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Égalitarisme: Dostoïevski précurseur…

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Une pensée du génial écrivain russe, citée dans le dernier livre de Franz-Olivier Giesbert, m’a saisi par son absolue modernité, au point même d’annoncer ce qui allait bientôt survenir de pire dans notre société.

« La tolérance atteindra un tel niveau que les personnes intelligentes seront interdites de toute réflexion pour ne pas offenser les imbéciles ».

On n’en est pas encore là, mais cela viendra, car il devient difficile de résister à l’absurdité quand l’impuissance sert d’alibi aux dérives les plus inacceptables. Il n’y a vraiment pas de quoi rire avec la tolérance dénoncée par Dostoïevski, elle n’a rien à voir avec la saillie de Paul Claudel: « La tolérance, il y a des maisons pour ça ! »

Une plaie

La tolérance que dénonce le prophétisme de Dostoïevski renvoie à ce que nous observons aujourd’hui, dans le grave comme dans le ridicule: un refus obsessionnel de la moindre discrimination, dont l’ambition perverse est de tout niveler, d’égaliser, d’abaisser ce qui dépasse, de blâmer ce qui éblouit, et d’ériger la grisaille en unique philosophie acceptable.

Je suis convaincu qu’il ne faudra plus longtemps pour que l’évolution générale de notre démagogie nous conduise, pour ménager les imbéciles, à cesser de mettre en valeur « les personnes intelligentes ». À certains égards, toutes proportions gardées, c’est déjà la plaie de notre système scolaire, qui préfère abaisser le niveau global plutôt que de laisser apparaître une discrimination jugée intolérable entre bons et mauvais élèves. Il s’agit moins de favoriser l’excellence – tout en accompagnant les bonnes volontés limitées – que de veiller surtout à ne jamais désespérer la médiocrité.

A lire aussi, Franz-Olivier Giesbert: «Macron ose tout sauf le courage»

Ce délire de la non-discrimination touche désormais tout ce qui est vivant : les animaux – jusqu’aux rats qu’il faudrait soudain réhabiliter – les plantes, la nature majestueuse, passive et intouchable, tout ce qui existe sous le soleil. Et, bien sûr, l’être humain est particulièrement visé : il ne pourrait se prévaloir pleinement de cet attribut qu’à la condition d’avoir poussé l’humilité si loin que toute supériorité, même la plus légitime, en serait éradiquée.

Prenons aujourd’hui le triomphe de certains humoristes, portés paradoxalement par la qualité de ceux qui les écoutent ou les critiquent : parce qu’ils sont mauvais, qu’ils ne font pas rire, qu’ils pratiquent une politique de comptoir, que, par exemple, ils comparent la police ou la gendarmerie à Daech (Pierre-Emmanuel Barré sur Radio Nova1), et qu’ils doivent rire eux-mêmes de leurs plaisanteries faute d’avoir su les faire partager, on les porte aux nues. Leur réserver un autre sort serait, paraît-il, leur infliger une intolérable discrimination !

Les médiocres promus

Aujourd’hui, nous vivons presque exactement ce que Dostoïevski annonçait avec une foudroyante lucidité. On se moque plus volontiers de l’intelligence attribuée à quelqu’un – quel que soit le jugement que l’on porte sur lui par ailleurs – qu’on ne la salue. Comme s’il était devenu indécent de célébrer cette disposition désormais jugée suspecte, de peur de créer un hiatus choquant au sein du monde humain.

Ce fléau de la non-discrimination est tel que, dans l’univers politique, il explique en grande partie l’indifférence croissante envers la moralité publique. Dans un monde digne de ce nom, les vertus et les vices seraient clairement distingués, tout comme les condamnations et les innocences, les soupçons et les honnêtetés, l’éthique et les transgressions. Aujourd’hui, c’est l’inverse : pour éviter d’exercer une scandaleuse discrimination au détriment des ombres, on en vient à postuler que les lumières sont inconcevables. D’où la multiplication, à tous les niveaux, de candidatures, de fonctions et d’ambitions qui, loin d’être freinées par leurs imperfections pourtant évidentes, en tirent au contraire une forme de légitimation.

Dostoïevski est un génie. L’écrivain universel comme le prophète sombre…

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  1. https://www.europe1.fr/emissions/L-invite-de/la-police-et-la-gendarmerie-cest-daesh-avec-la-securite-de-lemploi-laurent-nunez-porte-plainte-contre-lhumoriste-pierre-emmanuel-barre-871495 ↩︎

Pas d’eau pour le G20?

Trop occupé à militer pour la Palestine, l’ANC, qui dirige la plus grande ville d’Afrique du Sud Johannesburg, a terriblement négligé le réseau de distribution de l’eau.


Les 22 et 23 novembre prochains, Johannesburg accueillera le G20. Annoncé comme « historique » par les autorités sud-africaines, le sommet sera guidé par le slogan « égalité, solidarité, durabilité ». En dépit de ces belles intentions, des petits fours et des jolies hôtesses corsetées qui les accueilleront, les grands de ce monde pourraient bien se trouver face à un problème de taille : les robinets à sec.

Depuis plusieurs mois, des quartiers entiers de la World class african city, selon le slogan fanfaronné par les autorités, sont régulièrement à court d’eau. Dans des quartiers tels que Soweto, Bertrams, Randburg ou Alexandra, les coupures durent parfois plusieurs semaines, obligeant les habitants à acheter de l’eau en bouteille pour se doucher ou pour tirer la chasse. Jusqu’à présent, Dada Morero, maire de la ville affilié à l’ANC (Congrès national africain), se contentait d’incriminer les mauvais garçons sabotant les réservoirs ou le changement climatique. Mais le 19 septembre, à la suite de manifestations d’habitants du quartier de Coronationville n’ayant plus d’eau depuis des semaines, le maire est passé aux aveux : 4 milliards de rands (200 millions d’euros) alloués par le budget à l’eau ont été détournés pour d’autres dépenses.

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Outre la méfiance grandissante à l’égard des autorités, les conséquences de cette mauvaise gestion sont lourdes sur le plan économique : des entreprises, des écoles, des bibliothèques ou des bureaux doivent régulièrement fermer leurs portes. Jusqu’à présent cantonné aux quartiers pauvres, le syndrome des “robinets à sec” frappe désormais les quartiers “blancs” tels que Sandton. De nombreux observateurs pointent la gestion catastrophique des structures aquatiques de la ville depuis 25 ans.

Candidate aux élections municipales de 2026, Helen Zille, affiliée au parti de droite Alliance Démocratique, a promis de remettre les robinets en état de marche. De son côté, Dada Morero semble avoir une autre priorité : sauver la Palestine.

Pourquoi la France peut être sauvée par les ingénieurs

La France est dirigée par des juristes, des littéraires, des commerciaux et des financiers. Les ingénieurs sont en revanche écartés des grandes décisions. Une situation regrettable.


Dans son best-seller publié en 2023, Les ingénieurs du chaos, Giuliano da Empoli a mis en lumière le rôle délétère de nouveaux conseillers politiques dans les sphères du pouvoir, qui sapent les fondements des démocraties occidentales. Pourtant, aucun d’entre eux n’est de fait ingénieur. Mais, le concept de Giuliano da Empoli est opérant car il s’agit d’ingénierie institutionnelle. S’ils avaient été de réels ingénieurs, au sens scientifique et industriel du terme, ils auraient produit du développement économique et social positif et non du chaos institutionnel.

La France est aujourd’hui avant tout dirigée et/ou animée par des juristes, des littéraires, des commerciaux et des financiers. Ceux-ci sont tout à fait respectables, avec des qualités personnelles éminentes, là n’est pas la question. Pêle-mêle, citons Emmanuel Macron, Yaël Braun-Pivet, Richard Ferrand, François Bayrou, Édouard Philippe, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau, Marine Le Pen, Bruno Le Maire, Olivier Faure ou Boris Vallaud.

18 députés seulement !

Les derniers grands dirigeants français à avoir été ingénieurs sont Alain Poher, Valéry Giscard d’Estaing et Elisabeth Borne. C’est un peu court. Citons aussi, pour être exhaustif, Julien Denormandie qui aurait pu être Premier ministre (mais qui ne l’a pas été : c’est en fait un contre-exemple éclairant sur la place réduite des ingénieurs en France dans l’exercice du pouvoir). Au sein du présent gouvernement, on recense quatre ingénieurs : Roland Lescure, Jean-Pierre Farandou, Philippe Baptiste et Maud Brégeon, soit une proportion de 12% des ministres du gouvernement Lecornu II.

Si l’on examine le Parlement français actuel, sur 577 députés, il y a 18 ingénieurs, soit 3% de l’Assemblée nationale. La proportion est encore plus faible au Sénat : 8 ingénieurs, soit seulement 2% de la haute assemblée composée de 348 membres.

Si l’on se réfère à la population active (30,6 millions d’individus), les 1,2 million d’ingénieurs en représentent 4%. La comparaison la plus pertinente doit cependant se faire avec la population des cadres et assimilés : 5,2 millions de personnes au sens du BIT (Bureau International du Travail). Les ingénieurs correspondent donc à 23% des cadres et assimilés. Pour mémoire, 40 000 ingénieurs sortent chaque année des écoles françaises, ce qui n’est pas mal en Europe mais sans surprise bien en dessous de l’Inde et de la Chine.

La Chine formerait ainsi 1,5 million d’ingénieurs par an mais en réalité on décompte 3,5 millions au moins de professionnels dans le secteur élargi de l’ « ingénierie ». L’Inde aurait de son côté entre 700 000 et 1,5 million d’ingénieurs formés par an. En tout état de cause, beaucoup plus que la France et l’Europe. Il se dit incidemment que le comité central du Parti communiste chinois comporte une bonne proportion d’ingénieurs… Enfin, point positif, il faut noter que Centrale Pékin a été créée en 2005 et forme une centaine d’ingénieurs d’excellence par an – les meilleurs, paraît-il. Donc le modèle d’ingénieur français essaime.

Le blues de l’ingénieur français

Pour revenir à notre France, ceci signifie que les ingénieurs sont 8 fois moins bien représentés que les autres à l’Assemblée nationale et 11 fois moins bien représentés au Sénat (étant observé par ailleurs qu’il n’y a quasiment plus d’ouvriers au Parlement). Ils ne sont que 2 fois moins bien représentés au sein du gouvernement, mais 3,5 fois moins bien représentés que dans les grandes sociétés françaises. Ce n’est dès lors pas étonnant que 84 % des ingénieurs en France ne croient pas en la reconquête industrielle du pays (IFOP-Arts et Métiers, septembre 2025). Depuis l’année dernière, les fermetures d’usines en France l’emportent en effet sur les ouvertures. Le choix du sommet Choose France 2025, cette fois-ci exclusivement réservé aux annonces d’investissements réalisés par des entreprises françaises, probablement parce que les bonnes volontés étrangères pour s’implanter en France actuellement ne sont pas légion, ne manque pas de nous interpeller. 

Le chaos institutionnel auquel les Français assistent, sidérés, à l’Assemblée nationale ces temps-ci, s’explique aussi par la faible proportion de députés imprégnés de scientificité. Les incohérences intrapartisanes et transpartisanes, qui sont le lot quotidien de la vie parlementaire d’aujourd’hui, seraient infiniment moins nombreuses sur les sujets quantitatifs que sont les lois de finances et de Sécurité sociale avec une représentation parlementaire équilibrée en termes d’ingénieurs par rapport à la population. On peut donc dire que ce problème de faible représentation des ingénieurs est donc désormais celui de tous les Français, malheureusement.

La désindustrialisation française trouve principalement son origine dans la faible représentation des ingénieurs dans la classe dirigeante politique française

La France a vu, en quatre décennies, la part de son industrie dans l’économie passer de plus de 20% à moins de 10%. Il n’y a pas de consensus sur les données statistiques mais les grandes masses sont exactes.

Les raisons de ce déclin sont multiples mais, au premier chef, il y a l’absence de vision stratégique de long terme et stable de l’État concernant l’industrie et l’énergie, à la différence des grands programmes américains et chinois. Évidemment, le poids des charges sociales et des impôts de production plombant la compétitivité nationale, la complexité croissante des procédures et normes administratives ou la désaffection pour les métiers industriels au profit des services, largement issue des biais de notre système éducatif, n’ont pas aidé.

Il convient aussi d’égrener quelques mesures anti-industrie emblématiques de la période : la retraite à 60 ans en 1981, la C3S (la bien mal nommée Contribution sociale de solidarité) en 1992, le déplafonnement de l’ISF en 1995, les 35 heures en 2000, l’absence de soutien gouvernemental à des fleurons industriels français (Péchiney, Alcatel, Alstom, Lafarge,…) ou le gel du programme nucléaire français, avec l’acmé de la fermeture de Fessenheim. Il est vrai qu’Emmanuel Macron, pourtant inspecteur général des finances, a été recalé deux fois à Normale Sup Lettres, pour insuffisance flagrante à son option « Mathématiques ». Pas étonnant que l’on se retrouve avec plus de 1000 milliards d’euros de dette supplémentaire en sept ans, pour rien… 

La classe dirigeante politique française n’a pas su et, en fait, n’a jamais vraiment voulu contribuer à la mise en place de grands programmes stratégiques industriels et énergétiques efficients, à la différence des États-Unis (DARPA, IRA) et de la Chine (plans quinquennaux). Il ne s’agissait pas de reproduire le programme nucléaire gaulliste et pompidolien ou le TGV giscardien des années 60/70 mais de s’adapter à la nouvelle donne géostratégique mondiale, multipolaire et hautement technologique de cette première moitié du XXIème siècle, avec l’émergence du Sud global et du mouvement localiste. Le programme Airbus fait exception. Pragmatisme d’ingénieur. 

La succession de programmes du type Plan Machines-outils, Plan Textile, Pôles de compétitivité, PIA (Programme d’investissements d’avenir) 1, 2, 3 et 4 ou France 2030, tous plus ambitieux les uns que les autres, n’arrive pas à cacher la modestie des moyens financiers réellement mobilisés par la sphère publique française. Une dizaine de milliards d’euros pour les meilleures années alors que les besoins sont dix fois plus importants, que les besoins de couverture de la dette publique (plus de 300 milliards d’euros par an) phagocytent l’épargne des Français et que nous subissons les retards coupables de l’Union européenne dans la mise en place d’un véritable marché de capitaux unifié, comme aux États-Unis.

Une bonne synthèse de ces évolutions se trouve dans l’ouvrage La désindustrialisation de la France 1995-2015 de Nicolas Dufourcq, directeur général de la BPI (Banque Publique d‘Investissement), publié en 2024.

Tout le monde se souvient de l’orientation « Fabless » énoncée en 2001 par le président d’Alcatel de l’époque, Serge Tchuruk : l’industrie, c’est dépassé, il ne faut conserver en Occident que les fonctions de recherche, de conception et de commercialisation. Une décennie plus tard, le fleuron des infrastructures télécom français avait disparu façon puzzle, comme diraient les Tontons flingueurs. Même les ingénieurs peuvent donc se tromper, surtout s’ils sont autocratiques et « mainstream » pour leur époque ! Mais aujourd’hui, 17 dirigeants des sociétés du CAC 40 sont ingénieurs, soit plus de 40 % de cette élite économique. Leurs sociétés sont florissantes. Elles bénéficient d’une exposition internationale remarquable et d’une gestion managériale d’ingénieurs hors pair. Quel contraste avec la sphère publique française.

Pour remettre la sphère publique française d’aplomb, il faut donc une démarche d’ingénieur

La reconfiguration de la sphère publique française relève d’une démarche d’ingénieur : « les faits, rien que les faits », diagnostic lucide de la situation, identification des leviers de changement avec une vision de long terme, organisation méthodique des modifications de structure, mise en œuvre déterminée des économies, réallocations des moyens et des investissements d’avenir, capacité à quantifier les situations, pragmatisme en toutes circonstances. 

L’exemple de Vallourec est éloquent. Fondé en 1899, ancienne star du CAC 40 en quasi-faillite en 2022, ce spécialiste mondial des tubes filetés en aciers spéciaux pour forages profonds a été magistralement repositionné en quatre ans par un ingénieur français (Mines de Nancy), riche d’une expérience diversifiée, tant sur le plan sectoriel qu’international. 

Choix de la haute valeur ajoutée, abandon des productions bas et moyen de gamme, poursuite d’une innovation de pointe avec consolidation de sa RD en France (l’excellent crédit d’impôt recherche joue sa partition en France, malgré diverses critiques), localisation de ses usines à proximité de ses clients (États-Unis, Amérique latine, Asie, Moyen-Orient), chiffre d’affaires recentré (baisse d’un tiers), ajustement de ses effectifs (diminués de moitié). La société est ainsi passée d’une dangereuse position de surendettement à une rentabilité canon de +23 % aujourd’hui. Les salariés et les actionnaires se portent bien !

Sans qu’il puisse y avoir bien sûr de transposition des solutions adoptées par Vallourec à la sphère publique française, l’esprit et les méthodes propres aux ingénieurs s’y appliqueraient au plus grand bénéfice des Français.

La France est surendettée, tout le monde le sait. Le déficit budgétaire s’élève à -156 milliards d’euros en 2024, soit près de la moitié des 326 milliards d’euros de recettes fiscales de l’État, cela ne s’invente pas (les recettes fiscales d’un État sont à peu près l’équivalent du chiffre d’affaires pour une entreprise). Le déficit budgétaire global de la sphère publique s’élève quant à lui à -169 milliards d’euros et représente ainsi -10,3 % des 1 502 milliards d’euros de recettes des administrations publiques. Le calcul du déficit budgétaire en pourcentage de PIB (-5,8 % en 2024 au sens de Maastricht) n’est pas, à cet égard, pertinent car il masque l’ampleur du déséquilibre français.

Ainsi, la sphère publique française « perd » chaque année autour de -10 % de ses revenus. François Fillon parlait déjà en 2007 d’un État en faillite, c’était il y a deux décennies. Il avait bien raison et cela a depuis empiré. Aucune entreprise ne peut survivre en perdant chaque année 10% de son chiffre d’affaires. Un État non plus, sauf à perdre sa souveraineté. Attention à la Troïka (BCE, FMI et Commission européenne) ! 

Que donnerait l’application de la méthode Vallourec à la sphère publique française ?

Passons d’abord à l’équilibre des comptes des administrations publiques : ce sont ainsi -170 milliards d’euros de dépenses publiques en moins. Si l’on souhaite aussi réduire les prélèvements obligatoires de deux raisonnables petits points de PIB, soit de 60 milliards d’euros, ce qui devrait être acceptable pour un pays champion du monde de l’impôt, l’effort sur les dépenses publiques, donc y compris les dépenses sociales, doit ainsi porter sur -230 milliards d’euros. Ceci correspond à un effort global de 15,3 % sur les dépenses publiques. Beaucoup moins important que l’ajustement opéré en quatre ans par Vallourec.

En termes d’effectifs, la sphère publique française emploie actuellement 5,8 millions d’agents, titulaires et non titulaires. Si l’on applique une réduction de 15% de ses effectifs, raisonnable dans un univers où l’intelligence artificielle se développe, ce sont 870 000 postes publics qui sont concernés à terme. En prenant un coût moyen complet de 60 000 € par agent, ceci représente une économie de 52 milliards d’euros par an en régime de croisière. Insuffisant donc pour retrouver une position saine pour la sphère publique. La réduction des effectifs publics, que l’on peut considérer comme acceptable socialement et politiquement sur une décennie compte tenu des départs en retraite, ne permet donc pas de régler le « problème structurel d’exploitation » français.

Il reste donc à trouver 180 milliards d’euros complémentaires d’économies sur les dépenses publiques. Ce qui signifie qu’il faudra, soit tailler à la hache dans les services publics et dans les dépenses sociales, soit procéder à des désindexations ciblées sur les dépenses progressivement dans le temps. La croissance nominale, c’est-à-dire incluant la croissance en volume et l’inflation, arme subtile à deux tranchants de la direction du Budget, que les parlementaires commencent juste à comprendre, y contribuera puissamment. Le pragmatisme de l’ingénieur privilégiera les désindexations ciblées, les simplifications procédurales, la suppression d’échelons administratifs et institutionnels ainsi que la priorité à la proximité, avec un vaste mouvement de déconcentration/décentralisation.

Une telle reconfiguration de la sphère publique – pour ne pas parler de restructuration industrielle mais cela en est bien une – ne pourra pas se faire en quatre ans comme pour Vallourec. Une décennie devrait être en l’occurrence l’horizon de temps acceptable, pour tenir compte des équilibres propres à la sphère publique.

Une légitimité démocratique incontestable est enfin appelée à permettre une telle reconfiguration structurelle, forme de pendant de la gouvernance actionnariale pour une entreprise. Seule l’élection présidentielle est à même de porter une telle dynamique gagnante, surmontant les oppositions de tous bords qui ne manqueront pas de se manifester, y compris dans la rue.

Le ou la future président/présidente aura ainsi tout à gagner à intégrer une démarche d’ingénieur dans son pilotage de la France à partir de 2027, avec une détermination sans faille et dans la durée. À défaut de disposer d’un Parlement irrigué par plus de compétences scientifiques et techniques…

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Le retour d’un christianisme musclé?

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Dans une France qui s’archipélise, l’apparition d’une horde de pèlerins néo-chrétienne sur les réseaux sociaux est réjouissante. Mais elle a aussi de mauvais côtés.


Qu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse, le constat est là : la religion semble sortie de la sphère privée et du domaine de l’intime. La mode est à la foi qu’on revendique et qu’on affiche, de manière ostensible voire ostentatoire, en particulier chez les jeunes générations. Le catholicisme ne fait pas exception : c’est ce que j’ai découvert récemment, au fil de mon parcours de catéchumène débuté il y a 16 mois. Déjà en hausse de + 30% en 2024 et de + 45% en 2025, le nombre d’adultes demandant le baptême catholique ne cesse d’augmenter en France. En Belgique, le chiffre a même triplé en dix ans. Parmi ces aspirants catholiques, la part des 18-25 ans affiche une croissance particulièrement spectaculaire, dépassant aujourd’hui celle des 26-40 ans qui représentait jusqu’ici le cœur de cible historique du catéchuménat.

Besoin d’appartenance

Durant ces deux années de préparation au baptême, les catéchumènes d’une même paroisse sont invités à se regrouper lors de journées de rites et de partage. Du haut de mes 37 ans, je me suis vite sentie doyenne de ce groupe constitué en majorité d’étudiants et de jeunes actifs, particulièrement exaltés. Considérant l’excessivité en toute chose comme l’apanage de la jeunesse, je ne me suis d’abord offusquée ni de leur désir commun d’une pratique religieuse plus stricte, ni de leur volonté d’afficher et d’assumer leur religion, qui parfois frôle le prosélytisme. La discrétion ne semble clairement plus être un critère déterminant lorsqu’il s’agit de choisir une croix ou une médaille de baptême. Dans la note de présentation des chiffres du catéchuménat 2025[1], le père Jean-Baptiste Siboulet, du diocèse de Nantes, constate ainsi le nombre croissant de jeunes gens désireux de « faire le Carême ». Il insiste également sur leur « besoin d’appartenance à un groupe ».

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Leurs histoires personnelles se ressemblent : le premier contact avec la foi catholique n’a souvent pas lieu au sein de la cellule familiale ou amicale mais sur les réseaux sociaux par le biais d’influenceurs, qu’ils ne cessent de m’exhorter à suivre. Je découvre ainsi sur Instagram et TikTok un nombre impressionnant d’influenceurs catholiques, majoritairement de moins de 30 ans, essentiellement masculins, parfois prêtres consacrés, mais le plus souvent simples croyants. Ces jeunes hommes, suivis pas des communautés de plusieurs dizaines de milliers de personnes, exposent leur foi, leur quotidien de jeunes chrétiens, commentent l’actualité  mais, de manière plus surprenante, prodiguent des conseils de musculation et de morale. Beaucoup se fantasment missionnaires et entendent vulgariser et propager la parole de Jésus-Christ, en alternant paroles d’Amour universel et vocabulaire guerrier sur fond de culturisme.

Un phénomène qui n’est plus marginal

Comment l’Église catholique réagit-elle à ce phénomène qu’elle ne peut ignorer ? Les 28 et 29 juillet dernier se tenait la première édition du jubilé des « missionnaires digitaux » organisé par le pape Léon XIV, durant lequel celui-ci a appelé les créateurs de contenu à « nourrir d’espérance chrétienne les réseaux sociaux ». Les influenceurs catholiques les plus suivis en Europe sont d’ailleurs des prêtres italiens. Parmi ceux-ci, Giuseppe Fusari, prêtre influenceur aux 66 000 abonnés, surnommé « le prêtre culturiste », n’hésite pas à mettre en avant ses biceps volumineux et tatoués dans ses vidéos. Le curé Don Cosimo Schena, belle gueule et physique de mannequin, est suivi quant à lui par 480 000 personnes. Nous sommes loin de la caricature du curé replet et dégarni façon Don Camillo ou du chrétien souffreteux des romans de Bernanos. Clairement, l’esprit ne semble pas dominer ou, plutôt, la domination de l’esprit semble indissociable de celle du corps.

Sans le savoir, ces néo-chrétiens renouent avec un mouvement religieux né en Angleterre au milieu du xixe siècle appelé « Muscular Christianity », ou « Christianisme musclé », défini par Charles Kingsley, chanoine anglican, comme l’association de la force physique et de la certitude religieuse[2]. La participation à un sport permet d’acquérir et d’assimiler la morale chrétienne, tout en définissant la virilité. Il est intéressant de constater que l’émergence du christianisme musclé a lieu pendant des périodes d’instabilité politique dans le monde anglo-saxon. Ainsi, Thomas Arnold, directeur d’un collège universitaire, théorise à l’époque ce mouvement en expliquant chercher à forger chez les jeunes gens le caractère « dur, moral et chrétien dont ont besoin les futurs dirigeants de la Grande-Bretagne ». Il est question de foi, de devoir patriotique, de discipline, de virilité mais également de beauté morale et physique via des pratiques athlétiques.

Répondre à l’expansionnisme islamique

Sur les réseaux sociaux en 2025, si la question de la morale religieuse est toujours d’actualité, d’autres grandes thématiques peinent à trouver écho dans le cœur des néo-catholiques, en particulier celle du Pardon que ceux-ci associent aisément à de la faiblesse. Il n’est pas plus question de pardonner que de tendre l’autre joue, mais bien de défendre une culture chrétienne française sur fond de patriotisme exacerbé. L’influenceur catho.costaud, simple laïc aux 20 000 followers, nous parle de l’époque des Croisades et enchaîne les prêches : « Nous sommes la lumière, par la Sainte Vierge, par le chapelet, par la prière […] La France ne renaîtra par dans les urnes mais dans les églises ».  La défense du patrimoine culturel français, matériel ou immatériel, est un thème récurrent de ces publications. Dans une France qu’ils considèrent en danger, ces jeunes gens ressentent un réel besoin de répondre à l’expansionnisme islamique par un communautarisme chrétien. Dans cette quête identitaire face à un danger ressenti comme existentiel, certains vont jusqu’à se proclamer royalistes et questionnent la séparation de l’Église et de l’État ou la loi de 1905 sur la laïcité.

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Quel mal pourrait-il y avoir à ce que des jeunes gens en quête de discipline et de sens remplissent à nouveau nos églises, les défendent, exhibent chapelets, bérets et bretelles, fassent de la musculation ou encore se passionnent pour l’histoire de France ?  Il m’a fallu plusieurs échanges avec ces jeunes catéchumènes et néo-catholiques pour comprendre ce qui me chiffonnait dans toute cette exaltation patriotique et religieuse. Ce mouvement, essentiellement porté par des jeunes hommes, se teinte aisément de sexisme, voire de masculinisme. L’avortement y est décrié, la « reconquête » de la France devant également se faire par la natalité. Si la moralité des jeunes hommes transparait dans leur musculature et leur force physique, c’est sur le terrain de la vertu que les femmes sont attendues, même si leur apparence se doit également d’être soignée. La figure traditionnelle de la femme, douce, maternelle, élégante et patriote, est ainsi glorifiée. L’historien George L. Mosse, dans son ouvrage sur la construction de la virilité[3] exposait ainsi que « l’homme, pour prendre conscience de sa virilité, a besoin de la femme, à condition que celle-ci reste vraiment féminine ». Exclues de ce néo-christianisme musclé, les femmes n’en sont pas moins présentes sur les réseaux. Tandis que de nombreux internautes les qualifient en commentaire de « bonnes à marier », le compte Instagram lesfranceries, sur fond de chanson de Charles Aznavour, détaille ainsi la journée dominicale telle qu’elle devrait se dérouler partout en France : messe, balade, chasse, sieste et poulet rôti. Et devinez qui doit préparer ce dernier dans la douce chaleur du foyer ? En ce qui me concerne, je ne m’attendais clairement pas, en retrouvant le chemin de l’église, à ce qu’on me désigne celui du foyer et de la cuisine.


[1] Dossier de presse de l’enquête « Catéchuménat 2025 » : https://eglise.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/2/2025/04/Catechumenes_2025_chiffres_Dossier-de-presse-2.pdf

[2] Donald E. Hall, « Muscular Christianity » : Reading and Writing the Male Social Body, Cambridge University Press 1994.

[3] George L. Mosse « L’image de l’homme – L’invention de la virilité moderne » – Editions Abbeville 1997

Taïwan: la Première ministre japonaise met le feu aux poudres

En évoquant une possible intervention militaire au côté de Taïwan, la Première ministre Sanae Takaichi a déclenché la colère de Pékin et ravivé les blessures du passé, révélant un Japon désormais décidé à assumer une ligne diplomatique plus offensive.


Un mois à peine après son accession au pouvoir, en octobre 2025, la Première ministre japonaise Sanae Takaichi a déclenché une tempête diplomatique en évoquant la possibilité d’une intervention militaire du Japon en cas d’attaque chinoise contre Taïwan. Pékin a réagi avec une virulence rare.

Une escalade verbale qui fait ressurgir les fantômes du passé, réveille les tensions territoriales et confirme que Tokyo n’entend plus pratiquer l’ambiguïté stratégique.

Sanae Takaichi, la Première ministre qui bouscule les lignes

Première femme à accéder à la tête du gouvernement japonais, Sanae Takaich, 64 ans, n’est pas une novice dans l’arène politique. Figure conservatrice du Parti libéral-démocrate (PLD), protégée du Premier ministre Shinzo Abe (2006-2007 et 2012-2020), lequel a été assassiné en 2022, elle s’est construit une réputation de femme de poigne, nationaliste assumée et inflexible sur les questions de souveraineté.

Elle milite depuis des années pour la révision de l’article 9 de la Constitution pacifiste afin de reconnaître explicitement les Forces d’autodéfense comme une « armée nationale », soutient l’augmentation du budget militaire, le développement de capacités offensives et l’adoption d’une législation anti-espionnage. Selon la dirigeante japonaise, en cas de guerre, « il est primordial de neutraliser en premier lieu les bases ennemies » (2021).

Volontiers nationaliste, elle a multiplié les visites controversées au sanctuaire de Yasukuni où reposent les héros de la Seconde Guerre mondiale.  De quoi crisper la Chine qui n’apprécie pas non plus que Sanae Takaichi tienne un discours révisionniste, allant jusqu’à affirmer que les crimes de guerre japonais ont été « exagérés » par les historiens. Questionnée en 2002, lors d’une émission télévisée, sur l’incident de Mukden qui avait conduit à l’invasion de la Mandchourie en 1931, alors députée, Sanae Takaichi avait expliqué qu’il s’agissait avant tout d’une « guerre légitime afin de protéger le Japon de toute agression extérieure », remettant même en cause les milliers de morts recensés dans le bombardement (« viol ») de Nankin en 1937. Exit donc les ravages de l’unité 731 dans l’Etat fantoche du Mandchoukouo, des exécutions sommaires et viols commis contre les civils chinois, elle estime que les termes « femmes de réconfort » et « travail forcé » restent aujourd’hui « extrêmement dévalorisant » pour le peuple japonais qui se doit de se réapproprier son histoire nationale.

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Sanae Takaichi n’a jamais caché non plus sa méfiance envers Pékin : dénonciation du vol de propriété intellectuelle, plaidoyer pour réduire la dépendance économique à la Chine, soutien au déploiement de missiles américains sur l’archipel. La tonitruante leader du PLD entend remettre son pays au centre de l’échiquier politique asiatique. En avril 2025, elle s’était rendue à Taïwan pour rencontrer le président Lai Ching-te, reprenant à son compte la phrase de Shinzo Abe : « Une situation d’urgence à Taïwan est une situation d’urgence au Japon ». Une visite qui avait fortement irrité la Chine qui ne reconnaît pas l’indépendance de cette île (1949), considérée comme une simple province chinoise séparatiste.

Taïwan, la ligne rouge qui menace d’embraser l’Asie

Le 7 novembre 2025, devant la Diète, Sanae Takaichi a déclaré : « La situation concernant Taïwan est devenue si grave que nous devons envisager le pire. ». Et d’ajouter que si l’usage de la force par la Chine « impliquait une menace pour la survie du Japon », Tokyo pourrait intervenir militairement en déployant des navires de guerre.

Ajoutée au contexte historique tendu entre la Chine et le Japon, la phrase de la Première ministre a mis le feu aux poudres. Pour la Chine, le signal est clair : Tokyo n’entretient plus aucune ambiguïté stratégique et se prépare à une intervention armée au côté des États-Unis.

À chacun son point de vue sur ce qui est encore considéré comme le rempart à l’influence du dragon rouge. Pour Pékin, Taïwan n’est pas un dossier diplomatique, mais un élément fondamental de son identité nationale : la « réunification » est non négociable, y compris par la force. L’île fut longtemps occupée par le Japon jusqu’en 1945, ce qui ajoute une charge émotionnelle supplémentaire aux relations sino-japonaises. Pour Tokyo, l’enjeu est vital. Taïwan se situe à 100 km seulement de l’archipel japonais. Sa chute provoquerait un encerclement stratégique du Japon, une rupture des routes maritimes essentielles à son économie, une domination chinoise accrue sur le Pacifique que l’Empire du Soleil Levant ne saurait accepter.

La réaction furieuse de la Chine : menace, pressions et représailles

Les autorités chinoises ont réagi avec une brutalité inhabituelle. Le consul de Chine à Osaka, Xue Jian, a publié un message menaçant de « lui couper son p*tain de cou » — un niveau de violence rhétorique rare dans la diplomatie.

Envolées désormais les poignées de main entre Sanae Takaichi et le président chinois Xi Jinping en octobre dernier comme leurs déclarations pacifiques. Le ministère chinois des Affaires étrangères a prévenu : « Quiconque ose s’ingérer dans la cause de la réunification se verra infliger une riposte ferme. ». Quant aux médias officiels chinois, ils ont affirmé que la Première ministre « devrait en payer le prix ». Dans un acte de pression supplémentaire, Pékin a déconseillé à ses ressortissants de voyager au Japon, évoquant des « risques importants pour la sécurité ». Plusieurs compagnies aériennes chinoises ont immédiatement proposé des remboursements gratuits pour les vols vers l’archipel. 

La crise sino-japonaise marque un tournant. Pour la première fois, Tokyo semble prêt à lier explicitement sa sécurité à celle de Taïwan. En réponse, Pékin choisit l’intimidation, la menace et l’instrumentalisation de l’opinion publique. Aucun des deux camps ne souhaite la guerre — mais chacun se prépare à l’éventualité du pire. La Première ministre japonaise, en assumant une ligne dure, a levé le voile sur une réalité qui s’impose désormais à l’Asie : la paix dans le détroit dépendra désormais de la fermeté — ou de la retenue — du Japon et de la Chine.

Dans un climat où les mots tranchent comme des lames, l’escalade diplomatique n’est peut-être qu’un prélude à un affrontement stratégique beaucoup plus profond.

Alain Souchon, vestige de la gauche prolophobe

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Le chanteur préféré des vieilles institutrices abonnées à Télérama menace de s’exiler en Suisse si la droite populiste accède aux responsabilités. L’interprète de Foule sentimentale, qui raillait la bourgeoisie d’extrême droite raciste en 1977 dans son titre Poulailler’s Song a un train de retard. Il ne voit pas qu’en 2025, c’est le peuple ordinaire qui vote pour Jordan Bardella.


Les mirobolants progressistes, qui ont mis la France dans ce sale état, se ridiculisent dans leurs forfanteries. Alain Souchon est de ceux-là, quand il déclare, vendredi sur RTL, en promotion pour ses chansons : « Je ne crois pas que les Français soient aussi cons pour élire quelqu’un du Front national pour diriger ». En ajoutant : « Si ça arrivait, on irait en Suisse ». Certes, rien n’est plus convenu que ce commentaire élitiste.

Le mépris pour les Français ordinaires ne passe plus

Le même chanteur prolophobe pétitionna également, en juillet, contre l’implantation dans son quartier (le chic VIe arrondissement de Paris) d’un Carrefour City accusé de faire tache ; Jacques Toubon, ancien RPR recyclé dans la défense des humiliés, avait également apposé sa signature à ce petit carnet mondain[1]. Ce qui est nouveau, cependant, est l’exaspération que le jugement de classe de Souchon a immédiatement produit auprès d’une partie de l’opinion s’exprimant sur le numérique et les médias alternatifs. En fait, le mépris porté aux Français ordinaires par des humanistes d’apparat devient de plus en plus insupportable, à mesure que le système moralisateur produit toujours plus de pauvres, de violences, d’insécurités, de racismes, d’antisémitisme. Quand Souchon menace de rejoindre la Suisse, il fait certes un excellent choix. Mais ce faisant il plébiscite – au-delà du refuge pour les riches – une démocratie exemplaire dans sa politique de votations (référendums) menée en étroite collaboration avec le peuple raisonnable, que lui-même discrédite.

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Pénible spectacle

Ces élites, exhibant leur progressisme en déroute, ont cessé depuis longtemps de penser la réalité au profit d’un monde abstrait et coupé des gens. Leur univers fictif ne répond qu’à des codes sociaux marquant l’appartenance à des castes cloitrées dans leurs croyances. La décence est un mot que ces experts et donneurs de leçons ignorent, quand ils lancent des procès en incompétence contre les populistes, s’épargnant de s’arrêter sur leurs propres bilans désastreux. Jordan Bardella est une des cibles des salonnards. Ils en oublient de demander des comptes à Emmanuel Macron pour ses déroutes budgétaires et civilisationnelles. Il sera pourtant difficile de faire pire. La péroraison des faillis et des ratés, appuyés par un show-biz pétochard, devient un spectacle pénible. Mais l’air du temps se raidit. La morgue des récitants en clichés devient un carburant qui alimente la rébellion des proscrits, des injuriés. Ils ont face à eux la lâcheté molle de la pensée officielle qui a contaminé ses clones.

C’est très timidement que l’intelligentsia a ainsi défendu Boualem Sansal, emprisonné durant un an en Algérie et libéré mercredi grâce à l’intervention de l’Allemagne. Parce que la droite résistante à la dictature algérienne et à l’islamisme avait proposé le nom de l’écrivain, en septembre, pour le prestigieux Prix Sakharov, ses éditeurs, Antoine Gallimard et Jean-Marie Laclavetine, s’étaient opposés à cette initiative, vue comme venant de l’« extrême droite ». Cette posture snobinarde est celle de Souchon. Celle des imbéciles heureux.


[1] https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2025/07/19/a-paris-les-tres-chics-opposants-a-une-superette-pres-du-jardin-du-luxembourg_6622120_4500055.html

Docteur Borloo: l’ordonnance qui tue


Jean-Louis Borloo était l’invité de Laurent Delahousse ce dernier dimanche en fin de journal du 20 heures de France 2. Au programme, déambulation bon enfant dans Paris et recette miracle du docteur Borloo pour sauver la France qui ne va pas bien. Quais de Seine, île de la Cité pour la balade. Bref les beaux quartiers point trop encombrés de tentes Quechua et de migrants paumés.

La France n’est pas au mieux, diagnostique l’ancien député européen, ministre et maire de Valenciennes. Là-dessus, on ne peut contester qu’il fasse consensus. Rien ne marche comme il faudrait. L’hôpital, en particulier sur lequel il prend soin d’appuyer. Les finances non plus, apprend-t-on littéralement ébahi, ne seraient pas au mieux, nous signale donc le bel esprit, passant à la hauteur du ministère dédié. Et d’en profiter pour lâcher cette remarque d’une grande puissance symbolique: la bâtisse du ministère empiète sur le cours de la Seine alors que Notre-Dame, elle, respecte le fleuve. Là, on admire l’acuité de la pensée.

L’essentiel du propos va plus loin, bien entendu : le sauvetage de la France. Et donc l’identification des causes du mal. Ou plus exactement de « la » cause. Car tout, selon le docteur Borloo, vient de ce que le pays est mal organisé. Voilà l’alfa et l’oméga. On est au bord de la pâmoison devant tant de pertinence, de perspicacité et, surtout, de nouveauté. Nous sommes invités à nous persuader que personne avant lui n’avait osé une telle audace dans le diagnostic, n’était allé aussi loin dans la dénonciation de l’accumulation des couches administratives, des doublons de responsabilité ou d’irresponsabilité entre Etat, région, département, interco, etc… Vieille rengaine, pourtant. De même la solution proposée, usée, éculée : réorganiser, bien sûr, mais surtout, et c’est bien là le coup de génie, faire de la France un Etat fédéral. À la française, cela va de soi. Bref, reprendre la marotte de Raffarin et de tous ceux qui, n’ayant pas une vraie vision de l’ampleur du problème et de la radicalité des remèdes à prescrire, s’abritent derrière ce serpent de mer : la décentralisation. Comme si éparpiller l’indigence politique suffisait à métamorphoser celle-ci en puissance d’agir…

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Donc, la France souffrirait de désorganisation. Et le docteur Borloo managerait en toute discrétion une équipe pour, le moment venu, à l’horizon 2027, partir en croisade et imposer ces vues tellement novatrices. Et surtout tellement efficaces. On brûle d’impatience.

En vérité, le grand intérêt de ce genre de trompe l’œil est de permettre à la classe médiatico-politique en place de berner le citoyen électeur en lui faisant croire que ce qu’il faut au pays est une simple réorganisation, un toilettage des rouages de fonctionnement, mais absolument pas une remise en cause en profondeur des logiciels et des principes présidant aux décisions, aux orientations politiques. Le but inavoué et pourtant patent de ce genre de prestation n’est autre que de donner à penser que tout le reste, tout ce qui ne relève pas d’une simple réorganisation des structures, est à ranger dans la rubrique des fantasmes et des faux problèmes: l’insécurité endémique, l’immigration de masse, le naufrage de l’école… Tout cela ne serait que lubie d’une sous-population aigrie et fascisante – cette catégorie de Français que l’éminent philosophe Souchon qualifie de cons.

Voilà bien le but, voilà la stratégie inaugurée par service public de télévision ce dimanche soir en invitant le docteur Borloo et ses cautères pour jambe de bois. Détourner le téléspectateur de la réalité, lui faire prendre les vessies pour des lanternes. Oui, inauguration d’une stratégie délibérée, car je vous fiche mon billet qu’il en défilera bien d’autres, des docteurs miracles experts ès médecines douces et poudres de perlimpinpin d’ici 2027 sur nos écrans. La grande et longue campagne d’anesthésie médiatique n’en est qu’au lever de rideau. Croyez-moi…

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Royaume-Uni: Farage est-il trumpiste?

Les adversaires de Nigel Farage le considèrent comme une pâle copie de Donald Trump. Le chef de Reform UK partage les mêmes préoccupations que le président américain mais son parcours et son style font la différence.


« Un Trump à la sauce anglaise » (Les Échos), « le Trump britannique » (Le Point), « la méthode Trump  » (France Info )  : la plupart des médias français présentent Nigel Farage comme un simple sous produit du phénomène Trump. C’est une façon commode de discréditer le chef de Reform UK qui écrase dans les sondages les deux partis traditionnels outre Manche. Certes, il y a de nombreuses similarités entre Farage et Trump dont les préoccupations principales sont la maîtrise de l’immigration et la défense de l’identité nationale, notamment par rapport à la souveraineté économique (le Brexit, « America First »). La carrière politique de chacun a été renforcée par une carrière dans les médias. Farage a eu une émission de radio à Londres entre 2017 et 2020 ; depuis 2021, il a une émission télé sur GB News. En 2023, il a même participé à une sorte de Koh-Lanta à l’anglaise. Les deux hommes maîtrisent les médias sociaux et prétendent défendre la liberté d’expression. En septembre, Farage a été invité à témoigner à ce sujet devant la commission judiciaire de la Chambre des représentants à Washington, comparant son propre pays à la Corée du Nord. Les deux sont accusés d’entretenir un culte de la personnalité et de manquer de transparence dans leurs opérations financières, bien que Farage n’ait jamais été condamné par la justice. Leur image à tous les deux d’enfants terribles du populisme a été scellée par la célèbre photo les montrant dans l’ascenseur doré de la Trump Tower en 2016, après le référendum sur le Brexit et la première victoire électorale de Trump.

A lire aussi, Gerald Olivier: Trump et le Proche-Orient: qu’est-ce que la «paix par la force»?

Pourtant, leurs convergences sont plus le résultat de similarités profondes que d’une influence à sens unique. Farage s’est lancé en politique bien avant Trump. Membre fondateur de UKIP en 1993, il a été élu au Parlement européen en 1999. Il a développé très tôt son style unique, fait de franc-parler, d’humour mordant et de provocation. Le discours, devenu viral, où il dénonce le premier président officiel du Conseil européen, Herman Van Rompuy, date de 2010. Le phénomène Trump est la rencontre entre une personnalité hors du commun et une Amérique qui tolère une certaine théâtralité en politique. Plus maîtrisé que Trump, Farage a su créer une personnalité publique adaptée à la culture britannique, combinant l’autorité d’un grand bourgeois « vieille Angleterre » et le bon sens et la gouaille d’un homme du peuple. À la différence de Trump, Farage est chef et fondateur de partis. Comme la plupart des politiques, il est obligé de gérer au quotidien la turbulence inévitable créée par des dissensions internes et les conflits de personnalités. Au fond plus modéré que Trump, il doit régulièrement lancer des opérations de dédiabolisation pour se distinguer de ceux qui sont plus à droite que lui, comme l’activiste anti-islam, Tommy Robinson. Farage n’était pas présent à la grande manifestation du 13 septembre organisée par Robinson à Londres. Parler de trumpisme à propos de Farage ou d’autres populistes de droite est une manière commode pour leurs adversaires de les mettre dans le même sac, malgré des contextes différents, et de minimiser les inquiétudes réelles de leurs électeurs.

Le budget de la Grande-Bretagne également dans l’impasse

Depuis bientôt une décennie, le Royaume-Uni donne l’impression d’un pays dont l’économie avance les yeux bandés vers l’affaiblissement.


Les performances économiques britanniques, parmi les plus faibles du monde développé depuis le Brexit, prolongent un déclin entamé avec la crise financière de 2008. À force de chercher des responsables, tantôt l’Union européenne, tantôt la mondialisation ou les banquiers, les gouvernements successifs ont fini par ignorer l’essentiel : ce n’est pas un événement isolé qui a brisé la trajectoire britannique, mais un ensemble de choix politiques qui ont rendu la crise durable et le pays plus fragile.

Les trois illusions du Royaume

L’histoire récente offre pourtant un contre-exemple saisissant. En 1992, lorsque la livre sterling fut contrainte d’abandonner son ancrage au Deutsche Mark, ce qui devait être un désastre devint une libération. L’économie rebondit, les exportations repartirent, la croissance du PIB par habitant fut pendant près de vingt ans la plus rapide du G7. Mais pour que cette renaissance soit possible, il avait fallu accepter une vérité douloureuse : le système économique construit par le gouvernement de John Major reposait sur une fiction. Une fois la fiction effondrée, la réalité, dure mais féconde, reprit ses droits.

Aujourd’hui, une crise similaire semble se préparer, avec la même potentialité de renversement. Car si le Royaume-Uni va mal, ce n’est pas seulement en raison des chocs de 2008 et de 2016, mais parce que ses dirigeants persistent à s’accrocher à trois illusions destructrices : des règles budgétaires arbitraires et intenables, l’idée qu’un État-providence généreux peut être financé sans augmenter l’imposition de la majorité, et la conviction qu’une croissance miraculeuse jaillira spontanément de ce carcan contradictoire.

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Keir Starmer, qui avait promis une gestion sobre et responsable, voit sa popularité s’effondrer à un rythme inédit dans l’histoire du pays. Quinze mois après sa victoire électorale, son gouvernement est devenu le plus impopulaire jamais enregistré par les instituts de sondage. Sa ministre des Finances, Rachel Reeves, se trouve dans une situation encore plus délicate car c’est elle qui devra annoncer, lors du budget du 26 novembre, une hausse d’impôts allant jusqu’à 40 milliards de livres pour respecter des règles budgétaires que plus personne ne défend sérieusement, sauf ceux qui les ont édictées.

Le Royaume-Uni semble donc entré dans ce moment paradoxal où la réalité économique rattrape les promesses politiques. Et les chiffres sont impitoyables. Depuis 2016, la croissance du PIB par habitant a été presque divisée par deux. Autrefois champion du dynamisme, le pays est désormais dépassé par la France, l’Italie et même le Japon. Faut-il pour autant invoquer le Brexit ou la crise financière comme des fatalités ? Ce serait trop simple. La question centrale n’est pas ce qui est arrivé, mais pourquoi cela a produit des effets si durables au Royaume-Uni, et beaucoup moins ailleurs.

La première réponse touche à l’identité économique même de la Grande-Bretagne. Le pays disposait de deux puissants moteurs de croissance qui ont nourri la prospérité entre 1992 et 2016 : la finance mondiale et les services paneuropéens. Pourtant, ce sont ces deux secteurs que la politique britannique a méthodiquement affaiblis. Depuis la crise financière, la finance est devenue un mot toxique. Après le Brexit, les activités paneuropéennes qui faisaient briller les entreprises britanniques (conseil, culture, universités, recherche) ont été entravées ou amputées. Le Royaume-Uni s’est volontairement privé des domaines dans lesquels il excellait.

Le ruissellement, mais dans le mauvais sens

La deuxième réponse est plus subversive encore. Dans un consensus partagé par la gauche et la droite, les dirigeants britanniques ont réorganisé la fiscalité pour alléger la charge sur les salariés « ordinaires » et faire reposer le financement de l’État-providence sur les très hauts revenus. Présentée comme un geste de justice sociale, cette mutation fiscale a en réalité produit un paradoxe dévastateur : jamais les impôts n’ont pesé aussi lourd dans l’économie, et jamais les travailleurs moyens n’en ont payé aussi peu. Le 1 % des contribuables les plus riches finance désormais près d’un tiers de l’impôt sur le revenu (contre 20% en France).

Un progrès moral peut être, une erreur économique certainement. Car une telle concentration de l’impôt décourage précisément les secteurs où les salaires sont les plus élevés comme la finance internationale, les technologies, l’industrie pharmaceutique, la recherche. Autrement dit, les secteurs qui tirent le moteur invisible de la prospérité, la productivité.

Or, la productivité ne naît pas dans un climat de stagnation. Elle exige un minimum de croissance. Augmenter les impôts en pleine faiblesse conjoncturelle revient à étouffer l’économie et à précipiter la prochaine crise. Le Royaume-Uni est aujourd’hui piégé dans cette boucle autodestructrice avec un déclin de la productivité, un déficit public croissant, une hausse des impôts, une nouvelle contraction de la demande et enfin une nouvelle baisse de la productivité.

A lire aussi: Le plus long «shutdown» américain s’achève: mais à quoi tout cela a-t-il servi?

De ce cercle vicieux, une issue existe. Mais elle suppose de rompre avec les illusions politiques actuelles. Rachel Reeves risque de condamner son propre budget si elle persiste à vouloir tout à la fois rassurer les marchés, financer l’État-providence, ménager les électeurs, et éviter une hausse de l’impôt sur le revenu. Pour sortir de l’impasse, il faudrait renverser la logique et stimuler la croissance à court terme en évitant les hausses d’impôts immédiates, tout en programmant pour 2028 ou 2029 une augmentation du taux standard de l’impôt sur le revenu. C’est le seul instrument suffisamment large et stable pour à la fois restaurer la confiance et financer durablement un État-providence universel.

Le Royaume-Uni n’a pas besoin d’une énième réforme technique, mais d’un changement de doctrine. Il doit cesser de taxer obsessivement les secteurs les plus productifs, cesser de construire ses budgets sur des promesses impossibles, et surtout reconnaître que l’État-providence, pour survivre, doit être financé par tous, y compris les classes moyennes qu’on cherche aujourd’hui à ménager.

Au fond, la leçon de 1992 demeure valable. Une crise peut libérer un pays des illusions qui l’étouffent. Reste à savoir si le gouvernement britannique acceptera d’ouvrir les yeux avant d’y être contraint.

«50 anecdotes culinaires», un livre qui fait du bien !

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Et si l’on parlait d’autre chose que de politique dans les soirées entre amis ?

On a plus que jamais besoin de relâcher la pression et de rire un peu!

C’est en tout cas l’avis de Camille Nahum qui nous propose un premier ouvrage atypique et très documenté : 50 anecdotes culinaires complètement insolites.

Journaliste gastronomique, auteure et réalisatrice, Camille passe le plus clair de son temps auprès de ceux qui font la gastronomie française. Elle a notamment écrit et réalisé le magazine « Les secrets des grands chefs », diffusé sur M6 et le documentaire « Chefs, tout pour la première étoile » diffusé sur C8.

Son livre est une anthologie de ce qu’elle a pu découvrir de plus dingue et surprenant au cours de sa carrière.

À lire aussi, Jonathan Siksou: Vive le gras!

Que l’on aime la cuisine ou non, cet ouvrage est hilarant… et instructif ! On y découvre des histoires toutes plus croustillantes les unes que les autres sur l’histoire de la gastronomie. 

Quelques exemples : sait-on que le métier de branleur de dindons existe ? que le homard était autrefois un plat destiné aux plus démunis ? ou qu’il existe une glace réalisée à base de lait maternel… Sur 190 pages l’auteure retrace des milliers d’années de cuisine.

Voilà un joli cadeau pour les fêtes et qui pourrait animer les dîners sans risquer de fâcher.

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Égalitarisme: Dostoïevski précurseur…

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DR.

Une pensée du génial écrivain russe, citée dans le dernier livre de Franz-Olivier Giesbert, m’a saisi par son absolue modernité, au point même d’annoncer ce qui allait bientôt survenir de pire dans notre société.

« La tolérance atteindra un tel niveau que les personnes intelligentes seront interdites de toute réflexion pour ne pas offenser les imbéciles ».

On n’en est pas encore là, mais cela viendra, car il devient difficile de résister à l’absurdité quand l’impuissance sert d’alibi aux dérives les plus inacceptables. Il n’y a vraiment pas de quoi rire avec la tolérance dénoncée par Dostoïevski, elle n’a rien à voir avec la saillie de Paul Claudel: « La tolérance, il y a des maisons pour ça ! »

Une plaie

La tolérance que dénonce le prophétisme de Dostoïevski renvoie à ce que nous observons aujourd’hui, dans le grave comme dans le ridicule: un refus obsessionnel de la moindre discrimination, dont l’ambition perverse est de tout niveler, d’égaliser, d’abaisser ce qui dépasse, de blâmer ce qui éblouit, et d’ériger la grisaille en unique philosophie acceptable.

Je suis convaincu qu’il ne faudra plus longtemps pour que l’évolution générale de notre démagogie nous conduise, pour ménager les imbéciles, à cesser de mettre en valeur « les personnes intelligentes ». À certains égards, toutes proportions gardées, c’est déjà la plaie de notre système scolaire, qui préfère abaisser le niveau global plutôt que de laisser apparaître une discrimination jugée intolérable entre bons et mauvais élèves. Il s’agit moins de favoriser l’excellence – tout en accompagnant les bonnes volontés limitées – que de veiller surtout à ne jamais désespérer la médiocrité.

A lire aussi, Franz-Olivier Giesbert: «Macron ose tout sauf le courage»

Ce délire de la non-discrimination touche désormais tout ce qui est vivant : les animaux – jusqu’aux rats qu’il faudrait soudain réhabiliter – les plantes, la nature majestueuse, passive et intouchable, tout ce qui existe sous le soleil. Et, bien sûr, l’être humain est particulièrement visé : il ne pourrait se prévaloir pleinement de cet attribut qu’à la condition d’avoir poussé l’humilité si loin que toute supériorité, même la plus légitime, en serait éradiquée.

Prenons aujourd’hui le triomphe de certains humoristes, portés paradoxalement par la qualité de ceux qui les écoutent ou les critiquent : parce qu’ils sont mauvais, qu’ils ne font pas rire, qu’ils pratiquent une politique de comptoir, que, par exemple, ils comparent la police ou la gendarmerie à Daech (Pierre-Emmanuel Barré sur Radio Nova1), et qu’ils doivent rire eux-mêmes de leurs plaisanteries faute d’avoir su les faire partager, on les porte aux nues. Leur réserver un autre sort serait, paraît-il, leur infliger une intolérable discrimination !

Les médiocres promus

Aujourd’hui, nous vivons presque exactement ce que Dostoïevski annonçait avec une foudroyante lucidité. On se moque plus volontiers de l’intelligence attribuée à quelqu’un – quel que soit le jugement que l’on porte sur lui par ailleurs – qu’on ne la salue. Comme s’il était devenu indécent de célébrer cette disposition désormais jugée suspecte, de peur de créer un hiatus choquant au sein du monde humain.

Ce fléau de la non-discrimination est tel que, dans l’univers politique, il explique en grande partie l’indifférence croissante envers la moralité publique. Dans un monde digne de ce nom, les vertus et les vices seraient clairement distingués, tout comme les condamnations et les innocences, les soupçons et les honnêtetés, l’éthique et les transgressions. Aujourd’hui, c’est l’inverse : pour éviter d’exercer une scandaleuse discrimination au détriment des ombres, on en vient à postuler que les lumières sont inconcevables. D’où la multiplication, à tous les niveaux, de candidatures, de fonctions et d’ambitions qui, loin d’être freinées par leurs imperfections pourtant évidentes, en tirent au contraire une forme de légitimation.

Dostoïevski est un génie. L’écrivain universel comme le prophète sombre…

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  1. https://www.europe1.fr/emissions/L-invite-de/la-police-et-la-gendarmerie-cest-daesh-avec-la-securite-de-lemploi-laurent-nunez-porte-plainte-contre-lhumoriste-pierre-emmanuel-barre-871495 ↩︎

Pas d’eau pour le G20?

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Derniers préparatifs avant le G20 à Johannesburg, 14 novembre 2025 © Jerome Delay/AP/SIPA

Trop occupé à militer pour la Palestine, l’ANC, qui dirige la plus grande ville d’Afrique du Sud Johannesburg, a terriblement négligé le réseau de distribution de l’eau.


Les 22 et 23 novembre prochains, Johannesburg accueillera le G20. Annoncé comme « historique » par les autorités sud-africaines, le sommet sera guidé par le slogan « égalité, solidarité, durabilité ». En dépit de ces belles intentions, des petits fours et des jolies hôtesses corsetées qui les accueilleront, les grands de ce monde pourraient bien se trouver face à un problème de taille : les robinets à sec.

Depuis plusieurs mois, des quartiers entiers de la World class african city, selon le slogan fanfaronné par les autorités, sont régulièrement à court d’eau. Dans des quartiers tels que Soweto, Bertrams, Randburg ou Alexandra, les coupures durent parfois plusieurs semaines, obligeant les habitants à acheter de l’eau en bouteille pour se doucher ou pour tirer la chasse. Jusqu’à présent, Dada Morero, maire de la ville affilié à l’ANC (Congrès national africain), se contentait d’incriminer les mauvais garçons sabotant les réservoirs ou le changement climatique. Mais le 19 septembre, à la suite de manifestations d’habitants du quartier de Coronationville n’ayant plus d’eau depuis des semaines, le maire est passé aux aveux : 4 milliards de rands (200 millions d’euros) alloués par le budget à l’eau ont été détournés pour d’autres dépenses.

A lire aussi: BNP: Omar m’a tuer?

Outre la méfiance grandissante à l’égard des autorités, les conséquences de cette mauvaise gestion sont lourdes sur le plan économique : des entreprises, des écoles, des bibliothèques ou des bureaux doivent régulièrement fermer leurs portes. Jusqu’à présent cantonné aux quartiers pauvres, le syndrome des “robinets à sec” frappe désormais les quartiers “blancs” tels que Sandton. De nombreux observateurs pointent la gestion catastrophique des structures aquatiques de la ville depuis 25 ans.

Candidate aux élections municipales de 2026, Helen Zille, affiliée au parti de droite Alliance Démocratique, a promis de remettre les robinets en état de marche. De son côté, Dada Morero semble avoir une autre priorité : sauver la Palestine.

Pourquoi la France peut être sauvée par les ingénieurs

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Amélie de Montchalin et Sébastien Lecornu, Paris, 17 novembre 2025 © Stephane Lemouton/SIPA

La France est dirigée par des juristes, des littéraires, des commerciaux et des financiers. Les ingénieurs sont en revanche écartés des grandes décisions. Une situation regrettable.


Dans son best-seller publié en 2023, Les ingénieurs du chaos, Giuliano da Empoli a mis en lumière le rôle délétère de nouveaux conseillers politiques dans les sphères du pouvoir, qui sapent les fondements des démocraties occidentales. Pourtant, aucun d’entre eux n’est de fait ingénieur. Mais, le concept de Giuliano da Empoli est opérant car il s’agit d’ingénierie institutionnelle. S’ils avaient été de réels ingénieurs, au sens scientifique et industriel du terme, ils auraient produit du développement économique et social positif et non du chaos institutionnel.

La France est aujourd’hui avant tout dirigée et/ou animée par des juristes, des littéraires, des commerciaux et des financiers. Ceux-ci sont tout à fait respectables, avec des qualités personnelles éminentes, là n’est pas la question. Pêle-mêle, citons Emmanuel Macron, Yaël Braun-Pivet, Richard Ferrand, François Bayrou, Édouard Philippe, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau, Marine Le Pen, Bruno Le Maire, Olivier Faure ou Boris Vallaud.

18 députés seulement !

Les derniers grands dirigeants français à avoir été ingénieurs sont Alain Poher, Valéry Giscard d’Estaing et Elisabeth Borne. C’est un peu court. Citons aussi, pour être exhaustif, Julien Denormandie qui aurait pu être Premier ministre (mais qui ne l’a pas été : c’est en fait un contre-exemple éclairant sur la place réduite des ingénieurs en France dans l’exercice du pouvoir). Au sein du présent gouvernement, on recense quatre ingénieurs : Roland Lescure, Jean-Pierre Farandou, Philippe Baptiste et Maud Brégeon, soit une proportion de 12% des ministres du gouvernement Lecornu II.

Si l’on examine le Parlement français actuel, sur 577 députés, il y a 18 ingénieurs, soit 3% de l’Assemblée nationale. La proportion est encore plus faible au Sénat : 8 ingénieurs, soit seulement 2% de la haute assemblée composée de 348 membres.

Si l’on se réfère à la population active (30,6 millions d’individus), les 1,2 million d’ingénieurs en représentent 4%. La comparaison la plus pertinente doit cependant se faire avec la population des cadres et assimilés : 5,2 millions de personnes au sens du BIT (Bureau International du Travail). Les ingénieurs correspondent donc à 23% des cadres et assimilés. Pour mémoire, 40 000 ingénieurs sortent chaque année des écoles françaises, ce qui n’est pas mal en Europe mais sans surprise bien en dessous de l’Inde et de la Chine.

La Chine formerait ainsi 1,5 million d’ingénieurs par an mais en réalité on décompte 3,5 millions au moins de professionnels dans le secteur élargi de l’ « ingénierie ». L’Inde aurait de son côté entre 700 000 et 1,5 million d’ingénieurs formés par an. En tout état de cause, beaucoup plus que la France et l’Europe. Il se dit incidemment que le comité central du Parti communiste chinois comporte une bonne proportion d’ingénieurs… Enfin, point positif, il faut noter que Centrale Pékin a été créée en 2005 et forme une centaine d’ingénieurs d’excellence par an – les meilleurs, paraît-il. Donc le modèle d’ingénieur français essaime.

Le blues de l’ingénieur français

Pour revenir à notre France, ceci signifie que les ingénieurs sont 8 fois moins bien représentés que les autres à l’Assemblée nationale et 11 fois moins bien représentés au Sénat (étant observé par ailleurs qu’il n’y a quasiment plus d’ouvriers au Parlement). Ils ne sont que 2 fois moins bien représentés au sein du gouvernement, mais 3,5 fois moins bien représentés que dans les grandes sociétés françaises. Ce n’est dès lors pas étonnant que 84 % des ingénieurs en France ne croient pas en la reconquête industrielle du pays (IFOP-Arts et Métiers, septembre 2025). Depuis l’année dernière, les fermetures d’usines en France l’emportent en effet sur les ouvertures. Le choix du sommet Choose France 2025, cette fois-ci exclusivement réservé aux annonces d’investissements réalisés par des entreprises françaises, probablement parce que les bonnes volontés étrangères pour s’implanter en France actuellement ne sont pas légion, ne manque pas de nous interpeller. 

Le chaos institutionnel auquel les Français assistent, sidérés, à l’Assemblée nationale ces temps-ci, s’explique aussi par la faible proportion de députés imprégnés de scientificité. Les incohérences intrapartisanes et transpartisanes, qui sont le lot quotidien de la vie parlementaire d’aujourd’hui, seraient infiniment moins nombreuses sur les sujets quantitatifs que sont les lois de finances et de Sécurité sociale avec une représentation parlementaire équilibrée en termes d’ingénieurs par rapport à la population. On peut donc dire que ce problème de faible représentation des ingénieurs est donc désormais celui de tous les Français, malheureusement.

La désindustrialisation française trouve principalement son origine dans la faible représentation des ingénieurs dans la classe dirigeante politique française

La France a vu, en quatre décennies, la part de son industrie dans l’économie passer de plus de 20% à moins de 10%. Il n’y a pas de consensus sur les données statistiques mais les grandes masses sont exactes.

Les raisons de ce déclin sont multiples mais, au premier chef, il y a l’absence de vision stratégique de long terme et stable de l’État concernant l’industrie et l’énergie, à la différence des grands programmes américains et chinois. Évidemment, le poids des charges sociales et des impôts de production plombant la compétitivité nationale, la complexité croissante des procédures et normes administratives ou la désaffection pour les métiers industriels au profit des services, largement issue des biais de notre système éducatif, n’ont pas aidé.

Il convient aussi d’égrener quelques mesures anti-industrie emblématiques de la période : la retraite à 60 ans en 1981, la C3S (la bien mal nommée Contribution sociale de solidarité) en 1992, le déplafonnement de l’ISF en 1995, les 35 heures en 2000, l’absence de soutien gouvernemental à des fleurons industriels français (Péchiney, Alcatel, Alstom, Lafarge,…) ou le gel du programme nucléaire français, avec l’acmé de la fermeture de Fessenheim. Il est vrai qu’Emmanuel Macron, pourtant inspecteur général des finances, a été recalé deux fois à Normale Sup Lettres, pour insuffisance flagrante à son option « Mathématiques ». Pas étonnant que l’on se retrouve avec plus de 1000 milliards d’euros de dette supplémentaire en sept ans, pour rien… 

La classe dirigeante politique française n’a pas su et, en fait, n’a jamais vraiment voulu contribuer à la mise en place de grands programmes stratégiques industriels et énergétiques efficients, à la différence des États-Unis (DARPA, IRA) et de la Chine (plans quinquennaux). Il ne s’agissait pas de reproduire le programme nucléaire gaulliste et pompidolien ou le TGV giscardien des années 60/70 mais de s’adapter à la nouvelle donne géostratégique mondiale, multipolaire et hautement technologique de cette première moitié du XXIème siècle, avec l’émergence du Sud global et du mouvement localiste. Le programme Airbus fait exception. Pragmatisme d’ingénieur. 

La succession de programmes du type Plan Machines-outils, Plan Textile, Pôles de compétitivité, PIA (Programme d’investissements d’avenir) 1, 2, 3 et 4 ou France 2030, tous plus ambitieux les uns que les autres, n’arrive pas à cacher la modestie des moyens financiers réellement mobilisés par la sphère publique française. Une dizaine de milliards d’euros pour les meilleures années alors que les besoins sont dix fois plus importants, que les besoins de couverture de la dette publique (plus de 300 milliards d’euros par an) phagocytent l’épargne des Français et que nous subissons les retards coupables de l’Union européenne dans la mise en place d’un véritable marché de capitaux unifié, comme aux États-Unis.

Une bonne synthèse de ces évolutions se trouve dans l’ouvrage La désindustrialisation de la France 1995-2015 de Nicolas Dufourcq, directeur général de la BPI (Banque Publique d‘Investissement), publié en 2024.

Tout le monde se souvient de l’orientation « Fabless » énoncée en 2001 par le président d’Alcatel de l’époque, Serge Tchuruk : l’industrie, c’est dépassé, il ne faut conserver en Occident que les fonctions de recherche, de conception et de commercialisation. Une décennie plus tard, le fleuron des infrastructures télécom français avait disparu façon puzzle, comme diraient les Tontons flingueurs. Même les ingénieurs peuvent donc se tromper, surtout s’ils sont autocratiques et « mainstream » pour leur époque ! Mais aujourd’hui, 17 dirigeants des sociétés du CAC 40 sont ingénieurs, soit plus de 40 % de cette élite économique. Leurs sociétés sont florissantes. Elles bénéficient d’une exposition internationale remarquable et d’une gestion managériale d’ingénieurs hors pair. Quel contraste avec la sphère publique française.

Pour remettre la sphère publique française d’aplomb, il faut donc une démarche d’ingénieur

La reconfiguration de la sphère publique française relève d’une démarche d’ingénieur : « les faits, rien que les faits », diagnostic lucide de la situation, identification des leviers de changement avec une vision de long terme, organisation méthodique des modifications de structure, mise en œuvre déterminée des économies, réallocations des moyens et des investissements d’avenir, capacité à quantifier les situations, pragmatisme en toutes circonstances. 

L’exemple de Vallourec est éloquent. Fondé en 1899, ancienne star du CAC 40 en quasi-faillite en 2022, ce spécialiste mondial des tubes filetés en aciers spéciaux pour forages profonds a été magistralement repositionné en quatre ans par un ingénieur français (Mines de Nancy), riche d’une expérience diversifiée, tant sur le plan sectoriel qu’international. 

Choix de la haute valeur ajoutée, abandon des productions bas et moyen de gamme, poursuite d’une innovation de pointe avec consolidation de sa RD en France (l’excellent crédit d’impôt recherche joue sa partition en France, malgré diverses critiques), localisation de ses usines à proximité de ses clients (États-Unis, Amérique latine, Asie, Moyen-Orient), chiffre d’affaires recentré (baisse d’un tiers), ajustement de ses effectifs (diminués de moitié). La société est ainsi passée d’une dangereuse position de surendettement à une rentabilité canon de +23 % aujourd’hui. Les salariés et les actionnaires se portent bien !

Sans qu’il puisse y avoir bien sûr de transposition des solutions adoptées par Vallourec à la sphère publique française, l’esprit et les méthodes propres aux ingénieurs s’y appliqueraient au plus grand bénéfice des Français.

La France est surendettée, tout le monde le sait. Le déficit budgétaire s’élève à -156 milliards d’euros en 2024, soit près de la moitié des 326 milliards d’euros de recettes fiscales de l’État, cela ne s’invente pas (les recettes fiscales d’un État sont à peu près l’équivalent du chiffre d’affaires pour une entreprise). Le déficit budgétaire global de la sphère publique s’élève quant à lui à -169 milliards d’euros et représente ainsi -10,3 % des 1 502 milliards d’euros de recettes des administrations publiques. Le calcul du déficit budgétaire en pourcentage de PIB (-5,8 % en 2024 au sens de Maastricht) n’est pas, à cet égard, pertinent car il masque l’ampleur du déséquilibre français.

Ainsi, la sphère publique française « perd » chaque année autour de -10 % de ses revenus. François Fillon parlait déjà en 2007 d’un État en faillite, c’était il y a deux décennies. Il avait bien raison et cela a depuis empiré. Aucune entreprise ne peut survivre en perdant chaque année 10% de son chiffre d’affaires. Un État non plus, sauf à perdre sa souveraineté. Attention à la Troïka (BCE, FMI et Commission européenne) ! 

Que donnerait l’application de la méthode Vallourec à la sphère publique française ?

Passons d’abord à l’équilibre des comptes des administrations publiques : ce sont ainsi -170 milliards d’euros de dépenses publiques en moins. Si l’on souhaite aussi réduire les prélèvements obligatoires de deux raisonnables petits points de PIB, soit de 60 milliards d’euros, ce qui devrait être acceptable pour un pays champion du monde de l’impôt, l’effort sur les dépenses publiques, donc y compris les dépenses sociales, doit ainsi porter sur -230 milliards d’euros. Ceci correspond à un effort global de 15,3 % sur les dépenses publiques. Beaucoup moins important que l’ajustement opéré en quatre ans par Vallourec.

En termes d’effectifs, la sphère publique française emploie actuellement 5,8 millions d’agents, titulaires et non titulaires. Si l’on applique une réduction de 15% de ses effectifs, raisonnable dans un univers où l’intelligence artificielle se développe, ce sont 870 000 postes publics qui sont concernés à terme. En prenant un coût moyen complet de 60 000 € par agent, ceci représente une économie de 52 milliards d’euros par an en régime de croisière. Insuffisant donc pour retrouver une position saine pour la sphère publique. La réduction des effectifs publics, que l’on peut considérer comme acceptable socialement et politiquement sur une décennie compte tenu des départs en retraite, ne permet donc pas de régler le « problème structurel d’exploitation » français.

Il reste donc à trouver 180 milliards d’euros complémentaires d’économies sur les dépenses publiques. Ce qui signifie qu’il faudra, soit tailler à la hache dans les services publics et dans les dépenses sociales, soit procéder à des désindexations ciblées sur les dépenses progressivement dans le temps. La croissance nominale, c’est-à-dire incluant la croissance en volume et l’inflation, arme subtile à deux tranchants de la direction du Budget, que les parlementaires commencent juste à comprendre, y contribuera puissamment. Le pragmatisme de l’ingénieur privilégiera les désindexations ciblées, les simplifications procédurales, la suppression d’échelons administratifs et institutionnels ainsi que la priorité à la proximité, avec un vaste mouvement de déconcentration/décentralisation.

Une telle reconfiguration de la sphère publique – pour ne pas parler de restructuration industrielle mais cela en est bien une – ne pourra pas se faire en quatre ans comme pour Vallourec. Une décennie devrait être en l’occurrence l’horizon de temps acceptable, pour tenir compte des équilibres propres à la sphère publique.

Une légitimité démocratique incontestable est enfin appelée à permettre une telle reconfiguration structurelle, forme de pendant de la gouvernance actionnariale pour une entreprise. Seule l’élection présidentielle est à même de porter une telle dynamique gagnante, surmontant les oppositions de tous bords qui ne manqueront pas de se manifester, y compris dans la rue.

Le ou la future président/présidente aura ainsi tout à gagner à intégrer une démarche d’ingénieur dans son pilotage de la France à partir de 2027, avec une détermination sans faille et dans la durée. À défaut de disposer d’un Parlement irrigué par plus de compétences scientifiques et techniques…

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Le retour d’un christianisme musclé?

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Photo modifiée.

Dans une France qui s’archipélise, l’apparition d’une horde de pèlerins néo-chrétienne sur les réseaux sociaux est réjouissante. Mais elle a aussi de mauvais côtés.


Qu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse, le constat est là : la religion semble sortie de la sphère privée et du domaine de l’intime. La mode est à la foi qu’on revendique et qu’on affiche, de manière ostensible voire ostentatoire, en particulier chez les jeunes générations. Le catholicisme ne fait pas exception : c’est ce que j’ai découvert récemment, au fil de mon parcours de catéchumène débuté il y a 16 mois. Déjà en hausse de + 30% en 2024 et de + 45% en 2025, le nombre d’adultes demandant le baptême catholique ne cesse d’augmenter en France. En Belgique, le chiffre a même triplé en dix ans. Parmi ces aspirants catholiques, la part des 18-25 ans affiche une croissance particulièrement spectaculaire, dépassant aujourd’hui celle des 26-40 ans qui représentait jusqu’ici le cœur de cible historique du catéchuménat.

Besoin d’appartenance

Durant ces deux années de préparation au baptême, les catéchumènes d’une même paroisse sont invités à se regrouper lors de journées de rites et de partage. Du haut de mes 37 ans, je me suis vite sentie doyenne de ce groupe constitué en majorité d’étudiants et de jeunes actifs, particulièrement exaltés. Considérant l’excessivité en toute chose comme l’apanage de la jeunesse, je ne me suis d’abord offusquée ni de leur désir commun d’une pratique religieuse plus stricte, ni de leur volonté d’afficher et d’assumer leur religion, qui parfois frôle le prosélytisme. La discrétion ne semble clairement plus être un critère déterminant lorsqu’il s’agit de choisir une croix ou une médaille de baptême. Dans la note de présentation des chiffres du catéchuménat 2025[1], le père Jean-Baptiste Siboulet, du diocèse de Nantes, constate ainsi le nombre croissant de jeunes gens désireux de « faire le Carême ». Il insiste également sur leur « besoin d’appartenance à un groupe ».

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Leurs histoires personnelles se ressemblent : le premier contact avec la foi catholique n’a souvent pas lieu au sein de la cellule familiale ou amicale mais sur les réseaux sociaux par le biais d’influenceurs, qu’ils ne cessent de m’exhorter à suivre. Je découvre ainsi sur Instagram et TikTok un nombre impressionnant d’influenceurs catholiques, majoritairement de moins de 30 ans, essentiellement masculins, parfois prêtres consacrés, mais le plus souvent simples croyants. Ces jeunes hommes, suivis pas des communautés de plusieurs dizaines de milliers de personnes, exposent leur foi, leur quotidien de jeunes chrétiens, commentent l’actualité  mais, de manière plus surprenante, prodiguent des conseils de musculation et de morale. Beaucoup se fantasment missionnaires et entendent vulgariser et propager la parole de Jésus-Christ, en alternant paroles d’Amour universel et vocabulaire guerrier sur fond de culturisme.

Un phénomène qui n’est plus marginal

Comment l’Église catholique réagit-elle à ce phénomène qu’elle ne peut ignorer ? Les 28 et 29 juillet dernier se tenait la première édition du jubilé des « missionnaires digitaux » organisé par le pape Léon XIV, durant lequel celui-ci a appelé les créateurs de contenu à « nourrir d’espérance chrétienne les réseaux sociaux ». Les influenceurs catholiques les plus suivis en Europe sont d’ailleurs des prêtres italiens. Parmi ceux-ci, Giuseppe Fusari, prêtre influenceur aux 66 000 abonnés, surnommé « le prêtre culturiste », n’hésite pas à mettre en avant ses biceps volumineux et tatoués dans ses vidéos. Le curé Don Cosimo Schena, belle gueule et physique de mannequin, est suivi quant à lui par 480 000 personnes. Nous sommes loin de la caricature du curé replet et dégarni façon Don Camillo ou du chrétien souffreteux des romans de Bernanos. Clairement, l’esprit ne semble pas dominer ou, plutôt, la domination de l’esprit semble indissociable de celle du corps.

Sans le savoir, ces néo-chrétiens renouent avec un mouvement religieux né en Angleterre au milieu du xixe siècle appelé « Muscular Christianity », ou « Christianisme musclé », défini par Charles Kingsley, chanoine anglican, comme l’association de la force physique et de la certitude religieuse[2]. La participation à un sport permet d’acquérir et d’assimiler la morale chrétienne, tout en définissant la virilité. Il est intéressant de constater que l’émergence du christianisme musclé a lieu pendant des périodes d’instabilité politique dans le monde anglo-saxon. Ainsi, Thomas Arnold, directeur d’un collège universitaire, théorise à l’époque ce mouvement en expliquant chercher à forger chez les jeunes gens le caractère « dur, moral et chrétien dont ont besoin les futurs dirigeants de la Grande-Bretagne ». Il est question de foi, de devoir patriotique, de discipline, de virilité mais également de beauté morale et physique via des pratiques athlétiques.

Répondre à l’expansionnisme islamique

Sur les réseaux sociaux en 2025, si la question de la morale religieuse est toujours d’actualité, d’autres grandes thématiques peinent à trouver écho dans le cœur des néo-catholiques, en particulier celle du Pardon que ceux-ci associent aisément à de la faiblesse. Il n’est pas plus question de pardonner que de tendre l’autre joue, mais bien de défendre une culture chrétienne française sur fond de patriotisme exacerbé. L’influenceur catho.costaud, simple laïc aux 20 000 followers, nous parle de l’époque des Croisades et enchaîne les prêches : « Nous sommes la lumière, par la Sainte Vierge, par le chapelet, par la prière […] La France ne renaîtra par dans les urnes mais dans les églises ».  La défense du patrimoine culturel français, matériel ou immatériel, est un thème récurrent de ces publications. Dans une France qu’ils considèrent en danger, ces jeunes gens ressentent un réel besoin de répondre à l’expansionnisme islamique par un communautarisme chrétien. Dans cette quête identitaire face à un danger ressenti comme existentiel, certains vont jusqu’à se proclamer royalistes et questionnent la séparation de l’Église et de l’État ou la loi de 1905 sur la laïcité.

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Quel mal pourrait-il y avoir à ce que des jeunes gens en quête de discipline et de sens remplissent à nouveau nos églises, les défendent, exhibent chapelets, bérets et bretelles, fassent de la musculation ou encore se passionnent pour l’histoire de France ?  Il m’a fallu plusieurs échanges avec ces jeunes catéchumènes et néo-catholiques pour comprendre ce qui me chiffonnait dans toute cette exaltation patriotique et religieuse. Ce mouvement, essentiellement porté par des jeunes hommes, se teinte aisément de sexisme, voire de masculinisme. L’avortement y est décrié, la « reconquête » de la France devant également se faire par la natalité. Si la moralité des jeunes hommes transparait dans leur musculature et leur force physique, c’est sur le terrain de la vertu que les femmes sont attendues, même si leur apparence se doit également d’être soignée. La figure traditionnelle de la femme, douce, maternelle, élégante et patriote, est ainsi glorifiée. L’historien George L. Mosse, dans son ouvrage sur la construction de la virilité[3] exposait ainsi que « l’homme, pour prendre conscience de sa virilité, a besoin de la femme, à condition que celle-ci reste vraiment féminine ». Exclues de ce néo-christianisme musclé, les femmes n’en sont pas moins présentes sur les réseaux. Tandis que de nombreux internautes les qualifient en commentaire de « bonnes à marier », le compte Instagram lesfranceries, sur fond de chanson de Charles Aznavour, détaille ainsi la journée dominicale telle qu’elle devrait se dérouler partout en France : messe, balade, chasse, sieste et poulet rôti. Et devinez qui doit préparer ce dernier dans la douce chaleur du foyer ? En ce qui me concerne, je ne m’attendais clairement pas, en retrouvant le chemin de l’église, à ce qu’on me désigne celui du foyer et de la cuisine.


[1] Dossier de presse de l’enquête « Catéchuménat 2025 » : https://eglise.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/2/2025/04/Catechumenes_2025_chiffres_Dossier-de-presse-2.pdf

[2] Donald E. Hall, « Muscular Christianity » : Reading and Writing the Male Social Body, Cambridge University Press 1994.

[3] George L. Mosse « L’image de l’homme – L’invention de la virilité moderne » – Editions Abbeville 1997

Taïwan: la Première ministre japonaise met le feu aux poudres

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La Première ministre japonaise Sanae Takaichi écoute le président américain Trump sur l’USS George Washington, un porte-avions amarré dans une base navale américaine, à Yokosuka, mardi 28 octobre 2025 © Mark Schiefelbein/AP/SIPA

En évoquant une possible intervention militaire au côté de Taïwan, la Première ministre Sanae Takaichi a déclenché la colère de Pékin et ravivé les blessures du passé, révélant un Japon désormais décidé à assumer une ligne diplomatique plus offensive.


Un mois à peine après son accession au pouvoir, en octobre 2025, la Première ministre japonaise Sanae Takaichi a déclenché une tempête diplomatique en évoquant la possibilité d’une intervention militaire du Japon en cas d’attaque chinoise contre Taïwan. Pékin a réagi avec une virulence rare.

Une escalade verbale qui fait ressurgir les fantômes du passé, réveille les tensions territoriales et confirme que Tokyo n’entend plus pratiquer l’ambiguïté stratégique.

Sanae Takaichi, la Première ministre qui bouscule les lignes

Première femme à accéder à la tête du gouvernement japonais, Sanae Takaich, 64 ans, n’est pas une novice dans l’arène politique. Figure conservatrice du Parti libéral-démocrate (PLD), protégée du Premier ministre Shinzo Abe (2006-2007 et 2012-2020), lequel a été assassiné en 2022, elle s’est construit une réputation de femme de poigne, nationaliste assumée et inflexible sur les questions de souveraineté.

Elle milite depuis des années pour la révision de l’article 9 de la Constitution pacifiste afin de reconnaître explicitement les Forces d’autodéfense comme une « armée nationale », soutient l’augmentation du budget militaire, le développement de capacités offensives et l’adoption d’une législation anti-espionnage. Selon la dirigeante japonaise, en cas de guerre, « il est primordial de neutraliser en premier lieu les bases ennemies » (2021).

Volontiers nationaliste, elle a multiplié les visites controversées au sanctuaire de Yasukuni où reposent les héros de la Seconde Guerre mondiale.  De quoi crisper la Chine qui n’apprécie pas non plus que Sanae Takaichi tienne un discours révisionniste, allant jusqu’à affirmer que les crimes de guerre japonais ont été « exagérés » par les historiens. Questionnée en 2002, lors d’une émission télévisée, sur l’incident de Mukden qui avait conduit à l’invasion de la Mandchourie en 1931, alors députée, Sanae Takaichi avait expliqué qu’il s’agissait avant tout d’une « guerre légitime afin de protéger le Japon de toute agression extérieure », remettant même en cause les milliers de morts recensés dans le bombardement (« viol ») de Nankin en 1937. Exit donc les ravages de l’unité 731 dans l’Etat fantoche du Mandchoukouo, des exécutions sommaires et viols commis contre les civils chinois, elle estime que les termes « femmes de réconfort » et « travail forcé » restent aujourd’hui « extrêmement dévalorisant » pour le peuple japonais qui se doit de se réapproprier son histoire nationale.

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Sanae Takaichi n’a jamais caché non plus sa méfiance envers Pékin : dénonciation du vol de propriété intellectuelle, plaidoyer pour réduire la dépendance économique à la Chine, soutien au déploiement de missiles américains sur l’archipel. La tonitruante leader du PLD entend remettre son pays au centre de l’échiquier politique asiatique. En avril 2025, elle s’était rendue à Taïwan pour rencontrer le président Lai Ching-te, reprenant à son compte la phrase de Shinzo Abe : « Une situation d’urgence à Taïwan est une situation d’urgence au Japon ». Une visite qui avait fortement irrité la Chine qui ne reconnaît pas l’indépendance de cette île (1949), considérée comme une simple province chinoise séparatiste.

Taïwan, la ligne rouge qui menace d’embraser l’Asie

Le 7 novembre 2025, devant la Diète, Sanae Takaichi a déclaré : « La situation concernant Taïwan est devenue si grave que nous devons envisager le pire. ». Et d’ajouter que si l’usage de la force par la Chine « impliquait une menace pour la survie du Japon », Tokyo pourrait intervenir militairement en déployant des navires de guerre.

Ajoutée au contexte historique tendu entre la Chine et le Japon, la phrase de la Première ministre a mis le feu aux poudres. Pour la Chine, le signal est clair : Tokyo n’entretient plus aucune ambiguïté stratégique et se prépare à une intervention armée au côté des États-Unis.

À chacun son point de vue sur ce qui est encore considéré comme le rempart à l’influence du dragon rouge. Pour Pékin, Taïwan n’est pas un dossier diplomatique, mais un élément fondamental de son identité nationale : la « réunification » est non négociable, y compris par la force. L’île fut longtemps occupée par le Japon jusqu’en 1945, ce qui ajoute une charge émotionnelle supplémentaire aux relations sino-japonaises. Pour Tokyo, l’enjeu est vital. Taïwan se situe à 100 km seulement de l’archipel japonais. Sa chute provoquerait un encerclement stratégique du Japon, une rupture des routes maritimes essentielles à son économie, une domination chinoise accrue sur le Pacifique que l’Empire du Soleil Levant ne saurait accepter.

La réaction furieuse de la Chine : menace, pressions et représailles

Les autorités chinoises ont réagi avec une brutalité inhabituelle. Le consul de Chine à Osaka, Xue Jian, a publié un message menaçant de « lui couper son p*tain de cou » — un niveau de violence rhétorique rare dans la diplomatie.

Envolées désormais les poignées de main entre Sanae Takaichi et le président chinois Xi Jinping en octobre dernier comme leurs déclarations pacifiques. Le ministère chinois des Affaires étrangères a prévenu : « Quiconque ose s’ingérer dans la cause de la réunification se verra infliger une riposte ferme. ». Quant aux médias officiels chinois, ils ont affirmé que la Première ministre « devrait en payer le prix ». Dans un acte de pression supplémentaire, Pékin a déconseillé à ses ressortissants de voyager au Japon, évoquant des « risques importants pour la sécurité ». Plusieurs compagnies aériennes chinoises ont immédiatement proposé des remboursements gratuits pour les vols vers l’archipel. 

La crise sino-japonaise marque un tournant. Pour la première fois, Tokyo semble prêt à lier explicitement sa sécurité à celle de Taïwan. En réponse, Pékin choisit l’intimidation, la menace et l’instrumentalisation de l’opinion publique. Aucun des deux camps ne souhaite la guerre — mais chacun se prépare à l’éventualité du pire. La Première ministre japonaise, en assumant une ligne dure, a levé le voile sur une réalité qui s’impose désormais à l’Asie : la paix dans le détroit dépendra désormais de la fermeté — ou de la retenue — du Japon et de la Chine.

Dans un climat où les mots tranchent comme des lames, l’escalade diplomatique n’est peut-être qu’un prélude à un affrontement stratégique beaucoup plus profond.

Alain Souchon, vestige de la gauche prolophobe

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© SADAKA EDMOND/SIPA

Le chanteur préféré des vieilles institutrices abonnées à Télérama menace de s’exiler en Suisse si la droite populiste accède aux responsabilités. L’interprète de Foule sentimentale, qui raillait la bourgeoisie d’extrême droite raciste en 1977 dans son titre Poulailler’s Song a un train de retard. Il ne voit pas qu’en 2025, c’est le peuple ordinaire qui vote pour Jordan Bardella.


Les mirobolants progressistes, qui ont mis la France dans ce sale état, se ridiculisent dans leurs forfanteries. Alain Souchon est de ceux-là, quand il déclare, vendredi sur RTL, en promotion pour ses chansons : « Je ne crois pas que les Français soient aussi cons pour élire quelqu’un du Front national pour diriger ». En ajoutant : « Si ça arrivait, on irait en Suisse ». Certes, rien n’est plus convenu que ce commentaire élitiste.

Le mépris pour les Français ordinaires ne passe plus

Le même chanteur prolophobe pétitionna également, en juillet, contre l’implantation dans son quartier (le chic VIe arrondissement de Paris) d’un Carrefour City accusé de faire tache ; Jacques Toubon, ancien RPR recyclé dans la défense des humiliés, avait également apposé sa signature à ce petit carnet mondain[1]. Ce qui est nouveau, cependant, est l’exaspération que le jugement de classe de Souchon a immédiatement produit auprès d’une partie de l’opinion s’exprimant sur le numérique et les médias alternatifs. En fait, le mépris porté aux Français ordinaires par des humanistes d’apparat devient de plus en plus insupportable, à mesure que le système moralisateur produit toujours plus de pauvres, de violences, d’insécurités, de racismes, d’antisémitisme. Quand Souchon menace de rejoindre la Suisse, il fait certes un excellent choix. Mais ce faisant il plébiscite – au-delà du refuge pour les riches – une démocratie exemplaire dans sa politique de votations (référendums) menée en étroite collaboration avec le peuple raisonnable, que lui-même discrédite.

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Pénible spectacle

Ces élites, exhibant leur progressisme en déroute, ont cessé depuis longtemps de penser la réalité au profit d’un monde abstrait et coupé des gens. Leur univers fictif ne répond qu’à des codes sociaux marquant l’appartenance à des castes cloitrées dans leurs croyances. La décence est un mot que ces experts et donneurs de leçons ignorent, quand ils lancent des procès en incompétence contre les populistes, s’épargnant de s’arrêter sur leurs propres bilans désastreux. Jordan Bardella est une des cibles des salonnards. Ils en oublient de demander des comptes à Emmanuel Macron pour ses déroutes budgétaires et civilisationnelles. Il sera pourtant difficile de faire pire. La péroraison des faillis et des ratés, appuyés par un show-biz pétochard, devient un spectacle pénible. Mais l’air du temps se raidit. La morgue des récitants en clichés devient un carburant qui alimente la rébellion des proscrits, des injuriés. Ils ont face à eux la lâcheté molle de la pensée officielle qui a contaminé ses clones.

C’est très timidement que l’intelligentsia a ainsi défendu Boualem Sansal, emprisonné durant un an en Algérie et libéré mercredi grâce à l’intervention de l’Allemagne. Parce que la droite résistante à la dictature algérienne et à l’islamisme avait proposé le nom de l’écrivain, en septembre, pour le prestigieux Prix Sakharov, ses éditeurs, Antoine Gallimard et Jean-Marie Laclavetine, s’étaient opposés à cette initiative, vue comme venant de l’« extrême droite ». Cette posture snobinarde est celle de Souchon. Celle des imbéciles heureux.


[1] https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2025/07/19/a-paris-les-tres-chics-opposants-a-une-superette-pres-du-jardin-du-luxembourg_6622120_4500055.html

Docteur Borloo: l’ordonnance qui tue

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© Bony/SIPA

Jean-Louis Borloo était l’invité de Laurent Delahousse ce dernier dimanche en fin de journal du 20 heures de France 2. Au programme, déambulation bon enfant dans Paris et recette miracle du docteur Borloo pour sauver la France qui ne va pas bien. Quais de Seine, île de la Cité pour la balade. Bref les beaux quartiers point trop encombrés de tentes Quechua et de migrants paumés.

La France n’est pas au mieux, diagnostique l’ancien député européen, ministre et maire de Valenciennes. Là-dessus, on ne peut contester qu’il fasse consensus. Rien ne marche comme il faudrait. L’hôpital, en particulier sur lequel il prend soin d’appuyer. Les finances non plus, apprend-t-on littéralement ébahi, ne seraient pas au mieux, nous signale donc le bel esprit, passant à la hauteur du ministère dédié. Et d’en profiter pour lâcher cette remarque d’une grande puissance symbolique: la bâtisse du ministère empiète sur le cours de la Seine alors que Notre-Dame, elle, respecte le fleuve. Là, on admire l’acuité de la pensée.

L’essentiel du propos va plus loin, bien entendu : le sauvetage de la France. Et donc l’identification des causes du mal. Ou plus exactement de « la » cause. Car tout, selon le docteur Borloo, vient de ce que le pays est mal organisé. Voilà l’alfa et l’oméga. On est au bord de la pâmoison devant tant de pertinence, de perspicacité et, surtout, de nouveauté. Nous sommes invités à nous persuader que personne avant lui n’avait osé une telle audace dans le diagnostic, n’était allé aussi loin dans la dénonciation de l’accumulation des couches administratives, des doublons de responsabilité ou d’irresponsabilité entre Etat, région, département, interco, etc… Vieille rengaine, pourtant. De même la solution proposée, usée, éculée : réorganiser, bien sûr, mais surtout, et c’est bien là le coup de génie, faire de la France un Etat fédéral. À la française, cela va de soi. Bref, reprendre la marotte de Raffarin et de tous ceux qui, n’ayant pas une vraie vision de l’ampleur du problème et de la radicalité des remèdes à prescrire, s’abritent derrière ce serpent de mer : la décentralisation. Comme si éparpiller l’indigence politique suffisait à métamorphoser celle-ci en puissance d’agir…

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Donc, la France souffrirait de désorganisation. Et le docteur Borloo managerait en toute discrétion une équipe pour, le moment venu, à l’horizon 2027, partir en croisade et imposer ces vues tellement novatrices. Et surtout tellement efficaces. On brûle d’impatience.

En vérité, le grand intérêt de ce genre de trompe l’œil est de permettre à la classe médiatico-politique en place de berner le citoyen électeur en lui faisant croire que ce qu’il faut au pays est une simple réorganisation, un toilettage des rouages de fonctionnement, mais absolument pas une remise en cause en profondeur des logiciels et des principes présidant aux décisions, aux orientations politiques. Le but inavoué et pourtant patent de ce genre de prestation n’est autre que de donner à penser que tout le reste, tout ce qui ne relève pas d’une simple réorganisation des structures, est à ranger dans la rubrique des fantasmes et des faux problèmes: l’insécurité endémique, l’immigration de masse, le naufrage de l’école… Tout cela ne serait que lubie d’une sous-population aigrie et fascisante – cette catégorie de Français que l’éminent philosophe Souchon qualifie de cons.

Voilà bien le but, voilà la stratégie inaugurée par service public de télévision ce dimanche soir en invitant le docteur Borloo et ses cautères pour jambe de bois. Détourner le téléspectateur de la réalité, lui faire prendre les vessies pour des lanternes. Oui, inauguration d’une stratégie délibérée, car je vous fiche mon billet qu’il en défilera bien d’autres, des docteurs miracles experts ès médecines douces et poudres de perlimpinpin d’ici 2027 sur nos écrans. La grande et longue campagne d’anesthésie médiatique n’en est qu’au lever de rideau. Croyez-moi…

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Royaume-Uni: Farage est-il trumpiste?

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Nigel Farage. DR.

Les adversaires de Nigel Farage le considèrent comme une pâle copie de Donald Trump. Le chef de Reform UK partage les mêmes préoccupations que le président américain mais son parcours et son style font la différence.


« Un Trump à la sauce anglaise » (Les Échos), « le Trump britannique » (Le Point), « la méthode Trump  » (France Info )  : la plupart des médias français présentent Nigel Farage comme un simple sous produit du phénomène Trump. C’est une façon commode de discréditer le chef de Reform UK qui écrase dans les sondages les deux partis traditionnels outre Manche. Certes, il y a de nombreuses similarités entre Farage et Trump dont les préoccupations principales sont la maîtrise de l’immigration et la défense de l’identité nationale, notamment par rapport à la souveraineté économique (le Brexit, « America First »). La carrière politique de chacun a été renforcée par une carrière dans les médias. Farage a eu une émission de radio à Londres entre 2017 et 2020 ; depuis 2021, il a une émission télé sur GB News. En 2023, il a même participé à une sorte de Koh-Lanta à l’anglaise. Les deux hommes maîtrisent les médias sociaux et prétendent défendre la liberté d’expression. En septembre, Farage a été invité à témoigner à ce sujet devant la commission judiciaire de la Chambre des représentants à Washington, comparant son propre pays à la Corée du Nord. Les deux sont accusés d’entretenir un culte de la personnalité et de manquer de transparence dans leurs opérations financières, bien que Farage n’ait jamais été condamné par la justice. Leur image à tous les deux d’enfants terribles du populisme a été scellée par la célèbre photo les montrant dans l’ascenseur doré de la Trump Tower en 2016, après le référendum sur le Brexit et la première victoire électorale de Trump.

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Pourtant, leurs convergences sont plus le résultat de similarités profondes que d’une influence à sens unique. Farage s’est lancé en politique bien avant Trump. Membre fondateur de UKIP en 1993, il a été élu au Parlement européen en 1999. Il a développé très tôt son style unique, fait de franc-parler, d’humour mordant et de provocation. Le discours, devenu viral, où il dénonce le premier président officiel du Conseil européen, Herman Van Rompuy, date de 2010. Le phénomène Trump est la rencontre entre une personnalité hors du commun et une Amérique qui tolère une certaine théâtralité en politique. Plus maîtrisé que Trump, Farage a su créer une personnalité publique adaptée à la culture britannique, combinant l’autorité d’un grand bourgeois « vieille Angleterre » et le bon sens et la gouaille d’un homme du peuple. À la différence de Trump, Farage est chef et fondateur de partis. Comme la plupart des politiques, il est obligé de gérer au quotidien la turbulence inévitable créée par des dissensions internes et les conflits de personnalités. Au fond plus modéré que Trump, il doit régulièrement lancer des opérations de dédiabolisation pour se distinguer de ceux qui sont plus à droite que lui, comme l’activiste anti-islam, Tommy Robinson. Farage n’était pas présent à la grande manifestation du 13 septembre organisée par Robinson à Londres. Parler de trumpisme à propos de Farage ou d’autres populistes de droite est une manière commode pour leurs adversaires de les mettre dans le même sac, malgré des contextes différents, et de minimiser les inquiétudes réelles de leurs électeurs.

Le budget de la Grande-Bretagne également dans l’impasse

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Keir Starmer et Rachel Reeves, Liverpool, 29 septembre © 2025 IMAGO/Mark Cosgrove/News /SIPA

Depuis bientôt une décennie, le Royaume-Uni donne l’impression d’un pays dont l’économie avance les yeux bandés vers l’affaiblissement.


Les performances économiques britanniques, parmi les plus faibles du monde développé depuis le Brexit, prolongent un déclin entamé avec la crise financière de 2008. À force de chercher des responsables, tantôt l’Union européenne, tantôt la mondialisation ou les banquiers, les gouvernements successifs ont fini par ignorer l’essentiel : ce n’est pas un événement isolé qui a brisé la trajectoire britannique, mais un ensemble de choix politiques qui ont rendu la crise durable et le pays plus fragile.

Les trois illusions du Royaume

L’histoire récente offre pourtant un contre-exemple saisissant. En 1992, lorsque la livre sterling fut contrainte d’abandonner son ancrage au Deutsche Mark, ce qui devait être un désastre devint une libération. L’économie rebondit, les exportations repartirent, la croissance du PIB par habitant fut pendant près de vingt ans la plus rapide du G7. Mais pour que cette renaissance soit possible, il avait fallu accepter une vérité douloureuse : le système économique construit par le gouvernement de John Major reposait sur une fiction. Une fois la fiction effondrée, la réalité, dure mais féconde, reprit ses droits.

Aujourd’hui, une crise similaire semble se préparer, avec la même potentialité de renversement. Car si le Royaume-Uni va mal, ce n’est pas seulement en raison des chocs de 2008 et de 2016, mais parce que ses dirigeants persistent à s’accrocher à trois illusions destructrices : des règles budgétaires arbitraires et intenables, l’idée qu’un État-providence généreux peut être financé sans augmenter l’imposition de la majorité, et la conviction qu’une croissance miraculeuse jaillira spontanément de ce carcan contradictoire.

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Keir Starmer, qui avait promis une gestion sobre et responsable, voit sa popularité s’effondrer à un rythme inédit dans l’histoire du pays. Quinze mois après sa victoire électorale, son gouvernement est devenu le plus impopulaire jamais enregistré par les instituts de sondage. Sa ministre des Finances, Rachel Reeves, se trouve dans une situation encore plus délicate car c’est elle qui devra annoncer, lors du budget du 26 novembre, une hausse d’impôts allant jusqu’à 40 milliards de livres pour respecter des règles budgétaires que plus personne ne défend sérieusement, sauf ceux qui les ont édictées.

Le Royaume-Uni semble donc entré dans ce moment paradoxal où la réalité économique rattrape les promesses politiques. Et les chiffres sont impitoyables. Depuis 2016, la croissance du PIB par habitant a été presque divisée par deux. Autrefois champion du dynamisme, le pays est désormais dépassé par la France, l’Italie et même le Japon. Faut-il pour autant invoquer le Brexit ou la crise financière comme des fatalités ? Ce serait trop simple. La question centrale n’est pas ce qui est arrivé, mais pourquoi cela a produit des effets si durables au Royaume-Uni, et beaucoup moins ailleurs.

La première réponse touche à l’identité économique même de la Grande-Bretagne. Le pays disposait de deux puissants moteurs de croissance qui ont nourri la prospérité entre 1992 et 2016 : la finance mondiale et les services paneuropéens. Pourtant, ce sont ces deux secteurs que la politique britannique a méthodiquement affaiblis. Depuis la crise financière, la finance est devenue un mot toxique. Après le Brexit, les activités paneuropéennes qui faisaient briller les entreprises britanniques (conseil, culture, universités, recherche) ont été entravées ou amputées. Le Royaume-Uni s’est volontairement privé des domaines dans lesquels il excellait.

Le ruissellement, mais dans le mauvais sens

La deuxième réponse est plus subversive encore. Dans un consensus partagé par la gauche et la droite, les dirigeants britanniques ont réorganisé la fiscalité pour alléger la charge sur les salariés « ordinaires » et faire reposer le financement de l’État-providence sur les très hauts revenus. Présentée comme un geste de justice sociale, cette mutation fiscale a en réalité produit un paradoxe dévastateur : jamais les impôts n’ont pesé aussi lourd dans l’économie, et jamais les travailleurs moyens n’en ont payé aussi peu. Le 1 % des contribuables les plus riches finance désormais près d’un tiers de l’impôt sur le revenu (contre 20% en France).

Un progrès moral peut être, une erreur économique certainement. Car une telle concentration de l’impôt décourage précisément les secteurs où les salaires sont les plus élevés comme la finance internationale, les technologies, l’industrie pharmaceutique, la recherche. Autrement dit, les secteurs qui tirent le moteur invisible de la prospérité, la productivité.

Or, la productivité ne naît pas dans un climat de stagnation. Elle exige un minimum de croissance. Augmenter les impôts en pleine faiblesse conjoncturelle revient à étouffer l’économie et à précipiter la prochaine crise. Le Royaume-Uni est aujourd’hui piégé dans cette boucle autodestructrice avec un déclin de la productivité, un déficit public croissant, une hausse des impôts, une nouvelle contraction de la demande et enfin une nouvelle baisse de la productivité.

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De ce cercle vicieux, une issue existe. Mais elle suppose de rompre avec les illusions politiques actuelles. Rachel Reeves risque de condamner son propre budget si elle persiste à vouloir tout à la fois rassurer les marchés, financer l’État-providence, ménager les électeurs, et éviter une hausse de l’impôt sur le revenu. Pour sortir de l’impasse, il faudrait renverser la logique et stimuler la croissance à court terme en évitant les hausses d’impôts immédiates, tout en programmant pour 2028 ou 2029 une augmentation du taux standard de l’impôt sur le revenu. C’est le seul instrument suffisamment large et stable pour à la fois restaurer la confiance et financer durablement un État-providence universel.

Le Royaume-Uni n’a pas besoin d’une énième réforme technique, mais d’un changement de doctrine. Il doit cesser de taxer obsessivement les secteurs les plus productifs, cesser de construire ses budgets sur des promesses impossibles, et surtout reconnaître que l’État-providence, pour survivre, doit être financé par tous, y compris les classes moyennes qu’on cherche aujourd’hui à ménager.

Au fond, la leçon de 1992 demeure valable. Une crise peut libérer un pays des illusions qui l’étouffent. Reste à savoir si le gouvernement britannique acceptera d’ouvrir les yeux avant d’y être contraint.

«50 anecdotes culinaires», un livre qui fait du bien !

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DR.

Et si l’on parlait d’autre chose que de politique dans les soirées entre amis ?

On a plus que jamais besoin de relâcher la pression et de rire un peu!

C’est en tout cas l’avis de Camille Nahum qui nous propose un premier ouvrage atypique et très documenté : 50 anecdotes culinaires complètement insolites.

Journaliste gastronomique, auteure et réalisatrice, Camille passe le plus clair de son temps auprès de ceux qui font la gastronomie française. Elle a notamment écrit et réalisé le magazine « Les secrets des grands chefs », diffusé sur M6 et le documentaire « Chefs, tout pour la première étoile » diffusé sur C8.

Son livre est une anthologie de ce qu’elle a pu découvrir de plus dingue et surprenant au cours de sa carrière.

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Que l’on aime la cuisine ou non, cet ouvrage est hilarant… et instructif ! On y découvre des histoires toutes plus croustillantes les unes que les autres sur l’histoire de la gastronomie. 

Quelques exemples : sait-on que le métier de branleur de dindons existe ? que le homard était autrefois un plat destiné aux plus démunis ? ou qu’il existe une glace réalisée à base de lait maternel… Sur 190 pages l’auteure retrace des milliers d’années de cuisine.

Voilà un joli cadeau pour les fêtes et qui pourrait animer les dîners sans risquer de fâcher.

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