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Arche de la Défense: la Grande illusion

Dès son arrivée au pouvoir, François Mitterrand souhaite associer son nom à une réalisation architecturale grandiose. Le projet de la Grande Arche de la Défense est lancé. Dans L’Inconnu de la Grande Arche, en salles ce mercredi, Stéphane Demoustier retrace l’épopée d’un chantier hors norme chahuté par les défis architecturaux et les embrouilles politiques.


La Défense, ce quartier d’affaires parisien, est une vraie forêt urbaine. Rien à voir avec les friches mort-nées que bine la maire Hidalgo. Mais cette forêt de gratte-ciel fermant la perspective magistrale des Champs-Élysées a du souci à se faire : s’il faut en croire la Cour des comptes, en 2025 son modèle économique est frappé d’obsolescence. Bureaux désertés, tours invendables, entretien des infrastructures trop dispendieux…

Idée en tête

François Mitterrand, à peine installé sur le trône de la République, lance en 1982 le projet « Tête Défense ». Le monarque bâtisseur n’a qu’une idée en tête, justement : associer son nom à une œuvre architecturale grandiose, en cette fin de siècle où la France s’apprête à fêter le bicentenaire de la Révolution. Un portique géant qui dame le pion à l’Arc de Triomphe, voilà qui plaît au pharaon de la gauche. Il se rallie à la proposition du jury, lequel s’est porté sur cet étrange projet de cube évidé, signé d’un obscur architecte danois au patronyme imprononçable : Otto von Spreckelsen – entre initiés, on dit « Spreck ». L’édifice doit abriter un « centre international de communications » – l’ectoplasme fera long feu.

L’Inconnu de la Grande Arche fictionne cette saga érectile, porté par un habile scénario, en dépit d’une distribution artistique inégale. Côté gagnant, l’irremplaçable comédien et metteur en scène Michel Fau qui, dans Borgo, précédent long métrage de Stéphane Demoustier, incarnait un commissaire de police. Ce n’est pas sans délectation qu’on retrouve Fau dans la peau d’un François Mitterrand impavide, sphinx indéchiffrable défendant mordicus son architecte face aux contingences. Même suffrage pour Swan Arlaud qui endosse le rôle de Paul Andreu (le créateur du premier aéroport de Roissy), seul architecte qu’on sut apparier à Spreck, non sans heurts, comme maître d’œuvre apte à recadrer l’esthète évanescent, interprété quant à lui par Claes Banc, acteur danois dont les répliques polyglottes servent la véracité du rôle. Seule erreur de casting,l’inénarrable Canadien Xavier Dolan, agaçant cinéaste nombriliste-gay, dans un contre-emploi caricatural, celui du haut fonctionnaire chahuté par des vents contraires, affublé ici du nom grotesque de « Subilon », transposition dépréciative du bien réel Jean-Louis Subileau, urbaniste aujourd’hui âgé de 85 ans, alors maître d’ouvrage incontournable du projet. Autant Mitterrand sous les traits de Fau, ça colle, autant Dolan accoutré d’un costard-cravate, on se pince. Subileau ne méritait pas de se voir singé par un myrmidon cabotin.

Nonobstant cette réserve, L’Inconnu de la Grande Arche est une réussite. Il est vrai que Stéphane Demoustier est à son affaire en matière d’archi : sorti de HEC, le frère de la comédienne Anaïs Demoustier a, des années durant, à la tête de sa société Année Zéro, produit et réalisé nombre de docus de qualité pour le compte de la Cité de l’architecture et du patrimoine.

En notre temps où la parité passe pour la panacée (de fait, la profession d’architecte s’est fortement féminisée en un demi-siècle), l’époque où le BTP était exclusivement affaire d’hommes paraît une incongruité, irréductible à la sensibilité contemporaine. Au point que le cinéaste a cru bon de flanquer son Spreck d’une épouse suractive (sous les traits de l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen) que son mari égotiste, au péril de la paix conjugale, sacrifie à son utopie : dans la réalité, Karen Spreck se tenait bien aux côtés d’Otto – mais muette et glaciale…

Effets spéciaux parfaits

Lauréat surprise d’un concours anonyme où s’affrontent près de 400 candidats, l’architecte multiplie les exigences tatillonnes (blancheur immaculée des façades en marbre de Carrare, par exemple) sans arrêt remises en cause pour des raisons techniques, budgétaires et… politiques, lorsque survient la « cohabitation » avec le gouvernement Chirac. Dans le film, les effets spéciaux simulent à la perfection les états successifs du chantier, tout comme sont restitués avec un réalisme épatant le trafic automobile vintage d’alors et l’ambiance bâtisseuse de la capitale – on y voit même Pei, sur le chantier naissant de sa pyramide au Louvre.

Le projet est progressivement dénaturé et Spreck finit par jeter l’éponge. Le pire est à venir : le marbre est remplacé par du granit, le « nuage » de verre promis à flotter poétiquement dans le vide est écarté, la voile vaporeuse est ravalée à l’aspect d’une bâche, l’édifice s’altère, le toit-terrasse devient un vaisseau fantôme, comme l’ensemble du bâtiment réputé inoccupable. Toutes ces péripéties tragi-comiques sont détaillées en bonne langue dans La Grande Arche, le cruel livre-enquête de Laurence Cossé qui a inspiré le film, et que Gallimard réédite en Folio.

Il y a loin de l’épure au réel. Le génie de Spreck ? « Concevoir une œuvre qui, à peine édifiée, a dissipé la confusion et donné un éclat spectaculaire à la totalité du quartier. On n’a plus conscience aujourd’hui, admet Cossé, du tour de force accompli là. » À l’heure où la tour Triangle vient incongrûment pointer son pic dans le ciel de Paris, la Grande Arche se pare rétrospectivement d’une vertu quasi miraculeuse : avoir préservé la sublime perspective urbaine qui joint le palais du Louvre aux hauteurs de Nanterre, d’un gros bouchon étanche en forme de gratte-ciel.

À voir :  L’Inconnu de la Grande Arche, de Stéphane Demoustier, avec Michel Fau, Swan Arlaud, Xavier Dolan, Claes Banc et Sidse Babett Knudsen. Sortie le 5 novembre.

À lire : La Grande Arche, Laurence Cossé, Gallimard (Folio), 2025.

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« L’Étranger » de François Ozon est-il politiquement correct?

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En insistant sur le contexte colonial — ce que ne faisait pas Albert Camus dans son roman — et en filmant Benjamin Voisin avec sa caméra amoureuse, le réalisateur de Huit Femmes et Potiche trahit l’esprit du texte original.


Adapter L’Étranger relève presque du pari impossible : rares sont les cinéastes capables de traduire la nudité philosophique de Camus sans la trahir. Après la superbe et trop longtemps incomprise version de Luchino Visconti (1967) — honnie par la critique d’alors, et encore contestée aujourd’hui — voici que François Ozon, cinéaste d’une filmographie inégale (où je sauve Une robe d’été (1996), Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (2000) et Sous le sable (2000)), s’attaque à ce monument littéraire.

Présenté à la Mostra de Venise 2025, ce film tourné en noir et blanc de belle facture oscille entre transposition sobre et réminiscences de la qualité française des années 1940. L’adaptation d’Ozon fluctue entre une certaine fidélité — l’indifférence et le manque de compassion humaine de Meursault — et une trahison patente, par son manque d’ambition métaphysique et son interprétation « politiquement correcte » du roman. Adapter L’Étranger est une entreprise périlleuse : comment traduire au cinéma la sécheresse de la prose camusienne sans trahir sa vérité ? François Ozon, souvent habile dans la stylisation, se laisse ici captiver par sa propre maîtrise. Ce qu’il filme n’est plus le monde, mais un dispositif.

L’image, pourtant belle, est close sur elle-même et n’accueille ni le hasard ni la vie. Là où Camus écrivait dans la lumière, Ozon filme dans la pénombre du sens. Le réalisme moral du roman cède la place à un esthétisme glacé où la caméra fige le réel au lieu de le révéler.

Le formalisme comme clôture du sens

Chez Camus, l’absurde jaillit du heurt entre l’homme et le monde. Chez Ozon, il se dissout dans une mise en scène sans porosité. Chaque plan, chaque geste semble voulu, pensé, dirigé. L’absurde n’est plus vécu, il est démontré. Bazin rappelait que le cinéma devait « laisser les choses advenir » : ici, tout est tenu à distance, organisé selon un schéma mental. Ozon filme des concepts là où Camus montrait des existences.

Benjamin Voisin incarne un Meursault abstrait, presque spectral. Le visage est impassible mais sans profondeur ; le corps, présent mais inerte. L’acteur, prisonnier d’une direction glaciale, ne parvient jamais à rendre la densité d’un homme traversé par le monde sans le comprendre.

Un réel vidé de sa substance

Le soleil, la mer, la chaleur — éléments essentiels chez Camus — sont ici réduits à des effets d’atmosphère. Le film semble avoir peur du réel : tout paraît contrôlé, fermé, presque désinfecté.

A lire aussi: La petite croisade de Sophie Bessis

L’Algérie n’est plus un espace vécu, mais un décor moral. On y perçoit la volonté de corriger Camus, de lui adjoindre une conscience politique que le roman, en 1942, laissait dans l’ombre.

Antiracisme démonstratif et commentaire post-colonial

Ce qui, chez Camus, relevait de la suggestion — l’indifférence à la mort de «l’Arabe», l’angle mort du contexte colonial — devient chez Ozon un programme idéologique. L’Algérie filmée n’est plus celle d’un écrivain méditerranéen face à la lumière, mais celle d’un cinéaste contemporain soucieux de corriger l’Histoire. Cette sur-inscription politique trahit l’esprit du texte : au lieu de révéler l’ambiguïté morale du monde, elle impose un discours à parti pris antiraciste, détournant le sens camusien.

Amplification des figures féminines

Autre dérive : la volonté de donner plus de relief aux personnages féminins. Marie, la maîtresse de Meursault, se voit dotée d’une profondeur psychologique et sentimentale que Camus refusait de lui donner. Ces scènes, souvent bavardes, installent une émotion programmée qui rompt le ton du récit. L’absurde, qui suppose silence et distance, se trouve submergé par un drame sentimental.

Photo : Carole Bethuel / Gaumont

De même, Ozon accorde une place plus importante à Djemila (Hajar Bouzaouit), ce qui lui permet — comme je l’ai dit — d’insister sur l’arrière-plan colonial, sur « l’Arabe », qui, bien que silencieux dans le texte, devient ici le marqueur d’une violence coloniale désignée comme « systémique ». De ce fait, l’acte incompréhensible et absurde de Meursault se transforme en crime raciste dans l’Algérie colonisée. Ozon cherche sans doute à compenser la froideur du texte ; il n’y parvient qu’en altérant sa rigueur.

Une sensualité homo-érotique incongrue

Le cinéaste introduit par ailleurs une tension homo-érotique diffuse — entre Meursault et certains personnages masculins, dans des regards, des gestes, une proximité étudiée. Ce motif, familier du cinéma d’Ozon, n’a ici que peu de nécessité. L’absurde devient prétexte à une exploration du désir que rien ne justifie dramaturgiquement. Là où Camus décrivait la nudité morale d’un homme face à la lumière, Ozon ajoute une sensualité artificielle, presque décorative : le corps filmé comme signe ajouté, ornement esthétique sans nécessité ontologique.

Le contresens esthétique

Tout cela aboutit à un film qui veut dire trop. Ozon surcharge Camus d’intentions politiques, sociales, sexuelles, esthétiques. Le résultat est une œuvre lourde, refermée sur sa propre conscience morale, qui oublie l’essentiel : L’Étranger n’est pas un manifeste, mais une expérience existentielle nue. La fidélité à Camus ne réside pas dans l’illustration ou la correction, mais dans le courage de filmer la lumière sans explication.

L’Étranger selon François Ozon est un film d’orfèvrerie poli, pensé, maîtrisé, mais sans souffle. Sous le vernis d’intelligence, il ne reste ni vie, ni mystère, ni réel. Le cinéaste n’adapte pas Camus : il le commente.

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La pente totalitaire de la gauche américaine

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L’élection du premier maire musulman et socialiste de l’histoire de la ville de New York met en joie en France les élus de la très sectaire France insoumise. M. Mamdani s’est présenté comme l’exact contraire du président Trump. Les analyses d’Ivan Rioufol



L’anti-trumpisme a tout pour satisfaire Donald Trump. Poussés à la radicalité, ses adversaires s’engouffrent dans des surenchères dangereuses. L’élection de Zohran Mamdani (50,4% des voix, contre 41% à Andrew Cuomo) à la mairie de New-York, ce matin, est le produit des deux idéologies totalitaires de l’époque : le wokisme, avec sa guerre raciale, et l’islamisme, avec sa guerre religieuse.

A lire aussi, Eliott Mamane: Mamdani: comment l’élection d’un «socialiste» à New-York pourrait profiter à Trump

M. Mamdani s’est présenté comme l’exact contraire du président américain. Il a fait campagne au nom de la revanche des minorités plaintives du Queens, mais aussi au nom d’un antisionisme répondant aux mots d’ordre des frères musulmans. Son militantisme pro-palestinien et pro-boycott d’Israël ne l’a pas empêché de récolter plus de 30% des voix de l’électorat juif de la ville, qui rassemble la plus forte communauté israélite du monde. En fait, Mamdani, premier maire musulman, est le symbole de ce que peut produire le progressisme aveuglé par ses dogmes, y compris auprès d’une partie d’un électorat juif qui préfère s’arrimer à une gauche aux relents antisémites plutôt que de rejoindre le camp modéré. Le centrisme de Cuomo, soutenu in fine par Trump, a néanmoins récolté 60% des voix de cet électorat. Reste qu’une même contradiction se retrouve en France chez une partie des intellectuels de gauche qui, se réclamant de leur judéité, ont défendu et défendent encore pour certains, dans un affichage conformiste, une société multiculturelle et un cosmopolite irréfléchi, en dépit du fait que ces utopies soient le cheval de Troie de l’islam conquérant et judéophobe.

A lire aussi, Marine Le Pen: « La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme »

La pente totalitaire n’est pas seulement dans la gauche américaine, rendue folle par la révolution conservatrice trumpienne et ses succès. Une même fuite en avant s’observe en France dans le camp progressiste ; il se laisse gagner par la pratique stalinienne du refus du débat. C’est un fait : la gauche française ne sait plus argumenter autrement que par le mépris, l’injure, la diabolisation. Lundi, sur France 5, c’est une journaliste du Nouvel Obs qui a fait un parallèle entre Jordan Bardella et Adolf Hitler (1), sans que le plateau ne réagisse à l’outrance. Ce manichéisme bas de gamme est également utilisé par une partie de la droite affiliée à LR. Il suffit d’entendre les arguments anti-RN rudimentaires de Xavier Bertrand ou de Jean-François Copé pour s’en convaincre.

A lire aussi, Martin Pimentel: Le pari de l’étranger

Or les mutations politiques, sociales, culturelles en cours méritent mieux que ces chasses aux hérétiques menées par une meute intellectuellement paresseuse. La clarification de la ligne des LR, réclamée notamment par Bertrand, devient un préalable indispensable. Manuel Valls avait théorisé à juste titre les « deux gauches irréconciliables ». Il y a aussi, désormais, deux droites irréconciliables. Dans la radicalité qui s’impose, il est temps de trancher entre ceux des LR qui veulent s’abriter encore derrière un centrisme sous tutelle de la gauche, et ceux qui veulent rompre avec ce monde finissant. Mamdani s’annonce comme l’ultime soubresaut d’un progressisme intolérant.

La une du « New York Post », tabloïd américain. DR.

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1 Caroline Michel-Aguirre a affirmé : « Le patronat prend un risque parce qu’une partie (des chefs d’entreprise) multiplie les contacts avec Jordan Bardella et se dit : « On va prendre le contrôle de son cerveau. Il est jeune, il n’y connaît rien, on va lui donner un programme libéral. (…) « C’est ce qu’Alain Minc appelle l’effet von Papen ; c’est-à-dire qu’au nom d’une potentielle stabilité, on va prendre ce risque parce qu’on va le contrôler » NDLR

« La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme »

Dix-huit mois avant les prochaines élections nationales (du moins en théorie), la favorite des sondages continue sa guerre d’usure contre le bloc central mais ne veut toujours pas entendre parler de l’union des droites.


Le bureau de Marine Le Pen à l’Assemblée nationale est l’un des plus charmants endroits du Palais-Bourbon. En sa qualité de présidente de groupe, l’élue du Pas-de-Calais a droit à une belle pièce lambrissée au cœur du bâtiment historique, quand les députés « de base » sont relégués dans des locaux annexes nettement plus exigus et ternes. Certains habitués prétendent pourtant que le lieu, occupé par le passé par deux stars du gaullisme au destin brisé, Philippe Séguin et François Fillon, porte malheur. Quand elle nous y reçoit le 15 octobre, Marine Le Pen semble toutefois imperméable aux mauvais présages. En dépit des vents judiciaires contraires, la patronne du RN est remontée à bloc. À travers la porte, on l’entend lancer : « Tu sens mauvais ! » Qu’on se rassure, cette apostrophe s’adresse au chaton aperçu dans ses bras dans la cour de Matignon, quelques jours plus tôt – il grossit. Ce jour-là, elle a compris que les deux motions de censure inscrites à l’agenda du lendemain dans l’Hémicycle ne passeront pas, mais cela n’entame pas sa belle humeur. Elle est persuadée que la chute du gouvernement Lecornu n’est qu’une question de semaines. Et rêve à voix haute d’une prochaine dissolution et d’une victoire du RN, donc de gouverner la France.


Causeur. Vous avez sifflé la fin des gouvernements Barnier puis Bayrou. Mais celui de Sébastien Lecornu a survécu à votre tentative de censure et vous n’avez pas obtenu la dissolution que vous réclamiez. Auriez-vous perdu la main ?

Marine Le Pen. La dissolution est inéluctable. Demain, dans quinze jours, dans un mois et demi, elle aura lieu. Nos institutions sont ainsi faites que c’est la seule solution possible au blocage actuel. En attendant, il est intéressant d’observer le spectacle de tous ceux qui cherchent des prétextes pour empêcher cette issue : les socialistes, qui ont sauté sur l’excuse de la suspension de la réforme des retraites pourtant loin d’être acquise, et les Républicains, dont le grand écart doit considérablement malmener les adducteurs. Leur point commun : ils ont peur des élections. Et ils ont raison d’avoir peur.

Nous, nous n’avons aucun poste à défendre, mais nous sommes opposés à la dissolution. Nous pensons qu’il serait préférable, pour le pays, de retrouver les échéances normales : une présidentielle dans dix-huit mois et ensuite des législatives qui donneraient une majorité au nouveau président. Certes, en l’absence de majorité, on ne va pas faire de grandes réformes. Il faut tenir.

Sauf qu’en politique, quand on n’avance pas, on recule. Le blocage actuel aggrave la situation de la France, notamment la situation budgétaire.

Oui mais une nouvelle dissolution pourrait engendrer une assemblée aussi gouvernementale et nous plonger dans une situation insoluble. Vous êtes prête à parier le destin du pays sur votre certitude d’avoir une majorité en cas d’élection ?

Je ne parie sur rien, je respecte la démocratie. Et je crois que les Français sont prêts à se donner aujourd’hui une alternance.

Sauf que vous ne pouvez pas provoquer immédiatement l’alternance présidentielle.

Nous n’avons en effet pas prise sur la démission du président de la République. Mais, puisque Emmanuel Macron a fait savoir qu’il prononcerait une dissolution en cas de nouvelle chute du gouvernement, nous avons prise sur un retour des députés devant les urnes, voulu par 66 % des Français.

En attendant, si la réforme des retraites est suspendue, le PS pourra se targuer de cette victoire…

Je ne compte pas tomber dans le piège socialiste consistant à faire de cette suspension l’alpha et l’oméga du débat public. Il existe bien d’autres sujets de préoccupation dans notre pays, comme le record de présence de personnes étrangères sur le territoire, l’insécurité qui continue de se dégrader dans des proportions spectaculaires, les 74 milliards de charges de la dette à payer en 2026, c’est-à-dire 6 milliards de plus que ce qui avait été prévu, et le budget en préparation, qui prévoit 20 milliards de hausses et 28 milliards d’augmentation de la dépense publique.

Il se trouve que bon nombre de Républicains partagent vos inquiétudes et semblent très réticents à rester dans le « socle commun ».

Oui, surtout ceux qui ne sont pas concernés ! Monsieur Bellamy a indiqué que, s’il était député, il aurait voté la censure. Et moi, si j’avais des roulettes, je ferais un bel autobus !

On dirait que vous affectionnez le « tout ou rien ». Alors qu’après tout, au lieu de faire des concessions aux socialistes, Sébastien Lecornu aurait très bien pu essayer de s’arranger avec vous.

Mais la feuille de route que lui a fixée Emmanuel Macron, c’était de négocier avec les socialistes. Au nom du « tout sauf le Rassemblement national ». C’est insensé, mais c’est ainsi.

Il se dit pourtant que, lorsqu’il a décidé de dissoudre, Emmanuel Macron espérait vous donner les clés de Matignon. 

Je vais vous raconter la véritable histoire. Le 9 juin 2024, quand Emmanuel Macron dissout l’Assemblée, il croit en effet faire un coup mitterrandien. Il prévoit alors notre victoire dans les urnes, et donc notre arrivée aux affaires, ce qui lui permettra, s’imagine-t-il, de démontrer que le Rassemblement national est un ramassis d’incapables. Sauf que le soir du premier tour, le vertige le prend. Il se dit : « Non, ce n’est pas possible ! » Alors il change totalement son fusil d’épaule. Et il appelle lui-même ses propres députés – j’en ai eu le témoignage – pour leur demander de se désister dans les triangulaires où ils sont mal placés afin de nous faire barrage. Ultérieurement, l’Élysée a diffusé une légende urbaine pour faire accroire que cette manœuvre, que l’on a appelée le « front républicain », était une initiative de Gabriel Attal non désirée par le président. C’est totalement faux.

Si c’est faux, c’est bien inventé. Quittons un instant de la séquence actuelle. Vous êtes revenue des enfers politiques : en 2017, on vous faisait un procès en cryptofascisme et en incompétence, et aujourd’hui, alors que vous êtes l’ultra-favorite de la présidentielle, il n’est pas sûr que vous puissiez vous présenter. Comment le vivez-vous ?

C’est précisément parce que je suis ultra-favorite qu’on veut m’empêcher de me présenter. Avec cette grille de lecture, vous comprenez tout ce qui se passe aujourd’hui à l’Assemblée, mais aussi les ingérences d’autorités judiciaires et la multiplication des affaires. Le pouvoir a peur de nous, car il sait bien que, dans tous les pays gouvernés par des mouvements qui nous ressemblent, ou du moins qui partagent nos grandes lignes, les citoyens sont satisfaits. On le voit aussi, d’ailleurs, dans les municipalités RN, où nous avons été élus et réélus, souvent dès le premier tour. Non seulement les administrés se sont rendu compte que notre politique n’était pas la catastrophe annoncée, mais ils apprécient ce que nous faisons.

Malgré votre condamnation à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, plusieurs spécialistes affirment que, si une élection nationale avait lieu demain, le Conseil constitutionnel ne vous empêcherait pas de vous présenter. Partagez-vous leur analyse ?

Le Conseil constitutionnel a en effet toujours considéré que l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité ne pouvait pas s’appliquer à un mandat national. Le fait qu’il ne s’oppose pas à ma candidature en cas de législatives anticipées et, a fortiori, de présidentielle serait donc logique vu ses jurisprudences. C’est en tout cas ce qu’a écrit le rapporteur du Conseil d’État, suite au recours que j’ai formulé concernant mon mandat de conseillère départementale. Et la Cour européenne des droits de l’homme dit la même chose.

Et si votre inéligibilité est confirmée en appel cet été, pourrez-vous vous présenter ?

Évidemment pas. Raison pour laquelle j’ai indiqué dès le départ que je prendrai ma décision de me présenter ou non lors du rendu de l’arrêt de la cour d’appel.

Sans attendre une éventuelle décision en cassation ?

Non, car on ne sait pas quand une telle décision serait rendue et on ne peut pas se lancer dans une campagne présidentielle au dernier moment. J’annoncerai donc ma décision cet été pour ne pas hypothéquer la candidature de Jordan Bardella dans le cas où il devrait y aller.

Dans la situation catastrophique de la France, qu’est-ce qui vous fait penser que vous êtes en mesure de la redresser ?

Mon camp politique est le seul à avoir véritablement le courage de faire ce qui doit être fait, pour la bonne raison que nous nous moquons du jugement des élites autoproclamées qui, depuis des décennies, gouvernent la France contre le peuple.

Une proportion non négligeable de Français vous sont toutefois très hostiles…

Sur les grands sujets, comme la restauration du délit de présence irrégulière sur le territoire, la mise en place de la priorité nationale dans les logements sociaux ou l’organisation d’un référendum sur l’immigration, le peuple est très majoritairement d’accord avec nous.

Un projet pour la France ne peut se réduire à des mesures sur l’immigration c!

Une majorité de nos concitoyens, y compris d’ailleurs bon nombre d’électeurs LFI, sont aussi d’accord avec nous pour que l’État fasse des économies sur son train de vie, qu’il lutte sérieusement contre les fraudes non seulement sociales mais aussi fiscales, et qu’il mette davantage à contribution les hauts patrimoines pour financer une baisse d’impôts pour les classes moyennes. Bref, une majorité de Français soutiennent les grandes orientations que nous portons.

En ce cas, pourquoi ne vous ont-ils pas déjà élue ? Pourquoi n’ont-ils pas bravé le front républicain pour donner une majorité à Bardella ?

La transformation du soutien à des mesures en vote prend toujours du temps ; mais je dis aux Français qu’il y a urgence avant que la situation soit hors de contrôle.

Avoir une majorité derrière soi ne suffit pas. Pour gouverner, il vous faut aussi savoir dialoguer avec les autres partis, les syndicats, les corps intermédiaires. Vous qui méprisez les « élites autoproclamées », comme vous dîtes, avez-vous cette capacité ?

Absolument et je le démontre. Nous sommes le parti le moins sectaire du Parlement, celui qui vote le plus d’amendements ou de propositions de loi qui n’émanent pas de ses rangs. Et depuis que nous avons tendu la main à Éric Ciotti, nous travaillons merveilleusement bien ensemble, malgré certaines divergences d’approches sur l’économie.

Curieusement, vous êtes l’alliée du parti Ciotti, dont le nom est « Union des droites pour la République », mais vous vous refusez à vous dire de droite.

Je ne dis pas non plus que je suis de gauche.

« Je suis la candidate de Jordan à la présidentielle. » Marine Le Pen et Jordan Bardella en meeting à Hénin-Beaumont, 24 mai 2024. Francois Greuez/SIPA

Certes, mais vous êtes attachée à la nation et vous avez une conception plutôt traditionnelle du régalien. Tout cela est aujourd’hui plutôt de droite, non ?

Vous avez vu la droite défendre la nation, ces dernières années ? J’ai plutôt le sentiment qu’elle a soumis la France à l’Union européenne et qu’elle a voté pour Madame von der Leyen !

La droite est soucieuse de continuité historique. Elle veut que « la France reste la France ». La France est-elle menacée ?

Si je ne pensais pas que la France est menacée, j’irais planter des fraises. Elle l’est d’autant plus que beaucoup de gens le savent et nous font perdre du temps en disant la même chose que nous pour nous empêcher de le faire. C’est pour cela que j’en veux bien plus à la droite qu’à la gauche. La droite sait ce qui se passe et, arrivée aux responsabilités, ne fait pas ce qu’il faut faire. Beaucoup de gens à droite espèrent des gens comme nous, mais qui soient plutôt comme eux. Peut-être ne sommes-nous pas assez bourgeois.

En attendant, à gauche, on brandit plus facilement le drapeau palestinien que le drapeau français.

Pour ma part, je me sens plutôt gaullienne. Le général de Gaulle appréciait la gauche pour son côté social, mais la trouvait complètement utopique avec sa propension à aspirer à n’importe quelle nouveauté, dès lors qu’elle était définie comme un progrès. Et il appréciait la droite pour son réalisme, tout en la trouvant enferrée dans l’immobilisme, la défense des intérêts particuliers et une forme de conservatisme excluant toute forme d’évolution ou d’amélioration.

En vous écoutant, on a l’impression que, contrairement à Jordan Bardella, vous considérez « libéralisme » et « conservatisme » comme des gros mots. Êtes-vous conservatrice ?

Non. Le conservatisme est une posture de peur et de nostalgie, qui consiste à rester assis sur le ballon. Une fuite en arrière, dans le sens inverse du macronisme, qui est une fuite en avant. Ma vision du pays n’est pas celle-là. On peut défendre l’histoire, la culture et les grands idéaux qui sont les nôtres, sans opposer, comme la droite et la gauche aiment à le faire, les principes de la République et notre héritage plus ancestral. Je considère au contraire que les deux se nourrissent l’un de l’autre. Et puis surtout, je suis pour monter, aller vers le haut. Notre pays a encore énormément à offrir. À commencer par sa souveraineté, c’est-à-dire sa liberté de choisir son destin.

Encore faut-il conserver cette souveraineté. Sans quoi dans trente ans, la France ressemblera à la Belgique islamisée.

Je lutte, me semble-t-il, avec plus d’efficacité que les conservateurs, contre l’immigration massive qui change notre mode de vie, nos codes et nos mœurs.

En quoi ?

Ma famille politique alerte depuis des décennies sur ces sujets et propose depuis maintenant des années des textes législatifs pour répondre à ces enjeux, que ce soit notre référendum sur l’immigration ou ma proposition de loi de lutte contre les idéologies islamistes.

Êtes-vous libérale ?

Sur le plan sociétal assurément, mais modérément. Sur le plan économique, notre mouvement a été libéral quand le socialo-communisme constituait un danger majeur pour le monde. Mais après la chute du mur de Berlin, le libéralisme est devenu, du fait de la disparition des frontières, ce qu’on a appelé l’« ultra-libéralisme », c’est-à-dire une forme de globalisme qui représente aujourd’hui un péril au moins aussi grave que le socialo-communisme en son temps. À cet égard, Jean-Marie Le Pen a été visionnaire. Lui qui avait été thatchérien dans les années 1980 a lancé le slogan « Mondialisation, piège à cons » dès 1998.

Vous trouvez que nous sommes un pays ultra-libéral ?

Non. La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme, « en même temps ». Ce qui est tout de même assez extraordinaire.

Pourquoi dites-vous « gaullienne » et pas « gaulliste » ?

À cause de l’Algérie. Je reproche à de Gaulle d’avoir menti aux pieds-noirs et d’avoir abandonné les harkis. Il a laissé tomber des gens qui avaient choisi la France. C’est incompréhensible. Reste qu’il avait raison au sujet de la gauche et la droite. Comme lui, je pense qu’il y a des patriotes aussi bien à droite qu’à gauche mais qu’en réalité, la droite et la gauche, c’est totalement dépassé.

C’est aussi ce que pense Macron.

Sa position est calquée sur la nôtre. Et je rappelle que je suis élue dans une circonscription qui était socialo-communiste pendant quatre-vingts ans.

La suite de l’entretien est à lire dans le magazine dès maintenant pour les abonnés, et demain sur le site.

Zohran sourit

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Qui est le nouveau maire radical de New York ? Sur quelles mesures a-t-il été élu ?


Zohran Mamdani, 34 ans, a créé la surprise en remportant hier la mairie de New York avec 50,4 % des voix, devançant nettement Andrew Cuomo et le républicain Curtis Sliwa. Inconnu il y a un an, le candidat socialiste et communautariste radicalement opposé à Trump a bâti sa campagne sur la dénonciation des élites et des « milliardaires qui achètent les élections ». « Le futur est entre nos mains », a-t-il lancé hier soir à ses partisans, saluant une « renaissance » politique de la ville • La rédaction

Le mardi 4 novembre est jour de vote aux Etats-Unis. Et en cette année « blanche » (il n’y a ni élection présidentielle, ni renouvellement du Congrès) les yeux des médias sont braqués sur la ville de New York, où l’histoire est en train de s’écrire.

Pour la première fois en plus de quatre siècles d’existence de la « grosse pomme » (New York a été fondée en 1624), un candidat radical socialiste est favori pour être élu maire. En plus d’être d’extrême gauche, il est musulman et antisioniste ! Il n’est pas né aux Etats-Unis et n’a acquis la nationalité américaine qu’en 2018, lors de son entrée en politique ! Il s’appelle Zohran Mamdani. Il a 34 ans et il représente peut-être l’avenir du parti démocrate. Pour le meilleur ou pour le pire !

Comment est-il arrivé là ?  Et comment New York en est-elle arrivée là ? C’est ce que nous allons voir !

Une métropole de 23 millions d’habitants

New-York est la capitale économique et la ville la plus peuplée des Etats-Unis avec 8 millions d’habitants. Sa métropole en compte près de vingt-trois millions. C’est la porte d’entrée vers la Etats-Unis. Depuis 1886, la Statue de la Liberté, dressée au milieu des eaux de la baie d’Hudson, accueille les immigrants… qui continuent d’affluer. La zone métropolitaine de New York possède la plus forte concentration de personnes nées à l’étranger de tous les Etats-Unis, 5,6 millions soit près du quart de la population.

La ville même rassemble cinq « boroughs », des « quartiers » (beaucoup plus étendus que des arrondissements parisiens) : Queens, Brooklyn, Manhattan, le Bronx et Staten Island. Manhattan possède la plus forte densité de population des Etats-Unis, le mètre carré habitable le plus cher, le plus haut revenu moyen et la plus importante concentration de richesse du pays.

Mais elle n’est plus ce qu’elle a été. A cours des dix dernières années elle a vu sa population diminuer. Une première historique. Son résident le plus célèbre l’a quittée avec fracas, Donald Trump, désormais résident de Floride. Comme des milliers d’autres qui ont fui son coût de la vie prohibitif et progressivement privé la ville d’importants revenus fiscaux.

New York est dirigée par un maire, élu au suffrage universel tous les quatre ans. Le maire actuel s’appelle Eric Adams. C’est un Noir, ancien policier, élu en 2021. Face à des accusations de corruption, il a renoncé à briguer un second. Trois candidats se disputent sa succession. Curtis Sliwa, un républicain, Zohran Mamdani, le démocrate et Andrew Cuomo, l’ancien gouverneur de l’Etat de New York qui se présente en indépendant.

65% des électeurs de New York sont inscrits comme Démocrates contre 11% comme Républicains. Tandis que 21% se disent indépendants. Sur le papier Mamdani est donc archi-favori pour l’emporter ce 4 novembre. En soi ce n’est pas sensationnel. Ce qui l’est c’est le pédigrée de Mamdani. Il vient de l’extrême gauche radicale, un parti appelé « le parti démocrate-socialiste d’Amérique » (DSA) et se revendique d’un marxisme pur et dur. Pour Mamdani, « le capitalisme c’est du vol » et seule « la propriété collective des moyens de production » peut établir la justice sociale…

Son ascension jusqu’à la nomination du parti démocrate pour la mairie de New York est révélatrice, de la dérive à gauche du parti emmené par une minorité progressiste très agissante.

Les extrémistes très motivés aux primaires

Les élections aux Etats-Unis se déroulent toujours en deux temps : une élection primaire suivie d’une élection générale.  L’élection primaire sert à désigner le candidat de chaque parti, l’élection générale sert à départager les candidats désignés lors des primaires. Lorsqu’un parti dispose de la majorité au sein de l’électorat, le vainqueur de la primaire est assuré d’être aussi le vainqueur de l’élection générale.

Typiquement les élections primaires attirent beaucoup moins d’électeurs que les élections générales. Et typiquement ces électeurs sont plus motivés et plus extrémistes que ceux qui votent au scrutin général. Ce sont deux caractéristiques que les radicaux ont récemment exploitées pour gagner en influence au sein du parti démocrate.

Il y a quelques années, en 2018, Alexandria Ocasio Cortez (« AOC » pour la presse américaine), elle aussi militante du DSA, avait utilisé cette stratégie pour se faire élire au Congrès. Elle avait défié le démocrate sortant lors de la primaire et l’avait aisément emporté : 57% contre 43% dans le 14eme district de New York. Moins de trente mille électeurs démocrates firent l’effort de participer à ce scrutin. Sur une population de sept cent cinquante mille personnes. En clair avec quinze mille voix seulement sur deux cent dix mille inscrits, soit 7,5% des voix, elle avait obtenu l’imprimatur du parti démocrate garantissant sa victoire lors de l’élection générale de novembre. A 36 ans, elle est devenue depuis l’une des figures de proue des Démocrates du Congrès et personnifie une nouvelle garde, jeune, enthousiaste, énergique et radicale.

M. Mamdani espère clairement lui emboiter le pas à New York. Sa première victoire est survenue le 24 juin lorsqu’il a battu Andrew Cuomo dans la primaire démocrate. Plus d’une dizaine de candidats étaient en lice et il a profité de l’émiettement du vote et de l’impopularité de Cuomo – personnellement accusé de harcèlement sexuel et dont le mandat de gouverneur a été entaché d’accusations de mauvais management – pour arriver en tête avec 44% des voix contre 36%. Soit un peu plus de 450 000 votes sur 5,1 millions d’électeurs inscrits. C’est à dire moins de 10% des électeurs. Mais cela a suffi à le parachuter en tête et en faire la vedette inattendue du parti démocrate en 2025.

M. Cuomo a décidé de maintenir sa candidature sous l’étiquette « indépendant ». Il traine dix points derrière M. Mamdani dans les sondages. Quant au Républicain Sliwa, il plafonna à 19%. L’establishment du parti démocrate s’est récemment rangé derrière Mamdani. Kathy Hochul la gouverneur et Hakeem Jeffries, le premier Démocrate de la Chambre lui ont tous les deux accordé leur soutien officiel. Un boulevard s’ouvre donc devant ce nouveau venu.

Radical chic

Zohran Mamdani est un enfant de la bourgeoisie intellectuelle progressiste de New York. Son père, originaire d’une famille musulmane de Bombay, en Inde, est professeur à la prestigieuse université Columbia. Sa mère, également Indienne, est une cinéaste reconnue. Ses films ont été primés à Cannes et à Venise et elle a reçu deux Césars. L’enseignement du père, et les films de la mère touchent aux mêmes sujets : l’identité, la culture et la race à l’âge des migrations de masse dans le monde post-colonial. Les préoccupations politiques de Zohran Mandani se sont construites autour de ces mêmes thèmes.

Zohran est né à Kampala en Ouganda, où ses parents vivaient et travaillaient alors. Après un détour par l’Afrique du Sud, ils ont emménagé à New York quand Zohran avait sept ans. Après des études dans une école privée du Bronx, Zohran a obtenu un « B.A. » (Bachelor of Arts, l’équivalent d’une licence) en Etudes africaines du Bowdoin College, une université privée, très exclusive du Maine (les frais de scolarité sont de 72 ,000 $ par an). Pendant ses études il fut président de l’association locale des « Etudiants pour la justice en Palestine », une organisation qui milite pour le droit au retour des réfugiés palestiniens et n’a jamais reconnu la légitimité de l’existence d’Israël. Mamdani affirme encore aujourd’hui que « la question de la Palestine est au cœur de son engagement. » Il se définit comme « antisioniste » mais se défend d’être « antisémite ». Avec son diplôme en poche, en 2014, Mamdani devint activiste au service de causes progressistes. Il travailla notamment pour une association d’aide aux locataires à bas revenu en les aidant à contrer les menaces d’expulsion.

Il s’essaya aussi à la musique Hip-Hop, sous le pseudonyme de « Young Cardamom ». Il portait déjà une barbe courte, et de longues tuniques indiennes. Son clip « Nani » (visionnable sur YouTube) est un hommage humoristique à sa grand-mère, à la cuisine indienne, aux « food-trucks » et à l’autorité parentale (pas très « démocrate-socialiste »). « Cardamom » y joue le rôle d’un gosse de la rue, mais sa barbe, courte et bien taillé à la mode des Frères Musulmans, le rend peu crédible.

Dans « Kanda Chap Chap », clip tourné à Kampala, il distribue à la volée (chap chap) du pain dont il a lui-même pétri la pâte (kanda)) et se moque de ses études universitaires… C’est un plus irrévérencieux, mais pas bien méchant. Papa-maman ont peut-être pensé en découvrant le clip que les frais de scolarité à Bowdoin avaient été de l’argent mal investi…

Mais « Young Cardamom » n’a jamais eu de Grammy et Zohran Mamdani a abandonné la musique pour la politique. Raison pour laquelle il a fini par se faire naturaliser Américain. C’était en 2018, à l’âge de 27 ans.

En 2020 Mamdani s’est présenté pour un siège à l’Assemblée de l’Etat de New York sous l’étiquette des « Démocrates Socialistes Américains ». Le DSA est un petit parti politique (moins de cent mille membres aux Etats-Unis) d’inspiration marxiste-léniniste qui rejette « l’oligarchie » au pouvoir aux Etats-Unis, au profit d’une société plus égalitariste, avec une couverture sociale gratuite et universelle, la nationalisation des services essentiels (transports, etc), et soutient le droit des immigrants et des personnes LGBTQ…

Lors de la primaire démocrate, Mamdani défia la sortante, une jeune avocate d’origine grecque Aravella Simotas et il l’emporta de moins de cinq cents vote, 8 410 contre 7 987. Lors de l’élection générale en novembre, il n’eut aucun adversaire. La politique à New York c’est l’affaire du parti démocrate. Ainsi huit mille suffrages ont suffi pour lancer sa carrière politique.

Ses compétences très incertaines

Mamdani n’a jamais eu de vrai métier. Il ne sait rien faire, ce qui, en politique, est le gage inévitable d’une longue carrière. Bernie Sanders non plus n’a jamais eu de métier et Alexandria Ocasio Cortez était serveuse dans un restaurant (un gagne-pain, pas un métier) quand elle s’est présentée au Congrès.

 Aujourd’hui Mamdani vise un poste beaucoup plus exposé, sans avoir rien renié de ses idéaux marxistes. Au contraire. Il a fait de son radicalisme sa distinction et sa force. Voici ses propositions phares pour la ville de New York :

le gel des loyers ! Une mesure destinée à lutter contre le coût du logement dont on sait qu’elle entraine une chute de l‘offre et une pénurie de logements locatifs. Pour y remédier il a promis de construire deux cent mille logements à loyers modérés sur dix ans, et d’octroyer ces contrats uniquement à des entreprises avec 100% d’ouvriers syndiqués. 

– la gratuité des bus. Actuellement le ticket vaut 2,90 $, ou 7 $ pour les bus « express ». Au passage, Mamdani a promis qu’une fois gratuits, les bus iraient aussi plus vite ! Mais il n’a pas expliqué comment !

– la gratuité des crèches et des soins de santé pour les bébés de 6 semaines à 5 ans.

– l’arrêt du programme « élèves doués et talentueux » qui permet aux meilleurs jeunes écoliers de bénéficier d’une instruction supplémentaire, s’ils le souhaitent.

-la création d’au moins cinq « épiceries municipales » (une par quartier), gérées par la ville de New York, donc sans l’obligation d’être rentables, pour offrir des produits alimentaires à bas prix.

– Le doublement (ou presque) du salaire minimum pour le porter à 30 $ de l’heure, contre 16,50 $ actuellement.

– la création d’un « département de la sécurité commune » (Department of community safety) pour alléger la tache de la police municipale et faire gérer la petite criminalité, par des travailleurs sociaux, des médiateurs et autres spécialistes de la santé mentale, etc. Pour rappel en 2020, Mamdani avait soutenu le mouvement « defund the police » visant à baisser voire supprimer les budgets des polices municipales. Il a aussi appelé à la fin des prisons qui ne sont rien d’autre pour lui que les manifestations d’un « Etat carcéral » qu’il rejette.

– la création de centres d’accueils pour des jeunes LGBTQ ou en processus de « transition » de genre. Mamdani veut faire de NYC une ville sanctuaire pour les transgenres, comme d’autres villes américaines se sont déclarées sanctuaires pour les immigrants clandestins.

Tax the rich !

Pour financer ces programmes il propose une hausse de la taxe sur les sociétés de 8,85% à 11,5% et une surtaxe de 2% sur les revenus supérieurs à un million de dollars par an.

Lors d’un grand meeting, fin octobre, la foule n’a cessé de scander « tax the rich ». Mamdani lui-même avoue « ne pas aimer les millionnaires »… Il aura pourtant besoin d’eux pour financer ses programmes. Chacun sait que « taxer les riches » est une proposition démagogique qui plait toujours aux foules mais qui ne permet pas de boucler les budgets. Il n’y a tout simplement pas assez de riches et ils ont toujours le loisir de déménager pour des cieux plus accueillants. Quand on commence par taxer les riches, on finit toujours par taxer la classe moyenne. C’est là qu’il y a de l’argent… Bref, le programme de Mamdani est une catastrophe en devenir pour New York. Mais c’est un programme qui attire un électorat jeune, né après la fin de la guerre froide, venu de tous les horizons, et élevé à la propagande de gauche qui passe pour de l’enseignement dans les écoles publiques et domine dans les réseaux sociaux. Cet électorat n’a jamais connu ni la difficulté, ni l’absence de liberté, ni les privations associées aux régimes socialistes dans l’histoire récente et ils sont prêts à tenter l’expérience avec Zohran…Les contradictions ne les effraient pas. Bien que prétendant parler au nom des masses laborieuses, M. Mandani n’en fait pas partie. C’est un bourgeois et un intellectuel, qui a grandi dans un milieu privilégié. Il s’identifie aux masses mais les masses ne s’identifient pas à lui. D’ailleurs les quartiers les plus populaires de New York sont ceux où il a fait ses plus mauvais scores lors de la primaire.

Le ressentiment est au cœur de sa démarche. Mamdani est un narcissique déraciné de naissance. Il appartient à plusieurs mondes et ne se sent chez lui dans aucun. Bien que né en Ouganda, il était Indien et, en Afrique, perçu comme un blanc ; et bien que blanc il est désormais perçu aux Etats-Unis comme un Indien, musulman de surcroit. Identité qu’il revendique mais qui l’isole. Il n’est chez lui nulle part et il a fini par développer une vision idéalisée de la culture du pays de départ, et un rejet des valeurs du pays d’accueil, alors que c’est ce pays qui lui a offert à la fois la sécurité et la possibilité de suivre la voix de son choix.

Et puis, il y a le sujet subsidiaire de la religion, de la vision du monde qu’elle engendre et de son incidence sur la société newyorkaise…

Mamdani est un musulman chiite duodécimain et sa religion est une composante majeure de sa personnalité.  Il croit au « Mahdi », à « l’imam caché », le douzième imam qui fera son retour à la fin des temps pour instaurer la justice d’Allah. Son épouse Rama Duwaji est musulmane d’origine syrienne. Lors de leur mariage ils ont organisé une cérémonie à Dubaï pour conclure un « nikah » c’est-à-dire un contrat de mariage selon les règles de la « sharia », la loi islamique.

Invité à plusieurs reprises durant la campagne à dénoncer cette « loi islamique », M. Mamdani a toujours esquivé la question. Lorsqu’il parle de l’islam c’est pour dénoncer à demi-mots une islamophobie qu’il perçoit chez les Américains.  Il a évoqué une « tante » qui après les attaques du 11 septembre 2001 aurait eu « peur de prendre le métro avec un hijab parce qu’elle ne se sentait plus en sécurité ». L’histoire semble être une affabulation. Mamdani n’a jamais eu de tante à New York, mais son intention à travers un tel récit est claire : revendiquer le port de l’habit islamique et dénoncer l’islamophobie latente des Américains.

New York City compte environ huit cent mille musulmans, originaires du Proche Orient, d’Asie centrale et d’Asie du Sud-Est. Ce sont souvent des immigrants récents, dont des étudiants, et par forcément des gens ayant la citoyenneté américaine, mais pour ceux qui l’ont, c’est un vote ethnico-religieux acquis à Mamdani.

Antisioniste, pas antisémite

Il n’y a pas que des musulmans à New York. Il y a aussi plus d’un million de juifs. Et la question de la relation de cette communauté avec Mamdani, s’il l’emporte, est posée. Mamdani ne reconnaît pas la légitimité de l’Etat d’Israël, ni le droit des juifs à un foyer national sur la terre de leurs ancêtres. Mais il se défend d’être antisémite. La différence est subtile et ténue. Comment rejeter le droit des juifs à disposer d’un foyer national où ils puissent être à l’abri des persécutions dont ils ont été victimes au cours des siècles passés, y compris au 20ème, tout en prétendant ne pas rejeter les juifs tout court ? Mamdani a soutenu les slogans « la Palestine de la rivière à la mer »,  et « globaliser l’intifada ». Le premier nie le droit d’Israël à exister, le second appelle à une lutte globale et violente contre l’Etat israélien. Or depuis la guerre à Gaza, ces slogans ont pris une place qu’ils n’avaient pas jusqu’alors, dans un contexte marqué par une montée sans précédent de l’antisémitisme, notamment chez les jeunes et sur les campus universitaires.  Mandani a lui encouragé cet antisémitisme en accusant Israël de mener un « génocide » à Gaza, à l’encontre de la réalité des faits. Au nom de sa religion, il s’est aussi affiché avec des imams radicaux, y compris certains ayant été lié à des attentats terroristes à New York.

Si beaucoup de juifs de New York ont une sensibilité démocrate, et partagent certaines positions progressistes, l’élection de Zohran Mamdani à la mairie, aurait des conséquences inévitables au sein, et peut-être à l’encontre, de cette communauté.

Cette victoire aurait aussi des conséquences sur le parti démocrate lui-même. Après la défaite électorale de 2024, et la paralysie des instances actuelles, il y a une place à prendre à la tête du parti de l’âne, pour 2028 et pour après. La jeune garde radicale est prête pour ce défi. D’autant qu’elle a su greffer au crédo marxiste classique des considérations plus contemporaines sur le genre, les identités multiculturelles et les migrations.

L’idéologie dont se revendique Zohran Mamdani n’est pas que marxiste-leniniste. C’est un cocktail de ressentiment tiers-mondiste, d’idéalisme néo-communiste et d’anti-américanisme, le tout baignant dans une totale ignorance des lois naturelles de l’économie.  C’est un cocktail détonnant qui pourrait rassembler une large faction du parti démocrate et représenter le futur de ce parti. Ou bien le mener à son éclatement. Le score de Mamdani au soir du 4 novembre sera un premier enseignement sur la question.

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Pollution plastique: du fantasme militant à la réalité scientifique

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Selon une étude de l’Agence européenne de sécurité des aliments, les conséquences prétendument désastreuses sur la santé des nanoplastiques sont bidons, se réjouit Joseph Tayefeh, Secrétaire général de l’organisme représentant l’industrie du plastique en France. Il appelle à protéger cette industrie qui répond à des exigences de sécurité parmi les plus strictes au monde.


Il y a des vérités qui mettent du temps à percer, surtout lorsqu’elles dérangent les dogmes médiatiques. Depuis des années, ONG et militants écologistes, aidés de leurs relais politiques saturent l’espace public de déclarations anxiogènes sur les microplastiques et les nanoplastiques, ces poussières invisibles accusées de tout polluer et d’empoisonner nos corps et nos enfants. Car la stratégie a changé et nos chers et coûteux militants ont de l’imagination : n’ayant pas réussi à inverser la courbe de la consommation de produits en plastique par des images chocs de mammifères marins en souffrance à l’autre bout du monde, c’est désormais par la peur de ce qu’on ne voit pas, qu’ils ont essayé de nous tromper. 

Tempête émotionnelle

Face à cette tempête émotionnelle, Plastalliance, qui représente l’industrie française de la plasturgie et du composite, s’est retrouvée seule à rappeler une évidence scientifique : aucune étude sérieuse n’a jamais démontré le moindre risque concret pour la santé humaine dans des conditions normales d’exposition ou d’utilisation des microplastiques ou des plastiques fabriqués en France ou dans l’Union européenne.

Chaque fois que certains médias plus courageux se penchaient sur le sujet, ils constataient la même chose : les études brandies comme des preuves sont truffées de biais, d’erreurs méthodologiques et de limites si profondes qu’elles rendent leurs conclusions tout simplement non recevables.

Que n’ai-je pas entendu personnellement en tant que Secrétaire général ou essayiste ! J’étais, paraît-il, un « lobbyste fabricant de doute », un adepte du « science bashing », alors que je ne faisais que lire, rigoureusement, ces études qui, pour certaines, reconnaissaient honnêtement leurs propres limites. Mais peu importe : une grande partie de la presse préférait y voir ce qu’elle voulait trouver. Des titres chocs : des micro et nanoplastiques dans le cerveau, le cœur, les artères, les organes génitaux ! Le message était clair : femmes enceintes, enfants, vous êtes envahis par le plastique qui aura votre peau en la traversant.

« La force de la vérité est qu’elle dure », dit le proverbe

Et voilà que l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) remet les pendules à l’heure avec une étude fracassante publiée le 21 octobre : la plupart des études relayées entre 2015 et 2025 présentent des erreurs méthodologiques majeures et ne démontrent pas grand-chose. Plus précisément, ce sont 1 711 publications, dont 122 ont été sélectionnées pour l’extraction de données qui ont été passées en revue. Huit publications supplémentaires ont été ajoutées afin d’apporter davantage de contexte.

Selon l’EFSA : « La plupart des études concernent les microplastiques, tandis que les données sur les nanoplastiques sont presque totalement absentes ». Malgré cette absence de données fiables, nombreux et nombreuses ont été ceux qui ont affirmé avec aplomb en France que ces « nanoplastiques » avaient de prétendues conséquences sur la santé. Le génie français sans doute.

Des biais partout, de la rigueur nulle part

L’EFSA constate que la majorité des études sur les microplastiques reposent sur des méthodes défaillantes, produisant des résultats exagérés et souvent inexacts. Elle conclut que les rares libérations observées proviennent d’usures mécaniques mineures, frottement des bouchons, abrasion ou fibres. « Malgré les incertitudes, la libération réelle est bien inférieure aux résultats présentés dans de nombreuses publications. » Pas de diffusion magique ni de plastique qui fond dans l’aliment, mais des phénomènes physiques connus, marginaux, et sans lien avec une contamination alimentaire significative.

Dans le fond, ce que cette conclusion met à nu, c’est une économie du soupçon : un monde où l’on publie avant de vérifier, et où l’on accuse avant de prouver. La mécanique est bien rodée : l’étude devient un prétexte, la peur le vecteur, et la science, un simple décor pour un récit politique déjà écrit : l’interdiction, la réduction, la décroissance.

Un rappel salutaire sur les additifs chimiques utilisés en Europe

En France, certains politiques, je pense notamment au député Modem Philippe Bolo, mais il est loin d’être le seul, des militants et quelques experts autoproclamés du plastique répètent à l’envi que les additifs chimiques contenus dans les emballages plastiques seraient dangereux pour la santé. Or, l’EFSA rappelle clairement dans son étude que les additifs plastiques sont strictement encadrés en Europe : ils ne peuvent être utilisés qu’après évaluation scientifique de l’EFSA elle-même.

A lire aussi: Shein au BHV, taxe sur les petits colis: les vieilles peurs du commerce français

Autrement dit : dans l’Union européenne, rien n’est laissé au hasard. Cette surrèglementation honnie par certains est aujourd’hui notre planche de salut. Si mes détracteurs persistent à douter, qu’ils aillent donc prêcher leur propagande dans des régions du monde où la réglementation est inexistante. Ce qui est produit sur notre sol répond à des exigences de sécurité parmi les plus strictes au monde. Un plastique français n’a rien à voir avec un plastique produit en Chine. C’est un peu comme comparer un poulet de Loué à de la volaille industrielle.

Ainsi, les 10 dernières années d’études sur les micro et nanoplastiques n’ont pas servi la science mais sa décrédibilisation au vu de l’usage médiatique et politique qui en a été fait. Car le grand danger est là : la perte de confiance du citoyen dans les études scientifiques. 

Une leçon pour les politiques publiques

Cette étude de l’EFSA, validée par les plus hauts experts européens, indépendants de l’industrie et des ONG, rétablit une vérité simple : la panique des microplastiques est avant tout une construction idéologique. Elle fabrique du récit là où il faudrait du discernement, de la morale là où il faudrait de la méthode. L’affaire des microplastiques ou plutôt le « microplastique gate » n’est que l’illustration d’un dérèglement plus profond : celui d’une France qui se délecte de s’autoflageller pendant que le reste de l’Europe et les continents concurrents avec les États-Unis, l’Inde ou la Chine, investissent dans le plastique.

La France se perd lorsqu’elle croit qu’elle sauvera la planète en se privant elle-même d’industrie. Elle s’affirme, au contraire, lorsqu’elle défend sa souveraineté technologique, sa science, son économie réelle. Entre les prophètes du déclin et les ingénieurs du progrès, il faudra choisir. La vérité scientifique, si souvent méprisée, est peut-être aujourd’hui notre dernière frontière, celle qui distingue la civilisation de la croyance.

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Emmanuel Carrère, hors Goncourt?

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L’auteur de Kolkhoze n’a obtenu aucune des voix des jurés du prix Goncourt, hier. Il devra se contenter du prix Médicis pour se consoler…


Pour une fois, le jury du prix Goncourt devait arbitrer entre trois livres, dont deux au moins étaient remarquables, quoique dans un genre radicalement différent. Laurent Mauvignier, avec La maison vide, l’a obtenu. Caroline Lamarche, écrivaine belge, a recueilli quatre voix et, à ma grande surprise, Emmanuel Carrère, pour Kolkhoze, n’en a obtenu aucune.

Duel au sommet

Avant d’aborder ce qui a pu motiver, sur le plan littéraire, le choix du jury, on est bien obligé de s’interroger sur les éléments extrinsèques ayant peut-être influencé les jurés Goncourt. Les deux auteurs masculins avaient déjà une très grande réputation et ils avaient bénéficié pour leur dernier livre de critiques extrêmement élogieuses. Emmanuel Carrère, sans la moindre réserve. Laurent Mauvignier, lui, avait tout de même pâti de quelques comptes rendus négatifs, pour certains à la limite de la condescendance. Chez Augustin Trapenard, celui-ci les avait gratifiés des mêmes dithyrambes. De sorte que, sur le plan de l’accueil et de la réception de leur ouvrage, rien ne permettait de donner plus l’avantage à l’un qu’à l’autre.

Pour Emmanuel Carrère, je me demande s’il ne lui a pas nui d’avoir consacré une large part de Kolkhoze à sa mère Hélène Carrère d’Encausse, personnalité très influente et à l’entregent considérable dans le monde des lettres. Comme si, en honorant ce livre, on avait pu craindre d’être soupçonné de favoritisme…

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Ces deux livres ont fait du prix Goncourt, cette année, un duel au sommet. Long pour Emmanuel Carrère, très long pour Laurent Mauvignier (760 pages), ils se présentaient dans un contraste absolu, aussi bien sur le plan de la narration que sur celui du style.

Selon moi, Kolkhoze était passionnant tout au long, avec des pages déchirantes à la fin et des portraits, des personnalités magnifiés par l’art de l’auteur, capable de tirer d’une apparente simplicité une profondeur et une émotion sans pareilles. J’ai apprécié La Maison vide mais j’ai dû résister à quelques défauts : des redites, des ressassements, parfois des facilités, une profusion pour la profusion. Mais quelle puissance cependant ! Quelle exploration du temps, dans le temps, avec ces trois générations, ces deux guerres et ces femmes aux tempéraments si divers, antagonistes ou complices, quelle immense coulée de mémoire et de retour vers le présent depuis 1914 !

Une injustice ?

Chez Emmanuel Carrère, quelle fluidité narrative ; chez Laurent Mauvignier, quelle densité lourde et concentrée ! Chez le premier, une expression limpide, évidente, sans fioritures, fuyant les effets mais les retrouvant autrement ; chez le second, une accumulation, une répétition, des avancées douloureuses, des moments superbes, une causticité, une empathie. Chez Emmanuel Carrère, rien de trop ; chez Laurent Mauvignier, une surabondance, un trop-plein qui, la plupart du temps, comblent plus qu’ils ne lassent ! Je ne parviens pas à me défaire de l’impression qu’il y a tout de même une injustice, une volonté clairement affirmée de laisser Carrère à l’écart, hors Goncourt, dans l’absence de la moindre voix en sa faveur. J’entends bien qu’un authentique arbitrage aurait été difficile à opérer, mais c’est comme si le jury avait cherché à se débarrasser d’emblée d’un auteur et d’un livre qui n’étaient « pas leur genre », parce qu’en face, ils l’étaient ! On ne peut pas soutenir pourtant qu’il ait choisi la facilité : La Maison vide suscite l’admiration et relève de l’ascèse. Attendons le prochain Emmanuel Carrère.

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Erasmus pour tous

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L’extension d’Erasmus à des pays du sud de la Méditerranée hors UE comme l’Algérie, la Libye, la Syrie ou la Palestine dénaturerait le programme de formation en le transformant en un vecteur d’immigration financé par les contribuables européens, redoute notre directrice de la rédaction.


La Commission européenne veut étendre Erasmus à des pays méditerranéens. C’est encore une lubie de la Commission von der Leyen. Son Pacte pour la Méditerranée, présenté le 16 octobre, prévoit ainsi d’étendre à des États du Maghreb et du Moyen-Orient le programme d’échanges universitaires européen bien connu – notamment à l’Algérie, à la Palestine, à la Syrie, au Liban et à Israël.

Un bien beau projet

Dans la merveilleuse novlangue européenne, la commissaire à la Méditerranée Dubravka Suica explique qu’il s’agit de « connecter les jeunes » pour fonder une « université méditerranéenne » aux multiples campus. Amen !

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Qui osera s’opposer à ce beau projet de connecter les jeunes ? Réponse : l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, qui lance une pétition avec sa collègue Céline Imart (voir ci-dessous). Les deux élus estiment que ce projet dénature Erasmus pour en faire un nouveau vecteur d’immigration. Un peu comme le fait déjà dans un tout autre registre le droit d’asile, d’ailleurs. De fait, même en dehors d’Erasmus, les visas étudiants sont déjà attribués très généreusement (+70% en 10 ans), sans contrôle (la meurtrière de Lola avait un visa étudiant me semble-t-il, bien qu’elle n’ait jamais vraiment mis les pieds à la fac). Et, sans la moindre appréciation de l’intérêt pour la France. Pas sûr que nous récupérions toujours les étudiants les plus brillants.

Les deux eurodéputés notent aussi que l’UE sanctionne des universités hongroises au nom de l’État de droit mais prétend accueillir « des régimes autoritaires, fondés pour certains sur la corruption, le terrorisme ou l’islamisme. » On reconnaitrait ainsi le gouvernement algérien comme un partenaire académique de l’Europe, alors que Boualem Sansal et Christophe Gleizes sont toujours otages pour cause de liberté de pensée ? C’est un peu fort de café. Il est vrai que l’UE s’est totalement désintéressée de ces cas. Le gaz algérien doit avoir des vertus anesthésiantes.

Une Europe sans racines

Mais, ce projet ne peut-il pas favoriser le rayonnement de l’Europe ? Erasmus est financé par le contribuable européen pour favoriser la création d’un sentiment d’appartenance européen. Désolée, mais jusqu’à preuve du contraire, les Algériens, les Égyptiens et les Israéliens ne sont pas des Européens.

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Pour rayonner, il faut savoir qui on est. Donc avoir des frontières qui séparent l’Europe de ce qui n’est pas elle. Or, ce projet sans-frontiériste montre une fois de plus que pour ses dirigeants, l’Europe n’est pas une culture et une civilisation, mais un processus sans fin, une pure ouverture sans substance. Les eurocrates qui veulent étendre l’Union à la Turquie ou au Maroc poussent des cris d’orfraie quand on convoque nos racines chrétiennes (ou judéo-chrétiennes). Cette Europe-aéroport sans passé et sans identité se résume à l’accueil. C’est l’Europe elle-même qui devient un droit de l’homme. Et tant pis pour le droit des Européens de rester ce qu’ils sont.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale avec Patrick Roger

Causeur: 2027, la der des ders?

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Notre numéro de novembre est en vente. Découvrez le sommaire !


Dix-huit mois avant les prochaines élections nationales (du moins en théorie), la favorite des sondages continue sa guerre d’usure contre le bloc central mais ne veut toujours pas entendre parler de l’union des droites. Se confiant à Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, Marine Le Pen refuse autant le conservatisme, qu’elle qualifie de « posture de peur et de nostalgie », que le libéralisme devenu, à ses yeux, « une forme de globalisme qui représente aujourd’hui un péril au moins aussi grave que le socialo-communisme en son temps ». En présentant notre dossier du mois, intitulé « Droites : l’union façon puzzle », Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques osent une hypothèse : ce qui empêche de faire une alliance à droite comme celle qui a été faite à gauche, « c’est peut-être que la droite n’existe pas ». Marine Le Pen refuse de se dire de droite, et bien qu’il existe peu de différences idéologiques entre les électeurs du RN et ceux de la droite classique, il y a des différences culturelles importantes.

Le nouveau numéro est disponible aujourd’hui sur le site et demain mercredi 5 chez votre marchand de journaux.

Chez les Républicains, déjà divisés par une guerre des chefs, une coalition avec Marine Le Pen est loin de faire l’unanimité. Nadège Puljak-Ehrmann enquête sur les facteurs qui empêchent de faire l’union des droites et conclut : « Le seul point sur lequel la majorité des élus et responsables LR s’accordent encore, c’est pour refuser l’alliance avec le RN, jugé trop à gauche économiquement ». La méthode Trump commence à porter ses fruits aux États-Unis et sur certains dossiers internationaux. Malgré ses outrances, le président américain inspire d’autres chefs d’État et de parti, notamment en Europe. Mais en France, nous explique Jean-Baptiste Roques, la droite n’ose jamais avouer qu’elle prend exemple sur l’oncle Sam. Lucien Rabouille fait le portrait d’Alexandre Avril, maire de Salbris dans le Loir-et-Cher depuis 2020. Ce trentenaire intello, ex-LR rallié à Éric Ciotti, embellit l’espace public, sécurise la vie de ses administrés et défend un esprit vieille France. Un J. D. Vance bien de chez nous ?

Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy pointe le refus des progressistes de reconnaître que la plupart des hommes qui terrorisent ou agressent les femmes et les filles dans la rue et le métro « répondent rarement à la définition du mâle blanc que les belles âmes adorent détester. Les témoignages sont récurrents et les statistiques accablantes ». Le Nouvel Obs suggère aux femmes de se défendre grâce à la méthode des « 5-D » – distraire, déléguer, documenter, diriger et dialoguer. Cette « méthode » n’a jamais empêché une agression, mais elle a été enseignée à 15 000 femmes dans le cadre d’un programme lancé par L’Oréal et la Fondation des femmes. Conclusion ? D comme débile.

L’exécution provisoire de la peine qui a conduit Nicolas Sarkozy en prison, sans attendre le jugement en appel, est la conséquence d’une traque judiciaire inédite dans laquelle des juges acharnés se sont contentés de fausses preuves et de témoins louches. Marc Sasson nous présente les conclusions de son enquête sur une instruction à charge et un jugement déraisonnable. Israël a obtenu le retour des otages vivants et une partie des corps des otages morts. Mais pour Gil Mihaely, les espoirs suscités par le plan de paix de Trump de voir le Hamas rendre les armes et se retirer de la scène politique sont déjà déçus. On peut même redouter une libanisation de Gaza, avec un Hamas jouant le rôle du Hezbollah. La France, après quarante ans d’addiction à la dépense publique, est incapable de se serrer la ceinture, déplore Stéphane Germain. Le débat budgétaire ne reposant que sur l’argent et la pensée magiques, les sources d’économies proposées sont dérisoires et les hausses d’impôts inévitables. Tel est l’héritage d’une extrême-gauche nommée PS. Au cours d’un dialogue animé par Jean-Baptiste Roques et Jonathan Siksou, le philosophe Philippe Nemo et l’enseignant Joachim Le Floch-Imad se montrent d’accord : l’École française est dans un état catastrophique. Mais leurs remèdes divergent radicalement. L’un plaide pour une potion libérale à la Milton Friedman, l’autre pour un traitement de choc inspiré du docteur Chevènement. Un débat très instructif.

Si les bonnes nouvelles se font rares aujourd’hui, Cécilia Lepine nous en annonce une. Les prédicateurs 2.0 qui radicalisent leurs milliers d’abonnés sur le web ont de nouveaux adversaires : des apostats youtubeurs. Ces libres-penseurs s’appuient sur leur connaissance des textes en v.o., un sérieux bagout et autant d’humour pour éveiller le sens critique des croyants. Outre-Manche, Claire Fox, Brexiteuse convaincue et – selon sa propre définition – « populiste de gauche », a été nommée à vie à la Chambre des lords. La liberté d’expression est au cœur de son combat dans un pays où cette liberté est de plus en plus mise en question. Portrait par Sylvie Perez. Le politologue Thomas Guénolé s’est embarqué en septembre sur l’un des bateaux de la « Flottille pour Gaza ». Les pages de son journal que Causeur publie en exclusivité – grâce à Jean-Paul Lilienfeld – témoignent de terribles tensions entre militants prêts à subir les tortures de l’armée israélienne !

Parmi nos chroniqueurs, Ivan Rioufol dénonce l’immobilité politique défendue sous le nom de « stabilité » par l’oligarchie gouvernementale. Emmanuelle Ménard passe en revue la saga apparemment sans fin de la réforme des retraites, les humiliations de Paris face à Alger, les attaques contre Béziers de la Ligue des droits de l’homme, et l’abondance de propositions pour taxer davantage les Français. Pour Olivier Dartigolles, le tour de passe-passe fiscal permettant à la centaine de milliardaires que compte la France de payer deux fois moins d’impôts que les autres contribuables, prive le pays d’un pognon de dingue. Jean-Jacques Netter dresse le palmarès des déclarations d’économiste les plus stupides de la décennie (la gagnante : Sandrine Rousseau). Et Gilles-William Goldnadel nous explique pourquoi il préfère paraître sur CNews que dans Le Monde.

En passant de la politique à la culture, Michel Fau incarne François Mitterrand de manière troublante dans L’Inconnu de la Grande Arche, le nouveau film de Stéphane Demoustier. Il confie à Yannis Ezziadi son secret : ne pas imiter mais évoquer. C’est tout l’inverse de ce que font la plupart des acteurs qui jouent le rôle d’un personnage réel. Aussi dézingue-t-il joyeusement Cotillard en Piaf, Niney en Saint Laurent ou Wilson en de Gaulle. Julien San Frax fait l’éloge du film qui retrace l’épopée d’un chantier hors norme chahuté par les défis architecturaux et les embrouilles politiques. C’est d’un monument architectural très différent que nous parle Maya Nahum. Perdue dans un sous-bois du Lot, la chapelle de Maraden abrite un chef-d’œuvre : une fresque de Miklos Bokor, artiste juif hongrois rescapé des camps de la mort. Sous ces voûtes romanes, il a peint l’histoire biblique et l’horreur de la shoah. Grâce à la mobilisation des élus locaux, ce monument ignoré est en passe d’être sauvé. Un autre peintre, Georges de La Tour, est mis à l’honneur actuellement au musée Jacquemart-André. Pour Georgia Ray, qui a vu cette exposition, son œuvre est un défi à la dictature contemporaine du bruit et de la transparence. Ses gueux, ses Marie-Madeleine et ses saints baignent dans le silence et le clair-obscur de flammes incertaines.

Côté cinéma, les sorties de novembre, selon Jean Chauvet, sont dominées par la nouvelle fiction du cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa, Deux procureurs, passée sous les radars du dernier festival de Cannes. Sans oublier un remarquable polar français qu’illuminent Jodie Foster et Daniel Auteuil. Vous aimez les whiskys ? Ceux de Michel Couvreur sont uniques au monde. Emmanuel Tresmontant nous raconte leur élaboration 100% bourguignonne. Un élevage durant des décennies dans des fûts andalous centenaires leur offrent un bouquet aromatique incomparable. L’entreprise familiale ne se repose pas sur ses lauriers et poursuit la perfection de ses précieux flacons. A votre santé ! Si les meilleurs whiskies peuvent être français, l’union des droites devrait être possible aussi !

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De «Sacré-Cœur» à Benoît Payan ou d’une conversion à une autre

En plus du bouche à oreille, le film catho bénéficie d’un puissant effet Streisand, explique notre chroniqueur. Et au grand désespoir des médias ou du maire clientéliste de Marseille, Sacré-Cœur attire ainsi de plus en plus de pèlerins…


Le documentaire-fiction Sacré-Cœur, de Steven et Sabrina Gunnell, est sorti en salle le 1er octobre. Personne n’aurait dû en entendre parler. Dans leur rêve le plus fou, les réalisateurs espéraient attirer 20 000 spectateurs. Mais MediaTransports, la régie publicitaire de la SNCF et de la RATP, a eu la bonne idée d’interdire la campagne d’affichage envisagée dans les métros et dans les gares, au prétexte que le « caractère confessionnel et prosélyte » de cette œuvre était « incompatible avec le principe de neutralité du service public ». Immédiatement, comme pour le film Vaincre ou mourir, également attaqué par la presse bien-pensante pour des raisons idéologiques[1], l’effet Streisand a marché à plein. Sacré-Cœur est ainsi le seul film à l’affiche qui voit le nombre de ses spectateurs augmenter semaine après semaine, pour dépasser bientôt les 300 000. Prévu au début pour être diffusé dans 150 salles, il l’est aujourd’hui dans plus de 400.

Le Monde, La Croix et Radio France se pincent le nez

On enrage dans les rédactions des médias mainstream. Il faut trouver un coupable à ce succès. Un nom brûle les lèvres des journalistes du Monde. « Le documentaire-fiction consacré à la vie d’une mystique a dépassé les 250 000 entrées après les polémiques entourant sa sortie, relayées par les médias de la sphère Bolloré », écrit-on dans le quotidien du soir en oubliant de dire à qui l’on doit ces fameuses polémiques et pour quelles raisons seule la « sphère Bolloré » en a parlé. Les journalistes de Radio France copient sur leurs petits camarades : « Plus de 278 000 entrées en quatre semaines. Le film chrétien Sacré-Cœur, objet de polémiques autour de la laïcité à sa sortie, continue de remplir les salles grâce à un bouche-à-oreille actif dans les paroisses et au soutien des médias de la galaxie Bolloré », peut-on lire sur le site de France Info. Comment ? On parle d’un film sur Jésus dans les paroisses ? C’est inadmissible. La fachosphère est sûrement derrière tout ça. D’ailleurs, un obscur « collectif catholique » composé de douze paroissiens égarés appelle à un nouveau barrage contre l’extrême droite dans une tribune[2] parue ce 30 octobre dans… La Croix : « Ne participons pas, à travers ce film, à renforcer le lien entre extrême droite et catholicisme. Il ne s’agit pas ici de faire la critique d’un film mais de montrer ce que ses soutiens disent de lui. » S’il s’agissait de freiner l’ardeur de potentiels spectateurs, c’est raté. Immédiatement après la parution de cette tribune, devant l’affluence renouvelée, des salles de cinéma qui projetaient déjà le film ont ajouté des séances, et d’autres, qui ne l’avaient pas mis à l’affiche, se sont portées candidates pour le programmer. Quant à Libération, le journal tient à faire savoir que Sacré-Cœur « a été cofinancé et largement promu par les médias du milliardaire conservateur » mais omet de préciser que le milliardaire conservateur en question co-finance chaque année, via Canal +, des dizaines de films qui n’évoquent ni de près ni de loin la vie de Jésus et seraient plutôt les relais de l’idéologie woke et de la propagande immigrationniste. Peu importe d’ailleurs, Sacré-Cœur attire de plus en plus de pèlerins.

Censure municipale

Nous atteignons le summum de la bêtise avec l’impayable Benoît Payan. Le maire de Marseille a en effet fait interdire la projection du film dans le cinéma du château de la Buzine régi par la commune en invoquant la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 et la laïcité. La justice, saisie par le sénateur Stéphane Ravier et les réalisateurs du film, a immédiatement annulé la décision de M. Payan en estimant que « la seule diffusion d’une œuvre cinématographique susceptible de présenter un caractère religieux dans un cinéma municipal exploité en régie ne porte pas, par elle-même, atteinte au principe de laïcité », et en bottant les fesses du censeur : « Le maire de Marseille a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de création et à la liberté de diffusion artistiques. »

La gauche a toujours aimé censurer. M. Payan et ses adjoints n’échappent pas à la règle. Rappelons cet épisode édifiant : en 2021, la municipalité de Marseille dirigée depuis quelques mois par M. Payan supprimait du site internet de la ville la dizaine de podcasts historiques réalisés par Franck Ferrand à la demande de l’ex-municipalité de droite et portant sur Marcel Pagnol, l’invention du savon de Marseille ou la peste de 1720 qui avait touché la ville. « Ce n’est pas le contenu de ces podcasts qui pose problème, c’est leur auteur », avouait-on dans l’entourage de Jean-Marc Coppola, l’adjoint chargé de la culture, un communiste de pure obédience jdanovienne. Que reprochait-on à Franck Ferrand ? D’avoir une chronique hebdomadaire dans Valeurs Actuelles et d’intervenir sur Radio Classique et sur CNews dans des émissions portant sur l’histoire. La mairie de gauche aurait préféré que soit embauché un journaliste plus ou moins féru d’histoire écrivant pour Libé ou L’Humanité et animant une émission historique de tendance boucheronnienne sur l’audiovisuel public. Le contenu des podcasts aurait sans doute été de médiocre qualité mais au moins le maire de Marseille et son adjoint communiste n’auraient pas eu à demander à cet auteur : « D’où tu parles, camarade ? », tant il aurait été évident qu’il parlait de la gauche médiatico-culturelle la plus sectaire et la plus doctrinaire.

Proche d’Olivier Faure et membre du parti socialiste jusqu’en 2020, soutien de Benoît Hamon lors des présidentielles de 2017, allié des écologistes, des communistes et des insoumis lors des dernières élections municipales, M. Payan est très strict sur la séparation des Églises et de l’État. Enfin, surtout sur la séparation de l’Église catholique et de l’État… Car pour ce qui concerne une certaine religion d’amour, de paix, et de tolérance, il semblerait bien que M. Payan soit plus souple, beaucoup plus souple, beaucoup, beaucoup plus souple…

Aimer, c’est ce qu’il y a de plus beau

En avril 2024, le maire de Marseille s’est en effet rendu dans une des 71 mosquées que compte la ville, celle de Frais-Vallon, dans les quartiers nord, pour rompre le jeûne du ramadan avec les fidèles et participé aux prières. Il a pris la parole pour évoquer le Coran : « Ce qui est écrit dans ce livre est quelque chose de très beau. Il nous permet de partager des choses, de penser aux vivants, de penser à ceux qui ne sont plus là, de faire circuler des choses, des bonnes actions, des bonnes paroles. » L’ambiance étant au partage, à la bienveillance et au cirage de babouches, il a promis de « céder le terrain à côté de la mosquée » – par le biais d’un bail emphytéotique avantageux – afin de faire une « belle et grande mosquée ». Les électeurs musulmans applaudirent avec des sourires en coin.

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En mai de la même année, le premier voyage officiel de M. Payan a eu pour destination Alger. Là, il a été reçu par le président algérien, M. Tebboune, avec lequel il s’est entretenu pendant trois heures. Sur quels sujets ? Nul ne sait, l’entourage du maire se contentant d’affirmer que « le président Tebboune a bien saisi l’intérêt de faire discuter Marseille et Alger ». Le président Tebboune savait surtout à qui il avait affaire ; il avait sûrement lu la presse algéroise qui rapportait les propos tenus par Benoît Payan le matin même sur la terrasse de l’hôtel El Aurassi où il logeait : « Quand je me suis réveillé ce matin, j’ai cru que j’étais chez moi, à Marseille. » Il a dû sourire, convaincu que M. Payan était bien ce qu’il semblait être, un politicard de la pire espèce, un combinard sans aucun scrupule, prêt à tout pour se faire réélire, et donc peu enclin à venir l’embêter en évoquant par exemple, pour les remettre en cause, les accords franco-algériens de 1968. Il ne s’était pas trompé. À la suite de cette visite, M. Payan et ses alliés politiques et culturels marseillais ont multiplié les gestes en faveur de l’électorat musulman marseillais issu majoritairement d’Algérie.

Le 4 mars 2025, l’édile marseillais qui, rappelons-le, n’hésite jamais à brandir la laïcité quand il s’agit de recadrer les cathos, s’est invité en plein ramadan dans la mosquée des Cèdres, sise elle aussi dans les quartiers nord de la ville. « Sans les musulmans, Marseille ne serait pas Marseille. Sans vous, nous ne sommes pas Marseillais », a-t-il déclaré avant d’admonester ceux qui critiquent l’islam : « Beaucoup de ceux qui donnent des leçons aux musulmans devraient apprendre de ce qui est écrit dans les sourates qui peuvent nous éclairer sur le monde. » Le président de la mosquée a eu bien du mal à retenir ses larmes… de rire : l’allégeance au texte coranique d’un kouffar est une grande source de joie, surtout lorsque celui-ci promet de faciliter l’agrandissement de la mosquée dans laquelle il se soumet publiquement. L’agrandissement en question a été débattu lors d’un conseil municipal houleux au cours duquel M. Payan a affirmé que, dorénavant, il aurait recours à un avocat pour « observer, regarder à la loupe » tous les propos concernant l’islam ou les musulmans lors des prochaines réunions du conseil municipal et de « faire condamner » les élus tenant des « propos racistes et anti-musulmans » – quand on sait que critiquer la charia constitue déjà à ses yeux un délit…

Le 8 mai dernier, M. Payan a décidé qu’il animerait une cérémonie de « commémoration de l’autre 8 mai 1945 » afin de « faire reconnaître officiellement les massacres commis en Algérie ». Cette commémoration a été instaurée par Abdelmadjid Tebboune en 2020 et n’avait encore jamais officiellement eu lieu à Marseille. Mais les élections municipales approchent. Tout est bon pour appâter les électeurs de confession musulmane, principalement ceux d’origine algérienne, de loin les plus nombreux. Dans l’entourage de M. Payan, on s’affaire. Des événements communautaristes pro-algériens ont régulièrement lieu. Du 28 octobre au 2 novembre derniers, l’association Marseille 3013, un collectif d’artistes marseillais, a par exemple mis son local à la disposition du consulat d’Algérie dans le cadre d’une « semaine culturelle algérienne » se tenant pour la première fois dans la cité phocéenne. Des élus de gauche sont venus admirer (et embrasser ?) les drapeaux algériens pavoisant les murs de la salle accueillant des animations, des expositions et des conférences à la gloire de l’Algérie et de l’immigration algérienne. Il faut noter que cet événement s’est déroulé un mois seulement après l’expulsion de 12 employés diplomatiques français d’Algérie et alors que les nouvelles concernant l’état de santé de Boualem Sansal, emprisonné depuis un an en Algérie, sont de plus en plus inquiétantes. Entre parenthèses, le sort de Boualem Sansal ne semble pas non plus intéresser outre mesure notre ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, lequel vient de réussir l’exploit de donner une interview au Parisien, en partie consacrée au dossier algérien, sans jamais citer le nom de l’écrivain. S’il regrette « les conditions dans lesquelles s’est déroulé le vote » à l’Assemblée nationale entérinant la résolution du RN visant à réviser les accords de 1968 avec l’Algérie, il reconnaît toutefois que jamais les relations avec les autorités algériennes n’ont été aussi mauvaises. Mais « il y a des signaux » positifs, d’après M. Nuñez : le ministre de l’Intérieur algérien lui a en effet écrit pour l’inviter… Combien de temps encore va durer cette humiliante mascarade ?

De curieux bouffeurs de curés

Mais revenons pour conclure au film Sacré-Cœur. M. Payan savait sans doute que sa décision de faire interdire la projection de cette œuvre dans le cinéma du château de la Buzine serait retoquée par un juge. Peu importe, le véritable but de cette démarche était évidemment d’afficher au grand jour une christianophobie – réelle ou feinte, peu importe – contentant nombre de ses électeurs, et pas que ses électeurs musulmans. Une grande partie de la gauche a vu en effet d’un bon œil la décision du maire de Marseille, lequel aurait « suivi la loi de 1905, sur la laïcité dans les lieux publics », tandis que la « fachosphère [qui] s’est émue de l’annulation » aurait exagéré « le trait au profit de ses obsessions idéologiques », selon L’Humanité. L’islamo-gauchisme est une réalité. Pour complaire à l’électorat musulman, une partie de la gauche, toujours à l’affût d’actes « islamophobes », fait fi des actes anti-chrétiens qui se multiplient en France – agressions, vandalisme, profanations d’églises et de cimetières, incendies, dégradations ou vols d’objets liturgiques, comportements impies dans des lieux saints (dernièrement encore dans l’abbatiale de Moissac), etc. – et se dit favorable à la suppression des noms donnés aux vacances scolaires en référence à notre histoire chrétienne ou des jours fériés liés à la religion catholique. Les bouffeurs de curés se sont transformés en adorateurs d’une religion qui les mangera tout crus lorsqu’elle sera parvenue à ses fins. M. Payan ne le sait apparemment pas, il est donc de notre devoir de le prévenir : les babouches qu’il lèche avec tant d’ardeur sont les mêmes qui, le moment venu, le propulseront sur orbite. Où il ne sera pas près d’arrêter de tourner…

Les Gobeurs ne se reposent jamais

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[1] https://www.causeur.fr/vaincre-ou-mourir-le-film-du-puy-du-fou-effet-streisand-253926

[2] https://www.la-croix.com/a-vif/sacre-cour-ne-participons-pas-a-travers-ce-film-a-renforcer-le-lien-entre-extreme-droite-et-catholicisme-20251028

https://www.youtube.com/watch?v=4WVBkg00s64

Arche de la Défense: la Grande illusion

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L’Inconnu de la Grande Arche, 2025 : la reconstitution numérique du chantier rend hommage à la démesure du projet mitterrandien © AGAT FILMS, LE PACTE

Dès son arrivée au pouvoir, François Mitterrand souhaite associer son nom à une réalisation architecturale grandiose. Le projet de la Grande Arche de la Défense est lancé. Dans L’Inconnu de la Grande Arche, en salles ce mercredi, Stéphane Demoustier retrace l’épopée d’un chantier hors norme chahuté par les défis architecturaux et les embrouilles politiques.


La Défense, ce quartier d’affaires parisien, est une vraie forêt urbaine. Rien à voir avec les friches mort-nées que bine la maire Hidalgo. Mais cette forêt de gratte-ciel fermant la perspective magistrale des Champs-Élysées a du souci à se faire : s’il faut en croire la Cour des comptes, en 2025 son modèle économique est frappé d’obsolescence. Bureaux désertés, tours invendables, entretien des infrastructures trop dispendieux…

Idée en tête

François Mitterrand, à peine installé sur le trône de la République, lance en 1982 le projet « Tête Défense ». Le monarque bâtisseur n’a qu’une idée en tête, justement : associer son nom à une œuvre architecturale grandiose, en cette fin de siècle où la France s’apprête à fêter le bicentenaire de la Révolution. Un portique géant qui dame le pion à l’Arc de Triomphe, voilà qui plaît au pharaon de la gauche. Il se rallie à la proposition du jury, lequel s’est porté sur cet étrange projet de cube évidé, signé d’un obscur architecte danois au patronyme imprononçable : Otto von Spreckelsen – entre initiés, on dit « Spreck ». L’édifice doit abriter un « centre international de communications » – l’ectoplasme fera long feu.

L’Inconnu de la Grande Arche fictionne cette saga érectile, porté par un habile scénario, en dépit d’une distribution artistique inégale. Côté gagnant, l’irremplaçable comédien et metteur en scène Michel Fau qui, dans Borgo, précédent long métrage de Stéphane Demoustier, incarnait un commissaire de police. Ce n’est pas sans délectation qu’on retrouve Fau dans la peau d’un François Mitterrand impavide, sphinx indéchiffrable défendant mordicus son architecte face aux contingences. Même suffrage pour Swan Arlaud qui endosse le rôle de Paul Andreu (le créateur du premier aéroport de Roissy), seul architecte qu’on sut apparier à Spreck, non sans heurts, comme maître d’œuvre apte à recadrer l’esthète évanescent, interprété quant à lui par Claes Banc, acteur danois dont les répliques polyglottes servent la véracité du rôle. Seule erreur de casting,l’inénarrable Canadien Xavier Dolan, agaçant cinéaste nombriliste-gay, dans un contre-emploi caricatural, celui du haut fonctionnaire chahuté par des vents contraires, affublé ici du nom grotesque de « Subilon », transposition dépréciative du bien réel Jean-Louis Subileau, urbaniste aujourd’hui âgé de 85 ans, alors maître d’ouvrage incontournable du projet. Autant Mitterrand sous les traits de Fau, ça colle, autant Dolan accoutré d’un costard-cravate, on se pince. Subileau ne méritait pas de se voir singé par un myrmidon cabotin.

Nonobstant cette réserve, L’Inconnu de la Grande Arche est une réussite. Il est vrai que Stéphane Demoustier est à son affaire en matière d’archi : sorti de HEC, le frère de la comédienne Anaïs Demoustier a, des années durant, à la tête de sa société Année Zéro, produit et réalisé nombre de docus de qualité pour le compte de la Cité de l’architecture et du patrimoine.

En notre temps où la parité passe pour la panacée (de fait, la profession d’architecte s’est fortement féminisée en un demi-siècle), l’époque où le BTP était exclusivement affaire d’hommes paraît une incongruité, irréductible à la sensibilité contemporaine. Au point que le cinéaste a cru bon de flanquer son Spreck d’une épouse suractive (sous les traits de l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen) que son mari égotiste, au péril de la paix conjugale, sacrifie à son utopie : dans la réalité, Karen Spreck se tenait bien aux côtés d’Otto – mais muette et glaciale…

Effets spéciaux parfaits

Lauréat surprise d’un concours anonyme où s’affrontent près de 400 candidats, l’architecte multiplie les exigences tatillonnes (blancheur immaculée des façades en marbre de Carrare, par exemple) sans arrêt remises en cause pour des raisons techniques, budgétaires et… politiques, lorsque survient la « cohabitation » avec le gouvernement Chirac. Dans le film, les effets spéciaux simulent à la perfection les états successifs du chantier, tout comme sont restitués avec un réalisme épatant le trafic automobile vintage d’alors et l’ambiance bâtisseuse de la capitale – on y voit même Pei, sur le chantier naissant de sa pyramide au Louvre.

Le projet est progressivement dénaturé et Spreck finit par jeter l’éponge. Le pire est à venir : le marbre est remplacé par du granit, le « nuage » de verre promis à flotter poétiquement dans le vide est écarté, la voile vaporeuse est ravalée à l’aspect d’une bâche, l’édifice s’altère, le toit-terrasse devient un vaisseau fantôme, comme l’ensemble du bâtiment réputé inoccupable. Toutes ces péripéties tragi-comiques sont détaillées en bonne langue dans La Grande Arche, le cruel livre-enquête de Laurence Cossé qui a inspiré le film, et que Gallimard réédite en Folio.

Il y a loin de l’épure au réel. Le génie de Spreck ? « Concevoir une œuvre qui, à peine édifiée, a dissipé la confusion et donné un éclat spectaculaire à la totalité du quartier. On n’a plus conscience aujourd’hui, admet Cossé, du tour de force accompli là. » À l’heure où la tour Triangle vient incongrûment pointer son pic dans le ciel de Paris, la Grande Arche se pare rétrospectivement d’une vertu quasi miraculeuse : avoir préservé la sublime perspective urbaine qui joint le palais du Louvre aux hauteurs de Nanterre, d’un gros bouchon étanche en forme de gratte-ciel.

À voir :  L’Inconnu de la Grande Arche, de Stéphane Demoustier, avec Michel Fau, Swan Arlaud, Xavier Dolan, Claes Banc et Sidse Babett Knudsen. Sortie le 5 novembre.

À lire : La Grande Arche, Laurence Cossé, Gallimard (Folio), 2025.

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« L’Étranger » de François Ozon est-il politiquement correct?

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Benjamin Voisin, "L'étranger" de François Ozon (2025) © Carole Bethuel / Gaumont

En insistant sur le contexte colonial — ce que ne faisait pas Albert Camus dans son roman — et en filmant Benjamin Voisin avec sa caméra amoureuse, le réalisateur de Huit Femmes et Potiche trahit l’esprit du texte original.


Adapter L’Étranger relève presque du pari impossible : rares sont les cinéastes capables de traduire la nudité philosophique de Camus sans la trahir. Après la superbe et trop longtemps incomprise version de Luchino Visconti (1967) — honnie par la critique d’alors, et encore contestée aujourd’hui — voici que François Ozon, cinéaste d’une filmographie inégale (où je sauve Une robe d’été (1996), Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (2000) et Sous le sable (2000)), s’attaque à ce monument littéraire.

Présenté à la Mostra de Venise 2025, ce film tourné en noir et blanc de belle facture oscille entre transposition sobre et réminiscences de la qualité française des années 1940. L’adaptation d’Ozon fluctue entre une certaine fidélité — l’indifférence et le manque de compassion humaine de Meursault — et une trahison patente, par son manque d’ambition métaphysique et son interprétation « politiquement correcte » du roman. Adapter L’Étranger est une entreprise périlleuse : comment traduire au cinéma la sécheresse de la prose camusienne sans trahir sa vérité ? François Ozon, souvent habile dans la stylisation, se laisse ici captiver par sa propre maîtrise. Ce qu’il filme n’est plus le monde, mais un dispositif.

L’image, pourtant belle, est close sur elle-même et n’accueille ni le hasard ni la vie. Là où Camus écrivait dans la lumière, Ozon filme dans la pénombre du sens. Le réalisme moral du roman cède la place à un esthétisme glacé où la caméra fige le réel au lieu de le révéler.

Le formalisme comme clôture du sens

Chez Camus, l’absurde jaillit du heurt entre l’homme et le monde. Chez Ozon, il se dissout dans une mise en scène sans porosité. Chaque plan, chaque geste semble voulu, pensé, dirigé. L’absurde n’est plus vécu, il est démontré. Bazin rappelait que le cinéma devait « laisser les choses advenir » : ici, tout est tenu à distance, organisé selon un schéma mental. Ozon filme des concepts là où Camus montrait des existences.

Benjamin Voisin incarne un Meursault abstrait, presque spectral. Le visage est impassible mais sans profondeur ; le corps, présent mais inerte. L’acteur, prisonnier d’une direction glaciale, ne parvient jamais à rendre la densité d’un homme traversé par le monde sans le comprendre.

Un réel vidé de sa substance

Le soleil, la mer, la chaleur — éléments essentiels chez Camus — sont ici réduits à des effets d’atmosphère. Le film semble avoir peur du réel : tout paraît contrôlé, fermé, presque désinfecté.

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L’Algérie n’est plus un espace vécu, mais un décor moral. On y perçoit la volonté de corriger Camus, de lui adjoindre une conscience politique que le roman, en 1942, laissait dans l’ombre.

Antiracisme démonstratif et commentaire post-colonial

Ce qui, chez Camus, relevait de la suggestion — l’indifférence à la mort de «l’Arabe», l’angle mort du contexte colonial — devient chez Ozon un programme idéologique. L’Algérie filmée n’est plus celle d’un écrivain méditerranéen face à la lumière, mais celle d’un cinéaste contemporain soucieux de corriger l’Histoire. Cette sur-inscription politique trahit l’esprit du texte : au lieu de révéler l’ambiguïté morale du monde, elle impose un discours à parti pris antiraciste, détournant le sens camusien.

Amplification des figures féminines

Autre dérive : la volonté de donner plus de relief aux personnages féminins. Marie, la maîtresse de Meursault, se voit dotée d’une profondeur psychologique et sentimentale que Camus refusait de lui donner. Ces scènes, souvent bavardes, installent une émotion programmée qui rompt le ton du récit. L’absurde, qui suppose silence et distance, se trouve submergé par un drame sentimental.

Photo : Carole Bethuel / Gaumont

De même, Ozon accorde une place plus importante à Djemila (Hajar Bouzaouit), ce qui lui permet — comme je l’ai dit — d’insister sur l’arrière-plan colonial, sur « l’Arabe », qui, bien que silencieux dans le texte, devient ici le marqueur d’une violence coloniale désignée comme « systémique ». De ce fait, l’acte incompréhensible et absurde de Meursault se transforme en crime raciste dans l’Algérie colonisée. Ozon cherche sans doute à compenser la froideur du texte ; il n’y parvient qu’en altérant sa rigueur.

Une sensualité homo-érotique incongrue

Le cinéaste introduit par ailleurs une tension homo-érotique diffuse — entre Meursault et certains personnages masculins, dans des regards, des gestes, une proximité étudiée. Ce motif, familier du cinéma d’Ozon, n’a ici que peu de nécessité. L’absurde devient prétexte à une exploration du désir que rien ne justifie dramaturgiquement. Là où Camus décrivait la nudité morale d’un homme face à la lumière, Ozon ajoute une sensualité artificielle, presque décorative : le corps filmé comme signe ajouté, ornement esthétique sans nécessité ontologique.

Le contresens esthétique

Tout cela aboutit à un film qui veut dire trop. Ozon surcharge Camus d’intentions politiques, sociales, sexuelles, esthétiques. Le résultat est une œuvre lourde, refermée sur sa propre conscience morale, qui oublie l’essentiel : L’Étranger n’est pas un manifeste, mais une expérience existentielle nue. La fidélité à Camus ne réside pas dans l’illustration ou la correction, mais dans le courage de filmer la lumière sans explication.

L’Étranger selon François Ozon est un film d’orfèvrerie poli, pensé, maîtrisé, mais sans souffle. Sous le vernis d’intelligence, il ne reste ni vie, ni mystère, ni réel. Le cinéaste n’adapte pas Camus : il le commente.

L'étranger

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La pente totalitaire de la gauche américaine

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La députée européenne d'extrème gauche Manon Aubry a fait le déplacement à New-York. RS.

L’élection du premier maire musulman et socialiste de l’histoire de la ville de New York met en joie en France les élus de la très sectaire France insoumise. M. Mamdani s’est présenté comme l’exact contraire du président Trump. Les analyses d’Ivan Rioufol



L’anti-trumpisme a tout pour satisfaire Donald Trump. Poussés à la radicalité, ses adversaires s’engouffrent dans des surenchères dangereuses. L’élection de Zohran Mamdani (50,4% des voix, contre 41% à Andrew Cuomo) à la mairie de New-York, ce matin, est le produit des deux idéologies totalitaires de l’époque : le wokisme, avec sa guerre raciale, et l’islamisme, avec sa guerre religieuse.

A lire aussi, Eliott Mamane: Mamdani: comment l’élection d’un «socialiste» à New-York pourrait profiter à Trump

M. Mamdani s’est présenté comme l’exact contraire du président américain. Il a fait campagne au nom de la revanche des minorités plaintives du Queens, mais aussi au nom d’un antisionisme répondant aux mots d’ordre des frères musulmans. Son militantisme pro-palestinien et pro-boycott d’Israël ne l’a pas empêché de récolter plus de 30% des voix de l’électorat juif de la ville, qui rassemble la plus forte communauté israélite du monde. En fait, Mamdani, premier maire musulman, est le symbole de ce que peut produire le progressisme aveuglé par ses dogmes, y compris auprès d’une partie d’un électorat juif qui préfère s’arrimer à une gauche aux relents antisémites plutôt que de rejoindre le camp modéré. Le centrisme de Cuomo, soutenu in fine par Trump, a néanmoins récolté 60% des voix de cet électorat. Reste qu’une même contradiction se retrouve en France chez une partie des intellectuels de gauche qui, se réclamant de leur judéité, ont défendu et défendent encore pour certains, dans un affichage conformiste, une société multiculturelle et un cosmopolite irréfléchi, en dépit du fait que ces utopies soient le cheval de Troie de l’islam conquérant et judéophobe.

A lire aussi, Marine Le Pen: « La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme »

La pente totalitaire n’est pas seulement dans la gauche américaine, rendue folle par la révolution conservatrice trumpienne et ses succès. Une même fuite en avant s’observe en France dans le camp progressiste ; il se laisse gagner par la pratique stalinienne du refus du débat. C’est un fait : la gauche française ne sait plus argumenter autrement que par le mépris, l’injure, la diabolisation. Lundi, sur France 5, c’est une journaliste du Nouvel Obs qui a fait un parallèle entre Jordan Bardella et Adolf Hitler (1), sans que le plateau ne réagisse à l’outrance. Ce manichéisme bas de gamme est également utilisé par une partie de la droite affiliée à LR. Il suffit d’entendre les arguments anti-RN rudimentaires de Xavier Bertrand ou de Jean-François Copé pour s’en convaincre.

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Or les mutations politiques, sociales, culturelles en cours méritent mieux que ces chasses aux hérétiques menées par une meute intellectuellement paresseuse. La clarification de la ligne des LR, réclamée notamment par Bertrand, devient un préalable indispensable. Manuel Valls avait théorisé à juste titre les « deux gauches irréconciliables ». Il y a aussi, désormais, deux droites irréconciliables. Dans la radicalité qui s’impose, il est temps de trancher entre ceux des LR qui veulent s’abriter encore derrière un centrisme sous tutelle de la gauche, et ceux qui veulent rompre avec ce monde finissant. Mamdani s’annonce comme l’ultime soubresaut d’un progressisme intolérant.

La une du « New York Post », tabloïd américain. DR.

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1 Caroline Michel-Aguirre a affirmé : « Le patronat prend un risque parce qu’une partie (des chefs d’entreprise) multiplie les contacts avec Jordan Bardella et se dit : « On va prendre le contrôle de son cerveau. Il est jeune, il n’y connaît rien, on va lui donner un programme libéral. (…) « C’est ce qu’Alain Minc appelle l’effet von Papen ; c’est-à-dire qu’au nom d’une potentielle stabilité, on va prendre ce risque parce qu’on va le contrôler » NDLR

« La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme »

Marine Le Pen © Hannah Assouline

Dix-huit mois avant les prochaines élections nationales (du moins en théorie), la favorite des sondages continue sa guerre d’usure contre le bloc central mais ne veut toujours pas entendre parler de l’union des droites.


Le bureau de Marine Le Pen à l’Assemblée nationale est l’un des plus charmants endroits du Palais-Bourbon. En sa qualité de présidente de groupe, l’élue du Pas-de-Calais a droit à une belle pièce lambrissée au cœur du bâtiment historique, quand les députés « de base » sont relégués dans des locaux annexes nettement plus exigus et ternes. Certains habitués prétendent pourtant que le lieu, occupé par le passé par deux stars du gaullisme au destin brisé, Philippe Séguin et François Fillon, porte malheur. Quand elle nous y reçoit le 15 octobre, Marine Le Pen semble toutefois imperméable aux mauvais présages. En dépit des vents judiciaires contraires, la patronne du RN est remontée à bloc. À travers la porte, on l’entend lancer : « Tu sens mauvais ! » Qu’on se rassure, cette apostrophe s’adresse au chaton aperçu dans ses bras dans la cour de Matignon, quelques jours plus tôt – il grossit. Ce jour-là, elle a compris que les deux motions de censure inscrites à l’agenda du lendemain dans l’Hémicycle ne passeront pas, mais cela n’entame pas sa belle humeur. Elle est persuadée que la chute du gouvernement Lecornu n’est qu’une question de semaines. Et rêve à voix haute d’une prochaine dissolution et d’une victoire du RN, donc de gouverner la France.


Causeur. Vous avez sifflé la fin des gouvernements Barnier puis Bayrou. Mais celui de Sébastien Lecornu a survécu à votre tentative de censure et vous n’avez pas obtenu la dissolution que vous réclamiez. Auriez-vous perdu la main ?

Marine Le Pen. La dissolution est inéluctable. Demain, dans quinze jours, dans un mois et demi, elle aura lieu. Nos institutions sont ainsi faites que c’est la seule solution possible au blocage actuel. En attendant, il est intéressant d’observer le spectacle de tous ceux qui cherchent des prétextes pour empêcher cette issue : les socialistes, qui ont sauté sur l’excuse de la suspension de la réforme des retraites pourtant loin d’être acquise, et les Républicains, dont le grand écart doit considérablement malmener les adducteurs. Leur point commun : ils ont peur des élections. Et ils ont raison d’avoir peur.

Nous, nous n’avons aucun poste à défendre, mais nous sommes opposés à la dissolution. Nous pensons qu’il serait préférable, pour le pays, de retrouver les échéances normales : une présidentielle dans dix-huit mois et ensuite des législatives qui donneraient une majorité au nouveau président. Certes, en l’absence de majorité, on ne va pas faire de grandes réformes. Il faut tenir.

Sauf qu’en politique, quand on n’avance pas, on recule. Le blocage actuel aggrave la situation de la France, notamment la situation budgétaire.

Oui mais une nouvelle dissolution pourrait engendrer une assemblée aussi gouvernementale et nous plonger dans une situation insoluble. Vous êtes prête à parier le destin du pays sur votre certitude d’avoir une majorité en cas d’élection ?

Je ne parie sur rien, je respecte la démocratie. Et je crois que les Français sont prêts à se donner aujourd’hui une alternance.

Sauf que vous ne pouvez pas provoquer immédiatement l’alternance présidentielle.

Nous n’avons en effet pas prise sur la démission du président de la République. Mais, puisque Emmanuel Macron a fait savoir qu’il prononcerait une dissolution en cas de nouvelle chute du gouvernement, nous avons prise sur un retour des députés devant les urnes, voulu par 66 % des Français.

En attendant, si la réforme des retraites est suspendue, le PS pourra se targuer de cette victoire…

Je ne compte pas tomber dans le piège socialiste consistant à faire de cette suspension l’alpha et l’oméga du débat public. Il existe bien d’autres sujets de préoccupation dans notre pays, comme le record de présence de personnes étrangères sur le territoire, l’insécurité qui continue de se dégrader dans des proportions spectaculaires, les 74 milliards de charges de la dette à payer en 2026, c’est-à-dire 6 milliards de plus que ce qui avait été prévu, et le budget en préparation, qui prévoit 20 milliards de hausses et 28 milliards d’augmentation de la dépense publique.

Il se trouve que bon nombre de Républicains partagent vos inquiétudes et semblent très réticents à rester dans le « socle commun ».

Oui, surtout ceux qui ne sont pas concernés ! Monsieur Bellamy a indiqué que, s’il était député, il aurait voté la censure. Et moi, si j’avais des roulettes, je ferais un bel autobus !

On dirait que vous affectionnez le « tout ou rien ». Alors qu’après tout, au lieu de faire des concessions aux socialistes, Sébastien Lecornu aurait très bien pu essayer de s’arranger avec vous.

Mais la feuille de route que lui a fixée Emmanuel Macron, c’était de négocier avec les socialistes. Au nom du « tout sauf le Rassemblement national ». C’est insensé, mais c’est ainsi.

Il se dit pourtant que, lorsqu’il a décidé de dissoudre, Emmanuel Macron espérait vous donner les clés de Matignon. 

Je vais vous raconter la véritable histoire. Le 9 juin 2024, quand Emmanuel Macron dissout l’Assemblée, il croit en effet faire un coup mitterrandien. Il prévoit alors notre victoire dans les urnes, et donc notre arrivée aux affaires, ce qui lui permettra, s’imagine-t-il, de démontrer que le Rassemblement national est un ramassis d’incapables. Sauf que le soir du premier tour, le vertige le prend. Il se dit : « Non, ce n’est pas possible ! » Alors il change totalement son fusil d’épaule. Et il appelle lui-même ses propres députés – j’en ai eu le témoignage – pour leur demander de se désister dans les triangulaires où ils sont mal placés afin de nous faire barrage. Ultérieurement, l’Élysée a diffusé une légende urbaine pour faire accroire que cette manœuvre, que l’on a appelée le « front républicain », était une initiative de Gabriel Attal non désirée par le président. C’est totalement faux.

Si c’est faux, c’est bien inventé. Quittons un instant de la séquence actuelle. Vous êtes revenue des enfers politiques : en 2017, on vous faisait un procès en cryptofascisme et en incompétence, et aujourd’hui, alors que vous êtes l’ultra-favorite de la présidentielle, il n’est pas sûr que vous puissiez vous présenter. Comment le vivez-vous ?

C’est précisément parce que je suis ultra-favorite qu’on veut m’empêcher de me présenter. Avec cette grille de lecture, vous comprenez tout ce qui se passe aujourd’hui à l’Assemblée, mais aussi les ingérences d’autorités judiciaires et la multiplication des affaires. Le pouvoir a peur de nous, car il sait bien que, dans tous les pays gouvernés par des mouvements qui nous ressemblent, ou du moins qui partagent nos grandes lignes, les citoyens sont satisfaits. On le voit aussi, d’ailleurs, dans les municipalités RN, où nous avons été élus et réélus, souvent dès le premier tour. Non seulement les administrés se sont rendu compte que notre politique n’était pas la catastrophe annoncée, mais ils apprécient ce que nous faisons.

Malgré votre condamnation à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, plusieurs spécialistes affirment que, si une élection nationale avait lieu demain, le Conseil constitutionnel ne vous empêcherait pas de vous présenter. Partagez-vous leur analyse ?

Le Conseil constitutionnel a en effet toujours considéré que l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité ne pouvait pas s’appliquer à un mandat national. Le fait qu’il ne s’oppose pas à ma candidature en cas de législatives anticipées et, a fortiori, de présidentielle serait donc logique vu ses jurisprudences. C’est en tout cas ce qu’a écrit le rapporteur du Conseil d’État, suite au recours que j’ai formulé concernant mon mandat de conseillère départementale. Et la Cour européenne des droits de l’homme dit la même chose.

Et si votre inéligibilité est confirmée en appel cet été, pourrez-vous vous présenter ?

Évidemment pas. Raison pour laquelle j’ai indiqué dès le départ que je prendrai ma décision de me présenter ou non lors du rendu de l’arrêt de la cour d’appel.

Sans attendre une éventuelle décision en cassation ?

Non, car on ne sait pas quand une telle décision serait rendue et on ne peut pas se lancer dans une campagne présidentielle au dernier moment. J’annoncerai donc ma décision cet été pour ne pas hypothéquer la candidature de Jordan Bardella dans le cas où il devrait y aller.

Dans la situation catastrophique de la France, qu’est-ce qui vous fait penser que vous êtes en mesure de la redresser ?

Mon camp politique est le seul à avoir véritablement le courage de faire ce qui doit être fait, pour la bonne raison que nous nous moquons du jugement des élites autoproclamées qui, depuis des décennies, gouvernent la France contre le peuple.

Une proportion non négligeable de Français vous sont toutefois très hostiles…

Sur les grands sujets, comme la restauration du délit de présence irrégulière sur le territoire, la mise en place de la priorité nationale dans les logements sociaux ou l’organisation d’un référendum sur l’immigration, le peuple est très majoritairement d’accord avec nous.

Un projet pour la France ne peut se réduire à des mesures sur l’immigration c!

Une majorité de nos concitoyens, y compris d’ailleurs bon nombre d’électeurs LFI, sont aussi d’accord avec nous pour que l’État fasse des économies sur son train de vie, qu’il lutte sérieusement contre les fraudes non seulement sociales mais aussi fiscales, et qu’il mette davantage à contribution les hauts patrimoines pour financer une baisse d’impôts pour les classes moyennes. Bref, une majorité de Français soutiennent les grandes orientations que nous portons.

En ce cas, pourquoi ne vous ont-ils pas déjà élue ? Pourquoi n’ont-ils pas bravé le front républicain pour donner une majorité à Bardella ?

La transformation du soutien à des mesures en vote prend toujours du temps ; mais je dis aux Français qu’il y a urgence avant que la situation soit hors de contrôle.

Avoir une majorité derrière soi ne suffit pas. Pour gouverner, il vous faut aussi savoir dialoguer avec les autres partis, les syndicats, les corps intermédiaires. Vous qui méprisez les « élites autoproclamées », comme vous dîtes, avez-vous cette capacité ?

Absolument et je le démontre. Nous sommes le parti le moins sectaire du Parlement, celui qui vote le plus d’amendements ou de propositions de loi qui n’émanent pas de ses rangs. Et depuis que nous avons tendu la main à Éric Ciotti, nous travaillons merveilleusement bien ensemble, malgré certaines divergences d’approches sur l’économie.

Curieusement, vous êtes l’alliée du parti Ciotti, dont le nom est « Union des droites pour la République », mais vous vous refusez à vous dire de droite.

Je ne dis pas non plus que je suis de gauche.

« Je suis la candidate de Jordan à la présidentielle. » Marine Le Pen et Jordan Bardella en meeting à Hénin-Beaumont, 24 mai 2024. Francois Greuez/SIPA

Certes, mais vous êtes attachée à la nation et vous avez une conception plutôt traditionnelle du régalien. Tout cela est aujourd’hui plutôt de droite, non ?

Vous avez vu la droite défendre la nation, ces dernières années ? J’ai plutôt le sentiment qu’elle a soumis la France à l’Union européenne et qu’elle a voté pour Madame von der Leyen !

La droite est soucieuse de continuité historique. Elle veut que « la France reste la France ». La France est-elle menacée ?

Si je ne pensais pas que la France est menacée, j’irais planter des fraises. Elle l’est d’autant plus que beaucoup de gens le savent et nous font perdre du temps en disant la même chose que nous pour nous empêcher de le faire. C’est pour cela que j’en veux bien plus à la droite qu’à la gauche. La droite sait ce qui se passe et, arrivée aux responsabilités, ne fait pas ce qu’il faut faire. Beaucoup de gens à droite espèrent des gens comme nous, mais qui soient plutôt comme eux. Peut-être ne sommes-nous pas assez bourgeois.

En attendant, à gauche, on brandit plus facilement le drapeau palestinien que le drapeau français.

Pour ma part, je me sens plutôt gaullienne. Le général de Gaulle appréciait la gauche pour son côté social, mais la trouvait complètement utopique avec sa propension à aspirer à n’importe quelle nouveauté, dès lors qu’elle était définie comme un progrès. Et il appréciait la droite pour son réalisme, tout en la trouvant enferrée dans l’immobilisme, la défense des intérêts particuliers et une forme de conservatisme excluant toute forme d’évolution ou d’amélioration.

En vous écoutant, on a l’impression que, contrairement à Jordan Bardella, vous considérez « libéralisme » et « conservatisme » comme des gros mots. Êtes-vous conservatrice ?

Non. Le conservatisme est une posture de peur et de nostalgie, qui consiste à rester assis sur le ballon. Une fuite en arrière, dans le sens inverse du macronisme, qui est une fuite en avant. Ma vision du pays n’est pas celle-là. On peut défendre l’histoire, la culture et les grands idéaux qui sont les nôtres, sans opposer, comme la droite et la gauche aiment à le faire, les principes de la République et notre héritage plus ancestral. Je considère au contraire que les deux se nourrissent l’un de l’autre. Et puis surtout, je suis pour monter, aller vers le haut. Notre pays a encore énormément à offrir. À commencer par sa souveraineté, c’est-à-dire sa liberté de choisir son destin.

Encore faut-il conserver cette souveraineté. Sans quoi dans trente ans, la France ressemblera à la Belgique islamisée.

Je lutte, me semble-t-il, avec plus d’efficacité que les conservateurs, contre l’immigration massive qui change notre mode de vie, nos codes et nos mœurs.

En quoi ?

Ma famille politique alerte depuis des décennies sur ces sujets et propose depuis maintenant des années des textes législatifs pour répondre à ces enjeux, que ce soit notre référendum sur l’immigration ou ma proposition de loi de lutte contre les idéologies islamistes.

Êtes-vous libérale ?

Sur le plan sociétal assurément, mais modérément. Sur le plan économique, notre mouvement a été libéral quand le socialo-communisme constituait un danger majeur pour le monde. Mais après la chute du mur de Berlin, le libéralisme est devenu, du fait de la disparition des frontières, ce qu’on a appelé l’« ultra-libéralisme », c’est-à-dire une forme de globalisme qui représente aujourd’hui un péril au moins aussi grave que le socialo-communisme en son temps. À cet égard, Jean-Marie Le Pen a été visionnaire. Lui qui avait été thatchérien dans les années 1980 a lancé le slogan « Mondialisation, piège à cons » dès 1998.

Vous trouvez que nous sommes un pays ultra-libéral ?

Non. La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme, « en même temps ». Ce qui est tout de même assez extraordinaire.

Pourquoi dites-vous « gaullienne » et pas « gaulliste » ?

À cause de l’Algérie. Je reproche à de Gaulle d’avoir menti aux pieds-noirs et d’avoir abandonné les harkis. Il a laissé tomber des gens qui avaient choisi la France. C’est incompréhensible. Reste qu’il avait raison au sujet de la gauche et la droite. Comme lui, je pense qu’il y a des patriotes aussi bien à droite qu’à gauche mais qu’en réalité, la droite et la gauche, c’est totalement dépassé.

C’est aussi ce que pense Macron.

Sa position est calquée sur la nôtre. Et je rappelle que je suis élue dans une circonscription qui était socialo-communiste pendant quatre-vingts ans.

La suite de l’entretien est à lire dans le magazine dès maintenant pour les abonnés, et demain sur le site.

Zohran sourit

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Zohran Mamdani parle aux journalistes après avoir voté à New York, 4 novembre 2025 © Anthony Behar/Sipa USA/SIPA

Qui est le nouveau maire radical de New York ? Sur quelles mesures a-t-il été élu ?


Zohran Mamdani, 34 ans, a créé la surprise en remportant hier la mairie de New York avec 50,4 % des voix, devançant nettement Andrew Cuomo et le républicain Curtis Sliwa. Inconnu il y a un an, le candidat socialiste et communautariste radicalement opposé à Trump a bâti sa campagne sur la dénonciation des élites et des « milliardaires qui achètent les élections ». « Le futur est entre nos mains », a-t-il lancé hier soir à ses partisans, saluant une « renaissance » politique de la ville • La rédaction

Le mardi 4 novembre est jour de vote aux Etats-Unis. Et en cette année « blanche » (il n’y a ni élection présidentielle, ni renouvellement du Congrès) les yeux des médias sont braqués sur la ville de New York, où l’histoire est en train de s’écrire.

Pour la première fois en plus de quatre siècles d’existence de la « grosse pomme » (New York a été fondée en 1624), un candidat radical socialiste est favori pour être élu maire. En plus d’être d’extrême gauche, il est musulman et antisioniste ! Il n’est pas né aux Etats-Unis et n’a acquis la nationalité américaine qu’en 2018, lors de son entrée en politique ! Il s’appelle Zohran Mamdani. Il a 34 ans et il représente peut-être l’avenir du parti démocrate. Pour le meilleur ou pour le pire !

Comment est-il arrivé là ?  Et comment New York en est-elle arrivée là ? C’est ce que nous allons voir !

Une métropole de 23 millions d’habitants

New-York est la capitale économique et la ville la plus peuplée des Etats-Unis avec 8 millions d’habitants. Sa métropole en compte près de vingt-trois millions. C’est la porte d’entrée vers la Etats-Unis. Depuis 1886, la Statue de la Liberté, dressée au milieu des eaux de la baie d’Hudson, accueille les immigrants… qui continuent d’affluer. La zone métropolitaine de New York possède la plus forte concentration de personnes nées à l’étranger de tous les Etats-Unis, 5,6 millions soit près du quart de la population.

La ville même rassemble cinq « boroughs », des « quartiers » (beaucoup plus étendus que des arrondissements parisiens) : Queens, Brooklyn, Manhattan, le Bronx et Staten Island. Manhattan possède la plus forte densité de population des Etats-Unis, le mètre carré habitable le plus cher, le plus haut revenu moyen et la plus importante concentration de richesse du pays.

Mais elle n’est plus ce qu’elle a été. A cours des dix dernières années elle a vu sa population diminuer. Une première historique. Son résident le plus célèbre l’a quittée avec fracas, Donald Trump, désormais résident de Floride. Comme des milliers d’autres qui ont fui son coût de la vie prohibitif et progressivement privé la ville d’importants revenus fiscaux.

New York est dirigée par un maire, élu au suffrage universel tous les quatre ans. Le maire actuel s’appelle Eric Adams. C’est un Noir, ancien policier, élu en 2021. Face à des accusations de corruption, il a renoncé à briguer un second. Trois candidats se disputent sa succession. Curtis Sliwa, un républicain, Zohran Mamdani, le démocrate et Andrew Cuomo, l’ancien gouverneur de l’Etat de New York qui se présente en indépendant.

65% des électeurs de New York sont inscrits comme Démocrates contre 11% comme Républicains. Tandis que 21% se disent indépendants. Sur le papier Mamdani est donc archi-favori pour l’emporter ce 4 novembre. En soi ce n’est pas sensationnel. Ce qui l’est c’est le pédigrée de Mamdani. Il vient de l’extrême gauche radicale, un parti appelé « le parti démocrate-socialiste d’Amérique » (DSA) et se revendique d’un marxisme pur et dur. Pour Mamdani, « le capitalisme c’est du vol » et seule « la propriété collective des moyens de production » peut établir la justice sociale…

Son ascension jusqu’à la nomination du parti démocrate pour la mairie de New York est révélatrice, de la dérive à gauche du parti emmené par une minorité progressiste très agissante.

Les extrémistes très motivés aux primaires

Les élections aux Etats-Unis se déroulent toujours en deux temps : une élection primaire suivie d’une élection générale.  L’élection primaire sert à désigner le candidat de chaque parti, l’élection générale sert à départager les candidats désignés lors des primaires. Lorsqu’un parti dispose de la majorité au sein de l’électorat, le vainqueur de la primaire est assuré d’être aussi le vainqueur de l’élection générale.

Typiquement les élections primaires attirent beaucoup moins d’électeurs que les élections générales. Et typiquement ces électeurs sont plus motivés et plus extrémistes que ceux qui votent au scrutin général. Ce sont deux caractéristiques que les radicaux ont récemment exploitées pour gagner en influence au sein du parti démocrate.

Il y a quelques années, en 2018, Alexandria Ocasio Cortez (« AOC » pour la presse américaine), elle aussi militante du DSA, avait utilisé cette stratégie pour se faire élire au Congrès. Elle avait défié le démocrate sortant lors de la primaire et l’avait aisément emporté : 57% contre 43% dans le 14eme district de New York. Moins de trente mille électeurs démocrates firent l’effort de participer à ce scrutin. Sur une population de sept cent cinquante mille personnes. En clair avec quinze mille voix seulement sur deux cent dix mille inscrits, soit 7,5% des voix, elle avait obtenu l’imprimatur du parti démocrate garantissant sa victoire lors de l’élection générale de novembre. A 36 ans, elle est devenue depuis l’une des figures de proue des Démocrates du Congrès et personnifie une nouvelle garde, jeune, enthousiaste, énergique et radicale.

M. Mamdani espère clairement lui emboiter le pas à New York. Sa première victoire est survenue le 24 juin lorsqu’il a battu Andrew Cuomo dans la primaire démocrate. Plus d’une dizaine de candidats étaient en lice et il a profité de l’émiettement du vote et de l’impopularité de Cuomo – personnellement accusé de harcèlement sexuel et dont le mandat de gouverneur a été entaché d’accusations de mauvais management – pour arriver en tête avec 44% des voix contre 36%. Soit un peu plus de 450 000 votes sur 5,1 millions d’électeurs inscrits. C’est à dire moins de 10% des électeurs. Mais cela a suffi à le parachuter en tête et en faire la vedette inattendue du parti démocrate en 2025.

M. Cuomo a décidé de maintenir sa candidature sous l’étiquette « indépendant ». Il traine dix points derrière M. Mamdani dans les sondages. Quant au Républicain Sliwa, il plafonna à 19%. L’establishment du parti démocrate s’est récemment rangé derrière Mamdani. Kathy Hochul la gouverneur et Hakeem Jeffries, le premier Démocrate de la Chambre lui ont tous les deux accordé leur soutien officiel. Un boulevard s’ouvre donc devant ce nouveau venu.

Radical chic

Zohran Mamdani est un enfant de la bourgeoisie intellectuelle progressiste de New York. Son père, originaire d’une famille musulmane de Bombay, en Inde, est professeur à la prestigieuse université Columbia. Sa mère, également Indienne, est une cinéaste reconnue. Ses films ont été primés à Cannes et à Venise et elle a reçu deux Césars. L’enseignement du père, et les films de la mère touchent aux mêmes sujets : l’identité, la culture et la race à l’âge des migrations de masse dans le monde post-colonial. Les préoccupations politiques de Zohran Mandani se sont construites autour de ces mêmes thèmes.

Zohran est né à Kampala en Ouganda, où ses parents vivaient et travaillaient alors. Après un détour par l’Afrique du Sud, ils ont emménagé à New York quand Zohran avait sept ans. Après des études dans une école privée du Bronx, Zohran a obtenu un « B.A. » (Bachelor of Arts, l’équivalent d’une licence) en Etudes africaines du Bowdoin College, une université privée, très exclusive du Maine (les frais de scolarité sont de 72 ,000 $ par an). Pendant ses études il fut président de l’association locale des « Etudiants pour la justice en Palestine », une organisation qui milite pour le droit au retour des réfugiés palestiniens et n’a jamais reconnu la légitimité de l’existence d’Israël. Mamdani affirme encore aujourd’hui que « la question de la Palestine est au cœur de son engagement. » Il se définit comme « antisioniste » mais se défend d’être « antisémite ». Avec son diplôme en poche, en 2014, Mamdani devint activiste au service de causes progressistes. Il travailla notamment pour une association d’aide aux locataires à bas revenu en les aidant à contrer les menaces d’expulsion.

Il s’essaya aussi à la musique Hip-Hop, sous le pseudonyme de « Young Cardamom ». Il portait déjà une barbe courte, et de longues tuniques indiennes. Son clip « Nani » (visionnable sur YouTube) est un hommage humoristique à sa grand-mère, à la cuisine indienne, aux « food-trucks » et à l’autorité parentale (pas très « démocrate-socialiste »). « Cardamom » y joue le rôle d’un gosse de la rue, mais sa barbe, courte et bien taillé à la mode des Frères Musulmans, le rend peu crédible.

Dans « Kanda Chap Chap », clip tourné à Kampala, il distribue à la volée (chap chap) du pain dont il a lui-même pétri la pâte (kanda)) et se moque de ses études universitaires… C’est un plus irrévérencieux, mais pas bien méchant. Papa-maman ont peut-être pensé en découvrant le clip que les frais de scolarité à Bowdoin avaient été de l’argent mal investi…

Mais « Young Cardamom » n’a jamais eu de Grammy et Zohran Mamdani a abandonné la musique pour la politique. Raison pour laquelle il a fini par se faire naturaliser Américain. C’était en 2018, à l’âge de 27 ans.

En 2020 Mamdani s’est présenté pour un siège à l’Assemblée de l’Etat de New York sous l’étiquette des « Démocrates Socialistes Américains ». Le DSA est un petit parti politique (moins de cent mille membres aux Etats-Unis) d’inspiration marxiste-léniniste qui rejette « l’oligarchie » au pouvoir aux Etats-Unis, au profit d’une société plus égalitariste, avec une couverture sociale gratuite et universelle, la nationalisation des services essentiels (transports, etc), et soutient le droit des immigrants et des personnes LGBTQ…

Lors de la primaire démocrate, Mamdani défia la sortante, une jeune avocate d’origine grecque Aravella Simotas et il l’emporta de moins de cinq cents vote, 8 410 contre 7 987. Lors de l’élection générale en novembre, il n’eut aucun adversaire. La politique à New York c’est l’affaire du parti démocrate. Ainsi huit mille suffrages ont suffi pour lancer sa carrière politique.

Ses compétences très incertaines

Mamdani n’a jamais eu de vrai métier. Il ne sait rien faire, ce qui, en politique, est le gage inévitable d’une longue carrière. Bernie Sanders non plus n’a jamais eu de métier et Alexandria Ocasio Cortez était serveuse dans un restaurant (un gagne-pain, pas un métier) quand elle s’est présentée au Congrès.

 Aujourd’hui Mamdani vise un poste beaucoup plus exposé, sans avoir rien renié de ses idéaux marxistes. Au contraire. Il a fait de son radicalisme sa distinction et sa force. Voici ses propositions phares pour la ville de New York :

le gel des loyers ! Une mesure destinée à lutter contre le coût du logement dont on sait qu’elle entraine une chute de l‘offre et une pénurie de logements locatifs. Pour y remédier il a promis de construire deux cent mille logements à loyers modérés sur dix ans, et d’octroyer ces contrats uniquement à des entreprises avec 100% d’ouvriers syndiqués. 

– la gratuité des bus. Actuellement le ticket vaut 2,90 $, ou 7 $ pour les bus « express ». Au passage, Mamdani a promis qu’une fois gratuits, les bus iraient aussi plus vite ! Mais il n’a pas expliqué comment !

– la gratuité des crèches et des soins de santé pour les bébés de 6 semaines à 5 ans.

– l’arrêt du programme « élèves doués et talentueux » qui permet aux meilleurs jeunes écoliers de bénéficier d’une instruction supplémentaire, s’ils le souhaitent.

-la création d’au moins cinq « épiceries municipales » (une par quartier), gérées par la ville de New York, donc sans l’obligation d’être rentables, pour offrir des produits alimentaires à bas prix.

– Le doublement (ou presque) du salaire minimum pour le porter à 30 $ de l’heure, contre 16,50 $ actuellement.

– la création d’un « département de la sécurité commune » (Department of community safety) pour alléger la tache de la police municipale et faire gérer la petite criminalité, par des travailleurs sociaux, des médiateurs et autres spécialistes de la santé mentale, etc. Pour rappel en 2020, Mamdani avait soutenu le mouvement « defund the police » visant à baisser voire supprimer les budgets des polices municipales. Il a aussi appelé à la fin des prisons qui ne sont rien d’autre pour lui que les manifestations d’un « Etat carcéral » qu’il rejette.

– la création de centres d’accueils pour des jeunes LGBTQ ou en processus de « transition » de genre. Mamdani veut faire de NYC une ville sanctuaire pour les transgenres, comme d’autres villes américaines se sont déclarées sanctuaires pour les immigrants clandestins.

Tax the rich !

Pour financer ces programmes il propose une hausse de la taxe sur les sociétés de 8,85% à 11,5% et une surtaxe de 2% sur les revenus supérieurs à un million de dollars par an.

Lors d’un grand meeting, fin octobre, la foule n’a cessé de scander « tax the rich ». Mamdani lui-même avoue « ne pas aimer les millionnaires »… Il aura pourtant besoin d’eux pour financer ses programmes. Chacun sait que « taxer les riches » est une proposition démagogique qui plait toujours aux foules mais qui ne permet pas de boucler les budgets. Il n’y a tout simplement pas assez de riches et ils ont toujours le loisir de déménager pour des cieux plus accueillants. Quand on commence par taxer les riches, on finit toujours par taxer la classe moyenne. C’est là qu’il y a de l’argent… Bref, le programme de Mamdani est une catastrophe en devenir pour New York. Mais c’est un programme qui attire un électorat jeune, né après la fin de la guerre froide, venu de tous les horizons, et élevé à la propagande de gauche qui passe pour de l’enseignement dans les écoles publiques et domine dans les réseaux sociaux. Cet électorat n’a jamais connu ni la difficulté, ni l’absence de liberté, ni les privations associées aux régimes socialistes dans l’histoire récente et ils sont prêts à tenter l’expérience avec Zohran…Les contradictions ne les effraient pas. Bien que prétendant parler au nom des masses laborieuses, M. Mandani n’en fait pas partie. C’est un bourgeois et un intellectuel, qui a grandi dans un milieu privilégié. Il s’identifie aux masses mais les masses ne s’identifient pas à lui. D’ailleurs les quartiers les plus populaires de New York sont ceux où il a fait ses plus mauvais scores lors de la primaire.

Le ressentiment est au cœur de sa démarche. Mamdani est un narcissique déraciné de naissance. Il appartient à plusieurs mondes et ne se sent chez lui dans aucun. Bien que né en Ouganda, il était Indien et, en Afrique, perçu comme un blanc ; et bien que blanc il est désormais perçu aux Etats-Unis comme un Indien, musulman de surcroit. Identité qu’il revendique mais qui l’isole. Il n’est chez lui nulle part et il a fini par développer une vision idéalisée de la culture du pays de départ, et un rejet des valeurs du pays d’accueil, alors que c’est ce pays qui lui a offert à la fois la sécurité et la possibilité de suivre la voix de son choix.

Et puis, il y a le sujet subsidiaire de la religion, de la vision du monde qu’elle engendre et de son incidence sur la société newyorkaise…

Mamdani est un musulman chiite duodécimain et sa religion est une composante majeure de sa personnalité.  Il croit au « Mahdi », à « l’imam caché », le douzième imam qui fera son retour à la fin des temps pour instaurer la justice d’Allah. Son épouse Rama Duwaji est musulmane d’origine syrienne. Lors de leur mariage ils ont organisé une cérémonie à Dubaï pour conclure un « nikah » c’est-à-dire un contrat de mariage selon les règles de la « sharia », la loi islamique.

Invité à plusieurs reprises durant la campagne à dénoncer cette « loi islamique », M. Mamdani a toujours esquivé la question. Lorsqu’il parle de l’islam c’est pour dénoncer à demi-mots une islamophobie qu’il perçoit chez les Américains.  Il a évoqué une « tante » qui après les attaques du 11 septembre 2001 aurait eu « peur de prendre le métro avec un hijab parce qu’elle ne se sentait plus en sécurité ». L’histoire semble être une affabulation. Mamdani n’a jamais eu de tante à New York, mais son intention à travers un tel récit est claire : revendiquer le port de l’habit islamique et dénoncer l’islamophobie latente des Américains.

New York City compte environ huit cent mille musulmans, originaires du Proche Orient, d’Asie centrale et d’Asie du Sud-Est. Ce sont souvent des immigrants récents, dont des étudiants, et par forcément des gens ayant la citoyenneté américaine, mais pour ceux qui l’ont, c’est un vote ethnico-religieux acquis à Mamdani.

Antisioniste, pas antisémite

Il n’y a pas que des musulmans à New York. Il y a aussi plus d’un million de juifs. Et la question de la relation de cette communauté avec Mamdani, s’il l’emporte, est posée. Mamdani ne reconnaît pas la légitimité de l’Etat d’Israël, ni le droit des juifs à un foyer national sur la terre de leurs ancêtres. Mais il se défend d’être antisémite. La différence est subtile et ténue. Comment rejeter le droit des juifs à disposer d’un foyer national où ils puissent être à l’abri des persécutions dont ils ont été victimes au cours des siècles passés, y compris au 20ème, tout en prétendant ne pas rejeter les juifs tout court ? Mamdani a soutenu les slogans « la Palestine de la rivière à la mer »,  et « globaliser l’intifada ». Le premier nie le droit d’Israël à exister, le second appelle à une lutte globale et violente contre l’Etat israélien. Or depuis la guerre à Gaza, ces slogans ont pris une place qu’ils n’avaient pas jusqu’alors, dans un contexte marqué par une montée sans précédent de l’antisémitisme, notamment chez les jeunes et sur les campus universitaires.  Mandani a lui encouragé cet antisémitisme en accusant Israël de mener un « génocide » à Gaza, à l’encontre de la réalité des faits. Au nom de sa religion, il s’est aussi affiché avec des imams radicaux, y compris certains ayant été lié à des attentats terroristes à New York.

Si beaucoup de juifs de New York ont une sensibilité démocrate, et partagent certaines positions progressistes, l’élection de Zohran Mamdani à la mairie, aurait des conséquences inévitables au sein, et peut-être à l’encontre, de cette communauté.

Cette victoire aurait aussi des conséquences sur le parti démocrate lui-même. Après la défaite électorale de 2024, et la paralysie des instances actuelles, il y a une place à prendre à la tête du parti de l’âne, pour 2028 et pour après. La jeune garde radicale est prête pour ce défi. D’autant qu’elle a su greffer au crédo marxiste classique des considérations plus contemporaines sur le genre, les identités multiculturelles et les migrations.

L’idéologie dont se revendique Zohran Mamdani n’est pas que marxiste-leniniste. C’est un cocktail de ressentiment tiers-mondiste, d’idéalisme néo-communiste et d’anti-américanisme, le tout baignant dans une totale ignorance des lois naturelles de l’économie.  C’est un cocktail détonnant qui pourrait rassembler une large faction du parti démocrate et représenter le futur de ce parti. Ou bien le mener à son éclatement. Le score de Mamdani au soir du 4 novembre sera un premier enseignement sur la question.

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Pollution plastique: du fantasme militant à la réalité scientifique

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DR.

Selon une étude de l’Agence européenne de sécurité des aliments, les conséquences prétendument désastreuses sur la santé des nanoplastiques sont bidons, se réjouit Joseph Tayefeh, Secrétaire général de l’organisme représentant l’industrie du plastique en France. Il appelle à protéger cette industrie qui répond à des exigences de sécurité parmi les plus strictes au monde.


Il y a des vérités qui mettent du temps à percer, surtout lorsqu’elles dérangent les dogmes médiatiques. Depuis des années, ONG et militants écologistes, aidés de leurs relais politiques saturent l’espace public de déclarations anxiogènes sur les microplastiques et les nanoplastiques, ces poussières invisibles accusées de tout polluer et d’empoisonner nos corps et nos enfants. Car la stratégie a changé et nos chers et coûteux militants ont de l’imagination : n’ayant pas réussi à inverser la courbe de la consommation de produits en plastique par des images chocs de mammifères marins en souffrance à l’autre bout du monde, c’est désormais par la peur de ce qu’on ne voit pas, qu’ils ont essayé de nous tromper. 

Tempête émotionnelle

Face à cette tempête émotionnelle, Plastalliance, qui représente l’industrie française de la plasturgie et du composite, s’est retrouvée seule à rappeler une évidence scientifique : aucune étude sérieuse n’a jamais démontré le moindre risque concret pour la santé humaine dans des conditions normales d’exposition ou d’utilisation des microplastiques ou des plastiques fabriqués en France ou dans l’Union européenne.

Chaque fois que certains médias plus courageux se penchaient sur le sujet, ils constataient la même chose : les études brandies comme des preuves sont truffées de biais, d’erreurs méthodologiques et de limites si profondes qu’elles rendent leurs conclusions tout simplement non recevables.

Que n’ai-je pas entendu personnellement en tant que Secrétaire général ou essayiste ! J’étais, paraît-il, un « lobbyste fabricant de doute », un adepte du « science bashing », alors que je ne faisais que lire, rigoureusement, ces études qui, pour certaines, reconnaissaient honnêtement leurs propres limites. Mais peu importe : une grande partie de la presse préférait y voir ce qu’elle voulait trouver. Des titres chocs : des micro et nanoplastiques dans le cerveau, le cœur, les artères, les organes génitaux ! Le message était clair : femmes enceintes, enfants, vous êtes envahis par le plastique qui aura votre peau en la traversant.

« La force de la vérité est qu’elle dure », dit le proverbe

Et voilà que l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) remet les pendules à l’heure avec une étude fracassante publiée le 21 octobre : la plupart des études relayées entre 2015 et 2025 présentent des erreurs méthodologiques majeures et ne démontrent pas grand-chose. Plus précisément, ce sont 1 711 publications, dont 122 ont été sélectionnées pour l’extraction de données qui ont été passées en revue. Huit publications supplémentaires ont été ajoutées afin d’apporter davantage de contexte.

Selon l’EFSA : « La plupart des études concernent les microplastiques, tandis que les données sur les nanoplastiques sont presque totalement absentes ». Malgré cette absence de données fiables, nombreux et nombreuses ont été ceux qui ont affirmé avec aplomb en France que ces « nanoplastiques » avaient de prétendues conséquences sur la santé. Le génie français sans doute.

Des biais partout, de la rigueur nulle part

L’EFSA constate que la majorité des études sur les microplastiques reposent sur des méthodes défaillantes, produisant des résultats exagérés et souvent inexacts. Elle conclut que les rares libérations observées proviennent d’usures mécaniques mineures, frottement des bouchons, abrasion ou fibres. « Malgré les incertitudes, la libération réelle est bien inférieure aux résultats présentés dans de nombreuses publications. » Pas de diffusion magique ni de plastique qui fond dans l’aliment, mais des phénomènes physiques connus, marginaux, et sans lien avec une contamination alimentaire significative.

Dans le fond, ce que cette conclusion met à nu, c’est une économie du soupçon : un monde où l’on publie avant de vérifier, et où l’on accuse avant de prouver. La mécanique est bien rodée : l’étude devient un prétexte, la peur le vecteur, et la science, un simple décor pour un récit politique déjà écrit : l’interdiction, la réduction, la décroissance.

Un rappel salutaire sur les additifs chimiques utilisés en Europe

En France, certains politiques, je pense notamment au député Modem Philippe Bolo, mais il est loin d’être le seul, des militants et quelques experts autoproclamés du plastique répètent à l’envi que les additifs chimiques contenus dans les emballages plastiques seraient dangereux pour la santé. Or, l’EFSA rappelle clairement dans son étude que les additifs plastiques sont strictement encadrés en Europe : ils ne peuvent être utilisés qu’après évaluation scientifique de l’EFSA elle-même.

A lire aussi: Shein au BHV, taxe sur les petits colis: les vieilles peurs du commerce français

Autrement dit : dans l’Union européenne, rien n’est laissé au hasard. Cette surrèglementation honnie par certains est aujourd’hui notre planche de salut. Si mes détracteurs persistent à douter, qu’ils aillent donc prêcher leur propagande dans des régions du monde où la réglementation est inexistante. Ce qui est produit sur notre sol répond à des exigences de sécurité parmi les plus strictes au monde. Un plastique français n’a rien à voir avec un plastique produit en Chine. C’est un peu comme comparer un poulet de Loué à de la volaille industrielle.

Ainsi, les 10 dernières années d’études sur les micro et nanoplastiques n’ont pas servi la science mais sa décrédibilisation au vu de l’usage médiatique et politique qui en a été fait. Car le grand danger est là : la perte de confiance du citoyen dans les études scientifiques. 

Une leçon pour les politiques publiques

Cette étude de l’EFSA, validée par les plus hauts experts européens, indépendants de l’industrie et des ONG, rétablit une vérité simple : la panique des microplastiques est avant tout une construction idéologique. Elle fabrique du récit là où il faudrait du discernement, de la morale là où il faudrait de la méthode. L’affaire des microplastiques ou plutôt le « microplastique gate » n’est que l’illustration d’un dérèglement plus profond : celui d’une France qui se délecte de s’autoflageller pendant que le reste de l’Europe et les continents concurrents avec les États-Unis, l’Inde ou la Chine, investissent dans le plastique.

La France se perd lorsqu’elle croit qu’elle sauvera la planète en se privant elle-même d’industrie. Elle s’affirme, au contraire, lorsqu’elle défend sa souveraineté technologique, sa science, son économie réelle. Entre les prophètes du déclin et les ingénieurs du progrès, il faudra choisir. La vérité scientifique, si souvent méprisée, est peut-être aujourd’hui notre dernière frontière, celle qui distingue la civilisation de la croyance.

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Emmanuel Carrère, hors Goncourt?

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Emmanuel Carrère © Photographe: Hannah Assouline

L’auteur de Kolkhoze n’a obtenu aucune des voix des jurés du prix Goncourt, hier. Il devra se contenter du prix Médicis pour se consoler…


Pour une fois, le jury du prix Goncourt devait arbitrer entre trois livres, dont deux au moins étaient remarquables, quoique dans un genre radicalement différent. Laurent Mauvignier, avec La maison vide, l’a obtenu. Caroline Lamarche, écrivaine belge, a recueilli quatre voix et, à ma grande surprise, Emmanuel Carrère, pour Kolkhoze, n’en a obtenu aucune.

Duel au sommet

Avant d’aborder ce qui a pu motiver, sur le plan littéraire, le choix du jury, on est bien obligé de s’interroger sur les éléments extrinsèques ayant peut-être influencé les jurés Goncourt. Les deux auteurs masculins avaient déjà une très grande réputation et ils avaient bénéficié pour leur dernier livre de critiques extrêmement élogieuses. Emmanuel Carrère, sans la moindre réserve. Laurent Mauvignier, lui, avait tout de même pâti de quelques comptes rendus négatifs, pour certains à la limite de la condescendance. Chez Augustin Trapenard, celui-ci les avait gratifiés des mêmes dithyrambes. De sorte que, sur le plan de l’accueil et de la réception de leur ouvrage, rien ne permettait de donner plus l’avantage à l’un qu’à l’autre.

Pour Emmanuel Carrère, je me demande s’il ne lui a pas nui d’avoir consacré une large part de Kolkhoze à sa mère Hélène Carrère d’Encausse, personnalité très influente et à l’entregent considérable dans le monde des lettres. Comme si, en honorant ce livre, on avait pu craindre d’être soupçonné de favoritisme…

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Ces deux livres ont fait du prix Goncourt, cette année, un duel au sommet. Long pour Emmanuel Carrère, très long pour Laurent Mauvignier (760 pages), ils se présentaient dans un contraste absolu, aussi bien sur le plan de la narration que sur celui du style.

Selon moi, Kolkhoze était passionnant tout au long, avec des pages déchirantes à la fin et des portraits, des personnalités magnifiés par l’art de l’auteur, capable de tirer d’une apparente simplicité une profondeur et une émotion sans pareilles. J’ai apprécié La Maison vide mais j’ai dû résister à quelques défauts : des redites, des ressassements, parfois des facilités, une profusion pour la profusion. Mais quelle puissance cependant ! Quelle exploration du temps, dans le temps, avec ces trois générations, ces deux guerres et ces femmes aux tempéraments si divers, antagonistes ou complices, quelle immense coulée de mémoire et de retour vers le présent depuis 1914 !

Une injustice ?

Chez Emmanuel Carrère, quelle fluidité narrative ; chez Laurent Mauvignier, quelle densité lourde et concentrée ! Chez le premier, une expression limpide, évidente, sans fioritures, fuyant les effets mais les retrouvant autrement ; chez le second, une accumulation, une répétition, des avancées douloureuses, des moments superbes, une causticité, une empathie. Chez Emmanuel Carrère, rien de trop ; chez Laurent Mauvignier, une surabondance, un trop-plein qui, la plupart du temps, comblent plus qu’ils ne lassent ! Je ne parviens pas à me défaire de l’impression qu’il y a tout de même une injustice, une volonté clairement affirmée de laisser Carrère à l’écart, hors Goncourt, dans l’absence de la moindre voix en sa faveur. J’entends bien qu’un authentique arbitrage aurait été difficile à opérer, mais c’est comme si le jury avait cherché à se débarrasser d’emblée d’un auteur et d’un livre qui n’étaient « pas leur genre », parce qu’en face, ils l’étaient ! On ne peut pas soutenir pourtant qu’il ait choisi la facilité : La Maison vide suscite l’admiration et relève de l’ascèse. Attendons le prochain Emmanuel Carrère.

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La Maison vide: Prix Goncourt 2025

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Erasmus pour tous

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Journée de l'Europe à Paris, 10 mai 2025 © Franck Derouda/SIPA

L’extension d’Erasmus à des pays du sud de la Méditerranée hors UE comme l’Algérie, la Libye, la Syrie ou la Palestine dénaturerait le programme de formation en le transformant en un vecteur d’immigration financé par les contribuables européens, redoute notre directrice de la rédaction.


La Commission européenne veut étendre Erasmus à des pays méditerranéens. C’est encore une lubie de la Commission von der Leyen. Son Pacte pour la Méditerranée, présenté le 16 octobre, prévoit ainsi d’étendre à des États du Maghreb et du Moyen-Orient le programme d’échanges universitaires européen bien connu – notamment à l’Algérie, à la Palestine, à la Syrie, au Liban et à Israël.

Un bien beau projet

Dans la merveilleuse novlangue européenne, la commissaire à la Méditerranée Dubravka Suica explique qu’il s’agit de « connecter les jeunes » pour fonder une « université méditerranéenne » aux multiples campus. Amen !

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Qui osera s’opposer à ce beau projet de connecter les jeunes ? Réponse : l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, qui lance une pétition avec sa collègue Céline Imart (voir ci-dessous). Les deux élus estiment que ce projet dénature Erasmus pour en faire un nouveau vecteur d’immigration. Un peu comme le fait déjà dans un tout autre registre le droit d’asile, d’ailleurs. De fait, même en dehors d’Erasmus, les visas étudiants sont déjà attribués très généreusement (+70% en 10 ans), sans contrôle (la meurtrière de Lola avait un visa étudiant me semble-t-il, bien qu’elle n’ait jamais vraiment mis les pieds à la fac). Et, sans la moindre appréciation de l’intérêt pour la France. Pas sûr que nous récupérions toujours les étudiants les plus brillants.

Les deux eurodéputés notent aussi que l’UE sanctionne des universités hongroises au nom de l’État de droit mais prétend accueillir « des régimes autoritaires, fondés pour certains sur la corruption, le terrorisme ou l’islamisme. » On reconnaitrait ainsi le gouvernement algérien comme un partenaire académique de l’Europe, alors que Boualem Sansal et Christophe Gleizes sont toujours otages pour cause de liberté de pensée ? C’est un peu fort de café. Il est vrai que l’UE s’est totalement désintéressée de ces cas. Le gaz algérien doit avoir des vertus anesthésiantes.

Une Europe sans racines

Mais, ce projet ne peut-il pas favoriser le rayonnement de l’Europe ? Erasmus est financé par le contribuable européen pour favoriser la création d’un sentiment d’appartenance européen. Désolée, mais jusqu’à preuve du contraire, les Algériens, les Égyptiens et les Israéliens ne sont pas des Européens.

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Pour rayonner, il faut savoir qui on est. Donc avoir des frontières qui séparent l’Europe de ce qui n’est pas elle. Or, ce projet sans-frontiériste montre une fois de plus que pour ses dirigeants, l’Europe n’est pas une culture et une civilisation, mais un processus sans fin, une pure ouverture sans substance. Les eurocrates qui veulent étendre l’Union à la Turquie ou au Maroc poussent des cris d’orfraie quand on convoque nos racines chrétiennes (ou judéo-chrétiennes). Cette Europe-aéroport sans passé et sans identité se résume à l’accueil. C’est l’Europe elle-même qui devient un droit de l’homme. Et tant pis pour le droit des Européens de rester ce qu’ils sont.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale avec Patrick Roger

Causeur: 2027, la der des ders?

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© Causeur 2025

Notre numéro de novembre est en vente. Découvrez le sommaire !


Dix-huit mois avant les prochaines élections nationales (du moins en théorie), la favorite des sondages continue sa guerre d’usure contre le bloc central mais ne veut toujours pas entendre parler de l’union des droites. Se confiant à Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, Marine Le Pen refuse autant le conservatisme, qu’elle qualifie de « posture de peur et de nostalgie », que le libéralisme devenu, à ses yeux, « une forme de globalisme qui représente aujourd’hui un péril au moins aussi grave que le socialo-communisme en son temps ». En présentant notre dossier du mois, intitulé « Droites : l’union façon puzzle », Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques osent une hypothèse : ce qui empêche de faire une alliance à droite comme celle qui a été faite à gauche, « c’est peut-être que la droite n’existe pas ». Marine Le Pen refuse de se dire de droite, et bien qu’il existe peu de différences idéologiques entre les électeurs du RN et ceux de la droite classique, il y a des différences culturelles importantes.

Le nouveau numéro est disponible aujourd’hui sur le site et demain mercredi 5 chez votre marchand de journaux.

Chez les Républicains, déjà divisés par une guerre des chefs, une coalition avec Marine Le Pen est loin de faire l’unanimité. Nadège Puljak-Ehrmann enquête sur les facteurs qui empêchent de faire l’union des droites et conclut : « Le seul point sur lequel la majorité des élus et responsables LR s’accordent encore, c’est pour refuser l’alliance avec le RN, jugé trop à gauche économiquement ». La méthode Trump commence à porter ses fruits aux États-Unis et sur certains dossiers internationaux. Malgré ses outrances, le président américain inspire d’autres chefs d’État et de parti, notamment en Europe. Mais en France, nous explique Jean-Baptiste Roques, la droite n’ose jamais avouer qu’elle prend exemple sur l’oncle Sam. Lucien Rabouille fait le portrait d’Alexandre Avril, maire de Salbris dans le Loir-et-Cher depuis 2020. Ce trentenaire intello, ex-LR rallié à Éric Ciotti, embellit l’espace public, sécurise la vie de ses administrés et défend un esprit vieille France. Un J. D. Vance bien de chez nous ?

Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy pointe le refus des progressistes de reconnaître que la plupart des hommes qui terrorisent ou agressent les femmes et les filles dans la rue et le métro « répondent rarement à la définition du mâle blanc que les belles âmes adorent détester. Les témoignages sont récurrents et les statistiques accablantes ». Le Nouvel Obs suggère aux femmes de se défendre grâce à la méthode des « 5-D » – distraire, déléguer, documenter, diriger et dialoguer. Cette « méthode » n’a jamais empêché une agression, mais elle a été enseignée à 15 000 femmes dans le cadre d’un programme lancé par L’Oréal et la Fondation des femmes. Conclusion ? D comme débile.

L’exécution provisoire de la peine qui a conduit Nicolas Sarkozy en prison, sans attendre le jugement en appel, est la conséquence d’une traque judiciaire inédite dans laquelle des juges acharnés se sont contentés de fausses preuves et de témoins louches. Marc Sasson nous présente les conclusions de son enquête sur une instruction à charge et un jugement déraisonnable. Israël a obtenu le retour des otages vivants et une partie des corps des otages morts. Mais pour Gil Mihaely, les espoirs suscités par le plan de paix de Trump de voir le Hamas rendre les armes et se retirer de la scène politique sont déjà déçus. On peut même redouter une libanisation de Gaza, avec un Hamas jouant le rôle du Hezbollah. La France, après quarante ans d’addiction à la dépense publique, est incapable de se serrer la ceinture, déplore Stéphane Germain. Le débat budgétaire ne reposant que sur l’argent et la pensée magiques, les sources d’économies proposées sont dérisoires et les hausses d’impôts inévitables. Tel est l’héritage d’une extrême-gauche nommée PS. Au cours d’un dialogue animé par Jean-Baptiste Roques et Jonathan Siksou, le philosophe Philippe Nemo et l’enseignant Joachim Le Floch-Imad se montrent d’accord : l’École française est dans un état catastrophique. Mais leurs remèdes divergent radicalement. L’un plaide pour une potion libérale à la Milton Friedman, l’autre pour un traitement de choc inspiré du docteur Chevènement. Un débat très instructif.

Si les bonnes nouvelles se font rares aujourd’hui, Cécilia Lepine nous en annonce une. Les prédicateurs 2.0 qui radicalisent leurs milliers d’abonnés sur le web ont de nouveaux adversaires : des apostats youtubeurs. Ces libres-penseurs s’appuient sur leur connaissance des textes en v.o., un sérieux bagout et autant d’humour pour éveiller le sens critique des croyants. Outre-Manche, Claire Fox, Brexiteuse convaincue et – selon sa propre définition – « populiste de gauche », a été nommée à vie à la Chambre des lords. La liberté d’expression est au cœur de son combat dans un pays où cette liberté est de plus en plus mise en question. Portrait par Sylvie Perez. Le politologue Thomas Guénolé s’est embarqué en septembre sur l’un des bateaux de la « Flottille pour Gaza ». Les pages de son journal que Causeur publie en exclusivité – grâce à Jean-Paul Lilienfeld – témoignent de terribles tensions entre militants prêts à subir les tortures de l’armée israélienne !

Parmi nos chroniqueurs, Ivan Rioufol dénonce l’immobilité politique défendue sous le nom de « stabilité » par l’oligarchie gouvernementale. Emmanuelle Ménard passe en revue la saga apparemment sans fin de la réforme des retraites, les humiliations de Paris face à Alger, les attaques contre Béziers de la Ligue des droits de l’homme, et l’abondance de propositions pour taxer davantage les Français. Pour Olivier Dartigolles, le tour de passe-passe fiscal permettant à la centaine de milliardaires que compte la France de payer deux fois moins d’impôts que les autres contribuables, prive le pays d’un pognon de dingue. Jean-Jacques Netter dresse le palmarès des déclarations d’économiste les plus stupides de la décennie (la gagnante : Sandrine Rousseau). Et Gilles-William Goldnadel nous explique pourquoi il préfère paraître sur CNews que dans Le Monde.

En passant de la politique à la culture, Michel Fau incarne François Mitterrand de manière troublante dans L’Inconnu de la Grande Arche, le nouveau film de Stéphane Demoustier. Il confie à Yannis Ezziadi son secret : ne pas imiter mais évoquer. C’est tout l’inverse de ce que font la plupart des acteurs qui jouent le rôle d’un personnage réel. Aussi dézingue-t-il joyeusement Cotillard en Piaf, Niney en Saint Laurent ou Wilson en de Gaulle. Julien San Frax fait l’éloge du film qui retrace l’épopée d’un chantier hors norme chahuté par les défis architecturaux et les embrouilles politiques. C’est d’un monument architectural très différent que nous parle Maya Nahum. Perdue dans un sous-bois du Lot, la chapelle de Maraden abrite un chef-d’œuvre : une fresque de Miklos Bokor, artiste juif hongrois rescapé des camps de la mort. Sous ces voûtes romanes, il a peint l’histoire biblique et l’horreur de la shoah. Grâce à la mobilisation des élus locaux, ce monument ignoré est en passe d’être sauvé. Un autre peintre, Georges de La Tour, est mis à l’honneur actuellement au musée Jacquemart-André. Pour Georgia Ray, qui a vu cette exposition, son œuvre est un défi à la dictature contemporaine du bruit et de la transparence. Ses gueux, ses Marie-Madeleine et ses saints baignent dans le silence et le clair-obscur de flammes incertaines.

Côté cinéma, les sorties de novembre, selon Jean Chauvet, sont dominées par la nouvelle fiction du cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa, Deux procureurs, passée sous les radars du dernier festival de Cannes. Sans oublier un remarquable polar français qu’illuminent Jodie Foster et Daniel Auteuil. Vous aimez les whiskys ? Ceux de Michel Couvreur sont uniques au monde. Emmanuel Tresmontant nous raconte leur élaboration 100% bourguignonne. Un élevage durant des décennies dans des fûts andalous centenaires leur offrent un bouquet aromatique incomparable. L’entreprise familiale ne se repose pas sur ses lauriers et poursuit la perfection de ses précieux flacons. A votre santé ! Si les meilleurs whiskies peuvent être français, l’union des droites devrait être possible aussi !

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De «Sacré-Cœur» à Benoît Payan ou d’une conversion à une autre

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"Sacré-Coeur", le film documentaire chrétien de Sabrina et Steven Gunnell, 2025 © Saje Distribution

En plus du bouche à oreille, le film catho bénéficie d’un puissant effet Streisand, explique notre chroniqueur. Et au grand désespoir des médias ou du maire clientéliste de Marseille, Sacré-Cœur attire ainsi de plus en plus de pèlerins…


Le documentaire-fiction Sacré-Cœur, de Steven et Sabrina Gunnell, est sorti en salle le 1er octobre. Personne n’aurait dû en entendre parler. Dans leur rêve le plus fou, les réalisateurs espéraient attirer 20 000 spectateurs. Mais MediaTransports, la régie publicitaire de la SNCF et de la RATP, a eu la bonne idée d’interdire la campagne d’affichage envisagée dans les métros et dans les gares, au prétexte que le « caractère confessionnel et prosélyte » de cette œuvre était « incompatible avec le principe de neutralité du service public ». Immédiatement, comme pour le film Vaincre ou mourir, également attaqué par la presse bien-pensante pour des raisons idéologiques[1], l’effet Streisand a marché à plein. Sacré-Cœur est ainsi le seul film à l’affiche qui voit le nombre de ses spectateurs augmenter semaine après semaine, pour dépasser bientôt les 300 000. Prévu au début pour être diffusé dans 150 salles, il l’est aujourd’hui dans plus de 400.

Le Monde, La Croix et Radio France se pincent le nez

On enrage dans les rédactions des médias mainstream. Il faut trouver un coupable à ce succès. Un nom brûle les lèvres des journalistes du Monde. « Le documentaire-fiction consacré à la vie d’une mystique a dépassé les 250 000 entrées après les polémiques entourant sa sortie, relayées par les médias de la sphère Bolloré », écrit-on dans le quotidien du soir en oubliant de dire à qui l’on doit ces fameuses polémiques et pour quelles raisons seule la « sphère Bolloré » en a parlé. Les journalistes de Radio France copient sur leurs petits camarades : « Plus de 278 000 entrées en quatre semaines. Le film chrétien Sacré-Cœur, objet de polémiques autour de la laïcité à sa sortie, continue de remplir les salles grâce à un bouche-à-oreille actif dans les paroisses et au soutien des médias de la galaxie Bolloré », peut-on lire sur le site de France Info. Comment ? On parle d’un film sur Jésus dans les paroisses ? C’est inadmissible. La fachosphère est sûrement derrière tout ça. D’ailleurs, un obscur « collectif catholique » composé de douze paroissiens égarés appelle à un nouveau barrage contre l’extrême droite dans une tribune[2] parue ce 30 octobre dans… La Croix : « Ne participons pas, à travers ce film, à renforcer le lien entre extrême droite et catholicisme. Il ne s’agit pas ici de faire la critique d’un film mais de montrer ce que ses soutiens disent de lui. » S’il s’agissait de freiner l’ardeur de potentiels spectateurs, c’est raté. Immédiatement après la parution de cette tribune, devant l’affluence renouvelée, des salles de cinéma qui projetaient déjà le film ont ajouté des séances, et d’autres, qui ne l’avaient pas mis à l’affiche, se sont portées candidates pour le programmer. Quant à Libération, le journal tient à faire savoir que Sacré-Cœur « a été cofinancé et largement promu par les médias du milliardaire conservateur » mais omet de préciser que le milliardaire conservateur en question co-finance chaque année, via Canal +, des dizaines de films qui n’évoquent ni de près ni de loin la vie de Jésus et seraient plutôt les relais de l’idéologie woke et de la propagande immigrationniste. Peu importe d’ailleurs, Sacré-Cœur attire de plus en plus de pèlerins.

Censure municipale

Nous atteignons le summum de la bêtise avec l’impayable Benoît Payan. Le maire de Marseille a en effet fait interdire la projection du film dans le cinéma du château de la Buzine régi par la commune en invoquant la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 et la laïcité. La justice, saisie par le sénateur Stéphane Ravier et les réalisateurs du film, a immédiatement annulé la décision de M. Payan en estimant que « la seule diffusion d’une œuvre cinématographique susceptible de présenter un caractère religieux dans un cinéma municipal exploité en régie ne porte pas, par elle-même, atteinte au principe de laïcité », et en bottant les fesses du censeur : « Le maire de Marseille a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de création et à la liberté de diffusion artistiques. »

La gauche a toujours aimé censurer. M. Payan et ses adjoints n’échappent pas à la règle. Rappelons cet épisode édifiant : en 2021, la municipalité de Marseille dirigée depuis quelques mois par M. Payan supprimait du site internet de la ville la dizaine de podcasts historiques réalisés par Franck Ferrand à la demande de l’ex-municipalité de droite et portant sur Marcel Pagnol, l’invention du savon de Marseille ou la peste de 1720 qui avait touché la ville. « Ce n’est pas le contenu de ces podcasts qui pose problème, c’est leur auteur », avouait-on dans l’entourage de Jean-Marc Coppola, l’adjoint chargé de la culture, un communiste de pure obédience jdanovienne. Que reprochait-on à Franck Ferrand ? D’avoir une chronique hebdomadaire dans Valeurs Actuelles et d’intervenir sur Radio Classique et sur CNews dans des émissions portant sur l’histoire. La mairie de gauche aurait préféré que soit embauché un journaliste plus ou moins féru d’histoire écrivant pour Libé ou L’Humanité et animant une émission historique de tendance boucheronnienne sur l’audiovisuel public. Le contenu des podcasts aurait sans doute été de médiocre qualité mais au moins le maire de Marseille et son adjoint communiste n’auraient pas eu à demander à cet auteur : « D’où tu parles, camarade ? », tant il aurait été évident qu’il parlait de la gauche médiatico-culturelle la plus sectaire et la plus doctrinaire.

Proche d’Olivier Faure et membre du parti socialiste jusqu’en 2020, soutien de Benoît Hamon lors des présidentielles de 2017, allié des écologistes, des communistes et des insoumis lors des dernières élections municipales, M. Payan est très strict sur la séparation des Églises et de l’État. Enfin, surtout sur la séparation de l’Église catholique et de l’État… Car pour ce qui concerne une certaine religion d’amour, de paix, et de tolérance, il semblerait bien que M. Payan soit plus souple, beaucoup plus souple, beaucoup, beaucoup plus souple…

Aimer, c’est ce qu’il y a de plus beau

En avril 2024, le maire de Marseille s’est en effet rendu dans une des 71 mosquées que compte la ville, celle de Frais-Vallon, dans les quartiers nord, pour rompre le jeûne du ramadan avec les fidèles et participé aux prières. Il a pris la parole pour évoquer le Coran : « Ce qui est écrit dans ce livre est quelque chose de très beau. Il nous permet de partager des choses, de penser aux vivants, de penser à ceux qui ne sont plus là, de faire circuler des choses, des bonnes actions, des bonnes paroles. » L’ambiance étant au partage, à la bienveillance et au cirage de babouches, il a promis de « céder le terrain à côté de la mosquée » – par le biais d’un bail emphytéotique avantageux – afin de faire une « belle et grande mosquée ». Les électeurs musulmans applaudirent avec des sourires en coin.

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En mai de la même année, le premier voyage officiel de M. Payan a eu pour destination Alger. Là, il a été reçu par le président algérien, M. Tebboune, avec lequel il s’est entretenu pendant trois heures. Sur quels sujets ? Nul ne sait, l’entourage du maire se contentant d’affirmer que « le président Tebboune a bien saisi l’intérêt de faire discuter Marseille et Alger ». Le président Tebboune savait surtout à qui il avait affaire ; il avait sûrement lu la presse algéroise qui rapportait les propos tenus par Benoît Payan le matin même sur la terrasse de l’hôtel El Aurassi où il logeait : « Quand je me suis réveillé ce matin, j’ai cru que j’étais chez moi, à Marseille. » Il a dû sourire, convaincu que M. Payan était bien ce qu’il semblait être, un politicard de la pire espèce, un combinard sans aucun scrupule, prêt à tout pour se faire réélire, et donc peu enclin à venir l’embêter en évoquant par exemple, pour les remettre en cause, les accords franco-algériens de 1968. Il ne s’était pas trompé. À la suite de cette visite, M. Payan et ses alliés politiques et culturels marseillais ont multiplié les gestes en faveur de l’électorat musulman marseillais issu majoritairement d’Algérie.

Le 4 mars 2025, l’édile marseillais qui, rappelons-le, n’hésite jamais à brandir la laïcité quand il s’agit de recadrer les cathos, s’est invité en plein ramadan dans la mosquée des Cèdres, sise elle aussi dans les quartiers nord de la ville. « Sans les musulmans, Marseille ne serait pas Marseille. Sans vous, nous ne sommes pas Marseillais », a-t-il déclaré avant d’admonester ceux qui critiquent l’islam : « Beaucoup de ceux qui donnent des leçons aux musulmans devraient apprendre de ce qui est écrit dans les sourates qui peuvent nous éclairer sur le monde. » Le président de la mosquée a eu bien du mal à retenir ses larmes… de rire : l’allégeance au texte coranique d’un kouffar est une grande source de joie, surtout lorsque celui-ci promet de faciliter l’agrandissement de la mosquée dans laquelle il se soumet publiquement. L’agrandissement en question a été débattu lors d’un conseil municipal houleux au cours duquel M. Payan a affirmé que, dorénavant, il aurait recours à un avocat pour « observer, regarder à la loupe » tous les propos concernant l’islam ou les musulmans lors des prochaines réunions du conseil municipal et de « faire condamner » les élus tenant des « propos racistes et anti-musulmans » – quand on sait que critiquer la charia constitue déjà à ses yeux un délit…

Le 8 mai dernier, M. Payan a décidé qu’il animerait une cérémonie de « commémoration de l’autre 8 mai 1945 » afin de « faire reconnaître officiellement les massacres commis en Algérie ». Cette commémoration a été instaurée par Abdelmadjid Tebboune en 2020 et n’avait encore jamais officiellement eu lieu à Marseille. Mais les élections municipales approchent. Tout est bon pour appâter les électeurs de confession musulmane, principalement ceux d’origine algérienne, de loin les plus nombreux. Dans l’entourage de M. Payan, on s’affaire. Des événements communautaristes pro-algériens ont régulièrement lieu. Du 28 octobre au 2 novembre derniers, l’association Marseille 3013, un collectif d’artistes marseillais, a par exemple mis son local à la disposition du consulat d’Algérie dans le cadre d’une « semaine culturelle algérienne » se tenant pour la première fois dans la cité phocéenne. Des élus de gauche sont venus admirer (et embrasser ?) les drapeaux algériens pavoisant les murs de la salle accueillant des animations, des expositions et des conférences à la gloire de l’Algérie et de l’immigration algérienne. Il faut noter que cet événement s’est déroulé un mois seulement après l’expulsion de 12 employés diplomatiques français d’Algérie et alors que les nouvelles concernant l’état de santé de Boualem Sansal, emprisonné depuis un an en Algérie, sont de plus en plus inquiétantes. Entre parenthèses, le sort de Boualem Sansal ne semble pas non plus intéresser outre mesure notre ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, lequel vient de réussir l’exploit de donner une interview au Parisien, en partie consacrée au dossier algérien, sans jamais citer le nom de l’écrivain. S’il regrette « les conditions dans lesquelles s’est déroulé le vote » à l’Assemblée nationale entérinant la résolution du RN visant à réviser les accords de 1968 avec l’Algérie, il reconnaît toutefois que jamais les relations avec les autorités algériennes n’ont été aussi mauvaises. Mais « il y a des signaux » positifs, d’après M. Nuñez : le ministre de l’Intérieur algérien lui a en effet écrit pour l’inviter… Combien de temps encore va durer cette humiliante mascarade ?

De curieux bouffeurs de curés

Mais revenons pour conclure au film Sacré-Cœur. M. Payan savait sans doute que sa décision de faire interdire la projection de cette œuvre dans le cinéma du château de la Buzine serait retoquée par un juge. Peu importe, le véritable but de cette démarche était évidemment d’afficher au grand jour une christianophobie – réelle ou feinte, peu importe – contentant nombre de ses électeurs, et pas que ses électeurs musulmans. Une grande partie de la gauche a vu en effet d’un bon œil la décision du maire de Marseille, lequel aurait « suivi la loi de 1905, sur la laïcité dans les lieux publics », tandis que la « fachosphère [qui] s’est émue de l’annulation » aurait exagéré « le trait au profit de ses obsessions idéologiques », selon L’Humanité. L’islamo-gauchisme est une réalité. Pour complaire à l’électorat musulman, une partie de la gauche, toujours à l’affût d’actes « islamophobes », fait fi des actes anti-chrétiens qui se multiplient en France – agressions, vandalisme, profanations d’églises et de cimetières, incendies, dégradations ou vols d’objets liturgiques, comportements impies dans des lieux saints (dernièrement encore dans l’abbatiale de Moissac), etc. – et se dit favorable à la suppression des noms donnés aux vacances scolaires en référence à notre histoire chrétienne ou des jours fériés liés à la religion catholique. Les bouffeurs de curés se sont transformés en adorateurs d’une religion qui les mangera tout crus lorsqu’elle sera parvenue à ses fins. M. Payan ne le sait apparemment pas, il est donc de notre devoir de le prévenir : les babouches qu’il lèche avec tant d’ardeur sont les mêmes qui, le moment venu, le propulseront sur orbite. Où il ne sera pas près d’arrêter de tourner…

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[1] https://www.causeur.fr/vaincre-ou-mourir-le-film-du-puy-du-fou-effet-streisand-253926

[2] https://www.la-croix.com/a-vif/sacre-cour-ne-participons-pas-a-travers-ce-film-a-renforcer-le-lien-entre-extreme-droite-et-catholicisme-20251028

https://www.youtube.com/watch?v=4WVBkg00s64