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« Le Monde », Israël et le Maroc… parlons en le moins possible, j’ai mal à la tête!

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Le journal Le Monde a pratiquement passé sous silence l’accord de paix signé entre le Maroc et Israël. Un oubli certainement motivé par l’idéologie du fameux « journal de référence ».


La newsletter du journal Le Monde en date du vendredi 11 décembre 2020, cette newsletter que tous les abonnés reçoivent à domicile ou au bureau, et qui recense l’ensemble des sujets qu’un honnête homme doit connaître, ne dit pas un mot de l’accord de paix Maroc – Israël, ni du rôle joué par Donald Trump. Rien ! Nada ! La Covid en France et dans le monde, le plan de relance européen, Trump sur le départ, la condamnation de Gaston Flosse, les déplacés de Tessit au Mali, la mise en examen du milliardaire Jimmy Lai à Hong Kong, les espèces animales menacées, l’Euro de Handball et quelques autres sujets mineurs… Mais le Maroc et Israël ? Rien !

Fétiches idéologiques

S’agirait-il d’un oubli ? En principe, dans la hiérarchie de l’information d’un grand quotidien, un accord de ce type évoque FORCÉMENT quelque chose ! Des larmes ou des rires, mais pas rien. Première interprétation: l’information dérange. Elle ne fait pas plaisir. Alors, on l’oublie. C’est en effet une souffrance pour un progressiste français de devoir renoncer à ses fétiches idéologiques. Et les Palestiniens, ce « peuple » que le Monde cajole, plaint, victimise depuis cinquante ans est un fétiche qui perd chaque jour un peu plus de consistance. Pour autant que je me souvienne – j’ai passé 23 ans au Monde -, les journalistes n’en ont jamais eu que pour eux. Tous étaient persuadés que les Israéliens avaient assassiné Mohamed al Durah et procédaient à des opérations quotidiennes de nettoyage ethnique en Cisjordanie. J’ai avoué une fois à un collègue que j’avais passé des vacances à Tel Aviv. Ledit collègue – un garçon d’une gentillesse peu commune – a ouvert la bouche et a eu le souffle coupé comme si je lui avais donné un direct dans l’estomac. Si j’avais dit l’Iran ou la Corée du Nord, il aurait certainement été intéressé. Mais Israël relevait pour lui de l’impensable. Une figure du mal peut être ?

L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible?

Si le non-traitement de l’accord Israël-Maroc n’est pas d’un oubli, c’est qu’il y a refus.

Sommes-nous arrivés à ce tournant historique où un journal gomme l’actualité parce que cette actualité ne cadre pas avec la vision du monde de ses journalistes ? L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible ? Impensable ! Mais en cette période de Me too, de George Floyd et de woke, l’hypothèse n’est pas à écarter.

Sortir du déni

Le déni offre une perspective intéressante. Le déni est un refus pathologique de la réalité. Voir le monde arabe embrasser des Israéliens serait-il insupportable à des journalistes du Monde ? Comment accepter que ce monde arabe que Le Monde a cajolé, victimisé, excusé des décennies durant, comment accepter sa soudaine versatilité ? Comment comprendre le revirement de tous ces dirigeants qui ont expliqué qu’une douleur insensée les saisissait à l’idée de partager une terre d’islam avec des Juifs en position souveraine, et signent un accord de paix avec Israël ? Aussi facilement qu’une personne enrhumée jette un mouchoir en papier !

Car enfin, il se montre bien vénal ce monde arabe. Quoi, il aurait suffi d’une petite reconnaissance des droits du Maroc sur le Sahara occidental riche en phosphate, et que les Américains sortent leur carnet de chèques diplomatique pour que les « Palestiniens », un vocable qui a nourri politiquement et affectivement la gauche européenne depuis cinquante ans, passent à la trappe ?

L’info refourguée dans les pages “Afrique”

Il y a là en effet, quelque chose d’insupportable.

Après vérification, – ô soulagement ! – Le Monde a tout de même consacré un article à l’accord Israël- Maroc en page intérieure.  Mais au-dessus de l’article, il y a le logo « Afrique ». Une manière de dire que le Maroc et Israël, c’est une affaire régionale africaine. Tiens ! Qui l’eut crû ? La photo montre d’ailleurs le poste frontière de Guerguerat à la frontière du Maroc et de la Mauritanie. C’est dire si l’information n’a qu’une importance relative. L’hypothèse du déni se confirme.

Le logo « Afrique » du Monde et le déni du Monde oublient autre chose, ce sont les Marocains de France ! Que vont-ils penser tous ces Franco-Marocains qui s’abreuvent au propalestinisme du Monde, de la gauche, et du gouvernement français depuis de Gaulle? Et que vont penser d’eux leurs compatriotes d’origine algérienne qui campent sur une farouche hostilité à Israël ? Et ceux d’origine tunisienne ? Ça ne va pas être simple. Oh finalement, cette affaire (la paix entre Israël et le Maroc) est un mauvais coup pour tout le monde. Mieux vaut en parler le moins possible. Heureusement, il y a le Covid.

Il faut savoir mourir au temps du Covid…

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Ériger la vie biologique en valeur suprême est une erreur que nous risquons de regretter, selon le nouvel essai décapant d’Alexandra Laignel-Lavastine.


Dans un livre décapant La déraison sanitaire, Alexandra Laignel-Lavastine part en guerre contre le « sanitairement correct ».

J’ai chez moi un très beau livre avec des lettres de résistants fusillés sous l’Occupation: Ils aimaient la vie à en mourir. Ce titre aurait pu être celui du texte d’Alexandra Laignel-Lavastine.

Nous aimons la vie, écrit-elle. Mais aussitôt elle ajoute : « la vie brute n’est pas tout ». Jamais, citons la encore, « nous n’avons été aussi armés médicalement et aussi désarmés moralement ». De confinement en confinement, de masques en masques nous avons accepté, poursuit-elle, de vivre dans un univers carcéral.

Les questions à vous poser pendant le couvre-feu

Qu’est-ce que la vie si l’on n’accepte pas de mourir pour elle ? Qu’est-ce que la vie si pour la préserver on nous somme d’avancer la tête baissée en rasant les murs ? Qu’est-ce que la vie quand elle est hissée au niveau d’un tout absolu et obligatoire ?

A lire aussi, Martin Pimentel: BHL, réac asymptomatique

Toutes ces questions irriguent les pages de La déraison sanitaire. Alexandra Laignel-Lavastine s’insurge contre le « quoi qu’il en coûte » psalmodié par ceux qui nous gouvernent. « Quoi qu’il en coute » c’est beaucoup, beaucoup trop cher. Notre abaissement, notre soumission sont un prix trop élevé que les générations à venir nous reprocherons un jour d’avoir payé.

Alexandra Laignel-Lavastine cite Walter Benjamin qui parle de la « vie nue » érigée – et il y voit une imposture – en valeur suprême. Puis sa plume se fait vengeresse. Voilà, écrit-elle, ce que nous dirons nos enfants. « Vous jouissez de la liberté acquise par nos ancêtres qui sont morts pour elle sur les barricades. Et voilà que vous vous barricadez contre un virus ? ». 

La Déraison sanitaire. 144 pages. Alexandra Laignel-Lavastine. Editions Au bord de l’Eau. 

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Touche pas à ma déesse !

C’est une caricature qui a enflammé toute l’Inde, le 19 octobre dernier. Lorsqu’elle publie sur son compte Twitter deux dessins, montrant une femme victime d’un viol et le violeur faisant une offrande à la déesse Durga, Deepika Singh Rajawat ne s’attendait pas à déclencher un tollé national. L’association d’une image sexuelle avec celle de la divinité a été jugée hérétique par les plus ultras des hindous qui ont crié haro sur l’avocate spécialisée dans la défense des femmes victimes d’agressions sexuelles.

Les médias d’extrême droite ont rapidement relayé l’information et réclamé que l’avocate soit traduite en justice pour cette offense.

À lire aussi, Gabrielle Périer: Inde : le joyau de la haine

Faire bouger les mentalités

« Je suis hindoue moi-même, pourquoi irais-je critiquer ma propre foi ? Il s’agissait de faire bouger les mentalités », s’est défendue Deepika Singh Rajawat. Présidente de l’ONG Voice for Right, elle s’est fait connaître avec l’affaire d’Asifa Bano, une fillette musulmane de 8 ans enlevée, violée et assassinée par des hindous. « Ici, de nombreux viols sont commis contre les femmes. Il faut donc célébrer les déesses, mais aussi traiter les femmes avec dignité, toute l’année », a renchéri l’avocate. « Elle a choisi délibérément une déesse hindoue pour sa caricature, pourquoi n’a-t-elle pas pris la Vierge Marie ? » s’agace un internaute. Deepika Singh Rajawat reçoit des menaces de viol. « Mais la police ne me protège pas. Au lieu de cela, je suis accusée sur des bases complètement contraires à la loi », se plaint-elle. Malgré les centaines de fanatiques qui sont venus manifester devant sa résidence, elle refuse d’effacer la caricature. Certains internautes n’ont pas hésité à faire un parallèle entre son cas et celui de Samuel Paty.

Espérons que cela finira mieux pour Deepika.

Au revoir les jeunes


Les adolescentes, film (1960) d’Alberto Lattuadaqui évoque la découverte de la sexualité par une adolescente, scandalisa l’Italie lors de sa sortie…


Sortie en 1960, ce film franco-italien est l’un des plus réussis de son auteur, Alberto Lattuada, et pas seulement parce qu’il offre son premier rôle à une jeune et séduisante jeune fille de 15 ans, Catherine Spaak. Elle fait ici face à deux acteurs français : Jean Sorel et Christian Marquand. Le cinéaste évoque avec une sensualité qui lui vaudra les foudres de la censure italienne l’émancipation féminine d’une adolescente bourgeoise, comme le faisait son collègue Bolognini avec Les Garçons.

C’est un roman d’apprentissage pudique et audacieux à la fois, parfait symbole d’un cinéma des années 1960 qui sait capter l’air du temps à la perfection.

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Immigration: taisez-vous et accueillez!


Le règlement européen sur l’asile et les migrations en cours de discussion aura bientôt force de loi en France. Il va encourager l’immigration clandestine, faciliter la vie aux terroristes et étendre les pouvoirs des technocrates. C’est notre avenir qu’on hypothèque. 


La nouvelle politique migratoire de l’UE, annoncée par la Commission européenne le 23 septembre dernier, est en cours d’élaboration. Elle se décline en plusieurs textes législatifs qui vont aggraver sensiblement le carcan juridique étreignant les États membres (EM). La pierre angulaire du futur dispositif est la proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, que le Parlement européen et le Conseil instruisent actuellement. La Commission souhaite obtenir un accord politique sur ce texte fondateur avant la fin de l’année 2020, qui verra s’achever la présidence allemande.

Les dispositions essentielles de ce règlement

Il consacre le principe de l’examen obligatoire par les EM de toute demande de protection présentée sur leur territoire par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride. Il ouvre ainsi une brèche dans laquelle des clandestins ne manqueront pas de s’engouffrer en masse, en se prétendant persécutés. Il confirme et élargit le principe instauré en 2016 de relocalisation de demandeurs d’asile dans d’autres pays, avec une priorité aux mineurs non accompagnés, dès lors que le pays d’arrivée initiale ne parvient plus à absorber des flux excessifs de postulants. Il crée un mécanisme de solidarité en faveur des EM soumis à une pression migratoire ou dans lesquels des débarquements sont opérés à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage.

À lire aussi, Michel Aubouin: Expulsions: l’État de droit dans le mur

Assorti d’une organisation bureaucratique démesurée, ce système instaure des contributions de solidarité à la charge des différents EM, permettant de soulager ceux qui affrontent temporairement une situation devenue ingérable. Pour chaque EM, ces contributions pourront revêtir plusieurs formes (relocalisation des demandeurs, prise en charge des retours de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, assistance logistique et opérationnelle…). Elle sera évaluée en fonction de deux critères (population et PIB) et sera ajustable en tant que de besoin. La clef de répartition retenue fera de la France le deuxième contributeur au mécanisme de solidarité, après l’Allemagne.

L’état d’avancement du dossier

La proposition de règlement est examinée au pas de charge par les institutions européennes. Son adoption par le Conseil requiert un vote favorable de la majorité qualifiée (55 % des EM, représentant au moins 65 % de la population de l’UE). Il y a donc peu de chances que les opposants atteignent la minorité de blocage (quatre EM représentant au moins 35 % de la population de l’UE). Peu de suspense également quant à la position du Parlement européen, majoritairement favorable aux « migrants ». Au niveau français, ce dossier est géré par un cercle restreint de technocrates et de juristes, qui prennent des positions déterminantes en dehors de tout contrôle démocratique national. Le Parlement français est simplement informé.

Si le processus aboutit, le texte adopté par les deux organes législateurs de l’UE deviendra une loi européenne que tous les EM devront appliquer. Ainsi tout gouvernement français devra respecter ce nouveau cadre juridique, sauf à organiser un Frexit ou à accepter de voir la France fréquemment condamnée à de fortes amendes par la Cour de justice de l’UE. Il est illusoire en effet de compter sur une abrogation ou même une révision de ce règlement, qui ne pourraient intervenir qu’à l’initiative de la Commission européenne et avec le soutien de la majorité qualifiée des EM. Cela fait 24 ans, par exemple, que la France est engluée dans la directive sur les travailleurs détachés qui pénalise fortement ses propres salariés.

L’impact prévisible pour la France

L’exécutif et la presse dite progressiste se sont bien gardés bien d’informer les Français sur ce dossier stratégique. Il contient pourtant les ferments d’une submersion migratoire incontrôlable, qui risque de grever lourdement les finances publiques, d’augmenter la pression fiscale et de provoquer à terme une guerre civile.

Dans trente ans, l’Afrique comptera plus de 2 milliards d’habitants, très majoritairement jeunes, qui seront attirés de façon irrépressible par le mirage européen

Cette initiative est ardemment soutenue par Mme Merkel et M. Macron. Les récents attentats avaient pourtant incité le président à réclamer un sursaut européen à ses homologues, à dénoncer les liens qui existent entre l’immigration clandestine et le terrorisme, et à déplorer le dévoiement du droit d’asile. Pour lutter contre le terrorisme, Emmanuel Macron entend durcir les règles de circulation à l’intérieur de l’espace Schengen. Mais avec le règlement en discussion, cela sera aussi efficace que si les copropriétaires d’un immeuble décidaient de contrôler davantage les entrées dans leur domicile sans avoir le droit de fermer les accès extérieurs du bâtiment. Des personnes étrangères continueraient d’affluer en masse, de pénétrer et de s’installer en toute impunité dans les parties communes, exerçant une pression irrésistible pour s’introduire dans les différents logements.

Dans trente ans, l’Afrique comptera plus de 2 milliards d’habitants, très majoritairement jeunes, qui seront attirés de façon irrépressible par le mirage européen. Les flux venant d’Afghanistan, du Pakistan, des Balkans, de Tchétchénie … ne risquent pas de se tarir, bien au contraire. La poussée migratoire aux frontières de l’UE deviendra vite irrésistible. En France, elle fera exploser les digues édifiées par un pays qui s’enfonce dans une crise économique et sociale inédite et dans lequel la pauvreté s’accroît dangereusement. Par ailleurs, il est probable que beaucoup de nouveaux arrivants grossiront les rangs des islamistes.

Emmanuel Macron prend ainsi le risque de priver pour longtemps ses successeurs de toute marge de manœuvre pour contrôler nos frontières, même lorsque nos intérêts fondamentaux seront menacés. Lorsqu’une crise majeure, qui est inéluctable, adviendra, le pouvoir en place ne pourra pas se contenter d’instaurer un numéro vert.

Déni de démocratie

La nouvelle stratégie en matière d’asile et de migration confirme la dérive oligarchique qui pervertit le grand dessein européen. Les Français doivent être consultés sur cette stratégie migratoire qui hypothèque leur avenir et celui de leurs enfants. Dans cet univers en éruption permanente, la France ne peut plus se permettre d’aliéner sa souveraineté et de confier la maîtrise de son destin aux technocrates de Bruxelles. Elle ne peut plus subordonner la continuité de sa culture et la pérennité de son mode de vie aux décisions de juges nationaux ou supranationaux.

À lire aussi: Pour un débat démocratique sur l’immigration

Le peuple a déjà été grugé par M. Sarkozy lors du référendum de 2005. Ce hold-up démocratique ne saurait être réédité. Il est grand temps de revenir à la Constitution et à son article 2, en vertu duquel le principe de la République est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

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Martine ne sait plus lire

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Plusieurs internautes se sont étonnés de la réduction de textes dans les livres pour enfants « Martine ». Mais c’est un peu plus compliqué que ça…


Le niveau des mouflets étant en baisse constante, adapterait-on la collection bien connue des albums de « Martine » pour la rendre plus facile d’accès ? C’est une lourde accusation. Les internautes s’en inquiétaient la semaine dernière en comparant les anciens albums aux nouveaux, où les mots les plus élaborés d’autrefois semblaient avoir été écartés.

Sur Twitter, Benjamin s’indigne: « Le niveau a baissé. On s’adapte ». Wesley, un autre utilisateur du réseau social, raille: « La prochaine étape sera-t-elle le langage SMS ? » Un troisième, Marc, est carrément inquiet: « Réduire le champ de l’expression permet de réduire le champ de la pensée. Et les résultats seront d’autant plus spectaculaires que les sujets auront été soumis très tôt au processus. L’abêtissement généralisé facilite le contrôle des masses, et elles semblent y consentir… »

Une fake news de plus?

Intrigués, les décodeurs du Monde ont interrogé sur le sujet la directrice de Casterman Jeunesse en charge de la collection.

Céline Charvet confirme et défend le raccourcissement des textes, mais indique qu’il s’agit d’« un choix complètement réfléchi » qui s’explique autrement. Elle révèle que l’éditeur souhaite en réalité que la série des Martine puisse s’adresser aux enfants dès l’âge de quatre ans, contre sept auparavant. L’accusation de nivellement par le bas tombe ainsi à l’eau. De plus, Casterman propose en réalité différentes collections. Aux côtés des albums d’autrefois, on retrouve plusieurs versions des mêmes histoires: « Je commence à lire avec Martine », « Mes premières histoires avec Martine » etc.

La logique de l’époque

Mais au-delà de l’appauvrissement du texte qui a choqué, le lifting progressiste de certains titres peut aussi énerver certains réacs. « Après la mort de Marcel Marlier, Casterman a décidé de réécrire les albums de Martine pour qu’ils puissent encore s’adresser à un public contemporain » expliquent nos confrères du Monde. Depuis 2016, Martine petite maman est ainsi devenu Martine garde son petit frère, un titre dénué des fameux stéréotypes de genre qu’on veut à tout prix éviter.

A lire aussi: Causeur: Le niveau baisse!

L’éditrice explique que l’album en question avait été « écrit à une époque où on assignait aux petites filles un destin de futures mamans ». Cette sombre époque étant révolue, désormais Martine s’occupe de son frère cadet, ce qui est « plus logique ».

Martine n’étant pas franchement un apport des plus significatifs à notre littérature, même enfantine, nous ne lancerons aucune pétition contre ces décisions éditoriales contestables.

Reste qu’il n’est effectivement pas rassurant de constater que plusieurs livres pour enfants aient été simplifiés ces dernières années. Et si la prochaine étape de simplification concernait les romans de Victor Hugo, laisserait-on faire ?

On déplore le niveau en français de nos enfants, mais ils peuvent peut-être se rattraper en mathématiques ? Malheureusement, la dernière étude TIMSS vient de révéler qu’en la matière, en classe de CM1, la France était en queue de peloton de l’Union européenne. Martine bonnet d’âne et au coin!

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John le Carré ou la solitude de l’espion de fond

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Le créateur de George Smiley vient de nous quitter à l’âge de 89 ans. L’ancien agent du MI6 avait signé une vingtaine de romans dont les best-sellers La Taupe ou L’espion qui venait du froid…


Avec la chute du mur de Berlin, le roman d’espionnage a connu sa crise de 29. Ce genre romanesque était à l’affrontement Est-Ouest ce que le roman de la Table ronde était à la quête du Graal : leur seule raison d’exister.

Parmi les très rares survivants qui ont réussi une reconversion dans notre monde multipolaire, il y avait John le Carré qui vient de disparaître.

De l’importance du pseudonyme

John le Carré était un pseudonyme. Celui de David Cornwell né à Poole en 1931, fils d’un père escroc charmant et d’une mère qui l’abandonne à cinq ans.  Le Carré donne une explication qui est évidemment une fausse piste : il aurait vu depuis un bus à impériale l’enseigne d’un magasin portant ce nom, en français dans le texte, comme on dit, et aurait aimé la minuscule du « le » dans « le Carré ». C’est seulement en 1996 qu’il déclare dans un entretien : « On m’a si souvent demandé pourquoi j’ai choisi ce nom ridicule que l’imagination de l’écrivain m’est venue en aide. Cela a suffi à tout le monde pendant des années. Mais les mensonges ne résistent pas au temps qui passe. Aujourd’hui, je ressens un horrible besoin de vérité. Et la vérité, c’est que je ne sais pas. »

La question du pseudonyme est moins anodine qu’il n’y paraît. Elle est même une porte d’entrée idéale pour comprendre  son univers romanesque. Il y a bien sûr une raison biographique à ce pseudonyme. Quand le Carré publie son premier roman, au début des années 60, il est encore membre des services secrets. Mais ce pseudonyme est aussi une métaphore de la couverture utilisée par l’agent double, cette figure centrale de son univers romanesque. L’agent double, c’est l’écrivain. L’agent double, c’est celui qui ne sait plus la frontière exacte entre la réalité et la fiction.

Lecteurs égarés et ravis

Le Carré a eu l’intuition que le monde fonctionnait uniquement par opposition, comme chez les présocratiques. Est contre Ouest pendant la guerre froide et plus tard Nord contre Sud. L’agent double, c’est celui qui comprend qu’au sein de chaque camp, d’autres oppositions se font jour, à l’infini, dans une mise en abyme vertigineuse. Des exemples ? À l’Ouest, les Anglais s’opposent aux Américains derrière la fiction de la « relation spéciale » et chez les Anglais eux-mêmes, les espions s’opposent au reste de la société, en se considérant tantôt comme des parias, tantôt comme des seigneurs.

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Au sein-même du Cirque, le nom donné par le Carré aux services secrets,  les rivalités entre deux services, le Pilotage et les Opérations clandestines, aboutissent à une guerre sourde, absurde, et souvent meurtrière. Pire, cette schizophrénie touche l’agent double lui-même, manipulateur manipulé qui ne sait plus vraiment, à la longue, quel maître il sert. Il est vrai que l’auteur lui-même a multiplié avec un plaisir parfois pervers,  dans sa vie et dans ses livres les fausses pistes, les chausse-trappes, les impasses et les portes dérobées. On peut y voir  là encore un des aspects de son génie littéraire qui a égaré tant de lecteurs ravis de leur égarement. Rétention d’information de la part des personnages, documents falsifiés présentés sur le même plan que les authentiques, enregistrements caviardés, dialogues construits comme une opération d’intoxication, la narration de le Carré est en parfaite adéquation avec ses histoires qui se résument toutes à de subtiles déstabilisations, y compris et surtout celle du lecteur.

Refus de l’héroïsation

Le Carré, depuis des premiers romans, L’Appel du mort ou L’Espion qui venait du froid refuse l’héroïsation de ses personnages. La qualification fréquente d’ « anti-héros » pour parler de son personnage fétiche, George Smiley, et de son groupe, est tout aussi réductrice. Smiley a été le personnage principal des plus grands  romans de le Carré sur trente ans.  Il est régulièrement présenté comme  l’anti James Bond. Il faut dire que Bond est désormais réduit, dans l’imaginaire collectif, à son incarnation cinématographique dans des films qui ont évolué de plus en plus vers la performance hollywoodienne.

Parfaitement contemporains, Smiley et Bond auraient pu se croiser et sympathiser. Il y a un vrai courage physique chez Smiley malgré ses grosses lunettes et son allure de bureaucrate, tandis que James Bond n’est pas simplement un beau gosse musclé et arrogant. Ils auraient pu se retrouver dans un pub près de Whitehall et se consoler mutuellement : Bond aurait parlé de la comtesse Tracy, assassinée au début de sa lune de miel dans Au service secret de sa Majesté et Smiley de sa très volage épouse Lady Ann qui est même tombée dans les bras de Bill Hayden, hiérarque du Cirque et agent soviétique infiltré,  démasqué par Smiley dans La taupe.

Mais le Carré, dans la lignée de Joseph Conrad, de Graham Greene ou de Somerset Maugham, avait su faire de l’espion un symbole de la condition humaine et de l’inquiétude métaphysique très contemporaine qui va avec : la recherche désespérée d’une identité.

PSG: les hooligans de l’antiracisme

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Quand la planète foot joue à l’antiracisme, s’agit-il enfin d’éthique ou, comme d’habitude, de business ?


L’arrêt total du match opposant le Paris-Saint-Germain au club d’İstanbul Başakşehir mardi dernier a été salué par beaucoup comme un pas en avant remarquable dans la lutte contre le racisme.

De l’événement au non-événement

Les ingrédients du non-événement étaient pourtant réunis pour ce match : un rendez-vous aux abords du périphérique parisien, dans un stade froid et vide, pour un enjeu sportif très limité – le club parisien étant déjà qualifié et le club stambouliote éliminé. C’était sans compter sur le quatrième arbitre qui, en début de rencontre, a désigné un membre du staff turc en le qualifiant de Noir (negru, dans sa langue roumaine). Protestation, invectives, mêlée, confusion. Après une longue période de flottement, les joueurs des deux équipes ont décidé de ne pas reprendre le match de la soirée en raison de ce comportement jugé inacceptable.

Le match a pu se tenir le lendemain. Avant le coup d’envoi, tous les joueurs ont mis un genou à terre, certains ont levé le poing. L’Equipe titrait « Ensemble », Le Parisien soulignait « La révolte des joueurs », et CNN saluait cette démonstration puissante de solidarité (« a powerful show of solidarity »). Un seul mot d’ordre circule dans les rangs serrés de la diversité : le racisme n’a sa place « ni sur le terrain, ni en dehors ». L’UEFA, qui organise la compétition de la Ligue de champions, a depuis longtemps une formule digne d’une candidate Miss Univers : « No To Racism ». Bref, le racisme, c’est mal, et il faut le mitrailler d’hashtags.

Le problème est qu’à force de vouloir faire feu de tout bois, l’antiracisme s’autoconsume. En l’espèce, le caractère raciste des propos tenus n’est pas démontré à cette heure. Une enquête est en cours. Mais celle-ci doit apparaître superflue au brésilien Giuliano (jouant pour le club turc) qui a déclaré : « il est temps que les gens comprennent qu’il n’y a pas de couleur, nous sommes tous pareils. »

A lire aussi: Les ravages au nom du bien se multiplient

La couleur est devenue raciste. Désigner quelqu’un par sa couleur de peau pouvait manquer de tact ? C’est devenu systématiquement raciste.

La tolérance par l’indifférenciation est évidemment un non-sens, mais c’est pourtant la nouvelle norme flottante de cet antiracisme qui soutient qu’il n’y a pas de couleur – contre toute évidence – mais va recourir à des races customisées lorsqu’il s’agit de défendre les « racisés » contre les Blancs. L’ensemble de la démarche insulte la raison et la science, mais c’est pour l’empire du bien, donc ça passe crème. A propos de crème, attention l’été prochain à ne pas parler de « bronzage » ou de « prendre des couleurs ». Les antiracistes vous repousseront derrière leur écran totalitaire et finiront de vous griller sur Twitter.

Un incident riche en enseignements

Quelles autres leçons tirer de cette affaire ? J’en vois trois.

La première est le point commun entre Hollywood et le monde du foot, à savoir : les rites de purification morale et collective s’y font avec d’autant plus de zèle que leur milieu est corrompu. Le ballon rond est enflé de malversations en tout genre, d’évasion fiscale, d’agents marchands de bestiaux, de dopage, de corruption en tous sens et à tout niveau, de flux financiers douteux, de scandales d’arbitrage et de guerres d’image. Alors, quand le quatrième arbitre d’une rencontre anodine a donné l’occasion d’une scène de lynchage digne de René Girard (le philosophe, pas l’entraîneur), les joueurs de foot et autres acteurs du marché ne s’en sont pas privés. La star française Kylian Mbappé a déclaré « on ne peut pas jouer avec ce gars », tandis que Demba Ba a pu apparaître en héros – lui qui avait moins de scrupules moraux quand il s’agissait de jouer en Chine pour plus de 14 millions annuels.

Dans le foot comme ailleurs, le filon antiraciste est lucratif et valorisant. Les retraités Lilian Thuram ou Éric Cantona l’ont bien compris. Pour les joueurs en activité, il peut servir à jeter l’opprobre sur un sélectionneur dont on ne respecte pas les choix – comme l’a fait Karim Benzema avec Didier Deschamps. Le délit de racisme, qu’il soit réel ou supposé, est érigé en crime suprême par les nouveaux juges. La tournure volontairement fanatique de cette purge morale permet d’éviter toute contradiction tout en légitimant les sanctions les plus absurdes.

Récemment, l’international uruguayen Edison Cavani a remercié un ami sur un réseau social d’un « gracias negrito ». Or, cette expression « negrito » a une portée affectueuse dans sa langue, et n’a naturellement pas offensé son ami. Mais le joueur risque tout de même d’être sanctionné par la fédération anglaise qui s’est saisie du dossier. Son club de Manchester United va plaider le « contexte culturel ». De façon générale, des matchs ont déjà été interrompus pour des propos racistes, qu’ils soient avérés ou supposés, punissant tout le public présent. On peut noter, en revanche, que si un joueur casse la jambe d’un autre avec un tacle, les deux quittent la pelouse (l’un étant exclu, l’autre évacué sur une civière) et le match peut reprendre. Pareil pour une bagarre en tribunes. Ou pire. En avril 2017, un attentat contre le bus des joueurs de Dortmund, traumatisant l’équipe et faisant deux blessés, n’avait retardé le match que d’une journée.

Le foot business ne s’arrête que pour des causes qui peuvent servir le business. L’antiracisme est un étendard marketing pour les fédérations internationales et nationales de football.

Un deuxième aspect est l’exploitation politique des événements sportifs qui, grâce à la magie de l’antiracisme, atteint de nouveaux sommets. Le match PSG – İstanbul Başakşehir a donné lieu à une dénonciation particulièrement cocasse, celle du président turc. RT Erdoğan a en effet vu, dans cette affaire, une preuve supplémentaire du racisme terrible qui sévirait en France aujourd’hui. Outre l’aspect dérisoire de l’accrochage, rappelons qu’il tient aux déclarations supposées racistes du quatrième arbitre – Sebastian Coltescu, un pauvre diable de nationalité roumaine – à l’encontre d’un membre du staff turc – Pierre Webo, lui-même camerounais.

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Mais comme ça s’est passé à Paris, le nouvel ami d’Emmanuel Macron y a vu opportunément du racisme national. Le président français a dû apprécier cette semaine footballistique : son club de cœur, l’Olympique de Marseille, s’est pris une énième gifle dans la compétition européenne et termine dernière de son groupe. Tandis que le match du rival parisien a offert à Erdogan l’occasion d’un nouvel affront.

La troisième leçon est peut-être la plus troublante. Il s’agirait plutôt d’une énigme, celle du club parisien. Le Paris-Saint-Germain est résolument un club à part, traversant les compétitions comme un bizut. Ce club a souvent essuyé les plâtres sur la scène nationale, que ce soit en matière de discipline (décision inouïe de suspendre a posteriori un joueur pour simulation en 2003, initiée par un éphémère conseil national d’éthique), ou en matière d’arbitrage (penalties en cascade pour des tirages de maillot en 2006 – cette politique d’arbitrage fut sans suite).

A l’international, il a été un des premiers clubs condamnés au titre du fair-play financier. Il a aussi amèrement regretté l’absence d’assistance vidéo à l’arbitrage quand il a affronté Barcelone en 2017, lors d’une élimination historique. Deux ans plus tard, cette assistance fut introduite dans la compétition, et Paris en fit immédiatement les frais (élimination à la dernière minute contre Manchester). Mardi dernier, alors qu’aucun débordement venant des tribunes n’était à craindre, puisqu’elles étaient désertes, c’est sur le terrain du PSG et non ailleurs que l’UEFA envoya ce quatuor arbitral, dont Sebastian Coltescu qui officiait pour la dernière fois en Ligue des champions. Avec le PSG, le désastre arrive toujours in extremis.

Suite à cette affaire, les menaces de mort que cet homme a reçues doivent le perturber, sachant qu’il a déjà tenté plusieurs fois de se suicider dans le passé. Certains soirs, la magie du Paris-Saint-Germain qu’aiment à chanter ses supporters paraît bien noire. Ce 8 décembre, elle a rencontré la magie de l’antiracisme, pour aboutir à une illusion qui convaincra seulement ceux qui voulaient qu’elle soit. Pour les autres, le truc est trop gros.

Dans la France de 2020, le courage est en voie de disparition

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42 années ont passé depuis le discours d’Harvard du grand penseur russe Alexandre Soljenitsyne sur le « déclin du courage » en Occident. Son pessimisme d’alors est devenu la lumière sombre de la France de notre temps.


Dans son discours de Harvard en 1978, Alexandre Soljenitsyne avait énoncé cette pensée forte : « Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui ».

Qu’aurait-il dit alors de la France de 2020 ?

On me pardonnera de me glisser tout petit dans l’ombre de ce géant mais cela fait des années que dans toutes mes interventions, spontanément ou en réponse, je souligne que le manque de courage, singulier et/ou collectif, est la plaie fondamentale de notre pays, de ses pouvoirs et de sa démocratie.

Je laisse évidemment de côté l’admirable courage de nos militaires qui risquent leur vie sur des terrains d’opérations où leur présence est nécessaire et, par décence républicaine, indiscutée.

Même avec cette exclusion, il reste tant d’exemples de ce déclin pressenti par Alexandre Soljenitsyne que je vais me livrer à un inventaire disparate mais qui peu ou prou sera à chaque fois caractéristique d’une faillite de cette vertu capitale.

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Un mot sur les mille épisodes de la vie sociale, de la sphère privée où l’invocation de la politesse, de la considération d’autrui et de la tolérance n’est que le masque qui sert à déguiser la faiblesse de la personnalité, son inaptitude à user d’une forme courtoise pour exprimer un fond vigoureux. Il y a une manière, dans nos existences, de dénaturer la courtoisie en la prenant comme prétexte à l’insignifiance.

L’authentique courage est de ne pas hurler avec les loups

Mais le vrai, l’authentique courage est de ne pas hurler avec les loups après ou, avant, quand on est assuré d’un soutien majoritaire.

Il est de ne pas systématiquement rétracter son opinion, sa conviction de la veille parce que la polémique, aussi injuste qu’elle soit, vous donne mauvaise conscience et qu’on préfère avoir tort avec beaucoup que raison tout seul.

Il n’est pas d’avoir une liberté à géométrie variable et de l’adapter à la qualité et à l’importance des contradicteurs, à l’intensité médiatique, à l’emprise de la bienséance, au souci moins de la vérité que de la décence imposée par d’autres.

Il n’est pas de se sentir tenu par l’obligation impérieuse et lâche, pour justifier l’absence de crachat sur le RN, de révéler qu’on ne votera jamais pour lui ou, pour avoir le droit de parler librement de Vichy, de Pétain et de l’Histoire de cette période – comme Eric Zemmour récemment – de montrer patte blanche en précisant, ce qui va de soi pour lui, qu’on n’est ni négationniste ni révisionniste. Le courage est d’oser exister sans filet de sécurité.

Le courage n’est pas de flatter la Justice en la persuadant qu’elle a la moindre légitimité pour trancher les controverses historiques en apposant sur elles les gros sabots d’une législation ayant sacrifié les nuances et la complexité.

Le courage n’est pas de dévoyer le « en même temps »

Il n’est pas non plus de haïr la personne au lieu de combattre ses idées et de se vautrer dans le sommaire d’un langage appauvri pour massacrer une civilisation du dialogue, de ressasser l’humanisme pour faire l’impasse sur ses exigences concrètes.

Le courage n’est pas de dévoyer le « en même temps », de le faire passer d’un moyen de plénitude intellectuelle à la déplorable rançon d’un esprit qui ne sait pas assumer ses choix et leurs conséquences.

Emmanuel Macron lors de son interview accordée au média Brut.© BERTRAND GUAY / AFP
Emmanuel Macron lors de son interview accordée au média Brut.© BERTRAND GUAY / AFP

Quand le président de la République, effrayé par ce qu’il a pourtant initié ou déclaré – par exemple pour l’écologie avec la convention citoyenne, contre la police lors de l’entretien sur Brut – dès le lendemain cherche à se sauver la mise, il est aux antipodes du courage. Le Beauvau de la sécurité, qui pourtant en soi n’est pas une mauvaise idée, est gâché parce qu’il est gangrené par la repentance.

Par le désir pusillanime de se renier ou de proposer un événement seulement pour atténuer le choc de la démagogie antérieure.

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Le courage n’est pas non plus de prendre, par démagogie, les communautés les unes après les autres – « les jeunes puis le troisième âge… » – et de remplacer l’adresse à la France unie, aussi difficile que soit un verbe rassembleur, par une exploitation de ses « segments » (selon Arnaud Benedetti).

Le courage n’attend pas forcément l’estime

L’autorité de l’État, impartiale et digne de ce nom est aujourd’hui une immense béance parce que les coups de menton sans effet servent une frilosité politique qui n’a pas à s’accommoder du réel, encore moins à combattre ce qu’il a de pire. Le courage a ceci de douloureusement honorable qu’il discrimine, stigmatise, sanctionne et n’attend pas forcément l’estime. Il est le contraire de ce dans quoi notre France, notre monde aiment se lover : l’éthique verbeuse, l’illusion de l’action.

Je pourrais continuer à égrener dans tous ces secteurs, social, politique, médiatique, culturel et judiciaire, les signes d’une démocratie qui non seulement n’essaie même pas, dans une tension éprouvante, de se mettre à la hauteur de cette splendide vertu, mais la fuit parce qu’elle exige trop de soi, de nous, de ceux qu’on a élus, de ceux qui nous gouvernent, de celui qui préside.

Soljenitsyne avait tout prévu et je n’ose imaginer la stupéfaction indignée de ce héros du XXe siècle face à l’état de l’Occident, au délitement de la France. 42 années ont passé depuis son discours de Harvard et son pessimisme d’alors est devenu la lumière sombre de notre temps.

Faut-il, pour toujours, faire son deuil du courage ?

Moi, Emmanuel Macron, je me dis que...

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Le Carré n’a jamais écrit qu’une seule histoire…

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Le plus terrible, quand on vieillit, c’est de voir s’effondrer, autour de soi, les chênes que l’on pensait éternels. Savoir que je ne trouverai plus jamais, sur l’étalage de mon libraire, de nouveau roman signé John le Carré est un déchirement. Retour de service aura été le dernier. C’est un rideau qui tombe définitivement. On est encore plus seul. Il fait encore plus froid.

Bien sûr, restent les livres.

Je suis venu à John Le Carré assez tard — vers vingt ans. Jusque là, ma vision du roman d’espionnage se limitait aux récits pleins de coups de feu et de belles filles, signés Ian Fleming ou Jean Bruce. J’ai donc lu l’Espion qui venait du froid dix ans après sa sortie — mais qu’y aurais-je compris en 1963, quand le maître-livre d’un ancien espion a déferlé sur le monde en se vendant à 20 millions d’exemplaires ?

Nous autres, les papy-boomers, avons vécu l’essentiel de notre vie dans le contexte de la guerre froide. Il est difficile d’expliquer aux jeunes crétins d’aujourd’hui, qui se plaignent dès qu’on leur écorche un ongle, que nous allions à l’école en nous demandant si, d’ici le soir, nous ne serions pas transformés en patates frites par un conflit qui serait brusquement passé du froid au chaud. Difficile de leur dire ce que nous ressentions quand un dirigeant communiste, à la tribune de l’ONU, martelait son pupitre à coups de chaussure. Nous n’y comprenions pas grand-chose, au fond. Nous pensions que cela se réglait, en coulisses, à grands coups de Walther PPK, tandis que des créatures vaporeuses vampaient les espions.

A lire aussi, Jérôme Leroy: John le Carré ou la solitude de l’espion de fond

Le Carré a remis l’espionnage sur ses pieds. Parce qu’il avait été lui-même un membre éminent de la corporation, il en connaissait tous les rouages. 

Lisez donc le Miroir aux espions, qu’il disait être son œuvre la plus fidèle aux arcanes de son art, et qui ne marcha pas très bien, en 1965. Le lecteur sortait des salles où se jouait Goldfinger, il voulait du champagne et des coups de feu, on lui proposait une intrigue tortueuse, avec des agents qui étaient avant tout des cerveaux sous de gros pardessus anonymes.

Parce que Le Carré, comme Balzac au fond, n’a jamais écrit qu’une seule histoire : celle de la lutte avec les Magnificent Five, ce groupe d’ex-étudiants de Cambridge (Le Carré sortait d’Oxford) qui infiltra dans les années 1950-1960 les plus hautes sphères des services secrets britanniques, pour informer la « Maison Russie ». Kim Philby fit ainsi sauter la couverture sous laquelle opérait Cornwell. Il passera à Moscou avec Burgess et Maclean. 

La vraie « taupe », c’est Anthony Blunt, très connu et très estimable comme critique d’art. C’est lui que George Smiley, l’hypostase favorite de Le Carré, traque dans la fameuse trilogie qui commence avec la Taupe (Tinker Taylor Soldier Spy, 1974 — le film qu’en a tiré Tomas Alfredson en 2011, avec Gary Oldman dans le rôle de Smiley, est un bijou serti d’une atmosphère grisâtre fascinante), se continue avec Comme un collégien (1977) et s’achève avec les Gens de Smiley (1979). En face, Karla, le mythique espion russe. Poutine ou son  équivalent : Le Carré plaida pour un retournement d’alliances, considérant non sans raison que la Russie était un partenaire potentiel plus fiable que l’Amérique, dont il fustigeait à fil de plume la création la plus impérialiste, l’OTAN. Il faut lire la diatribe vitriolée « The United States has Gone Mad » que notre auteur publia dans le Times en janvier 2003 pour fustiger l’Opération Irak lancée par Bush Junior et appuyée par Tony Blair, le caniche à son maître, pour lequel Le Carré avait une détestation particulière.


« Fin de l’Histoire » ? Rien ne s’achève vraiment, la machine ne cesse de tourner. L’avant-dernier roman de Le Carré, l’Héritage des espions, revient, cinquante ans plus tard, sur les sacrifices de la Guerre froide, et les vies qu’il a bien fallu consentir à sacrifier en échange d’informations vitales. Des vies pour lesquelles notre bureaucratie actuelle, pleines de bons sentiments droits-de-l’hommistes, exige des explications, des réparations — et des têtes. C’est le dixième et dernier des romans où apparaît Smiley. 

L’écroulement du Mur ne marqua même pas une pause dans la production du romancier. Il n’était pas de ces gogos qui crurent à la fiction de la « victoire » de l’Occident sur l’Empire du Mal. Le « jeu » continuait. Il se déplaçait ailleurs (lire le Tailleur de Panama, 1998). Ou bien le KGB était, un temps, remplacé par des multinationales bien plus létales : ce qu’il dit des grands labos pharmaceutiques dans la Constance du jardinier (2001) devrait éclairer les grands naïfs qui croient que Pfizer vole à leur secours en ces temps de Covid — un nom qui par hasard rime assez bien avec « avide »…

Les jurés du Nobel, au lieu de se déconsidérer comme ils l’ont fait ces dernières années, auraient dû depuis longtemps couronner une œuvre d’une densité considérable et d’un bonheur d’écriture constant. Mais après tout, ils ont aussi raté Roth ou Kundera. Ils ont préféré distinguer un barde nasillard ou une poétesse inconnue. Grand bien leur fasse. Il nous reste à relire toute l’œuvre de Le Carré, au coin du feu — et ça, c’est quelque chose, même quand au dehors tombent, l’un après l’autre, les grands arbres.

« Le Monde », Israël et le Maroc… parlons en le moins possible, j’ai mal à la tête!

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L'immeuble du journal le Monde à Paris © RICCARDO MILANI / HANS LUCAS

Le journal Le Monde a pratiquement passé sous silence l’accord de paix signé entre le Maroc et Israël. Un oubli certainement motivé par l’idéologie du fameux « journal de référence ».


La newsletter du journal Le Monde en date du vendredi 11 décembre 2020, cette newsletter que tous les abonnés reçoivent à domicile ou au bureau, et qui recense l’ensemble des sujets qu’un honnête homme doit connaître, ne dit pas un mot de l’accord de paix Maroc – Israël, ni du rôle joué par Donald Trump. Rien ! Nada ! La Covid en France et dans le monde, le plan de relance européen, Trump sur le départ, la condamnation de Gaston Flosse, les déplacés de Tessit au Mali, la mise en examen du milliardaire Jimmy Lai à Hong Kong, les espèces animales menacées, l’Euro de Handball et quelques autres sujets mineurs… Mais le Maroc et Israël ? Rien !

Fétiches idéologiques

S’agirait-il d’un oubli ? En principe, dans la hiérarchie de l’information d’un grand quotidien, un accord de ce type évoque FORCÉMENT quelque chose ! Des larmes ou des rires, mais pas rien. Première interprétation: l’information dérange. Elle ne fait pas plaisir. Alors, on l’oublie. C’est en effet une souffrance pour un progressiste français de devoir renoncer à ses fétiches idéologiques. Et les Palestiniens, ce « peuple » que le Monde cajole, plaint, victimise depuis cinquante ans est un fétiche qui perd chaque jour un peu plus de consistance. Pour autant que je me souvienne – j’ai passé 23 ans au Monde -, les journalistes n’en ont jamais eu que pour eux. Tous étaient persuadés que les Israéliens avaient assassiné Mohamed al Durah et procédaient à des opérations quotidiennes de nettoyage ethnique en Cisjordanie. J’ai avoué une fois à un collègue que j’avais passé des vacances à Tel Aviv. Ledit collègue – un garçon d’une gentillesse peu commune – a ouvert la bouche et a eu le souffle coupé comme si je lui avais donné un direct dans l’estomac. Si j’avais dit l’Iran ou la Corée du Nord, il aurait certainement été intéressé. Mais Israël relevait pour lui de l’impensable. Une figure du mal peut être ?

L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible?

Si le non-traitement de l’accord Israël-Maroc n’est pas d’un oubli, c’est qu’il y a refus.

Sommes-nous arrivés à ce tournant historique où un journal gomme l’actualité parce que cette actualité ne cadre pas avec la vision du monde de ses journalistes ? L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible ? Impensable ! Mais en cette période de Me too, de George Floyd et de woke, l’hypothèse n’est pas à écarter.

Sortir du déni

Le déni offre une perspective intéressante. Le déni est un refus pathologique de la réalité. Voir le monde arabe embrasser des Israéliens serait-il insupportable à des journalistes du Monde ? Comment accepter que ce monde arabe que Le Monde a cajolé, victimisé, excusé des décennies durant, comment accepter sa soudaine versatilité ? Comment comprendre le revirement de tous ces dirigeants qui ont expliqué qu’une douleur insensée les saisissait à l’idée de partager une terre d’islam avec des Juifs en position souveraine, et signent un accord de paix avec Israël ? Aussi facilement qu’une personne enrhumée jette un mouchoir en papier !

Car enfin, il se montre bien vénal ce monde arabe. Quoi, il aurait suffi d’une petite reconnaissance des droits du Maroc sur le Sahara occidental riche en phosphate, et que les Américains sortent leur carnet de chèques diplomatique pour que les « Palestiniens », un vocable qui a nourri politiquement et affectivement la gauche européenne depuis cinquante ans, passent à la trappe ?

L’info refourguée dans les pages “Afrique”

Il y a là en effet, quelque chose d’insupportable.

Après vérification, – ô soulagement ! – Le Monde a tout de même consacré un article à l’accord Israël- Maroc en page intérieure.  Mais au-dessus de l’article, il y a le logo « Afrique ». Une manière de dire que le Maroc et Israël, c’est une affaire régionale africaine. Tiens ! Qui l’eut crû ? La photo montre d’ailleurs le poste frontière de Guerguerat à la frontière du Maroc et de la Mauritanie. C’est dire si l’information n’a qu’une importance relative. L’hypothèse du déni se confirme.

Le logo « Afrique » du Monde et le déni du Monde oublient autre chose, ce sont les Marocains de France ! Que vont-ils penser tous ces Franco-Marocains qui s’abreuvent au propalestinisme du Monde, de la gauche, et du gouvernement français depuis de Gaulle? Et que vont penser d’eux leurs compatriotes d’origine algérienne qui campent sur une farouche hostilité à Israël ? Et ceux d’origine tunisienne ? Ça ne va pas être simple. Oh finalement, cette affaire (la paix entre Israël et le Maroc) est un mauvais coup pour tout le monde. Mieux vaut en parler le moins possible. Heureusement, il y a le Covid.

Il faut savoir mourir au temps du Covid…

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Alexandra Laignel-Lavastine Photo: capture d'écran France.tv

Ériger la vie biologique en valeur suprême est une erreur que nous risquons de regretter, selon le nouvel essai décapant d’Alexandra Laignel-Lavastine.


Dans un livre décapant La déraison sanitaire, Alexandra Laignel-Lavastine part en guerre contre le « sanitairement correct ».

J’ai chez moi un très beau livre avec des lettres de résistants fusillés sous l’Occupation: Ils aimaient la vie à en mourir. Ce titre aurait pu être celui du texte d’Alexandra Laignel-Lavastine.

Nous aimons la vie, écrit-elle. Mais aussitôt elle ajoute : « la vie brute n’est pas tout ». Jamais, citons la encore, « nous n’avons été aussi armés médicalement et aussi désarmés moralement ». De confinement en confinement, de masques en masques nous avons accepté, poursuit-elle, de vivre dans un univers carcéral.

Les questions à vous poser pendant le couvre-feu

Qu’est-ce que la vie si l’on n’accepte pas de mourir pour elle ? Qu’est-ce que la vie si pour la préserver on nous somme d’avancer la tête baissée en rasant les murs ? Qu’est-ce que la vie quand elle est hissée au niveau d’un tout absolu et obligatoire ?

A lire aussi, Martin Pimentel: BHL, réac asymptomatique

Toutes ces questions irriguent les pages de La déraison sanitaire. Alexandra Laignel-Lavastine s’insurge contre le « quoi qu’il en coûte » psalmodié par ceux qui nous gouvernent. « Quoi qu’il en coute » c’est beaucoup, beaucoup trop cher. Notre abaissement, notre soumission sont un prix trop élevé que les générations à venir nous reprocherons un jour d’avoir payé.

Alexandra Laignel-Lavastine cite Walter Benjamin qui parle de la « vie nue » érigée – et il y voit une imposture – en valeur suprême. Puis sa plume se fait vengeresse. Voilà, écrit-elle, ce que nous dirons nos enfants. « Vous jouissez de la liberté acquise par nos ancêtres qui sont morts pour elle sur les barricades. Et voilà que vous vous barricadez contre un virus ? ». 

La Déraison sanitaire. 144 pages. Alexandra Laignel-Lavastine. Editions Au bord de l’Eau. 

La Déraison sanitaire: Le Covid-19 et le culte de la vie par-dessus tout

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Touche pas à ma déesse !

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Caricature de Deepika Singh Rajawat. © D.R

C’est une caricature qui a enflammé toute l’Inde, le 19 octobre dernier. Lorsqu’elle publie sur son compte Twitter deux dessins, montrant une femme victime d’un viol et le violeur faisant une offrande à la déesse Durga, Deepika Singh Rajawat ne s’attendait pas à déclencher un tollé national. L’association d’une image sexuelle avec celle de la divinité a été jugée hérétique par les plus ultras des hindous qui ont crié haro sur l’avocate spécialisée dans la défense des femmes victimes d’agressions sexuelles.

Les médias d’extrême droite ont rapidement relayé l’information et réclamé que l’avocate soit traduite en justice pour cette offense.

À lire aussi, Gabrielle Périer: Inde : le joyau de la haine

Faire bouger les mentalités

« Je suis hindoue moi-même, pourquoi irais-je critiquer ma propre foi ? Il s’agissait de faire bouger les mentalités », s’est défendue Deepika Singh Rajawat. Présidente de l’ONG Voice for Right, elle s’est fait connaître avec l’affaire d’Asifa Bano, une fillette musulmane de 8 ans enlevée, violée et assassinée par des hindous. « Ici, de nombreux viols sont commis contre les femmes. Il faut donc célébrer les déesses, mais aussi traiter les femmes avec dignité, toute l’année », a renchéri l’avocate. « Elle a choisi délibérément une déesse hindoue pour sa caricature, pourquoi n’a-t-elle pas pris la Vierge Marie ? » s’agace un internaute. Deepika Singh Rajawat reçoit des menaces de viol. « Mais la police ne me protège pas. Au lieu de cela, je suis accusée sur des bases complètement contraires à la loi », se plaint-elle. Malgré les centaines de fanatiques qui sont venus manifester devant sa résidence, elle refuse d’effacer la caricature. Certains internautes n’ont pas hésité à faire un parallèle entre son cas et celui de Samuel Paty.

Espérons que cela finira mieux pour Deepika.

Au revoir les jeunes

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Catherine Spaak dans Les adolescentes (1960). © Tamasa

Les adolescentes, film (1960) d’Alberto Lattuadaqui évoque la découverte de la sexualité par une adolescente, scandalisa l’Italie lors de sa sortie…


Sortie en 1960, ce film franco-italien est l’un des plus réussis de son auteur, Alberto Lattuada, et pas seulement parce qu’il offre son premier rôle à une jeune et séduisante jeune fille de 15 ans, Catherine Spaak. Elle fait ici face à deux acteurs français : Jean Sorel et Christian Marquand. Le cinéaste évoque avec une sensualité qui lui vaudra les foudres de la censure italienne l’émancipation féminine d’une adolescente bourgeoise, comme le faisait son collègue Bolognini avec Les Garçons.

C’est un roman d’apprentissage pudique et audacieux à la fois, parfait symbole d’un cinéma des années 1960 qui sait capter l’air du temps à la perfection.

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Immigration: taisez-vous et accueillez!

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Conférence de presse de présentation du Pacte européen sur la migration et l'asile, Bruxelles, 23 septembre 2020. © Dursun Aydemir / Anadolu Agency

Le règlement européen sur l’asile et les migrations en cours de discussion aura bientôt force de loi en France. Il va encourager l’immigration clandestine, faciliter la vie aux terroristes et étendre les pouvoirs des technocrates. C’est notre avenir qu’on hypothèque. 


La nouvelle politique migratoire de l’UE, annoncée par la Commission européenne le 23 septembre dernier, est en cours d’élaboration. Elle se décline en plusieurs textes législatifs qui vont aggraver sensiblement le carcan juridique étreignant les États membres (EM). La pierre angulaire du futur dispositif est la proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, que le Parlement européen et le Conseil instruisent actuellement. La Commission souhaite obtenir un accord politique sur ce texte fondateur avant la fin de l’année 2020, qui verra s’achever la présidence allemande.

Les dispositions essentielles de ce règlement

Il consacre le principe de l’examen obligatoire par les EM de toute demande de protection présentée sur leur territoire par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride. Il ouvre ainsi une brèche dans laquelle des clandestins ne manqueront pas de s’engouffrer en masse, en se prétendant persécutés. Il confirme et élargit le principe instauré en 2016 de relocalisation de demandeurs d’asile dans d’autres pays, avec une priorité aux mineurs non accompagnés, dès lors que le pays d’arrivée initiale ne parvient plus à absorber des flux excessifs de postulants. Il crée un mécanisme de solidarité en faveur des EM soumis à une pression migratoire ou dans lesquels des débarquements sont opérés à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage.

À lire aussi, Michel Aubouin: Expulsions: l’État de droit dans le mur

Assorti d’une organisation bureaucratique démesurée, ce système instaure des contributions de solidarité à la charge des différents EM, permettant de soulager ceux qui affrontent temporairement une situation devenue ingérable. Pour chaque EM, ces contributions pourront revêtir plusieurs formes (relocalisation des demandeurs, prise en charge des retours de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, assistance logistique et opérationnelle…). Elle sera évaluée en fonction de deux critères (population et PIB) et sera ajustable en tant que de besoin. La clef de répartition retenue fera de la France le deuxième contributeur au mécanisme de solidarité, après l’Allemagne.

L’état d’avancement du dossier

La proposition de règlement est examinée au pas de charge par les institutions européennes. Son adoption par le Conseil requiert un vote favorable de la majorité qualifiée (55 % des EM, représentant au moins 65 % de la population de l’UE). Il y a donc peu de chances que les opposants atteignent la minorité de blocage (quatre EM représentant au moins 35 % de la population de l’UE). Peu de suspense également quant à la position du Parlement européen, majoritairement favorable aux « migrants ». Au niveau français, ce dossier est géré par un cercle restreint de technocrates et de juristes, qui prennent des positions déterminantes en dehors de tout contrôle démocratique national. Le Parlement français est simplement informé.

Si le processus aboutit, le texte adopté par les deux organes législateurs de l’UE deviendra une loi européenne que tous les EM devront appliquer. Ainsi tout gouvernement français devra respecter ce nouveau cadre juridique, sauf à organiser un Frexit ou à accepter de voir la France fréquemment condamnée à de fortes amendes par la Cour de justice de l’UE. Il est illusoire en effet de compter sur une abrogation ou même une révision de ce règlement, qui ne pourraient intervenir qu’à l’initiative de la Commission européenne et avec le soutien de la majorité qualifiée des EM. Cela fait 24 ans, par exemple, que la France est engluée dans la directive sur les travailleurs détachés qui pénalise fortement ses propres salariés.

L’impact prévisible pour la France

L’exécutif et la presse dite progressiste se sont bien gardés bien d’informer les Français sur ce dossier stratégique. Il contient pourtant les ferments d’une submersion migratoire incontrôlable, qui risque de grever lourdement les finances publiques, d’augmenter la pression fiscale et de provoquer à terme une guerre civile.

Dans trente ans, l’Afrique comptera plus de 2 milliards d’habitants, très majoritairement jeunes, qui seront attirés de façon irrépressible par le mirage européen

Cette initiative est ardemment soutenue par Mme Merkel et M. Macron. Les récents attentats avaient pourtant incité le président à réclamer un sursaut européen à ses homologues, à dénoncer les liens qui existent entre l’immigration clandestine et le terrorisme, et à déplorer le dévoiement du droit d’asile. Pour lutter contre le terrorisme, Emmanuel Macron entend durcir les règles de circulation à l’intérieur de l’espace Schengen. Mais avec le règlement en discussion, cela sera aussi efficace que si les copropriétaires d’un immeuble décidaient de contrôler davantage les entrées dans leur domicile sans avoir le droit de fermer les accès extérieurs du bâtiment. Des personnes étrangères continueraient d’affluer en masse, de pénétrer et de s’installer en toute impunité dans les parties communes, exerçant une pression irrésistible pour s’introduire dans les différents logements.

Dans trente ans, l’Afrique comptera plus de 2 milliards d’habitants, très majoritairement jeunes, qui seront attirés de façon irrépressible par le mirage européen. Les flux venant d’Afghanistan, du Pakistan, des Balkans, de Tchétchénie … ne risquent pas de se tarir, bien au contraire. La poussée migratoire aux frontières de l’UE deviendra vite irrésistible. En France, elle fera exploser les digues édifiées par un pays qui s’enfonce dans une crise économique et sociale inédite et dans lequel la pauvreté s’accroît dangereusement. Par ailleurs, il est probable que beaucoup de nouveaux arrivants grossiront les rangs des islamistes.

Emmanuel Macron prend ainsi le risque de priver pour longtemps ses successeurs de toute marge de manœuvre pour contrôler nos frontières, même lorsque nos intérêts fondamentaux seront menacés. Lorsqu’une crise majeure, qui est inéluctable, adviendra, le pouvoir en place ne pourra pas se contenter d’instaurer un numéro vert.

Déni de démocratie

La nouvelle stratégie en matière d’asile et de migration confirme la dérive oligarchique qui pervertit le grand dessein européen. Les Français doivent être consultés sur cette stratégie migratoire qui hypothèque leur avenir et celui de leurs enfants. Dans cet univers en éruption permanente, la France ne peut plus se permettre d’aliéner sa souveraineté et de confier la maîtrise de son destin aux technocrates de Bruxelles. Elle ne peut plus subordonner la continuité de sa culture et la pérennité de son mode de vie aux décisions de juges nationaux ou supranationaux.

À lire aussi: Pour un débat démocratique sur l’immigration

Le peuple a déjà été grugé par M. Sarkozy lors du référendum de 2005. Ce hold-up démocratique ne saurait être réédité. Il est grand temps de revenir à la Constitution et à son article 2, en vertu duquel le principe de la République est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

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Martine ne sait plus lire

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Le livre pour enfants "Martine". © Twitter

Plusieurs internautes se sont étonnés de la réduction de textes dans les livres pour enfants « Martine ». Mais c’est un peu plus compliqué que ça…


Le niveau des mouflets étant en baisse constante, adapterait-on la collection bien connue des albums de « Martine » pour la rendre plus facile d’accès ? C’est une lourde accusation. Les internautes s’en inquiétaient la semaine dernière en comparant les anciens albums aux nouveaux, où les mots les plus élaborés d’autrefois semblaient avoir été écartés.

Sur Twitter, Benjamin s’indigne: « Le niveau a baissé. On s’adapte ». Wesley, un autre utilisateur du réseau social, raille: « La prochaine étape sera-t-elle le langage SMS ? » Un troisième, Marc, est carrément inquiet: « Réduire le champ de l’expression permet de réduire le champ de la pensée. Et les résultats seront d’autant plus spectaculaires que les sujets auront été soumis très tôt au processus. L’abêtissement généralisé facilite le contrôle des masses, et elles semblent y consentir… »

Une fake news de plus?

Intrigués, les décodeurs du Monde ont interrogé sur le sujet la directrice de Casterman Jeunesse en charge de la collection.

Céline Charvet confirme et défend le raccourcissement des textes, mais indique qu’il s’agit d’« un choix complètement réfléchi » qui s’explique autrement. Elle révèle que l’éditeur souhaite en réalité que la série des Martine puisse s’adresser aux enfants dès l’âge de quatre ans, contre sept auparavant. L’accusation de nivellement par le bas tombe ainsi à l’eau. De plus, Casterman propose en réalité différentes collections. Aux côtés des albums d’autrefois, on retrouve plusieurs versions des mêmes histoires: « Je commence à lire avec Martine », « Mes premières histoires avec Martine » etc.

La logique de l’époque

Mais au-delà de l’appauvrissement du texte qui a choqué, le lifting progressiste de certains titres peut aussi énerver certains réacs. « Après la mort de Marcel Marlier, Casterman a décidé de réécrire les albums de Martine pour qu’ils puissent encore s’adresser à un public contemporain » expliquent nos confrères du Monde. Depuis 2016, Martine petite maman est ainsi devenu Martine garde son petit frère, un titre dénué des fameux stéréotypes de genre qu’on veut à tout prix éviter.

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L’éditrice explique que l’album en question avait été « écrit à une époque où on assignait aux petites filles un destin de futures mamans ». Cette sombre époque étant révolue, désormais Martine s’occupe de son frère cadet, ce qui est « plus logique ».

Martine n’étant pas franchement un apport des plus significatifs à notre littérature, même enfantine, nous ne lancerons aucune pétition contre ces décisions éditoriales contestables.

Reste qu’il n’est effectivement pas rassurant de constater que plusieurs livres pour enfants aient été simplifiés ces dernières années. Et si la prochaine étape de simplification concernait les romans de Victor Hugo, laisserait-on faire ?

On déplore le niveau en français de nos enfants, mais ils peuvent peut-être se rattraper en mathématiques ? Malheureusement, la dernière étude TIMSS vient de révéler qu’en la matière, en classe de CM1, la France était en queue de peloton de l’Union européenne. Martine bonnet d’âne et au coin!

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John le Carré ou la solitude de l’espion de fond

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John le Carré en 2017 CHRISTIAN CHARISIUS / DPA / DPA PICTURE-ALLIANCE VIA AFP

Le créateur de George Smiley vient de nous quitter à l’âge de 89 ans. L’ancien agent du MI6 avait signé une vingtaine de romans dont les best-sellers La Taupe ou L’espion qui venait du froid…


Avec la chute du mur de Berlin, le roman d’espionnage a connu sa crise de 29. Ce genre romanesque était à l’affrontement Est-Ouest ce que le roman de la Table ronde était à la quête du Graal : leur seule raison d’exister.

Parmi les très rares survivants qui ont réussi une reconversion dans notre monde multipolaire, il y avait John le Carré qui vient de disparaître.

De l’importance du pseudonyme

John le Carré était un pseudonyme. Celui de David Cornwell né à Poole en 1931, fils d’un père escroc charmant et d’une mère qui l’abandonne à cinq ans.  Le Carré donne une explication qui est évidemment une fausse piste : il aurait vu depuis un bus à impériale l’enseigne d’un magasin portant ce nom, en français dans le texte, comme on dit, et aurait aimé la minuscule du « le » dans « le Carré ». C’est seulement en 1996 qu’il déclare dans un entretien : « On m’a si souvent demandé pourquoi j’ai choisi ce nom ridicule que l’imagination de l’écrivain m’est venue en aide. Cela a suffi à tout le monde pendant des années. Mais les mensonges ne résistent pas au temps qui passe. Aujourd’hui, je ressens un horrible besoin de vérité. Et la vérité, c’est que je ne sais pas. »

La question du pseudonyme est moins anodine qu’il n’y paraît. Elle est même une porte d’entrée idéale pour comprendre  son univers romanesque. Il y a bien sûr une raison biographique à ce pseudonyme. Quand le Carré publie son premier roman, au début des années 60, il est encore membre des services secrets. Mais ce pseudonyme est aussi une métaphore de la couverture utilisée par l’agent double, cette figure centrale de son univers romanesque. L’agent double, c’est l’écrivain. L’agent double, c’est celui qui ne sait plus la frontière exacte entre la réalité et la fiction.

Lecteurs égarés et ravis

Le Carré a eu l’intuition que le monde fonctionnait uniquement par opposition, comme chez les présocratiques. Est contre Ouest pendant la guerre froide et plus tard Nord contre Sud. L’agent double, c’est celui qui comprend qu’au sein de chaque camp, d’autres oppositions se font jour, à l’infini, dans une mise en abyme vertigineuse. Des exemples ? À l’Ouest, les Anglais s’opposent aux Américains derrière la fiction de la « relation spéciale » et chez les Anglais eux-mêmes, les espions s’opposent au reste de la société, en se considérant tantôt comme des parias, tantôt comme des seigneurs.

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Au sein-même du Cirque, le nom donné par le Carré aux services secrets,  les rivalités entre deux services, le Pilotage et les Opérations clandestines, aboutissent à une guerre sourde, absurde, et souvent meurtrière. Pire, cette schizophrénie touche l’agent double lui-même, manipulateur manipulé qui ne sait plus vraiment, à la longue, quel maître il sert. Il est vrai que l’auteur lui-même a multiplié avec un plaisir parfois pervers,  dans sa vie et dans ses livres les fausses pistes, les chausse-trappes, les impasses et les portes dérobées. On peut y voir  là encore un des aspects de son génie littéraire qui a égaré tant de lecteurs ravis de leur égarement. Rétention d’information de la part des personnages, documents falsifiés présentés sur le même plan que les authentiques, enregistrements caviardés, dialogues construits comme une opération d’intoxication, la narration de le Carré est en parfaite adéquation avec ses histoires qui se résument toutes à de subtiles déstabilisations, y compris et surtout celle du lecteur.

Refus de l’héroïsation

Le Carré, depuis des premiers romans, L’Appel du mort ou L’Espion qui venait du froid refuse l’héroïsation de ses personnages. La qualification fréquente d’ « anti-héros » pour parler de son personnage fétiche, George Smiley, et de son groupe, est tout aussi réductrice. Smiley a été le personnage principal des plus grands  romans de le Carré sur trente ans.  Il est régulièrement présenté comme  l’anti James Bond. Il faut dire que Bond est désormais réduit, dans l’imaginaire collectif, à son incarnation cinématographique dans des films qui ont évolué de plus en plus vers la performance hollywoodienne.

Parfaitement contemporains, Smiley et Bond auraient pu se croiser et sympathiser. Il y a un vrai courage physique chez Smiley malgré ses grosses lunettes et son allure de bureaucrate, tandis que James Bond n’est pas simplement un beau gosse musclé et arrogant. Ils auraient pu se retrouver dans un pub près de Whitehall et se consoler mutuellement : Bond aurait parlé de la comtesse Tracy, assassinée au début de sa lune de miel dans Au service secret de sa Majesté et Smiley de sa très volage épouse Lady Ann qui est même tombée dans les bras de Bill Hayden, hiérarque du Cirque et agent soviétique infiltré,  démasqué par Smiley dans La taupe.

Mais le Carré, dans la lignée de Joseph Conrad, de Graham Greene ou de Somerset Maugham, avait su faire de l’espion un symbole de la condition humaine et de l’inquiétude métaphysique très contemporaine qui va avec : la recherche désespérée d’une identité.

PSG: les hooligans de l’antiracisme

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Francois Mori/AP/SIPA AP22520599_000003

Quand la planète foot joue à l’antiracisme, s’agit-il enfin d’éthique ou, comme d’habitude, de business ?


L’arrêt total du match opposant le Paris-Saint-Germain au club d’İstanbul Başakşehir mardi dernier a été salué par beaucoup comme un pas en avant remarquable dans la lutte contre le racisme.

De l’événement au non-événement

Les ingrédients du non-événement étaient pourtant réunis pour ce match : un rendez-vous aux abords du périphérique parisien, dans un stade froid et vide, pour un enjeu sportif très limité – le club parisien étant déjà qualifié et le club stambouliote éliminé. C’était sans compter sur le quatrième arbitre qui, en début de rencontre, a désigné un membre du staff turc en le qualifiant de Noir (negru, dans sa langue roumaine). Protestation, invectives, mêlée, confusion. Après une longue période de flottement, les joueurs des deux équipes ont décidé de ne pas reprendre le match de la soirée en raison de ce comportement jugé inacceptable.

Le match a pu se tenir le lendemain. Avant le coup d’envoi, tous les joueurs ont mis un genou à terre, certains ont levé le poing. L’Equipe titrait « Ensemble », Le Parisien soulignait « La révolte des joueurs », et CNN saluait cette démonstration puissante de solidarité (« a powerful show of solidarity »). Un seul mot d’ordre circule dans les rangs serrés de la diversité : le racisme n’a sa place « ni sur le terrain, ni en dehors ». L’UEFA, qui organise la compétition de la Ligue de champions, a depuis longtemps une formule digne d’une candidate Miss Univers : « No To Racism ». Bref, le racisme, c’est mal, et il faut le mitrailler d’hashtags.

Le problème est qu’à force de vouloir faire feu de tout bois, l’antiracisme s’autoconsume. En l’espèce, le caractère raciste des propos tenus n’est pas démontré à cette heure. Une enquête est en cours. Mais celle-ci doit apparaître superflue au brésilien Giuliano (jouant pour le club turc) qui a déclaré : « il est temps que les gens comprennent qu’il n’y a pas de couleur, nous sommes tous pareils. »

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La couleur est devenue raciste. Désigner quelqu’un par sa couleur de peau pouvait manquer de tact ? C’est devenu systématiquement raciste.

La tolérance par l’indifférenciation est évidemment un non-sens, mais c’est pourtant la nouvelle norme flottante de cet antiracisme qui soutient qu’il n’y a pas de couleur – contre toute évidence – mais va recourir à des races customisées lorsqu’il s’agit de défendre les « racisés » contre les Blancs. L’ensemble de la démarche insulte la raison et la science, mais c’est pour l’empire du bien, donc ça passe crème. A propos de crème, attention l’été prochain à ne pas parler de « bronzage » ou de « prendre des couleurs ». Les antiracistes vous repousseront derrière leur écran totalitaire et finiront de vous griller sur Twitter.

Un incident riche en enseignements

Quelles autres leçons tirer de cette affaire ? J’en vois trois.

La première est le point commun entre Hollywood et le monde du foot, à savoir : les rites de purification morale et collective s’y font avec d’autant plus de zèle que leur milieu est corrompu. Le ballon rond est enflé de malversations en tout genre, d’évasion fiscale, d’agents marchands de bestiaux, de dopage, de corruption en tous sens et à tout niveau, de flux financiers douteux, de scandales d’arbitrage et de guerres d’image. Alors, quand le quatrième arbitre d’une rencontre anodine a donné l’occasion d’une scène de lynchage digne de René Girard (le philosophe, pas l’entraîneur), les joueurs de foot et autres acteurs du marché ne s’en sont pas privés. La star française Kylian Mbappé a déclaré « on ne peut pas jouer avec ce gars », tandis que Demba Ba a pu apparaître en héros – lui qui avait moins de scrupules moraux quand il s’agissait de jouer en Chine pour plus de 14 millions annuels.

Dans le foot comme ailleurs, le filon antiraciste est lucratif et valorisant. Les retraités Lilian Thuram ou Éric Cantona l’ont bien compris. Pour les joueurs en activité, il peut servir à jeter l’opprobre sur un sélectionneur dont on ne respecte pas les choix – comme l’a fait Karim Benzema avec Didier Deschamps. Le délit de racisme, qu’il soit réel ou supposé, est érigé en crime suprême par les nouveaux juges. La tournure volontairement fanatique de cette purge morale permet d’éviter toute contradiction tout en légitimant les sanctions les plus absurdes.

Récemment, l’international uruguayen Edison Cavani a remercié un ami sur un réseau social d’un « gracias negrito ». Or, cette expression « negrito » a une portée affectueuse dans sa langue, et n’a naturellement pas offensé son ami. Mais le joueur risque tout de même d’être sanctionné par la fédération anglaise qui s’est saisie du dossier. Son club de Manchester United va plaider le « contexte culturel ». De façon générale, des matchs ont déjà été interrompus pour des propos racistes, qu’ils soient avérés ou supposés, punissant tout le public présent. On peut noter, en revanche, que si un joueur casse la jambe d’un autre avec un tacle, les deux quittent la pelouse (l’un étant exclu, l’autre évacué sur une civière) et le match peut reprendre. Pareil pour une bagarre en tribunes. Ou pire. En avril 2017, un attentat contre le bus des joueurs de Dortmund, traumatisant l’équipe et faisant deux blessés, n’avait retardé le match que d’une journée.

Le foot business ne s’arrête que pour des causes qui peuvent servir le business. L’antiracisme est un étendard marketing pour les fédérations internationales et nationales de football.

Un deuxième aspect est l’exploitation politique des événements sportifs qui, grâce à la magie de l’antiracisme, atteint de nouveaux sommets. Le match PSG – İstanbul Başakşehir a donné lieu à une dénonciation particulièrement cocasse, celle du président turc. RT Erdoğan a en effet vu, dans cette affaire, une preuve supplémentaire du racisme terrible qui sévirait en France aujourd’hui. Outre l’aspect dérisoire de l’accrochage, rappelons qu’il tient aux déclarations supposées racistes du quatrième arbitre – Sebastian Coltescu, un pauvre diable de nationalité roumaine – à l’encontre d’un membre du staff turc – Pierre Webo, lui-même camerounais.

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Mais comme ça s’est passé à Paris, le nouvel ami d’Emmanuel Macron y a vu opportunément du racisme national. Le président français a dû apprécier cette semaine footballistique : son club de cœur, l’Olympique de Marseille, s’est pris une énième gifle dans la compétition européenne et termine dernière de son groupe. Tandis que le match du rival parisien a offert à Erdogan l’occasion d’un nouvel affront.

La troisième leçon est peut-être la plus troublante. Il s’agirait plutôt d’une énigme, celle du club parisien. Le Paris-Saint-Germain est résolument un club à part, traversant les compétitions comme un bizut. Ce club a souvent essuyé les plâtres sur la scène nationale, que ce soit en matière de discipline (décision inouïe de suspendre a posteriori un joueur pour simulation en 2003, initiée par un éphémère conseil national d’éthique), ou en matière d’arbitrage (penalties en cascade pour des tirages de maillot en 2006 – cette politique d’arbitrage fut sans suite).

A l’international, il a été un des premiers clubs condamnés au titre du fair-play financier. Il a aussi amèrement regretté l’absence d’assistance vidéo à l’arbitrage quand il a affronté Barcelone en 2017, lors d’une élimination historique. Deux ans plus tard, cette assistance fut introduite dans la compétition, et Paris en fit immédiatement les frais (élimination à la dernière minute contre Manchester). Mardi dernier, alors qu’aucun débordement venant des tribunes n’était à craindre, puisqu’elles étaient désertes, c’est sur le terrain du PSG et non ailleurs que l’UEFA envoya ce quatuor arbitral, dont Sebastian Coltescu qui officiait pour la dernière fois en Ligue des champions. Avec le PSG, le désastre arrive toujours in extremis.

Suite à cette affaire, les menaces de mort que cet homme a reçues doivent le perturber, sachant qu’il a déjà tenté plusieurs fois de se suicider dans le passé. Certains soirs, la magie du Paris-Saint-Germain qu’aiment à chanter ses supporters paraît bien noire. Ce 8 décembre, elle a rencontré la magie de l’antiracisme, pour aboutir à une illusion qui convaincra seulement ceux qui voulaient qu’elle soit. Pour les autres, le truc est trop gros.

Dans la France de 2020, le courage est en voie de disparition

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Alexandre Soljenitsyne en 1994 © LASKI/SIPA Numéro de reportage : 00679505_000025

42 années ont passé depuis le discours d’Harvard du grand penseur russe Alexandre Soljenitsyne sur le « déclin du courage » en Occident. Son pessimisme d’alors est devenu la lumière sombre de la France de notre temps.


Dans son discours de Harvard en 1978, Alexandre Soljenitsyne avait énoncé cette pensée forte : « Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui ».

Qu’aurait-il dit alors de la France de 2020 ?

On me pardonnera de me glisser tout petit dans l’ombre de ce géant mais cela fait des années que dans toutes mes interventions, spontanément ou en réponse, je souligne que le manque de courage, singulier et/ou collectif, est la plaie fondamentale de notre pays, de ses pouvoirs et de sa démocratie.

Je laisse évidemment de côté l’admirable courage de nos militaires qui risquent leur vie sur des terrains d’opérations où leur présence est nécessaire et, par décence républicaine, indiscutée.

Même avec cette exclusion, il reste tant d’exemples de ce déclin pressenti par Alexandre Soljenitsyne que je vais me livrer à un inventaire disparate mais qui peu ou prou sera à chaque fois caractéristique d’une faillite de cette vertu capitale.

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Un mot sur les mille épisodes de la vie sociale, de la sphère privée où l’invocation de la politesse, de la considération d’autrui et de la tolérance n’est que le masque qui sert à déguiser la faiblesse de la personnalité, son inaptitude à user d’une forme courtoise pour exprimer un fond vigoureux. Il y a une manière, dans nos existences, de dénaturer la courtoisie en la prenant comme prétexte à l’insignifiance.

L’authentique courage est de ne pas hurler avec les loups

Mais le vrai, l’authentique courage est de ne pas hurler avec les loups après ou, avant, quand on est assuré d’un soutien majoritaire.

Il est de ne pas systématiquement rétracter son opinion, sa conviction de la veille parce que la polémique, aussi injuste qu’elle soit, vous donne mauvaise conscience et qu’on préfère avoir tort avec beaucoup que raison tout seul.

Il n’est pas d’avoir une liberté à géométrie variable et de l’adapter à la qualité et à l’importance des contradicteurs, à l’intensité médiatique, à l’emprise de la bienséance, au souci moins de la vérité que de la décence imposée par d’autres.

Il n’est pas de se sentir tenu par l’obligation impérieuse et lâche, pour justifier l’absence de crachat sur le RN, de révéler qu’on ne votera jamais pour lui ou, pour avoir le droit de parler librement de Vichy, de Pétain et de l’Histoire de cette période – comme Eric Zemmour récemment – de montrer patte blanche en précisant, ce qui va de soi pour lui, qu’on n’est ni négationniste ni révisionniste. Le courage est d’oser exister sans filet de sécurité.

Le courage n’est pas de flatter la Justice en la persuadant qu’elle a la moindre légitimité pour trancher les controverses historiques en apposant sur elles les gros sabots d’une législation ayant sacrifié les nuances et la complexité.

Le courage n’est pas de dévoyer le « en même temps »

Il n’est pas non plus de haïr la personne au lieu de combattre ses idées et de se vautrer dans le sommaire d’un langage appauvri pour massacrer une civilisation du dialogue, de ressasser l’humanisme pour faire l’impasse sur ses exigences concrètes.

Le courage n’est pas de dévoyer le « en même temps », de le faire passer d’un moyen de plénitude intellectuelle à la déplorable rançon d’un esprit qui ne sait pas assumer ses choix et leurs conséquences.

Emmanuel Macron lors de son interview accordée au média Brut.© BERTRAND GUAY / AFP
Emmanuel Macron lors de son interview accordée au média Brut.© BERTRAND GUAY / AFP

Quand le président de la République, effrayé par ce qu’il a pourtant initié ou déclaré – par exemple pour l’écologie avec la convention citoyenne, contre la police lors de l’entretien sur Brut – dès le lendemain cherche à se sauver la mise, il est aux antipodes du courage. Le Beauvau de la sécurité, qui pourtant en soi n’est pas une mauvaise idée, est gâché parce qu’il est gangrené par la repentance.

Par le désir pusillanime de se renier ou de proposer un événement seulement pour atténuer le choc de la démagogie antérieure.

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Le courage n’est pas non plus de prendre, par démagogie, les communautés les unes après les autres – « les jeunes puis le troisième âge… » – et de remplacer l’adresse à la France unie, aussi difficile que soit un verbe rassembleur, par une exploitation de ses « segments » (selon Arnaud Benedetti).

Le courage n’attend pas forcément l’estime

L’autorité de l’État, impartiale et digne de ce nom est aujourd’hui une immense béance parce que les coups de menton sans effet servent une frilosité politique qui n’a pas à s’accommoder du réel, encore moins à combattre ce qu’il a de pire. Le courage a ceci de douloureusement honorable qu’il discrimine, stigmatise, sanctionne et n’attend pas forcément l’estime. Il est le contraire de ce dans quoi notre France, notre monde aiment se lover : l’éthique verbeuse, l’illusion de l’action.

Je pourrais continuer à égrener dans tous ces secteurs, social, politique, médiatique, culturel et judiciaire, les signes d’une démocratie qui non seulement n’essaie même pas, dans une tension éprouvante, de se mettre à la hauteur de cette splendide vertu, mais la fuit parce qu’elle exige trop de soi, de nous, de ceux qu’on a élus, de ceux qui nous gouvernent, de celui qui préside.

Soljenitsyne avait tout prévu et je n’ose imaginer la stupéfaction indignée de ce héros du XXe siècle face à l’état de l’Occident, au délitement de la France. 42 années ont passé depuis son discours de Harvard et son pessimisme d’alors est devenu la lumière sombre de notre temps.

Faut-il, pour toujours, faire son deuil du courage ?

Moi, Emmanuel Macron, je me dis que...

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Le Carré n’a jamais écrit qu’une seule histoire…

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John le Carré chez lui à Londres, août 2018 © SIPA AP20757648_000001

Le plus terrible, quand on vieillit, c’est de voir s’effondrer, autour de soi, les chênes que l’on pensait éternels. Savoir que je ne trouverai plus jamais, sur l’étalage de mon libraire, de nouveau roman signé John le Carré est un déchirement. Retour de service aura été le dernier. C’est un rideau qui tombe définitivement. On est encore plus seul. Il fait encore plus froid.

Bien sûr, restent les livres.

Je suis venu à John Le Carré assez tard — vers vingt ans. Jusque là, ma vision du roman d’espionnage se limitait aux récits pleins de coups de feu et de belles filles, signés Ian Fleming ou Jean Bruce. J’ai donc lu l’Espion qui venait du froid dix ans après sa sortie — mais qu’y aurais-je compris en 1963, quand le maître-livre d’un ancien espion a déferlé sur le monde en se vendant à 20 millions d’exemplaires ?

Nous autres, les papy-boomers, avons vécu l’essentiel de notre vie dans le contexte de la guerre froide. Il est difficile d’expliquer aux jeunes crétins d’aujourd’hui, qui se plaignent dès qu’on leur écorche un ongle, que nous allions à l’école en nous demandant si, d’ici le soir, nous ne serions pas transformés en patates frites par un conflit qui serait brusquement passé du froid au chaud. Difficile de leur dire ce que nous ressentions quand un dirigeant communiste, à la tribune de l’ONU, martelait son pupitre à coups de chaussure. Nous n’y comprenions pas grand-chose, au fond. Nous pensions que cela se réglait, en coulisses, à grands coups de Walther PPK, tandis que des créatures vaporeuses vampaient les espions.

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Le Carré a remis l’espionnage sur ses pieds. Parce qu’il avait été lui-même un membre éminent de la corporation, il en connaissait tous les rouages. 

Lisez donc le Miroir aux espions, qu’il disait être son œuvre la plus fidèle aux arcanes de son art, et qui ne marcha pas très bien, en 1965. Le lecteur sortait des salles où se jouait Goldfinger, il voulait du champagne et des coups de feu, on lui proposait une intrigue tortueuse, avec des agents qui étaient avant tout des cerveaux sous de gros pardessus anonymes.

Parce que Le Carré, comme Balzac au fond, n’a jamais écrit qu’une seule histoire : celle de la lutte avec les Magnificent Five, ce groupe d’ex-étudiants de Cambridge (Le Carré sortait d’Oxford) qui infiltra dans les années 1950-1960 les plus hautes sphères des services secrets britanniques, pour informer la « Maison Russie ». Kim Philby fit ainsi sauter la couverture sous laquelle opérait Cornwell. Il passera à Moscou avec Burgess et Maclean. 

La vraie « taupe », c’est Anthony Blunt, très connu et très estimable comme critique d’art. C’est lui que George Smiley, l’hypostase favorite de Le Carré, traque dans la fameuse trilogie qui commence avec la Taupe (Tinker Taylor Soldier Spy, 1974 — le film qu’en a tiré Tomas Alfredson en 2011, avec Gary Oldman dans le rôle de Smiley, est un bijou serti d’une atmosphère grisâtre fascinante), se continue avec Comme un collégien (1977) et s’achève avec les Gens de Smiley (1979). En face, Karla, le mythique espion russe. Poutine ou son  équivalent : Le Carré plaida pour un retournement d’alliances, considérant non sans raison que la Russie était un partenaire potentiel plus fiable que l’Amérique, dont il fustigeait à fil de plume la création la plus impérialiste, l’OTAN. Il faut lire la diatribe vitriolée « The United States has Gone Mad » que notre auteur publia dans le Times en janvier 2003 pour fustiger l’Opération Irak lancée par Bush Junior et appuyée par Tony Blair, le caniche à son maître, pour lequel Le Carré avait une détestation particulière.


« Fin de l’Histoire » ? Rien ne s’achève vraiment, la machine ne cesse de tourner. L’avant-dernier roman de Le Carré, l’Héritage des espions, revient, cinquante ans plus tard, sur les sacrifices de la Guerre froide, et les vies qu’il a bien fallu consentir à sacrifier en échange d’informations vitales. Des vies pour lesquelles notre bureaucratie actuelle, pleines de bons sentiments droits-de-l’hommistes, exige des explications, des réparations — et des têtes. C’est le dixième et dernier des romans où apparaît Smiley. 

L’écroulement du Mur ne marqua même pas une pause dans la production du romancier. Il n’était pas de ces gogos qui crurent à la fiction de la « victoire » de l’Occident sur l’Empire du Mal. Le « jeu » continuait. Il se déplaçait ailleurs (lire le Tailleur de Panama, 1998). Ou bien le KGB était, un temps, remplacé par des multinationales bien plus létales : ce qu’il dit des grands labos pharmaceutiques dans la Constance du jardinier (2001) devrait éclairer les grands naïfs qui croient que Pfizer vole à leur secours en ces temps de Covid — un nom qui par hasard rime assez bien avec « avide »…

Les jurés du Nobel, au lieu de se déconsidérer comme ils l’ont fait ces dernières années, auraient dû depuis longtemps couronner une œuvre d’une densité considérable et d’un bonheur d’écriture constant. Mais après tout, ils ont aussi raté Roth ou Kundera. Ils ont préféré distinguer un barde nasillard ou une poétesse inconnue. Grand bien leur fasse. Il nous reste à relire toute l’œuvre de Le Carré, au coin du feu — et ça, c’est quelque chose, même quand au dehors tombent, l’un après l’autre, les grands arbres.