Ce 4 novembre, une large partie des Américains sont appelés aux urnes, notamment à New-York, dans le cadre d’une élection municipale. Celle-ci, marquée par la radicalité du candidat démocrate, pourrait servir d’épouvantail rhétorique aux Républicains. Enjeux.
Le prétendant démocrate à la mairie de New York, Zohran Mamdani, est devenu un sujet de préoccupation nationale. Clivant tant les partis entre eux qu’en leur sein, l’étiquette de « socialiste démocrate » qu’il revendique suscite nombre d’inquiétudes dans la première place financière mondiale. Mais outre sa campagne largement axée sur les difficultés économiques rencontrées par les New-Yorkais, ce sont de régulières accusations en antisémitisme qui ont compliqué les relations entre M. Mamdani et l’establishment démocrate. Pour autant, son élection semble des plus probables. Entrave au bipartisme, son opposant le plus crédible est un indépendant, le centriste Andrew Cuomo. Il n’a toujours pas obtenu le retrait de la course du troisième prétendant, le candidat républicain. Or, celui-ci ne réunissant que 10 % des intentions de vote selon différents sondages, il est loin de pouvoir espérer une victoire ; son seul rôle est d’empêcher M. Cuomo de battre son concurrent démocrate.
Le « savant de Tiktok »
Pourquoi le tableau politique est-il aussi compliqué ? D’abord parce que la nomination de Zohran Mamdani en tant que candidat démocrate, au cours d’une primaire en juin dernier, était des plus inattendues. Les premiers sondages donnaient en effet une large avance à Andrew Cuomo, ancien gouverneur de l’État de New York – jusqu’en 2021 où il avait dû démissionner de ses fonctions, en marge d’accusations de harcèlement sexuel pour lesquels il n’a finalement jamais été ne serait-ce qu’inculpé. Le projet de Zohran Mamdani, lui, semblait loufoque dans l’univers politique américain : promesse de construction massive de logements sociaux, réduction des crédits aux forces de police, gratuité des infrastructures de garde d’enfants, fiscalité spéciale pour les revenus supérieurs à un million de dollars annuels (bien que le candidat n’ait jamais su expliquer s’il s’agissait d’une taxe marginale sur les gains réalisés au-delà d’un million de dollars ou si elle devait s’appliquer à toute personne aux revenus supérieurs ou égaux à un million).
En face, Andrew Cuomo entendait s’inscrire dans une continuité de la politique du maire sortant, Eric Adams, qui s’est d’ailleurs rallié à lui, avec d’importantes promesses sécuritaires, de lutte contre l’antisémitisme et en faveur de la mobilité financière des New-Yorkais. Or M. Mamdani a su très habilement mobiliser la part la plus jeune de l’électorat démocrate grâce à une intense campagne sur les réseaux sociaux – le New York Times est allé jusqu’à le qualifier de « savant de TikTok ». Et outre sa focalisation sur la vie chère, c’est notamment en se montrant des plus virulents sur la situation au Proche-Orient qu’il a pu se démarquer. Mais également diviser les Démocrates. Il a ainsi promis de déployer la police new-yorkaise pour arrêter Netanyahou si celui-ci se rendait dans la ville (où se situe l’Assemblée générale des Nations Unies) et, bénéficiant d’un large soutien des instituions musulmanes du comté, a refusé de condamner les appels à « mondialiser la révolte palestinienne » (« globalize the intifada »), en vertu desquels nombre d’actes antijuifs ont été commis depuis le 7-Octobre aux États-Unis.
Déclarations problématiques
Mamdani est donc parvenu à déjouer les sondages, au dernier moment, en remportant l’investiture démocrate. Et si une primaire suppose que tous les perdants se rallient derrière la figure finalement désignée par les électeurs, Cuomo a argué du caractère problématique de nombre de déclarations de son ex-opposant pour maintenir sa candidature, en tant qu’indépendant. Les caciques du Parti démocrate, eux, se sont également montrés des plus timides. La quasi-totalité d’entre eux a cherché à se distancer de Mamdani. Le président du groupe démocrate à la Chambre des Représentants, par exemple, a attendu le 24 octobre (quatre mois après sa victoire à la primaire et moins de deux semaines avant l’élection) pour officiellement le soutenir, tandis que son homologue au Sénat, Chuck Schumer — lui-même New-yorkais —, refuse toujours de dire pour qui il votera.
A lire aussi: 🎙️ Podcast: Élection à New York – grand retour du progressisme en Amérique?
Reconnaissons que Mamdani n’a pas cherché à apaiser les accusations en antisémitisme qui lui sont adressées, allant fin septembre jusqu’à exprimer sa sympathie pour Siraj Wahhaj, imam de Brooklyn ultra-conservateur et mentionné par la justice pour son appui aux attentats islamistes de 1993 contre le World Trade Center. Quelques jours plus tard, au cours d’un meeting dans le Bronx, il est allé jusqu’à déclarer : « Ma tante a dû arrêter de prendre le métro après les attentats du 11 septembre, car elle ne s’y sentait plus en sécurité avec son hijab », blâmant les Américains pour leur comportement à l’égard de leurs compatriotes de confession musulmane après 2001. Une affirmation peu consensuelle, rapidement accusée d’alimenter un communautarisme aux visées purement électoralistes, après que le New York Post a identifié les réseaux sociaux de la tante en question, sur lesquelles elle publie « des photos d’elle apparaissant sans hijab » et apprenant « qu’elle vivait en Tanzanie le 11 septembre. » Face à la polémique, Mamdani a finalement précisé qu’il évoquait une lointaine cousine qu’il considérait « comme sa tante »…
Inquiétudes sécuritaires
Mais les opposants à Mamdani sont eux aussi loin d’être parfaits. Cuomo paraît des plus déconnectés : malgré les accusations de harcèlement qui l’ont ciblé, il ne cesse de mentionner Bill Clinton parmi ses modèles en politique… Ce, tandis que la campagne de Curtis Sliwa, candidat républicain, est d’une insignifiance cruelle. Nombre de figures de la droite, à l’instar du très influent donateur Bill Ackman, vont jusqu’à encourager le retrait de sa candidature. Le conservateur New York Post relayait l’appel de ce milliardaire « à Silva à quitter la course pour mettre “toutes les chances” du côté de Cuomo ». Mais l’intéressé ne flanche pas, y voyant le projet de sa vie et allant jusqu’à dénoncer, dans une récente interview à NBC News, les pressions qu’il recevrait en vue d’obtenir son abandon : « Chers milliardaires, vous continuez à m’offrir des millions. Je vais commencer à enregistrer ces conversations (…) Ce n’est pas éthique. C’est illégal. Ce sont des pots-de-vin », a-t-il dénoncé.
Il faut dire que, d’un point de vue rhétorique, la victoire de M. Mamdani serait une aubaine pour les Républicains. Ses positions radicales, notamment sur la police de la ville, qu’il souhaite largement démanteler, pourraient rapidement modifier le climat sécuritaire new-yorkais. Celui-ci est pourtant exemplaire : en 2024, New York enregistrait par exemple un taux d’homicide près de cinq fois inférieur à celui de Chicago. Ce alors que sa taille, couplée à ses importantes disparités économiques, fait de la « Big Apple » une municipalité susceptible à une criminalité des plus fortes – comme elle a pu l’expérimenter au cours de son histoire.
Or, à un an des élections de mi-mandat, Donald Trump se satisferait tout particulièrement d’une insécurité croissante à New York, vitrine des États-Unis, s’il pouvait les imputer à un maire symptomatique des divisions profondes du Parti démocrate…




