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Touche pas à mon porc!


La France ne serait pas la France sans sa charcuterie. Déjà dévoyée par l’industrialisation agricole, la cochonnaille suscite le rejet—parfois violent—de consommateurs musulmans. Heureusement, une bande héroïque d’éleveurs et de charcutiers mène la résistance.


Il y a quelque temps, la revue locale Le Mensuel de Rennes rapportait cette anecdote, que m’a confirmée le grand journaliste et ami Éric Conan, parti profiter de sa retraite bien méritée dans sa Bretagne natale : dans le quartier de Rennes Le Blosne-Italie, situé au sud de la ville, un malheureux Breton qui tenait une crêperie proposant la spécialité locale des galettes à la saucisse a été menacé de mort et sa vitrine taguée ou brisée avec des slogans « cochonophobes » du type « à mort les porcs, on vous saignera ». Il a donc été obligé de vendre sa boutique qui a immédiatement été remplacée par une boucherie hallal. Selon Conan, la municipalité de Rennes, qui du reste a été la première de France à accepter avec empressement le burkini dans ses piscines municipales, n’a évidemment rien fait pour aider ce pauvre artisan… Pire, en matière de soumission, et toujours à Rennes, le chef breton Loïc Pasco n’a pas trouvé mieux, dans la foulée, que de se distinguer en proposant de relever le « défi » (lancé par qui ?) avec une recette de galette sans porc (il a mis une saucisse de veau à la place, pourtant bien moins goûteuse), destinée au service de livraison de plats cuisinés Uber Eats. La genèse de ce type d’affaires, de plus en plus fréquentes sur tout notre territoire (il suffit de tendre l’oreille), est bien décrite dans le livre de poche Histoire de l’islamisation française : quarante ans de soumission (L’Artilleur, 2020).

La charcuterie : une invention française

Sans invoquer Charles Martel et Jeanne d’Arc ni chanter La Marseillaise, rappelons que le porc constitue 99 % de notre charcuterie, qui est une invention française remontant au Moyen Âge (1475), le mot charcutier désignant à l’origine celui qui cuit la chair, en l’occurrence, la viande de porc… Pour notre pape de la charcuterie Joël Mauvigney, meilleur ouvrier de France et président de la Confédération nationale des charcutiers traiteurs (CNCT) – dont la boutique située depuis 1963 à Mérignac, près de Bordeaux, se visite comme une vraie bijouterie, avec ses somptueux fromages de tête et autres pâtés en croûte maison –, « la charcuterie française est unique au monde, il n’y a pas l’équivalent ailleurs, c’est une composante de notre identité culturelle et gastronomique ». Pourquoi donc ceux qui n’aiment pas le saucisson nous obligeraient-ils à ne plus en manger ?

©Wiaz
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En réalité, on ne hait que ce qui nous ressemble : apparu en Asie au début de l’ère tertiaire, juste après la disparition des dinosaures (il y a 66 millions d’années), et domestiqué depuis le Néolithique (9000 ans avant J.-C.), le porc est l’animal le plus proche de l’être humain, puisqu’il possède 95 % de nos gènes ! En médecine et en chirurgie, on utilise d’ailleurs son insuline et même sa valve cardiaque pour faire des greffes. Sur le plan anatomique, Léonard de Vinci l’avait bien constaté : quand on ouvre un porc, ses organes intérieurs sont disposés exactement comme les nôtres…

Le cochon fustigé et célébré à travers le monde

Réputé goinfre, avide, sale, méchant et lubrique par à peu près toutes les religions du monde, ce pauvre animal, pourtant ultra sensible et intelligent, mérite d’être réhabilité ! Dans la mythologie grecque, il est associé à Déméter, la déesse de la fertilité. Chez les Égyptiens, Nout, la déesse du ciel et mère éternelle des astres, est figurée sous les traits d’une truie allaitant sa portée. En Chine et au Vietnam, le cochon est le symbole de l’abondance et de la fécondité. Mais le plus bel hommage jamais rendu au porc est un poème sublime que Paul Claudel écrivit en 1895, dans Connaissance de l’Est et qu’il faudrait obligatoirement faire lire à tous les élèves de France dès le CP. Claudel, quand il arrive en Chine, après avoir renoncé à devenir moine, est subjugué par ce pays « vertigineux, inextricable où la vie n’a pas été atteinte par ce mal moderne : l’esprit qui se considère lui-même et s’enseigne ses propres rêveries. […]. Ici, au contraire, tout est naturel et normal. » Le spectacle des porcs se promenant en liberté au milieu du tohu-bohu des chaises à porteurs le fascine et lui inspire ce texte plein de tendresse, qui nous montre en passant qu’il y avait bien en Claudel un porc qui sommeille (comme il l’avouera plus tard dans sa correspondance avec Jacques Rivière). Que l’on me permette donc d’en citer un extrait, car, pour le porc, avoir un Claudel comme avocat, c’est quand tout de même énorme :

« Je peindrai ici l’image du Porc. C’est une bête solide et tout d’une pièce ; sans jointure et sans cou, ça fonce en avant comme un soc. Cahotant sur ses quatre jambons trapus, c’est une trompe en marche qui quête, et toute odeur qu’il sent, y appliquant son corps de pompe, il l’ingurgite. Que s’il a trouvé le trou qu’il faut, il s’y vautre avec énormité. Ce n’est pas le frétillement du canard qui entre dans l’eau, ce n’est point l’allégresse sociable du chien ; c’est une jouissance profonde, solitaire, consciente, intégrale. Il renifle, il sirote, il déguste, et l’on ne sait trop s’il boit ou s’il mange ; […] il grogne, il jouit jusque dans le recès de sa triperie, il cligne de l’œil. […] Gourmand, paillard ! […] Je n’omets pas que le sang du cochon sert à fixer l’or. »

Tout est bon dans le cochon !

La viande de cochon est moelleuse et subtile, avec des saveurs douces, tendres et fondantes, qui changent selon qu’on la fasse cuire en potée ou en ragoût, qu’elle soit rôtie, grillée, poêlée ou encore sautée, qu’on la serve chaude ou froide. Miel et gingembre, épices et piment d’Espelette la relèvent merveilleusement. Joël Mauvigney nous le confirme, « dans le cochon, tout est bon, sauf peut-être les ongles et les dents… Les oreilles elles-mêmes peuvent être délicieuses, si on les fourre au foie gras. »

Il faut au moins quatre ans de formation pour devenir charcutier

À la tête du Ceproc (Centre d’excellence des professions culinaires), basé à La Villette depuis cinquante ans, Joël Mauvigney s’attache à transmettre sa passion de la charcuterie française à plus de 3 000 apprentis (dont beaucoup sont en phase de reconversion après avoir exercé un autre métier, preuve que la charcuterie est loin d’être morte !). « En France, il y a 6 500 entreprises. Il faut au moins quatre ans de formation pour devenir charcutier. La première chose est de bien connaître les cochons et leur morphologie, pour cela, il faut aller chez les éleveurs et les paysans, observer les animaux et vivre avec. Le cochon doit être élevé en plein air pendant au moins douze mois. Il doit alors peser entre 140 et 200 kilos. En achetant un cochon fermier, nous savons exactement d’où il vient, où il a été élevé, comment il a été nourri et traité. » Joël Mauvigney ne fait pas dans la nostalgie, il ne regrette pas le temps où les cochons étaient abattus à la ferme par le paysan : « C’était terrible ! Dans les abattoirs modernes, au moins, il est endormi avant d’être tué. »

Le charcutier est un intellectuel, on peut le comparer à un chirurgien : il réfléchit avant d’agir. Il connaît par cœur les 450 préparations différentes qui sont recensées dans notre bible. Il sait découper un cochon, et trier tous ses morceaux, un par un. Il sait préparer une sauce et cuire avec précision au degré près. C’est un esthète qui aime mettre en valeur la beauté des produits, les charcuteries d’aujourd’hui sont des bijouteries. « Nous avons été les premiers à respecter les normes d’hygiène les plus élémentaires, en créant des laboratoires d’une propreté absolue. »

Pour ce sage, la préparation du jambon blanc est un incontournable, raison pour laquelle il regrette que seulement 85 % des charcutiers le préparent eux-mêmes, les 15 % restant s’approvisionnant auprès des industriels, ce qui est un scandale. « Un vrai jambon blanc, c’est ce qui permet de juger la compétence d’un charcutier. Il doit être d’un beau rose pâle, moelleux, mais avec des tranches un peu sèches, surtout pas humides et brillantes, ce qui prouve la présence de conservateurs, de gélifiants et d’émulsifiants multiples. » À Paris, on conseillera ainsi la maison Doumbéa, rue de Charonne, qui fabrique le dernier vrai jambon de Paris traditionnel, choisi par des chefs comme Alain Ducasse et Yannick Alléno, et par le boucher Hugo Desnoyer (www.jambondeparis.com).

En France, il y a 50 recettes différentes de boudin noir, selon les régions : c’est un patrimoine unique au monde. 99 % des Français consomment pas loin de 35 kg de cochon par an et affirment ne pas pouvoir renoncer à la charcuterie, qui est pour eux un hymne à la convivialité et au partage. Alors, pourquoi ne dit-on rien quand un malheureux Breton se voit interdit par les barbus de faire des galettes à la saucisse ?

Le poids des porcheries industrielles

Tout cela est bien beau. Mais la réhabilitation du cochon et de tous les métiers qui dépendent de lui passe tout de même par une mise au point : de quel cochon parle-t-on ? En 2000, Le Canard enchaîné publiait un dossier qui, hélas, n’a pas pris une ride : 98 % des porcs français sortent d’une usine… Comme le disait le Canard, « vu les médicaments qu’il avale, le cochon industriel devrait être remboursé par la Sécurité sociale ».

Les premières porcheries industrielles sont apparues au Danemark dans les années 1950, sur le modèle américain, avant d’être copiées partout dans le monde. Qu’on soit donc en Bretagne, en Hollande, ou dans l’Illinois, c’est le même processus. Les races pures locales et anciennes de cochon (cul noir du Limousin, porc gascon, pie noir du Pays basque, porc de Bayeux, porc blanc de l’Ouest, porc nustrale de Corse…) ont été remplacées par des hybrides mis au point par les généticiens, comme le Large White (« larjouit » comme on dit dans les campagnes), un cochon taillé pour l’industrie. Les mères procréent deux fois plus par portée (15 porcelets programmés pour engraisser plus vite et pas cher). À six mois, ils sont prêts pour l’abattoir. Le paradoxe est qu’en grossissant plus, les cochons ont perdu leur graisse (notamment au niveau du lard dorsal qui est la matière noble des fabricants de saucisson sec). Et ne parlons pas du goût qui a totalement disparu ! De quoi donner presque raison aux barbus, non ?

Réhabiliter le porc bien de chez nous, c’est donc défendre la poignée d’éleveurs qui travaillent à l’ancienne, comme Pierre Oteiza qui, en 1989, a sauvé de l’extinction le vrai porc basque élevé en montagne et nourri aux châtaignes, dans les Aldudes, non loin de Biarritz (on compte aujourd’hui 70 éleveurs et 3 000 porcs). Son jambon est plus savoureux que celui de Parme ! On peut aussi citer Pierre Matayron, qui élève de somptueux porcs noir de Bigorre dans le Gers, ou la ferme de Pouloupry, dans les Côtes-d’Armor, où, sur 32 hectares de landes, Antoine Raoul a redonné vie au porc de race Berkshire à robe noire, la plus ancienne race anglaise – Shakespeare en consommait tous les matins pour son breakfast. Des artisans passionnés !

Les restaurants étant fermés jusqu’à nouvel ordre et pour ainsi dire condamnés à mort par un gouvernement qui rêve de nous maintenir en bonne santé en nous conduisant à la pauvreté (qui est la pire des maladies !), il ne nous reste plus qu’à rendre visite aux plus belles charcuteries de France.

En voici quelques-unes :

David Davaine, place du Marché aux poissons, 59500 Douai

Pascal Joly, 89, rue Cambronne 75015 Paris

Maison Dumont, 28, rue de Nemours 35000 Rennes

Pierrick Bougerolle, 42, rue du Marché, 21210 Saulieu

Georges Reynon, 13, rue des Archers 69002 Lyon

Cyrill Strub, 2, rue Pierre-Marie, 57560 Abreschviller

Coralie Delaume, souveraine de sa vie

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Souveraine et souverainiste.


Coralie Delaume est partie hier matin. Elle s’est éclipsée de ce monde qu’elle observait et analysait avec acuité discrètement, sur la pointe des pieds, comme si elle avait peur de déranger en partant si vite. Une politesse qui la caractérisait.

Au mois de janvier, elle apprenait l’existence de son cancer. Une lutte supplémentaire pour cette infatigable combattante, ancien officier de l’armée de terre qui se battait pour ses idées, pour la France et sa souveraineté, prête à engager la lutte à coups d’entraînement rigoureux : un travail exigeant, des connaissances précises qu’elle aiguisait et revisitait sans cesse, des lectures acharnées, un humour ciselé et surtout une indéfectible capacité à s’insurger.

Coralie était une indignée, une vraie, pas une rebelle de salon ou d’opérette qui braille à l’injustice et donne des leçons en vivant sur ses acquis, mais une femme engagée pour la souveraineté, celle du peuple, la seule légitime à ses yeux, pour l’indépendance de la France, pour la défense de sa culture, de son histoire, de son économie et du bien-être de sa population. Ces convictions ont nourri son combat : expliquer les rouages de l’Union Européenne et comment cette institution, froide et bureaucratique, détruit les nations.
Il fallait oser, par conviction, sortir d’un confort professionnel pour devenir blogueuse, puis auteur, puis contribuer par son travail à expliquer l’impasse dans laquelle nous mène l’Europe politique et les rapports que l’Allemagne et la France entretiennent au détriment de cette dernière.

Il ne suffit pas de se proclamer souverainiste pour l’être. Il faut avoir ça dans les tripes et dans la tête. Savoir le sentir et l’intellectualiser. Coralie le faisait si bien que son travail pouvait intéresser aussi bien sa famille politique (c’était une femme de gauche qui détestait les étiquettes) que ceux qui souhaitaient plus simplement s’informer sur l’histoire et les institutions européennes.

Ses analyses, elle les livrait dans les colloques, sur le net, en se forçant un peu d’ailleurs car elle estimait que son travail n’était jamais vraiment achevé, et dans ses livres qu’il nous appartient de lire ou relire tant on s’aperçoit, avec le recul, qu’ils collent à l’actualité : Europe, les États désunis ou Le couple franco-allemand n’existe pas publiés aux éditions Michalon.

C’était aussi une femme de terrain. Les convictions emmènent sur tous les fronts et elle avait lutté avec acharnement contre la privatisation d’ADP en lançant avec David Cayla une pétition qu’elle prenait le temps d’expliquer dans un tour de France, ordinateur en mains pour encourager les signatures. 

Il y a quelques semaines, elle était encore en ébullition, des projets plein la tête, des choses à lire, à digérer, à comprendre afin de les analyser pour informer, décrypter. Le nombre de lectures indigestes que Coralie a pu se « farcir » afin de nous les rendre intelligibles… Des essais interminables, des communiqués de la BCE, des directives alambiquées… Faites un tour dans « la littérature » des commissions européennes et vous allez vite comprendre votre douleur ! Dégager du sens dans le marasme et en dénoncer l’absurdité, c’est une démarche d’aventurier. Coralie était une aventurière : plusieurs métiers, plusieurs passions, mais une fidélité à ses idées et à ses amis intègre.

Au moment où les médecins ne cachaient plus leur pessimisme, elle continuait de bâtir des projets, d’écrire, d’entamer des lectures pour le travail ou le plaisir. Car le plaisir faisait aussi partie de la vie de Coralie qu’on présente toujours avec le sérieux qui s’impose – et qu’elle s’imposait – mais qui n’oubliait jamais de trinquer à la vie, une vie qui ne se réduit pas à soi-même mais qui est marquée par le devoir d’être et d’exister :« Je vais faire comme la petite chèvre de monsieur Seguin. Je vais me bagarrer toute la nuit et à l’aurore, le loup me mangera. De toute façon, tôt ou tard, le loup nous mange tous » avait-elle écrit pour rassurer ceux qui s’inquiétaient pour elle.

Coralie, par excès d’exigence et humilité, avait toujours l’impression de ne pas être vraiment à sa place. Là, je te le dis Coralie, tu n’es vraiment pas à ta place, pas maintenant. Le loup est venu trop tôt. Mais tu lui as aussi joué un tour à ta façon, avoue-le… Il n’a pas tout emporté, il reste ce que tu as semé avec détermination et patience, tes idées, tes livres, tes échanges, ce que tu as su faire naître autour de toi, par un sourire, par un échange. Là aussi est le secret de l’immortalité: être souverain de sa vie.

Il faut avec urgence relire les ouvrages de Coralie Delaume pour éclairer notre perception de l’Europe.

Il faut sans doute compiler la somme de travail qui n’a pas encore été édité.

Il faut faire tant de choses et parfois les faire vite car les existences fauchées si jeunes doivent nous apprendre à combattre sans relâche pour nous aussi pouvoir gruger le loup.

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Référendum sur le climat: le coup d’État bien-pensant

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En proposant un référendum sur une révision superflue de la Constitution dans le sens de la protection environnementale, Macron s’offre une forme de légitimation facile au milieu des différentes crises actuelles.


La Charte de l’environnement a consacré en 2004 un droit de l’homme, celui de vivre dans un environnement sain en exigeant de celui qui bénéficie de ce droit qu’il consente aux efforts indispensables qui en découlent. Intégrée au sommet de la hiérarchie des normes, au sein du Préambule de la Constitution, affirmée au même titre que l’attachement du peuple français aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels que définis par la déclaration de 1789, cette charte revêt une valeur tant symbolique que contraignante qui fait obstacle à ce que le législateur et l’exécutif adoptent des mesures qui iraient à l’encontre des objectifs définis.

Sur le fondement de cette Charte, le Conseil constitutionnel a jugé, le 10 décembre 2020, que le législateur devait prendre en compte le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement et qu’il ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Sur le plan juridique, cela s’apparente à un simple rappel 

Au niveau international, la France fait bien évidemment partie de l’accord de Paris de 2015 sur le climat qui a, tout autant, valeur contraignante. C’est sur le fondement de cet accord que, le 19 novembre dernier, le Conseil d’État rappelait à l’ordre le gouvernement s’agissant sur l’engagement pris par la France de réduire de 40% ses émissions de gaz à effets de serre d’ici à 2030.

Que peut-on donc penser alors du projet annoncé par le président de la République, lors de la réunion de la Convention citoyenne pour le climat, d’une révision constitutionnelle visant à introduire « les notions de biodiversité, d’environnement, de lutte contre le réchauffement climatique » à l’article premier de la Constitution ? Qu’il entend consacrer des principes déjà protégés tout en assortissant d’aucune mesure concrète pour le climat ou l’environnement les objectifs annoncés. Le projet de révision constitutionnelle annoncé ne s’apparente qu’à un simple rappel surabondant de vœux pieux.

Affirmons-le d’emblée, sur le plan juridique, la mesure envisagée n’apportera absolument rien. Tout existe déjà et les notions dont l’introduction est envisagée à l’article premier bénéficient déjà d’une garantie concrète tant par le Conseil constitutionnel que par le Conseil d’État. Inutile, l’adjonction du terme « climat » à l’article premier de la Constitution l’est également au regard de la convention citoyenne pour le climat, assemblée instituée pour formuler des propositions concrètes destinées à lutter contre le réchauffement climatique. Si la seule chose qui ressort des travaux de cette convention est la volonté d’introduire dans la Constitution l’objectif qui lui était assigné, on peut réellement douter de l’intérêt cette convention. La convention pour le climat propose donc d’inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution. Tout ça pour ça.

Un dévoiement du référendum

Enfin, cette proposition est curieuse et semble dévoyer le principe même du référendum et celui de la révision constitutionnelle. Lorsqu’il est appelé aux urnes, le peuple français se voit proposer un projet de modification des institutions (une Constitution étant avant tout un texte qui régit le fonctionnement des pouvoirs publics), que ce soit l’élection du président de la République au suffrage universel ou la réduction du mandat présidentiel. Jamais on n’a vu le peuple être consulté pour répondre à des bons sentiments. Considérons alors la volonté d’ajouter le mot « climat » à l’article premier de la Constitution pour ce qu’elle est : un bon coup de pub.

Il n’est pas encore gagné aujourd’hui qu’un référendum puisse se tenir. Juridiquement, pour qu’une modification de la Constitution puisse être soumise au référendum, il faut que les deux chambres, Assemblée nationale et Sénat, se mettent d’accord sur un texte identique. Si le Sénat joue son rôle de contre-pouvoir ou d’opposant politique, il n’est pas certain que la question soit soumise au suffrage des électeurs. Ce faisant, le président de la République a d’ores et déjà gagné son pari politique en se plaçant sur un terrain facile, celui de l’environnement, réduisant ainsi toute opposition à devoir, de facto, dire non au climat. En sollicitant la tenue d’un référendum (sans portée juridique) sur un sujet on ne peut plus consensuel et facile, le président de la République utilise les institutions de la Ve République pour s’octroyer une légitimation bienvenue après la crise des gilets jaunes, pendant celle du virus et avant l’échéance présidentielle.

Nafissatou Diallo : et si elle avait été en France?

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Le remarquable et équilibré documentaire de Jalil Lespert « Chambre 2806: l’affaire DSK » nous a fait revenir au mois de mai 2011.


Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire International (il a été nommé en 2007), au faîte de ses espérances présidentielles pour la France, l’une des personnalités les plus puissantes et influentes dans le monde, est interpellé dans un avion alors qu’il s’apprêtait à quitter New York.

On peut éliminer de suite les prétendues manigances tenant à un complot sarkozyste qui aurait mis en place un piège à New York !

Un sentiment d’injustice

Nafissatou Diallo, femme de chambre au Sofitel, a porté plainte contre lui pour agression sexuelle dans la suite présidentielle qu’il occupait, selon des modalités ne laissant pas présumer un consentement.

L’arrestation de DSK, le processus policier et judiciaire, caractérisé notamment par sa marche humiliante, selon une pratique américaine constante, face à une multitude de journalistes, puis, plus tard, à des manifestantes féministes s’en prenant au « violeur », sa mise en détention suivie de sa libération et de son assignation à résidence très stricte, avec son épouse Anne Sinclair qui l’avait rejoint pour le soutenir et organiser cette nouvelle vie, sont dans toutes les mémoires.

J’ai éprouvé un sentiment d’injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès

Ces images, ces épreuves, cette procédure ont évidemment impressionné les Français, d’abord à cause de ce hiatus brutal entre un destin de privilégié promis à la gloire et la réalité d’une chute semblant mettre fin à tout et ayant des effets considérables bien au-delà du camp socialiste.

Le documentaire a décrit clairement, à l’aide de séquences déjà vues mais qui rassemblées avaient un impact incomparable, les étapes d’une décision ayant exclu toute poursuite de la part de l’accusateur américain – à cause, selon lui, du manque de crédibilité de la plaignante. La compensation octroyée plus tard à Nafissatou Diallo a atteint la somme d’1,5 million de dollars.

J’ai éprouvé un sentiment d’injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès. On est frappé par la persévérance, voire l’acharnement avec lesquels la justice américaine s’est seulement attachée à mettre en évidence les mensonges de la plaignante sur son passé et les motifs de sa venue aux USA, sans cibler ce qui aurait été l’essentiel pour nous : les faits s’étant déroulés dans la chambre 2806 ; avec les traces, indices, preuves et désordre susceptibles de créer ou non l’adhésion au récit de Nafissatou Diallo. L’aurait-on décidé que son sort en aurait été radicalement modifié.

En France, le droit à un procès équitable

Si Nafissatou Diallo avait été violée en France et si elle avait déposé plainte, une information aurait été obligatoirement ouverte et les charges établies, le mis en examen – DSK, pour poursuivre la comparaison – aurait été renvoyé devant la cour d’assises de Paris.
Lors des débats, il est vraisemblable qu’on aurait pu questionner le passé de la victime, les imprécisions de son discours, le vague de ses propos ou le flou de son récit mais cette vigilance nécessaire n’aurait pas forcément altéré toute sa crédibilité. La cour d’assises aurait dû apprécier si sa qualité de victime était atteinte ou non par certains de ses comportements antérieurs. Et tout cela dans le cadre d’un procès.
Nafissatou Diallo n’aurait pas été soumise au décret presque arbitraire d’un procureur américain exagérant ses maladresses ou ses mensonges, en les analysant automatiquement comme la démonstration de sa mauvaise foi pour sa narration des agissements qu’elle disait avoir subis.

Nous sommes donc en France.

DSK est accusé et Nafissatou partie civile. Débat passionnant et contradictoire. Avec si possible une présidence de qualité et des jurés exemplaires. Le premier et la seconde questionnés sans complaisance. Et un arrêt rendu après un très long délibéré.

Quid de la version de Dominique Strauss-Kahn ?

Cette justice-fiction nous aurait fait échapper à un triple malaise.

L’entretien ridicule et totalement dénué de spontanéité entre DSK et Claire Chazal sur TF1 avec seulement l’aveu d’une attitude « inappropriée ».

À lire aussi, Alexis Brunet : DSK m’a tuer

DSK nous annonce qu’il donnera sa version des faits dans un biopic qui sera diffusé dans le courant de l’année prochaine. Je parie qu’il sera question d’argent. Pourquoi si tard ? Ce n’est pas que l’impatience nous tenaille mais tout de même !

Enfin, cet homme intelligent déclare qu’il ne voit pas où serait le problème entre des responsabilités publiques et une vie de libertinage organisé (un euphémisme). Inquiétant sur sa perception des choses. Comme si la morale était divisible !

Nafissatou Diallo certes pleure beaucoup dans le documentaire mais je crois que la justice américaine, en ne la ménageant pas, lui en a donné l’occasion.

Si elle avait été en France, quel changement !

Télérama: sur le toit du monde progressiste

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L’hebdomadaire culturel propose des numéros de plus en plus riches, de plus en plus savants et progressistes.


Le magazine Télérama n’est pas un simple hebdomadaire télé. Il est aussi, selon Fabienne Pascaud, sa directrice de la rédaction, un magazine culturel. Et il est de plus en plus un magazine culturel à la pointe de tous les progressismes qui progressent.

Un très récent numéro (n° 3697) semblait avoir atteint le sommet en matière de contenus progressistes. La page de couverture et un dossier complet étaient consacrés au philosophe humaniste Lilian Thuram et à son concept de « pensée blanche » reposant sur trois anecdotes de cour de récréation et de vestiaires.

À lire aussi, Benjamin Nolange: Pour Lilian Thuram, tout blanc est un raciste qui s’ignore

Plus loin, un article présentait « l’alphabet du genre inclusif-ve » inventé par un étudiant de la Haute école d’art et de design de Genève et censé simplifier l’apprentissage et l’utilisation de l’écriture dite inclusive, laquelle était utilisée par le journaliste pour vanter ce nouveau charabia. Plus loin encore, dans le même numéro, deux pages étaient consacrés à l’égérie de l’antiracisme racialo-raciste à la mode des campus américains, Rokhaya Diallo. Les témoignages poignants de Maboula Soumahoro et d’Alice Coffin contrebalancèrent facilement celui du journaliste de Médiapart Jérôme Confavreux qui n’en revenait pas d’avoir dû passer par « l’agente américaine » de Mme Diallo pour pouvoir travailler avec elle.

Une du magazine Télérama du 21 novembre 2020.©D.R
Une du magazine Télérama du 21 novembre 2020.©D.R

Rééducation féministe avec Caroline De Haas

Mais Télérama n’avait pas l’intention d’en rester là. Le magazine a profité pendant de nombreux mois du concours d’une société promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes. Egaé, la société en question, a été co-créée et est co-dirigée par Caroline De Haas. Elle a pour ambition de « percuter l’illusion de l’égalité », cette illusion bien française qui nuit au recul « des stéréotypes, des préjugés et des idées reçues. » Grâce à un carnet d’adresses construit pendant ses riches années d’activité syndicale, politique et ministérielle, Caroline De Haas rééduque essentiellement les agents de services publics – ministères, fédérations sportives, mairies ou préfectures. Mais elle redresse aussi, à l’occasion, les employés d’organes de presse, Médiapart, Le Monde et… Télérama.

Après quelques séances de sensibilisation à l’égalité, à la déconstruction des stéréotypes et à l’éducation non-sexiste, les journalistes de Télérama rendent en ce moment même leur mémoire de fin d’études égalitaires et déconstructivistes. C’est le dernier numéro du magazine (n° 3700). Cela commence par l’entretien d’un spécialiste québécois du féminisme, Francis Dupuis-Déri. En gros : il y a eu des progrès mais pour ce qui est de « la répartition des tâches parentales, des tâches domestiques ou du temps libre au sein d’un couple hétérosexuel », c’est pas encore ça. La « crise de la masculinité » – dont Télérama souligne qu’il n’y a plus « besoin d’aller la chercher à l’extrême-droite » (sic) – est « une stratégie de résistance d’un patriarcat bien ancré » que M. Dupuis-Déri confesse utiliser parfois pour échapper aux tâches domestiques. « Je suis loin d’être parfait », reconnaît-il. Il avoue avoir « examiné [ses] comportements passés » et en avoir tiré de très sévères conclusions. Ce laborieux travail de sociologie déconstructiviste auto-analytique l’a conduit à la réflexion supersonique suivante : « Les hommes ne sont pas en crise, ils font des crises. »

Une du magazine Télérama du 9 décembre 2020.©D.R
Une du magazine Télérama du 9 décembre 2020.©D.R

Déboulonner les codes de la masculinité

Quelques pages plus loin, un article est intitulé « Regarde les hommes changer. » Il s’agit des portraits de différents jeunes hommes qui « déboulonnent les codes d’une masculinité virile et dominatrice. Et inventent de nouvelles façons d’être des hommes. » Les « hommes » en question sont « des garçons différents » qui modifient leur « rapport à la séduction ou aux tâches ménagères. » Un de ces déboulonneurs anime des ateliers dans les collèges, les maisons d’enfants (sic) ou les prisons : « Les gens de banlieue ou de la campagne ne sont pas idiots. » Et ils n’ont pas l’intention de le devenir, donc : au large, jeune « homme » !

La page 45 du même numéro ouvre un nouveau chapitre : « La misandrie s’affirme dans les milieux féministes. Un rejet masculin revendiqué comme une étape radicale mais nécessaire pour la libération des femmes. » Un enseignant à Paris 8 dénonce le « sexisme systémique subi par les femmes ». Alice Coffin et Pauline Harmange sont soutenues par l’historienne Christine Bard qui voit dans cette misandrie un juste combat contre le… patriarcat. Il est promis un « outil de pensée et de déconstruction » pour se « construire contre les hommes ». Page 47, un dessin représentant une femme dégustant un pénis qu’elle porte en collier révèle idéalement l’esprit dans lequel a été écrit l’ensemble de ce numéro spécial de Télérama.

Illustration et commentaire de la page 47 du numéro du 9 décembre de Télérama. © D.R
Illustration et commentaire de la page 47 du numéro du 9 décembre de Télérama. © D.R

Homme viril = fasciste 

Enfin, le dernier dossier s’intitule « Virilité et imagerie fasciste ». Les journalistes ont choisi Julien Rochedy, ex-cadre du FN ( il fallait le préciser !), pour illustrer les dérives « viriles » d’un club masculiniste dont l’ensemble des adhérents tient dans une cabine téléphonique. Au moins cela aura-t-il permis de conclure en établissant ce que dans certains milieux féministes haassiens on appelle un beau continuum : homme, patriarcat, domination, fascisme. CQFD.

À lire aussi, Yves Mamou: « Le Monde », Israël et le Maroc… parlons en le moins possible, j’ai mal à la tête!

« Le progrès remonte à la plus haute Antiquité, disent certains. D’autres affirment que l’avenir lui appartient. Rares sont ceux qui doutent de son existence. Il est convenu que rien ne l’arrête. Et même qu’il sait où il va. Il est apparemment le seul. » (Alisandre Violette)

Ce que cache la une du « Time » avec Assa Traoré

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Assa Traoré en une de Time: black panther et soft power


Le choix de la militante Assa Traoré comme personnalité en couverture par le magazine américain Time s’inscrit dans une politique à long terme de séduction des Français d’origine musulmane. Cette politique est paradoxalement relayée par une gauche traditionnellement anti-américaine.

En 2019, en France, 19 personnes ont été tuées par la police. A situation comparable, les Etats-Unis, cinq fois plus peuplés, auraient dû compter cette année-là 95 décès imputables aux forces de l’ordre. Selon les chiffres compilés par le Washington Post, il y en a eu 1010, c’est à dire dix fois plus.

Cet écart hallucinant n’a pas empêché le magazine américain Time d’asséner à la France une pénible leçon sur le thème des violences policières à caractère raciste, tout au long d’un article publié le 12 décembre. L’édition Europe-Proche Orient du magazine affichait en couverture Assa Traoré, catapultée Personnalité de l’année, présentée comme l’égérie d’un combat sacré pour le respect de la vie des « racisés ».

Une clientèle américanophile constituée dans les banlieues françaises

Les critères de choix des « Person of the year » du Time ne sont pas publics, mais défendre l’idée que la France est un pays viscéralement raciste, manifestement, ne peut pas nuire.

Voilà quinze ans que l’intelligentsia américaine progressiste – dont la rédaction de l’hebdomadaire new-yorkais est la quintessence – soutient, forme et finance les porte-parole d’un discours victimaire, formaté pour les jeunes noirs et arabes.

A lire, enquête: La vérité sur l’affaire Adama Traoré

Les Wikileaks contiennent des télégrammes diplomatiques éloquents à cet égard. Ils décrivent comment l’ambassade américaine à Paris a pensé faire d’une pierre deux coups, après les émeutes ayant secoué nos banlieues en 2005. L’ambassadeur américain Charles Rivkin voulait choyer les Français de culture musulmane, afin de se constituer une clientèle américanophile, et espérait aussi regagner un peu du crédit perdu dans le monde arabe suite à l’invasion de l’Irak en 2003. L’ambassade n’a pas lésiné. Elle a organisé une rencontre entre des jeunes de Seine-Saint-Denis et la star Samuel Jackson en 2010. Elle a appuyé la publication d’un très long article sur le Bondy Blog dans le New York Times en 2015. Elle a donné une grande latitude à son attaché culturel du consulat de Lyon, Victor Vitelli, pour travailler à « la promotion des minorités ». Le tout était complété par une réorientation de programmes plus anciens comme les « Young Leaders » de la French American Foundation, en direction des minorités visibles. Rokhaya Diallo en a profité en 2010.

L’ONG US Ashoka en soutien de Coexister

Les riches organisations non-gouvernementales américaines sont venues en renfort.

En 2016, l’Alliance Citoyenne, organisatrice de l’opération burkini dans les piscines de Grenoble l’an dernier, a reçu 80 000 dollars de l’Open society Foundation de Georges Soros. Coexister n’a pas été oubliée. Obsédée par l’islamophobie, l’association de «  management interconvictionnel » a été couvée par le réseau Ashoka. Discrète, cette ONG financée par des grandes entreprises américaines a un objet social assez flou : former des « entrepreneurs du social ». En termes plus concrets, il s’agit de coacher des relais d’opinion et des lobbyistes, intervenant en général à la frontière du public et du privé. Samuel Grzybowski, fondateur de Coexister, a été Ashoka Fellow en 2016. A ce titre, de l’aveu de sa présidente, Radia Bakkouch, l’association Coexister a bénéficié d’un accompagnement poussé, pendant des mois. Ashoka ne verse pas d’argent, mais apporte une expertise précieuse. L’organisation travaille en finesse. La sélection des « fellows » est beaucoup moins grossière que celle du Time. Leurs parcours sont très variés et ils sont généralement de bon niveau. Assa Traoré n’a pas le profil. Stéphane de Freitas, oui. Ce cinéaste est à l’origine du projet Eloquentia, un concours d’éloquence à destination des jeunes, visant à mettre ceux des cités en valeur. Ce n’est écrit nulle part aussi clairement, mais le compte-rendu de la finale 2019 par le Bondy Blog se passe de commentaire à cet égard.

A lire aussi, du même auteur: Coexister: touchée, mais pas coulée

Il n’y a aucune raison de penser que ce travail d’influence fort professionnel s’arrêtera dans les mois qui viennent. Il va finir par créer une situation inédite sur le plan politique pour la présidentielle et les législatives de 2022.

Pleine de tendresse pour les indigénistes, prête à accueillir Assa Traoré, la France insoumise va finir par arriver au scrutin avec l’image d’un parti noyauté par Washington !

Nos élus et l'islam

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Mon Covid à Barcelone

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Benoît Barthes est Français, et vit à Barcelone — il y a pire comme destin. Je lui ai demandé de se présenter, il y a consenti avec une sobriété qui force l’admiration : « Ex-parisien vivant à Barcelone depuis 8 ans, un demi-siècle au compteur, je suis ce qu’on appelle très vaguement un apporteur d’affaires, c’est-à-dire que j’apporte des affaires pour une poignée d’entreprises françaises dans le domaine de l’ingénierie industrielle. La littérature est ma passion, j’aime lire et j’aime écrire, et tout compte fait, c’est une raison d’être suffisante. » Je le rejoins, sur cette dernière phrase, en tous points.

Je le savais dans la capitale catalane, pour laquelle j’ai un goût très vif. L’idée de lui demander de nous narrer la survie de cette grande ville en ces temps d’épidémie s’imposa d’elle-même.
Jean-Paul Brighelli

« L’été dernier nous avons découvert une Barcelone inédite : il n’y avait pas de touristes. Chose inouïe, on pouvait traverser la Ciutat Vella en vélo à toute allure alors que d’ordinaire la foule compacte qui la gorge tout entière six mois de l’année sur douze et déambule comme une lave lente dans l’entrelacs de ses ruelles en écoutant les clichés approximatifs des guides formés sur Wikipédia, décourage les Barcelonais de s’y aventurer ne serait-ce que pour une brève course. La Cathédrale et son parvis cessèrent de servir d’arrière-plan à des centaines de milliers de selfies journaliers, on pouvait y pénétrer sans avoir à faire la queue sous le cagnard et visiter enfin ce beau morceau d’histoire gothique dédiée à la patronne de la ville, sainte Eulalie. Même les opposants au tourisme les plus déterminés (et ils ne se sont pas privés de se faire entendre ces dernières années allant jusqu’à bloquer l’accès de la Sagrada Familia au cri de « Tourists Go Home ! ») n’auraient osé imaginer pouvoir un jour lire tranquillement au Parc Güell au son des oiseaux et du froufrou des feuillages, face au panorama urbain que termine l’horizon d’une Méditerranée scintillante. Ce parc conçu précisément comme un sanctuaire de silence et de quiétude, forêt incrustée dans la ville et sertie des céramiques de Gaudi, s’est transformé en quelques années en un parc d’attraction bondé compromettant non seulement le silence mais le désir de s’enfouir dans la nature pour s’y rencontrer soi-même. Lire au Parc Güell en été, susurrer des douceurs à l’oreille de sa bien-aimée sur un des bancs de céramiques ceignant la célèbre esplanade, examiner sa vie, ses amours, ses tracas, ses espoirs, au cours d’une promenade solitaire parmi les arbres, tout cela était devenu aussi incongru que, je ne sais, jouer une sonate de Schubert sur le pas de tir de la fusée Ariane au moment de son lancement, par exemple, ou travailler sa voix de soprano à côté des chutes du Niagara. Et ceux qui y enseignaient le yoga dans quelque recoin à peu près épargné par les troupeaux de visiteurs ne tardaient pas à replier leurs tapis en raison du passage incessant des vendeurs à la sauvette fuyant les policiers.

Image: Creative Commons

« Et les Ramblas, ces fameuses Ramblas décrites dans tous les guides touristiques comme un des lieux les plus pittoresques de la ville et dont on se demande bien pourquoi la terre entière vient y traîner ses tongs vu qu’on n’y trouvera plus un seul Barcelonais prenant son vermouth de 19 h sous les arbres de l’allée centrale, le Covid les rendit enfin praticables. Il nous avait frayé le passage, on y circulait à pied, en vélo, en voiture, comme dans un patelin paisible aux trottoirs parsemés d’un mélange d’excitation et d’étonnement et le sentiment paradoxal de découvrir une cité interdite.

« Les plages elles aussi redevinrent des plages. Finis ces dépotoirs des années antérieures qui nous faisaient préférer des baignades à quelques encablures de la capitale catalane, là où l’on est sûr que le touriste ne viendra pas vider sa vessie d’insatiable buveur de mojito. On put étendre nos serviettes sur du sable propre et nager dans des eaux limpides que même les méduses, sans doute déçues de ne pas trouver le long des cinq km de plages barcelonaises leurs doses habituelles de contaminants de toutes sortes et de pisse mêlée de shit, de cocaïne, de vodka, de biè̀re, décidèrent pour une fois de bouder. Ce fut un été sans méduses et sans canettes sur le sable, coup dur pour les manteros, ces vendeurs ambulants d’origine pakistanaise et africaine qui sillonnent le sable à longueur de journée sous le soleil, les bras chargé de paréos et de sacs remplis de glaçons et de bières et criant sans relâche leurs marchandises dans un anglais tout juste reconnaissable.

« Ô Covid, si tu n’étais pas aussi meurtrier je chanterais tes louanges ! Grâce à toi, mon été barcelonais fut un été sans regret. Et dieu sait pourtant si j’avais de bonnes raisons de pester contre toi qui m’avais, à l’occasion du premier confinement, infligé une saignée des plus rudes dans ma trésorerie de travailleur free-lance. Il y avait tant de choses à déplorer à cause de ce fichu virus qu’on n’osait se féliciter trop ouvertement d’une sorte de libération. Et pourtant qui pouvait sans hypocrisie regretter l’absence de touristes cet été à Barcelone ? La vache à lait qu’ils représentent n’est guère une vache sacrée pour ses habitants qui ont vu peu à peu leur ville se laisser dévorer par un organisme tentaculaire nécessitant pour sa croissance de se nourrir de possessions locales : des appartements, des bars, des commerces des rues, des quartiers, des plages, une portion entière de la cité — son cœur même.

A lire aussi: Causeur: Un été sans touristes

« Mais la saison touristique a passé et ces réjouissances inavouables n’ont plus lieu d’être maintenant que Covid le Conquérant a installé ses quartiers d’hiver dans notre ville refroidie. Sous la baguette du gouvernement de Catalogne, Barcelone compose avec l’ennemi campant en son sein. Après un confinement automnal des plus stricts, à peu près semblable au premier, la capitale catalane a rouvert ses salles de spectacles, ses bars, ses restaurants avec des conditions infiniment contraignantes. La ville, toque de queda (couvre-feu) oblige, ferme les yeux à vingt-deux heures, si bien que les restaurants dans leur grande majorité ne prennent pas la peine d’ouvrir le soir et se contentent d’un seul service en mi-journée. Vingt-deux heures, c’est le moment où, en temps normal, les restaurants commencent à faire le plein ici. Quant à ceux qui résistent malgré tout, leurs tables restent majoritairement inoccupées : le protocole sanitaire stipule une limitation de la fréquentation et de toute façon bien des clients frustrés à l’idée de devoir chronométrer leur sortie vespérale, choisissent de rester chez eux.

« Tout semble fait d’une manière générale pour décourager les consommateurs sans désespérer les commerces. On freine et on incite, sans quitter des yeux l’indicateur-clé, ce fétiche nommé tasa de incidencia (taux d’incidence). C’est de lui que dépendent tous les ajustements régaliens du gouvernement catalan. Les chiffres étant ce qu’ils sont, il y a fort à craindre que les restrictions perdurent : toque de queda à 22 h, interdiction de sortir de Barcelone le week-end, interdiction de franchir les frontières de la Catalogne le reste du temps, centres commerciaux et boîtes de nuit fermés, limitation du taux de fréquentation de tout établissement destiné à recevoir du public, lieux de culte soumis aux mêmes restrictions…

« Pour l’heure aucun des grands noms de la restauration barcelonaise ne se risque à proposer un menu spécial Noche Vieja (réveillon du Nouvel An), et si la Mairie de Barcelone a daigné orner les rues de ses illuminations rituelles, elles brilleront davantage au moment de quitter 2020 dans le silence des rues désertes, sous nos fenêtres de Barcelonais confinés. »

Benoît Barthes

« Le Monde », Israël et le Maroc… parlons en le moins possible, j’ai mal à la tête!

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Le journal Le Monde a pratiquement passé sous silence l’accord de paix signé entre le Maroc et Israël. Un oubli certainement motivé par l’idéologie du fameux « journal de référence ».


La newsletter du journal Le Monde en date du vendredi 11 décembre 2020, cette newsletter que tous les abonnés reçoivent à domicile ou au bureau, et qui recense l’ensemble des sujets qu’un honnête homme doit connaître, ne dit pas un mot de l’accord de paix Maroc – Israël, ni du rôle joué par Donald Trump. Rien ! Nada ! La Covid en France et dans le monde, le plan de relance européen, Trump sur le départ, la condamnation de Gaston Flosse, les déplacés de Tessit au Mali, la mise en examen du milliardaire Jimmy Lai à Hong Kong, les espèces animales menacées, l’Euro de Handball et quelques autres sujets mineurs… Mais le Maroc et Israël ? Rien !

Fétiches idéologiques

S’agirait-il d’un oubli ? En principe, dans la hiérarchie de l’information d’un grand quotidien, un accord de ce type évoque FORCÉMENT quelque chose ! Des larmes ou des rires, mais pas rien. Première interprétation: l’information dérange. Elle ne fait pas plaisir. Alors, on l’oublie. C’est en effet une souffrance pour un progressiste français de devoir renoncer à ses fétiches idéologiques. Et les Palestiniens, ce « peuple » que le Monde cajole, plaint, victimise depuis cinquante ans est un fétiche qui perd chaque jour un peu plus de consistance. Pour autant que je me souvienne – j’ai passé 23 ans au Monde -, les journalistes n’en ont jamais eu que pour eux. Tous étaient persuadés que les Israéliens avaient assassiné Mohamed al Durah et procédaient à des opérations quotidiennes de nettoyage ethnique en Cisjordanie. J’ai avoué une fois à un collègue que j’avais passé des vacances à Tel Aviv. Ledit collègue – un garçon d’une gentillesse peu commune – a ouvert la bouche et a eu le souffle coupé comme si je lui avais donné un direct dans l’estomac. Si j’avais dit l’Iran ou la Corée du Nord, il aurait certainement été intéressé. Mais Israël relevait pour lui de l’impensable. Une figure du mal peut être ?

L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible?

Si le non-traitement de l’accord Israël-Maroc n’est pas d’un oubli, c’est qu’il y a refus.

Sommes-nous arrivés à ce tournant historique où un journal gomme l’actualité parce que cette actualité ne cadre pas avec la vision du monde de ses journalistes ? L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible ? Impensable ! Mais en cette période de Me too, de George Floyd et de woke, l’hypothèse n’est pas à écarter.

Sortir du déni

Le déni offre une perspective intéressante. Le déni est un refus pathologique de la réalité. Voir le monde arabe embrasser des Israéliens serait-il insupportable à des journalistes du Monde ? Comment accepter que ce monde arabe que Le Monde a cajolé, victimisé, excusé des décennies durant, comment accepter sa soudaine versatilité ? Comment comprendre le revirement de tous ces dirigeants qui ont expliqué qu’une douleur insensée les saisissait à l’idée de partager une terre d’islam avec des Juifs en position souveraine, et signent un accord de paix avec Israël ? Aussi facilement qu’une personne enrhumée jette un mouchoir en papier !

Car enfin, il se montre bien vénal ce monde arabe. Quoi, il aurait suffi d’une petite reconnaissance des droits du Maroc sur le Sahara occidental riche en phosphate, et que les Américains sortent leur carnet de chèques diplomatique pour que les « Palestiniens », un vocable qui a nourri politiquement et affectivement la gauche européenne depuis cinquante ans, passent à la trappe ?

L’info refourguée dans les pages “Afrique”

Il y a là en effet, quelque chose d’insupportable.

Après vérification, – ô soulagement ! – Le Monde a tout de même consacré un article à l’accord Israël- Maroc en page intérieure.  Mais au-dessus de l’article, il y a le logo « Afrique ». Une manière de dire que le Maroc et Israël, c’est une affaire régionale africaine. Tiens ! Qui l’eut crû ? La photo montre d’ailleurs le poste frontière de Guerguerat à la frontière du Maroc et de la Mauritanie. C’est dire si l’information n’a qu’une importance relative. L’hypothèse du déni se confirme.

Le logo « Afrique » du Monde et le déni du Monde oublient autre chose, ce sont les Marocains de France ! Que vont-ils penser tous ces Franco-Marocains qui s’abreuvent au propalestinisme du Monde, de la gauche, et du gouvernement français depuis de Gaulle? Et que vont penser d’eux leurs compatriotes d’origine algérienne qui campent sur une farouche hostilité à Israël ? Et ceux d’origine tunisienne ? Ça ne va pas être simple. Oh finalement, cette affaire (la paix entre Israël et le Maroc) est un mauvais coup pour tout le monde. Mieux vaut en parler le moins possible. Heureusement, il y a le Covid.

Il faut savoir mourir au temps du Covid…

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Ériger la vie biologique en valeur suprême est une erreur que nous risquons de regretter, selon le nouvel essai décapant d’Alexandra Laignel-Lavastine.


Dans un livre décapant La déraison sanitaire, Alexandra Laignel-Lavastine part en guerre contre le « sanitairement correct ».

J’ai chez moi un très beau livre avec des lettres de résistants fusillés sous l’Occupation: Ils aimaient la vie à en mourir. Ce titre aurait pu être celui du texte d’Alexandra Laignel-Lavastine.

Nous aimons la vie, écrit-elle. Mais aussitôt elle ajoute : « la vie brute n’est pas tout ». Jamais, citons la encore, « nous n’avons été aussi armés médicalement et aussi désarmés moralement ». De confinement en confinement, de masques en masques nous avons accepté, poursuit-elle, de vivre dans un univers carcéral.

Les questions à vous poser pendant le couvre-feu

Qu’est-ce que la vie si l’on n’accepte pas de mourir pour elle ? Qu’est-ce que la vie si pour la préserver on nous somme d’avancer la tête baissée en rasant les murs ? Qu’est-ce que la vie quand elle est hissée au niveau d’un tout absolu et obligatoire ?

A lire aussi, Martin Pimentel: BHL, réac asymptomatique

Toutes ces questions irriguent les pages de La déraison sanitaire. Alexandra Laignel-Lavastine s’insurge contre le « quoi qu’il en coûte » psalmodié par ceux qui nous gouvernent. « Quoi qu’il en coute » c’est beaucoup, beaucoup trop cher. Notre abaissement, notre soumission sont un prix trop élevé que les générations à venir nous reprocherons un jour d’avoir payé.

Alexandra Laignel-Lavastine cite Walter Benjamin qui parle de la « vie nue » érigée – et il y voit une imposture – en valeur suprême. Puis sa plume se fait vengeresse. Voilà, écrit-elle, ce que nous dirons nos enfants. « Vous jouissez de la liberté acquise par nos ancêtres qui sont morts pour elle sur les barricades. Et voilà que vous vous barricadez contre un virus ? ». 

La Déraison sanitaire. 144 pages. Alexandra Laignel-Lavastine. Editions Au bord de l’Eau. 

La Déraison sanitaire: Le Covid-19 et le culte de la vie par-dessus tout

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Touche pas à ma déesse !

C’est une caricature qui a enflammé toute l’Inde, le 19 octobre dernier. Lorsqu’elle publie sur son compte Twitter deux dessins, montrant une femme victime d’un viol et le violeur faisant une offrande à la déesse Durga, Deepika Singh Rajawat ne s’attendait pas à déclencher un tollé national. L’association d’une image sexuelle avec celle de la divinité a été jugée hérétique par les plus ultras des hindous qui ont crié haro sur l’avocate spécialisée dans la défense des femmes victimes d’agressions sexuelles.

Les médias d’extrême droite ont rapidement relayé l’information et réclamé que l’avocate soit traduite en justice pour cette offense.

À lire aussi, Gabrielle Périer: Inde : le joyau de la haine

Faire bouger les mentalités

« Je suis hindoue moi-même, pourquoi irais-je critiquer ma propre foi ? Il s’agissait de faire bouger les mentalités », s’est défendue Deepika Singh Rajawat. Présidente de l’ONG Voice for Right, elle s’est fait connaître avec l’affaire d’Asifa Bano, une fillette musulmane de 8 ans enlevée, violée et assassinée par des hindous. « Ici, de nombreux viols sont commis contre les femmes. Il faut donc célébrer les déesses, mais aussi traiter les femmes avec dignité, toute l’année », a renchéri l’avocate. « Elle a choisi délibérément une déesse hindoue pour sa caricature, pourquoi n’a-t-elle pas pris la Vierge Marie ? » s’agace un internaute. Deepika Singh Rajawat reçoit des menaces de viol. « Mais la police ne me protège pas. Au lieu de cela, je suis accusée sur des bases complètement contraires à la loi », se plaint-elle. Malgré les centaines de fanatiques qui sont venus manifester devant sa résidence, elle refuse d’effacer la caricature. Certains internautes n’ont pas hésité à faire un parallèle entre son cas et celui de Samuel Paty.

Espérons que cela finira mieux pour Deepika.

Touche pas à mon porc!

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Au village des Aldudes, Pierre Oteiza a sauvé de l'extinction le merveilleux porc, reconnaissable à sa tête et à son derrière noirs. Un vrai porc de montagne élevé en plein air et nourri aux châtaignes, aux glands et aux fruits © Gaizka Iroz/AFP

La France ne serait pas la France sans sa charcuterie. Déjà dévoyée par l’industrialisation agricole, la cochonnaille suscite le rejet—parfois violent—de consommateurs musulmans. Heureusement, une bande héroïque d’éleveurs et de charcutiers mène la résistance.


Il y a quelque temps, la revue locale Le Mensuel de Rennes rapportait cette anecdote, que m’a confirmée le grand journaliste et ami Éric Conan, parti profiter de sa retraite bien méritée dans sa Bretagne natale : dans le quartier de Rennes Le Blosne-Italie, situé au sud de la ville, un malheureux Breton qui tenait une crêperie proposant la spécialité locale des galettes à la saucisse a été menacé de mort et sa vitrine taguée ou brisée avec des slogans « cochonophobes » du type « à mort les porcs, on vous saignera ». Il a donc été obligé de vendre sa boutique qui a immédiatement été remplacée par une boucherie hallal. Selon Conan, la municipalité de Rennes, qui du reste a été la première de France à accepter avec empressement le burkini dans ses piscines municipales, n’a évidemment rien fait pour aider ce pauvre artisan… Pire, en matière de soumission, et toujours à Rennes, le chef breton Loïc Pasco n’a pas trouvé mieux, dans la foulée, que de se distinguer en proposant de relever le « défi » (lancé par qui ?) avec une recette de galette sans porc (il a mis une saucisse de veau à la place, pourtant bien moins goûteuse), destinée au service de livraison de plats cuisinés Uber Eats. La genèse de ce type d’affaires, de plus en plus fréquentes sur tout notre territoire (il suffit de tendre l’oreille), est bien décrite dans le livre de poche Histoire de l’islamisation française : quarante ans de soumission (L’Artilleur, 2020).

La charcuterie : une invention française

Sans invoquer Charles Martel et Jeanne d’Arc ni chanter La Marseillaise, rappelons que le porc constitue 99 % de notre charcuterie, qui est une invention française remontant au Moyen Âge (1475), le mot charcutier désignant à l’origine celui qui cuit la chair, en l’occurrence, la viande de porc… Pour notre pape de la charcuterie Joël Mauvigney, meilleur ouvrier de France et président de la Confédération nationale des charcutiers traiteurs (CNCT) – dont la boutique située depuis 1963 à Mérignac, près de Bordeaux, se visite comme une vraie bijouterie, avec ses somptueux fromages de tête et autres pâtés en croûte maison –, « la charcuterie française est unique au monde, il n’y a pas l’équivalent ailleurs, c’est une composante de notre identité culturelle et gastronomique ». Pourquoi donc ceux qui n’aiment pas le saucisson nous obligeraient-ils à ne plus en manger ?

©Wiaz
©Wiaz

En réalité, on ne hait que ce qui nous ressemble : apparu en Asie au début de l’ère tertiaire, juste après la disparition des dinosaures (il y a 66 millions d’années), et domestiqué depuis le Néolithique (9000 ans avant J.-C.), le porc est l’animal le plus proche de l’être humain, puisqu’il possède 95 % de nos gènes ! En médecine et en chirurgie, on utilise d’ailleurs son insuline et même sa valve cardiaque pour faire des greffes. Sur le plan anatomique, Léonard de Vinci l’avait bien constaté : quand on ouvre un porc, ses organes intérieurs sont disposés exactement comme les nôtres…

Le cochon fustigé et célébré à travers le monde

Réputé goinfre, avide, sale, méchant et lubrique par à peu près toutes les religions du monde, ce pauvre animal, pourtant ultra sensible et intelligent, mérite d’être réhabilité ! Dans la mythologie grecque, il est associé à Déméter, la déesse de la fertilité. Chez les Égyptiens, Nout, la déesse du ciel et mère éternelle des astres, est figurée sous les traits d’une truie allaitant sa portée. En Chine et au Vietnam, le cochon est le symbole de l’abondance et de la fécondité. Mais le plus bel hommage jamais rendu au porc est un poème sublime que Paul Claudel écrivit en 1895, dans Connaissance de l’Est et qu’il faudrait obligatoirement faire lire à tous les élèves de France dès le CP. Claudel, quand il arrive en Chine, après avoir renoncé à devenir moine, est subjugué par ce pays « vertigineux, inextricable où la vie n’a pas été atteinte par ce mal moderne : l’esprit qui se considère lui-même et s’enseigne ses propres rêveries. […]. Ici, au contraire, tout est naturel et normal. » Le spectacle des porcs se promenant en liberté au milieu du tohu-bohu des chaises à porteurs le fascine et lui inspire ce texte plein de tendresse, qui nous montre en passant qu’il y avait bien en Claudel un porc qui sommeille (comme il l’avouera plus tard dans sa correspondance avec Jacques Rivière). Que l’on me permette donc d’en citer un extrait, car, pour le porc, avoir un Claudel comme avocat, c’est quand tout de même énorme :

« Je peindrai ici l’image du Porc. C’est une bête solide et tout d’une pièce ; sans jointure et sans cou, ça fonce en avant comme un soc. Cahotant sur ses quatre jambons trapus, c’est une trompe en marche qui quête, et toute odeur qu’il sent, y appliquant son corps de pompe, il l’ingurgite. Que s’il a trouvé le trou qu’il faut, il s’y vautre avec énormité. Ce n’est pas le frétillement du canard qui entre dans l’eau, ce n’est point l’allégresse sociable du chien ; c’est une jouissance profonde, solitaire, consciente, intégrale. Il renifle, il sirote, il déguste, et l’on ne sait trop s’il boit ou s’il mange ; […] il grogne, il jouit jusque dans le recès de sa triperie, il cligne de l’œil. […] Gourmand, paillard ! […] Je n’omets pas que le sang du cochon sert à fixer l’or. »

Tout est bon dans le cochon !

La viande de cochon est moelleuse et subtile, avec des saveurs douces, tendres et fondantes, qui changent selon qu’on la fasse cuire en potée ou en ragoût, qu’elle soit rôtie, grillée, poêlée ou encore sautée, qu’on la serve chaude ou froide. Miel et gingembre, épices et piment d’Espelette la relèvent merveilleusement. Joël Mauvigney nous le confirme, « dans le cochon, tout est bon, sauf peut-être les ongles et les dents… Les oreilles elles-mêmes peuvent être délicieuses, si on les fourre au foie gras. »

Il faut au moins quatre ans de formation pour devenir charcutier

À la tête du Ceproc (Centre d’excellence des professions culinaires), basé à La Villette depuis cinquante ans, Joël Mauvigney s’attache à transmettre sa passion de la charcuterie française à plus de 3 000 apprentis (dont beaucoup sont en phase de reconversion après avoir exercé un autre métier, preuve que la charcuterie est loin d’être morte !). « En France, il y a 6 500 entreprises. Il faut au moins quatre ans de formation pour devenir charcutier. La première chose est de bien connaître les cochons et leur morphologie, pour cela, il faut aller chez les éleveurs et les paysans, observer les animaux et vivre avec. Le cochon doit être élevé en plein air pendant au moins douze mois. Il doit alors peser entre 140 et 200 kilos. En achetant un cochon fermier, nous savons exactement d’où il vient, où il a été élevé, comment il a été nourri et traité. » Joël Mauvigney ne fait pas dans la nostalgie, il ne regrette pas le temps où les cochons étaient abattus à la ferme par le paysan : « C’était terrible ! Dans les abattoirs modernes, au moins, il est endormi avant d’être tué. »

Le charcutier est un intellectuel, on peut le comparer à un chirurgien : il réfléchit avant d’agir. Il connaît par cœur les 450 préparations différentes qui sont recensées dans notre bible. Il sait découper un cochon, et trier tous ses morceaux, un par un. Il sait préparer une sauce et cuire avec précision au degré près. C’est un esthète qui aime mettre en valeur la beauté des produits, les charcuteries d’aujourd’hui sont des bijouteries. « Nous avons été les premiers à respecter les normes d’hygiène les plus élémentaires, en créant des laboratoires d’une propreté absolue. »

Pour ce sage, la préparation du jambon blanc est un incontournable, raison pour laquelle il regrette que seulement 85 % des charcutiers le préparent eux-mêmes, les 15 % restant s’approvisionnant auprès des industriels, ce qui est un scandale. « Un vrai jambon blanc, c’est ce qui permet de juger la compétence d’un charcutier. Il doit être d’un beau rose pâle, moelleux, mais avec des tranches un peu sèches, surtout pas humides et brillantes, ce qui prouve la présence de conservateurs, de gélifiants et d’émulsifiants multiples. » À Paris, on conseillera ainsi la maison Doumbéa, rue de Charonne, qui fabrique le dernier vrai jambon de Paris traditionnel, choisi par des chefs comme Alain Ducasse et Yannick Alléno, et par le boucher Hugo Desnoyer (www.jambondeparis.com).

En France, il y a 50 recettes différentes de boudin noir, selon les régions : c’est un patrimoine unique au monde. 99 % des Français consomment pas loin de 35 kg de cochon par an et affirment ne pas pouvoir renoncer à la charcuterie, qui est pour eux un hymne à la convivialité et au partage. Alors, pourquoi ne dit-on rien quand un malheureux Breton se voit interdit par les barbus de faire des galettes à la saucisse ?

Le poids des porcheries industrielles

Tout cela est bien beau. Mais la réhabilitation du cochon et de tous les métiers qui dépendent de lui passe tout de même par une mise au point : de quel cochon parle-t-on ? En 2000, Le Canard enchaîné publiait un dossier qui, hélas, n’a pas pris une ride : 98 % des porcs français sortent d’une usine… Comme le disait le Canard, « vu les médicaments qu’il avale, le cochon industriel devrait être remboursé par la Sécurité sociale ».

Les premières porcheries industrielles sont apparues au Danemark dans les années 1950, sur le modèle américain, avant d’être copiées partout dans le monde. Qu’on soit donc en Bretagne, en Hollande, ou dans l’Illinois, c’est le même processus. Les races pures locales et anciennes de cochon (cul noir du Limousin, porc gascon, pie noir du Pays basque, porc de Bayeux, porc blanc de l’Ouest, porc nustrale de Corse…) ont été remplacées par des hybrides mis au point par les généticiens, comme le Large White (« larjouit » comme on dit dans les campagnes), un cochon taillé pour l’industrie. Les mères procréent deux fois plus par portée (15 porcelets programmés pour engraisser plus vite et pas cher). À six mois, ils sont prêts pour l’abattoir. Le paradoxe est qu’en grossissant plus, les cochons ont perdu leur graisse (notamment au niveau du lard dorsal qui est la matière noble des fabricants de saucisson sec). Et ne parlons pas du goût qui a totalement disparu ! De quoi donner presque raison aux barbus, non ?

Réhabiliter le porc bien de chez nous, c’est donc défendre la poignée d’éleveurs qui travaillent à l’ancienne, comme Pierre Oteiza qui, en 1989, a sauvé de l’extinction le vrai porc basque élevé en montagne et nourri aux châtaignes, dans les Aldudes, non loin de Biarritz (on compte aujourd’hui 70 éleveurs et 3 000 porcs). Son jambon est plus savoureux que celui de Parme ! On peut aussi citer Pierre Matayron, qui élève de somptueux porcs noir de Bigorre dans le Gers, ou la ferme de Pouloupry, dans les Côtes-d’Armor, où, sur 32 hectares de landes, Antoine Raoul a redonné vie au porc de race Berkshire à robe noire, la plus ancienne race anglaise – Shakespeare en consommait tous les matins pour son breakfast. Des artisans passionnés !

Les restaurants étant fermés jusqu’à nouvel ordre et pour ainsi dire condamnés à mort par un gouvernement qui rêve de nous maintenir en bonne santé en nous conduisant à la pauvreté (qui est la pire des maladies !), il ne nous reste plus qu’à rendre visite aux plus belles charcuteries de France.

En voici quelques-unes :

David Davaine, place du Marché aux poissons, 59500 Douai

Pascal Joly, 89, rue Cambronne 75015 Paris

Maison Dumont, 28, rue de Nemours 35000 Rennes

Pierrick Bougerolle, 42, rue du Marché, 21210 Saulieu

Georges Reynon, 13, rue des Archers 69002 Lyon

Cyrill Strub, 2, rue Pierre-Marie, 57560 Abreschviller

Coralie Delaume, souveraine de sa vie

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Image: capture d'écran YouTube.

Souveraine et souverainiste.


Coralie Delaume est partie hier matin. Elle s’est éclipsée de ce monde qu’elle observait et analysait avec acuité discrètement, sur la pointe des pieds, comme si elle avait peur de déranger en partant si vite. Une politesse qui la caractérisait.

Au mois de janvier, elle apprenait l’existence de son cancer. Une lutte supplémentaire pour cette infatigable combattante, ancien officier de l’armée de terre qui se battait pour ses idées, pour la France et sa souveraineté, prête à engager la lutte à coups d’entraînement rigoureux : un travail exigeant, des connaissances précises qu’elle aiguisait et revisitait sans cesse, des lectures acharnées, un humour ciselé et surtout une indéfectible capacité à s’insurger.

Coralie était une indignée, une vraie, pas une rebelle de salon ou d’opérette qui braille à l’injustice et donne des leçons en vivant sur ses acquis, mais une femme engagée pour la souveraineté, celle du peuple, la seule légitime à ses yeux, pour l’indépendance de la France, pour la défense de sa culture, de son histoire, de son économie et du bien-être de sa population. Ces convictions ont nourri son combat : expliquer les rouages de l’Union Européenne et comment cette institution, froide et bureaucratique, détruit les nations.
Il fallait oser, par conviction, sortir d’un confort professionnel pour devenir blogueuse, puis auteur, puis contribuer par son travail à expliquer l’impasse dans laquelle nous mène l’Europe politique et les rapports que l’Allemagne et la France entretiennent au détriment de cette dernière.

Il ne suffit pas de se proclamer souverainiste pour l’être. Il faut avoir ça dans les tripes et dans la tête. Savoir le sentir et l’intellectualiser. Coralie le faisait si bien que son travail pouvait intéresser aussi bien sa famille politique (c’était une femme de gauche qui détestait les étiquettes) que ceux qui souhaitaient plus simplement s’informer sur l’histoire et les institutions européennes.

Ses analyses, elle les livrait dans les colloques, sur le net, en se forçant un peu d’ailleurs car elle estimait que son travail n’était jamais vraiment achevé, et dans ses livres qu’il nous appartient de lire ou relire tant on s’aperçoit, avec le recul, qu’ils collent à l’actualité : Europe, les États désunis ou Le couple franco-allemand n’existe pas publiés aux éditions Michalon.

C’était aussi une femme de terrain. Les convictions emmènent sur tous les fronts et elle avait lutté avec acharnement contre la privatisation d’ADP en lançant avec David Cayla une pétition qu’elle prenait le temps d’expliquer dans un tour de France, ordinateur en mains pour encourager les signatures. 

Il y a quelques semaines, elle était encore en ébullition, des projets plein la tête, des choses à lire, à digérer, à comprendre afin de les analyser pour informer, décrypter. Le nombre de lectures indigestes que Coralie a pu se « farcir » afin de nous les rendre intelligibles… Des essais interminables, des communiqués de la BCE, des directives alambiquées… Faites un tour dans « la littérature » des commissions européennes et vous allez vite comprendre votre douleur ! Dégager du sens dans le marasme et en dénoncer l’absurdité, c’est une démarche d’aventurier. Coralie était une aventurière : plusieurs métiers, plusieurs passions, mais une fidélité à ses idées et à ses amis intègre.

Au moment où les médecins ne cachaient plus leur pessimisme, elle continuait de bâtir des projets, d’écrire, d’entamer des lectures pour le travail ou le plaisir. Car le plaisir faisait aussi partie de la vie de Coralie qu’on présente toujours avec le sérieux qui s’impose – et qu’elle s’imposait – mais qui n’oubliait jamais de trinquer à la vie, une vie qui ne se réduit pas à soi-même mais qui est marquée par le devoir d’être et d’exister :« Je vais faire comme la petite chèvre de monsieur Seguin. Je vais me bagarrer toute la nuit et à l’aurore, le loup me mangera. De toute façon, tôt ou tard, le loup nous mange tous » avait-elle écrit pour rassurer ceux qui s’inquiétaient pour elle.

Coralie, par excès d’exigence et humilité, avait toujours l’impression de ne pas être vraiment à sa place. Là, je te le dis Coralie, tu n’es vraiment pas à ta place, pas maintenant. Le loup est venu trop tôt. Mais tu lui as aussi joué un tour à ta façon, avoue-le… Il n’a pas tout emporté, il reste ce que tu as semé avec détermination et patience, tes idées, tes livres, tes échanges, ce que tu as su faire naître autour de toi, par un sourire, par un échange. Là aussi est le secret de l’immortalité: être souverain de sa vie.

Il faut avec urgence relire les ouvrages de Coralie Delaume pour éclairer notre perception de l’Europe.

Il faut sans doute compiler la somme de travail qui n’a pas encore été édité.

Il faut faire tant de choses et parfois les faire vite car les existences fauchées si jeunes doivent nous apprendre à combattre sans relâche pour nous aussi pouvoir gruger le loup.

Europe Les Etats désunis

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Le couple franco-allemand n'existe pas

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Référendum sur le climat: le coup d’État bien-pensant

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Emmanuel Macron, le 14 décembre 2020. © Thibault Camus/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22522106_000020

En proposant un référendum sur une révision superflue de la Constitution dans le sens de la protection environnementale, Macron s’offre une forme de légitimation facile au milieu des différentes crises actuelles.


La Charte de l’environnement a consacré en 2004 un droit de l’homme, celui de vivre dans un environnement sain en exigeant de celui qui bénéficie de ce droit qu’il consente aux efforts indispensables qui en découlent. Intégrée au sommet de la hiérarchie des normes, au sein du Préambule de la Constitution, affirmée au même titre que l’attachement du peuple français aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels que définis par la déclaration de 1789, cette charte revêt une valeur tant symbolique que contraignante qui fait obstacle à ce que le législateur et l’exécutif adoptent des mesures qui iraient à l’encontre des objectifs définis.

Sur le fondement de cette Charte, le Conseil constitutionnel a jugé, le 10 décembre 2020, que le législateur devait prendre en compte le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement et qu’il ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Sur le plan juridique, cela s’apparente à un simple rappel 

Au niveau international, la France fait bien évidemment partie de l’accord de Paris de 2015 sur le climat qui a, tout autant, valeur contraignante. C’est sur le fondement de cet accord que, le 19 novembre dernier, le Conseil d’État rappelait à l’ordre le gouvernement s’agissant sur l’engagement pris par la France de réduire de 40% ses émissions de gaz à effets de serre d’ici à 2030.

Que peut-on donc penser alors du projet annoncé par le président de la République, lors de la réunion de la Convention citoyenne pour le climat, d’une révision constitutionnelle visant à introduire « les notions de biodiversité, d’environnement, de lutte contre le réchauffement climatique » à l’article premier de la Constitution ? Qu’il entend consacrer des principes déjà protégés tout en assortissant d’aucune mesure concrète pour le climat ou l’environnement les objectifs annoncés. Le projet de révision constitutionnelle annoncé ne s’apparente qu’à un simple rappel surabondant de vœux pieux.

Affirmons-le d’emblée, sur le plan juridique, la mesure envisagée n’apportera absolument rien. Tout existe déjà et les notions dont l’introduction est envisagée à l’article premier bénéficient déjà d’une garantie concrète tant par le Conseil constitutionnel que par le Conseil d’État. Inutile, l’adjonction du terme « climat » à l’article premier de la Constitution l’est également au regard de la convention citoyenne pour le climat, assemblée instituée pour formuler des propositions concrètes destinées à lutter contre le réchauffement climatique. Si la seule chose qui ressort des travaux de cette convention est la volonté d’introduire dans la Constitution l’objectif qui lui était assigné, on peut réellement douter de l’intérêt cette convention. La convention pour le climat propose donc d’inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution. Tout ça pour ça.

Un dévoiement du référendum

Enfin, cette proposition est curieuse et semble dévoyer le principe même du référendum et celui de la révision constitutionnelle. Lorsqu’il est appelé aux urnes, le peuple français se voit proposer un projet de modification des institutions (une Constitution étant avant tout un texte qui régit le fonctionnement des pouvoirs publics), que ce soit l’élection du président de la République au suffrage universel ou la réduction du mandat présidentiel. Jamais on n’a vu le peuple être consulté pour répondre à des bons sentiments. Considérons alors la volonté d’ajouter le mot « climat » à l’article premier de la Constitution pour ce qu’elle est : un bon coup de pub.

Il n’est pas encore gagné aujourd’hui qu’un référendum puisse se tenir. Juridiquement, pour qu’une modification de la Constitution puisse être soumise au référendum, il faut que les deux chambres, Assemblée nationale et Sénat, se mettent d’accord sur un texte identique. Si le Sénat joue son rôle de contre-pouvoir ou d’opposant politique, il n’est pas certain que la question soit soumise au suffrage des électeurs. Ce faisant, le président de la République a d’ores et déjà gagné son pari politique en se plaçant sur un terrain facile, celui de l’environnement, réduisant ainsi toute opposition à devoir, de facto, dire non au climat. En sollicitant la tenue d’un référendum (sans portée juridique) sur un sujet on ne peut plus consensuel et facile, le président de la République utilise les institutions de la Ve République pour s’octroyer une légitimation bienvenue après la crise des gilets jaunes, pendant celle du virus et avant l’échéance présidentielle.

Nafissatou Diallo : et si elle avait été en France?

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Nafissatou Diallo. © Capture d'écran Netflix.

Le remarquable et équilibré documentaire de Jalil Lespert « Chambre 2806: l’affaire DSK » nous a fait revenir au mois de mai 2011.


Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire International (il a été nommé en 2007), au faîte de ses espérances présidentielles pour la France, l’une des personnalités les plus puissantes et influentes dans le monde, est interpellé dans un avion alors qu’il s’apprêtait à quitter New York.

On peut éliminer de suite les prétendues manigances tenant à un complot sarkozyste qui aurait mis en place un piège à New York !

Un sentiment d’injustice

Nafissatou Diallo, femme de chambre au Sofitel, a porté plainte contre lui pour agression sexuelle dans la suite présidentielle qu’il occupait, selon des modalités ne laissant pas présumer un consentement.

L’arrestation de DSK, le processus policier et judiciaire, caractérisé notamment par sa marche humiliante, selon une pratique américaine constante, face à une multitude de journalistes, puis, plus tard, à des manifestantes féministes s’en prenant au « violeur », sa mise en détention suivie de sa libération et de son assignation à résidence très stricte, avec son épouse Anne Sinclair qui l’avait rejoint pour le soutenir et organiser cette nouvelle vie, sont dans toutes les mémoires.

J’ai éprouvé un sentiment d’injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès

Ces images, ces épreuves, cette procédure ont évidemment impressionné les Français, d’abord à cause de ce hiatus brutal entre un destin de privilégié promis à la gloire et la réalité d’une chute semblant mettre fin à tout et ayant des effets considérables bien au-delà du camp socialiste.

Le documentaire a décrit clairement, à l’aide de séquences déjà vues mais qui rassemblées avaient un impact incomparable, les étapes d’une décision ayant exclu toute poursuite de la part de l’accusateur américain – à cause, selon lui, du manque de crédibilité de la plaignante. La compensation octroyée plus tard à Nafissatou Diallo a atteint la somme d’1,5 million de dollars.

J’ai éprouvé un sentiment d’injustice face à cet abandon de la poursuite et, sans être original, je veux bien croire que la condition de femme noire socialement modeste de Nafissatou Diallo a été le ressort principal de refus du procès. On est frappé par la persévérance, voire l’acharnement avec lesquels la justice américaine s’est seulement attachée à mettre en évidence les mensonges de la plaignante sur son passé et les motifs de sa venue aux USA, sans cibler ce qui aurait été l’essentiel pour nous : les faits s’étant déroulés dans la chambre 2806 ; avec les traces, indices, preuves et désordre susceptibles de créer ou non l’adhésion au récit de Nafissatou Diallo. L’aurait-on décidé que son sort en aurait été radicalement modifié.

En France, le droit à un procès équitable

Si Nafissatou Diallo avait été violée en France et si elle avait déposé plainte, une information aurait été obligatoirement ouverte et les charges établies, le mis en examen – DSK, pour poursuivre la comparaison – aurait été renvoyé devant la cour d’assises de Paris.
Lors des débats, il est vraisemblable qu’on aurait pu questionner le passé de la victime, les imprécisions de son discours, le vague de ses propos ou le flou de son récit mais cette vigilance nécessaire n’aurait pas forcément altéré toute sa crédibilité. La cour d’assises aurait dû apprécier si sa qualité de victime était atteinte ou non par certains de ses comportements antérieurs. Et tout cela dans le cadre d’un procès.
Nafissatou Diallo n’aurait pas été soumise au décret presque arbitraire d’un procureur américain exagérant ses maladresses ou ses mensonges, en les analysant automatiquement comme la démonstration de sa mauvaise foi pour sa narration des agissements qu’elle disait avoir subis.

Nous sommes donc en France.

DSK est accusé et Nafissatou partie civile. Débat passionnant et contradictoire. Avec si possible une présidence de qualité et des jurés exemplaires. Le premier et la seconde questionnés sans complaisance. Et un arrêt rendu après un très long délibéré.

Quid de la version de Dominique Strauss-Kahn ?

Cette justice-fiction nous aurait fait échapper à un triple malaise.

L’entretien ridicule et totalement dénué de spontanéité entre DSK et Claire Chazal sur TF1 avec seulement l’aveu d’une attitude « inappropriée ».

À lire aussi, Alexis Brunet : DSK m’a tuer

DSK nous annonce qu’il donnera sa version des faits dans un biopic qui sera diffusé dans le courant de l’année prochaine. Je parie qu’il sera question d’argent. Pourquoi si tard ? Ce n’est pas que l’impatience nous tenaille mais tout de même !

Enfin, cet homme intelligent déclare qu’il ne voit pas où serait le problème entre des responsabilités publiques et une vie de libertinage organisé (un euphémisme). Inquiétant sur sa perception des choses. Comme si la morale était divisible !

Nafissatou Diallo certes pleure beaucoup dans le documentaire mais je crois que la justice américaine, en ne la ménageant pas, lui en a donné l’occasion.

Si elle avait été en France, quel changement !

Télérama: sur le toit du monde progressiste

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Caroline de Haas et Rokhaya Diallo, deux égéries du progrès mises en avant par Télérama.©Alain ROBERT/SIPA-IBO/SIPA Numéros de reportage : 00879178_000007, 00839612_000024

L’hebdomadaire culturel propose des numéros de plus en plus riches, de plus en plus savants et progressistes.


Le magazine Télérama n’est pas un simple hebdomadaire télé. Il est aussi, selon Fabienne Pascaud, sa directrice de la rédaction, un magazine culturel. Et il est de plus en plus un magazine culturel à la pointe de tous les progressismes qui progressent.

Un très récent numéro (n° 3697) semblait avoir atteint le sommet en matière de contenus progressistes. La page de couverture et un dossier complet étaient consacrés au philosophe humaniste Lilian Thuram et à son concept de « pensée blanche » reposant sur trois anecdotes de cour de récréation et de vestiaires.

À lire aussi, Benjamin Nolange: Pour Lilian Thuram, tout blanc est un raciste qui s’ignore

Plus loin, un article présentait « l’alphabet du genre inclusif-ve » inventé par un étudiant de la Haute école d’art et de design de Genève et censé simplifier l’apprentissage et l’utilisation de l’écriture dite inclusive, laquelle était utilisée par le journaliste pour vanter ce nouveau charabia. Plus loin encore, dans le même numéro, deux pages étaient consacrés à l’égérie de l’antiracisme racialo-raciste à la mode des campus américains, Rokhaya Diallo. Les témoignages poignants de Maboula Soumahoro et d’Alice Coffin contrebalancèrent facilement celui du journaliste de Médiapart Jérôme Confavreux qui n’en revenait pas d’avoir dû passer par « l’agente américaine » de Mme Diallo pour pouvoir travailler avec elle.

Une du magazine Télérama du 21 novembre 2020.©D.R
Une du magazine Télérama du 21 novembre 2020.©D.R

Rééducation féministe avec Caroline De Haas

Mais Télérama n’avait pas l’intention d’en rester là. Le magazine a profité pendant de nombreux mois du concours d’une société promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes. Egaé, la société en question, a été co-créée et est co-dirigée par Caroline De Haas. Elle a pour ambition de « percuter l’illusion de l’égalité », cette illusion bien française qui nuit au recul « des stéréotypes, des préjugés et des idées reçues. » Grâce à un carnet d’adresses construit pendant ses riches années d’activité syndicale, politique et ministérielle, Caroline De Haas rééduque essentiellement les agents de services publics – ministères, fédérations sportives, mairies ou préfectures. Mais elle redresse aussi, à l’occasion, les employés d’organes de presse, Médiapart, Le Monde et… Télérama.

Après quelques séances de sensibilisation à l’égalité, à la déconstruction des stéréotypes et à l’éducation non-sexiste, les journalistes de Télérama rendent en ce moment même leur mémoire de fin d’études égalitaires et déconstructivistes. C’est le dernier numéro du magazine (n° 3700). Cela commence par l’entretien d’un spécialiste québécois du féminisme, Francis Dupuis-Déri. En gros : il y a eu des progrès mais pour ce qui est de « la répartition des tâches parentales, des tâches domestiques ou du temps libre au sein d’un couple hétérosexuel », c’est pas encore ça. La « crise de la masculinité » – dont Télérama souligne qu’il n’y a plus « besoin d’aller la chercher à l’extrême-droite » (sic) – est « une stratégie de résistance d’un patriarcat bien ancré » que M. Dupuis-Déri confesse utiliser parfois pour échapper aux tâches domestiques. « Je suis loin d’être parfait », reconnaît-il. Il avoue avoir « examiné [ses] comportements passés » et en avoir tiré de très sévères conclusions. Ce laborieux travail de sociologie déconstructiviste auto-analytique l’a conduit à la réflexion supersonique suivante : « Les hommes ne sont pas en crise, ils font des crises. »

Une du magazine Télérama du 9 décembre 2020.©D.R
Une du magazine Télérama du 9 décembre 2020.©D.R

Déboulonner les codes de la masculinité

Quelques pages plus loin, un article est intitulé « Regarde les hommes changer. » Il s’agit des portraits de différents jeunes hommes qui « déboulonnent les codes d’une masculinité virile et dominatrice. Et inventent de nouvelles façons d’être des hommes. » Les « hommes » en question sont « des garçons différents » qui modifient leur « rapport à la séduction ou aux tâches ménagères. » Un de ces déboulonneurs anime des ateliers dans les collèges, les maisons d’enfants (sic) ou les prisons : « Les gens de banlieue ou de la campagne ne sont pas idiots. » Et ils n’ont pas l’intention de le devenir, donc : au large, jeune « homme » !

La page 45 du même numéro ouvre un nouveau chapitre : « La misandrie s’affirme dans les milieux féministes. Un rejet masculin revendiqué comme une étape radicale mais nécessaire pour la libération des femmes. » Un enseignant à Paris 8 dénonce le « sexisme systémique subi par les femmes ». Alice Coffin et Pauline Harmange sont soutenues par l’historienne Christine Bard qui voit dans cette misandrie un juste combat contre le… patriarcat. Il est promis un « outil de pensée et de déconstruction » pour se « construire contre les hommes ». Page 47, un dessin représentant une femme dégustant un pénis qu’elle porte en collier révèle idéalement l’esprit dans lequel a été écrit l’ensemble de ce numéro spécial de Télérama.

Illustration et commentaire de la page 47 du numéro du 9 décembre de Télérama. © D.R
Illustration et commentaire de la page 47 du numéro du 9 décembre de Télérama. © D.R

Homme viril = fasciste 

Enfin, le dernier dossier s’intitule « Virilité et imagerie fasciste ». Les journalistes ont choisi Julien Rochedy, ex-cadre du FN ( il fallait le préciser !), pour illustrer les dérives « viriles » d’un club masculiniste dont l’ensemble des adhérents tient dans une cabine téléphonique. Au moins cela aura-t-il permis de conclure en établissant ce que dans certains milieux féministes haassiens on appelle un beau continuum : homme, patriarcat, domination, fascisme. CQFD.

À lire aussi, Yves Mamou: « Le Monde », Israël et le Maroc… parlons en le moins possible, j’ai mal à la tête!

« Le progrès remonte à la plus haute Antiquité, disent certains. D’autres affirment que l’avenir lui appartient. Rares sont ceux qui doutent de son existence. Il est convenu que rien ne l’arrête. Et même qu’il sait où il va. Il est apparemment le seul. » (Alisandre Violette)

Ce que cache la une du « Time » avec Assa Traoré

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Madame Traoré à Beaumont sur Oise le 19 juillet 2020 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 00973238_000002

Assa Traoré en une de Time: black panther et soft power


Le choix de la militante Assa Traoré comme personnalité en couverture par le magazine américain Time s’inscrit dans une politique à long terme de séduction des Français d’origine musulmane. Cette politique est paradoxalement relayée par une gauche traditionnellement anti-américaine.

En 2019, en France, 19 personnes ont été tuées par la police. A situation comparable, les Etats-Unis, cinq fois plus peuplés, auraient dû compter cette année-là 95 décès imputables aux forces de l’ordre. Selon les chiffres compilés par le Washington Post, il y en a eu 1010, c’est à dire dix fois plus.

Cet écart hallucinant n’a pas empêché le magazine américain Time d’asséner à la France une pénible leçon sur le thème des violences policières à caractère raciste, tout au long d’un article publié le 12 décembre. L’édition Europe-Proche Orient du magazine affichait en couverture Assa Traoré, catapultée Personnalité de l’année, présentée comme l’égérie d’un combat sacré pour le respect de la vie des « racisés ».

Une clientèle américanophile constituée dans les banlieues françaises

Les critères de choix des « Person of the year » du Time ne sont pas publics, mais défendre l’idée que la France est un pays viscéralement raciste, manifestement, ne peut pas nuire.

Voilà quinze ans que l’intelligentsia américaine progressiste – dont la rédaction de l’hebdomadaire new-yorkais est la quintessence – soutient, forme et finance les porte-parole d’un discours victimaire, formaté pour les jeunes noirs et arabes.

A lire, enquête: La vérité sur l’affaire Adama Traoré

Les Wikileaks contiennent des télégrammes diplomatiques éloquents à cet égard. Ils décrivent comment l’ambassade américaine à Paris a pensé faire d’une pierre deux coups, après les émeutes ayant secoué nos banlieues en 2005. L’ambassadeur américain Charles Rivkin voulait choyer les Français de culture musulmane, afin de se constituer une clientèle américanophile, et espérait aussi regagner un peu du crédit perdu dans le monde arabe suite à l’invasion de l’Irak en 2003. L’ambassade n’a pas lésiné. Elle a organisé une rencontre entre des jeunes de Seine-Saint-Denis et la star Samuel Jackson en 2010. Elle a appuyé la publication d’un très long article sur le Bondy Blog dans le New York Times en 2015. Elle a donné une grande latitude à son attaché culturel du consulat de Lyon, Victor Vitelli, pour travailler à « la promotion des minorités ». Le tout était complété par une réorientation de programmes plus anciens comme les « Young Leaders » de la French American Foundation, en direction des minorités visibles. Rokhaya Diallo en a profité en 2010.

L’ONG US Ashoka en soutien de Coexister

Les riches organisations non-gouvernementales américaines sont venues en renfort.

En 2016, l’Alliance Citoyenne, organisatrice de l’opération burkini dans les piscines de Grenoble l’an dernier, a reçu 80 000 dollars de l’Open society Foundation de Georges Soros. Coexister n’a pas été oubliée. Obsédée par l’islamophobie, l’association de «  management interconvictionnel » a été couvée par le réseau Ashoka. Discrète, cette ONG financée par des grandes entreprises américaines a un objet social assez flou : former des « entrepreneurs du social ». En termes plus concrets, il s’agit de coacher des relais d’opinion et des lobbyistes, intervenant en général à la frontière du public et du privé. Samuel Grzybowski, fondateur de Coexister, a été Ashoka Fellow en 2016. A ce titre, de l’aveu de sa présidente, Radia Bakkouch, l’association Coexister a bénéficié d’un accompagnement poussé, pendant des mois. Ashoka ne verse pas d’argent, mais apporte une expertise précieuse. L’organisation travaille en finesse. La sélection des « fellows » est beaucoup moins grossière que celle du Time. Leurs parcours sont très variés et ils sont généralement de bon niveau. Assa Traoré n’a pas le profil. Stéphane de Freitas, oui. Ce cinéaste est à l’origine du projet Eloquentia, un concours d’éloquence à destination des jeunes, visant à mettre ceux des cités en valeur. Ce n’est écrit nulle part aussi clairement, mais le compte-rendu de la finale 2019 par le Bondy Blog se passe de commentaire à cet égard.

A lire aussi, du même auteur: Coexister: touchée, mais pas coulée

Il n’y a aucune raison de penser que ce travail d’influence fort professionnel s’arrêtera dans les mois qui viennent. Il va finir par créer une situation inédite sur le plan politique pour la présidentielle et les législatives de 2022.

Pleine de tendresse pour les indigénistes, prête à accueillir Assa Traoré, la France insoumise va finir par arriver au scrutin avec l’image d’un parti noyauté par Washington !

Nos élus et l'islam

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Mon Covid à Barcelone

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Riccardo De Capitani / Unsplash

Benoît Barthes est Français, et vit à Barcelone — il y a pire comme destin. Je lui ai demandé de se présenter, il y a consenti avec une sobriété qui force l’admiration : « Ex-parisien vivant à Barcelone depuis 8 ans, un demi-siècle au compteur, je suis ce qu’on appelle très vaguement un apporteur d’affaires, c’est-à-dire que j’apporte des affaires pour une poignée d’entreprises françaises dans le domaine de l’ingénierie industrielle. La littérature est ma passion, j’aime lire et j’aime écrire, et tout compte fait, c’est une raison d’être suffisante. » Je le rejoins, sur cette dernière phrase, en tous points.

Je le savais dans la capitale catalane, pour laquelle j’ai un goût très vif. L’idée de lui demander de nous narrer la survie de cette grande ville en ces temps d’épidémie s’imposa d’elle-même.
Jean-Paul Brighelli

« L’été dernier nous avons découvert une Barcelone inédite : il n’y avait pas de touristes. Chose inouïe, on pouvait traverser la Ciutat Vella en vélo à toute allure alors que d’ordinaire la foule compacte qui la gorge tout entière six mois de l’année sur douze et déambule comme une lave lente dans l’entrelacs de ses ruelles en écoutant les clichés approximatifs des guides formés sur Wikipédia, décourage les Barcelonais de s’y aventurer ne serait-ce que pour une brève course. La Cathédrale et son parvis cessèrent de servir d’arrière-plan à des centaines de milliers de selfies journaliers, on pouvait y pénétrer sans avoir à faire la queue sous le cagnard et visiter enfin ce beau morceau d’histoire gothique dédiée à la patronne de la ville, sainte Eulalie. Même les opposants au tourisme les plus déterminés (et ils ne se sont pas privés de se faire entendre ces dernières années allant jusqu’à bloquer l’accès de la Sagrada Familia au cri de « Tourists Go Home ! ») n’auraient osé imaginer pouvoir un jour lire tranquillement au Parc Güell au son des oiseaux et du froufrou des feuillages, face au panorama urbain que termine l’horizon d’une Méditerranée scintillante. Ce parc conçu précisément comme un sanctuaire de silence et de quiétude, forêt incrustée dans la ville et sertie des céramiques de Gaudi, s’est transformé en quelques années en un parc d’attraction bondé compromettant non seulement le silence mais le désir de s’enfouir dans la nature pour s’y rencontrer soi-même. Lire au Parc Güell en été, susurrer des douceurs à l’oreille de sa bien-aimée sur un des bancs de céramiques ceignant la célèbre esplanade, examiner sa vie, ses amours, ses tracas, ses espoirs, au cours d’une promenade solitaire parmi les arbres, tout cela était devenu aussi incongru que, je ne sais, jouer une sonate de Schubert sur le pas de tir de la fusée Ariane au moment de son lancement, par exemple, ou travailler sa voix de soprano à côté des chutes du Niagara. Et ceux qui y enseignaient le yoga dans quelque recoin à peu près épargné par les troupeaux de visiteurs ne tardaient pas à replier leurs tapis en raison du passage incessant des vendeurs à la sauvette fuyant les policiers.

Image: Creative Commons

« Et les Ramblas, ces fameuses Ramblas décrites dans tous les guides touristiques comme un des lieux les plus pittoresques de la ville et dont on se demande bien pourquoi la terre entière vient y traîner ses tongs vu qu’on n’y trouvera plus un seul Barcelonais prenant son vermouth de 19 h sous les arbres de l’allée centrale, le Covid les rendit enfin praticables. Il nous avait frayé le passage, on y circulait à pied, en vélo, en voiture, comme dans un patelin paisible aux trottoirs parsemés d’un mélange d’excitation et d’étonnement et le sentiment paradoxal de découvrir une cité interdite.

« Les plages elles aussi redevinrent des plages. Finis ces dépotoirs des années antérieures qui nous faisaient préférer des baignades à quelques encablures de la capitale catalane, là où l’on est sûr que le touriste ne viendra pas vider sa vessie d’insatiable buveur de mojito. On put étendre nos serviettes sur du sable propre et nager dans des eaux limpides que même les méduses, sans doute déçues de ne pas trouver le long des cinq km de plages barcelonaises leurs doses habituelles de contaminants de toutes sortes et de pisse mêlée de shit, de cocaïne, de vodka, de biè̀re, décidèrent pour une fois de bouder. Ce fut un été sans méduses et sans canettes sur le sable, coup dur pour les manteros, ces vendeurs ambulants d’origine pakistanaise et africaine qui sillonnent le sable à longueur de journée sous le soleil, les bras chargé de paréos et de sacs remplis de glaçons et de bières et criant sans relâche leurs marchandises dans un anglais tout juste reconnaissable.

« Ô Covid, si tu n’étais pas aussi meurtrier je chanterais tes louanges ! Grâce à toi, mon été barcelonais fut un été sans regret. Et dieu sait pourtant si j’avais de bonnes raisons de pester contre toi qui m’avais, à l’occasion du premier confinement, infligé une saignée des plus rudes dans ma trésorerie de travailleur free-lance. Il y avait tant de choses à déplorer à cause de ce fichu virus qu’on n’osait se féliciter trop ouvertement d’une sorte de libération. Et pourtant qui pouvait sans hypocrisie regretter l’absence de touristes cet été à Barcelone ? La vache à lait qu’ils représentent n’est guère une vache sacrée pour ses habitants qui ont vu peu à peu leur ville se laisser dévorer par un organisme tentaculaire nécessitant pour sa croissance de se nourrir de possessions locales : des appartements, des bars, des commerces des rues, des quartiers, des plages, une portion entière de la cité — son cœur même.

A lire aussi: Causeur: Un été sans touristes

« Mais la saison touristique a passé et ces réjouissances inavouables n’ont plus lieu d’être maintenant que Covid le Conquérant a installé ses quartiers d’hiver dans notre ville refroidie. Sous la baguette du gouvernement de Catalogne, Barcelone compose avec l’ennemi campant en son sein. Après un confinement automnal des plus stricts, à peu près semblable au premier, la capitale catalane a rouvert ses salles de spectacles, ses bars, ses restaurants avec des conditions infiniment contraignantes. La ville, toque de queda (couvre-feu) oblige, ferme les yeux à vingt-deux heures, si bien que les restaurants dans leur grande majorité ne prennent pas la peine d’ouvrir le soir et se contentent d’un seul service en mi-journée. Vingt-deux heures, c’est le moment où, en temps normal, les restaurants commencent à faire le plein ici. Quant à ceux qui résistent malgré tout, leurs tables restent majoritairement inoccupées : le protocole sanitaire stipule une limitation de la fréquentation et de toute façon bien des clients frustrés à l’idée de devoir chronométrer leur sortie vespérale, choisissent de rester chez eux.

« Tout semble fait d’une manière générale pour décourager les consommateurs sans désespérer les commerces. On freine et on incite, sans quitter des yeux l’indicateur-clé, ce fétiche nommé tasa de incidencia (taux d’incidence). C’est de lui que dépendent tous les ajustements régaliens du gouvernement catalan. Les chiffres étant ce qu’ils sont, il y a fort à craindre que les restrictions perdurent : toque de queda à 22 h, interdiction de sortir de Barcelone le week-end, interdiction de franchir les frontières de la Catalogne le reste du temps, centres commerciaux et boîtes de nuit fermés, limitation du taux de fréquentation de tout établissement destiné à recevoir du public, lieux de culte soumis aux mêmes restrictions…

« Pour l’heure aucun des grands noms de la restauration barcelonaise ne se risque à proposer un menu spécial Noche Vieja (réveillon du Nouvel An), et si la Mairie de Barcelone a daigné orner les rues de ses illuminations rituelles, elles brilleront davantage au moment de quitter 2020 dans le silence des rues désertes, sous nos fenêtres de Barcelonais confinés. »

Benoît Barthes

« Le Monde », Israël et le Maroc… parlons en le moins possible, j’ai mal à la tête!

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L'immeuble du journal le Monde à Paris © RICCARDO MILANI / HANS LUCAS

Le journal Le Monde a pratiquement passé sous silence l’accord de paix signé entre le Maroc et Israël. Un oubli certainement motivé par l’idéologie du fameux « journal de référence ».


La newsletter du journal Le Monde en date du vendredi 11 décembre 2020, cette newsletter que tous les abonnés reçoivent à domicile ou au bureau, et qui recense l’ensemble des sujets qu’un honnête homme doit connaître, ne dit pas un mot de l’accord de paix Maroc – Israël, ni du rôle joué par Donald Trump. Rien ! Nada ! La Covid en France et dans le monde, le plan de relance européen, Trump sur le départ, la condamnation de Gaston Flosse, les déplacés de Tessit au Mali, la mise en examen du milliardaire Jimmy Lai à Hong Kong, les espèces animales menacées, l’Euro de Handball et quelques autres sujets mineurs… Mais le Maroc et Israël ? Rien !

Fétiches idéologiques

S’agirait-il d’un oubli ? En principe, dans la hiérarchie de l’information d’un grand quotidien, un accord de ce type évoque FORCÉMENT quelque chose ! Des larmes ou des rires, mais pas rien. Première interprétation: l’information dérange. Elle ne fait pas plaisir. Alors, on l’oublie. C’est en effet une souffrance pour un progressiste français de devoir renoncer à ses fétiches idéologiques. Et les Palestiniens, ce « peuple » que le Monde cajole, plaint, victimise depuis cinquante ans est un fétiche qui perd chaque jour un peu plus de consistance. Pour autant que je me souvienne – j’ai passé 23 ans au Monde -, les journalistes n’en ont jamais eu que pour eux. Tous étaient persuadés que les Israéliens avaient assassiné Mohamed al Durah et procédaient à des opérations quotidiennes de nettoyage ethnique en Cisjordanie. J’ai avoué une fois à un collègue que j’avais passé des vacances à Tel Aviv. Ledit collègue – un garçon d’une gentillesse peu commune – a ouvert la bouche et a eu le souffle coupé comme si je lui avais donné un direct dans l’estomac. Si j’avais dit l’Iran ou la Corée du Nord, il aurait certainement été intéressé. Mais Israël relevait pour lui de l’impensable. Une figure du mal peut être ?

L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible?

Si le non-traitement de l’accord Israël-Maroc n’est pas d’un oubli, c’est qu’il y a refus.

Sommes-nous arrivés à ce tournant historique où un journal gomme l’actualité parce que cette actualité ne cadre pas avec la vision du monde de ses journalistes ? L’accord Israël-Maroc est-il si regrettable qu’il soit préférable d’en retarder la communication au lecteur le plus longtemps possible ? Impensable ! Mais en cette période de Me too, de George Floyd et de woke, l’hypothèse n’est pas à écarter.

Sortir du déni

Le déni offre une perspective intéressante. Le déni est un refus pathologique de la réalité. Voir le monde arabe embrasser des Israéliens serait-il insupportable à des journalistes du Monde ? Comment accepter que ce monde arabe que Le Monde a cajolé, victimisé, excusé des décennies durant, comment accepter sa soudaine versatilité ? Comment comprendre le revirement de tous ces dirigeants qui ont expliqué qu’une douleur insensée les saisissait à l’idée de partager une terre d’islam avec des Juifs en position souveraine, et signent un accord de paix avec Israël ? Aussi facilement qu’une personne enrhumée jette un mouchoir en papier !

Car enfin, il se montre bien vénal ce monde arabe. Quoi, il aurait suffi d’une petite reconnaissance des droits du Maroc sur le Sahara occidental riche en phosphate, et que les Américains sortent leur carnet de chèques diplomatique pour que les « Palestiniens », un vocable qui a nourri politiquement et affectivement la gauche européenne depuis cinquante ans, passent à la trappe ?

L’info refourguée dans les pages “Afrique”

Il y a là en effet, quelque chose d’insupportable.

Après vérification, – ô soulagement ! – Le Monde a tout de même consacré un article à l’accord Israël- Maroc en page intérieure.  Mais au-dessus de l’article, il y a le logo « Afrique ». Une manière de dire que le Maroc et Israël, c’est une affaire régionale africaine. Tiens ! Qui l’eut crû ? La photo montre d’ailleurs le poste frontière de Guerguerat à la frontière du Maroc et de la Mauritanie. C’est dire si l’information n’a qu’une importance relative. L’hypothèse du déni se confirme.

Le logo « Afrique » du Monde et le déni du Monde oublient autre chose, ce sont les Marocains de France ! Que vont-ils penser tous ces Franco-Marocains qui s’abreuvent au propalestinisme du Monde, de la gauche, et du gouvernement français depuis de Gaulle? Et que vont penser d’eux leurs compatriotes d’origine algérienne qui campent sur une farouche hostilité à Israël ? Et ceux d’origine tunisienne ? Ça ne va pas être simple. Oh finalement, cette affaire (la paix entre Israël et le Maroc) est un mauvais coup pour tout le monde. Mieux vaut en parler le moins possible. Heureusement, il y a le Covid.

Il faut savoir mourir au temps du Covid…

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Alexandra Laignel-Lavastine Photo: capture d'écran France.tv

Ériger la vie biologique en valeur suprême est une erreur que nous risquons de regretter, selon le nouvel essai décapant d’Alexandra Laignel-Lavastine.


Dans un livre décapant La déraison sanitaire, Alexandra Laignel-Lavastine part en guerre contre le « sanitairement correct ».

J’ai chez moi un très beau livre avec des lettres de résistants fusillés sous l’Occupation: Ils aimaient la vie à en mourir. Ce titre aurait pu être celui du texte d’Alexandra Laignel-Lavastine.

Nous aimons la vie, écrit-elle. Mais aussitôt elle ajoute : « la vie brute n’est pas tout ». Jamais, citons la encore, « nous n’avons été aussi armés médicalement et aussi désarmés moralement ». De confinement en confinement, de masques en masques nous avons accepté, poursuit-elle, de vivre dans un univers carcéral.

Les questions à vous poser pendant le couvre-feu

Qu’est-ce que la vie si l’on n’accepte pas de mourir pour elle ? Qu’est-ce que la vie si pour la préserver on nous somme d’avancer la tête baissée en rasant les murs ? Qu’est-ce que la vie quand elle est hissée au niveau d’un tout absolu et obligatoire ?

A lire aussi, Martin Pimentel: BHL, réac asymptomatique

Toutes ces questions irriguent les pages de La déraison sanitaire. Alexandra Laignel-Lavastine s’insurge contre le « quoi qu’il en coûte » psalmodié par ceux qui nous gouvernent. « Quoi qu’il en coute » c’est beaucoup, beaucoup trop cher. Notre abaissement, notre soumission sont un prix trop élevé que les générations à venir nous reprocherons un jour d’avoir payé.

Alexandra Laignel-Lavastine cite Walter Benjamin qui parle de la « vie nue » érigée – et il y voit une imposture – en valeur suprême. Puis sa plume se fait vengeresse. Voilà, écrit-elle, ce que nous dirons nos enfants. « Vous jouissez de la liberté acquise par nos ancêtres qui sont morts pour elle sur les barricades. Et voilà que vous vous barricadez contre un virus ? ». 

La Déraison sanitaire. 144 pages. Alexandra Laignel-Lavastine. Editions Au bord de l’Eau. 

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Touche pas à ma déesse !

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Caricature de Deepika Singh Rajawat. © D.R

C’est une caricature qui a enflammé toute l’Inde, le 19 octobre dernier. Lorsqu’elle publie sur son compte Twitter deux dessins, montrant une femme victime d’un viol et le violeur faisant une offrande à la déesse Durga, Deepika Singh Rajawat ne s’attendait pas à déclencher un tollé national. L’association d’une image sexuelle avec celle de la divinité a été jugée hérétique par les plus ultras des hindous qui ont crié haro sur l’avocate spécialisée dans la défense des femmes victimes d’agressions sexuelles.

Les médias d’extrême droite ont rapidement relayé l’information et réclamé que l’avocate soit traduite en justice pour cette offense.

À lire aussi, Gabrielle Périer: Inde : le joyau de la haine

Faire bouger les mentalités

« Je suis hindoue moi-même, pourquoi irais-je critiquer ma propre foi ? Il s’agissait de faire bouger les mentalités », s’est défendue Deepika Singh Rajawat. Présidente de l’ONG Voice for Right, elle s’est fait connaître avec l’affaire d’Asifa Bano, une fillette musulmane de 8 ans enlevée, violée et assassinée par des hindous. « Ici, de nombreux viols sont commis contre les femmes. Il faut donc célébrer les déesses, mais aussi traiter les femmes avec dignité, toute l’année », a renchéri l’avocate. « Elle a choisi délibérément une déesse hindoue pour sa caricature, pourquoi n’a-t-elle pas pris la Vierge Marie ? » s’agace un internaute. Deepika Singh Rajawat reçoit des menaces de viol. « Mais la police ne me protège pas. Au lieu de cela, je suis accusée sur des bases complètement contraires à la loi », se plaint-elle. Malgré les centaines de fanatiques qui sont venus manifester devant sa résidence, elle refuse d’effacer la caricature. Certains internautes n’ont pas hésité à faire un parallèle entre son cas et celui de Samuel Paty.

Espérons que cela finira mieux pour Deepika.