

Dénonciation obligatoire

« Le cinéma est l’un des endroits où se fabrique la culture du viol et de l’inceste, parce qu’il dépeint majoritairement les agressions sexuelles du point de vue de l’agresseur comme un jeu, ou comme un moment érotique », dit-elle. Et de citer bien sûr Les Valseuses, où pourtant ni Miou-Miou ni Isabelle Huppert ni Brigitte Fossey ne boudent leur plaisir. Mais justement, c’est cela, le « male gaze », le « regard masculin ». Une femme ne filmerait pas de telles scènes de cette façon. Ou peut-être que si, les femmes étant leurs pires ennemies. Rappelez-vous La Leçon de piano de Jeanne Campion, Palme d’or à Cannes en 1993 (et palme aussi pour l’héroïne, interprétée par Holly Hunter). Les féministes professionnelles y perdent leur latin, parce que la réalisatrice est infiniment talentueuse, et ne se laisse pas enfermer dans la dénonciation obligatoire du viol.

A lire aussi, Yannis Ezziadi: Affaire Depardieu, la revanche des minables

C’est que des scènes de viol, au cinéma, il y en a quelques-unes. On se souvient, dans le Dernier tango à Paris, de cette extraordinaire publicité pour le beurre sans sel. Mais la plus féministe a, bien sûr, été filmée par un homme — Sam Peckinpah dans Croix de fer, où la violée (russe) coupe le sexe du violeur (allemand) d’un coup de dents.

Mais pourquoi s’arrêter au cinéma ? Les Liaisons dangereuses comportent une scène décisive entre Valmont et la toute jeune (circonstance aggravante, me dirent mes élèves — mais elles appartenaient déjà à cette génération qui a laissé l’intelligence au vestiaire) Cécile de Volanges. Quant à La Marquise d’O, de Heinrich von Kleist (1808 — le film qu’en a tiré Eric Rohmer en 1976 était une petite merveille, dans son traitement même de la scène du viol), le récit entier tourne sur l’enfant issu de ce viol, dont la mère cherche à retrouver l’auteur.

Ce n’est pas en montrant des viols qu’on incite au passage à l’acte

Il y a même des œuvres où le violeur tue la violée pour qu’elle ne parle pas — voir Maupassant et La Petite Roque. Et on fait lire ça à des enfants ?

A lire aussi, Barbara Lefebvre: Viols du 7 octobre: féministes, où êtes-vous?

Pourquoi s’arrêter là ? Le Bernin, le fabuleux sculpteur italien du début du XVIIe, a réalisé L’Enlèvement de Perséphone, où la belle n’est manifestement pas d’accord : suggérons à la Galerie Borghese, à Rome, de la déplacer dans les réserves — ou de la détruire à coups de masse. D’ailleurs, des enlèvements de belles personnes par des dieux concupiscents, la mythologie en est remplie — à commencer par Europe : oui, celle qui a donné son nom à notre continent se fit enlever sauvagement par un dieu déguisé en taureau. Une métaphore, sans doute… Chez Rubens, elle semble protester. Mais dans la version de Jordaens (1643), elle a l’air d’aimer ça, la gueuse ! Elle attend avec impatience, entourée de jolies femmes fessues et fort dénudées. Ils attendent quoi, au musée des Beaux-Arts de Lille, pour déposer la toile dans les combles ?

Bien sûr, toute la culture joue à frôler l’indicible. C’est même ce qui la constitue en tant que culture, et ce qui la distingue des pseudo-civilisations acculturées qui s’indignent dès qu’on leur montre des femmes nues — voir l’analyse d’Elisabeth Levy sur cette stupidissime affaire du collège Jacques-Cartier d’Issou. Ce n’est pas en montrant des viols que l’on incite à passer à l’acte, c’est en interdisant toute représentation : que je sache, à Hambourg ou Cologne pour le Saint-Sylvestre 2015-2016, les 2000 hommes qui ont agressé près de 1200 femmes n’étaient pas des Allemands gavés de bière, de choucroute et de films cochons. Mais le wokisme se nourrit d’indignations et d’incitations à l’interdiction. Il est la résurgence contemporaine des autodafés nazis et autres bûchers des vanités. Espérons que d’ici peu ces nouveaux gauleiters finiront comme Savonarole.

  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/06/affaire-depardieu-le-cinema-est-un-des-endroits-ou-se-fabrique-la-culture-du-viol_6209414_3232.html ↩︎