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Il préside, nous attendons…

Le billet de Philippe Bilger


Il préside, nous attendons…
Emmanuel Macron, cérémonie pour Jacques Delors, Paris, 5 janvier 2024 © Stephanie Lecocq/AP/SIPA

Emmanuel Macron préside, les souris dansent !


Pour ce titre, j’ai hésité. J’ai pensé d’abord à « Il préside, les souris dansent… » Mais si, dans mon esprit, il n’avait rien d’irrespectueux pour le président et pour les citoyens, assimilés à des souris, il aurait été cependant inexact puisqu’on ne peut pas soutenir que la société française soit heureuse au point de danser. J’ai préféré écrire que « s’il préside, nous attendons ». Comme des enfants, pourrait-on dire. J’ai constaté ensuite que Valeurs actuelles avait choisi en couverture Emmanuel Macron, entouré par Elisabeth Borne, Bruno Le Maire et Christophe Béchu, avec comme titre « Les baby-sitters », ce qui demeure dans le même registre.

Notre démocratie est imparfaite, certains demandent la révision de sa Constitution, d’autres militent pour une VIe République, nous sommes frustrés d’être privés de référendum, depuis l’élection du président au suffrage universel on a pu évoquer une sorte de monarchie présidentielle. Pourtant, malgré les nombreux coups de boutoir qui ont cherché à fragiliser, voire à nier le caractère républicain de notre régime, ce dernier demeure solide. Depuis la réélection d’Emmanuel Macron, il permet, notamment sur un plan parlementaire, dans la normalité ou par des processus dérogatoires dont le pouvoir a le droit d’user, le vote d’un certain nombre de lois. Pourquoi, alors, cette démocratie semble-t-elle si vide de sens en des périodes comme celle qui depuis les vœux du président, nous interpelle sur notre futur gouvernemental ? Parce qu’Emmanuel Macron l’a voulu ainsi et qu’il tient en attente tous ceux qui pourraient être directement concernés par ce changement, tellement annoncé qu’en définitive il pourrait bien ne pas avoir lieu… On sait que le président est animé par le refus d’agir sous quelque pression que ce soit et par le désir poussé jusqu’à l’absurde de défier tous les pronostics en n’accomplissant jamais ce que la situation politique et l’état du pays sembleraient commander…

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On aimerait être une petite souris dans le bureau d’Alexis Kohler

Mais toujours est-il que depuis quelques jours il préside dans le secret – sans doute Alexis Kohler son alter ego est-il informé de ses intentions – et nous attendons avec une impatience toute relative. Parce que c’est seulement la caste politico-médiatique qui craint ou espère. La Première ministre se demande si le pouce présidentiel va se lever ou se baisser. Il y a deux ou trois ministres qui font semblant de ne pas se réjouir de peur d’attirer les foudres royales détestant qu’on croie les jeux faits ! Il y a d’autres ministres qui sont persuadés d’être démis mais tout est possible, même la mansuétude du Prince. Comme les meilleurs ne sont pas forcément au gouvernement, pourquoi les mauvais qui s’y trouvent seraient-ils obligatoirement ostracisés ?

Dans une atmosphère très étrange où chaque mot est pesé, où il faut deviner jusqu’où on a le droit d’aller trop loin, savoir discriminer entre les heureuses contradictions ou les insupportables offenses, opter pour un silence qui n’en pense pas moins ou une présence suffisamment discrète pour n’encourir aucun risque, il y a un mélange d’espérance et de sadisme qui constitue ces importants comme des enfants dans l’attente du bon vouloir du maître.

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« Je » politiciens

Pendant ce temps, la France réelle, celle qui est confrontée au quotidien à mille difficultés aux antipodes de ces jeux, de ces « je » politiciens, celle dont les gouvernants parlent pour orner leurs discours mais dont ils se préoccupent peu, sauf quand des élections surviennent qui mettent le peuple au premier plan des hommages, accomplit sa tâche ou cherche du travail ou est victime de transgressions ou se bat… Nous sommes en démocratie donc mais pas la même pour tout le monde. Peut-être que le seul point commun qui paradoxalement unit les humbles et les élites, les initiés et les autres, est la certitude ou l’intuition que rien ne changera ; que le gouvernement, qu’il demeure ou non, ne sera qu’une opportunité de carrière pour une minorité installée et d’hostilité pour le peuple.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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