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Le discours de Donald Trump au Mont Rushmore

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Le 4 juillet 2020, à l’occasion du Jour de l’Indépendance, Donald Trump prononce un long discours face au mémorial du Mont Rushmore. Empreinte d’exceptionnalisme, son allocution met en avant la Destinée Manifeste, l’« histoire miraculeuse » des Etats-Unis. Le président américain condamne également les récents mouvements de dégradations des mémoriaux et statues dans le pays. La revue amie Conflits propose à ses lecteurs de lire l’intégralité du discours.


 

Ce long discours apparaît essentiel pour bien comprendre la pensée de Donald Trump, qui est également celle de bon nombre d’Américains.

Le premier élément qui ressort à la lecture de ce texte, c’est l’exceptionnalisme américain : « chacun d’entre vous vit dans le pays le plus magnifique de l’histoire du monde, et il sera bientôt plus grand que jamais. » Dans une leçon d’histoire passionnée, Trump raconte les vies des figures du Mont Rushmore : Georges Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln et Theodore Roosevelt. Le président met en avant l’héritage fondamental de l’Indépendance : « 1776 a représenté le point culminant de milliers d’années de civilisation occidentale et le triomphe non seulement de l’esprit, mais aussi de la sagesse, de la philosophie et de la raison. »

Là où le discours prend toute sa profondeur, c’est dans l’actualisation de cet héritage. Donald Trump le déclare menacé par « un nouveau fascisme d’extrême gauche » qui utilise la méthode « totalitaire » de la « cancel culture ». En se positionnant devant le Mont Rushmore, le plus connu des mémoriaux du pays, le président américain adresse un message clair : il ne laissera pas l’histoire être bafouée, il entend bien fonder « la prochaine génération de patriotes américains ».

Revue Conflits

Le président : Merci beaucoup à vous ainsi qu’au gouverneur Noem, au secrétaire Bernhardt – que j’apprécie beaucoup – aux membres du Congrès, les invités de marque, et un bonjour très spécial au Dakota du Sud.  (Applaudissements).

En ce début de week-end du 4 juillet, la Première Dame et moi-même souhaitons à chacun d’entre vous un très, très heureux Jour de l’Indépendance. Je vous remercie.  (Applaudissements.)

Montrons notre reconnaissance à l’armée et à la garde nationale aérienne du Dakota du Sud, ainsi qu’à l’armée de l’air américaine, qui nous ont inspiré par cette magnifique démonstration de la puissance aérienne américaine et bien sûr, notre gratitude, comme toujours, aux légendaires et très talentueux Blue Angels.  Merci beaucoup.

Envoyons également nos plus sincères remerciements à nos merveilleux vétérans, aux forces de l’ordre, ainsi qu’aux médecins, infirmières et scientifiques qui travaillent sans relâche pour tuer le virus.  Ils travaillent dur.  Je tiens à les remercier très, très sincèrement.

À lire aussi : Derrière les émeutes, une cible: l’Amérique de Trump

Nous sommes également reconnaissants à la délégation du Congrès de votre État : Sénateurs John Thune – John, merci beaucoup – Sénateur Mike Rounds – merci, Mike – et Dusty Johnson, membre du Congrès. Salut, Dusty.  Merci, Dusty.  Et tous les autres membres du Congrès qui sont avec nous ce soir, merci beaucoup d’être venus.  Nous vous en sommes reconnaissants.

Il n’y a pas de meilleur endroit pour célébrer l’indépendance de l’Amérique que sous cette magnifique, incroyable, majestueuse montagne et monument aux plus grands Américains qui n’aient jamais vécu.

Aujourd’hui, nous rendons hommage à la vie exceptionnelle et à l’héritage extraordinaire de George Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln et Teddy Roosevelt.  Je suis ici en tant que votre président pour proclamer devant le pays et devant le monde : Ce monument ne sera jamais profané, ces héros ne seront jamais défigurés, leur héritage ne sera jamais, jamais détruit, leurs réalisations ne seront jamais oubliées, et le Mont Rushmore restera à jamais un hommage éternel à nos ancêtres et à notre liberté.

Public :  USA !  USA !  USA !

Le président : Nous sommes réunis ce soir pour annoncer le jour le plus important de l’histoire des nations : le 4 juillet 1776.  À ces mots, le cœur de chaque Américain devrait se gonfler de fierté. Chaque famille américaine devrait applaudir avec joie. Et chaque patriote américain devrait être rempli de joie, car chacun d’entre vous vit dans le pays le plus magnifique de l’histoire du monde, et il sera bientôt plus grand que jamais.

Nos fondateurs ont lancé non seulement une révolution dans le gouvernement, mais aussi une révolution dans la poursuite de la justice, de l’égalité, de la liberté et de la prospérité. Aucune nation n’a fait plus pour faire progresser la condition humaine que les États-Unis d’Amérique.  Et aucun peuple n’a fait plus pour promouvoir le progrès humain que les citoyens de notre grande nation.

Tout cela a été rendu possible grâce au courage de 56 patriotes qui se sont réunis à Philadelphie il y a 244 ans et ont signé la Déclaration d’indépendance. Ils ont consacré une vérité divine qui a changé le monde à jamais lorsqu’ils ont dit « …tous les hommes sont créés égaux. »

À lire aussi : Donald Trump, le faiseur de miracle économique

Ces mots immortels ont mis en branle la marche imparable de la liberté. Nos fondateurs ont déclaré avec audace que nous sommes tous dotés des mêmes droits divins – qui nous ont été donnés par notre Créateur dans le ciel.  Et ce que Dieu nous a donné, nous ne permettrons à personne de nous le retirer – jamais.

1776 a représenté le point culminant de milliers d’années de civilisation occidentale et le triomphe non seulement de l’esprit, mais aussi de la sagesse, de la philosophie et de la raison.

Et pourtant, alors que nous sommes réunis ici ce soir, il existe un danger croissant qui menace chaque bénédiction pour laquelle nos ancêtres se sont si durement battus, ont lutté, ont saigné pour s’en assurer.

Notre nation est le témoin d’une campagne impitoyable visant à effacer notre histoire, à diffamer nos héros, à effacer nos valeurs et à endoctriner nos enfants. (…)

>>> Poursuivez la lecture du discours sur le site de la Revue Conflits <<<

Il pleure sur Nantes


Après le dramatique incendie survenu samedi matin à la cathédrale de Nantes, alors que l’enquête est toujours en cours, un homme suspecté a vu sa garde à vue être prolongée hier. L’orgue du XVIIème siècle, inestimable, est parti en fumée.


L’image est étrangement belle : sur la façade étroite, une rougeur enflamme la rosace à hauteur du grand orgue. Après Notre-Dame de Paris, la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul de Nantes est en feu. Trois départs d’incendie, à droite et à gauche de la nef. Au bout de plusieurs heures, ce samedi matin 18 juillet, le feu est maîtrisé par les pompiers mais le grand orgue, un chef-d’œuvre inestimable, datant du XVIIème siècle, est entièrement détruit. Certes dira-t-on, la charpente de la cathédrale a résisté. Mais qu’un orgue d’une valeur inestimable disparaisse dans le feu, avec son merveilleux buffet, ses vitraux et ses stalles attenantes, est hautement symbolique. Car l’orgue est l’instrument, par excellence, de la liturgie chrétienne.

Un orgue ce sont « des tuyaux sur un réservoir d’air » disait Charles-Marie Widor. Mais quel instrument savant ! Connu depuis l’Antiquité, hydraulique puis pneumatique, son succès en Europe est rapide, dès le IXème siècle, et l’orgue prend place dans les églises pour accompagner la liturgie. Un répertoire voit le jour au XVIIème siècle avec les facteurs d’orgue. Certes, ce répertoire est lié à Bach mais il ne faudrait pas oublier notre brillante école française avec Vierne, Dupré, Tournemire, Alain, Duruflé et Olivier Messiaen, natif de Nantes, et mort en 1992.

La louange de Dieu suppose le chant et la musique. Si l’orgue est depuis toujours considéré comme le roi des instruments, c’est qu’il reprend tous les sons de la création, fait résonner la plénitude des sentiments humains et renvoie au divin. C’est pourquoi on bénit un orgue avant qu’il ne joue comme on consacre l’autel. 

J’ai des souvenirs d’orgue inoubliables : le Kyrie de Vierne à Notre-Dame, pendant les messes, avec la maîtrise entière. (Que devient-elle cette maîtrise ?) Les improvisations à Saint-Etienne du Mont de Thierry Escaich. Des Passions à la cathédrale d’Aix-en-Provence. Et l’œuvre de Messiaen, joué à Notre-Dame, par Olivier Latry, ainsi qu’à la Trinité, par des organistes du monde entier, pour lui rendre hommage, à sa mort, en 1992, sur l’orgue Cavaillé-Coll dont il fut toute sa vie le titulaire. C’est avec Messiaen que l’on découvre avec émerveillement toutes les couleurs de l’orgue, de la plus éthérée à la plus âpre.

Relire notre numéro de mai 2019: Causeur: Notre-Dame des touristes

L’orgue de la cathédrale de Nantes, œuvre du facteur d’orgue Girardet, avait traversé les tourmentes de l’histoire : la Révolution, la seconde guerre mondiale et l’incendie de 1972. Et il aura suffi d’un incendie volontaire, le 18 juillet 2020, pour qu’il parte en fumée ! Quand on regarde un tableau d’orgue, sa complexité inouïe, on est émerveillé du savoir humain. Quand on voit les cendres, on est effrayé de la barbarie humaine : tant de temps pour construire, si peu pour détruire ! On se souvient de la ville d’Alep tombée sous les coups de barbares. On dira que beaucoup de monuments publics ont brûlé : l’Hôtel de Ville de la Rochelle en 2013, la toiture de Chaillot en 1997, le toit du Parlement de Bretagne, en 1994, à Nantes. Certes, mais ce n’est pas une raison pour que nos cloches et nos orgues soient menacés. Cet incendie touche les fidèles  mais aussi tous les Français attachés à leur patrimoine. Il est un malheur pour les organistes.

Une question se pose sérieusement. Comment se fait-il que des œuvres classées au patrimoine soient si peu protégées ? Avec quelles précautions, Renaud Capuçon veille sur son violon, un Guarneri de 1737 qui appartenu à Isaac Stern ! L’orgue récent de Saint-Jean de Malte, à Aix, frère Daniel Bourgeois y veille comme sur la prunelle de ses yeux. Et nos trésors multiséculaires sont laissés sans protection particulière ! Quand il n’y aura plus d’orgues, plus de maîtrise, plus de cloches dans nos églises, faudra-t-il que les organistes et les musiciens s’engagent dans l’humanitaire ? Partout l’art  sacré est menacé.

Aucune trace d’effraction n’a été constatée dans la cathédrale. Un bénévole a été mis en examen. Son avocat, maître Quentin Chabert, déclare à Ouest France : « … s’il s’avérait que la piste accidentelle soit écartée, quel que soit l’auteur de cet incendie, la communauté catholique (sic) est le mieux placée pour, d’ores et déjà, faire preuve de miséricorde (sic) vis-à-vis du ou des auteurs malgré le choc de perdre des biens multiséculaires. Et d’autant plus que le ou les auteurs font partie de leur communauté (sic). L’épreuve réelle de perdre des éléments matériels importants et l’intervention symbolique du politique (?) ne doit pas nous empêcher de relativiser… » Car il n’y a pas mort d’homme. Dieu soit loué, en effet. 

En réponse à cette déclaration, et pour rappel, la miséricorde n’a rien à faire ici. Et les catholiques ne sont pas « une communauté ».

Transgressions

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Un détour par les expositions Gustav Klimt et Paul Klee aux Bassins de Lumières à Bordeaux


Samedi dernier, j’ai eu le plaisir d’aller visiter l’exposition « Gustav Klimt, d’or et de couleurs » et « Paul Klee, peindre la musique » à la base sous-marine de Bordeaux. Autant le dire tout de suite : c’était fabuleux. Le style des deux artistes, particulièrement chatoyant, se prêtait admirablement bien au principe de la projection mise en scène et sonorisée.

Le résultat était donc à couper le souffle, les lumières jouant tant sur les perspectives géométriques des quais que sur les reflets des plans d’eau pour donner aux visiteurs l’impression stupéfiante d’évoluer au sein des œuvres, les plongeant totalement dans l’univers des peintres.

Trouble

Et puis, un instant, sous les projections dorées qui recouvraient les murs, je vis apparaître quelques lignes en lettres gothiques, reliquats d’anciennes consignes militaires. D’un seul coup, je réalisai où j’étais et le contraste m’apparut, saisissant, entre la magie lumineuse des tableaux et le béton armé sombre et froid de cette base d’où s’élançaient jadis les redoutables U-Boote de la Kriegsmarine. Le fait que Klimt et Klee fussent tous deux issus de l’aire austro-allemande majorait encore la brutale sensation de malaise et de choc qui s’imposait à moi : comment l’originale, délicate et sensuelle beauté de leurs œuvres pouvait-elle être née dans le même espace culturel que la violence froide, implacable et austère du militarisme prussien?

A lire ensuite, Pierre Lamalattie: Edward Hopper, génialement antimoderne

La réponse apportée habituellement à ce paradoxe est simple, et tient en un seul mot : réaction. Tant pour l’historiographie marxiste que pour des penseurs conservateurs comme Ernst Nolte, le nazisme ne serait en fait que la forme la plus extrême de réponse apportée par les éléments réactionnaires germaniques aux multiples défis (sociaux, politiques et culturels) qu’avait soulevés l’entrée dans la modernité. Un anti-modernisme, en somme. Mais est-ce si simple, en fait ? Car le monde austro-allemand fut lui-même à l’origine d’un bon nombre des ruptures déclenchantes de cette modernité. Luther (fin du monolithisme religieux), Kant (fin du dogmatisme intellectuel), Nietzsche (fin de la métaphysique) et Freud (fin du monolithisme du conscient) ont plus que largement contribué au gigantesque basculement de la pensée occidentale qui nous fit passer en quatre siècles du grand ordonnancement médiéval (Dieu, l’Église, le Prince et l’immuable tripartition) au désordre absolu qui caractérise le monde contemporain, tant dans son agencement externe – atomisation de la sphère sociale – que dans ses fondements intimes – renversement des valeurs. Et ils eurent leurs pendants esthétiques, dont Klimt et Klee ne furent pas les moindres en leurs temps, remettant progressivement en cause les antiques canon de l’art pour libérer leur insatiable énergie créatrice de ces anciennes gangues… Mais quel fut, au final, à la fois l’objectif et la conséquence de ces multiples révolutions ? La disparition progressive de la norme établie comme cadre indispensable à tout travail intellectuel et artistique… Or, malgré des dehors hyper-hiérarchisés, c’est précisément là que réside le principe même de la pensée nationale-socialiste, dans le rejet de toute règle sociale imposée d’origine religieuse ou philosophique – vue comme une contrainte artificielle et exogène – pour promouvoir à sa place le retour à un prétendu état de nature originel, fondement de la pensée raciste. Dans la violence et la cruauté du nazisme, comme dans les formes les plus radicales de l’art et de la philosophie, la règle est donc finalement dans l’absence de règle.

Il ne faut pas tout mélanger

Revenu de ces considérations toutes personnelles, je secouai la tête avec véhémence : non, il n’était pas possible de tout confondre, et je n’avais aucune raison de bouder mon plaisir devant le sublime portrait de la « Femme en or » … Mais malgré tout, quelques instants plus tard, je serrai les mains de mes fils avec un frisson inhabituel en voyant se dessiner peu à peu sur les milliers de mètres carrés de béton gothique qui m’entouraient les branches aux allures de triskèles de « l’Arbre de vie » : lorsqu’on bouscule l’ordre établi, le pire, comme le meilleur, peut en sortir…

Le site des expositions bordelaises évoquées : https://www.bassins-lumieres.com/fr

Les sortilèges portugais d’Antonio Tabucchi

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Lire en été: au hasard des bouquinistes, des bibliothèques des maisons de vacances, des librairies, le plaisir dilettante des découvertes et des relectures, sans souci de l’époque ou du genre.


Le Portugal est une utopie, un sortilège, un rêve. Il est à la fois baroque, latin, atlantique : c’est le pays de toutes les attentes et de toutes les nostalgies. Il a même inventé un mot intraduisible pour dire son rapport au monde : la saudade, une tristesse calme qui dit aussi le plaisir d’être triste, une nostalgie d’un avant incertain, une espérance d’un retour, peut-être celui du Cinquième Empire et du Roi Absent, peut-être celui de l’être aimé, peut-être celui de l’enfance, la sienne et celle du monde.

Tabucchi, le plus italien des Portugais… ou le contraire

Le Portugal invite à une littérature de l’intranquillité pour reprendre un terme de Fernando Pessoa, méconnu de son temps et devenu gloire nationale, Pessoa qui était à la fois personne et la multitude. Antonio Tabucchi (1943-2012) écrivain italien a découvert Pessoa à Paris en 1953. Tabucchi deviendra son traducteur en italien et sera toute sa vie fasciné par le Portugal, ce pays où les jeux de miroirs sur la Mer de Paille à Lisbonne au couchant et les torsades manuélines du couvent de Saint-Jérôme feront de lui un lisboète d’adoption au point d’écrire directement en portugais Requiem et dont il supervisera la traduction… en français et qui paraîtra en 1992 chez Christian Bourgois.

A lire aussi, Jérôme Leroy: Big Brother n’aime pas les gros

« Si l’on me demande pourquoi cette histoire a été écrite en portugais, je répondrais qu’une histoire pareille ne pouvait être écrite en portugais. » déclare Tabucchi à propos de Requiem qu’il refuse d’appeler roman mais pour lequel il préfère le terme révélateur d’« hallucination » et dans lequel il raconte sa propre errance dans Lisbonne par un dimanche caniculaire de juillet, le jour le plus chaud de l’année.

Un merveilleux porto 1952

Il se souvient vaguement qu’il ne devrait pas être là d’ailleurs, mais plutôt endormi quelque part en Alentejo où il fait sa sieste dans le jardin d’une villa. Les personnes qu’il va rencontrer, en attendant un rendez-vous à minuit avec un maître mystérieux qui est en fait Pessoa lui-même, sont bien bel et bien réels même si certains d’entre eux sont morts depuis des années comme son ami Tadeus. Il revoit ainsi, dans la chambre d’une pension, son père en jeune homme, ou encore, après avoir bu un merveilleux porto 1952, Isabel, son amour disparu et jamais oublié. Finalement, à Lisbonne, pour qui sait se perdre, la vie et la mort ne sont plus des catégories réellement pertinentes.

Requiem est une errance initiatique, poignante et somptueuse, dont la clé est peut-être dans le détail d’un tableau de Jérôme Bosch, peut-être dans la prédiction de cette Gitane qui mendie à l’entrée du Cimetière des Plaisirs : « Écoute, me dit la vieille, tu ne peux pas vivre des deux côtés à la fois, du côté du rêve et du côté de la réalité, cela provoque des hallucinations, tu es comme un somnambule qui traverse un paysage, les bras tendus, et tout ce que tu touches commence à faire partie de ton rêve. »

Une horloge qui tourne à l’envers

Il y aurait sans doute une étude à faire de ce tropisme lusitanien chez certains artistes du vingtième siècle, comme si une manière de vérité était à trouver dans cette périphérie calme de l’Europe. Ainsi, en 1998, Requiem de Tabucchi sera-t-il magnifiquement adapté au cinéma par Alain Tanner, le patriarche du cinéma suisse qui lui aussi a été fasciné par Lisbonne comme labyrinthe de tous les possibles puisqu’il a donné de cette ville une de ses plus belles représentations avec Dans la ville blanche en 1983. On y voit ce plan inoubliable de Bruno Ganz, marin en rupture de ban, qui s’égare dans un café de l’Alfama et, tout en prenant une bière au comptoir, qui s’aperçoit que l’horloge au-dessus de la serveuse tourne à l’envers… Ce qui est un parfait résumé, en plus, de toute l’œuvre d’Antonio Tabucchi dont on recommandera aussi, entre autre, Nocturne indien et Pereira prétend.

Topor et moi


Le billet du vaurien


Topor m’avait bluffé avec ses cent bonnes raisons de se suicider tout de suite. On travaillait alors dans une revue anarchiste, « Le Fou parle », financée à ses débuts par l’Armée rouge japonaise. Le suicide, après tout, n’est jamais qu’une révolution ratée : on se tue à défaut de pouvoir tuer les autres.

Un bref échantillon de Topor :

  • Pour tuer un juif comme tout le monde ;
  • Parce qu’un suicide bien conduit vaut mieux qu’un coït banal ;
  • Pour, devenu vampire, me repaitre du sang exquis des jeunes filles ;
  • Pour être le fondateur d’un nouveau style, le Dead Art ;
  • Pour jouir des avantages de l’exhibitionnisme intégral dans une salle de dissection.

Pour ne pas être en reste, j’avais aussitôt rédigé cent raisons de ne pas me suicider. En voici quelques-unes :

  • Parce que j’attends beaucoup de la déchéance progressive de mes amis – et d’abord un miroir de la mienne ;
  • Parce que je n’ai plus vraiment besoin de me suicider pour que les autres voient que je suis déjà mort ;
  • Parce que je redoute de plus en plus que l’enfer n’existe pas. C’était pourtant un endroit bien commode pour y retrouver d’anciens copains ;
  • Parce que se suicider, c’est prendre la décision de ne plus tyranniser ses semblables. Je me vois mal y renoncer ;
  • Parce qu’un coït réussi vaut mieux qu’un suicide raté.

J’avais demandé à Topor d’illustrer mon Dictionnaire du parfait cynique. Il m’avait répondu: « Entre Roland, on ne peut rien se refuser. » Il se méfiait de ces pessimistes qui décortiquent les mécanismes du pire, cependant qu’une sale petite lueur d’espoir continue de briller tout là-bas, au fond de leurs yeux. J’étais soulagé qu’il ne m’assimilât pas à eux. Je le tenais pour un génie, un des rares que le hasard avait mis sur ma route et je m’en serais voulu de le décevoir. Il m’intimidait. Il avait trop de dons et je me sentais bien dépourvu à ses côtés. Tout ce qui est Topor brille et je manquais d’éclat.

Comme Cioran, il me jugeait « trop civilisé ». Si le réel donnait de l’asthme à Cioran, il provoquait le rire, un rire énorme, de Topor. C’était sa manière à lui de le supporter. La mienne était de m’effacer derrière un mur de citations.

Lorsqu’on demandait à Topor pourquoi il peignait, il répondait : « Pour ressembler à un peintre. C’est si beau un peintre ! » Quand on lui demandait pourquoi il écrivait, il répondait : « Pour ressembler à un écrivain. C’est si beau un écrivain ! » Quand on lui demandait pourquoi il faisait des films, il répondait : « Pour ressembler à un cinéaste ! Des lunettes noires, une foule de gens autour de lui, des starlettes, le festival de Cannes, Hollywood…» Quand on lui demandait pourquoi il ne faisait rien, il répondait : « Pour ressembler à un héros. C’est si beau, c’est si triste un héros ! » Et quand enfin on lui demandait comment il trouvait le temps de faire tout ça, il répondait : « Je dors beaucoup.» J’ai essayé d’appliquer sa recette. En pure perte !

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Cet été, je lève le pied!


En 1970, le film « Les Choses de la vie » plongeait le public dans un trio amoureux


Avec les disparitions de Michel Piccoli et Jean-Loup Dabadie au printemps durant le confinement, les Français ont vu défiler leur histoire récente. Ils ont aimé revoir leur image fantasmée dans le rétroviseur du réalisateur Claude Sautet, retrouver le temps d’un film, cette pellicule d’élégance qui les habillait jadis. Ils ont oublié, durant quatre-vingt-dix minutes, les débats boueux et la laideur du spectacle permanent, cette cohorte des petits chefs sans classe et sans barrières qui occupent le devant de la scène médiatique.

L’incertitude amoureuse guidait nos pas

En mars 1970, les acteurs étaient beaux et conquérants, fragiles et sensuels, perdus et dignes, souples et charismatiques, excessifs et pudiques. Leur voix portait plus loin, leurs gestes amples dessinaient des caractères aux contours immenses, aux frontières inatteignables ; ils n’étaient pas encore comprimés dans une mécanique de répétition commerciale ; ils ne semblaient pas, comme trop souvent aujourd’hui, gesticuler dans un bocal où les sorties de route sont balisées, encadrées, amorties.

A lire aussi, Thomas Morales sur Piccoli: Une conscience s’en va

Même leurs silences paraissaient plus intelligents et énigmatiques. Nous avons perdu cette autonomie d’action et de sentiments qui définissait autrefois les peuples libres. Une décennie plus tard, nous imitions, nous singions, nous errions dans un grand espace marchand. En 1970, paradoxalement nous n’étions pas soumis aux modes et aux injonctions futiles alors que l’ogre économique tournait à plein régime. L’incertitude amoureuse guidait nos pas. Le passé venait nous hanter, il n’avait pas décidé de nous laisser totalement en paix. Aussi, nous étions suffisamment malléables ou fous pour accepter, à nouveau, l’aventure à deux. Nous n’étions pas figés dans de vieux réflexes et terrifiés par le changement.

Les choses de la vie, entre écorchure et bien-être

Les hommes n’avaient pas complètement abdiqué le désir de vivre une existence pleine et entière. « Les Choses de la vie », Prix Louis-Delluc et en compétition officielle au Festival de Cannes, nous raconte en accéléré, et, par un découpage soyeux et violent, l’enchevêtrement de nos actes. Sautet dénoue l’inextricable ou comment un accident de voiture rebat la carte du tendre. Pourquoi ce film laisse-t-il dans nos esprits, cinquante ans plus tard, le sentiment ambivalent d’une écorchure et d’un bien-être ? À la fois cataplasme réconfortant et activateur de nos douleurs enfouies.

D’abord, il y a le roman court de Paul Guimard, l’ami d’un président florentin à la rose et d’Antoine Blondin, ce marin du couple, prévisionniste des tempêtes intérieures qui savait écrire les troubles. Puis Dabadie à la tapisserie des dialogues, Sarde à la mélodie déchirante, et des visages qui agissent comme des électrochocs, celui de Jean Bouise, de Dominique Zardi ou de Boby Lapointe au volant d’une bétaillère.

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On retrouve sa famille de pensée, cette patine d’une France bataillant entre émancipation et classicisme, cet entre-deux doucereux qui nous manque tant. Une voiture d’origine italienne, l’Alfa-Romeo Giulietta Sprint, grise de carrosserie, immatriculée 4483 VD 75 joue les funestes messagères sur une route de campagne. Ce qui rend ce film épidémiologiquement irrésistible pour la nuit des temps, c’est ce trio à la beauté aveuglante. Ces trois-là nous empêchent de respirer tellement nous sommes absorbés par leur toucher délicat, ces acteurs effleuraient les émotions avec un naturel désarmant. Piccoli, au centre des ébats, cigarette inamovible à la bouche, le charme secret d’une chemise blanche repassée et d’une barbe mal rasée, l’expression splendide du quadra qui s’interroge, qui voit sa maturité triomphante vaciller. Son chancellement est un bonheur de spectateur. Il nous a appris à nous comporter en société. Une leçon de maintien pour les masses ignorantes.

Les chemins piégeux de l’adolescence

Piccoli traçait un chemin piégeux pour tous les adolescents d’alors, il nous montrait cette voie étroite du style et du doute. De dos, les cheveux détachés, la peau polie par un rayon de soleil, Romy aimantait notre regard. Doucement, elle se retournait, pianotait à la machine, lunettes sur le nez et cet accent délicieusement coupant venait ponctuer son tapuscrit. Nous savions qu’une telle rencontre allait profondément modifier notre rapport aux femmes, bousculant notre imaginaire. Nous faisions le constat étrange que le désir pouvait se teinter de tristesse, qu’une intonation pouvait être plus érotique qu’une poitrine dénudée, que l’intensité se nichait dans une intimité jusqu’alors insoupçonnée. En surplomb et en peignoir éponge, Lea Massari scellait ce triangle lui insufflant une puissance charnelle et une sorte de retenue souveraine. Ce cinéma-là nous élevait.

Les Choses de la vie, film de Claude Sautet, 1970.

Territoires perdus?

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Il existe des violences policières, on ne peut le nier, mais le plus souvent en réaction à des violences subies par une police qui contrairement à la police d’autres pays n’est pas autorisé à exercer la violence légitime de l’État, sauf quand on lui demande d’intimider les « gilets jaunes ». S’il est bon de ne pas essentialiser, il ne faut pas non plus nier le réel.

Depuis très longtemps, la police est considérée par une partie de la jeunesse issue de l’immigration maghrébine et africaine comme une armée ennemie qui occupe indûment leur territoire. Il existe en effet une minorité importante de jeunes nés en France et issus parfois depuis plusieurs générations de l’immigration maghrébine, turque, subsaharienne, qui manifestent par différentes formes de violences leur sentiment d’être des victimes: pillages et vols, trafics, agressions commises avec une brutalité extrême, délinquance, terrorisme… Ceux-là pourrissent la vie des cités, font fuir les habitants honnêtes, de toutes origines, qui ont la possibilité de partir, créent des situations intolérables aux enseignants, aux éducateurs, aux bibliothécaires, s’en prennent à la police, aux pompiers, aux médecins même. On connait les raisons qui produisent ces violences : des pères souvent absents ou violents, une éducation islamique, marquée par l’intolérance de l’altérité, des tabous sexuels qui engendrent les frustrations, une culture de l’honneur et de la honte qui produit de la colère, de la peur, de la dépression et finalement de la haine. Ces jeunes de France ressemblent à leurs « frères » de Berlin, Düsseldorf, Göteborg, Alger, Londres, Bamako, Gaza: leur vision du monde est la même, nourrie de croyances superstitieuses et complotistes. Ils ont quelque chose de cet enfant abandonné avec un sentiment de faiblesse et d’impuissance dont parle Erich Fromm, sentiment qui, d’après lui, constitue les facteurs de formation d’un caractère sadique. Les propagandes des réseaux sociaux et les prêches radicaux dont ils sont abreuvés ne contribuent pas à apaiser leur antisémitisme et leur haine d’une société française qui pourtant les nourrit et les entretient.

 Le gouvernement, soucieux de ne pas déclencher un embrasement des banlieues qui pourrait déboucher sur un conflit généralisé, redouté d’ailleurs depuis des décennies, n’utilisera pas la force en faisant intervenir l’armée comme certains le recommandent déjà. Le projet de police de proximité, qui fut une belle idée, mais mal présentée et surtout mal mise en pratique a été rapidement abandonnée. Désormais, il est trop tard. Ainsi, dans ces quartiers, l’état a renoncé à faire appliquer les consignes de confinement pourtant valables pour tous. Jeunes et adultes retenus jusqu’à présent de gré ou de force dans la vie de la nation par l’école et les institutions de la république, risquent de se détacher encore plus dans un repli communautaire et un fonctionnement quasi tribal. Ce qu’on constate dans les quartiers d’habitat social au retour de quelques semaines de vacances « au bled » risque de se généraliser : un éloignement du commun national et un retour à des archaïsmes religieux, à des pratiques sociales réfractaires au projet républicain et au roman national, à une poursuite des confrontations avec les institutions républicaines.

En conséquence, comment allons-nous éviter une aggravation des violences actuelles ? Comment allons-nous ramener au sein de la nation française ces enfants perdus, sachant qu’un certain nombre le souhaitent en secret, mais n’osent le dire en raison de fonctionnement tribaux, appelés poliment communautaires, qu’il faut absolument contrecarrer. Certains doutent déjà que cela soit possible et se préparent en réalité à une forme ou l’autre de guerre civile, impossible pourtant à imaginer tant elle serait cruelle et dévastatrice.

Il faudra donc mettre en place ce que j’ai écrit dans d’autres articles et dont je répète inlassablement la nécessité urgente : ces rencontres « conflictuelles » qui vont devenir indispensables, encore plus au lendemain de l’épidémie. J’en ai fait l’expérience au Rwanda où j’ai réuni des prisonniers ayant participé au génocide et des survivants, des filles-mères rejetées par leurs familles et désirant retrouver un refuge auprès de leurs proches, indifférents ou hostiles. J’en ai fait l’expérience dans de nombreux pays confrontés aux traumatismes des violences et des guerres civiles.

A lire aussi: La vie d’un chauffeur de bus compte (aussi)!

Cela pourrait se faire dans des villes ou des territoires où l’on multiplierait ces rencontres afin de créer une culture du conflit pour ramener, autant que possible, au sein de la nation française, ceux qui pourraient le souhaiter encore et qui sont plus nombreux qu’on ne le pense. Il ne s’agit pas de verser dans un « vivrensemblisme » factice et illusoire mais de donner enfin la parole à des citoyens de toutes origines, des enseignants, des policiers, des fonctionnaires territoriaux qui ont besoin de se parler, de se connaître, de se rencontrer et d’élaborer ensemble des réflexions qui pourraient nourrir, mieux probablement que les experts technocratiques qui n’ont pas réussi à inventer de vraies solutions, la décision politique. Aussi dure qu’elle pourrait être parfois pour répondre à l’urgence de dangers prévisibles.

Tant qu’il y aura des DVD


Les salles de cinéma sont enfin ouvertes mais avec une programmation aussi stupidement pléthorique que platement médiocre. Pour cet été, mieux vaut compter sur quelques réjouissants DVD pour ne pas désespérer du septième art. La sélection de Causeur


Repassons le dépassement

Le Fanfaron, de Dino Risi

Coffret édité par LCJ

Oui, il fut un temps où le cinéma italien fut une arme de destruction massive de la société dont il était l’impitoyable reflet. Oui, Dino Risi avec Les Monstres, son film à sketches de 1963, en fut l’un des cinéastes dynamiteurs majeurs. Oui, ce temps est révolu, même si Moretti, le moine-soldat, et Sorrentino, le sous-Fellini, en raniment un peu les braises dans des genres différents, voire opposés et sans retrouver la recette de l’acidité initiale. Quoi de plus normal puisque entre-temps, tout est passé par là : la chute du communisme, la déchristianisation, l’ultra libéralisme en tous domaines, sans oublier Berlusconi et son désert culturel assumé. Que reste-t-il alors à nos amours ? Voir et revoir ces films italiens qui ne pourraient plus exister. Au premier rang d’entre eux, Le Fanfaron, réalisé par le susnommé Risi en 1962, avec, excusez du peu, trois atouts maîtres : Jean-Louis Trintignant, Vittorio Gassman et Catherine Spaak. Il Sorpasso, en italien, ce qui veut dire « le dépassement », soit bien plus que la simple « fanfaronnade » du titre français : au banal dépassement automobile, il faut évidemment ajouter le dépassement de soi, des bornes et des limites, des conventions, entre autres. C’est le week-end du 15 août à Rome, les rues sont absolument désertes. Au volant de sa voiture de sport décapotable, le bellâtre volubile et sans gêne Bruno (c’est Gassman) rencontre Roberto (c’est Trintignant), un étudiant sérieux et coincé. S’ensuit un road movie au cours duquel ces deux contraires vont se découvrir, apprendre à se connaître et s’estimer. Avec à la clé des rencontres, des visites, des découvertes plus ou moins piquantes. Au bout de leur chemin, il y aura l’inévitable certitude que le clown Bruno vaut mieux que sa caricature. Il y aura une autre certitude, mais depuis quand raconte-t-on la fin d’un film aimé ?

© LCJ Editions
© LCJ Editions

Au centre du Fanfaron, trône, magistral, un couple de cinéma absolument idéal, digne de Molière ou de Marivaux. Gassman est ici un cabot génial, omniprésent et définitivement « donquichottesque », suffisamment fou et lumineux pour camper ce personnage qui drague le spectateur sans cesse et qui parvient à ses fins en permanence. Face à lui, le discret Trintignant fait des merveilles de retenue dans le genre « faire-valoir » de comédie : l’économie de moyens est sa réponse parfaitement adéquate à la déferlante Gassman. L’un ne va évidemment pas sans l’autre. Risi le sait, qui jusqu’au bout veille à cet équilibre entre les deux, intercalant temporairement l’incroyable charme de Catherine Spaak. Le cinéaste et ses deux coscénaristes (Ettore Scola et Ruggero Maccari) organisent autour de ce couple un fabuleux portrait de la société italienne de ce début des années 1960. Tout y passe ou presque, dans un registre moins farceur et décapant que dans Les Monstres, mais avec une acuité identique. Sortie des douleurs de l’après-guerre dans une sorte d’illusion lyrique, l’Italie se vautre dans une modernité consumériste que représente ici et entre autres le flamboyant et tape à l’œil coupé sport de Bruno, ou comment on passe du voleur de bicyclette au conducteur de bolide. On y voit une société catholique en plein désarroi avec ses séminaristes en panne qui ne parlent que le latin. Une société xénophobe qui s’affiche ouvertement comme telle face à une touriste noire, tandis qu’elle semble perdre toute mémoire récente et honteuse en reluquant des touristes… allemandes. Mais, on aurait évidemment tort de n’y voir qu’un film « historique » ou le témoignage d’une époque. Ce qui fait la force des films de Risi, quand ils sont réussis comme c’est le cas ici, c’est une indéniable capacité à mêler très habilement le particulier et l’universel, le pamphlétaire du jour et le moraliste du temps. C’est pourquoi, soixante ans plus tard, Le Fanfaron n’a rien perdu, ni de son charme ni de sa force. On se réjouit donc de cette belle édition en DVD qui aux bonus de rigueur ajoute un livret très pertinent, écrit par Marc Toullec. Oui, décidément, il faut voir et revoir ce film !

© LCJ Editions
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Une tragédie non lacrymogène

© Gaumont - Wild Side Videos
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Le petit prince a dit, de Christine Pascal

Édité par Gaumont

Comment ne pas se réjouir de la sortie en Blu-ray de l’un des plus beaux mélos français des années 1990 ? Écrit et réalisé par l’actrice Christine Pascal, qui fut notamment l’égérie des premiers films de Tavernier, Le petit prince a dit raconte sans détour la mort annoncée d’une petite fille de dix ans atteinte d’une tumeur incurable au cerveau. Confié à la majorité des cinéastes français (ou non d’ailleurs), ce synopsis engendrerait un film catastrophe lacrymal et obscène. Ici, c’est tout le contraire : la cinéaste assume le pathos, sans jamais lui céder un pouce de dignité narrative et cinématographique. Aidée en cela par un casting tout aussi improbable sur le papier. Or, Anémone comme Richard Berry, dans le rôle forcément casse-gueule des parents, n’ont jamais été aussi bons. Bien des années plus tard, Nanni Moretti, avec La Chambre du fils, parviendra à renouveler l’exploit de Christine Pascal sans rien lui enlever de sa force et de sa singularité.

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Bijou cherche écrin

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La Rumeur, de William Wyler

Coffret édité par Wild Side Video

À l’heure où l’industrie française de la vidéo tire la sonnette d’alarme face à l’hydre tentaculaire de la VOD, il est bon de dire haut et fort combien elle assure un incroyable travail patrimonial que Netflix and co seraient bien en peine d’afficher. En donnant au film de William Wyler, La Rumeur, un si bel écrin (avec DVD, Blu-ray et livret illustré conséquent), son éditeur s’avère à la hauteur d’une démarche éditoriale digne de ce nom. Réalisé en 1961 (après une première version en 1936, déjà réalisée par Wyler), adapté de Lillian Hellman, porté par Audrey Hepburn et Shirley MacLaine et magnifié par le noir et blanc de Franz Planer et par la musique d’Alex North, ce bijou noir du cinéma américain sidère par sa vigueur absolument intacte. Ou comment la calomnie d’avant les réseaux sociaux faisait son œuvre tout aussi efficacement…

© Gaumont - Wild Side Videos
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Les soutiens idéologique et pécuniaire surprenants de « Black lives matter »

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Après les GAFA, de grands groupes industriels soutiennent le mouvement Black Lives Matter. Les réseaux sociaux et les multinationales font cause commune avec ce mouvement racialiste à la mode. Une analyse de Caroline Valentin et Yves Mamou.


Que penser de Mercedes qui lutte contre le racisme en repeignant en noir ses monoplaces pour la saison prochaine de Formule 1 ? Que penser de l’Oréal qui renonce à l’utilisation des mots « blanc » et « blanchissement » pour tous les produits qui servent précisément à blanchir la peau ? Bref, que penser de ce vent d’antiracisme qui souffle sur les multinationales ? Tous les secteurs sont concernés : l’agroalimentaire, avec la disparition du grand-papa noir Uncle Ben’s, le cinéma avec le retrait par HBO de la vidéo d’« Autant en emporte le vent », la distribution avec Amazon qui soutient Black Lives Matter (BLM)… etc.

Que des marques mondiales surfent sur des thèmes sociétaux – déforestation, travail des enfants, développement durable – pour promouvoir leur produits ou leur image n’a rien de nouveau. Mais en endossant l’idéologie antiraciste, c’est un combat politique qu’elles ont décidé de mener. 

Les réseaux sociaux contraints de sortir de la neutralité

L’affaire Twitter-Trump-Facebook est particulièrement éloquente à cet égard. Le 26 mai Twitter a censuré un tweet de Donald Trump dans lequel ce dernier exprimait ses craintes que le vote par correspondance génère des fraudes électorales massives (en sa défaveur). 

Hostiles au « populisme » de Donald Trump qui arrête l’immigration et oblige les entreprises américaines à quitter la Chine pour se recentrer sur le sol des États-Unis, l’élite économique et financière américaine aurait-elle envie d’enrayer le processus en cours ?

Quelques jours plus tard, le meurtre de George Floyd par un policier blanc a déclenché des émeutes à Minneapolis, qui ont amené le président américain à lancer un avertissement aux émeutiers.  « Les pillages seront immédiatement accueillis par des balles » (« looting », « shooting »). Considérant que Donald Trump venait de déclarer sa « haine » à la communauté noire, Twitter a censuré le message présidentiel.

A lire aussi: Après les statues, les antiracistes cherchent à déboulonner les marques

Tous les regards se sont alors tournés vers Facebook. Le réseau social géant riche de deux milliards d’internautes allait-il suivre Twitter et censurer les messages – les mêmes que sur Twitter – de Donald Trump ? Visiblement gêné, Mark Zuckerberg a décidé de ne pas censurer Donald Trump. 

S’est alors enclenchée une incroyable réaction en chaîne. Sous la pression des associations antiracistes américaines (NAACP notamment), les très grands annonceurs de Facebook (Unilever, Levi’s, Coca-Cola, Starbucks, Adidas, Procter & Gamble, Apple et bien d’autres) ont bloqué leurs budgets publicitaires sur le site. Pas un jour ne passe sans que cette liste des entreprises qui boycottent Facebook ne s’allonge.  

Mais à travers Facebook, c’est Donald Trump qui est visé. Le président américain tire sa force des relations directes qu’il entretient avec son électorat à travers les réseaux sociaux (Twitter et Facebook principalement, mais aussi Reddit, Snapchat, Viber…). Au cœur de la campagne électorale américaine, les grandes entreprises américaines tentent donc d’inciter Facebook à couper Donald Trump de sa base électorale. Fin juin, sous prétexte de lutte contre le discours de haine, la plateforme Reddit a, supprimé « r/The_Donald », un groupe pro-Donald Trump créé en 2016 equi comptait près de 800 000 membres. La plateforme Twitch, contrôlée par Amazon (Jeff Bezos, PDG d’Amazon est un ennemi déclaré du président américain) et la plateforme Viber ont emboité le pas de Twitter et Reddit en censurant certains des messages de Donald Trump. 

Rien de nouveau?

Certains diront que les grandes entreprises se sont toujours engagées en faveur de tel ou tel candidat. En réalité, les grandes entreprises ont pendant longtemps financé aussi bien le candidat républicain que le candidat démocrate. Elles mettaient des billes dans les deux camps. Aujourd’hui, drapeau antiraciste au vent, les multinationales américaines ont entrepris de dézinguer le candidat républicain. 

L’affaire George Floyd, concomitante de l’affaire Facebook, indique que ce tournant antiraciste est bien plus qu’une simple posture marketing. En dépit des déclarations très violentes du mouvement marxiste noir Black Lives Matter, Amazon est allé jusqu’à annoncer son soutien au mouvement sur la page d’accueil de son site« Se taire, c’est être complice. La vie des Noirs compte », a déclaré Netflix sur Twitter. Disney, la Fox et la plateforme de films Hulu ont également fait un signe à BLM. Apple Music s’est jointe à la campagne «Black Out Tuesday» pour sensibiliser les gens aux problèmes d’inégalité ethnique systémique. Les marques de bonbons Gushers et Fruit by the Foot se sont associées pour condamner la brutalité policière et « se tenir aux côtés de ceux qui luttent pour la justice »Nike, Apple, Microsoft ont suivi Amazon et versent à Black Lives Matter des sommes à sept chiffres. 

Des soutiens à un mouvement belliqueux

Le soutien apporté par les grandes entreprises américaines à Black Lives Matter est un soutien à un mouvement révolutionnaire qui compte des milices dans cinquante États, qui occasionnent des violences aux côtés des Antifas et qui affirme que le racisme est systémique aux États-Unis. Voir les multinationales américaines soutenir un mouvement noir qui s’attaque aussi  radicalement à l’Amérique, à son histoire et à sa culture a de quoi surprendre. 

A lire aussi: Autant en emporte le « Woke »

Dans les années 1930, les industriels allemands finançaient le parti nazi dans l’espoir d’en finir avec le parti communiste allemand, avec les résultats que l’on sait. Hostiles au « populisme » de Donald Trump qui arrête l’immigration et oblige les entreprises américaines à quitter la Chine pour se recentrer sur le sol des États-Unis, l’élite économique et financière américaine aurait-elle envie d’enrayer le processus en cours et d’empêcher la réélection de Donald Trump ?

Cory Maks, chercheur en sciences politiques et maitre de conférences à l’Université George Washington, constate depuis 2008 une augmentation spectaculaire de l’activisme des grandes entreprises sur ces sujets liés à la race, à l’immigration et aux droits des LGBT. Il explique ce phénomène par le fait que les dirigeants des grandes entreprises sont issus de l’élite riche traditionnellement plus progressiste socialement que les pauvres. Cette élite progressiste a tendance à utiliser le pouvoir économico-politique de leurs entreprises en faveur de buts qui vont « bien au-delà des intérêts économiques de cette entreprise ». L’action des patrons de Twitter, Amazon, Apple, Netflix et de bien d’autres apporte la preuve que cette élite économique a une idéologie politique personnelle à promouvoir.

Dans un article intitulé « Les sauveurs blancs de l’Amérique » publié sur tabletmag.com, le chercheur Zach Goldberg montre que sur les questions de justice raciale et de justice sociale, « les progressistes blancs sont touchés par un progressisme si radical qu’ils sont aujourd’hui le seul groupe démographique d’Amérique à afficher un parti-pris qui place les intérêts d’autres groupes ethniques au-dessus des intérêts de leur propre groupe ethnique ». Goldberg estime que les progressistes blancs américains font aujourd’hui passer les intérêts des minorités de couleur et des immigrants avant leurs propres intérêts et avant l’intérêt des Etats-Unis eux-mêmes. 

Millénarisme multiculturel

Des sondages menés par le Roper Center for Public Opinion ont montré que les perceptions des progressistes blancs sur les discriminations subies par les Noirs sont en évolution rapide. Ainsi, de 1996 à 2010, le nombre de progressistes blancs qui considéraient que les discriminations infligées aux noirs représentaient un motif de préoccupation « très sérieux » était stable (27% en 1996 avec un léger déclin à 25 % en 2010). Mais à partir de 2010, le tournant s’amorce et en en 2015, les progressistes blancs sont 47% à s’horrifier des discriminations subies par les noirs. En 2016, ils sont 58%. 

A lire ensuite: La « cancel culture », cette effrayante intolérance progressiste

Sur un sujet similaire, le traitement judiciaire des Noirs, les mêmes évolutions se remarquent. En 1995, 2000, et 2007, un progressiste blanc sur deux estimait que la justice traitait aussi équitablement les noirs que les blancs.  Mais en 2014, 70% des progressistes blancs estimaient que la justice affichait un « parti pris négatif » envers les noirs tandis que le pourcentage de ceux qui affirment que les noirs sont « judiciarisés équitablement » est tombé à 20%.

Ces progressistes blancs sont frappés de ce que le politologue Eric Kaufman a appelé le « millénarisme multiculturel », soit la croyance que la disparition de la majorité blanche ouvrira la voie à une société plus progressiste et plus juste sur le plan racial. C’est pourquoi le soutien apporté par certaines catégories de progressistes blancs à l’immigration et à l’ouverture toujours plus grande des frontières coïncide avec la critique toujours plus acerbe des « privilèges blancs » et cet étonnant soutien à Black Lives Matter. 

Le bon sens inciterait à tourner ces mouvements de pensée en dérision. Mais on aurait tort. Le millénarisme finit rarement en fête familiale. Cette révolte des progressistes blancs est moins balisée, moins évaluée et étudiée en France et en Europe, qu’elle ne l’est aux États-Unis. Les chiffres et les études manquent. La révolte des progressistes blancs n’a pourtant rien d’exclusivement américain, elle existe ici aussi et est tout aussi virulente. La prise en main des rues par nos Black Blocks, la prise en main des universités par nos islamo-gauchistes sont là pour le prouver.

Don Juan au Touquet


Bleu, saignant ou à point ? de James Holin est plus qu’un bon polar d’été. C’est un livre qui brosse avec talent le portrait des dragueurs obsessionnels du XXIè siècle, ces Don Juan modernes… que seule leur propre personne intéresse.


Une fois réprimé le réflexe de recul face à la couverture d’une laideur criminelle – et sans aucun rapport avec le contenu –, le lecteur curieux est vite récompensé. Au-delà d’un polar bien ficelé à lire sur la plage, Bleu, saignant ou à point ? En mode séduction au Touquet, de James Holin, est une micro-étude du comportement séducteur, fort utile en cette période de l’année où l’« amour » rime moins encore que d’habitude avec « toujours ».

James Holin. © James Holin
James Holin.
© James Holin

D’ailleurs l’« amour » n’a proprement pas de place dans l’histoire de James Holin, ou plutôt de son personnage : Dragoljub, dit Drago, un jeunot d’origine bosniaque exilé en France où il s’entraîne avec  rigueur pour participer au « World Seduce Tour ».

A lire aussi, du même auteur : Libertinage, que la fête recommence !

Le jeu, réunissant au Touquet les meilleurs lovelaces du monde sous l’égide de Sky TV, et bien qu’il soit romanesque et loufoque à souhait, s’inspire pourtant de l’autobiographie de Neil Strauss. Il y a une décennie, cet ancien journaliste de Rolling Stone reconverti en coach en séduction a fait date en publiant The Game : les secrets d’un virtuose de la drague, bourré de conseils et d’exercices pratiques. Avide de succès, Drago suit ses instructions à la lettre et, faille narcissique aidante, s’engouffre dans le pitoyable rituel de la pêche aux 06. Incapable de s’assumer dans le désir pour une femme, même dans la rencontre avec Michèle, une avocate quinquagénaire, l’apprenti Don Juan confond sa névrose avec la voie vers l’accomplissement. La grande réussite de Holin est de rendre son héros totalement inconscient de sa propre misère affective, de sa versatilité, de sa condamnation à répéter à l’infini, tel un Sisyphe de la jouissance, la même phrase-accroche, « j’aime votre style », en assujettissant son estime de soi à la réponse d’une femme visée au hasard. Dans l’impasse de son désir aussi impuissant que constant, Drago renonce, sans le savoir, à la merveilleuse et risquée passion de l’autre, pour se vouer à la seule passion d’un séducteur obsessionnel : lui-même. Il faut pourtant lui reconnaître le courage d’aborder les femmes dans la rue, art désormais révolu et sans doute bientôt pénalisé.

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Le discours de Donald Trump au Mont Rushmore

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Discours de Donald Trump au Mont Rushmore (c) (AP Photo/Alex Brandon)/POW208/20192821352961//2007110146

 


Le 4 juillet 2020, à l’occasion du Jour de l’Indépendance, Donald Trump prononce un long discours face au mémorial du Mont Rushmore. Empreinte d’exceptionnalisme, son allocution met en avant la Destinée Manifeste, l’« histoire miraculeuse » des Etats-Unis. Le président américain condamne également les récents mouvements de dégradations des mémoriaux et statues dans le pays. La revue amie Conflits propose à ses lecteurs de lire l’intégralité du discours.


 

Ce long discours apparaît essentiel pour bien comprendre la pensée de Donald Trump, qui est également celle de bon nombre d’Américains.

Le premier élément qui ressort à la lecture de ce texte, c’est l’exceptionnalisme américain : « chacun d’entre vous vit dans le pays le plus magnifique de l’histoire du monde, et il sera bientôt plus grand que jamais. » Dans une leçon d’histoire passionnée, Trump raconte les vies des figures du Mont Rushmore : Georges Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln et Theodore Roosevelt. Le président met en avant l’héritage fondamental de l’Indépendance : « 1776 a représenté le point culminant de milliers d’années de civilisation occidentale et le triomphe non seulement de l’esprit, mais aussi de la sagesse, de la philosophie et de la raison. »

Là où le discours prend toute sa profondeur, c’est dans l’actualisation de cet héritage. Donald Trump le déclare menacé par « un nouveau fascisme d’extrême gauche » qui utilise la méthode « totalitaire » de la « cancel culture ». En se positionnant devant le Mont Rushmore, le plus connu des mémoriaux du pays, le président américain adresse un message clair : il ne laissera pas l’histoire être bafouée, il entend bien fonder « la prochaine génération de patriotes américains ».

Revue Conflits

Le président : Merci beaucoup à vous ainsi qu’au gouverneur Noem, au secrétaire Bernhardt – que j’apprécie beaucoup – aux membres du Congrès, les invités de marque, et un bonjour très spécial au Dakota du Sud.  (Applaudissements).

En ce début de week-end du 4 juillet, la Première Dame et moi-même souhaitons à chacun d’entre vous un très, très heureux Jour de l’Indépendance. Je vous remercie.  (Applaudissements.)

Montrons notre reconnaissance à l’armée et à la garde nationale aérienne du Dakota du Sud, ainsi qu’à l’armée de l’air américaine, qui nous ont inspiré par cette magnifique démonstration de la puissance aérienne américaine et bien sûr, notre gratitude, comme toujours, aux légendaires et très talentueux Blue Angels.  Merci beaucoup.

Envoyons également nos plus sincères remerciements à nos merveilleux vétérans, aux forces de l’ordre, ainsi qu’aux médecins, infirmières et scientifiques qui travaillent sans relâche pour tuer le virus.  Ils travaillent dur.  Je tiens à les remercier très, très sincèrement.

À lire aussi : Derrière les émeutes, une cible: l’Amérique de Trump

Nous sommes également reconnaissants à la délégation du Congrès de votre État : Sénateurs John Thune – John, merci beaucoup – Sénateur Mike Rounds – merci, Mike – et Dusty Johnson, membre du Congrès. Salut, Dusty.  Merci, Dusty.  Et tous les autres membres du Congrès qui sont avec nous ce soir, merci beaucoup d’être venus.  Nous vous en sommes reconnaissants.

Il n’y a pas de meilleur endroit pour célébrer l’indépendance de l’Amérique que sous cette magnifique, incroyable, majestueuse montagne et monument aux plus grands Américains qui n’aient jamais vécu.

Aujourd’hui, nous rendons hommage à la vie exceptionnelle et à l’héritage extraordinaire de George Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln et Teddy Roosevelt.  Je suis ici en tant que votre président pour proclamer devant le pays et devant le monde : Ce monument ne sera jamais profané, ces héros ne seront jamais défigurés, leur héritage ne sera jamais, jamais détruit, leurs réalisations ne seront jamais oubliées, et le Mont Rushmore restera à jamais un hommage éternel à nos ancêtres et à notre liberté.

Public :  USA !  USA !  USA !

Le président : Nous sommes réunis ce soir pour annoncer le jour le plus important de l’histoire des nations : le 4 juillet 1776.  À ces mots, le cœur de chaque Américain devrait se gonfler de fierté. Chaque famille américaine devrait applaudir avec joie. Et chaque patriote américain devrait être rempli de joie, car chacun d’entre vous vit dans le pays le plus magnifique de l’histoire du monde, et il sera bientôt plus grand que jamais.

Nos fondateurs ont lancé non seulement une révolution dans le gouvernement, mais aussi une révolution dans la poursuite de la justice, de l’égalité, de la liberté et de la prospérité. Aucune nation n’a fait plus pour faire progresser la condition humaine que les États-Unis d’Amérique.  Et aucun peuple n’a fait plus pour promouvoir le progrès humain que les citoyens de notre grande nation.

Tout cela a été rendu possible grâce au courage de 56 patriotes qui se sont réunis à Philadelphie il y a 244 ans et ont signé la Déclaration d’indépendance. Ils ont consacré une vérité divine qui a changé le monde à jamais lorsqu’ils ont dit « …tous les hommes sont créés égaux. »

À lire aussi : Donald Trump, le faiseur de miracle économique

Ces mots immortels ont mis en branle la marche imparable de la liberté. Nos fondateurs ont déclaré avec audace que nous sommes tous dotés des mêmes droits divins – qui nous ont été donnés par notre Créateur dans le ciel.  Et ce que Dieu nous a donné, nous ne permettrons à personne de nous le retirer – jamais.

1776 a représenté le point culminant de milliers d’années de civilisation occidentale et le triomphe non seulement de l’esprit, mais aussi de la sagesse, de la philosophie et de la raison.

Et pourtant, alors que nous sommes réunis ici ce soir, il existe un danger croissant qui menace chaque bénédiction pour laquelle nos ancêtres se sont si durement battus, ont lutté, ont saigné pour s’en assurer.

Notre nation est le témoin d’une campagne impitoyable visant à effacer notre histoire, à diffamer nos héros, à effacer nos valeurs et à endoctriner nos enfants. (…)

>>> Poursuivez la lecture du discours sur le site de la Revue Conflits <<<

Il pleure sur Nantes

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A Nantes, des policiers empêchent l'approche de la cathédrale en feu, samedi 18 juillet 2020 © Laetitia Notarianni/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22474389_000011

Après le dramatique incendie survenu samedi matin à la cathédrale de Nantes, alors que l’enquête est toujours en cours, un homme suspecté a vu sa garde à vue être prolongée hier. L’orgue du XVIIème siècle, inestimable, est parti en fumée.


L’image est étrangement belle : sur la façade étroite, une rougeur enflamme la rosace à hauteur du grand orgue. Après Notre-Dame de Paris, la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul de Nantes est en feu. Trois départs d’incendie, à droite et à gauche de la nef. Au bout de plusieurs heures, ce samedi matin 18 juillet, le feu est maîtrisé par les pompiers mais le grand orgue, un chef-d’œuvre inestimable, datant du XVIIème siècle, est entièrement détruit. Certes dira-t-on, la charpente de la cathédrale a résisté. Mais qu’un orgue d’une valeur inestimable disparaisse dans le feu, avec son merveilleux buffet, ses vitraux et ses stalles attenantes, est hautement symbolique. Car l’orgue est l’instrument, par excellence, de la liturgie chrétienne.

Un orgue ce sont « des tuyaux sur un réservoir d’air » disait Charles-Marie Widor. Mais quel instrument savant ! Connu depuis l’Antiquité, hydraulique puis pneumatique, son succès en Europe est rapide, dès le IXème siècle, et l’orgue prend place dans les églises pour accompagner la liturgie. Un répertoire voit le jour au XVIIème siècle avec les facteurs d’orgue. Certes, ce répertoire est lié à Bach mais il ne faudrait pas oublier notre brillante école française avec Vierne, Dupré, Tournemire, Alain, Duruflé et Olivier Messiaen, natif de Nantes, et mort en 1992.

La louange de Dieu suppose le chant et la musique. Si l’orgue est depuis toujours considéré comme le roi des instruments, c’est qu’il reprend tous les sons de la création, fait résonner la plénitude des sentiments humains et renvoie au divin. C’est pourquoi on bénit un orgue avant qu’il ne joue comme on consacre l’autel. 

J’ai des souvenirs d’orgue inoubliables : le Kyrie de Vierne à Notre-Dame, pendant les messes, avec la maîtrise entière. (Que devient-elle cette maîtrise ?) Les improvisations à Saint-Etienne du Mont de Thierry Escaich. Des Passions à la cathédrale d’Aix-en-Provence. Et l’œuvre de Messiaen, joué à Notre-Dame, par Olivier Latry, ainsi qu’à la Trinité, par des organistes du monde entier, pour lui rendre hommage, à sa mort, en 1992, sur l’orgue Cavaillé-Coll dont il fut toute sa vie le titulaire. C’est avec Messiaen que l’on découvre avec émerveillement toutes les couleurs de l’orgue, de la plus éthérée à la plus âpre.

Relire notre numéro de mai 2019: Causeur: Notre-Dame des touristes

L’orgue de la cathédrale de Nantes, œuvre du facteur d’orgue Girardet, avait traversé les tourmentes de l’histoire : la Révolution, la seconde guerre mondiale et l’incendie de 1972. Et il aura suffi d’un incendie volontaire, le 18 juillet 2020, pour qu’il parte en fumée ! Quand on regarde un tableau d’orgue, sa complexité inouïe, on est émerveillé du savoir humain. Quand on voit les cendres, on est effrayé de la barbarie humaine : tant de temps pour construire, si peu pour détruire ! On se souvient de la ville d’Alep tombée sous les coups de barbares. On dira que beaucoup de monuments publics ont brûlé : l’Hôtel de Ville de la Rochelle en 2013, la toiture de Chaillot en 1997, le toit du Parlement de Bretagne, en 1994, à Nantes. Certes, mais ce n’est pas une raison pour que nos cloches et nos orgues soient menacés. Cet incendie touche les fidèles  mais aussi tous les Français attachés à leur patrimoine. Il est un malheur pour les organistes.

Une question se pose sérieusement. Comment se fait-il que des œuvres classées au patrimoine soient si peu protégées ? Avec quelles précautions, Renaud Capuçon veille sur son violon, un Guarneri de 1737 qui appartenu à Isaac Stern ! L’orgue récent de Saint-Jean de Malte, à Aix, frère Daniel Bourgeois y veille comme sur la prunelle de ses yeux. Et nos trésors multiséculaires sont laissés sans protection particulière ! Quand il n’y aura plus d’orgues, plus de maîtrise, plus de cloches dans nos églises, faudra-t-il que les organistes et les musiciens s’engagent dans l’humanitaire ? Partout l’art  sacré est menacé.

Aucune trace d’effraction n’a été constatée dans la cathédrale. Un bénévole a été mis en examen. Son avocat, maître Quentin Chabert, déclare à Ouest France : « … s’il s’avérait que la piste accidentelle soit écartée, quel que soit l’auteur de cet incendie, la communauté catholique (sic) est le mieux placée pour, d’ores et déjà, faire preuve de miséricorde (sic) vis-à-vis du ou des auteurs malgré le choc de perdre des biens multiséculaires. Et d’autant plus que le ou les auteurs font partie de leur communauté (sic). L’épreuve réelle de perdre des éléments matériels importants et l’intervention symbolique du politique (?) ne doit pas nous empêcher de relativiser… » Car il n’y a pas mort d’homme. Dieu soit loué, en effet. 

En réponse à cette déclaration, et pour rappel, la miséricorde n’a rien à faire ici. Et les catholiques ne sont pas « une communauté ».

Transgressions

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Bassins de Lumiere Bordeaux. Expositions Gustav Klimt et Paul Klee, juin 2020 © UGO AMEZ/SIPA Numéro de reportage: 00966729_000001

Un détour par les expositions Gustav Klimt et Paul Klee aux Bassins de Lumières à Bordeaux


Samedi dernier, j’ai eu le plaisir d’aller visiter l’exposition « Gustav Klimt, d’or et de couleurs » et « Paul Klee, peindre la musique » à la base sous-marine de Bordeaux. Autant le dire tout de suite : c’était fabuleux. Le style des deux artistes, particulièrement chatoyant, se prêtait admirablement bien au principe de la projection mise en scène et sonorisée.

Le résultat était donc à couper le souffle, les lumières jouant tant sur les perspectives géométriques des quais que sur les reflets des plans d’eau pour donner aux visiteurs l’impression stupéfiante d’évoluer au sein des œuvres, les plongeant totalement dans l’univers des peintres.

Trouble

Et puis, un instant, sous les projections dorées qui recouvraient les murs, je vis apparaître quelques lignes en lettres gothiques, reliquats d’anciennes consignes militaires. D’un seul coup, je réalisai où j’étais et le contraste m’apparut, saisissant, entre la magie lumineuse des tableaux et le béton armé sombre et froid de cette base d’où s’élançaient jadis les redoutables U-Boote de la Kriegsmarine. Le fait que Klimt et Klee fussent tous deux issus de l’aire austro-allemande majorait encore la brutale sensation de malaise et de choc qui s’imposait à moi : comment l’originale, délicate et sensuelle beauté de leurs œuvres pouvait-elle être née dans le même espace culturel que la violence froide, implacable et austère du militarisme prussien?

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La réponse apportée habituellement à ce paradoxe est simple, et tient en un seul mot : réaction. Tant pour l’historiographie marxiste que pour des penseurs conservateurs comme Ernst Nolte, le nazisme ne serait en fait que la forme la plus extrême de réponse apportée par les éléments réactionnaires germaniques aux multiples défis (sociaux, politiques et culturels) qu’avait soulevés l’entrée dans la modernité. Un anti-modernisme, en somme. Mais est-ce si simple, en fait ? Car le monde austro-allemand fut lui-même à l’origine d’un bon nombre des ruptures déclenchantes de cette modernité. Luther (fin du monolithisme religieux), Kant (fin du dogmatisme intellectuel), Nietzsche (fin de la métaphysique) et Freud (fin du monolithisme du conscient) ont plus que largement contribué au gigantesque basculement de la pensée occidentale qui nous fit passer en quatre siècles du grand ordonnancement médiéval (Dieu, l’Église, le Prince et l’immuable tripartition) au désordre absolu qui caractérise le monde contemporain, tant dans son agencement externe – atomisation de la sphère sociale – que dans ses fondements intimes – renversement des valeurs. Et ils eurent leurs pendants esthétiques, dont Klimt et Klee ne furent pas les moindres en leurs temps, remettant progressivement en cause les antiques canon de l’art pour libérer leur insatiable énergie créatrice de ces anciennes gangues… Mais quel fut, au final, à la fois l’objectif et la conséquence de ces multiples révolutions ? La disparition progressive de la norme établie comme cadre indispensable à tout travail intellectuel et artistique… Or, malgré des dehors hyper-hiérarchisés, c’est précisément là que réside le principe même de la pensée nationale-socialiste, dans le rejet de toute règle sociale imposée d’origine religieuse ou philosophique – vue comme une contrainte artificielle et exogène – pour promouvoir à sa place le retour à un prétendu état de nature originel, fondement de la pensée raciste. Dans la violence et la cruauté du nazisme, comme dans les formes les plus radicales de l’art et de la philosophie, la règle est donc finalement dans l’absence de règle.

Il ne faut pas tout mélanger

Revenu de ces considérations toutes personnelles, je secouai la tête avec véhémence : non, il n’était pas possible de tout confondre, et je n’avais aucune raison de bouder mon plaisir devant le sublime portrait de la « Femme en or » … Mais malgré tout, quelques instants plus tard, je serrai les mains de mes fils avec un frisson inhabituel en voyant se dessiner peu à peu sur les milliers de mètres carrés de béton gothique qui m’entouraient les branches aux allures de triskèles de « l’Arbre de vie » : lorsqu’on bouscule l’ordre établi, le pire, comme le meilleur, peut en sortir…

Le site des expositions bordelaises évoquées : https://www.bassins-lumieres.com/fr

Les sortilèges portugais d’Antonio Tabucchi

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L'écrivain Antonio Tabucchi Photo: LEONARDO CENDAMO / Leemage via AFP

Lire en été: au hasard des bouquinistes, des bibliothèques des maisons de vacances, des librairies, le plaisir dilettante des découvertes et des relectures, sans souci de l’époque ou du genre.


Le Portugal est une utopie, un sortilège, un rêve. Il est à la fois baroque, latin, atlantique : c’est le pays de toutes les attentes et de toutes les nostalgies. Il a même inventé un mot intraduisible pour dire son rapport au monde : la saudade, une tristesse calme qui dit aussi le plaisir d’être triste, une nostalgie d’un avant incertain, une espérance d’un retour, peut-être celui du Cinquième Empire et du Roi Absent, peut-être celui de l’être aimé, peut-être celui de l’enfance, la sienne et celle du monde.

Tabucchi, le plus italien des Portugais… ou le contraire

Le Portugal invite à une littérature de l’intranquillité pour reprendre un terme de Fernando Pessoa, méconnu de son temps et devenu gloire nationale, Pessoa qui était à la fois personne et la multitude. Antonio Tabucchi (1943-2012) écrivain italien a découvert Pessoa à Paris en 1953. Tabucchi deviendra son traducteur en italien et sera toute sa vie fasciné par le Portugal, ce pays où les jeux de miroirs sur la Mer de Paille à Lisbonne au couchant et les torsades manuélines du couvent de Saint-Jérôme feront de lui un lisboète d’adoption au point d’écrire directement en portugais Requiem et dont il supervisera la traduction… en français et qui paraîtra en 1992 chez Christian Bourgois.

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« Si l’on me demande pourquoi cette histoire a été écrite en portugais, je répondrais qu’une histoire pareille ne pouvait être écrite en portugais. » déclare Tabucchi à propos de Requiem qu’il refuse d’appeler roman mais pour lequel il préfère le terme révélateur d’« hallucination » et dans lequel il raconte sa propre errance dans Lisbonne par un dimanche caniculaire de juillet, le jour le plus chaud de l’année.

Un merveilleux porto 1952

Il se souvient vaguement qu’il ne devrait pas être là d’ailleurs, mais plutôt endormi quelque part en Alentejo où il fait sa sieste dans le jardin d’une villa. Les personnes qu’il va rencontrer, en attendant un rendez-vous à minuit avec un maître mystérieux qui est en fait Pessoa lui-même, sont bien bel et bien réels même si certains d’entre eux sont morts depuis des années comme son ami Tadeus. Il revoit ainsi, dans la chambre d’une pension, son père en jeune homme, ou encore, après avoir bu un merveilleux porto 1952, Isabel, son amour disparu et jamais oublié. Finalement, à Lisbonne, pour qui sait se perdre, la vie et la mort ne sont plus des catégories réellement pertinentes.

Requiem est une errance initiatique, poignante et somptueuse, dont la clé est peut-être dans le détail d’un tableau de Jérôme Bosch, peut-être dans la prédiction de cette Gitane qui mendie à l’entrée du Cimetière des Plaisirs : « Écoute, me dit la vieille, tu ne peux pas vivre des deux côtés à la fois, du côté du rêve et du côté de la réalité, cela provoque des hallucinations, tu es comme un somnambule qui traverse un paysage, les bras tendus, et tout ce que tu touches commence à faire partie de ton rêve. »

Une horloge qui tourne à l’envers

Il y aurait sans doute une étude à faire de ce tropisme lusitanien chez certains artistes du vingtième siècle, comme si une manière de vérité était à trouver dans cette périphérie calme de l’Europe. Ainsi, en 1998, Requiem de Tabucchi sera-t-il magnifiquement adapté au cinéma par Alain Tanner, le patriarche du cinéma suisse qui lui aussi a été fasciné par Lisbonne comme labyrinthe de tous les possibles puisqu’il a donné de cette ville une de ses plus belles représentations avec Dans la ville blanche en 1983. On y voit ce plan inoubliable de Bruno Ganz, marin en rupture de ban, qui s’égare dans un café de l’Alfama et, tout en prenant une bière au comptoir, qui s’aperçoit que l’horloge au-dessus de la serveuse tourne à l’envers… Ce qui est un parfait résumé, en plus, de toute l’œuvre d’Antonio Tabucchi dont on recommandera aussi, entre autre, Nocturne indien et Pereira prétend.

Topor et moi

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L'écrivain Roland Jaccard © Hannah Assouline / Causeur

Le billet du vaurien


Topor m’avait bluffé avec ses cent bonnes raisons de se suicider tout de suite. On travaillait alors dans une revue anarchiste, « Le Fou parle », financée à ses débuts par l’Armée rouge japonaise. Le suicide, après tout, n’est jamais qu’une révolution ratée : on se tue à défaut de pouvoir tuer les autres.

Un bref échantillon de Topor :

  • Pour tuer un juif comme tout le monde ;
  • Parce qu’un suicide bien conduit vaut mieux qu’un coït banal ;
  • Pour, devenu vampire, me repaitre du sang exquis des jeunes filles ;
  • Pour être le fondateur d’un nouveau style, le Dead Art ;
  • Pour jouir des avantages de l’exhibitionnisme intégral dans une salle de dissection.

Pour ne pas être en reste, j’avais aussitôt rédigé cent raisons de ne pas me suicider. En voici quelques-unes :

  • Parce que j’attends beaucoup de la déchéance progressive de mes amis – et d’abord un miroir de la mienne ;
  • Parce que je n’ai plus vraiment besoin de me suicider pour que les autres voient que je suis déjà mort ;
  • Parce que je redoute de plus en plus que l’enfer n’existe pas. C’était pourtant un endroit bien commode pour y retrouver d’anciens copains ;
  • Parce que se suicider, c’est prendre la décision de ne plus tyranniser ses semblables. Je me vois mal y renoncer ;
  • Parce qu’un coït réussi vaut mieux qu’un suicide raté.

J’avais demandé à Topor d’illustrer mon Dictionnaire du parfait cynique. Il m’avait répondu: « Entre Roland, on ne peut rien se refuser. » Il se méfiait de ces pessimistes qui décortiquent les mécanismes du pire, cependant qu’une sale petite lueur d’espoir continue de briller tout là-bas, au fond de leurs yeux. J’étais soulagé qu’il ne m’assimilât pas à eux. Je le tenais pour un génie, un des rares que le hasard avait mis sur ma route et je m’en serais voulu de le décevoir. Il m’intimidait. Il avait trop de dons et je me sentais bien dépourvu à ses côtés. Tout ce qui est Topor brille et je manquais d’éclat.

Comme Cioran, il me jugeait « trop civilisé ». Si le réel donnait de l’asthme à Cioran, il provoquait le rire, un rire énorme, de Topor. C’était sa manière à lui de le supporter. La mienne était de m’effacer derrière un mur de citations.

Lorsqu’on demandait à Topor pourquoi il peignait, il répondait : « Pour ressembler à un peintre. C’est si beau un peintre ! » Quand on lui demandait pourquoi il écrivait, il répondait : « Pour ressembler à un écrivain. C’est si beau un écrivain ! » Quand on lui demandait pourquoi il faisait des films, il répondait : « Pour ressembler à un cinéaste ! Des lunettes noires, une foule de gens autour de lui, des starlettes, le festival de Cannes, Hollywood…» Quand on lui demandait pourquoi il ne faisait rien, il répondait : « Pour ressembler à un héros. C’est si beau, c’est si triste un héros ! » Et quand enfin on lui demandait comment il trouvait le temps de faire tout ça, il répondait : « Je dors beaucoup.» J’ai essayé d’appliquer sa recette. En pure perte !

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Cet été, je lève le pied!

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Michel Piccoli etRomy Schneider dans le film: "Les choses de la vie" © NANA PRODUCTIONS/SIPA Numéro de reportage: 00521279_000023

En 1970, le film « Les Choses de la vie » plongeait le public dans un trio amoureux


Avec les disparitions de Michel Piccoli et Jean-Loup Dabadie au printemps durant le confinement, les Français ont vu défiler leur histoire récente. Ils ont aimé revoir leur image fantasmée dans le rétroviseur du réalisateur Claude Sautet, retrouver le temps d’un film, cette pellicule d’élégance qui les habillait jadis. Ils ont oublié, durant quatre-vingt-dix minutes, les débats boueux et la laideur du spectacle permanent, cette cohorte des petits chefs sans classe et sans barrières qui occupent le devant de la scène médiatique.

L’incertitude amoureuse guidait nos pas

En mars 1970, les acteurs étaient beaux et conquérants, fragiles et sensuels, perdus et dignes, souples et charismatiques, excessifs et pudiques. Leur voix portait plus loin, leurs gestes amples dessinaient des caractères aux contours immenses, aux frontières inatteignables ; ils n’étaient pas encore comprimés dans une mécanique de répétition commerciale ; ils ne semblaient pas, comme trop souvent aujourd’hui, gesticuler dans un bocal où les sorties de route sont balisées, encadrées, amorties.

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Même leurs silences paraissaient plus intelligents et énigmatiques. Nous avons perdu cette autonomie d’action et de sentiments qui définissait autrefois les peuples libres. Une décennie plus tard, nous imitions, nous singions, nous errions dans un grand espace marchand. En 1970, paradoxalement nous n’étions pas soumis aux modes et aux injonctions futiles alors que l’ogre économique tournait à plein régime. L’incertitude amoureuse guidait nos pas. Le passé venait nous hanter, il n’avait pas décidé de nous laisser totalement en paix. Aussi, nous étions suffisamment malléables ou fous pour accepter, à nouveau, l’aventure à deux. Nous n’étions pas figés dans de vieux réflexes et terrifiés par le changement.

Les choses de la vie, entre écorchure et bien-être

Les hommes n’avaient pas complètement abdiqué le désir de vivre une existence pleine et entière. « Les Choses de la vie », Prix Louis-Delluc et en compétition officielle au Festival de Cannes, nous raconte en accéléré, et, par un découpage soyeux et violent, l’enchevêtrement de nos actes. Sautet dénoue l’inextricable ou comment un accident de voiture rebat la carte du tendre. Pourquoi ce film laisse-t-il dans nos esprits, cinquante ans plus tard, le sentiment ambivalent d’une écorchure et d’un bien-être ? À la fois cataplasme réconfortant et activateur de nos douleurs enfouies.

D’abord, il y a le roman court de Paul Guimard, l’ami d’un président florentin à la rose et d’Antoine Blondin, ce marin du couple, prévisionniste des tempêtes intérieures qui savait écrire les troubles. Puis Dabadie à la tapisserie des dialogues, Sarde à la mélodie déchirante, et des visages qui agissent comme des électrochocs, celui de Jean Bouise, de Dominique Zardi ou de Boby Lapointe au volant d’une bétaillère.

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On retrouve sa famille de pensée, cette patine d’une France bataillant entre émancipation et classicisme, cet entre-deux doucereux qui nous manque tant. Une voiture d’origine italienne, l’Alfa-Romeo Giulietta Sprint, grise de carrosserie, immatriculée 4483 VD 75 joue les funestes messagères sur une route de campagne. Ce qui rend ce film épidémiologiquement irrésistible pour la nuit des temps, c’est ce trio à la beauté aveuglante. Ces trois-là nous empêchent de respirer tellement nous sommes absorbés par leur toucher délicat, ces acteurs effleuraient les émotions avec un naturel désarmant. Piccoli, au centre des ébats, cigarette inamovible à la bouche, le charme secret d’une chemise blanche repassée et d’une barbe mal rasée, l’expression splendide du quadra qui s’interroge, qui voit sa maturité triomphante vaciller. Son chancellement est un bonheur de spectateur. Il nous a appris à nous comporter en société. Une leçon de maintien pour les masses ignorantes.

Les chemins piégeux de l’adolescence

Piccoli traçait un chemin piégeux pour tous les adolescents d’alors, il nous montrait cette voie étroite du style et du doute. De dos, les cheveux détachés, la peau polie par un rayon de soleil, Romy aimantait notre regard. Doucement, elle se retournait, pianotait à la machine, lunettes sur le nez et cet accent délicieusement coupant venait ponctuer son tapuscrit. Nous savions qu’une telle rencontre allait profondément modifier notre rapport aux femmes, bousculant notre imaginaire. Nous faisions le constat étrange que le désir pouvait se teinter de tristesse, qu’une intonation pouvait être plus érotique qu’une poitrine dénudée, que l’intensité se nichait dans une intimité jusqu’alors insoupçonnée. En surplomb et en peignoir éponge, Lea Massari scellait ce triangle lui insufflant une puissance charnelle et une sorte de retenue souveraine. Ce cinéma-là nous élevait.

Les Choses de la vie, film de Claude Sautet, 1970.

Territoires perdus?

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Le ministre de l'Intérieur en déplacement aux Mureaux, le 7 juillet dernier © Thomas Samson/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22471030_000017

Il existe des violences policières, on ne peut le nier, mais le plus souvent en réaction à des violences subies par une police qui contrairement à la police d’autres pays n’est pas autorisé à exercer la violence légitime de l’État, sauf quand on lui demande d’intimider les « gilets jaunes ». S’il est bon de ne pas essentialiser, il ne faut pas non plus nier le réel.

Depuis très longtemps, la police est considérée par une partie de la jeunesse issue de l’immigration maghrébine et africaine comme une armée ennemie qui occupe indûment leur territoire. Il existe en effet une minorité importante de jeunes nés en France et issus parfois depuis plusieurs générations de l’immigration maghrébine, turque, subsaharienne, qui manifestent par différentes formes de violences leur sentiment d’être des victimes: pillages et vols, trafics, agressions commises avec une brutalité extrême, délinquance, terrorisme… Ceux-là pourrissent la vie des cités, font fuir les habitants honnêtes, de toutes origines, qui ont la possibilité de partir, créent des situations intolérables aux enseignants, aux éducateurs, aux bibliothécaires, s’en prennent à la police, aux pompiers, aux médecins même. On connait les raisons qui produisent ces violences : des pères souvent absents ou violents, une éducation islamique, marquée par l’intolérance de l’altérité, des tabous sexuels qui engendrent les frustrations, une culture de l’honneur et de la honte qui produit de la colère, de la peur, de la dépression et finalement de la haine. Ces jeunes de France ressemblent à leurs « frères » de Berlin, Düsseldorf, Göteborg, Alger, Londres, Bamako, Gaza: leur vision du monde est la même, nourrie de croyances superstitieuses et complotistes. Ils ont quelque chose de cet enfant abandonné avec un sentiment de faiblesse et d’impuissance dont parle Erich Fromm, sentiment qui, d’après lui, constitue les facteurs de formation d’un caractère sadique. Les propagandes des réseaux sociaux et les prêches radicaux dont ils sont abreuvés ne contribuent pas à apaiser leur antisémitisme et leur haine d’une société française qui pourtant les nourrit et les entretient.

 Le gouvernement, soucieux de ne pas déclencher un embrasement des banlieues qui pourrait déboucher sur un conflit généralisé, redouté d’ailleurs depuis des décennies, n’utilisera pas la force en faisant intervenir l’armée comme certains le recommandent déjà. Le projet de police de proximité, qui fut une belle idée, mais mal présentée et surtout mal mise en pratique a été rapidement abandonnée. Désormais, il est trop tard. Ainsi, dans ces quartiers, l’état a renoncé à faire appliquer les consignes de confinement pourtant valables pour tous. Jeunes et adultes retenus jusqu’à présent de gré ou de force dans la vie de la nation par l’école et les institutions de la république, risquent de se détacher encore plus dans un repli communautaire et un fonctionnement quasi tribal. Ce qu’on constate dans les quartiers d’habitat social au retour de quelques semaines de vacances « au bled » risque de se généraliser : un éloignement du commun national et un retour à des archaïsmes religieux, à des pratiques sociales réfractaires au projet républicain et au roman national, à une poursuite des confrontations avec les institutions républicaines.

En conséquence, comment allons-nous éviter une aggravation des violences actuelles ? Comment allons-nous ramener au sein de la nation française ces enfants perdus, sachant qu’un certain nombre le souhaitent en secret, mais n’osent le dire en raison de fonctionnement tribaux, appelés poliment communautaires, qu’il faut absolument contrecarrer. Certains doutent déjà que cela soit possible et se préparent en réalité à une forme ou l’autre de guerre civile, impossible pourtant à imaginer tant elle serait cruelle et dévastatrice.

Il faudra donc mettre en place ce que j’ai écrit dans d’autres articles et dont je répète inlassablement la nécessité urgente : ces rencontres « conflictuelles » qui vont devenir indispensables, encore plus au lendemain de l’épidémie. J’en ai fait l’expérience au Rwanda où j’ai réuni des prisonniers ayant participé au génocide et des survivants, des filles-mères rejetées par leurs familles et désirant retrouver un refuge auprès de leurs proches, indifférents ou hostiles. J’en ai fait l’expérience dans de nombreux pays confrontés aux traumatismes des violences et des guerres civiles.

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Cela pourrait se faire dans des villes ou des territoires où l’on multiplierait ces rencontres afin de créer une culture du conflit pour ramener, autant que possible, au sein de la nation française, ceux qui pourraient le souhaiter encore et qui sont plus nombreux qu’on ne le pense. Il ne s’agit pas de verser dans un « vivrensemblisme » factice et illusoire mais de donner enfin la parole à des citoyens de toutes origines, des enseignants, des policiers, des fonctionnaires territoriaux qui ont besoin de se parler, de se connaître, de se rencontrer et d’élaborer ensemble des réflexions qui pourraient nourrir, mieux probablement que les experts technocratiques qui n’ont pas réussi à inventer de vraies solutions, la décision politique. Aussi dure qu’elle pourrait être parfois pour répondre à l’urgence de dangers prévisibles.

Tant qu’il y aura des DVD

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Jean-Louis Trintignant © LCJ Editions

Les salles de cinéma sont enfin ouvertes mais avec une programmation aussi stupidement pléthorique que platement médiocre. Pour cet été, mieux vaut compter sur quelques réjouissants DVD pour ne pas désespérer du septième art. La sélection de Causeur


Repassons le dépassement

Le Fanfaron, de Dino Risi

Coffret édité par LCJ

Oui, il fut un temps où le cinéma italien fut une arme de destruction massive de la société dont il était l’impitoyable reflet. Oui, Dino Risi avec Les Monstres, son film à sketches de 1963, en fut l’un des cinéastes dynamiteurs majeurs. Oui, ce temps est révolu, même si Moretti, le moine-soldat, et Sorrentino, le sous-Fellini, en raniment un peu les braises dans des genres différents, voire opposés et sans retrouver la recette de l’acidité initiale. Quoi de plus normal puisque entre-temps, tout est passé par là : la chute du communisme, la déchristianisation, l’ultra libéralisme en tous domaines, sans oublier Berlusconi et son désert culturel assumé. Que reste-t-il alors à nos amours ? Voir et revoir ces films italiens qui ne pourraient plus exister. Au premier rang d’entre eux, Le Fanfaron, réalisé par le susnommé Risi en 1962, avec, excusez du peu, trois atouts maîtres : Jean-Louis Trintignant, Vittorio Gassman et Catherine Spaak. Il Sorpasso, en italien, ce qui veut dire « le dépassement », soit bien plus que la simple « fanfaronnade » du titre français : au banal dépassement automobile, il faut évidemment ajouter le dépassement de soi, des bornes et des limites, des conventions, entre autres. C’est le week-end du 15 août à Rome, les rues sont absolument désertes. Au volant de sa voiture de sport décapotable, le bellâtre volubile et sans gêne Bruno (c’est Gassman) rencontre Roberto (c’est Trintignant), un étudiant sérieux et coincé. S’ensuit un road movie au cours duquel ces deux contraires vont se découvrir, apprendre à se connaître et s’estimer. Avec à la clé des rencontres, des visites, des découvertes plus ou moins piquantes. Au bout de leur chemin, il y aura l’inévitable certitude que le clown Bruno vaut mieux que sa caricature. Il y aura une autre certitude, mais depuis quand raconte-t-on la fin d’un film aimé ?

© LCJ Editions
© LCJ Editions

Au centre du Fanfaron, trône, magistral, un couple de cinéma absolument idéal, digne de Molière ou de Marivaux. Gassman est ici un cabot génial, omniprésent et définitivement « donquichottesque », suffisamment fou et lumineux pour camper ce personnage qui drague le spectateur sans cesse et qui parvient à ses fins en permanence. Face à lui, le discret Trintignant fait des merveilles de retenue dans le genre « faire-valoir » de comédie : l’économie de moyens est sa réponse parfaitement adéquate à la déferlante Gassman. L’un ne va évidemment pas sans l’autre. Risi le sait, qui jusqu’au bout veille à cet équilibre entre les deux, intercalant temporairement l’incroyable charme de Catherine Spaak. Le cinéaste et ses deux coscénaristes (Ettore Scola et Ruggero Maccari) organisent autour de ce couple un fabuleux portrait de la société italienne de ce début des années 1960. Tout y passe ou presque, dans un registre moins farceur et décapant que dans Les Monstres, mais avec une acuité identique. Sortie des douleurs de l’après-guerre dans une sorte d’illusion lyrique, l’Italie se vautre dans une modernité consumériste que représente ici et entre autres le flamboyant et tape à l’œil coupé sport de Bruno, ou comment on passe du voleur de bicyclette au conducteur de bolide. On y voit une société catholique en plein désarroi avec ses séminaristes en panne qui ne parlent que le latin. Une société xénophobe qui s’affiche ouvertement comme telle face à une touriste noire, tandis qu’elle semble perdre toute mémoire récente et honteuse en reluquant des touristes… allemandes. Mais, on aurait évidemment tort de n’y voir qu’un film « historique » ou le témoignage d’une époque. Ce qui fait la force des films de Risi, quand ils sont réussis comme c’est le cas ici, c’est une indéniable capacité à mêler très habilement le particulier et l’universel, le pamphlétaire du jour et le moraliste du temps. C’est pourquoi, soixante ans plus tard, Le Fanfaron n’a rien perdu, ni de son charme ni de sa force. On se réjouit donc de cette belle édition en DVD qui aux bonus de rigueur ajoute un livret très pertinent, écrit par Marc Toullec. Oui, décidément, il faut voir et revoir ce film !

© LCJ Editions
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Une tragédie non lacrymogène

© Gaumont - Wild Side Videos
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Le petit prince a dit, de Christine Pascal

Édité par Gaumont

Comment ne pas se réjouir de la sortie en Blu-ray de l’un des plus beaux mélos français des années 1990 ? Écrit et réalisé par l’actrice Christine Pascal, qui fut notamment l’égérie des premiers films de Tavernier, Le petit prince a dit raconte sans détour la mort annoncée d’une petite fille de dix ans atteinte d’une tumeur incurable au cerveau. Confié à la majorité des cinéastes français (ou non d’ailleurs), ce synopsis engendrerait un film catastrophe lacrymal et obscène. Ici, c’est tout le contraire : la cinéaste assume le pathos, sans jamais lui céder un pouce de dignité narrative et cinématographique. Aidée en cela par un casting tout aussi improbable sur le papier. Or, Anémone comme Richard Berry, dans le rôle forcément casse-gueule des parents, n’ont jamais été aussi bons. Bien des années plus tard, Nanni Moretti, avec La Chambre du fils, parviendra à renouveler l’exploit de Christine Pascal sans rien lui enlever de sa force et de sa singularité.

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Bijou cherche écrin

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La Rumeur, de William Wyler

Coffret édité par Wild Side Video

À l’heure où l’industrie française de la vidéo tire la sonnette d’alarme face à l’hydre tentaculaire de la VOD, il est bon de dire haut et fort combien elle assure un incroyable travail patrimonial que Netflix and co seraient bien en peine d’afficher. En donnant au film de William Wyler, La Rumeur, un si bel écrin (avec DVD, Blu-ray et livret illustré conséquent), son éditeur s’avère à la hauteur d’une démarche éditoriale digne de ce nom. Réalisé en 1961 (après une première version en 1936, déjà réalisée par Wyler), adapté de Lillian Hellman, porté par Audrey Hepburn et Shirley MacLaine et magnifié par le noir et blanc de Franz Planer et par la musique d’Alex North, ce bijou noir du cinéma américain sidère par sa vigueur absolument intacte. Ou comment la calomnie d’avant les réseaux sociaux faisait son œuvre tout aussi efficacement…

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Les soutiens idéologique et pécuniaire surprenants de « Black lives matter »

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Le pilote de Formule 1 Lewis Hamilton au grand prix d'Autriche, le 5 juillet 2020 © Dan Istitene/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22470519_000006

 


Après les GAFA, de grands groupes industriels soutiennent le mouvement Black Lives Matter. Les réseaux sociaux et les multinationales font cause commune avec ce mouvement racialiste à la mode. Une analyse de Caroline Valentin et Yves Mamou.


Que penser de Mercedes qui lutte contre le racisme en repeignant en noir ses monoplaces pour la saison prochaine de Formule 1 ? Que penser de l’Oréal qui renonce à l’utilisation des mots « blanc » et « blanchissement » pour tous les produits qui servent précisément à blanchir la peau ? Bref, que penser de ce vent d’antiracisme qui souffle sur les multinationales ? Tous les secteurs sont concernés : l’agroalimentaire, avec la disparition du grand-papa noir Uncle Ben’s, le cinéma avec le retrait par HBO de la vidéo d’« Autant en emporte le vent », la distribution avec Amazon qui soutient Black Lives Matter (BLM)… etc.

Que des marques mondiales surfent sur des thèmes sociétaux – déforestation, travail des enfants, développement durable – pour promouvoir leur produits ou leur image n’a rien de nouveau. Mais en endossant l’idéologie antiraciste, c’est un combat politique qu’elles ont décidé de mener. 

Les réseaux sociaux contraints de sortir de la neutralité

L’affaire Twitter-Trump-Facebook est particulièrement éloquente à cet égard. Le 26 mai Twitter a censuré un tweet de Donald Trump dans lequel ce dernier exprimait ses craintes que le vote par correspondance génère des fraudes électorales massives (en sa défaveur). 

Hostiles au « populisme » de Donald Trump qui arrête l’immigration et oblige les entreprises américaines à quitter la Chine pour se recentrer sur le sol des États-Unis, l’élite économique et financière américaine aurait-elle envie d’enrayer le processus en cours ?

Quelques jours plus tard, le meurtre de George Floyd par un policier blanc a déclenché des émeutes à Minneapolis, qui ont amené le président américain à lancer un avertissement aux émeutiers.  « Les pillages seront immédiatement accueillis par des balles » (« looting », « shooting »). Considérant que Donald Trump venait de déclarer sa « haine » à la communauté noire, Twitter a censuré le message présidentiel.

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Tous les regards se sont alors tournés vers Facebook. Le réseau social géant riche de deux milliards d’internautes allait-il suivre Twitter et censurer les messages – les mêmes que sur Twitter – de Donald Trump ? Visiblement gêné, Mark Zuckerberg a décidé de ne pas censurer Donald Trump. 

S’est alors enclenchée une incroyable réaction en chaîne. Sous la pression des associations antiracistes américaines (NAACP notamment), les très grands annonceurs de Facebook (Unilever, Levi’s, Coca-Cola, Starbucks, Adidas, Procter & Gamble, Apple et bien d’autres) ont bloqué leurs budgets publicitaires sur le site. Pas un jour ne passe sans que cette liste des entreprises qui boycottent Facebook ne s’allonge.  

Mais à travers Facebook, c’est Donald Trump qui est visé. Le président américain tire sa force des relations directes qu’il entretient avec son électorat à travers les réseaux sociaux (Twitter et Facebook principalement, mais aussi Reddit, Snapchat, Viber…). Au cœur de la campagne électorale américaine, les grandes entreprises américaines tentent donc d’inciter Facebook à couper Donald Trump de sa base électorale. Fin juin, sous prétexte de lutte contre le discours de haine, la plateforme Reddit a, supprimé « r/The_Donald », un groupe pro-Donald Trump créé en 2016 equi comptait près de 800 000 membres. La plateforme Twitch, contrôlée par Amazon (Jeff Bezos, PDG d’Amazon est un ennemi déclaré du président américain) et la plateforme Viber ont emboité le pas de Twitter et Reddit en censurant certains des messages de Donald Trump. 

Rien de nouveau?

Certains diront que les grandes entreprises se sont toujours engagées en faveur de tel ou tel candidat. En réalité, les grandes entreprises ont pendant longtemps financé aussi bien le candidat républicain que le candidat démocrate. Elles mettaient des billes dans les deux camps. Aujourd’hui, drapeau antiraciste au vent, les multinationales américaines ont entrepris de dézinguer le candidat républicain. 

L’affaire George Floyd, concomitante de l’affaire Facebook, indique que ce tournant antiraciste est bien plus qu’une simple posture marketing. En dépit des déclarations très violentes du mouvement marxiste noir Black Lives Matter, Amazon est allé jusqu’à annoncer son soutien au mouvement sur la page d’accueil de son site« Se taire, c’est être complice. La vie des Noirs compte », a déclaré Netflix sur Twitter. Disney, la Fox et la plateforme de films Hulu ont également fait un signe à BLM. Apple Music s’est jointe à la campagne «Black Out Tuesday» pour sensibiliser les gens aux problèmes d’inégalité ethnique systémique. Les marques de bonbons Gushers et Fruit by the Foot se sont associées pour condamner la brutalité policière et « se tenir aux côtés de ceux qui luttent pour la justice »Nike, Apple, Microsoft ont suivi Amazon et versent à Black Lives Matter des sommes à sept chiffres. 

Des soutiens à un mouvement belliqueux

Le soutien apporté par les grandes entreprises américaines à Black Lives Matter est un soutien à un mouvement révolutionnaire qui compte des milices dans cinquante États, qui occasionnent des violences aux côtés des Antifas et qui affirme que le racisme est systémique aux États-Unis. Voir les multinationales américaines soutenir un mouvement noir qui s’attaque aussi  radicalement à l’Amérique, à son histoire et à sa culture a de quoi surprendre. 

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Dans les années 1930, les industriels allemands finançaient le parti nazi dans l’espoir d’en finir avec le parti communiste allemand, avec les résultats que l’on sait. Hostiles au « populisme » de Donald Trump qui arrête l’immigration et oblige les entreprises américaines à quitter la Chine pour se recentrer sur le sol des États-Unis, l’élite économique et financière américaine aurait-elle envie d’enrayer le processus en cours et d’empêcher la réélection de Donald Trump ?

Cory Maks, chercheur en sciences politiques et maitre de conférences à l’Université George Washington, constate depuis 2008 une augmentation spectaculaire de l’activisme des grandes entreprises sur ces sujets liés à la race, à l’immigration et aux droits des LGBT. Il explique ce phénomène par le fait que les dirigeants des grandes entreprises sont issus de l’élite riche traditionnellement plus progressiste socialement que les pauvres. Cette élite progressiste a tendance à utiliser le pouvoir économico-politique de leurs entreprises en faveur de buts qui vont « bien au-delà des intérêts économiques de cette entreprise ». L’action des patrons de Twitter, Amazon, Apple, Netflix et de bien d’autres apporte la preuve que cette élite économique a une idéologie politique personnelle à promouvoir.

Dans un article intitulé « Les sauveurs blancs de l’Amérique » publié sur tabletmag.com, le chercheur Zach Goldberg montre que sur les questions de justice raciale et de justice sociale, « les progressistes blancs sont touchés par un progressisme si radical qu’ils sont aujourd’hui le seul groupe démographique d’Amérique à afficher un parti-pris qui place les intérêts d’autres groupes ethniques au-dessus des intérêts de leur propre groupe ethnique ». Goldberg estime que les progressistes blancs américains font aujourd’hui passer les intérêts des minorités de couleur et des immigrants avant leurs propres intérêts et avant l’intérêt des Etats-Unis eux-mêmes. 

Millénarisme multiculturel

Des sondages menés par le Roper Center for Public Opinion ont montré que les perceptions des progressistes blancs sur les discriminations subies par les Noirs sont en évolution rapide. Ainsi, de 1996 à 2010, le nombre de progressistes blancs qui considéraient que les discriminations infligées aux noirs représentaient un motif de préoccupation « très sérieux » était stable (27% en 1996 avec un léger déclin à 25 % en 2010). Mais à partir de 2010, le tournant s’amorce et en en 2015, les progressistes blancs sont 47% à s’horrifier des discriminations subies par les noirs. En 2016, ils sont 58%. 

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Sur un sujet similaire, le traitement judiciaire des Noirs, les mêmes évolutions se remarquent. En 1995, 2000, et 2007, un progressiste blanc sur deux estimait que la justice traitait aussi équitablement les noirs que les blancs.  Mais en 2014, 70% des progressistes blancs estimaient que la justice affichait un « parti pris négatif » envers les noirs tandis que le pourcentage de ceux qui affirment que les noirs sont « judiciarisés équitablement » est tombé à 20%.

Ces progressistes blancs sont frappés de ce que le politologue Eric Kaufman a appelé le « millénarisme multiculturel », soit la croyance que la disparition de la majorité blanche ouvrira la voie à une société plus progressiste et plus juste sur le plan racial. C’est pourquoi le soutien apporté par certaines catégories de progressistes blancs à l’immigration et à l’ouverture toujours plus grande des frontières coïncide avec la critique toujours plus acerbe des « privilèges blancs » et cet étonnant soutien à Black Lives Matter. 

Le bon sens inciterait à tourner ces mouvements de pensée en dérision. Mais on aurait tort. Le millénarisme finit rarement en fête familiale. Cette révolte des progressistes blancs est moins balisée, moins évaluée et étudiée en France et en Europe, qu’elle ne l’est aux États-Unis. Les chiffres et les études manquent. La révolte des progressistes blancs n’a pourtant rien d’exclusivement américain, elle existe ici aussi et est tout aussi virulente. La prise en main des rues par nos Black Blocks, la prise en main des universités par nos islamo-gauchistes sont là pour le prouver.

Don Juan au Touquet

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Le Touquet Photo: Unsplash

Bleu, saignant ou à point ? de James Holin est plus qu’un bon polar d’été. C’est un livre qui brosse avec talent le portrait des dragueurs obsessionnels du XXIè siècle, ces Don Juan modernes… que seule leur propre personne intéresse.


Une fois réprimé le réflexe de recul face à la couverture d’une laideur criminelle – et sans aucun rapport avec le contenu –, le lecteur curieux est vite récompensé. Au-delà d’un polar bien ficelé à lire sur la plage, Bleu, saignant ou à point ? En mode séduction au Touquet, de James Holin, est une micro-étude du comportement séducteur, fort utile en cette période de l’année où l’« amour » rime moins encore que d’habitude avec « toujours ».

James Holin. © James Holin
James Holin.
© James Holin

D’ailleurs l’« amour » n’a proprement pas de place dans l’histoire de James Holin, ou plutôt de son personnage : Dragoljub, dit Drago, un jeunot d’origine bosniaque exilé en France où il s’entraîne avec  rigueur pour participer au « World Seduce Tour ».

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Le jeu, réunissant au Touquet les meilleurs lovelaces du monde sous l’égide de Sky TV, et bien qu’il soit romanesque et loufoque à souhait, s’inspire pourtant de l’autobiographie de Neil Strauss. Il y a une décennie, cet ancien journaliste de Rolling Stone reconverti en coach en séduction a fait date en publiant The Game : les secrets d’un virtuose de la drague, bourré de conseils et d’exercices pratiques. Avide de succès, Drago suit ses instructions à la lettre et, faille narcissique aidante, s’engouffre dans le pitoyable rituel de la pêche aux 06. Incapable de s’assumer dans le désir pour une femme, même dans la rencontre avec Michèle, une avocate quinquagénaire, l’apprenti Don Juan confond sa névrose avec la voie vers l’accomplissement. La grande réussite de Holin est de rendre son héros totalement inconscient de sa propre misère affective, de sa versatilité, de sa condamnation à répéter à l’infini, tel un Sisyphe de la jouissance, la même phrase-accroche, « j’aime votre style », en assujettissant son estime de soi à la réponse d’une femme visée au hasard. Dans l’impasse de son désir aussi impuissant que constant, Drago renonce, sans le savoir, à la merveilleuse et risquée passion de l’autre, pour se vouer à la seule passion d’un séducteur obsessionnel : lui-même. Il faut pourtant lui reconnaître le courage d’aborder les femmes dans la rue, art désormais révolu et sans doute bientôt pénalisé.

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