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Au rendez-vous des sociaux-traîtres

Le billet de Dominique Labarrière


Au rendez-vous des sociaux-traîtres
Manifestation contre la loi immigration, Paris, 5 janvier 2024 © Pauline Gauer/SIPA

L’extrême gauche appelle à manifester contre la Loi immigration, le 21 janvier. Parmi les signataires de cet appel à marcher: les syndicalistes. Mais sont-ils certains que leur base soit d’accord ?


Ce sera le 21 janvier prochain. Ce jour-là, certains, comme chaque année, souhaiteront honorer la mémoire de Louis XVI, guillotiné par la Convention le 21 janvier 1793. Ceux-là se rendront à l’office mémoriel ou se satisferont d’une pensée. Et puis il y a ceux qui, également ce 21 janvier, iront battre le pavé contre la loi Immigration, espérant ainsi convaincre le président de la République de ne jamais faire entrer ses dispositions dans les faits, tant ils les jugent inhumaines, barbares, criminelles. C’est-à-dire, tout simplement – nous faisant un plaisir de recourir aux raccourcis verbaux caricaturaux que ces gens affectionnent – fascistes.

À les en croire, cette loi aurait été pondue sous « la dictée des marchands de haine qui rêvent d’imposer leur projet de préférence nationale »[1]. Tout est dit. En tête de cortège, nous retrouverons les acteurs, les actrices pensionnaires et sociétaires de cette autre comédie française qu’est la protestation bien-pensante, formatée bonne conscience, estampillée gauche angélique. On a l’habitude. Je ne vous livrerai pas les noms. Vous les connaissez. Ce sont les mêmes, d’affiche de mobilisation en pétition d’humanisme bon marché. De ce côté-là rien de bien neuf, ni de bien intéressant.

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À eux se joignent d’autres comédiens, ceux-là s’offrent à nous sur la scène politique de gauche où, ces temps-ci, ils sont assez mauvais, d’ailleurs. Ils bouffonnent dans la troupe LFI, se persuadent d’être encore en vie dans celles du PS ou du PC. Inutile, là aussi de citer ces joyeux drilles. En revanche, je crois que nommer deux des personnes qui appellent à cette mobilisation n’est pas inintéressant. Ce sont Mmes Sophie Binet et Marylise Léon. La première est secrétaire générale de la CGT, la seconde occupe le même poste phare à la CFDT. Des syndicalistes, donc. De gauche, évidemment. Historiquement en charge de la défense des intérêts de leurs mandants, les travailleurs des entreprises de France. (Par charité, on s’abstiendra de rappeler que « la préférence nationale » était une revendication syndicale en pointe dans les années 1930. Autres temps, autres mœurs.)

Or, de quoi s’agit-il ? Il s’agit de protester contre cette loi qui – timidement, très timidement – viserait à contraindre quelque peu la déferlante migratoire que connaît le pays. La combattre, cette loi dûment votée, revient évidemment à militer en faveur du maintien du flux migratoire en l’état. (Juste pour le plaisir de l’ironie, notons que nous ne sommes pas loin ici de la ligne du patronat, celle du MEDEF). En résumé, le message des manifestants du 21 janvier est des plus clairs : continuer à laisser entrer chaque année, chaque mois, chaque jour, des migrants par milliers et dizaines de milliers sur le territoire national. Dont acte.

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Il conviendrait tout de même que ces pathétiques politiciens de gauche et surtout ces deux responsables de centrales syndicales gardent à l’esprit le jugement de leur bon maître Karl Marx sur ce sujet. Pour lui, les immigrés n’étaient les bienvenus dans nos pays que parce qu’ils y constituaient « l’armée de réserve du capitalisme ». Notamment en fournissant un sous-prolétariat (Lumpenproletariat), une main d’œuvre abondante, docile, sous payée, surexploitée.

La responsable de la CGT Sophie Binet, Paris, avril 2023 © ISA HARSIN/SIPA

Et voilà bien que ces deux chef(fes) du mouvement ouvrier français, voilà bien que ces responsables, ces militants « progressistes » descendent dans la rue le 21 janvier pour – qu’ils le veuillent ou non !- se faire les agents recruteurs de cette armée-là ! Au secours ! Lénine avait un mot terrible pour qualifier les soi-disant « gens de gauche » qui se fourvoyaient dans de telles compromissions. Il les traitait de sociaux-traîtres. Suprême anathème. Staline, lui, se faisait un plaisir de les éliminer… Chacun son style. Les sociaux-traîtres d’aujourd’hui ne risquent pas ces extrémités. Nous nous en réjouissons. Cela dit, en même temps que pour l’infortuné Louis XVI, nous aurons une petite pensée pour ce pauvre vieux Karl Marx qui, ce 21 janvier, devrait se retourner une fois encore – une énième fois ! – dans sa tombe.

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[1] https://www.humanite.fr/politique/loi-immigration-darmanin/201-personnalites-appellent-a-marcher-contre-la-loi-immigration



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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernières parutions : "Marie Stuart: Reine tragique" coll. Poche Histoire, éditions Lanore. "Le Prince Assassiné – le duc d’Enghien", coll. Poche Histoire, éditions Lanore.

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