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Docteur Borloo: l’ordonnance qui tue

Le billet de Dominique Labarrière


Docteur Borloo: l’ordonnance qui tue
© Bony/SIPA

Jean-Louis Borloo était l’invité de Laurent Delahousse ce dernier dimanche en fin de journal du 20 heures de France 2. Au programme, déambulation bon enfant dans Paris et recette miracle du docteur Borloo pour sauver la France qui ne va pas bien. Quais de Seine, île de la Cité pour la balade. Bref les beaux quartiers point trop encombrés de tentes Quechua et de migrants paumés.

La France n’est pas au mieux, diagnostique l’ancien député européen, ministre et maire de Valenciennes. Là-dessus, on ne peut contester qu’il fasse consensus. Rien ne marche comme il faudrait. L’hôpital, en particulier sur lequel il prend soin d’appuyer. Les finances non plus, apprend-t-on littéralement ébahi, ne seraient pas au mieux, nous signale donc le bel esprit, passant à la hauteur du ministère dédié. Et d’en profiter pour lâcher cette remarque d’une grande puissance symbolique: la bâtisse du ministère empiète sur le cours de la Seine alors que Notre-Dame, elle, respecte le fleuve. Là, on admire l’acuité de la pensée.

L’essentiel du propos va plus loin, bien entendu : le sauvetage de la France. Et donc l’identification des causes du mal. Ou plus exactement de « la » cause. Car tout, selon le docteur Borloo, vient de ce que le pays est mal organisé. Voilà l’alfa et l’oméga. On est au bord de la pâmoison devant tant de pertinence, de perspicacité et, surtout, de nouveauté. Nous sommes invités à nous persuader que personne avant lui n’avait osé une telle audace dans le diagnostic, n’était allé aussi loin dans la dénonciation de l’accumulation des couches administratives, des doublons de responsabilité ou d’irresponsabilité entre Etat, région, département, interco, etc… Vieille rengaine, pourtant. De même la solution proposée, usée, éculée : réorganiser, bien sûr, mais surtout, et c’est bien là le coup de génie, faire de la France un Etat fédéral. À la française, cela va de soi. Bref, reprendre la marotte de Raffarin et de tous ceux qui, n’ayant pas une vraie vision de l’ampleur du problème et de la radicalité des remèdes à prescrire, s’abritent derrière ce serpent de mer : la décentralisation. Comme si éparpiller l’indigence politique suffisait à métamorphoser celle-ci en puissance d’agir…

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Donc, la France souffrirait de désorganisation. Et le docteur Borloo managerait en toute discrétion une équipe pour, le moment venu, à l’horizon 2027, partir en croisade et imposer ces vues tellement novatrices. Et surtout tellement efficaces. On brûle d’impatience.

En vérité, le grand intérêt de ce genre de trompe l’œil est de permettre à la classe médiatico-politique en place de berner le citoyen électeur en lui faisant croire que ce qu’il faut au pays est une simple réorganisation, un toilettage des rouages de fonctionnement, mais absolument pas une remise en cause en profondeur des logiciels et des principes présidant aux décisions, aux orientations politiques. Le but inavoué et pourtant patent de ce genre de prestation n’est autre que de donner à penser que tout le reste, tout ce qui ne relève pas d’une simple réorganisation des structures, est à ranger dans la rubrique des fantasmes et des faux problèmes: l’insécurité endémique, l’immigration de masse, le naufrage de l’école… Tout cela ne serait que lubie d’une sous-population aigrie et fascisante – cette catégorie de Français que l’éminent philosophe Souchon qualifie de cons.

Voilà bien le but, voilà la stratégie inaugurée par service public de télévision ce dimanche soir en invitant le docteur Borloo et ses cautères pour jambe de bois. Détourner le téléspectateur de la réalité, lui faire prendre les vessies pour des lanternes. Oui, inauguration d’une stratégie délibérée, car je vous fiche mon billet qu’il en défilera bien d’autres, des docteurs miracles experts ès médecines douces et poudres de perlimpinpin d’ici 2027 sur nos écrans. La grande et longue campagne d’anesthésie médiatique n’en est qu’au lever de rideau. Croyez-moi…

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Je suis Solognot mais je me soigne » éditions Héliopoles, 2025

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