Dans son livre, Sonya Zadig donne la parole à 15 femmes et 17 hommes ayant rompu avec un islam injuste et superstitieux.

Le tout récent livre de Sonya Zadig, clinicienne psychanalyste, Les enfants perdus de la république (Éditions Fayard, octobre 2025) est consacré aux apostats de l’islam. A travers un groupe web intitulé « les Apostats » Sonya Zadig a recueilli les témoignages poignants de 243 femmes et hommes (et la préséance n’est pas ici de pure forme car les femmes sont à la fois les premières cibles et les principales transmetteuses de la religion-culture qu’est l’islam).
Apostasie : un déchirement
Ce sont des « enfants de la République », des Français, nés en France pour la plupart, ou qui y sont arrivés très jeunes, venant du Maghreb pour la grande majorité d’entre eux. Ils ont été maltraités sous le joug d’une culture religieuse violente, rétive aux mœurs libérales respectant l’individu, puis déchirés par l’arrachement à cette socialisation de soumission à la fois terrifiante et rassurante. Leurs souffrances font écho à celles que Sonya Zadig a elle-même connues et qu’elle accueille dans son cabinet depuis plusieurs années. Des souffrances et des difficultés en grande part ignorées en France par les responsables politiques, par l’école, la justice, l’État garant de la sécurité des citoyens.
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L’ouvrage croise ainsi deux références précieuses : Malaise dans la culture de Sigmund Freud et Les territoires perdus de la République, publié en 2002 et remarquablement postfacé par Georges Bensoussan dans la réédition de 2015. Les récits emblématiques de 15 femmes puis de 17 hommes, retenus parmi ces nombreux cas étudiés par Sonya Zadig, dessinent pas à pas, l’un après l’autre, une réalité méconnue voire niée, de ces espaces où la violence peut se déchainer sur les enfants d’abord, sur les épouses, les filles, les sœurs, et sur les hommes entre eux. Or ces personnes issues d’un monde islamique archaïque dont elles se sont extirpées souvent au péril de leur vie, ne rendent pas seulement compte d’une contre-société qui se développe au cœur d’une France censée respecter les libertés individuelles de chacun. Les apostats de l’islam nous renvoient aux défis communs de l’époque, aux questions de l’identité, de la cohésion sociale, de la démocratie, et in fine de la nation.
Huis-clos familiaux
Tout commence dans la famille bien sûr. Le rôle des mères est primordial dans la transmission culturelle aux enfants, mais traditionnellement, sous la suprématie masculine. Réduites à la fonction reproductrice à tous les sens du terme, les femmes tendent à répercuter sur les enfants et particulièrement sur les filles, les violences qu’elles ont elles-mêmes subies en paroles et en actes. Les pères aussi sont violents, avec leur femme et avec leurs enfants, mais désormais en France, ils sont souvent absents et l’image paternelle est abîmée. Certains récits « décrivent un père inconsistant oscillant entre les beuveries et la fréquentation erratique des mosquées » tandis que les mères, investies d’une toute puissance inégalée sont souvent décrites comme « dépressives ou anxieuses, et psychiquement absentes ou, en colère contre leur sort -et contre leurs enfants. »
C’est dans le huis-clos familial en tous les cas, que se transmettent les contes terrifiants, la hantise des tourments de l’enfer, l’obsession de la virginité des filles, la haine des Juifs. Chacun vit sous l’œil omniprésent de dieu et sous le regard des autres. Le maintien de la réputation familiale est une préoccupation aussi constante que la crainte du châtiment divin. De même que les enfants sont liés à la famille par la mère, la Oum, la famille relie à la vaste « communauté des croyants », la Oumma. Le cheminement pour sortir de ce monde est alors difficile et douloureux. Péril mortel, l’apostasie est pourtant le gage d’une véritable naissance de l’individu libre.
Désorientés
« Les apostats avancent des raisons précises pour leur mouvement de sortie : le statut des femmes, les injustices et les violences dont ils ont été témoins oculaires ou victimes au sein de leur famille, les traumatismes nombreux dus aux djinns, au Sheitan, aux superstitions, et la certitude de savoir que, quoi qu’ils fassent hormis « se faire sauter avec une ceinture d’explosif », le Paradis d’Allah leur demeurera aussi inatteignable que la liberté qu’ils convoitent. » Et, parce que l’analyste n’est pas neutre ni désincarnée, Sonya Zadig nous dit qu’elle aussi a eu ce courage de rompre avec cet univers clos, le courage qui commence par « s’autoriser la liberté de pouvoir affirmer un « non », un non qui ne serait plus uniquement de refus mais de désir et d’assertion ».
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Mais si leurs souffrances les mènent souvent au divan du psychanalyste, tant la rupture est culpabilisante et désorientante, les apostats de l’islam sont des enfants de notre époque : en quête d’identité, de repères, de sens. « Les apostats nous confrontent aux glissements symboliques de notre modernité et nous exhortent à faire preuve chacun à notre manière d’inventivité et de courage pour comprendre ce qui constitue notre identité (…) Leurs traumas et les violences qu’ils ont subies et continuent de subir nous concernent tous puisqu’il s’agit d’une question de santé publique. Pour moi, [conclut Sonya Zadig] la question qu’ils posent est éminemment éthique. » Et politique, pouvons-nous ajouter.
256 pages
Les enfants perdus de la République: Ils ont décidé de sortir de l'islam au péril de leur vie
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