Accueil Édition Abonné Des lettres pour faire du chiffre

Des lettres pour faire du chiffre

La farce des questions au gouvernement


Des lettres pour faire du chiffre
DR.

Comment expliquer l’intensité de l’activité épistolaire de nos députés?


« Monsieur le ministre, je vous écris une lettre… » Poser une question écrite à un ministre, activité présentée par l’Assemblée comme « essentielle » à la démocratie, est un exercice très prisé par nos parlementaires. Dans ma circonscription, un député (dont je tairai le nom et le parti, non pas par charité politique mais parce qu’il appartient à une espèce très répandue) en a fait son passe-temps favori. Depuis son élection en juillet 2024, il a déjà adressé une trentaine de questions écrites, en moyenne une tous les quinze jours ! Quand la presse évoque l’agression d’un commerçant, il demande au ministre de l’Intérieur de réagir… Quand un électeur se fait arnaquer sur son smartphone, il questionne sur la lutte contre les SMS frauduleux… En cas de grosse chaleur, il interroge le ministre de l’Agriculture sur l’avenir des moissons…

A lire aussi: Présidentielles à gauche: pourquoi pas la courte paille?

Ce faisant, il s’inscrit dans la tradition. Sous Macron, lors de la XVe législature (du 27 juin 2017 au 21 juin 2022), on a enregistré en cinq ans 45 666 questions écrites ! Soit grosso modo 25 questions par jour, chacun des 577 députés rédigeant en moyenne une question toutes les trois semaines ! Lors de la XVIe (du 28 juin 2022 au 9 juin 2024), on est dans les mêmes eaux, avec 18 707 questions enregistrées en un an, onze mois et douze jours. Et l’actuelle législature tient le rythme   du 18 juillet 2024 au 30 septembre 2025, soit quatre cent quarante jours, environ 10 000 questions ont été déposées, 22 par jour !

Ces chiffres sont comme le bikini d’une jolie fille, ils font impression mais cachent l’essentiel. Cette intense activité épistolaire sert principalement des élus qui, placés sous les feux critiques d’un observatoire citoyen, veulent prouver à leurs électeurs qu’ils ne siègent pas au Palais-Bourbon uniquement pour se rincer le gosier. Et face à ce déluge de questions qui ne mouillent personne, le gouvernement, quand il répond (en moyenne une fois sur deux), se contente d’affirmer que, conscient des problèmes évoqués, il met tout en œuvre pour y remédier… Bref, un jeu démocratique qui tourne à la farce démagogique.

Novembre 2025 – #139

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Europe et Israël: des destins divergents?
Article suivant Pas mieux que lui?
Journaliste indépendant

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération