Les adversaires de Nigel Farage le considèrent comme une pâle copie de Donald Trump. Le chef de Reform UK partage les mêmes préoccupations que le président américain mais son parcours et son style font la différence.
« Un Trump à la sauce anglaise » (Les Échos), « le Trump britannique » (Le Point), « la méthode Trump » (France Info ) : la plupart des médias français présentent Nigel Farage comme un simple sous produit du phénomène Trump. C’est une façon commode de discréditer le chef de Reform UK qui écrase dans les sondages les deux partis traditionnels outre Manche. Certes, il y a de nombreuses similarités entre Farage et Trump dont les préoccupations principales sont la maîtrise de l’immigration et la défense de l’identité nationale, notamment par rapport à la souveraineté économique (le Brexit, « America First »). La carrière politique de chacun a été renforcée par une carrière dans les médias. Farage a eu une émission de radio à Londres entre 2017 et 2020 ; depuis 2021, il a une émission télé sur GB News. En 2023, il a même participé à une sorte de Koh-Lanta à l’anglaise. Les deux hommes maîtrisent les médias sociaux et prétendent défendre la liberté d’expression. En septembre, Farage a été invité à témoigner à ce sujet devant la commission judiciaire de la Chambre des représentants à Washington, comparant son propre pays à la Corée du Nord. Les deux sont accusés d’entretenir un culte de la personnalité et de manquer de transparence dans leurs opérations financières, bien que Farage n’ait jamais été condamné par la justice. Leur image à tous les deux d’enfants terribles du populisme a été scellée par la célèbre photo les montrant dans l’ascenseur doré de la Trump Tower en 2016, après le référendum sur le Brexit et la première victoire électorale de Trump.
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Pourtant, leurs convergences sont plus le résultat de similarités profondes que d’une influence à sens unique. Farage s’est lancé en politique bien avant Trump. Membre fondateur de UKIP en 1993, il a été élu au Parlement européen en 1999. Il a développé très tôt son style unique, fait de franc-parler, d’humour mordant et de provocation. Le discours, devenu viral, où il dénonce le premier président officiel du Conseil européen, Herman Van Rompuy, date de 2010. Le phénomène Trump est la rencontre entre une personnalité hors du commun et une Amérique qui tolère une certaine théâtralité en politique. Plus maîtrisé que Trump, Farage a su créer une personnalité publique adaptée à la culture britannique, combinant l’autorité d’un grand bourgeois « vieille Angleterre » et le bon sens et la gouaille d’un homme du peuple. À la différence de Trump, Farage est chef et fondateur de partis. Comme la plupart des politiques, il est obligé de gérer au quotidien la turbulence inévitable créée par des dissensions internes et les conflits de personnalités. Au fond plus modéré que Trump, il doit régulièrement lancer des opérations de dédiabolisation pour se distinguer de ceux qui sont plus à droite que lui, comme l’activiste anti-islam, Tommy Robinson. Farage n’était pas présent à la grande manifestation du 13 septembre organisée par Robinson à Londres. Parler de trumpisme à propos de Farage ou d’autres populistes de droite est une manière commode pour leurs adversaires de les mettre dans le même sac, malgré des contextes différents, et de minimiser les inquiétudes réelles de leurs électeurs.





