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Le baby sitting? pas question!


Nina (Nora Arnezeder) a de la ressource : physique de top model, championne de natation, secouriste, polyglotte, polyvalente, on comprend son impatience de trouver enfin un job pas payé au lance-pierre, son besoin de changer d’air, son envie de couper les ponts avec sa ville natale, Marseille, cette cradoque cité interlope et bigarrée, de s’éloigner d’une génitrice amerloque (Maria Bello) oppressive et givrée, de prendre ses distances avec Julien (Louka Meliava), son jeune frangin dealer récidiviste qui, tout photogénique qu’il soit,  enchaîne les séjours en taule – il n’a du reste que ce qu’il mérite. Surtout, Nina voudrait échapper au lointain traumatisme qui la hante depuis des années, la mort accidentelle d’une enfant par sa faute, – c’est le prologue de Hell in Paradise.

Un film familial

L’entretien d’embauche de Nina s’avère un succès : il est vrai qu’elle coche toutes les cases, comme on dit en 2025 dans l’argot « Pôle emploi » (entre parenthèses la scène en question est d’une véracité aussi cruelle que tordante). Recrutée comme hôtesse d’accueil au Blue Coral, un hôtel de luxe en Thaïlande, Nina est prête à tout donner d’elle-même. Sauf, tient-elle expressément à préciser (tout en restant évasive sur la raison), une seule condition : ne pas avoir à s’occuper des marmailles : baby sitting, no way !

Voilà posés les jalons de l’intrigue, scénarisée par Karine Silla, à la ville épouse, comme l’on sait, de l’acteur et cinéaste Vincent Perez, et mère de Roxane Depardieu. Réalisé par la Franco-sénégalaise Leïla Sy , très investie dans le hip-hop et les clips – cf. Banlieusards (2019), film co-réalisé avec Kery James, et qu’on peut voir sur Netflix –  Hell in Paradise reste, en somme, un film de famille : sa propre sœur Virginie Silla, la femme de Luc Besson, en est la productrice sous les auspices de Europacorp – elle avait déjà produit Lucy.  

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Cette endogamie est-elle un handicap ? On aurait plutôt tendance à s’en féliciter. La « griffe » Besson, en l’espèce, fournit au film un vernis anti-woke tout à fait bienvenu par les temps qui courent. C’est ainsi que Nina, à son corps défendant, s’y voit confier seule la garde de trois lardons têtes-à-claque, dont un nourrisson vagissant et une fillette plantée sur ressorts, soit la triple portée en bas âge d’un couple dépeint d’emblée comme ontologiquement exécrable : le genre de clients yankees d’autant plus arrogants qu’ils ne vont que par paire, à l’instar des perruches d’élevage. L’abject et couard patron du resort tentera de les amadouer, fût-ce sur le dos de son petit personnel en cage. En vain. Et il arrive, bien sûr, ce à quoi le spectateur, perversement scotché au suspense macabre, était préparé dès l’amorce : la noyade accidentelle de la sale mioche, agonisant dans des moulinets inutiles à la surface d’une ces piscines miniatures de l’immense complexe insulaire, qui plus est à dix mètres d’une vieille femme de chambre qui, faute d’avoir appris à nager, la regarde impuissante du haut de son balcon clamser à petit bouillons dans la tiédeur du bassin d’eau chlorée…

Infernal

A partir de là, le pseudo-paradis se mue pour Nina en concentriques cercles de l’enfer : la fringante et joyeuse trentenaire armée de bonne volonté, célibataire qui proclamait ne pas vouloir, ni procréer, ni s’occuper jamais d’aucun chiard, se voit piégée de tous côtés : en deuil de leur progéniture, les Amerloques ont porté plainte comme de juste contre le Blue Coral, en bons procéduriers avides de compensation en dollars; le staff de l’hôtel se défausse sur ses employés- esclaves ;  la police asiatique corrompue récrit le procès-verbal signé par Nina à ses dépens pour en finir, elle dont le passeport a  été confisqué ; le consul de France, médiocre fonctionnaire faux-derche, plus inopérant que sa cravate;  maman, appelée au secours in extremis, débarque à « Mathara » (le nom fictif de la baronnie tropicale) et ses conseils oiseux ne font qu’empirer la situation ; engagé par Nina, l’intègre et cacochyme avocat du cru est tragiquement éliminé, probablement sous les directives de l’oligarque local détenteur du Blue Coral (parmi quantité d’autres investissements lucratifs) ; riche, véreux et libidinal, l’élégant juge thaï tente quant à lui  le coup du chantage au plan cul, mais il échoue tout de même à violer Nina, car la girl a la dentition carnassière… Etc. etc.

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Sans faire l’économie de désopilantes invraisemblances (comme par exemple, ces coups de fils passés en catimini par l’héroïne à son secourable petit frère au bras long, lequel, derrière les barreaux et à distance, parviendra miraculeusement à la tirer du pétrin !), le divertissement vous projette, de rebondissements en rebondissements, jusque sur une embarcation de fortune où la fuite éperdue de Nina, après bien des angoisses fortement contagieuses dans la salle, trouvera son heureux dénouement, ouf.  Morale de l’histoire : le baby sitting reste un emploi à risques.       


Hell in Paradise. Film de Leila Sy. Avec Nora Arnezeder. France, Etats-Unis, couleur, 2024. Durée : 1h42.

En salles le 26 novembre 2025.

Moyen-Âge: quand les femmes vivaient libres, sans féminisme

C’est bien connu: on adore maltraiter notre Histoire. Les mille ans de monarchie qui précèdent la sacro-sainte Révolution française sont souvent jetés aux oubliettes et avec eux, le Moyen Âge, jugé barbare et patriarcal. On nous répète à l’envi qu’avant 1789, les hommes étaient des brutes et les femmes des soumises.


Lorris Chevalier, docteur en histoire médiévale à l’Université de Bourgogne et conseiller historique de Ridley Scott pour le film Le Dernier Duel, démonte ces clichés dans La Femme au Moyen Âge. Il y montre qu’au contraire, les femmes médiévales écrivaient, gouvernaient, soignaient, commerçaient, enseignaient et créaient. À travers des figures comme Christine de Pisan, Aliénor d’Aquitaine, Pétronille de Chemillé ou Jeanne d’Arc, mais aussi à travers l’analyse des métiers, des arts, des loisirs et de la foi, il dévoile une société étonnamment moderne, où la mixité et la liberté féminine allaient de soi.


Isabelle Marchandier. Dans votre essai, vous brossez le portrait de femmes célèbres :  Aliénor d’Aquitaine, reine et mécène, ou Pétronille de Chemillé, abbesse et architecte de Fontevraud. Or, vous montrez que ces figures ne sont pas des exceptions. Comment pouvez-vous affirmer que la femme au Moyen Âge était pleinement intégrée à la vie économique, politique et spirituelle de la société ?

Lorris Chevalier. L’objectif de mon ouvrage est précisément de dépasser la simple évocation des grandes figures féminines pour s’intéresser aussi aux « petites dames ». Les femmes médiévales ne sont pas cantonnées à la sphère domestique : elles dirigent des abbayes, administrent des domaines, gèrent des entreprises, écrivent, enseignent.

Certaines deviennent de véritables cheffes d’entreprise, notamment dans le commerce international de la laine ou du diamant entre Londres, les Flandres et l’Italie. Quand les maris étaient absents, prisonniers ou morts, les femmes reprenaient naturellement les affaires, sans revendication idéologique mais par pragmatisme et sens du devoir.

Ces réalités économiques apparaissent dans des correspondances familiales, comme Lettres de Paston, précieuse correspondance anglaise du XVe siècle, où l’on découvre des femmes comme Margaret Paston gérer les domaines, traiter avec les créanciers, suivre les procès et assurer la continuité des affaires familiales pendant l’absence des hommes. Ce type de source, encore peu étudié à l’époque de Régine Pernoud, révèle combien la participation féminine à la vie économique et sociale était une réalité ordinaire.

Vous évoquez aussi la mixité des métiers et des arts : les corporations, les troubadouresses, les enlumineuses…  Est-ce à dire que la société médiévale était « inclusive » avant l’heure ?

Le mot « inclusif » est bien sûr anachronique, mais l’idée n’est pas fausse. Quand on évoque le Moyen Âge, on pense souvent à une société d’exclusion. Or, la réalité démontre l’inverse : le travail y était une valeur centrale, et cette morale s’appliquait aussi bien aux hommes qu’aux femmes.

Celles-ci exerçaient dans tous les domaines : artisanat, commerce, médecine, musique, arts, enluminerie. Citons par exemple Anastaise, la meilleure enlumineuse de Paris, employée par Christine de Pisan pour illustrer La Cité des Dames, ou encore Guillemette de Luys, chirurgienne sollicitée par Louis XI. Et plus haut encore dans la hiérarchie du savoir, Hildegarde de Bingen incarne cette synthèse médiévale entre foi, science et art. Ses conseils de santé, de l’usage de l’épeautre à l’infusion de camomille, résonnent aujourd’hui avec une étonnante modernité.

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Le Livre des métiers d’Étienne Boileau, prévôt de Paris sous Saint Louis, renseigne sur la place des femmes dans de nombreuses professions, des métiers de bouche à l’artisanat.

Et la corporation joue un rôle majeur : c’est un réseau d’entraide entre l’apprenti et le maître, mais également entre les sexes. Hommes et femmes sont traités également au sein d’une corporation. On estime qu’environ 20% des membres des corporations étaient des femmes, un chiffre remarquable pour l’époque.

Cette reconnaissance se lit aussi dans les loisirs: sur l’échiquier, la Dame devient la pièce maîtresse, libre de tous ses mouvements, miroir d’un monde où la femme n’était pas accessoire, mais force agissante. De la prostituée à la reine, de la marchande à la trobairitz, de la paysanne à la nonne, les femmes occupaient une place importante au cœur de la société médiévale.

Vous consacrez un chapitre au « féminisme médiéval ». En quoi diffère-t-il du néoféminisme contemporain ?

Le féminisme médiéval n’est pas une idéologie, mais une réalité vécue. Il naît dans un contexte difficile, guerre de Cent Ans, famines, épidémies, où les femmes tiennent tête à l’adversité.

Christine de Pisan s’inspire notamment de Jeanne d’Arc pour défendre la cause féminine.

Elle exalte la dignité des femmes non par revendication, mais par élévation morale. Dans La Cité des Dames, elle s’adresse à toutes les femmes, sans distinction de rang social, et promeut une solidarité féminine fondée sur la transmission du savoir, la vertu et la responsabilité partagée.

Un fait historique l’illustre : plusieurs grandes dames tentèrent de venir en aide à Jeanne d’Arc lors de son emprisonnement et de son procès inique, mené par un tribunal d’hommes souvent corrompus, à l’image de l’évêque Cauchon. Christine de Pisan ne prête ni vertu absolue aux femmes ni vice perpétuel aux hommes : la valeur réside dans les actes et les œuvres de chacun, homme ou femme, qui doivent « tenir vertu » malgré une société divisée par la guerre. Dans la pensée médiévale, l’opposition n’est pas entre hommes et femmes, mais entre vice et vertu. Par ailleurs, dans les milieux aristocratiques du Moyen Âge central, la femme incarne souvent cette « vertu de distinction », se démarquant du vulgaire et du laid par la mode, le soin du corps, les recettes de beauté et les arts élégants, comme la fauconnerie où sa présence est marquée. Le Moyen Âge, en ce sens, propose une vision complémentaire et harmonieuse, où la femme élève par sa présence plutôt qu’elle ne s’affirme par la confrontation.

Vous vous inscrivez en faux contre Georges Duby, qui a longtemps dominé la vision universitaire du Moyen Âge. Votre approche rejoint celle de Régine Pernoud, pionnière dans la réhabilitation des femmes médiévales. Pourquoi reste-t-elle si méconnue ?

L’intérêt pour la femme médiévale n’est pas nouveau : Jules Michelet, dès son Histoire de la sorcière, s’y intéressait déjà, mais son récit comportait de nombreuses erreurs, parfois volontaires, liées au contexte politique du XIXᵉ siècle. Depuis, les sources se sont multipliées et la recherche historique a beaucoup progressé : on sait désormais que les femmes ont joué un rôle essentiel dans la société médiévale.

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Régine Pernoud, dont je me réclame volontiers, fut une véritable pionnière : elle a su redonner visage et dignité à ces femmes, dans toute leur diversité. Mais ses intuitions ont souvent été marginalisées par un certain académisme, encore attaché à la lecture de Georges Duby, qui a contribué à figer l’image d’un Moyen Âge misogyne.

Mais vous rappelez aussi que cette vision déformée du Moyen Âge ne vient pas seulement des historiens modernes : elle s’est forgée dès les époques qui ont suivi, d’abord à la Renaissance, puis surtout sous les Lumières.

Oui, l’idée d’un Moyen Âge oppresseur vient largement des siècles suivants, qui ont eu besoin d’un épouvantail historique pour exalter leur propre modernité.

Le droit de cuissage, par exemple, n’a jamais existé : aucun texte, aucune charte ne mentionne un tel privilège. C’est une invention littéraire, popularisée au XVIIIᵉ siècle par Voltaire, Beaumarchais ou Mozart, pour ridiculiser les seigneurs. Jules Michelet lui-même, au XIXᵉ siècle, reprend cette légende en lui donnant un vernis d’autorité historique, sans citer la moindre source.

De même, la ceinture de chasteté relève plus du pur fantasme que de la réalité historique.

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La seule trace connue figure dans un traité d’ingénierie militaire du XIVᵉ siècle, parmi d’autres croquis imaginaires d’armes et de machines : l’image n’est accompagnée d’aucune légende et ne prouve rien.

Ces légendes sexistes ont forgé l’idée d’une femme féodale enfermée, soumise, humiliée, alors qu’en réalité, le Moyen Âge fut l’une des périodes les plus libres pour les femmes avant l’époque contemporaine.

Dans le chapitre consacré à l’amour, vous montrez que le Moyen Âge valorise un amour courtois, c’est-à-dire choisi, fondé sur la vertu, l’épreuve du mérite et la réciprocité. Peut-on dire que cet amour courtois a inventé le consentement amoureux, bien avant qu’il ne devienne une revendication néo-féministe ?

Plus qu’un simple thème littéraire, la courtoisie agit sur la société et façonne les mœurs. La courtoisie naît au même moment que la théologie chrétienne du mariage, qui repose, fait essentiel, sur le consentement mutuel des époux, contrairement à d’autres civilisations où l’union n’est qu’un contrat juridique. Cette vision nouvelle de l’amour irrigue la littérature arthurienne : la dame y est élevée sur un piédestal moral, modèle de vertu et d’exigence. Dans Le Chevalier de la charrette, Lancelot doit traverser le pont de l’épée, affronter la douleur et la honte pour mériter l’amour de Guenièvre. L’homme ne possède plus la femme : il se transforme par elle. C’est une véritable éthique du mérite et du respect, qui fonde l’amour sur la réciprocité et la vertu, non sur la domination. Même dans La Quête du Graal, la femme accompagne la conversion du chevalier : elle devient guide spirituelle, miroir de son intériorité. Ainsi, bien avant nos débats modernes, le Moyen Âge avait déjà inventé le consentement amoureux, compris comme une épreuve de liberté et de perfection mutuelle. Comme le disait Malraux, « l’homme imite l’art » : ici, la littérature a façonné la vie.

Si vous battez en brèche les stéréotypes progressistes qui font de la femme une victime soumise à un ordre patriarcal, vous n’en proposez pas pour autant une vision idéalisée. Vous montrez aussi des figures de femmes violentes, criminelles, transgressives. Que révèlent-elles du Moyen Âge ?

Il ne s’agit pas de romantiser ou d’idéaliser le Moyen Âge, mais de restituer la vérité d’une époque où la femme était pleinement actrice de son destin, dans la lumière comme dans l’ombre.

Certaines furent saintes, d’autres voleuses, parfois meurtrières. Les archives judiciaires d’Abbeville ou de Dijon montrent par exemple des femmes impliquées dans des vols de bijoux ou de vêtements de luxe, non par misère mais par goût du risque ou de la parure. Les tribunaux les jugeaient comme les hommes, sans traitement discriminatoire.

Mon but n’est pas de fabriquer une mythologie, mais de rappeler cette complexité : au Moyen Âge, les femmes n’étaient ni victimes ni déesses, simplement humaines, et c’est ce qui les rend passionnantes.

423 pages.

La femme au Moyen Âge

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Manhattan sous influence

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Quels sont les premiers pas du nouveau maire socialiste dans la ville qui incarne, plus que toute autre, le capitalisme ? Les positions qu’il adoptera à New York, comme sur la scène politique nationale, pourraient s’avérer déterminantes pour la manière dont la prochaine génération américaine percevra Israël, analyse Richard Prasquier dans son texte.


Il y a treize mois, lorsque Donald Trump remportait la victoire, Zohran Mamdani était un inconnu. A l’Assemblée de l’Etat de New York, il représentait la 36e circonscription, le quartier Astoria du Queens de l’autre côté de l’East River, vieux quartier ouvrier gréco-italien aujourd’hui boboïsé et devenu un laboratoire du progressisme avec une population du sous-continent indien et du Moyen Orient.  Pas de Juifs, ils sont ailleurs dans le Queens ou plus loin à Brooklyn. Parmi eux, les quatre cent mille hassidim, dont les Habad, les Bobov, les Belz et surtout les Satmar très antisionistes avec une fraction desquels Mamdani s’est fait photographier.

Auparavant conseiller en prévention de saisies immobilières, et donc proche des familles à faibles revenus, Zohran Mamdani est membre du DSA[1], un mouvement socialiste à l’intérieur du parti démocrate, où il a le vent en poupe depuis la campagne présidentielle de Bernie Sanders en 2016. Le DSA a deux chevaux de bataille. Le premier est la justice sociale. Le second est la haine d’Israël. Sa figure de proue, Alexandria Ocasio-Cortez, la célèbre AOC, a été considérée comme insuffisamment antisioniste et n’est plus membre du mouvement.

Chers loyers

A New York, c’est le logement qui est au centre des préoccupations populaires. L’impôt foncier finance les écoles, la police, les pompiers et la voirie; de ce fait, les abattements fiscaux que l’Etat a consentis dans les années 70 pour relancer une construction alors atone ont manqué aux ressources à distribuer, ce qui a détérioré la qualité des services. Aujourd’hui, autre difficulté, alors que la population de New York a recommencé d’augmenter, notamment par l’immigration, la rareté des terrains disponibles entraine une pénurie et une hausse considérable des prix.

En outre, dans cette ville où beaucoup de loyers sont régulés, leur contrôle voire leur gel a été pour plusieurs maires une tentation séduisante, mais les propriétaires particuliers revendaient leurs immeubles devenus peu profitables à des compagnies qui les rentabilisaient en immobilier de luxe. Le résultat fut une gentrification de la ville avec une crise des services publics qui affecte les plus démunis. Là est le noyau de la campagne de M. Mamdani et la clé de son succès.

Il s’est révélé un candidat charismatique, suivi par des milliers de partisans enthousiastes qui ont diffusé de porte à porte la bonne parole: ayant commencé sans la moindre chance de succès, il est un an plus tard le maire socialiste de la ville qui symbolise le capitalisme.

Mais il est aussi le maire anti-israélien de la plus grande ville juive du monde; 15% de Juifs sur quatre millions d’électeurs inscrits.

La Palestine, question centrale

M. Mamdani l’a dit à plusieurs reprises, la cause palestinienne est centrale à son identité. Dès 2014, il avait fondé dans son collège une antenne du mouvement Students for Justice in Palestine, réclamé le boycott des universités israéliennes et fait la promotion du mouvement BDS. 

Son père est un célèbre anthropologue ougandais d’origine indienne, chiite ismaélien comme une partie de l’élite indienne émigrée vers l’Afrique de l’Est sous l’empire britannique, il a été jusqu’à sa retraite professeur à Columbia, spécialiste du néocolonialisme dans la lignée de Frantz Fanon. Pour Mahmoud Mamdani, les violences des colonisés ne font que reproduire celles du colonisateur et pour Gaza, un sujet sur lequel il a aussi écrit, il estime que c’est Israël qui est à blâmer pour les violences du Hamas. CQFD…

Mamdani prétend que c’est Nelson Mandela, admiré pendant son enfance alors que son père enseignait à Capetown, qu’il a compris ce qu’était la lutte contre l’impérialisme et la place des Palestiniens dans ce combat. Mais c’est probablement surtout chez son père et Edward Said, l’ami de celui-ci à Columbia, qu’il s’est forgé sa vision du monde. Quant à sa mère, une cinéaste célèbre d’origine indienne mais non musulmane, elle a des liens au moins culturels avec le Qatar…

Le 8 octobre 2023, le jour qui suit le massacre, Mamdani, qui n’a pas encore entamé sa campagne électorale, écrit un tweet révélateur où il « pleure les centaines de personnes tuées en Israël et en Palestine ». Déploration universelle, aucune critique du Hamas. Nous savons quoi penser de ces discours englobants et faussement empathiques. 

Le lendemain, le 9 octobre, Mamdani prend la parole; c’est à Times Square, au cours d’une manifestation promue sinon organisée par le DSA, son mouvement, manifestation ignoble où on a beaucoup plaisanté sur le massacre des Israéliens. Mamdani reste dans des généralités ambiguës sur la nécessité de continuer la lutte…

Plus tard pendant sa campagne, il s’est dépeint en pacifiste opposé à toutes les violences, y compris celles du Hamas, et a déclaré du bout des lèvres et sous conditions qu’il acceptait l’existence d’Israël.  Mais il suffit d’écouter le rabbin Amiel Hirsch de New York qui, plein d’espoir, l’avait approché avec ses collègues libéraux pour créer des ponts avec lui et qui a constaté que la vérité de l’homme est malheureusement dans un rejet existentiel d’Israël, celui que résument les deux phrases  «de la rivière à la mer» et «globaliser l’intifada». Tel est le si sympathique Zohran Mamdani. 

Solutions faciles et illusion humaniste

Chez des électeurs en précarité économique, étranglés par le prix des loyers, furieux contre le coût des transports et de l’alimentation, en colère contre les insuffisances de l’école et des services de santé et ressentant par ailleurs des discriminations du fait de leur origine ethnique, le succès de la candidature de Mamdani est logique: un homme jeune, compétent et empathique leur proposant des solutions faciles à comprendre qui vont changer leur vie. Les positions de Mamdani par rapport au conflit israélo-palestinien ne sont évidemment pas leur souci essentiel. Il est à remarquer néanmoins que du fait de l’efficacité du battage médiatique propalestinistien, la notion de convergence des luttes leur devient de plus en plus naturelle. Une des grandes victoires du nouveau maire de New York est malheureusement d’avoir contribué à renforcer ce lien aux yeux du public. Ceux qui craignaient que son hostilité à Israël ne nuise à sa campagne n’ont peut-être même pas eu besoin de s’inquiéter !

Pour les personnalités politiques de New York qui n’avaient jamais caché leur judaïsme et leur soutien à Israël (Chuck Schumer, Jerry Nadler, le contrôleur de la ville Brad Lander entre autres), ils se sont sentis obligés de composer et, avec des intensités diverses et des critiques plus ou moins virulentes, plutôt moins que plus, ils ont «endossé» la candidature de Zohran Mamdani. Ils témoignent de l’affaiblissement de l’aile classique et modérée du camp démocrate dont, suivant un processus bien connu en politique, les coups de boutoir de l’administration Trump risquent d’accélérer la progressive marginalisation. Il n’est que de constater les critiques qui ont été émises envers Chuck Schumer, chef de la minorité démocrate au Sénat des Etats Unis, jugé responsable par sa faiblesse de la défection de huit sénateurs qui a permis un accord de sortie mettant fin à la fermeture partielle du gouvernement fédéral, la plus longue de l’histoire américaine. L’anti-trumpisme radical s’accorde tellement bien avec l’antisionisme radical.

La victoire de Mamdani est une lourde défaite pour le judaïsme new yorkais. Un tiers des électeurs juifs ont pourtant voté pour lui. Parmi eux, il y a les compagnons de route du pire, Jewish Voice for Peace et ses émules, quelques membres des Satmar (une partie de la branche dite aronienne), et ceux, nombreux,  qui ont toujours voté pour le candidat démocrate quel qu’il fût et qui auraient estimé que voter contre lui aurait été une trahison de leurs traditions familiales. Il y a ceux qui ne pouvaient pas voter pour M. Cuomo, bien qu’il eût été l’un des meilleurs gouverneurs de l’époque du Covid, parce qu’il est catalogué comme harceleur sexuel, alors qu’il n’a jamais été condamné et que le détail des accusations portées contre lui — aux yeux d’un observateur européen un peu (trop ?) indulgent à l’égard du « beaufisme » culturel de la génération passée — relève d’une remarquable insignifiance. Il y a aussi ceux qui privilégient la défense des opprimés à la survie d’un Israël dont ils n’apprécient pas le gouvernement.

Il y a enfin le plus inquiétant, les jeunes Juifs qui ont voté en majorité pour Mamdani par illusion humaniste. C’est là que réside l’avenir du judaïsme américain et de sa relation avec Israël. C’est là qu’il lui est urgent de se reprendre. C’est là que, par contraste, le judaïsme français se trouve probablement en meilleure posture.

Je n’ai pas compétence à savoir si les solutions économiques de M. Mamdani pourront s’appliquer et si elles seraient efficaces. Beaucoup considèrent qu’elles entraîneront un marasme économique avec une fuite des élites en dehors de la cité. D’aucuns pensent même que des pays comme le Qatar seraient heureux de prendre les places laissées vides. Il en est qui estiment au contraire que Mamdani saura intelligemment négocier avec les autres décideurs tels la gouverneure de l’Etat de New York, dont l’accord lui est indispensable pour la plus grande partie des réformes qu’il propose. Quant au bras de fer qui se prépare avec l’administration Trump, certains pensent qu’il lui sera fatal. D’autres espèrent ou redoutent qu’il ne le légitime encore plus aux yeux de l’opposition au président américain.

Il est sûr que la campagne de renouvellement pour le poste de gouverneur de l’Etat de New York sera agitée et la très active Elise Stefanik, une alliée de Donald Trump qui s’est rendue célèbre au Congrès américain par ses questions incisives  aux présidentes  de prestigieuses universités américaines au sujet de l’antisémitisme sur les campus, espère devenir contre Kathy Hochul, l’actuelle gouverneure, la première républicaine à ce poste depuis plus d’une génération.

A lui seul Mamdani ne peut pas prendre de décisions qui nuisent politiquement à Israël. Il ne peut pas par exemple, quoi qu’il prétende, faire arrêter M. Netanyahu si celui-ci vient à passer à New York : c’est là un privilège fédéral. 

Il est par ailleurs trop intelligent pour laisser filer sans réagir un antisémitisme d’origine propalestinienne trop voyant. Quelles que soient ses pensées à ce sujet, il n’a jamais été mis en situation flagrante d’expressions antisémites et il veillera à son image consensuelle parce qu’elle sert ses objectifs antisionistes.

Mais il fera tout pour nuire à Israël sur le plan idéologique, culturel et si possible commercial. Il ne manque ni de créativité, ni de détermination et ses soutiens populaires, intellectuels et artistiques sont nombreux. Les amis d’Israël à New York et au-delà ne pourront pas rester passifs devant le narratif antisioniste et « génocidaire » qu’il cherchera à banaliser. Mamdani peut jouer un rôle majeur dans le regard de la prochaine génération américaine envers Israël et chacun comprend comme ce regard est important.


[1] Socialistes démocrates d’Amérique

Penser le climat sans apocalypse: la leçon de Bill Gates

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Le fondateur de Microsoft estime qu’il ne faut pas se focaliser uniquement sur la réduction des émissions et la température


Il y a quelques années encore, Bill Gates tenait un discours alarmiste sur le réchauffement climatique. Dans son livre Climat. Comment éviter un désastre (2021), il le présentait comme l’un des plus grands périls de notre temps et appelait à une mobilisation mondiale pour prévenir une catastrophe planétaire.

Mais, à la veille de la récente COP30, le fondateur de Microsoft a publié sur son site Gates Notes un texte au ton sensiblement différent. Sans minimiser la réalité du réchauffement, il s’en prend désormais aux prophéties d’effondrement qui annoncent « la mort de l’humanité ». Cette inflexion n’a pas échappé à Donald Trump, qui s’en est aussitôt félicité sur son réseau Truth Social : « Bill Gates a finalement admis qu’il avait complètement tort sur la question [climatique]. » Une lecture pour le moins trompeuse. Gates n’a nullement renié les conclusions des recherches actuelles sur le climat : il reconnaît pleinement que le réchauffement climatique aura des effets délétères, en particulier pour les plus pauvres. Mais il souligne qu’il n’entraînera pas la disparition de l’humanité et rappelle que « même si le changement climatique touchera davantage les pauvres que quiconque, pour la grande majorité d’entre eux, ce ne sera pas la seule ni la plus grande menace pour leur vie et leur bien-être. Les plus grands problèmes restent la pauvreté et les maladies ».

Il en conclut que la lutte contre le réchauffement climatique ne doit pas se faire au détriment de celle contre ces fléaux, qui se combattent, précise-t-il, par l’innovation technologique et la croissance économique. Cette position a indigné de nombreux militants, prompts à y voir une dangereuse banalisation de la situation climatique. Pourtant, force est de reconnaître que Gates marque un point : aujourd’hui encore, on meurt davantage de pauvreté et des maladies associées que de chaleur et même d’événements météorologiques extrêmes. Il a donc le mérite de rappeler que le réchauffement climatique n’est pas la seule urgence et qu’il serait absurde de le combattre au prix d’un monde plus pauvre.

🎙️ Podcast: Libération de Boualem Sansal; commémoration de l’attentat du Bataclan

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Avec Ivan Rioufol et Jeremy Stubbs.


La libération de Boualem Sansal est une très grande nouvelle. Mais le fait qu’il a fallu l’intervention de l’Allemagne pour qu’elle se produise est, pour Ivan Rioufol, le signe d’une déroute de la diplomatie française. Le président Macron a eu tort de dire que l’écrivain avait été « gracié », car étant innocent de tout crime, il ne pouvait pas être gracié. Avec une très grande mauvaise foi, la gauche et le centre ont prétendu que, jusqu’ici, l’obstacle à cette libération était l’attitude combattive de l’ancien ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Pourtant, l’approche préconisée par ce dernier n’a jamais été adoptée. Dans ses relations avec l’Algérie, il faut plutôt que la France quitte cette posture angélique et naïve et se montre moins capitularde.

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Cette semaine a vu aussi la cérémonie de commémoration des dix ans des attentats du 13 novembre 2015. Le gouvernement semble toujours manquer de lucidité concernant l’islamisme qui, aujourd’hui, a fini par prendre racine en France. On doit néanmoins reconnaître que le président de la République, malgré les envolées lyriques assez prévisibles de son discours, a désigné clairement l’ennemi : le terrorisme djihadiste.

«La Walkyrie» à l’Opéra de Paris: Wagner trahi!

Une distribution exceptionnelle, une réalisation scénique navrante d’insignifiance : à l’Opéra de Paris la médiocrité de la mise en scène de La Walkyrie profane l’éblouissante prestation vocale des interprètes.


Mais de quelle rage souffrent donc les metteurs en scène engagés par l’Opéra de Paris pour s’emparer des ouvrages wagnériens afin de les saccager sans scrupules, de dénaturer l’essence même des livrets et des partitions, de ridiculiser ou de trahir leurs personnages, de gommer systématiquement, ici le merveilleux chrétien, là le souffle des mythes germaniques, de conduire enfin le spectateur à devoir fermer les yeux pour ne pas avoir à subir tant d’imbécillités et d’incohérences accumulées ?  

Qui sont-ils ces tâcherons galonnés se faisant les dents sur un Wagner qu’ils paraissent haïr en demeurant imperméables à sa musique, qui doivent se penser audacieux et iconoclastes quand ils ne sont que pitoyables et ridicules ? Qui n’ont le plus souvent ni le talent, ni l’envergure intellectuelle pour incarner les révolutionnaires qu’ils aimeraient tant être ?

Les faux prophètes

Saison après saison, l’Opéra de Paris semble s’être fait une spécialité de ces faux prophètes qui semblent n’avoir pris connaissance des ouvrages dont ils ont la charge qu’au moment de la commande. Parsifal, Lohengrin, une précédente et calamiteuse production de la Tétralogie, et tout récemment encore L’Or du Rhin en ont été les victimes expiatoires. Sous couvert de visions apocalyptiques ou de lectures politiques qui sont depuis longtemps la tarte à la crème des ennemis jurés du wagnérisme, on accumule les clichés en vogue dans leur monde semi cultivé. On avance, pour justifier les réalisations les plus horripilantes, des arguments de notaires voltairiens ou d’histrions marxistes afin de ne servir jamais que les propres obsessions des metteurs en scène, et cela à grand renfort de professions de foi messianiques.   

Ce qui est sûr, c’est que la plupart d’entre eux paraissent ne rien comprendre à l’univers wagnérien et trahissent allégrement la musique. Il ne faut effectivement pas se bercer d’illusions sur leur savoir artistique et musical. Bien souvent, ils n’ont construit leur identité que par l’outrance ou la dérision. Et leur analyse sur des idées fumeuses, mais qui ont l’heur d’être dans l’esprit du temps.

Ils semblent n’apprendre à connaître les ouvrages qu’ils vont devoir mettre en scène qu’au moment où on a la faiblesse de leur en passer commande. Et faute de s’être pénétrés durant des années d’une musique qui n’aura jamais mûri en eux, ils n’en offrent le plus souvent qu’une écoute immédiate, superficielle et convenue. Ils ne sont en réalité que les thuriféraires d’un nouvel académisme où le concept foireux ne fait rien d’autre que de remplacer les peaux de bête des héros barbus d’autrefois et les casques ailés de plantureuses walkyries.

Bancale, incohérente, anecdotique

Avoir commandé la réalisation scénique de l’ensemble du Ring à l’Espagnol Calixto Bieito qui avait à peu près réussi une mise en scène de Carmen en 2017, c’est un peu comme si l’on avait donné la direction d’un restaurant étoilé à une ménagère sévillane sachant réussir un gazpacho andaluz.

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Sa mise en scène de La Walkyrie ne mérite pas qu’on s’y attarde longtemps. Elle est trop bancale, trop incohérente, trop anecdotique. Ennuyeuse et sotte en deux mots, mais de cette sottise savantasse qu’on porte haut et fier en se donnant le sentiment d’enrichir l’univers wagnérien de conceptions radicalement nouvelles. Déjà la mise en scène de L’Or du Rhin, et en plus lourdingue encore, portait toutes les incongruités dont on est accablé dans La Walkyrie. Ce décor énorme et sans grandeur, ces masques à gaz, ces bonbonnes d’oxygène et ces tuyaux hideux qui prétendent dénoncer une apocalypse à venir ou déjà survenue : ce n’est même plus révoltant, car on peut avoir vu pire encore, mais cela végète à un niveau dérisoire de déjà vu cent fois. 

Entre martien égaré et grenouille verte

A la tête de l’Orchestre de l’Opéra, magnifique d’homogénéité, Pablo Heras-Casado est parfaitement éloquent dans les registres du lyrisme ou de la tendresse. Curieusement, toutefois, au cours des pages les plus épiques de La Walkyrie, la noire tempête du prologue, l’angoissante approche de Hunding au deuxième acte ou la folle chevauchée des filles de Wotan, il manque singulièrement de souffle et de puissance. Curieusement, parce qu’on ne peut imaginer qu’une telle puissance dramatique ne puisse fouetter davantage le sang d’un chef d’orchestre talentueux.

Les artistes lyriques ont-ils conscience de ce que l’on leur fait faire en tant qu’acteurs ? S’il est difficile de les imaginer se sortant indemnes d’une production qui accumule les clichés, les contorsions inutiles, cette vaine et perpétuelle agitation derrière laquelle un metteur en scène croit pouvoir masquer son impuissance, il est plus douloureux encore de voir les rôles féminins, les trois principaux surtout, desservis par des costumes pensés et voulus laids, alors que celles qui en  sont affublées déploient des voix magnifiques : Sieglinde en gros godillots et robe informe de ménagère allemande pauvre, Brünnhilde sous une énorme crinoline couleur saphir, puis dans des collants qui n’occultent rien de ses proportions hors-normes, Fricka en Belphégor de feuilleton et en tunique bleu électrique, alors que les huit walkyries, avec leurs tenues et leurs masques à loupiottes couleur d’absinthe, tiennent à la fois du martien égaré et de la grenouille verte.

Photo: Herwig Prammer / OnP

Des voix somptueuses

Il n’était pas nécessaire d’imposer à la Brünnhilde de Tamara Wilson cet air de bonne grosse fille un peu simple qui la fait ressembler à Bécassine débarquant chez Madame de Grand-Air, alors que le livret la chante en héroïne sublime. Ni de lui imposer une sourde confrontation avec Siegmund évoquant une lutte entre sumos. Ni de camper la Sieglinde d’Elza van den Heever tenant en joue un Siegmund tout pantelant avec une méfiance haineuse de fermière texane suprémaciste face au métèque de passage. Ce sont des gadgets imbéciles qui ne font que confirmer le manque d’ampleur des concepteurs de la mise-en-scène. Cependant, l’interprète de Hunding, Günther Groissböck, se révèle être un remarquable acteur, sans qu’on sache s’il doit cela à son seul talent ou à une subite lueur apparue dans le cerveau du démiurge. Son personnage fascisant est terriblement inquiétant tout autant que misérable. Et l’une des rares facettes intéressantes de la mise en scène est la façon appuyée dont on dénonce la violence faite aux femmes : violence physique de Hunding s’exerçant sur Sieglinde, mais aussi violence arbitraire du maître suprême, Wotan, sur sa fille préférée. Il est vrai que c’est dans l’air du temps et que ce n’est peut-être là que pour se montrer politiquement correct. Toutefois cette violence confère à la mise en scène quelque chose de sombre et de désespérant qui confère plus de poids encore à la détresse de Sieglinde avant qu’elle ne rencontre Siegmund, son frère et amant, puis à celle de Brünnhilde que son père veut punir en livrant son corps de vierge combattante au premier venu.

Uniformément magnifiques de bout en bout de l’ouvrage, Elza van den Heever et Tamara Wilson parviennent au sublime. L’une au moment où Sieglinde se sépare de cette sœur inconnue qui l’a sauvée, l’autre quand Brünnhilde, d’un dernier cri déchirant, parvient à infléchir Wotan. Ce dernier, interprété superbement ce soir de première par Christopher Maltman, est aussi victime d’une direction d’acteur qui ne grandit pas le personnage. Il sera malheureusement remplacé lors des autres représentations par le titulaire du rôle, Iain Paterson, qui n’a guère brillé dans L’Or du Rhin.

Face à Sieglinde, à Hunding, à Brünnhilde, le Siegmund de Stanislas de Barbeyrac est d’une vaillance sans faille. Même s’il mériterait que s’affine encore son jeu théâtral, sa voix admirable, puissante et douce, module aussi bien la détresse absolue que la félicité fugace, le courage autant que la tendresse. Il rejoint l’héroïque cohorte des grands interprètes du plus beau et du plus attachant des personnages du Ring.

La Walkyrie. Opéra de Paris-Bastille. Jusqu’au 30 novembre 2025

Vive le gras!

Marion Chatelain signe un livre de recettes voluptueux: une véritable ode au bon gras ! Des charcuteries d’apéro aux desserts beurrés en passant par les bouillons, plats en sauce et feuilletés… ses textes et photos ouvrent furieusement l’appétit.


« On n’est pas sur le chemin de la minceur », dit Micheline à Maïté dans « La Cuisine des mousquetaires » lorsqu’il s’agit de détailler les ingrédients du gratin landais… Mais une chose est sûre, en lisant Le gras c’est la vie !, on est sur le chemin de la volupté. Marion Chatelain connaît son rayon : cette designer et créatrice d’événements culinaires sait transmettre sa passion pour la bonne chère. Et son livre fourmille de remarques, d’anecdotes, de rencontres et de recettes savoureuses.

Un pilier du goût

Pour elle, le « gras de terroir » est un pilier de l’architecture du goût ; il est donc indispensable au palais et présent dans l’histoire de chacun. « Mon obsession et ma fascination pour le(s) gras sont nées entre la Normandie, la Beauce et le Doubs, entre le jus gras de la saucisse de Morteau qui se mêlait à la purée et les cerises au kirsch jetées dans le beurre par ma grand-mère paternelle, entre les quartiers de citron pressés dans le beurre noisette de la raie rôtie et la crème double, bien jaune, qui fondait sur la tarte aux pommes encore brûlante de ma grand-mère maternelle, sans oublier la teurgoule au lait cru qui patientait, encore et encore, dans son four tiède. »

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Cette randonnée (très) gourmande nous mène chez des charcutiers, des fromagers, des éleveurs, des agriculteurs… leur point commun, au-delà d’incarner un pan fondamental de notre patrimoine vivant, est que le fruit de leur travail se retrouve dans nos poêles, casseroles et marmites à côtoyer beurre, crème, graisses végétale ou animale afin de fondre, dorer et crépiter pour révéler toutes leurs saveurs.

Subtil

Les recettes confectionnées par Marion Chatelain et admirablement photographiées se comptent par dizaines. Impossible de rester insensible face à ses bocaux de rillettes de canard, à ses gaufres au sarrasin et œuf mollet, à son os à moelle gratiné, à sa Morteau briochée, ses bouchées « cochonnes » nappées de sauce au vin blanc crémée…

Les asperges sont frites façon tempura, les Saint-Jacques sont colorées au beurre, les ravioles de crevettes se marient à une crème infusée au lard fumé, le bretzel révèle un cœur de fromage coulant, le camembert est rôti au calva… Quant aux desserts, à vous de les découvrir.

Loin, très loin du gros gras qui tache, ces recettes se distinguent par la subtilité des goûts associés, par la finesse des légumes et des herbes ciselées, par l’équilibre des textures complémentaires. Au fil des pages, et des bouchées, on est convaincu que le gras mérite d’être considéré comme le « 6e goût », au même titre que le sucré, le salé, l’acide, l’amer et l’umami. On apprend d’ailleurs que des chercheurs lui ont trouvé un nom sérieux : oleogustus (du latin oleo, huileux, et gustus, goût). De quoi inspirer de nouveaux chapitres et de nourrir de futures régalades.

Le gras c’est la vie !, Marion Chatelain, Flammarion, 2025. 192 pages

Mbappé: entre primes et déprime

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Kylian Mbappé et le PSG ont rendez-vous aux prud’hommes de Paris lundi prochain


On se souvient qu’un professeur de français avait utilisé le nom de Mbappé pour par procédé mnémotechnique enseigner à ses élèves une règle d’orthographe : il ne faut jamais un N mais toujours un M devant M, B et P, les trois consonnes de Mbappé. Ce professeur de lettres s’en est tiré à bon compte, le joueur ne lui a réclamé aucun droit d’auteur. Car avec les chiffres Kylian Mbappé jongle aussi facilement qu’avec un ballon, toujours à l’affût pour faire fructifier son compte en banque.

Aujourd’hui il attaque son ancien employeur, le PSG, et multiplie les actions devant les Prud’hommes. Aurait-il été victime de discrimination, de harcèlement sexuel ou moral, motifs qui font l’ordinaire du Conseil prud’hommal ? Non pas. Au menu, il y a une soupe, dans laquelle le joueur crache, et des salades où le club a mis trop de vinaigre.

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Flash-Back. Lors de la saison 23/24, pour qu’il prolonge son contrat afin de le revendre à prix d’or au Real Madrid (alors contraint de racheter le dit contrat), le PSG avait promis à Mbappé une ribambelle de primes (liées à l’éthique, aux résultats, à la pluie et au beau temps… primes qui ont surtout l’avantage ne de pas être soumises aux cotisations sociales…). Le joueur avait évidemment accepté, mais au final il n’a pas prolongé son contrat et il est parti au Real sans que le PSG touche un euro. Du coup le PSG n’a pas versé les primes.

D’où la déprime de Mbappé : il estime que le PSG n’a pas tenu parole, alors que le club soutient que le joueur n’a pas honoré ses engagements. Sur la forme, c’est une querelle d’épiciers, des calculs de maquignons, une bagarre de chiffonniers, mais vu les fonds en jeu, entre le joueur, multimillionnaire, et le PSG, propriété de l’émir du Qatar, c’est un problème de riches, un bras de fer en or. Si au début du feuilleton Mbappé réclamait 55 millions, lors du dernier épisode (diffusé le 17 novembre, lors d’une nouvelle audience devant le Conseil prud’hommal) il en exigerait maintenant 264 ! Ce ne sont pas les Prud’hommes qui devraient être saisis, mais le FMI, le Fonds Monétaire International.

Si d’aventure Kylian Mbappé obtenait (gros) gain de cause, il pourrait s’acheter un Ballon d’Or, récompense après laquelle il court depuis des années, un ballon en or… massif.

L’union, combien de divisions?

Faire alliance avec le RN n’est plus un tabou. Certains ont franchi le pas avec Éric Ciotti, d’autres l’espèrent tel Éric Zemmour, mais chez les Républicains, déjà divisés par une guerre des chefs, une coalition avec Marine Le Pen est loin de faire l’unanimité. Une majorité de Français se dit pourtant favorable à un bloc de droite.


C’est l’Arlésienne de la politique française. L’union des droites, tout le monde en parle, mais on ne la voit jamais. Il faut dire qu’à l’exception notable d’Éric Zemmour, la plupart des dirigeants concernés n’en veulent toujours pas, malgré la séquence politique qui a sidéré les Français, fait ricaner à l’étranger et consterné économistes et chefs d’entreprise. L’implosion du gouvernement Lecornu I, résultat d’une bataille d’égos plus que de divergences idéologiques, a révélé la fragilité existentielle des LR. Pourtant, nombre de Républicains continuent d’exclure tout rapprochement avec le RN qu’ils feignent de confondre avec le FN. Il est vrai aussi que Marine Le Pen qualifie cette union de « fantasme réducteur ». En attendant, pour 55 % des électeurs LR, l’union est la seule voie susceptible de mener la droite au pouvoir : de LR au RN en passant par l’UDR et Reconquête, aucun n’a les reins suffisamment solides pour y parvenir en solitaire. La gauche socialiste et les Insoumis se délectent de voir le camp adverse incapable de s’unir. Eux qui n’hésitent pas à mêler leurs voix pour gagner des sièges guettent avec gourmandise les échéances de 2027 en se disant qu’avec pareille droite, le pouvoir est à portée de main. À moins que, comme l’observe Marianne, on assiste plutôt à « la fin d’un tabou » et à l’avènement d’un « front identitaire » en lieu et place du moribond front républicain. 

« Irresponsable »

Les LR sont plus divisés que jamais. Et pas franchement sur des questions doctrinales. Le chef du parti, Bruno Retailleau, a du mal à « cheffer », comme aurait dit Chirac – son véto à toute participation au gouvernement Lecornu II n’a pas empêché plusieurs de ses lieutenants d’accepter un ministère. Quant à Laurent Wauquiez, le chef du groupe à l’Assemblée, il prend le contrepied de son rival. Ainsi a-t-il opéré un tête-à-queue sur la réforme des retraites avec une facilité déconcertante. « Envisager de revenir sur la réforme des retraites sans proposer la moindre piste de financement, c’est irresponsable », disait-il en janvier dernier. En mai, il appelait les Républicains à « ne pas se diluer dans le macronisme ». Depuis que Bruno Retailleau a quitté le gouvernement, il est farouchement opposé à la censure. À la mi-octobre, il a refusé de voter la motion de censure du RN. « Nous nous engageons à des compromis nécessaires pour que les lois indispensables soient adoptées, pour que la France ne soit pas bloquée », s’est-il justifié. D’autres dirigeants y sont favorables comme David Lisnard. D’ailleurs, Alexandra Martin, la seule députée LR (Alpes-Maritimes) à avoir voté les motions de censure RN/UDR et LFI, est l’une de ses proches. « Si j’étais député, j’aurais voté la censure », affirme François-Xavier Bellamy, député européen LR. Florence Portelli, maire LR de Taverny, déclare la même chose, tout en déplorant ces « divisions ». « Il y a un clivage entre le parti (les militants et les fédérations) et les parlementaires qui considèrent qu’il fallait donner sa chance au produit Lecornu », dit-elle bizarrement, à la manière des gars du Sentier de La vérité si je mens.

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Autant dire que l’opinion ne comprend pas grand-chose aux tempêtes qui secouent les Républicains. « LR, j’ai du mal à suivre », ironise Marine Le Pen. « Wauquiez et toute la smala ont protégé Macron, on ne peut pas travailler avec ces gens-là », tranche le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy.

Finalement, le seul point sur lequel la majorité des élus et responsables LR s’accordent encore, c’est pour refuser l’alliance avec le RN, jugé trop à gauche économiquement. Et les Français dans l’histoire ? Qui les écoutera, eux qui sont 52 % à se dire favorables à un gouvernement de coalition des droites (sondage IFOP pour Valeurs actuelles[1]) ? Médusés par ce spectacle incompréhensible ne savent plus à quel saint se vouer[2]. Oubliant qu’eux aussi ne sont pas d’une cohérence de fer : après avoir pesté et manifesté contre la réforme des retraites, beaucoup s’étranglent de voir Macron y renoncer (ou faire semblant).

Qui est pour qui est contre ?

Dans ce paysage, deux personnalités se déclarent nettement en faveur de l’union, outre Éric Zemmour et Sarah Knafo : Éric Ciotti, fondateur en 2025 de l’Union des droites pour la République (UDR), et Marion Maréchal (Identités et libertés) qui ne cesse de plaider pour le modèle italien.

« L’heure est venue de briser le cordon sanitaire et d’unir toutes les forces de droite, écrit Ciotti sur le site de son parti. Nous portons une alternative solide, fondée sur l’autorité, la liberté et l’identité. » De son côté, Marion Maréchal estime que « Georgia Meloni obtient un succès de gouvernement parce qu’elle a rassemblé toutes les droites ». Et la députée européenne de détailler : « C’est comme si en France, une partie d’Horizons [le parti d’Édouard Philippe] travaillait avec le RN, LR, DLF [Debout la France, de Nicolas Dupont Aignan] et Reconquête. » Le parti d’Éric Zemmour prône une union circonstanciée, sur un dénominateur commun : l’immigration et le budget. Et Reconquête vient d’investir 577 candidats en vue d’une dissolution, en se disant prêt à des désistements en cas d’accord avec le RN, LR ou Nouvelle Énergie de David Lisnard.

Cependant, au-delà de ces avocats de longue date du rassemblement à droite, les lignes bougent. En octobre, une alliance tactique s’est formée entre le RN, des macronistes et des LR, permettant au parti de Marine Le Pen de récupérer deux vice-présidences au bureau de l’Assemblée nationale. Cette entorse au sacro-saint front républicain a bien sûr suscité l’ire de la gauche. À vrai dire, l’appel au barrage commence à avoir du plomb dans l’aile. À LR, quelques personnalités font entendre leur petite musique : « Commençons par écrire le pacte de gouvernement et nous verrons si l’union est possible. J’ouvre la porte à une discussion programmatique rassemblant toutes les droites », déclare David Lisnard à Valeurs actuelles. « Bien sûr qu’il faut s’allier avec Sarah Knafo », affirme pour sa part Alexandra Martin. Reste à convaincre les apparatchiks. Et ça, c’est loin d’être gagné.

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Sophie Primas, ex-sénatrice LR des Yvelines et ex-porte-parole du gouvernement Bayrou l’a appris à ses dépens. Après avoir déclaré sur RTL « Nous n’avons pas que des désaccords avec le RN », elle doit dès le lendemain faire repentance sur son compte X : « De tout temps, opposée à l’Union des droites, je n’ai jamais changé de position. L’esprit de mon propos était d’indiquer qu’à ce moment épineux de notre vie politique, nous avons un impératif besoin de trouver une voie pour donner un budget à la France. » À l’évidence, elle s’est fait taper sur les doigts. Son ancien collègue Roger Karoutchi n’a pas les mêmes pudeurs. « Plutôt RN que LFI », lance le sénateur LR des Hauts-de-Seine. Mais ces rares et timides avancées vers une union se heurtent à des résistances solidement ancrées chez les Républicains, restés en ce sens très chiraquiens. « L’union des droites est un mirage », tranche l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

Éric Ciotti à Levens pour promouvoir l’union des droites, 31 août 2025. SYSPEO/SIPA

La valse-hésitation des élus LR montre que le fameux « cordon sanitaire » théorisé par François Mitterrand et mis en place par Jacques Chirac en 2002 a la vie dure. Dans son dernier livre, Je ne regrette rien (Fayard), Éric Ciotti dénonce « le piège mitterrandien » qui pousse la droite à nouer des accords électoraux avec la gauche plutôt qu’avec le RN, comme on l’a encore vu en 2024 au Havre quand Édouard Philippe a favorisé l’élection du communiste Jean-Paul Lecoq contre la candidate RN. Cependant, la valse-hésitation des Républicains s’explique moins par des considérations morales que par une appréciation tactique : si l’union des droites les effraie, c’est parce que leur parti n’est pas en position de force pour négocier. Henri Guaino le reconnaît : « Si on parlait d’un programme commun, il serait à 90% RN. Ce ne serait pas une union mais une absorption ! » L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy rêve de voir renaître « un parti gaullo-bonapartiste », mais le problème dit-il, c’est qu’« il n’y a personne pour l’incarner ».

« Un cadeau empoisonné »

Le projet de réunion des droites françaises n’est pas nouveau. Il remonte aux années 1960 avec l’Union pour la nouvelle République (UNR), ancêtre des Républicains, qui visait à rassembler les forces gaullistes et conservatrices. Six décennies plus tard, l’idée continue de hanter le microcosme, mais peine à se concrétiser. Pourtant, ça marche ailleurs : en Italie, en Croatie et en Finlande, les partis ont fini par s’allier pour gouverner. Qu’est-ce qui empêche la droite française d’en faire autant ? Nos institutions, répond en substance le politologue Dominique Reynié : « L’élection présidentielle est un cadeau empoisonné. Elle empêche tout compromis. Elle amène tous les acteurs à jouer leur partition seuls. Il n’y a plus d’esprit national[3]. »

Quant au RN, malgré le mépris affiché par Marine Le Pen pour cette alliance des droites, il est ouvert à des alliances locales, comme l’a montré en octobre le retrait de Stéphane Ravier (proche de Reconquête) en faveur d’un candidat LR à Marseille. Toutefois, Marine Le Pen continue de rejeter tout rapprochement avec LR qu’elle accuse de proximité avec Emmanuel Macron. Les récentes prises de position de Laurent Wauquiez ne la feront pas changer d’avis. Si elle était finalement empêchée de se présenter, le plan B du RN, B comme Bardella serait sans doute plus enclin à nouer des alliances.

Paradoxalement, c’est peut-être la cacophonie au sein des Républicains qui pourrait pousser certains d’entre eux, de guerre lasse, à se tourner vers leur droite (selon la géographie de l’Hémicycle). Le risque étant, sinon, que LR se retrouve dans la configuration inverse de celle de 2007, quand Nicolas Sarkozy avait réussi à siphonner les voix du FN. Si la droite refuse de prendre en charge les demandes de ses électeurs, il se pourrait que ce soit le RN qui siphonne les voix de LR. Un retournement de situation qu’affectionne l’histoire politique.


[1] Toujours selon l’IFOP pour VA, ce soutien atteint 82 % chez les sympathisants de LR, 91 % chez ceux du RN et 100 % chez les partisans de Reconquête. Plus étonnant, 41 % des électeurs Renaissance se déclarent aussi favorables à une telle coalition.

[2] Les sondages se suivent et se contredisent : selon Elabe pour BFMTV, 56 % des Français ne souhaitaient pas la censure du gouvernement au lendemain du discours de politique générale de Sébastien Lecornu. Mais selon CSA pour CNews, Europe1 et Le JDD, ils étaient 68 % à réclamer une présidentielle anticipée.

[3] Sur Radio Classique, le 17 octobre.

Je ne regrette rien: L'heure est venue de dire pourquoi

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Commémorations du 13-Novembre: une barbarie toujours recommencée

À Saint-Denis puis à Paris, un hommage a été rendu hier aux 132 victimes des attentats islamistes du 13 novembre 2015. En début de soirée, le président Emmanuel Macron a inauguré un jardin mémoriel (notre photo) sur la place Saint-Gervais, à proximité de l’Hôtel de Ville de la capitale. Il est temps de relever la tête, affirme Charles Rojzman. Il est temps de reconnaître que toutes les cultures ne se valent pas. Il est temps de combattre l’islamisme qui s’enracine sur notre sol.


Le rituel se répète : gerbes déposées, visages fermés des autorités, discours calibrés, violons qui pleurent comme s’ils pleuraient pour nous, pour masquer l’essentiel. Les commémorations officielles des attentats du 13 novembre ressemblent de plus en plus à une liturgie républicaine sans foi, sans courage, sans vérité. Quelques minutes de silence, un dépôt de fleurs, et l’on se félicite d’avoir « tenu bon ».

Mais dans cette parole officielle, un mot se dérobe, un mot que l’on enfouit sous des euphémismes : l’islamisme.

Lente fatigue morale

Ce ne sont pas des « exclus », des « paumés », des « déséquilibrés » qui ont criblé Paris de balles et transformé des terrasses en morgue : ce sont des soldats d’une idéologie millénaire, patiemment nourrie, patiemment justifiée, patiemment importée.

On commémore, mais on ne nomme pas. On pleure, mais on ne comprend pas.
On s’incline, mais on ne se relève pas.

Comme si nommer l’islamisme constituait un blasphème dans une société qui préfère commémorer ses morts que protéger ses vivants. Comme si la République avait peur d’elle-même. Peur de rompre avec ses fictions, ses illusions d’un « vivre-ensemble » dont les plus lucides savent déjà qu’il n’existe que dans les brochures ministérielles.

C’est ici que commence le retour de la barbarie.

Non seulement dans les actes terroristes eux-mêmes — ils sont la pointe du glaive — mais dans ce renoncement préalable, dans cette lente fatigue morale qui consiste à éviter le mot juste, à diluer la réalité dans la compassion institutionnalisée.

Car les violences collectives issues du monde arabo-musulman ne surgissent jamais de manière soudaine. Elles ne sont ni des accidents de l’histoire ni des éclats imprévisibles. Elles sont patiemment préparées, longtemps à l’avance, dans le silence des frustrations accumulées, dans les replis amers des ressentiments communautaires. Elles germent dans les failles de sociétés fracturées, rongées de l’intérieur par la défiance, le mépris mutuel, la haine contenue.

Lorsque l’économie vacille, que les structures sociales se disloquent, que les élites perdent toute légitimité, les sociétés cherchent un point d’ancrage. Ce besoin d’identité devient obsessionnel. Et lorsqu’il n’est pas satisfait de manière saine — par l’éducation, la culture, le débat — il se pervertit : identités rigides, mythes simplificateurs, fabrication d’ennemis.

Régressions

On désigne l’hérétique, l’apostat, le riche, le Juif, l’Occidental, la femme trop libre, la laïcité. Peu importe la cible, ce qui compte, c’est la haine comme anesthésiant, comme certitude.

Ces révoltes ne sont pas les signes d’une avancée démocratique. Trop souvent, elles accouchent de régressions. Derrière la colère contre l’injustice se cache parfois une soif de soumission.

Les printemps arabes ont vu naître, après l’espoir, des automnes islamistes. L’histoire européenne a montré que la colère des peuples peut engendrer le fascisme.

Ces « révolutions » n’éveillent pas les consciences : elles les endorment. Elles rejettent l’autorité au nom de la liberté, mais pour mieux adorer ensuite un gourou, un Prophète de substitution, une Vérité révé­lée. Elles crient à l’émancipation tout en réclamant l’idéologie qui pense à leur place. Ce n’est pas un progrès : c’est une démission, une abdication, une régression spirituelle.

La haine est fille de l’humiliation. Mais elle devient poison lorsqu’elle se fait doctrine. Dans un monde désorienté, la pensée complotiste est une drogue douce: elle rassure, elle simplifie, elle déresponsabilise. Mais surtout, elle rend la violence légitime.

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Le fanatisme religieux n’a pas le monopole du mal. Le mal s’habille de toutes les couleurs : croix gammée, faucille, croissant. Les djihadistes invoquent le Coran comme les nazis invoquaient la Germanie éternelle. Boko Haram — « l’éducation occidentale est un péché » — ne dit rien d’autre que les Croisés exaltés ou les révolutionnaires de la Terreur : penser est un crime, la nuance une hérésie.

Ce n’est pas une lutte pour la justice : c’est une revanche contre la complexité, contre la liberté d’être autre. Une guerre contre les Lumières et la dignité humaine.

Frapper un policier, incendier une voiture, décapiter un enseignant, mitrailler une foule dans une fosse de théâtre ou sur des terrasses de café : voilà le visage moderne de la barbarie. Ce ne sont pas des actes de courage, mais de lâcheté.

Et que certains intellectuels les excusent au nom d’un antiracisme dévoyé est une trahison — la plus grande.

Meutes lâches

Le fanatique ne s’attaque jamais aux puissants réels : il vise les faibles, les isolés, les enseignants, les symboles. Il hait ce qu’il désire mais n’atteint pas : la liberté, la connaissance. Il agit en meute, comme les lâches. Son idéologie n’est qu’un alibi : ce qu’il aime, c’est détruire.

Et nous, durant ce temps, reculons. Nous hésitons à enseigner Voltaire. Nous craignons de nommer l’islamisme de peur d’être accusés d’islamophobie. Nous appelons « culture » des traditions qui justifient le viol ou l’excision. Nous transformons l’école en champ de bataille idéologique. Nous acceptons, au nom de la tolérance, l’intolérable.

La question de la barbarie est aussi est ici, chez nous : dans les rues d’Europe où l’on crie From the river to the sea sans comprendre que cette phrase signifie l’effacement d’un peuple. Dans les universités américaines où l’on célèbre le Hamas comme on célébrait jadis Che Guevara. Dans les plateaux télé où les journalistes, bardés de moraline, accusent Israël d’être ce qu’ils n’ont pas le courage de nommer ailleurs : un rempart.

Le 7 octobre n’a pas seulement révélé la barbarie des tueurs : il a révélé notre propre barbarie douce — celle du déni, du relativisme, de la lâcheté. Nous sommes devenus les clercs du renversement moral : ceux pour qui la culpabilité occidentale doit être payée par procuration. Et quoi de mieux, pour expier, que de désigner Israël comme le miroir de nos crimes ?

L’Europe, lassée d’elle-même, se lave les mains dans le sang juif. Elle retrouve, sans le savoir, la vieille jubilation des temps obscurs : accuser le Juif pour ne pas se regarder.

C’est là le secret obscène du progressisme contemporain : il hait le Juif en se croyant antiraciste, il justifie le meurtre en se croyant humaniste, il adore la victime quand elle tue au nom du Bien.

Nous sommes à la croisée des chemins. Ce que nous voyons n’est pas un simple accès de violence, mais une bascule. Une menace directe contre ce que l’humanité a mis des siècles à construire.

Le fanatisme avance parce que nous reculons. Il est fort de notre faiblesse, de nos renoncements, de notre peur d’affirmer que certaines valeurs valent mieux que d’autres.

La barbarie revient, mais pas en haillons : elle revient avec micros, réseaux, tribunes, soutiens universitaires. Elle infiltre l’école, les médias, les institutions. Et ceux qui devraient la combattre la justifient. Il est temps de relever la tête. Il est temps de dire que toutes les cultures ne se valent pas. Il est temps de refuser. De combattre. Car le prix du silence est l’effondrement. Et le prix de la complaisance, la soumission. Le combat pour la civilisation n’est pas un luxe : il est vital. Le perdre, c’est condamner l’avenir.

La société malade

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Le baby sitting? pas question!

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© Europacorp

Nina (Nora Arnezeder) a de la ressource : physique de top model, championne de natation, secouriste, polyglotte, polyvalente, on comprend son impatience de trouver enfin un job pas payé au lance-pierre, son besoin de changer d’air, son envie de couper les ponts avec sa ville natale, Marseille, cette cradoque cité interlope et bigarrée, de s’éloigner d’une génitrice amerloque (Maria Bello) oppressive et givrée, de prendre ses distances avec Julien (Louka Meliava), son jeune frangin dealer récidiviste qui, tout photogénique qu’il soit,  enchaîne les séjours en taule – il n’a du reste que ce qu’il mérite. Surtout, Nina voudrait échapper au lointain traumatisme qui la hante depuis des années, la mort accidentelle d’une enfant par sa faute, – c’est le prologue de Hell in Paradise.

Un film familial

L’entretien d’embauche de Nina s’avère un succès : il est vrai qu’elle coche toutes les cases, comme on dit en 2025 dans l’argot « Pôle emploi » (entre parenthèses la scène en question est d’une véracité aussi cruelle que tordante). Recrutée comme hôtesse d’accueil au Blue Coral, un hôtel de luxe en Thaïlande, Nina est prête à tout donner d’elle-même. Sauf, tient-elle expressément à préciser (tout en restant évasive sur la raison), une seule condition : ne pas avoir à s’occuper des marmailles : baby sitting, no way !

Voilà posés les jalons de l’intrigue, scénarisée par Karine Silla, à la ville épouse, comme l’on sait, de l’acteur et cinéaste Vincent Perez, et mère de Roxane Depardieu. Réalisé par la Franco-sénégalaise Leïla Sy , très investie dans le hip-hop et les clips – cf. Banlieusards (2019), film co-réalisé avec Kery James, et qu’on peut voir sur Netflix –  Hell in Paradise reste, en somme, un film de famille : sa propre sœur Virginie Silla, la femme de Luc Besson, en est la productrice sous les auspices de Europacorp – elle avait déjà produit Lucy.  

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Cette endogamie est-elle un handicap ? On aurait plutôt tendance à s’en féliciter. La « griffe » Besson, en l’espèce, fournit au film un vernis anti-woke tout à fait bienvenu par les temps qui courent. C’est ainsi que Nina, à son corps défendant, s’y voit confier seule la garde de trois lardons têtes-à-claque, dont un nourrisson vagissant et une fillette plantée sur ressorts, soit la triple portée en bas âge d’un couple dépeint d’emblée comme ontologiquement exécrable : le genre de clients yankees d’autant plus arrogants qu’ils ne vont que par paire, à l’instar des perruches d’élevage. L’abject et couard patron du resort tentera de les amadouer, fût-ce sur le dos de son petit personnel en cage. En vain. Et il arrive, bien sûr, ce à quoi le spectateur, perversement scotché au suspense macabre, était préparé dès l’amorce : la noyade accidentelle de la sale mioche, agonisant dans des moulinets inutiles à la surface d’une ces piscines miniatures de l’immense complexe insulaire, qui plus est à dix mètres d’une vieille femme de chambre qui, faute d’avoir appris à nager, la regarde impuissante du haut de son balcon clamser à petit bouillons dans la tiédeur du bassin d’eau chlorée…

Infernal

A partir de là, le pseudo-paradis se mue pour Nina en concentriques cercles de l’enfer : la fringante et joyeuse trentenaire armée de bonne volonté, célibataire qui proclamait ne pas vouloir, ni procréer, ni s’occuper jamais d’aucun chiard, se voit piégée de tous côtés : en deuil de leur progéniture, les Amerloques ont porté plainte comme de juste contre le Blue Coral, en bons procéduriers avides de compensation en dollars; le staff de l’hôtel se défausse sur ses employés- esclaves ;  la police asiatique corrompue récrit le procès-verbal signé par Nina à ses dépens pour en finir, elle dont le passeport a  été confisqué ; le consul de France, médiocre fonctionnaire faux-derche, plus inopérant que sa cravate;  maman, appelée au secours in extremis, débarque à « Mathara » (le nom fictif de la baronnie tropicale) et ses conseils oiseux ne font qu’empirer la situation ; engagé par Nina, l’intègre et cacochyme avocat du cru est tragiquement éliminé, probablement sous les directives de l’oligarque local détenteur du Blue Coral (parmi quantité d’autres investissements lucratifs) ; riche, véreux et libidinal, l’élégant juge thaï tente quant à lui  le coup du chantage au plan cul, mais il échoue tout de même à violer Nina, car la girl a la dentition carnassière… Etc. etc.

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Sans faire l’économie de désopilantes invraisemblances (comme par exemple, ces coups de fils passés en catimini par l’héroïne à son secourable petit frère au bras long, lequel, derrière les barreaux et à distance, parviendra miraculeusement à la tirer du pétrin !), le divertissement vous projette, de rebondissements en rebondissements, jusque sur une embarcation de fortune où la fuite éperdue de Nina, après bien des angoisses fortement contagieuses dans la salle, trouvera son heureux dénouement, ouf.  Morale de l’histoire : le baby sitting reste un emploi à risques.       


Hell in Paradise. Film de Leila Sy. Avec Nora Arnezeder. France, Etats-Unis, couleur, 2024. Durée : 1h42.

En salles le 26 novembre 2025.

Moyen-Âge: quand les femmes vivaient libres, sans féminisme

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Lorris Chevalier, historien spécialiste de la culture et de la société au Moyen Âge. DR.

C’est bien connu: on adore maltraiter notre Histoire. Les mille ans de monarchie qui précèdent la sacro-sainte Révolution française sont souvent jetés aux oubliettes et avec eux, le Moyen Âge, jugé barbare et patriarcal. On nous répète à l’envi qu’avant 1789, les hommes étaient des brutes et les femmes des soumises.


Lorris Chevalier, docteur en histoire médiévale à l’Université de Bourgogne et conseiller historique de Ridley Scott pour le film Le Dernier Duel, démonte ces clichés dans La Femme au Moyen Âge. Il y montre qu’au contraire, les femmes médiévales écrivaient, gouvernaient, soignaient, commerçaient, enseignaient et créaient. À travers des figures comme Christine de Pisan, Aliénor d’Aquitaine, Pétronille de Chemillé ou Jeanne d’Arc, mais aussi à travers l’analyse des métiers, des arts, des loisirs et de la foi, il dévoile une société étonnamment moderne, où la mixité et la liberté féminine allaient de soi.


Isabelle Marchandier. Dans votre essai, vous brossez le portrait de femmes célèbres :  Aliénor d’Aquitaine, reine et mécène, ou Pétronille de Chemillé, abbesse et architecte de Fontevraud. Or, vous montrez que ces figures ne sont pas des exceptions. Comment pouvez-vous affirmer que la femme au Moyen Âge était pleinement intégrée à la vie économique, politique et spirituelle de la société ?

Lorris Chevalier. L’objectif de mon ouvrage est précisément de dépasser la simple évocation des grandes figures féminines pour s’intéresser aussi aux « petites dames ». Les femmes médiévales ne sont pas cantonnées à la sphère domestique : elles dirigent des abbayes, administrent des domaines, gèrent des entreprises, écrivent, enseignent.

Certaines deviennent de véritables cheffes d’entreprise, notamment dans le commerce international de la laine ou du diamant entre Londres, les Flandres et l’Italie. Quand les maris étaient absents, prisonniers ou morts, les femmes reprenaient naturellement les affaires, sans revendication idéologique mais par pragmatisme et sens du devoir.

Ces réalités économiques apparaissent dans des correspondances familiales, comme Lettres de Paston, précieuse correspondance anglaise du XVe siècle, où l’on découvre des femmes comme Margaret Paston gérer les domaines, traiter avec les créanciers, suivre les procès et assurer la continuité des affaires familiales pendant l’absence des hommes. Ce type de source, encore peu étudié à l’époque de Régine Pernoud, révèle combien la participation féminine à la vie économique et sociale était une réalité ordinaire.

Vous évoquez aussi la mixité des métiers et des arts : les corporations, les troubadouresses, les enlumineuses…  Est-ce à dire que la société médiévale était « inclusive » avant l’heure ?

Le mot « inclusif » est bien sûr anachronique, mais l’idée n’est pas fausse. Quand on évoque le Moyen Âge, on pense souvent à une société d’exclusion. Or, la réalité démontre l’inverse : le travail y était une valeur centrale, et cette morale s’appliquait aussi bien aux hommes qu’aux femmes.

Celles-ci exerçaient dans tous les domaines : artisanat, commerce, médecine, musique, arts, enluminerie. Citons par exemple Anastaise, la meilleure enlumineuse de Paris, employée par Christine de Pisan pour illustrer La Cité des Dames, ou encore Guillemette de Luys, chirurgienne sollicitée par Louis XI. Et plus haut encore dans la hiérarchie du savoir, Hildegarde de Bingen incarne cette synthèse médiévale entre foi, science et art. Ses conseils de santé, de l’usage de l’épeautre à l’infusion de camomille, résonnent aujourd’hui avec une étonnante modernité.

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Le Livre des métiers d’Étienne Boileau, prévôt de Paris sous Saint Louis, renseigne sur la place des femmes dans de nombreuses professions, des métiers de bouche à l’artisanat.

Et la corporation joue un rôle majeur : c’est un réseau d’entraide entre l’apprenti et le maître, mais également entre les sexes. Hommes et femmes sont traités également au sein d’une corporation. On estime qu’environ 20% des membres des corporations étaient des femmes, un chiffre remarquable pour l’époque.

Cette reconnaissance se lit aussi dans les loisirs: sur l’échiquier, la Dame devient la pièce maîtresse, libre de tous ses mouvements, miroir d’un monde où la femme n’était pas accessoire, mais force agissante. De la prostituée à la reine, de la marchande à la trobairitz, de la paysanne à la nonne, les femmes occupaient une place importante au cœur de la société médiévale.

Vous consacrez un chapitre au « féminisme médiéval ». En quoi diffère-t-il du néoféminisme contemporain ?

Le féminisme médiéval n’est pas une idéologie, mais une réalité vécue. Il naît dans un contexte difficile, guerre de Cent Ans, famines, épidémies, où les femmes tiennent tête à l’adversité.

Christine de Pisan s’inspire notamment de Jeanne d’Arc pour défendre la cause féminine.

Elle exalte la dignité des femmes non par revendication, mais par élévation morale. Dans La Cité des Dames, elle s’adresse à toutes les femmes, sans distinction de rang social, et promeut une solidarité féminine fondée sur la transmission du savoir, la vertu et la responsabilité partagée.

Un fait historique l’illustre : plusieurs grandes dames tentèrent de venir en aide à Jeanne d’Arc lors de son emprisonnement et de son procès inique, mené par un tribunal d’hommes souvent corrompus, à l’image de l’évêque Cauchon. Christine de Pisan ne prête ni vertu absolue aux femmes ni vice perpétuel aux hommes : la valeur réside dans les actes et les œuvres de chacun, homme ou femme, qui doivent « tenir vertu » malgré une société divisée par la guerre. Dans la pensée médiévale, l’opposition n’est pas entre hommes et femmes, mais entre vice et vertu. Par ailleurs, dans les milieux aristocratiques du Moyen Âge central, la femme incarne souvent cette « vertu de distinction », se démarquant du vulgaire et du laid par la mode, le soin du corps, les recettes de beauté et les arts élégants, comme la fauconnerie où sa présence est marquée. Le Moyen Âge, en ce sens, propose une vision complémentaire et harmonieuse, où la femme élève par sa présence plutôt qu’elle ne s’affirme par la confrontation.

Vous vous inscrivez en faux contre Georges Duby, qui a longtemps dominé la vision universitaire du Moyen Âge. Votre approche rejoint celle de Régine Pernoud, pionnière dans la réhabilitation des femmes médiévales. Pourquoi reste-t-elle si méconnue ?

L’intérêt pour la femme médiévale n’est pas nouveau : Jules Michelet, dès son Histoire de la sorcière, s’y intéressait déjà, mais son récit comportait de nombreuses erreurs, parfois volontaires, liées au contexte politique du XIXᵉ siècle. Depuis, les sources se sont multipliées et la recherche historique a beaucoup progressé : on sait désormais que les femmes ont joué un rôle essentiel dans la société médiévale.

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Régine Pernoud, dont je me réclame volontiers, fut une véritable pionnière : elle a su redonner visage et dignité à ces femmes, dans toute leur diversité. Mais ses intuitions ont souvent été marginalisées par un certain académisme, encore attaché à la lecture de Georges Duby, qui a contribué à figer l’image d’un Moyen Âge misogyne.

Mais vous rappelez aussi que cette vision déformée du Moyen Âge ne vient pas seulement des historiens modernes : elle s’est forgée dès les époques qui ont suivi, d’abord à la Renaissance, puis surtout sous les Lumières.

Oui, l’idée d’un Moyen Âge oppresseur vient largement des siècles suivants, qui ont eu besoin d’un épouvantail historique pour exalter leur propre modernité.

Le droit de cuissage, par exemple, n’a jamais existé : aucun texte, aucune charte ne mentionne un tel privilège. C’est une invention littéraire, popularisée au XVIIIᵉ siècle par Voltaire, Beaumarchais ou Mozart, pour ridiculiser les seigneurs. Jules Michelet lui-même, au XIXᵉ siècle, reprend cette légende en lui donnant un vernis d’autorité historique, sans citer la moindre source.

De même, la ceinture de chasteté relève plus du pur fantasme que de la réalité historique.

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La seule trace connue figure dans un traité d’ingénierie militaire du XIVᵉ siècle, parmi d’autres croquis imaginaires d’armes et de machines : l’image n’est accompagnée d’aucune légende et ne prouve rien.

Ces légendes sexistes ont forgé l’idée d’une femme féodale enfermée, soumise, humiliée, alors qu’en réalité, le Moyen Âge fut l’une des périodes les plus libres pour les femmes avant l’époque contemporaine.

Dans le chapitre consacré à l’amour, vous montrez que le Moyen Âge valorise un amour courtois, c’est-à-dire choisi, fondé sur la vertu, l’épreuve du mérite et la réciprocité. Peut-on dire que cet amour courtois a inventé le consentement amoureux, bien avant qu’il ne devienne une revendication néo-féministe ?

Plus qu’un simple thème littéraire, la courtoisie agit sur la société et façonne les mœurs. La courtoisie naît au même moment que la théologie chrétienne du mariage, qui repose, fait essentiel, sur le consentement mutuel des époux, contrairement à d’autres civilisations où l’union n’est qu’un contrat juridique. Cette vision nouvelle de l’amour irrigue la littérature arthurienne : la dame y est élevée sur un piédestal moral, modèle de vertu et d’exigence. Dans Le Chevalier de la charrette, Lancelot doit traverser le pont de l’épée, affronter la douleur et la honte pour mériter l’amour de Guenièvre. L’homme ne possède plus la femme : il se transforme par elle. C’est une véritable éthique du mérite et du respect, qui fonde l’amour sur la réciprocité et la vertu, non sur la domination. Même dans La Quête du Graal, la femme accompagne la conversion du chevalier : elle devient guide spirituelle, miroir de son intériorité. Ainsi, bien avant nos débats modernes, le Moyen Âge avait déjà inventé le consentement amoureux, compris comme une épreuve de liberté et de perfection mutuelle. Comme le disait Malraux, « l’homme imite l’art » : ici, la littérature a façonné la vie.

Si vous battez en brèche les stéréotypes progressistes qui font de la femme une victime soumise à un ordre patriarcal, vous n’en proposez pas pour autant une vision idéalisée. Vous montrez aussi des figures de femmes violentes, criminelles, transgressives. Que révèlent-elles du Moyen Âge ?

Il ne s’agit pas de romantiser ou d’idéaliser le Moyen Âge, mais de restituer la vérité d’une époque où la femme était pleinement actrice de son destin, dans la lumière comme dans l’ombre.

Certaines furent saintes, d’autres voleuses, parfois meurtrières. Les archives judiciaires d’Abbeville ou de Dijon montrent par exemple des femmes impliquées dans des vols de bijoux ou de vêtements de luxe, non par misère mais par goût du risque ou de la parure. Les tribunaux les jugeaient comme les hommes, sans traitement discriminatoire.

Mon but n’est pas de fabriquer une mythologie, mais de rappeler cette complexité : au Moyen Âge, les femmes n’étaient ni victimes ni déesses, simplement humaines, et c’est ce qui les rend passionnantes.

423 pages.

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Manhattan sous influence

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Meeting de Zohran Mamdani à New York, 26/10/2025 © Andrea Renault/ZUMA/SIPA

Quels sont les premiers pas du nouveau maire socialiste dans la ville qui incarne, plus que toute autre, le capitalisme ? Les positions qu’il adoptera à New York, comme sur la scène politique nationale, pourraient s’avérer déterminantes pour la manière dont la prochaine génération américaine percevra Israël, analyse Richard Prasquier dans son texte.


Il y a treize mois, lorsque Donald Trump remportait la victoire, Zohran Mamdani était un inconnu. A l’Assemblée de l’Etat de New York, il représentait la 36e circonscription, le quartier Astoria du Queens de l’autre côté de l’East River, vieux quartier ouvrier gréco-italien aujourd’hui boboïsé et devenu un laboratoire du progressisme avec une population du sous-continent indien et du Moyen Orient.  Pas de Juifs, ils sont ailleurs dans le Queens ou plus loin à Brooklyn. Parmi eux, les quatre cent mille hassidim, dont les Habad, les Bobov, les Belz et surtout les Satmar très antisionistes avec une fraction desquels Mamdani s’est fait photographier.

Auparavant conseiller en prévention de saisies immobilières, et donc proche des familles à faibles revenus, Zohran Mamdani est membre du DSA[1], un mouvement socialiste à l’intérieur du parti démocrate, où il a le vent en poupe depuis la campagne présidentielle de Bernie Sanders en 2016. Le DSA a deux chevaux de bataille. Le premier est la justice sociale. Le second est la haine d’Israël. Sa figure de proue, Alexandria Ocasio-Cortez, la célèbre AOC, a été considérée comme insuffisamment antisioniste et n’est plus membre du mouvement.

Chers loyers

A New York, c’est le logement qui est au centre des préoccupations populaires. L’impôt foncier finance les écoles, la police, les pompiers et la voirie; de ce fait, les abattements fiscaux que l’Etat a consentis dans les années 70 pour relancer une construction alors atone ont manqué aux ressources à distribuer, ce qui a détérioré la qualité des services. Aujourd’hui, autre difficulté, alors que la population de New York a recommencé d’augmenter, notamment par l’immigration, la rareté des terrains disponibles entraine une pénurie et une hausse considérable des prix.

En outre, dans cette ville où beaucoup de loyers sont régulés, leur contrôle voire leur gel a été pour plusieurs maires une tentation séduisante, mais les propriétaires particuliers revendaient leurs immeubles devenus peu profitables à des compagnies qui les rentabilisaient en immobilier de luxe. Le résultat fut une gentrification de la ville avec une crise des services publics qui affecte les plus démunis. Là est le noyau de la campagne de M. Mamdani et la clé de son succès.

Il s’est révélé un candidat charismatique, suivi par des milliers de partisans enthousiastes qui ont diffusé de porte à porte la bonne parole: ayant commencé sans la moindre chance de succès, il est un an plus tard le maire socialiste de la ville qui symbolise le capitalisme.

Mais il est aussi le maire anti-israélien de la plus grande ville juive du monde; 15% de Juifs sur quatre millions d’électeurs inscrits.

La Palestine, question centrale

M. Mamdani l’a dit à plusieurs reprises, la cause palestinienne est centrale à son identité. Dès 2014, il avait fondé dans son collège une antenne du mouvement Students for Justice in Palestine, réclamé le boycott des universités israéliennes et fait la promotion du mouvement BDS. 

Son père est un célèbre anthropologue ougandais d’origine indienne, chiite ismaélien comme une partie de l’élite indienne émigrée vers l’Afrique de l’Est sous l’empire britannique, il a été jusqu’à sa retraite professeur à Columbia, spécialiste du néocolonialisme dans la lignée de Frantz Fanon. Pour Mahmoud Mamdani, les violences des colonisés ne font que reproduire celles du colonisateur et pour Gaza, un sujet sur lequel il a aussi écrit, il estime que c’est Israël qui est à blâmer pour les violences du Hamas. CQFD…

Mamdani prétend que c’est Nelson Mandela, admiré pendant son enfance alors que son père enseignait à Capetown, qu’il a compris ce qu’était la lutte contre l’impérialisme et la place des Palestiniens dans ce combat. Mais c’est probablement surtout chez son père et Edward Said, l’ami de celui-ci à Columbia, qu’il s’est forgé sa vision du monde. Quant à sa mère, une cinéaste célèbre d’origine indienne mais non musulmane, elle a des liens au moins culturels avec le Qatar…

Le 8 octobre 2023, le jour qui suit le massacre, Mamdani, qui n’a pas encore entamé sa campagne électorale, écrit un tweet révélateur où il « pleure les centaines de personnes tuées en Israël et en Palestine ». Déploration universelle, aucune critique du Hamas. Nous savons quoi penser de ces discours englobants et faussement empathiques. 

Le lendemain, le 9 octobre, Mamdani prend la parole; c’est à Times Square, au cours d’une manifestation promue sinon organisée par le DSA, son mouvement, manifestation ignoble où on a beaucoup plaisanté sur le massacre des Israéliens. Mamdani reste dans des généralités ambiguës sur la nécessité de continuer la lutte…

Plus tard pendant sa campagne, il s’est dépeint en pacifiste opposé à toutes les violences, y compris celles du Hamas, et a déclaré du bout des lèvres et sous conditions qu’il acceptait l’existence d’Israël.  Mais il suffit d’écouter le rabbin Amiel Hirsch de New York qui, plein d’espoir, l’avait approché avec ses collègues libéraux pour créer des ponts avec lui et qui a constaté que la vérité de l’homme est malheureusement dans un rejet existentiel d’Israël, celui que résument les deux phrases  «de la rivière à la mer» et «globaliser l’intifada». Tel est le si sympathique Zohran Mamdani. 

Solutions faciles et illusion humaniste

Chez des électeurs en précarité économique, étranglés par le prix des loyers, furieux contre le coût des transports et de l’alimentation, en colère contre les insuffisances de l’école et des services de santé et ressentant par ailleurs des discriminations du fait de leur origine ethnique, le succès de la candidature de Mamdani est logique: un homme jeune, compétent et empathique leur proposant des solutions faciles à comprendre qui vont changer leur vie. Les positions de Mamdani par rapport au conflit israélo-palestinien ne sont évidemment pas leur souci essentiel. Il est à remarquer néanmoins que du fait de l’efficacité du battage médiatique propalestinistien, la notion de convergence des luttes leur devient de plus en plus naturelle. Une des grandes victoires du nouveau maire de New York est malheureusement d’avoir contribué à renforcer ce lien aux yeux du public. Ceux qui craignaient que son hostilité à Israël ne nuise à sa campagne n’ont peut-être même pas eu besoin de s’inquiéter !

Pour les personnalités politiques de New York qui n’avaient jamais caché leur judaïsme et leur soutien à Israël (Chuck Schumer, Jerry Nadler, le contrôleur de la ville Brad Lander entre autres), ils se sont sentis obligés de composer et, avec des intensités diverses et des critiques plus ou moins virulentes, plutôt moins que plus, ils ont «endossé» la candidature de Zohran Mamdani. Ils témoignent de l’affaiblissement de l’aile classique et modérée du camp démocrate dont, suivant un processus bien connu en politique, les coups de boutoir de l’administration Trump risquent d’accélérer la progressive marginalisation. Il n’est que de constater les critiques qui ont été émises envers Chuck Schumer, chef de la minorité démocrate au Sénat des Etats Unis, jugé responsable par sa faiblesse de la défection de huit sénateurs qui a permis un accord de sortie mettant fin à la fermeture partielle du gouvernement fédéral, la plus longue de l’histoire américaine. L’anti-trumpisme radical s’accorde tellement bien avec l’antisionisme radical.

La victoire de Mamdani est une lourde défaite pour le judaïsme new yorkais. Un tiers des électeurs juifs ont pourtant voté pour lui. Parmi eux, il y a les compagnons de route du pire, Jewish Voice for Peace et ses émules, quelques membres des Satmar (une partie de la branche dite aronienne), et ceux, nombreux,  qui ont toujours voté pour le candidat démocrate quel qu’il fût et qui auraient estimé que voter contre lui aurait été une trahison de leurs traditions familiales. Il y a ceux qui ne pouvaient pas voter pour M. Cuomo, bien qu’il eût été l’un des meilleurs gouverneurs de l’époque du Covid, parce qu’il est catalogué comme harceleur sexuel, alors qu’il n’a jamais été condamné et que le détail des accusations portées contre lui — aux yeux d’un observateur européen un peu (trop ?) indulgent à l’égard du « beaufisme » culturel de la génération passée — relève d’une remarquable insignifiance. Il y a aussi ceux qui privilégient la défense des opprimés à la survie d’un Israël dont ils n’apprécient pas le gouvernement.

Il y a enfin le plus inquiétant, les jeunes Juifs qui ont voté en majorité pour Mamdani par illusion humaniste. C’est là que réside l’avenir du judaïsme américain et de sa relation avec Israël. C’est là qu’il lui est urgent de se reprendre. C’est là que, par contraste, le judaïsme français se trouve probablement en meilleure posture.

Je n’ai pas compétence à savoir si les solutions économiques de M. Mamdani pourront s’appliquer et si elles seraient efficaces. Beaucoup considèrent qu’elles entraîneront un marasme économique avec une fuite des élites en dehors de la cité. D’aucuns pensent même que des pays comme le Qatar seraient heureux de prendre les places laissées vides. Il en est qui estiment au contraire que Mamdani saura intelligemment négocier avec les autres décideurs tels la gouverneure de l’Etat de New York, dont l’accord lui est indispensable pour la plus grande partie des réformes qu’il propose. Quant au bras de fer qui se prépare avec l’administration Trump, certains pensent qu’il lui sera fatal. D’autres espèrent ou redoutent qu’il ne le légitime encore plus aux yeux de l’opposition au président américain.

Il est sûr que la campagne de renouvellement pour le poste de gouverneur de l’Etat de New York sera agitée et la très active Elise Stefanik, une alliée de Donald Trump qui s’est rendue célèbre au Congrès américain par ses questions incisives  aux présidentes  de prestigieuses universités américaines au sujet de l’antisémitisme sur les campus, espère devenir contre Kathy Hochul, l’actuelle gouverneure, la première républicaine à ce poste depuis plus d’une génération.

A lui seul Mamdani ne peut pas prendre de décisions qui nuisent politiquement à Israël. Il ne peut pas par exemple, quoi qu’il prétende, faire arrêter M. Netanyahu si celui-ci vient à passer à New York : c’est là un privilège fédéral. 

Il est par ailleurs trop intelligent pour laisser filer sans réagir un antisémitisme d’origine propalestinienne trop voyant. Quelles que soient ses pensées à ce sujet, il n’a jamais été mis en situation flagrante d’expressions antisémites et il veillera à son image consensuelle parce qu’elle sert ses objectifs antisionistes.

Mais il fera tout pour nuire à Israël sur le plan idéologique, culturel et si possible commercial. Il ne manque ni de créativité, ni de détermination et ses soutiens populaires, intellectuels et artistiques sont nombreux. Les amis d’Israël à New York et au-delà ne pourront pas rester passifs devant le narratif antisioniste et « génocidaire » qu’il cherchera à banaliser. Mamdani peut jouer un rôle majeur dans le regard de la prochaine génération américaine envers Israël et chacun comprend comme ce regard est important.


[1] Socialistes démocrates d’Amérique

Penser le climat sans apocalypse: la leçon de Bill Gates

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Bill Gates à la Maison-Blanche, Washington, 4 septembre 2025 © Alex Brandon/AP/SIPA

Le fondateur de Microsoft estime qu’il ne faut pas se focaliser uniquement sur la réduction des émissions et la température


Il y a quelques années encore, Bill Gates tenait un discours alarmiste sur le réchauffement climatique. Dans son livre Climat. Comment éviter un désastre (2021), il le présentait comme l’un des plus grands périls de notre temps et appelait à une mobilisation mondiale pour prévenir une catastrophe planétaire.

Mais, à la veille de la récente COP30, le fondateur de Microsoft a publié sur son site Gates Notes un texte au ton sensiblement différent. Sans minimiser la réalité du réchauffement, il s’en prend désormais aux prophéties d’effondrement qui annoncent « la mort de l’humanité ». Cette inflexion n’a pas échappé à Donald Trump, qui s’en est aussitôt félicité sur son réseau Truth Social : « Bill Gates a finalement admis qu’il avait complètement tort sur la question [climatique]. » Une lecture pour le moins trompeuse. Gates n’a nullement renié les conclusions des recherches actuelles sur le climat : il reconnaît pleinement que le réchauffement climatique aura des effets délétères, en particulier pour les plus pauvres. Mais il souligne qu’il n’entraînera pas la disparition de l’humanité et rappelle que « même si le changement climatique touchera davantage les pauvres que quiconque, pour la grande majorité d’entre eux, ce ne sera pas la seule ni la plus grande menace pour leur vie et leur bien-être. Les plus grands problèmes restent la pauvreté et les maladies ».

Il en conclut que la lutte contre le réchauffement climatique ne doit pas se faire au détriment de celle contre ces fléaux, qui se combattent, précise-t-il, par l’innovation technologique et la croissance économique. Cette position a indigné de nombreux militants, prompts à y voir une dangereuse banalisation de la situation climatique. Pourtant, force est de reconnaître que Gates marque un point : aujourd’hui encore, on meurt davantage de pauvreté et des maladies associées que de chaleur et même d’événements météorologiques extrêmes. Il a donc le mérite de rappeler que le réchauffement climatique n’est pas la seule urgence et qu’il serait absurde de le combattre au prix d’un monde plus pauvre.

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🎙️ Podcast: Libération de Boualem Sansal; commémoration de l’attentat du Bataclan

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Capture d'écran, La Grande Librairie: Emission spéciale Boualem Sansal, France 5 et france.tv, le 12 novembre 2025.

Avec Ivan Rioufol et Jeremy Stubbs.


La libération de Boualem Sansal est une très grande nouvelle. Mais le fait qu’il a fallu l’intervention de l’Allemagne pour qu’elle se produise est, pour Ivan Rioufol, le signe d’une déroute de la diplomatie française. Le président Macron a eu tort de dire que l’écrivain avait été « gracié », car étant innocent de tout crime, il ne pouvait pas être gracié. Avec une très grande mauvaise foi, la gauche et le centre ont prétendu que, jusqu’ici, l’obstacle à cette libération était l’attitude combattive de l’ancien ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Pourtant, l’approche préconisée par ce dernier n’a jamais été adoptée. Dans ses relations avec l’Algérie, il faut plutôt que la France quitte cette posture angélique et naïve et se montre moins capitularde.

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Cette semaine a vu aussi la cérémonie de commémoration des dix ans des attentats du 13 novembre 2015. Le gouvernement semble toujours manquer de lucidité concernant l’islamisme qui, aujourd’hui, a fini par prendre racine en France. On doit néanmoins reconnaître que le président de la République, malgré les envolées lyriques assez prévisibles de son discours, a désigné clairement l’ennemi : le terrorisme djihadiste.

«La Walkyrie» à l’Opéra de Paris: Wagner trahi!

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"La Walkyrie" à l'Opéra Bastille 2025 © Herwig Prammer / Opéra national de Paris

Une distribution exceptionnelle, une réalisation scénique navrante d’insignifiance : à l’Opéra de Paris la médiocrité de la mise en scène de La Walkyrie profane l’éblouissante prestation vocale des interprètes.


Mais de quelle rage souffrent donc les metteurs en scène engagés par l’Opéra de Paris pour s’emparer des ouvrages wagnériens afin de les saccager sans scrupules, de dénaturer l’essence même des livrets et des partitions, de ridiculiser ou de trahir leurs personnages, de gommer systématiquement, ici le merveilleux chrétien, là le souffle des mythes germaniques, de conduire enfin le spectateur à devoir fermer les yeux pour ne pas avoir à subir tant d’imbécillités et d’incohérences accumulées ?  

Qui sont-ils ces tâcherons galonnés se faisant les dents sur un Wagner qu’ils paraissent haïr en demeurant imperméables à sa musique, qui doivent se penser audacieux et iconoclastes quand ils ne sont que pitoyables et ridicules ? Qui n’ont le plus souvent ni le talent, ni l’envergure intellectuelle pour incarner les révolutionnaires qu’ils aimeraient tant être ?

Les faux prophètes

Saison après saison, l’Opéra de Paris semble s’être fait une spécialité de ces faux prophètes qui semblent n’avoir pris connaissance des ouvrages dont ils ont la charge qu’au moment de la commande. Parsifal, Lohengrin, une précédente et calamiteuse production de la Tétralogie, et tout récemment encore L’Or du Rhin en ont été les victimes expiatoires. Sous couvert de visions apocalyptiques ou de lectures politiques qui sont depuis longtemps la tarte à la crème des ennemis jurés du wagnérisme, on accumule les clichés en vogue dans leur monde semi cultivé. On avance, pour justifier les réalisations les plus horripilantes, des arguments de notaires voltairiens ou d’histrions marxistes afin de ne servir jamais que les propres obsessions des metteurs en scène, et cela à grand renfort de professions de foi messianiques.   

Ce qui est sûr, c’est que la plupart d’entre eux paraissent ne rien comprendre à l’univers wagnérien et trahissent allégrement la musique. Il ne faut effectivement pas se bercer d’illusions sur leur savoir artistique et musical. Bien souvent, ils n’ont construit leur identité que par l’outrance ou la dérision. Et leur analyse sur des idées fumeuses, mais qui ont l’heur d’être dans l’esprit du temps.

Ils semblent n’apprendre à connaître les ouvrages qu’ils vont devoir mettre en scène qu’au moment où on a la faiblesse de leur en passer commande. Et faute de s’être pénétrés durant des années d’une musique qui n’aura jamais mûri en eux, ils n’en offrent le plus souvent qu’une écoute immédiate, superficielle et convenue. Ils ne sont en réalité que les thuriféraires d’un nouvel académisme où le concept foireux ne fait rien d’autre que de remplacer les peaux de bête des héros barbus d’autrefois et les casques ailés de plantureuses walkyries.

Bancale, incohérente, anecdotique

Avoir commandé la réalisation scénique de l’ensemble du Ring à l’Espagnol Calixto Bieito qui avait à peu près réussi une mise en scène de Carmen en 2017, c’est un peu comme si l’on avait donné la direction d’un restaurant étoilé à une ménagère sévillane sachant réussir un gazpacho andaluz.

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Sa mise en scène de La Walkyrie ne mérite pas qu’on s’y attarde longtemps. Elle est trop bancale, trop incohérente, trop anecdotique. Ennuyeuse et sotte en deux mots, mais de cette sottise savantasse qu’on porte haut et fier en se donnant le sentiment d’enrichir l’univers wagnérien de conceptions radicalement nouvelles. Déjà la mise en scène de L’Or du Rhin, et en plus lourdingue encore, portait toutes les incongruités dont on est accablé dans La Walkyrie. Ce décor énorme et sans grandeur, ces masques à gaz, ces bonbonnes d’oxygène et ces tuyaux hideux qui prétendent dénoncer une apocalypse à venir ou déjà survenue : ce n’est même plus révoltant, car on peut avoir vu pire encore, mais cela végète à un niveau dérisoire de déjà vu cent fois. 

Entre martien égaré et grenouille verte

A la tête de l’Orchestre de l’Opéra, magnifique d’homogénéité, Pablo Heras-Casado est parfaitement éloquent dans les registres du lyrisme ou de la tendresse. Curieusement, toutefois, au cours des pages les plus épiques de La Walkyrie, la noire tempête du prologue, l’angoissante approche de Hunding au deuxième acte ou la folle chevauchée des filles de Wotan, il manque singulièrement de souffle et de puissance. Curieusement, parce qu’on ne peut imaginer qu’une telle puissance dramatique ne puisse fouetter davantage le sang d’un chef d’orchestre talentueux.

Les artistes lyriques ont-ils conscience de ce que l’on leur fait faire en tant qu’acteurs ? S’il est difficile de les imaginer se sortant indemnes d’une production qui accumule les clichés, les contorsions inutiles, cette vaine et perpétuelle agitation derrière laquelle un metteur en scène croit pouvoir masquer son impuissance, il est plus douloureux encore de voir les rôles féminins, les trois principaux surtout, desservis par des costumes pensés et voulus laids, alors que celles qui en  sont affublées déploient des voix magnifiques : Sieglinde en gros godillots et robe informe de ménagère allemande pauvre, Brünnhilde sous une énorme crinoline couleur saphir, puis dans des collants qui n’occultent rien de ses proportions hors-normes, Fricka en Belphégor de feuilleton et en tunique bleu électrique, alors que les huit walkyries, avec leurs tenues et leurs masques à loupiottes couleur d’absinthe, tiennent à la fois du martien égaré et de la grenouille verte.

Photo: Herwig Prammer / OnP

Des voix somptueuses

Il n’était pas nécessaire d’imposer à la Brünnhilde de Tamara Wilson cet air de bonne grosse fille un peu simple qui la fait ressembler à Bécassine débarquant chez Madame de Grand-Air, alors que le livret la chante en héroïne sublime. Ni de lui imposer une sourde confrontation avec Siegmund évoquant une lutte entre sumos. Ni de camper la Sieglinde d’Elza van den Heever tenant en joue un Siegmund tout pantelant avec une méfiance haineuse de fermière texane suprémaciste face au métèque de passage. Ce sont des gadgets imbéciles qui ne font que confirmer le manque d’ampleur des concepteurs de la mise-en-scène. Cependant, l’interprète de Hunding, Günther Groissböck, se révèle être un remarquable acteur, sans qu’on sache s’il doit cela à son seul talent ou à une subite lueur apparue dans le cerveau du démiurge. Son personnage fascisant est terriblement inquiétant tout autant que misérable. Et l’une des rares facettes intéressantes de la mise en scène est la façon appuyée dont on dénonce la violence faite aux femmes : violence physique de Hunding s’exerçant sur Sieglinde, mais aussi violence arbitraire du maître suprême, Wotan, sur sa fille préférée. Il est vrai que c’est dans l’air du temps et que ce n’est peut-être là que pour se montrer politiquement correct. Toutefois cette violence confère à la mise en scène quelque chose de sombre et de désespérant qui confère plus de poids encore à la détresse de Sieglinde avant qu’elle ne rencontre Siegmund, son frère et amant, puis à celle de Brünnhilde que son père veut punir en livrant son corps de vierge combattante au premier venu.

Uniformément magnifiques de bout en bout de l’ouvrage, Elza van den Heever et Tamara Wilson parviennent au sublime. L’une au moment où Sieglinde se sépare de cette sœur inconnue qui l’a sauvée, l’autre quand Brünnhilde, d’un dernier cri déchirant, parvient à infléchir Wotan. Ce dernier, interprété superbement ce soir de première par Christopher Maltman, est aussi victime d’une direction d’acteur qui ne grandit pas le personnage. Il sera malheureusement remplacé lors des autres représentations par le titulaire du rôle, Iain Paterson, qui n’a guère brillé dans L’Or du Rhin.

Face à Sieglinde, à Hunding, à Brünnhilde, le Siegmund de Stanislas de Barbeyrac est d’une vaillance sans faille. Même s’il mériterait que s’affine encore son jeu théâtral, sa voix admirable, puissante et douce, module aussi bien la détresse absolue que la félicité fugace, le courage autant que la tendresse. Il rejoint l’héroïque cohorte des grands interprètes du plus beau et du plus attachant des personnages du Ring.

La Walkyrie. Opéra de Paris-Bastille. Jusqu’au 30 novembre 2025

Vive le gras!

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© Rina Nurra, Flammarion

Marion Chatelain signe un livre de recettes voluptueux: une véritable ode au bon gras ! Des charcuteries d’apéro aux desserts beurrés en passant par les bouillons, plats en sauce et feuilletés… ses textes et photos ouvrent furieusement l’appétit.


« On n’est pas sur le chemin de la minceur », dit Micheline à Maïté dans « La Cuisine des mousquetaires » lorsqu’il s’agit de détailler les ingrédients du gratin landais… Mais une chose est sûre, en lisant Le gras c’est la vie !, on est sur le chemin de la volupté. Marion Chatelain connaît son rayon : cette designer et créatrice d’événements culinaires sait transmettre sa passion pour la bonne chère. Et son livre fourmille de remarques, d’anecdotes, de rencontres et de recettes savoureuses.

Un pilier du goût

Pour elle, le « gras de terroir » est un pilier de l’architecture du goût ; il est donc indispensable au palais et présent dans l’histoire de chacun. « Mon obsession et ma fascination pour le(s) gras sont nées entre la Normandie, la Beauce et le Doubs, entre le jus gras de la saucisse de Morteau qui se mêlait à la purée et les cerises au kirsch jetées dans le beurre par ma grand-mère paternelle, entre les quartiers de citron pressés dans le beurre noisette de la raie rôtie et la crème double, bien jaune, qui fondait sur la tarte aux pommes encore brûlante de ma grand-mère maternelle, sans oublier la teurgoule au lait cru qui patientait, encore et encore, dans son four tiède. »

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Cette randonnée (très) gourmande nous mène chez des charcutiers, des fromagers, des éleveurs, des agriculteurs… leur point commun, au-delà d’incarner un pan fondamental de notre patrimoine vivant, est que le fruit de leur travail se retrouve dans nos poêles, casseroles et marmites à côtoyer beurre, crème, graisses végétale ou animale afin de fondre, dorer et crépiter pour révéler toutes leurs saveurs.

Subtil

Les recettes confectionnées par Marion Chatelain et admirablement photographiées se comptent par dizaines. Impossible de rester insensible face à ses bocaux de rillettes de canard, à ses gaufres au sarrasin et œuf mollet, à son os à moelle gratiné, à sa Morteau briochée, ses bouchées « cochonnes » nappées de sauce au vin blanc crémée…

Les asperges sont frites façon tempura, les Saint-Jacques sont colorées au beurre, les ravioles de crevettes se marient à une crème infusée au lard fumé, le bretzel révèle un cœur de fromage coulant, le camembert est rôti au calva… Quant aux desserts, à vous de les découvrir.

Loin, très loin du gros gras qui tache, ces recettes se distinguent par la subtilité des goûts associés, par la finesse des légumes et des herbes ciselées, par l’équilibre des textures complémentaires. Au fil des pages, et des bouchées, on est convaincu que le gras mérite d’être considéré comme le « 6e goût », au même titre que le sucré, le salé, l’acide, l’amer et l’umami. On apprend d’ailleurs que des chercheurs lui ont trouvé un nom sérieux : oleogustus (du latin oleo, huileux, et gustus, goût). De quoi inspirer de nouveaux chapitres et de nourrir de futures régalades.

Le gras c’est la vie !, Marion Chatelain, Flammarion, 2025. 192 pages

Mbappé: entre primes et déprime

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La superstar de l'Equipe de France a marqué deux buts face à l'Ukraine au Parc des Princes, hier soir à Paris © Gabrielle CEZARD/SIPA

Kylian Mbappé et le PSG ont rendez-vous aux prud’hommes de Paris lundi prochain


On se souvient qu’un professeur de français avait utilisé le nom de Mbappé pour par procédé mnémotechnique enseigner à ses élèves une règle d’orthographe : il ne faut jamais un N mais toujours un M devant M, B et P, les trois consonnes de Mbappé. Ce professeur de lettres s’en est tiré à bon compte, le joueur ne lui a réclamé aucun droit d’auteur. Car avec les chiffres Kylian Mbappé jongle aussi facilement qu’avec un ballon, toujours à l’affût pour faire fructifier son compte en banque.

Aujourd’hui il attaque son ancien employeur, le PSG, et multiplie les actions devant les Prud’hommes. Aurait-il été victime de discrimination, de harcèlement sexuel ou moral, motifs qui font l’ordinaire du Conseil prud’hommal ? Non pas. Au menu, il y a une soupe, dans laquelle le joueur crache, et des salades où le club a mis trop de vinaigre.

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Flash-Back. Lors de la saison 23/24, pour qu’il prolonge son contrat afin de le revendre à prix d’or au Real Madrid (alors contraint de racheter le dit contrat), le PSG avait promis à Mbappé une ribambelle de primes (liées à l’éthique, aux résultats, à la pluie et au beau temps… primes qui ont surtout l’avantage ne de pas être soumises aux cotisations sociales…). Le joueur avait évidemment accepté, mais au final il n’a pas prolongé son contrat et il est parti au Real sans que le PSG touche un euro. Du coup le PSG n’a pas versé les primes.

D’où la déprime de Mbappé : il estime que le PSG n’a pas tenu parole, alors que le club soutient que le joueur n’a pas honoré ses engagements. Sur la forme, c’est une querelle d’épiciers, des calculs de maquignons, une bagarre de chiffonniers, mais vu les fonds en jeu, entre le joueur, multimillionnaire, et le PSG, propriété de l’émir du Qatar, c’est un problème de riches, un bras de fer en or. Si au début du feuilleton Mbappé réclamait 55 millions, lors du dernier épisode (diffusé le 17 novembre, lors d’une nouvelle audience devant le Conseil prud’hommal) il en exigerait maintenant 264 ! Ce ne sont pas les Prud’hommes qui devraient être saisis, mais le FMI, le Fonds Monétaire International.

Si d’aventure Kylian Mbappé obtenait (gros) gain de cause, il pourrait s’acheter un Ballon d’Or, récompense après laquelle il court depuis des années, un ballon en or… massif.

L’union, combien de divisions?

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Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, après leur entrevue avec Emmanuel Macron, à l’Élysée, 10 octobre 2025 © J.E.E/SIPA

Faire alliance avec le RN n’est plus un tabou. Certains ont franchi le pas avec Éric Ciotti, d’autres l’espèrent tel Éric Zemmour, mais chez les Républicains, déjà divisés par une guerre des chefs, une coalition avec Marine Le Pen est loin de faire l’unanimité. Une majorité de Français se dit pourtant favorable à un bloc de droite.


C’est l’Arlésienne de la politique française. L’union des droites, tout le monde en parle, mais on ne la voit jamais. Il faut dire qu’à l’exception notable d’Éric Zemmour, la plupart des dirigeants concernés n’en veulent toujours pas, malgré la séquence politique qui a sidéré les Français, fait ricaner à l’étranger et consterné économistes et chefs d’entreprise. L’implosion du gouvernement Lecornu I, résultat d’une bataille d’égos plus que de divergences idéologiques, a révélé la fragilité existentielle des LR. Pourtant, nombre de Républicains continuent d’exclure tout rapprochement avec le RN qu’ils feignent de confondre avec le FN. Il est vrai aussi que Marine Le Pen qualifie cette union de « fantasme réducteur ». En attendant, pour 55 % des électeurs LR, l’union est la seule voie susceptible de mener la droite au pouvoir : de LR au RN en passant par l’UDR et Reconquête, aucun n’a les reins suffisamment solides pour y parvenir en solitaire. La gauche socialiste et les Insoumis se délectent de voir le camp adverse incapable de s’unir. Eux qui n’hésitent pas à mêler leurs voix pour gagner des sièges guettent avec gourmandise les échéances de 2027 en se disant qu’avec pareille droite, le pouvoir est à portée de main. À moins que, comme l’observe Marianne, on assiste plutôt à « la fin d’un tabou » et à l’avènement d’un « front identitaire » en lieu et place du moribond front républicain. 

« Irresponsable »

Les LR sont plus divisés que jamais. Et pas franchement sur des questions doctrinales. Le chef du parti, Bruno Retailleau, a du mal à « cheffer », comme aurait dit Chirac – son véto à toute participation au gouvernement Lecornu II n’a pas empêché plusieurs de ses lieutenants d’accepter un ministère. Quant à Laurent Wauquiez, le chef du groupe à l’Assemblée, il prend le contrepied de son rival. Ainsi a-t-il opéré un tête-à-queue sur la réforme des retraites avec une facilité déconcertante. « Envisager de revenir sur la réforme des retraites sans proposer la moindre piste de financement, c’est irresponsable », disait-il en janvier dernier. En mai, il appelait les Républicains à « ne pas se diluer dans le macronisme ». Depuis que Bruno Retailleau a quitté le gouvernement, il est farouchement opposé à la censure. À la mi-octobre, il a refusé de voter la motion de censure du RN. « Nous nous engageons à des compromis nécessaires pour que les lois indispensables soient adoptées, pour que la France ne soit pas bloquée », s’est-il justifié. D’autres dirigeants y sont favorables comme David Lisnard. D’ailleurs, Alexandra Martin, la seule députée LR (Alpes-Maritimes) à avoir voté les motions de censure RN/UDR et LFI, est l’une de ses proches. « Si j’étais député, j’aurais voté la censure », affirme François-Xavier Bellamy, député européen LR. Florence Portelli, maire LR de Taverny, déclare la même chose, tout en déplorant ces « divisions ». « Il y a un clivage entre le parti (les militants et les fédérations) et les parlementaires qui considèrent qu’il fallait donner sa chance au produit Lecornu », dit-elle bizarrement, à la manière des gars du Sentier de La vérité si je mens.

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Autant dire que l’opinion ne comprend pas grand-chose aux tempêtes qui secouent les Républicains. « LR, j’ai du mal à suivre », ironise Marine Le Pen. « Wauquiez et toute la smala ont protégé Macron, on ne peut pas travailler avec ces gens-là », tranche le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy.

Finalement, le seul point sur lequel la majorité des élus et responsables LR s’accordent encore, c’est pour refuser l’alliance avec le RN, jugé trop à gauche économiquement. Et les Français dans l’histoire ? Qui les écoutera, eux qui sont 52 % à se dire favorables à un gouvernement de coalition des droites (sondage IFOP pour Valeurs actuelles[1]) ? Médusés par ce spectacle incompréhensible ne savent plus à quel saint se vouer[2]. Oubliant qu’eux aussi ne sont pas d’une cohérence de fer : après avoir pesté et manifesté contre la réforme des retraites, beaucoup s’étranglent de voir Macron y renoncer (ou faire semblant).

Qui est pour qui est contre ?

Dans ce paysage, deux personnalités se déclarent nettement en faveur de l’union, outre Éric Zemmour et Sarah Knafo : Éric Ciotti, fondateur en 2025 de l’Union des droites pour la République (UDR), et Marion Maréchal (Identités et libertés) qui ne cesse de plaider pour le modèle italien.

« L’heure est venue de briser le cordon sanitaire et d’unir toutes les forces de droite, écrit Ciotti sur le site de son parti. Nous portons une alternative solide, fondée sur l’autorité, la liberté et l’identité. » De son côté, Marion Maréchal estime que « Georgia Meloni obtient un succès de gouvernement parce qu’elle a rassemblé toutes les droites ». Et la députée européenne de détailler : « C’est comme si en France, une partie d’Horizons [le parti d’Édouard Philippe] travaillait avec le RN, LR, DLF [Debout la France, de Nicolas Dupont Aignan] et Reconquête. » Le parti d’Éric Zemmour prône une union circonstanciée, sur un dénominateur commun : l’immigration et le budget. Et Reconquête vient d’investir 577 candidats en vue d’une dissolution, en se disant prêt à des désistements en cas d’accord avec le RN, LR ou Nouvelle Énergie de David Lisnard.

Cependant, au-delà de ces avocats de longue date du rassemblement à droite, les lignes bougent. En octobre, une alliance tactique s’est formée entre le RN, des macronistes et des LR, permettant au parti de Marine Le Pen de récupérer deux vice-présidences au bureau de l’Assemblée nationale. Cette entorse au sacro-saint front républicain a bien sûr suscité l’ire de la gauche. À vrai dire, l’appel au barrage commence à avoir du plomb dans l’aile. À LR, quelques personnalités font entendre leur petite musique : « Commençons par écrire le pacte de gouvernement et nous verrons si l’union est possible. J’ouvre la porte à une discussion programmatique rassemblant toutes les droites », déclare David Lisnard à Valeurs actuelles. « Bien sûr qu’il faut s’allier avec Sarah Knafo », affirme pour sa part Alexandra Martin. Reste à convaincre les apparatchiks. Et ça, c’est loin d’être gagné.

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Sophie Primas, ex-sénatrice LR des Yvelines et ex-porte-parole du gouvernement Bayrou l’a appris à ses dépens. Après avoir déclaré sur RTL « Nous n’avons pas que des désaccords avec le RN », elle doit dès le lendemain faire repentance sur son compte X : « De tout temps, opposée à l’Union des droites, je n’ai jamais changé de position. L’esprit de mon propos était d’indiquer qu’à ce moment épineux de notre vie politique, nous avons un impératif besoin de trouver une voie pour donner un budget à la France. » À l’évidence, elle s’est fait taper sur les doigts. Son ancien collègue Roger Karoutchi n’a pas les mêmes pudeurs. « Plutôt RN que LFI », lance le sénateur LR des Hauts-de-Seine. Mais ces rares et timides avancées vers une union se heurtent à des résistances solidement ancrées chez les Républicains, restés en ce sens très chiraquiens. « L’union des droites est un mirage », tranche l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

Éric Ciotti à Levens pour promouvoir l’union des droites, 31 août 2025. SYSPEO/SIPA

La valse-hésitation des élus LR montre que le fameux « cordon sanitaire » théorisé par François Mitterrand et mis en place par Jacques Chirac en 2002 a la vie dure. Dans son dernier livre, Je ne regrette rien (Fayard), Éric Ciotti dénonce « le piège mitterrandien » qui pousse la droite à nouer des accords électoraux avec la gauche plutôt qu’avec le RN, comme on l’a encore vu en 2024 au Havre quand Édouard Philippe a favorisé l’élection du communiste Jean-Paul Lecoq contre la candidate RN. Cependant, la valse-hésitation des Républicains s’explique moins par des considérations morales que par une appréciation tactique : si l’union des droites les effraie, c’est parce que leur parti n’est pas en position de force pour négocier. Henri Guaino le reconnaît : « Si on parlait d’un programme commun, il serait à 90% RN. Ce ne serait pas une union mais une absorption ! » L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy rêve de voir renaître « un parti gaullo-bonapartiste », mais le problème dit-il, c’est qu’« il n’y a personne pour l’incarner ».

« Un cadeau empoisonné »

Le projet de réunion des droites françaises n’est pas nouveau. Il remonte aux années 1960 avec l’Union pour la nouvelle République (UNR), ancêtre des Républicains, qui visait à rassembler les forces gaullistes et conservatrices. Six décennies plus tard, l’idée continue de hanter le microcosme, mais peine à se concrétiser. Pourtant, ça marche ailleurs : en Italie, en Croatie et en Finlande, les partis ont fini par s’allier pour gouverner. Qu’est-ce qui empêche la droite française d’en faire autant ? Nos institutions, répond en substance le politologue Dominique Reynié : « L’élection présidentielle est un cadeau empoisonné. Elle empêche tout compromis. Elle amène tous les acteurs à jouer leur partition seuls. Il n’y a plus d’esprit national[3]. »

Quant au RN, malgré le mépris affiché par Marine Le Pen pour cette alliance des droites, il est ouvert à des alliances locales, comme l’a montré en octobre le retrait de Stéphane Ravier (proche de Reconquête) en faveur d’un candidat LR à Marseille. Toutefois, Marine Le Pen continue de rejeter tout rapprochement avec LR qu’elle accuse de proximité avec Emmanuel Macron. Les récentes prises de position de Laurent Wauquiez ne la feront pas changer d’avis. Si elle était finalement empêchée de se présenter, le plan B du RN, B comme Bardella serait sans doute plus enclin à nouer des alliances.

Paradoxalement, c’est peut-être la cacophonie au sein des Républicains qui pourrait pousser certains d’entre eux, de guerre lasse, à se tourner vers leur droite (selon la géographie de l’Hémicycle). Le risque étant, sinon, que LR se retrouve dans la configuration inverse de celle de 2007, quand Nicolas Sarkozy avait réussi à siphonner les voix du FN. Si la droite refuse de prendre en charge les demandes de ses électeurs, il se pourrait que ce soit le RN qui siphonne les voix de LR. Un retournement de situation qu’affectionne l’histoire politique.


[1] Toujours selon l’IFOP pour VA, ce soutien atteint 82 % chez les sympathisants de LR, 91 % chez ceux du RN et 100 % chez les partisans de Reconquête. Plus étonnant, 41 % des électeurs Renaissance se déclarent aussi favorables à une telle coalition.

[2] Les sondages se suivent et se contredisent : selon Elabe pour BFMTV, 56 % des Français ne souhaitaient pas la censure du gouvernement au lendemain du discours de politique générale de Sébastien Lecornu. Mais selon CSA pour CNews, Europe1 et Le JDD, ils étaient 68 % à réclamer une présidentielle anticipée.

[3] Sur Radio Classique, le 17 octobre.

Je ne regrette rien: L'heure est venue de dire pourquoi

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Commémorations du 13-Novembre: une barbarie toujours recommencée

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Paris, 13 novembre 2025 © Stephane Lemouton/SIPA

À Saint-Denis puis à Paris, un hommage a été rendu hier aux 132 victimes des attentats islamistes du 13 novembre 2015. En début de soirée, le président Emmanuel Macron a inauguré un jardin mémoriel (notre photo) sur la place Saint-Gervais, à proximité de l’Hôtel de Ville de la capitale. Il est temps de relever la tête, affirme Charles Rojzman. Il est temps de reconnaître que toutes les cultures ne se valent pas. Il est temps de combattre l’islamisme qui s’enracine sur notre sol.


Le rituel se répète : gerbes déposées, visages fermés des autorités, discours calibrés, violons qui pleurent comme s’ils pleuraient pour nous, pour masquer l’essentiel. Les commémorations officielles des attentats du 13 novembre ressemblent de plus en plus à une liturgie républicaine sans foi, sans courage, sans vérité. Quelques minutes de silence, un dépôt de fleurs, et l’on se félicite d’avoir « tenu bon ».

Mais dans cette parole officielle, un mot se dérobe, un mot que l’on enfouit sous des euphémismes : l’islamisme.

Lente fatigue morale

Ce ne sont pas des « exclus », des « paumés », des « déséquilibrés » qui ont criblé Paris de balles et transformé des terrasses en morgue : ce sont des soldats d’une idéologie millénaire, patiemment nourrie, patiemment justifiée, patiemment importée.

On commémore, mais on ne nomme pas. On pleure, mais on ne comprend pas.
On s’incline, mais on ne se relève pas.

Comme si nommer l’islamisme constituait un blasphème dans une société qui préfère commémorer ses morts que protéger ses vivants. Comme si la République avait peur d’elle-même. Peur de rompre avec ses fictions, ses illusions d’un « vivre-ensemble » dont les plus lucides savent déjà qu’il n’existe que dans les brochures ministérielles.

C’est ici que commence le retour de la barbarie.

Non seulement dans les actes terroristes eux-mêmes — ils sont la pointe du glaive — mais dans ce renoncement préalable, dans cette lente fatigue morale qui consiste à éviter le mot juste, à diluer la réalité dans la compassion institutionnalisée.

Car les violences collectives issues du monde arabo-musulman ne surgissent jamais de manière soudaine. Elles ne sont ni des accidents de l’histoire ni des éclats imprévisibles. Elles sont patiemment préparées, longtemps à l’avance, dans le silence des frustrations accumulées, dans les replis amers des ressentiments communautaires. Elles germent dans les failles de sociétés fracturées, rongées de l’intérieur par la défiance, le mépris mutuel, la haine contenue.

Lorsque l’économie vacille, que les structures sociales se disloquent, que les élites perdent toute légitimité, les sociétés cherchent un point d’ancrage. Ce besoin d’identité devient obsessionnel. Et lorsqu’il n’est pas satisfait de manière saine — par l’éducation, la culture, le débat — il se pervertit : identités rigides, mythes simplificateurs, fabrication d’ennemis.

Régressions

On désigne l’hérétique, l’apostat, le riche, le Juif, l’Occidental, la femme trop libre, la laïcité. Peu importe la cible, ce qui compte, c’est la haine comme anesthésiant, comme certitude.

Ces révoltes ne sont pas les signes d’une avancée démocratique. Trop souvent, elles accouchent de régressions. Derrière la colère contre l’injustice se cache parfois une soif de soumission.

Les printemps arabes ont vu naître, après l’espoir, des automnes islamistes. L’histoire européenne a montré que la colère des peuples peut engendrer le fascisme.

Ces « révolutions » n’éveillent pas les consciences : elles les endorment. Elles rejettent l’autorité au nom de la liberté, mais pour mieux adorer ensuite un gourou, un Prophète de substitution, une Vérité révé­lée. Elles crient à l’émancipation tout en réclamant l’idéologie qui pense à leur place. Ce n’est pas un progrès : c’est une démission, une abdication, une régression spirituelle.

La haine est fille de l’humiliation. Mais elle devient poison lorsqu’elle se fait doctrine. Dans un monde désorienté, la pensée complotiste est une drogue douce: elle rassure, elle simplifie, elle déresponsabilise. Mais surtout, elle rend la violence légitime.

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Le fanatisme religieux n’a pas le monopole du mal. Le mal s’habille de toutes les couleurs : croix gammée, faucille, croissant. Les djihadistes invoquent le Coran comme les nazis invoquaient la Germanie éternelle. Boko Haram — « l’éducation occidentale est un péché » — ne dit rien d’autre que les Croisés exaltés ou les révolutionnaires de la Terreur : penser est un crime, la nuance une hérésie.

Ce n’est pas une lutte pour la justice : c’est une revanche contre la complexité, contre la liberté d’être autre. Une guerre contre les Lumières et la dignité humaine.

Frapper un policier, incendier une voiture, décapiter un enseignant, mitrailler une foule dans une fosse de théâtre ou sur des terrasses de café : voilà le visage moderne de la barbarie. Ce ne sont pas des actes de courage, mais de lâcheté.

Et que certains intellectuels les excusent au nom d’un antiracisme dévoyé est une trahison — la plus grande.

Meutes lâches

Le fanatique ne s’attaque jamais aux puissants réels : il vise les faibles, les isolés, les enseignants, les symboles. Il hait ce qu’il désire mais n’atteint pas : la liberté, la connaissance. Il agit en meute, comme les lâches. Son idéologie n’est qu’un alibi : ce qu’il aime, c’est détruire.

Et nous, durant ce temps, reculons. Nous hésitons à enseigner Voltaire. Nous craignons de nommer l’islamisme de peur d’être accusés d’islamophobie. Nous appelons « culture » des traditions qui justifient le viol ou l’excision. Nous transformons l’école en champ de bataille idéologique. Nous acceptons, au nom de la tolérance, l’intolérable.

La question de la barbarie est aussi est ici, chez nous : dans les rues d’Europe où l’on crie From the river to the sea sans comprendre que cette phrase signifie l’effacement d’un peuple. Dans les universités américaines où l’on célèbre le Hamas comme on célébrait jadis Che Guevara. Dans les plateaux télé où les journalistes, bardés de moraline, accusent Israël d’être ce qu’ils n’ont pas le courage de nommer ailleurs : un rempart.

Le 7 octobre n’a pas seulement révélé la barbarie des tueurs : il a révélé notre propre barbarie douce — celle du déni, du relativisme, de la lâcheté. Nous sommes devenus les clercs du renversement moral : ceux pour qui la culpabilité occidentale doit être payée par procuration. Et quoi de mieux, pour expier, que de désigner Israël comme le miroir de nos crimes ?

L’Europe, lassée d’elle-même, se lave les mains dans le sang juif. Elle retrouve, sans le savoir, la vieille jubilation des temps obscurs : accuser le Juif pour ne pas se regarder.

C’est là le secret obscène du progressisme contemporain : il hait le Juif en se croyant antiraciste, il justifie le meurtre en se croyant humaniste, il adore la victime quand elle tue au nom du Bien.

Nous sommes à la croisée des chemins. Ce que nous voyons n’est pas un simple accès de violence, mais une bascule. Une menace directe contre ce que l’humanité a mis des siècles à construire.

Le fanatisme avance parce que nous reculons. Il est fort de notre faiblesse, de nos renoncements, de notre peur d’affirmer que certaines valeurs valent mieux que d’autres.

La barbarie revient, mais pas en haillons : elle revient avec micros, réseaux, tribunes, soutiens universitaires. Elle infiltre l’école, les médias, les institutions. Et ceux qui devraient la combattre la justifient. Il est temps de relever la tête. Il est temps de dire que toutes les cultures ne se valent pas. Il est temps de refuser. De combattre. Car le prix du silence est l’effondrement. Et le prix de la complaisance, la soumission. Le combat pour la civilisation n’est pas un luxe : il est vital. Le perdre, c’est condamner l’avenir.

La société malade

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