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Accepter la République, aimer la France


Accepter la République et ses lois écrites fait de vous un citoyen. Mais apprendre les codes non écrits d’un peuple et y adhérer transforme les citoyens en membres d’une nation et en héritiers de plein droit du passé du peuple qu’ils rejoignent. 


L’idée d’assimilation n’a pas bonne presse dans une époque qui valorise par-dessus tout le droit de chacun à suivre sa propre voie et, s’il est migrant, à cultiver ce qui le relie à sa société d’origine. Le sens même de la notion est mis en question dans des sociétés marquées par une grande diversité de choix de vie. Auxquels de ses membres, objecte-t-on, faudrait-il ressembler pour être déclaré « assimilé » ? En réalité, cette objection fait bon marché du fait que la diversité d’une société n’est pas infinie.

À lire aussi, Élisabeth Lévy: L’assimilation: une dernière chance pour la France

Trois manières de prendre place dans une société d’accueil

L’existence d’institutions communes, de lois communes, souvent d’une langue commune, d’éléments de mémoire largement partagés au sein d’une communauté nationale (la Révolution française, la guerre de Sécession), fait qu’en dépit de sa diversité interne, chaque société a quelque chose d’unique. Ainsi, selon les pays, l’encadrement des conduites de chacun est assuré d’une manière particulière, que ce soit par un pouvoir fort comme en Chine, par la pression sociale comme au Japon, ou par la loi comme en Europe occidentale. Les modalités permettant à des groupes qui vivent différemment de coexister de manière relativement pacifique divergent selon les sociétés : dans certains cas, comme aux États-Unis, les groupes vivent largement dans des lieux distincts ; dans les sociétés de castes, les rapports entre groupes sont minutieusement codifiés. L’existence d’une identité commune joue un rôle important quand il s’agit pour une nation d’agir en corps, comme en guerre. Tout ce patrimoine peut donner l’impression d’aller de soi pour ceux qui l’ont reçu en héritage dès leur plus jeune âge, mais peut paraître étrange à ceux qui viennent d’ailleurs.

Pour les nouveaux venus, trois grandes manières de prendre place là où ils jettent l’ancre sont possibles.

Une attitude courante consiste à se soumettre aux lois du pays d’accueil tout en continuant autant que possible, dans les domaines que ces lois ne régissent pas, à maintenir les traditions de sa société d’origine au sein d’une diaspora. Les liens avec cette société, notamment ses médias, restent privilégiés, l’endogamie est forte ainsi que la sociabilité intracommunautaire. On a alors une simple intégration.

Philippe d'Iribarne est Directeur de recherches au CNRS © Hermance Triay / Opale / Leemage
Philippe d’Iribarne est directeur de recherches au CNRS © Hermance Triay / Opale / Leemage

Une attitude plus offensive consiste à tenter d’imposer au pays d’accueil la loi qui prévaut dans son lieu d’origine. Il s’agit de s’appuyer sur l’acquisition des droits du citoyen pour agir en ce sens. Pensons par exemple à la pancarte, brandie au cours d’une manifestation : « Française musulmane voilée. Si je vous dérange je vous invite à quitté [sic] mon pays. » Dans ce propos « mon pays » ne veut pas dire le pays dont je reçois l’héritage avec gratitude, mais celui qui m’appartient comme si je l’avais conquis.

L’assimilation se situe aux antipodes de cette perspective conquérante. Il s’agit, au-delà du seul respect des lois de la société d’accueil, de devenir un membre ordinaire de celle-ci, se voulant pleinement héritier de son histoire, adoptant ses mœurs, y trouvant un conjoint et des amis en même temps qu’une identité. Jean Daniel a évoqué cette démarche, qui a été celle de sa famille : « Avec les avantages d’une citoyenneté, les nouveaux Français recevaient l’honneur d’une appartenance. […] Ils ne se demandaient pas ce que le pays leur devait, mais ce qu’ils devaient au pays. Et ce qu’ils devaient était simple : un partage de souvenirs et de projets ; une profonde adhésion aux valeurs de la société qui les accueillait ; un respect scrupuleux des valeurs, des rites et des usages de cette société .[tooltips content= »Jean Daniel, « Barrage contre le communautarisme », Le Nouvel Observateur, 19-25 décembre 2002. »](1)[/tooltips] »

Marche contre l'islamophobie, Paris, 10 novembre 2019. © Marie Magnin/ Hans Lucas/AFP
Marche contre l’islamophobie, Paris, 10 novembre 2019. © Marie Magnin/ Hans Lucas/AFP

Des difficultés très inégales selon les pays et les populations accueillies

Une telle assimilation n’est pas seulement une question de volonté, mais de difficulté objective, qui tient à la fois aux exigences de la société d’accueil et au chemin que doivent accomplir les nouveaux venus pour y répondre.

Selon les pays, les conditions à remplir pour être regardé comme un membre ordinaire de la société sont très diverses. Ainsi, il paraît impossible d’être considéré comme un vrai Japonais si l’on n’est pas d’ascendance japonaise ; on trouve au Japon des Coréens toujours identifiés comme tels alors que leur famille vit dans le pays depuis des générations. À l’inverse, aux États-Unis, le respect de la loi, du drapeau, de l’hymne national suffit pour être considéré comme un « vrai Américain » ; diverses communautés d’origine revendiquant chacune leur propre héritage, et entre lesquelles les liens de solidarité sont relativement ténus, y coexistent, même si officiellement le principe « égaux, mais séparés » n’est plus en vigueur. On se rapproche du cas des empires où coexistent une pluralité de nations et où on a moins une assimilation à l’empire dans son ensemble qu’à une des communautés qui le composent.

A lire aussi, Bérénice Levet: L’assimilation: une dernière chance pour la France

En France l’idée d’assimilation est source de malaise du fait qu’elle confronte aux contradictions intimes de la société française prise entre l’image officielle qu’elle donne d’elle-même et la réalité de son fonctionnement social. Officiellement, l’appartenance à la nation est marquée par une stricte distinction entre espace public et sphère privée : « Au privé la libre expression des différences, au public l’assimilation à l’ordre politique et juridique de la citoyenneté. Au privé l’affirmation libre des identités et des références particulières grâce auxquelles l’homme donne librement un sens à son existence […], au public l’unité-égalité-universalité de la citoyenneté de l’individu.[tooltips content= »Dominique Schnapper, La Relation à l’Autre : au cœur de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1998, p. 186. »](2)[/tooltips] » Dans cette logique, il n’est pas question d’assimilation et la constitution de diasporas au sein de l’espace privé est parfaitement admissible. Mais en pratique, la société française regorge de lois non écrites, souvent beaucoup plus respectées que ne le sont celles de la République. Ainsi, une certaine discrétion dans l’affichage des convictions politiques et religieuses est exigée comme un élément essentiel de la paix sociale. Ce qui « ne se fait pas » tient une grande place dans les rapports sociaux, y compris ceux qui relèvent de la sphère publique. La manière dont chacun est traité dans cette sphère, qu’il s’agisse du monde du travail, des rapports entre locataires et bailleurs ou même des rapports avec l’administration, dépend largement de la façon dont il respecte non seulement les lois, mais aussi les mœurs, de son degré d’assimilation. Or il n’est pas évident pour ceux qui viennent d’ailleurs de saisir la subtilité de ces codes que chacun apprend dans sa famille, sans qu’ils soient affichés nulle part, et qu’il est même offensant de rappeler à quelqu’un qui ne les respecte pas de lui-même. Cet écart entre l’officiel et l’officieux conduit nombre de ceux qui subissent des réactions de rejet, du fait de leur manque d’assimilation, à les ressentir comme discriminatoires, alors que les mêmes manières d’être susciteraient des réactions analogues, voire plus vives (car ils ne peuvent avoir l’excuse de mal connaître les codes sociaux) envers ceux qui sont là depuis des lustres[tooltips content= »Philippe d’Iribarne, Les Immigrés de la République, Seuil, 2010. »](3)[/tooltips].

Par ailleurs, dans un contexte donné, la difficulté à s’assimiler pour celui qui le souhaite dépend beaucoup du chemin qu’il a à parcourir, en fonction de l’étendue qui sépare les normes de vie auxquelles il est attaché, ses évidences familières, de celles qui prévalent dans la société qui l’accueille.

Un point épineux concerne la façon de vivre une double allégeance, à un pays et à une religion. De manière générale, il existe deux grandes manières de résoudre cette équation. La première consiste à faire allégeance à une entité d’ordre supérieur qui transcende la religion et la patrie. Victor Klemperer, juif allemand dit « assimilé », écrit ainsi dans son célèbre ouvrage sur la langue du IIIe Reich : « La véritable mission que ce Dieu a assignée à son peuple [le peuple Juif] est justement de n’être pas un peuple, de n’être attaché à aucune barrière spatiale, à aucune barrière physique, de servir, sans racine, la seule idée. » En se référant aux mêmes valeurs supérieures, en tant que juif et en tant qu’Allemand, il s’affirmait sans contradiction totalement l’un et l’autre. L’autre approche consiste à séparer les domaines de l’existence qui relèvent de la religion (la vie privée) de ceux qui relèvent d’un monde profane (l’organisation de la cité), séparant ainsi deux objets d’allégeance qui n’entrent pas en concurrence.

Dans la rencontre entre le monde musulman et l’Occident, ces deux approches font difficulté, raison pour laquelle l’assimilation des musulmans est tout sauf évidente. L’appel à des valeurs auxquelles il serait possible d’adhérer simultanément en tant que musulman et en tant qu’Occidental, dans une allégeance qui transcenderait deux allégeances partielles, ne paraît guère possible pour des musulmans conséquents. La liberté de conscience, qui est au cœur des civilisations européennes, n’est pas acceptée dans l’islam. Ainsi il n’est pas question pour celui-ci d’admettre le droit de le quitter pour une autre religion. De plus, le refus musulman de l’égalité entre hommes et femmes a un caractère d’autant plus sacré que le Coran l’érige en norme, notamment pour affirmer qu’un homme vaut deux femmes en matière d’héritage (Cor IV 11). Quant à la distinction entre une sphère profane, où il convient de se conformer aux usages de la société environnante, et une sphère religieuse, elle est également problématique, tant l’islam est dès l’origine un mouvement politico-religieux. Dès lors que les préceptes religieux régissent des domaines tels que la nourriture et le vêtement, on voit mal comment un musulman conséquent pourrait accepter les normes profanes dans ces domaines.

Cette difficulté à être simultanément en harmonie avec les orientations du monde occidental et avec celles de l’islam est à la source de profondes fractures parmi les Français musulmans. Une partie significative d’entre eux (environ 15 %[tooltips content= »Hakim El Karoui, L’islam, une religion française, « Le Débat », Gallimard, 2018, p. 26. »](4)[/tooltips]) privilégie une perspective d’assimilation, mais quitte l’islam, ou du moins se contente de quelques pratiques qui ne concernent que leur vie privée. D’autres, au contraire, privilégient l’islam et rejettent la société française, dans une perspective conquérante ou au moins de diaspora. Ainsi, dans un sondage parmi les musulmans de France réalisé en août 2020 à l’occasion du procès de Charlie Hebdo, ils ont été interrogés sur la proposition « L’islam est incompatible avec les valeurs de la société française ». Près d’un tiers (29 %) a répondu par l’affirmative (36 % chez les hommes, 23 % chez les femmes), mais cette proportion s’élève à 45 % chez les moins de 25 ans. De même, 56 % des musulmans, contre 5 % de la population générale, approuvent  la proposition « Une femme doit obéir à son mari »[tooltips content= »Hakim El Karoui, « Un islam français est possible », rapport de l’Institut Montaigne, septembre 2016, p. 45. »](5)[/tooltips]. On comprend mieux que ceux qui cherchent à être à la fois de bons musulmans et de bons Occidentaux peinent à y parvenir.

À lire aussi, Jean-Pascal Caravano: Musulmans français, encore un (gros) effort vers l’assimilation!

À ces difficultés structurelles de l’assimilation, il faut ajouter une dimension sociale. En France, parmi les immigrés originaires de l’ex-empire colonial, certains, issus de famille qui appartiennent, dans leur pays d’origine, à la bourgeoisie intellectuelle ou aux milieux d’affaires, possèdent déjà toute une familiarité avec des habitus français. Il n’en va pas de même pour ceux qui sont issus de milieux modestes ou ruraux. Certains, parce qu’ils ont une farouche volonté d’assimilation, y parviennent, sinon pour eux pour leurs enfants. Beaucoup pourrait être fait pour les y aider en leur permettant de mieux décrypter les exigences de leur société d’accueil.

Energie: un scénario 100% renouvelables ne tient pas la route !

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Sans cesse paraissent des études, y compris d’acteurs institutionnels comme l’ADEME, assurant à l’opinion qu’à échéance, toute l’électricité dont les consommateurs auront besoin sera fournie, avec l’appoint de l’hydroélectricité, par les électricités renouvelables intermittentes (ElRi), électricités éolienne et solaire photovoltaïque, permettant ainsi d’éliminer les combustibles fossiles et le nucléaire. Ainsi, Contexte vient de « révéler » l’existence d’une étude encore non publique du Gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité (RTE), selon laquelle un mix électrique fondé sur des parts très élevées d’énergies renouvelables est techniquement possible. 

Vent et soleil sont intermittents

Les énergies du vent et de soleil sont certes renouvelables, mais leurs puissances sont très variables. Il n’y a pas de soleil la nuit, peu par temps nuageux et beaucoup moins en hiver qu’en été. Le vent est parfois très violent, et peut être très faible à l’échelle de la journée et parfois d’une semaine ou plus, à l’échelle de toute l’Europe. On dit qu’elles sont intermittentes. Il en est de même des électricités qu’on en tire avec les éoliennes et les panneaux solaires. Ces électricités sont non-pilotables, car leurs puissances sont indépendantes de la volonté humaine. Elles sont pour l’essentiel inutilisables parce qu’elles sont inadaptées aux besoins des consommateurs.

Le 8 janvier à 14 heures, l’Europe est passée très près d’un black-out

Deux méthodes sont cependant possibles pour rendre utilisables ces ElRi  :

1- leur couplage avec des centrales dites pilotables pouvant faire varier leur puissance à la demande, en France essentiellement les centrales nucléaires et hydroélectriques, en Allemagne les centrales à charbon et de plus en plus à gaz. Ces centrales font varier leur puissance en contrepoint de celles des ElRi, pour que le mix électrique en résultant s’ajuste en permanence aux besoins des consommateurs ;

2- leur couplage avec des systèmes de stockage-déstockage de l’électricité produite permettant de faire en permanence cet ajustement, avec cependant une perte des quantités d’électricité stockées variant suivant les types de stockage. Dans les deux cas le prix du mix électrique est considérablement augmenté, puisqu’il faut coupler deux systèmes, l’un non-pilotable et l’autre pilotable, pour produire la même quantité d’électricité[tooltips content= »France-Stratégie, 2022 : Quelle sécurité d’approvisionnement électrique en Europe à horizon 2030 ? Note d’analyse n°99. »](1)[/tooltips].

Les systèmes de stockage-déstockage actuels n’ont ni les capacités, ni les puissances nécessaires pour permettre d’alimenter un pays comme le nôtre avec uniquement des ElRi, loin s’en faut. Ce sont donc les centrales pilotables qui pour l’essentiel sont utilisées. Ce qui impose des limites aux proportions d’ElRi pouvant être mises sur les réseaux, sous peine de déstabiliser les systèmes en provoquant des black-outs. Plus sera augmentée la puissance totale des ElRi et diminuée celle des centrales pilotables, ce qui est la politique actuelle en France et en Europe, plus augmentera ce risque de black-out comme vient de le rappeler France-Stratégie qui s’en inquiète[tooltips content= »Sapy, G., 2021: La sécurité d’alimentation en électricité du pays en danger. Etude pour Sauvons le climat. https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/4154-la-securite-d-alimentation-en-electricite-du-pays-en-danger »](2)[/tooltips]. Le 8 janvier à 14 heures, l’Europe est d’ailleurs passée très près d’un black-out, qui n’a pu être évité qu’en procédant à des « effacements » autoritaires de la consommation d’entreprises « électro-intensives ».

9000 éoliennes déjà installées

Toutes ces études favorables à un mix électrique avec des parts élevées d’énergies renouvelables font donc le pari que l’on trouvera une méthode de stockage-déstockage permettant de se substituer aux centrales pilotables, et prétendent même qu’on l’a déjà trouvée. C’est le power-to-power (P2P), qui passe par la production d’hydrogène électrolytique avec les ElRi, hydrogène que l’on pourra réutiliser à la demande à l’aide de turbines à hydrogène ou de piles à combustibles pour produire de l’électricité. C’est en principe techniquement possible. Il existe des pilotes expérimentaux, mais pas de filière industrielle. 

A lire aussi, Sami Biasoni: La « Grande Réinitialisation »: le monde d’avant en pire

Cependant le rendement électrique du P2P n’est que de l’ordre de 25 à 30%. En 2020, la quantité d’électricité fournie par l’éolien a été d’environ 9% de la consommation française, avec 9000 éoliennes installées. Il faudrait donc avec le P2P en installer 3 à 4 fois plus de puissance rien que pour assurer ces 9%. Et si l’éolien devait assurer 100% de la consommation française, il faudrait en installer de 30 à 40 fois plus, c’est-à-dire submerger tout notre espace rural et ses habitants avec des éoliennes géantes.  La question de l’accès à la quantité de matériaux nécessaires aux filières des ElRi, environ 10 fois plus que le nucléaire par KWh produit pour l’éolien, 15 fois plus pour le solaire PV, n’est pas abordée par les auteurs de ces études. Tout comme celle du coût considérable de la restructuration et du renforcement du réseau électrique nécessaires à leur développement. Elles sont rarement assorties d’études de la viabilité financière, et quand c’est le cas, elles font le pari que les conditions économiques et financières seront les mêmes à échéance de 30 ans que maintenant.

Jeu hasardeux

Ces considérations terre à terre n’intéressent visiblement pas les auteurs de ces études. Elles ont certes leur utilité pour explorer le champ des possibles, mais il est trop facile d’en faire varier les paramètres et d’en ignorer d’autres pour aboutir au résultat que l’on veut obtenir. 

Les publier à la va-vite avant d’avoir fait l’objet d’une vérification attentive de tous les aspects et de toutes les contraintes par des spécialistes autres que leurs concepteurs, ce qui a jusqu’à présent été toujours le cas, est un acte politique et non scientifique. Il serait étonnant qu’il en soit autrement de l’étude signalée par Contexte.

Il est imprudent de jouer ainsi aux dés la politique énergétique de la France.

Un vent de folie : L'éolien en France : mensonge et arnaque ?

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« Vivonne », le nouveau roman de Jerôme Leroy


Une quête, un exode, une guerre sans merci – un naufrage planétaire. Sommes-nous avant ou après la Catastrophe ? Le roman de Jérôme Leroy semble prédire ce qui fut pour mieux se remémorer ce qui nous attend… dans l’ombre d’Homère.


Ça commence par un Oradour – un massacre de villageois sous un ciel bleu et or. Ça finit avec le bruit du vent dans les arbres et le nom murmuré d’un poète disparu : Adrien Vivonne[tooltips content= »Auteur supposé d’un roman introuvable, Danser dans les ruines en évitant les balles, publié chez un éditeur non moins introuvable, Les Grandes Largeurs, en 1995. Et d’un chef-d’œuvre inconnu intitulé : Mille Visages. Il aurait disparu en 2008. »](1)[/tooltips].

À lire aussi, Benoît Rayski: Aux grands poètes, les LGBT reconnaissants

Oui, bien sûr que la douceur existe puisque soudain elle n’est plus là, on s’en souvient seulement et ça fait un peu mal – par je ne sais quelle diablerie, la douceur et la douleur ne se séparent que d’une lettre. On le sait depuis Charles d’Orléans qui écrivait des ballades dans sa prison anglaise avec de l’encre et des larmes.

Je soupçonne Leroy de le savoir d’instinct, je l’envie.

Je le dis d’emblée, j’aime beaucoup Jérôme Leroy, oui je sais, c’est un collaborateur de ce journal, mais je l’aimais avant.

On n’habite jamais que le pays que l’on quitte

Avant quoi ? Avant, après, ça se touche. On n’habite jamais que le pays que l’on quitte, comme Ulysse. C’est peut-être cela le sujet de ce livre. Un roman homérique ? Oui, d’une certaine façon. Une quête, un exode, un périple. Une guerre atroce, totale, sans merci, façon lutte finale, avec des drones, des cyberattaques et des miliciens – une Iliade planétaire ! Et puis la brise de l’aube, la mer violette caressée par le meltem, le vent des Cyclades – le petit port d’Ermoúpoli dans l’île de Syros, ça vous dit ? Et les sortilèges du lac de Vassivière dans le Limousin. Et ce n’est pas une surprise, un « Grand Typhon » sur Paris outragé, Paris crotté, Paris vaincu – auprès de quoi la débâcle de juin 1940 ressemble à une escapade.

Au-delà de ces motifs épars qu’il s’ingénie à recoudre avec soin, Leroy nous fait vivre la crainte, le retour des âges et des dieux d’avant – d’avant le sac de Troie, d’avant l’Histoire, d’avant la tyrannie des « Dingues ». Le temps d’avant – qui préfigure le temps d’après ou qui s’en souvient déjà. Le temps qui dort, le temps qui rêve – et il y a une île, un volcan, une chevelure dans son rêve.

Leroy traite le temps comme une matière, une couleur, un décor qui rêve à notre place

Qui a enfanté le Minotaure ? Est-ce Éole ou Apollon qui soulève les nappes et les jupes des filles ?… Une chose est sûre : il y a « une porte au fond du jardin », et elle ouvre sur un éternel été – grec ! Ce n’est pas un hasard si l’un des personnages ici s’appelle « Odysseus » – sans Homère, le « Grand Aveugle », saurions-nous ce qu’est un rivage ?

Car Leroy traite le temps comme une matière, une couleur, un décor qui rêve à notre place – de « l’immémorial », dirait Quignard. Que demander d’autre à un écrivain ?

Car Leroy est un millénariste à rebours – le Messie, ce n’est pas demain la veille, camarades, il pleut, il pleut bergère, oh ! on a perdu Clara Zetkin ! adieu Lénine ! adieu Thorez ! pleurez enfants, vous n’avez plus de pères, mais mieux vaut en rire. Je résume bien sûr.

Leroy parle la langue des naufrages avec un accent tragique

Le théâtre veut des « machines » ; le roman exige des « paysages ». Des villes mortes, hantées, crépusculaires, encore mieux ! Avant nous, qui sommes nés en province et qui habitons Paris, disons, entre le boulevard Raspail et le carrefour de l’Odéon, il y avait déjà sur terre des mouches, des crocodiles et des rats ; après nous, il y en aura encore. Ce n’est pas si difficile d’être prémonitoire, il suffit de raconter le pire puisqu’il est déjà là.

Leroy parle la langue des naufrages avec un accent tragique, mais au sens solaire des Grecs en s’interdisant la pitié. Il appartient à la catégorie des guetteurs mélancoliques pour qui la littérature est une requête primitive à la fois nécessaire et désespérée. Leur ancêtre, c’est Cassandre. Les oncles de la famille sont Marcel Aymé ou Simenon, toujours en maraude à l’orée du fantastique, avec un penchant pour l’allégorie. Avec un désir de vacance – un vide, une attente, une note d’oubli qu’ils pincent comme une corde. Avec des lueurs d’outre-monde – de mornes résurgences des sixties, des nuances exactes de brume un soir d’automne dans la banlieue sud de Rouen, des frayeurs inexpliquées. Avec je ne sais quoi de néfaste qui rôde et qui n’interdit pas l’idée du bonheur – enfui.

À lire aussi, Roland Jaccard: Sur Henri Raczymov, artiste de la faim

Ce qu’on serait tenté d’appeler du « fantastique social » – l’expression est de Mac Orlan, je crois – en songeant peut-être à l’Argentin Cortazar, l’auteur de Marelle, ou à l’Albanais Kadaré – ce petit-fils d’Homère revisité par Gogol. Car Leroy n’écrit pas tout seul, des ombres l’escortent. Et un remords, un revenant nommé Vivonne – « oui, comme le poète ». Sauf que sa langue et ses personnages, quoique classiques, sont absolument vivants, contemporains, comme le marrane est juif sous son baptême.

Ai-je dit pourquoi j’aimais Jérôme Leroy ?

Parce qu’il ne récrit pas Le Grand Meaulnes.

Parce que son œil est un détecteur de fumée.

Un auteur qui modifie la sensibilité du lecteur de façon indolore

Parce qu’il a l’art de jouir en se mordant les doigts, comme Amy Winehouse ou comme ce chenapan de saint Augustin – il y a des anges et des murmures, mais aussi de l’ivresse dans le repentir.

Parce qu’il est de ces auteurs qui modifient la sensibilité du lecteur de façon indolore, comme une goutte de poison qui s’insinue par l’oreille et qui entre dans le cœur.

Et enfin parce qu’il décrit par charité ou par dépit amoureux, allez savoir, des vices qui ne sont pas les siens, des turpitudes qu’il n’a pas commises et qui sont vraies – et qui sont un peu les nôtres.

C’est ça, un romancier ? Oui.

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Xavier Gorce: de moins en moins de Monde pour rire

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Depuis hier, un dessin de presse fait grand bruit… Au micro de Sud Radio, la directrice de la rédaction de Causeur Elisabeth Lévy a donné son avis.


Ce dessin a été publié par Le Monde, durant quelques heures seulement, dans sa newsletter, avant d’être retiré. Il s’agit d’un dessin de Xavier Gorce présentant deux pingouins, ses personnages traditionnels. L’un dit à l’autre: « Si j’ai été abusée par le demi-frère adoptif de la compagne de mon père transgenre devenu ma mère, est-ce un inceste ?« 

Sitôt publiée, la caricature a suscité une flopée de réactions outragées. On se moque des victimes de l’inceste! On fait l’amalgame entre l’inceste et les LGBT! Transphobie! Et voilà ce dessinateur très bien-pensant accusé d’être d’extrême droite.

Qu’un dessin énerve des gens, ce n’est pas une grande affaire

Un dessin qui énerve une flopée de gens s’estimant outragés, on a déjà vu ça. On pourrait donc penser qu’il n’y a pas d’affaire. Mais non. 

A lire aussi: Caricatures retirées du New York Times: ainsi meurt la liberté

L’affaire, c’est que Le Monde l’a donc retiré avec une piteuse autocritique de la directrice de la rédaction. Elle écrit: « ce dessin n’aurait pas dû être publié. Il peut être lu comme une relativisation de la gravité des faits d’inceste, en des termes déplacés vis-à-vis des victimes et des personnes transgenres. » Et elle nous rappelle ensuite les états de service du quotidien dans la lutte contre l’inceste et les discriminations… Au lieu d’invoquer la liberté d’expression, de dire “on est Charlie” et qu’on a bien le droit de se moquer de tout, le quotidien de référence s’est couché devant la meute. Pourtant, comme l’a tweeté Gilles Clavreul, si un dessin de presse n’est pas discutable, c’est sans doute qu’il n’a que peu d’intérêt.

Une époque faussement subversive

Notre époque prétend aimer la subversion, la transgression, la provocation. Mais elle déploie en toute occasion un terrifiant esprit de sérieux et de censure qui veut interdire le second degré et l’humour noir. Nous en voulons pour preuves deux exemples récents de blagues à scandale. En présentant ses vœux sur Twitter, et en faisant dire à Xavier Dupont de Ligonnès “et la famille surtout”, la comédienne Frédérique Bel s’est attirée les foudres des utilisateurs du réseau social.

belDe son côté, dans ses propres vœux, Elie Seimoun se moquait des communautés susceptibles en leur présentant par anticipation des excuses, en prévision de futures blagues qu’il pourrait bien faire en 2021. Non seulement ce message lui a valu un torrent de boue, mais le réseau Instagram a carrément retiré la vidéo!

Rire de l’inceste, vous n’y pensez pas!

On nous rétorquera que dans le cas de Xavier Gorce, il ne faudrait pas plaisanter sur un sujet aussi grave que l’inceste. Au contraire: c’est même recommandé.

A lire ensuite, Ingrid Riocreux: Quand France 2 fait dire à Blanche Gardin l’inverse de ce qu’elle dit

N’oublions pas le rôle cathartique, conjuratoire et libérateur du rire. Par exemple, il y a énormément de blagues juives sur les camps de concentration. Du reste, le malheureux Xavier Gorce, qui a depuis quitté Le Monde, est victime d’un malentendu, car son dessin voulait se moquer d’Alain Finkielkraut. Si cela avait été précisé en légende, par exemple au-dessus de son dessin, tout le monde aurait applaudi !

En réalité, nous devons renverser la formule célèbre de Desproges «on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde».  À l’époque des réseaux sociaux, on rit avec n’importe qui mais seulement de certains sujets. Au hasard: Marine Le Pen, l’extrême droite, les réacs, bref, toutes les cibles quotidiennes de France Inter. Alors si l’on rit de vous, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, c’est la preuve que ça gratouille. Et faire rire ses contemporains relève de la salubrité publique.

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Cette chronique a initialement été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez le regard libre d’Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio, à 8h15.

Adolf Hitler est africain


En Namibie, ancienne colonie allemande, un élu porte le tristement célèbre nom d’Adolf Hitler. Mais rassurez-vous, il n’a rien à voir avec le nazisme!


Une élection locale en Namibie a récemment attiré l’attention des médias. Dans la circonscription d’Ompundja, un candidat nommé Adolf Hitler Uunona a été élu conseiller municipal après avoir remporté 85 % des voix. Dans un pays qui a été une colonie allemande entre 1884 et 1915, marquée par un régime de ségrégation raciale jusqu’à son indépendance en 1990, l’histoire laisse songeur, d’autant que le principal intéressé est tout ce qu’il y a de plus africain.

À lire aussi, Jérôme Leroy: Trump et Twitter: quand Ubu est remplacé par Big Brother…

Pas de changement de nom en perspective

Au Bild, qui lui demandait s’il connaissait la portée dramatique de son nom, le quinquagénaire a répondu : « Enfant, je l’ai vu comme quelque chose de tout à fait normal », précisant que son père ne devait pas savoir qui était ce personnage lorsqu’il lui a donné son nom. « C’est en grandissant que j’ai réalisé que cet homme voulait conquérir le monde entier et tuer des millions de juifs », a renchéri cet élu de la SWAPO, le parti au pouvoir. Avant de préciser qu’il n’a « rien à voir avec le nazisme » et qu’il « n’entend pas s’emparer par la force de sa région ».

Accepterait-il de changer de nom ? n’hésite pas à lui demander le journaliste du Bild. « Pour quoi faire ? Il figure déjà sur tous les documents officiels », répond Hitler, un brin agacé avant de se demander ce qu’une telle modification pourrait apporter de plus au développement local de la Namibie. Un pays qui a payé le prix de la colonisation par le sang de près de 85 000 autochtones massacrés par les Prussiens.

Si Berlin a offert à la Namibie 10 millions d’euros à titre de réparation, le gouvernement de Windhoek n’a guère goûté à l’humour noir des Teutons et a préféré refuser cette aumône

Idéologie diversitaire: “Égalité 360°”, l’ambitieux programme de Radio France

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Radio France lance un plan pour encore plus de « diversité »


À l’instar de Delphine Ernotte qui préconise l’éviction des hommes blancs de plus de cinquante ans à la télévision publique et qui a pour « fil rouge de [son] prochain mandat la diversité » afin que les personnes « perçues comme non blanches » (sic) soient mieux représentées, Sibyle Veil veut « poser des actes forts sans attendre ».

Soutenue par le Comité diversité et la Délégation à l’égalité des chances et à la lutte contre les discriminations de Radio France, Sibyle Veil, la PDG de Radio France, lance un programme ambitieux appelé Égalité 360°

Le ver progressiste ronge la Maison ronde

L’Amérique, via ses réseaux de Young leaders et ses idiots utiles (et intéressés) biberonnés à toutes les causes déconstructivistes, racialistes, LGBTistes ou décolonialistes, a introduit le ver progressiste et diversitaire dans les universités françaises, en premier lieu Sciences Po, dont est issue Mme Veil. 

À Sciences Po Paris, une liste de livres « anti-racistes » était récemment proposée aux étudiants. Parmi ces ouvrages, Fragilité blanche, de Robin DiAngelo, sociologue qui explique que tous les noirs sont victimes de racisme et que tous les blancs sont racistes, d’une manière ou d’une autre. Ou, de Reni Eddo-Lodge, Pourquoi je ne parle plus de la race aux gens de couleur blanche. Ou encore, de Layla F. Saad, Moi et la supériorité blanche. Ces thèses “racialistes”, comme celles sur le “genre” ou le “décolonialisme”, semblent réjouir de nombreux étudiants de Sciences Po qui prennent en marche le train du Progrès et du Bien conduit par leurs aînés, dont Mme Veil, et qui s’y sentent parfaitement à l’aise. 

A lire aussi, Stéphane Germain: Progressistes et salafistes: l’humour à mort

C’est aussi que les plus malins d’entre eux ont compris que leur “engagement” diversitaire, égalitaire, radicalement féministe ou racialement anti-raciste est devenu un excellent moyen d’obtenir des postes politiques ou médiatiques gratifiants, par le jeu des relations militantes et idéologiques.

Sinistre comptabilité

En attendant ces prochaines recrues acquises aux nouvelles causes identitaires, on fait les comptes à Radio France. Combien d’hommes et de femmes ? Combien de personnes issues de la « diversité » ? Combien de personnes « en situation de handicap » ? Combien de salariés « formés et sensibilisés » à « la lutte contre les agissements sexistes et la discrimination » ?

Une fois cette sinistre comptabilité terminée, Radio France et sa présidente vont rétablir la balance en donnant « une nouvelle impulsion ». On va inclure « toutes et tous ». Il y aura de « la diversité partout ». On libérera « la parole, partout, à tous les niveaux. » 

Radio France 93, un Grand Bond en avant radiophonique

En un mot « Égalité 360° irriguera l’ensemble des activités de Radio France. ». On peine à imaginer la chaleureuse solidarité et la joie de vivre (ensemble) qui émaneront de ce Grand Bond en avant radiophonique.

Laurence Bloch, la patronne de la radio publique France inter, à gauche toute! © IBO/SIPA Numéro de reportage : 00733279_000002
Laurence Bloch, la patronne de la radio publique France inter, à gauche toute ! © IBO/SIPA Numéro de reportage : 00733279_000002

Pour diversifier jusque dans les moindres recoins de la Maison ronde, les instigateurs de ce projet font la « promotion du triple CV : un homme / une femme / un « pari » avec un profil atypique » (sic). On lancera en 2021 une « Radio France 93, une unité de production multimédia en Seine-Saint-Denis dédiée aux moins de 30 ans » – bizarrement, il n’est apparemment pas prévu de Radio France 58 (Nièvre) dédiée aux plus de soixante ans. Les écoles de journalisme seront sensibilisées pour recruter « des étudiants sous critères sociaux, ainsi que des personnes en situation de handicap. » Toutes ces actions seront pilotées, mesurées, et corrigées si nécessaires.

Envoyez vos CV!

Le candidat mâle, blanc et/ou “socialement favorisé”, « valide », prêt à traiter tous les sujets, peut d’ores et déjà aller voir ailleurs s’il y est. Il est évident qu’une solide culture générale, une utilisation de la langue française évitant les codes de la novlangue politique et journalistique, une véritable curiosité pour les « autres », individus ou pays, en dehors du cadre victimaire et discriminatoire, ne seront non seulement pas nécessaires mais pourraient constituer des motifs sérieux de refus d’embauche à Radio France.

A lire aussi, Ingrid Riocreux: Quand France 2 fait dire à Blanche Gardin l’inverse de ce qu’elle dit

S’il persiste toutefois dans son envie de faire carrière à Radio France, nous conseillons au journaliste en herbe d’écouter régulièrement la radio publique. Il apprendra ainsi comment éviter de parler de certains sujets ou faits divers qui ne vont pas le sens du « vivre-ensemble » ; ou comment concocter une revue de presse en ne citant que certains journaux, et en n’en citant jamais certains autres. Il pourra y entendre un chroniqueur politique considérer que la fermeture définitive du compte Twitter du président des États-Unis est « une bonne chose pour la démocratie ». Il découvrira, en écoutant les humoristes, qu’on peut bien rire en gardant le petit doigt sur la couture du pantalon progressiste. Il appréciera les dénonciations au CSA des chroniques médias ou les appels à la mort médiatique de certains éditorialistes de la « fachosphère ». Il entendra, sur France Culture, des footballeurs reconvertis combattre le racisme, des actrices en activité combattre le patriarcat, ou Edgar Morin « résister à la prose de la vie pour trouver la poésie de sa propre vie ». Bref, il entendra à longueur de journée la propagande bien-pensante et arrogante de l’Empire du Bien dont Philippe Muray pensait qu’il est urgent de le saboter.

Primes diversité

La diversité c’est le progrès, dit en substance Mme Veil. 

Comme leurs confrères de France Télévisions, les rédacteurs en chef de Radio France seront-ils incités financièrement à parler davantage de la « diversité » et de « l’Europe » ? Si oui, le journaliste homaisien a de beaux jours devant lui. À l’instar du pigiste du Fanal de Rouen, il pense que « le Progrès, ma parole d’honneur, marche à pas de tortue ! » Avec Égalité 360°, le voilà promis à une bien belle accélération.

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Trump: défaite à la Pyrrhus


Si la réalité dépasse parfois la fiction, c’est que la fiction précède souvent la réalité. La littérature prévoit l’avenir. Cette chronique le prouve. 


« Que tout meure avec moi, non, que tout reste après moi. Non, que tout meure. Non que tout reste. Non, que tout meure, que tout reste, que tout meure. » Ainsi parle Béranger Ier dans Le roi se meurt de Ionesco. Entre déni et indécision, Béranger Ier refuse sa fin et surtout de quitter le pouvoir. Il y a du Béranger chez Trump dans la manière de refuser contre toute logique la mort, certes symbolique, que représente sa défaite, comme en témoignent de nombreux tweets : « J’AI GAGNÉ CETTE ÉLECTION, DE LOIN ! » le 7 novembre (en majuscules) ou encore « ON VA GAGNER ! » le 11 novembre (toujours en majuscules.)

À lire aussi, du même auteur: Pasolini nous regarde

Après tout, n’avait-il pas surmonté l’épreuve du coronavirus dont il a dit : « Être infecté par la Covid-19 était une bénédiction de Dieu », révélant une conception du souverain proche de Bossuet, dans sa Politique tirée de l’Écriture sainte : « Aussi Dieu a-t-il mis dans les princes quelque chose de divin. »

Les Trump et leur fils Barron en août 2020 © CNP/AdMedia/SIPA Numéro de reportage: 00977094_000003.
Les Trump et leur fils Barron en août 2020 © CNP/AdMedia/SIPA
Numéro de reportage: 00977094_000003.

Trump, Ubu roi

La volonté d’exercer le pouvoir jusqu’à la fin se retrouve dans un autre roi de théâtre, le Père Ubu. Cette comparaison ne juge en aucun cas la politique du président battu, c’est à d’autres de s’en charger, mais plutôt des comportements familiers au vieux lecteur d’Alfred Jarry qu’est votre serviteur. Jarry est un des premiers à montrer ce que Pasolini appellera, à propos de son film Salo, « l’anarchisme du pouvoir » et Trump en a donné des exemples récents qui transforment sa défaite en acte III d’Ubu Roi quand celui-ci envoie à la trappe les nobles, les financiers et à la fin les magistrats eux-mêmes :

« Les magistrats : Nous nous refusons à juger dans des conditions pareilles. / Père Ubu : À la trappe les magistrats ! (Ils se débattent en vain.) / Mère Ubu : Eh ! que fais-tu, Père Ubu ? Qui rendra maintenant la justice ? / Père Ubu : Tiens ! moi. Tu verras comme ça marchera bien. »

À lire aussi, Jérôme Leroy: Trump et Twitter: quand Ubu est remplacé par Big Brother…

Trump limoge ainsi son ministre de la Défense le 9 novembre, c’est-à-dire après l’élection perdue. Le désaveu de son ministre de la Justice, William Barr, après la déroute judiciaire de Giulani, ne l’arrête pas. On a même vu, dans une surenchère typiquement ubuesque, un avocat de Trump demander implicitement l’exécution de Chris Krebs, le responsable des élections limogé par Trump. « Quiconque pense que l’élection s’est bien passée, comme cet idiot de Krebs […] devrait être arrêté et écartelé. Sorti à l’aube et abattu », a ainsi déclaré, tout en douceur, Joseph di Genova qui aurait aussi bien pu entonner La Chanson du décervelage, l’hymne préféré du Père Ubu :

« Nous allions voir le décervelage

[…] Ru’ d’l’Échaudé, passer un bon moment.

“Voyez, voyez la machin’ tourner,

“Voyez, voyez la cervell’ sauter,

[Chœurs :] “Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !” »

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Progressistes et salafistes: l’humour à mort

 


Au nom de morales diverses, la mise sous surveillance de l’humour unit des groupes aussi différents que les néoféministes et les musulmans radicaux. Ils détestent autant le rire que le doute et la liberté de penser. Hier encore, le journal Le Monde adressait des excuses à ses lecteurs après la publication d’une caricature sur l’inceste accusée de « transphobie » par la meute progressiste. L’esprit de sérieux, une incontrôlable pandémie bête et méchante ?


Quel est le point commun entre progressistes et salafistes ? Ils partagent la même aversion pour l’humour et le second degré, et la même disposition naturelle pour un assommant esprit de sérieux. À l’intérêt bien connu des djihadistes pour Charlie Hebdo répond en miroir celui, par exemple, de l’Association des journalistes lesbiennes, gay, bi.e.s, trans et intersexes (AJL). Ces apprentis gestapistes ont soigneusement écouté « Les grosses têtes » pendant un mois (les pauvres !) pour y relever, au Bic quatre couleurs, plus de 300 propos sexistes, racistes, homophobes, grossophobes et tutti quanti. Ce n’est en réalité ni la première ni malheureusement la dernière fois que convergent les obsessions des muftis et des « woke » – la frange la plus « éveillée » des belles âmes.

La majorité de Français qui ne se reconnaît dans aucune des minorités revendicatrices (ou l’une de leurs subtiles subdivisions) subit le harcèlement médiatique et judiciaire de communautés unies soit par une religion, une race ou encore des mœurs. Toutes ont le même ennemi, ce groupe majoritaire aux contours flous et parfois périphériques, inlassablement sommé de lâcher du terrain, au propre comme au figuré. Qu’elle soit meurtrière avec les attentats, larvée dans les tribunaux ou épistolaire sur les réseaux sociaux, il s’agit bien d’une guerre visant à détruire un mode de vie jadis au diapason du mâle blanc hétéro et judéo-chrétien. Face à cette union de facto des tyrannies minoritaires, nous alternons entre lucidité impuissante et apathie (version Jean-Michel). L’attitude des Français incrédules fait songer à l’atmosphère de juin 1940 croquée ainsi par Michel Audiard : « Cette guerre, on voulait bien la gagner, à la rigueur la perdre, ce qu’on ne voulait pas, c’était la faire. » Il est vrai que le dialoguiste virait facilement persifleur, un genre de beauté qui a le don de hérisser autant les salafistes que les antispécistes.

Fatiguées et en colère. « Marche des femmes contre les inégalités », Londres, 18 janvier 2020 © Wiktor Szymanowicz / NurPhoto / AFP
Fatiguées et en colère. « Marche des femmes contre les inégalités », Londres, 18 janvier 2020 © Wiktor Szymanowicz / NurPhoto / AFP

On ne pourra donc pas accuser les ultraprogressistes et les islamistes de rire des mêmes blagues. Et pour cause, ils ne rient pas du tout. Porteurs des stigmates d’injustices commises par la majorité des Français (ou leurs ancêtres), ils ne supportent plus qu’on puisse y ajouter les blessures d’un trait d’esprit. Ce qu’ont à nous dire les minorités religieuses ou sociétales leur paraît plus important que nos vies – d’où la dangerosité de leurs radicaux. On peut désormais compléter la fameuse phrase de Desproges et affirmer qu’on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui… surtout si l’espiègle d’en face souhaite que s’abatte sur vous une fatwa divine ou inspirée par la « cancel culture ». Qui voudrait rire à gorge déployée avec un fou de Dieu ou frire dans l’enfer des réseaux sociaux façon « wok.e.s » ? 

La noblesse impérieuse de la cause justifie aux yeux de lobbys enragés le monolithique esprit de sérieux qui les anime tous (même si, objectivement, l’imam Khomeini paraissait plus déconneur que Greta Thunberg). Cet esprit de sérieux, selon la définition de Sartre, prend sa source dans des valeurs supérieures qui préexisteraient à l’homme. Celles par exemple d’un livre saint ou d’une religion révélée plus tardivement – le climat ou les droits de l’homme. Qu’elle concerne la supériorité d’un Dieu ou celle de la culpabilité écologique du mâle blanc, la foi, c’est la mauvaise foi. Encore qu’il y ait bien plus de parties de franches rigolades dans la Bible que dans un rapport du GIEC. Pour Hannah Arendt, visionnaire multirécidiviste, « l’esprit de sérieux est la négation par excellence de la liberté ». Une liberté à laquelle salafistes ou progressistes exigent des humoristes qu’ils renoncent séance tenante (ou continuent de l’exercer à leurs risques et périls). La liste est longue des artistes qui ont eu maille à partir avec l’une ou l’autre de ces associations vivant de subsides publics : Gad Elmaleh, Michel Leeb, Jérémy Ferrari, Pierre Péchin, Patrick Timsit, Jean-Marie Bigard, Blanche Gardin, etc. On y inclura Dieudonné le jour où la grossophobie aura fait autant de victimes que l’Holocauste. Il n’y a pas si longtemps, dans les années 1960, les chansonniers n’avaient d’ennui qu’avec le pouvoir gaullien – mais le pouvoir a depuis changé de camp. On prend moins de risque aujourd’hui à attaquer Emmanuel Macron qu’Assa Traoré.

De l’esprit de sérieux dans lequel communient tous les fanatismes ambiants découle une hypersusceptibilité. À cause d’elle, toute blague potache devient susceptible de dégénérer a minima en harcèlement numérique. Au demeurant, les quartiers sont sensibles, qu’on se le tienne pour dit. Cet épiderme délicat trouve aisément sa justification dans le ressentiment partagé par tous les contempteurs de la France d’avant. On ne peut nier que le populisme abrite, lui aussi, en son sein quelques malintentionnés au cœur plein d’amertume, mais sa totale illégitimité crève l’écran (et les pages du Monde). Le caractère odieux des revendications populistes peut, il va de soi, être remis en cause dans les mêmes conditions que la légitimité des ressentiments minoritaires : j-a-m-a-i-s. Que ce soit en raison de son lourd héritage historique ou de ses normes sociétales oppressives, le mâle blanc mérite tous les courroux – et le moins qu’il puisse faire, c’est bien ne pas la ramener avec sa soi-disant liberté de faire des pseudo-blagues. La vanne n’est pas une option, c’est un délit.

Ce cocktail de convictions viscérales, de mauvaise foi, de susceptibilité et de ressentiment demeure toutefois chimiquement instable. De temps en temps, il implose et nous fait rire malgré lui. Si le rien-à-voirisme pro-islam nous arrache parfois un sourire, il faut reconnaître que sur le terrain de la punchline, les progressistes se révèlent imbattables. Le trentenaire barbu qui affirma à Daniel Schneidermann ne pas être un homme fut magnifique. Pas plus cependant que Caroline De Haas suggérant d’élargir les trottoirs pour mettre fin au harcèlement des femmes par des migrants. Néanmoins, la charmante militante animaliste, dont j’aurais bien été le toutou vingt minutes (oui, répugnante allusion sexiste)… enfin bref, aussi jolie qu’inquiétante sur le plateau de BFM, cette sectatrice a assimilé le traitement des animaux de boucherie à la déportation. Ma chouchoute remporte donc provisoirement la palme de l’ignominie décérébrée, trophée pourtant âprement disputé. « Le drame de l’époque, c’est que la bêtise s’est mise à penser », disait Cocteau ; il semble même, ses sources d’inspiration se multipliant, qu’elle ne fasse désormais plus que cela – avec le probable renfort d’une équipe de nuit. Mais la chimie, comme on le sait sur les campus américains, n’est qu’une science de blancs alors que la vérité est Noire. (NB : Je respecte ici la typographie récemment adoptée par le New York Times et qui n’a évidemment rien de raciste, puisque animée par l’antiracisme le plus pur.) Je n’en ris toutefois toujours que d’un côté de la bouche.

Elisabeth Lévy ce matin au sujet de la polémique du dessin de Xavier Gorce

Parallèlement, le principe d’un rapport anal fréquent avec des insectes ailés noirs (sans majuscule) semble durablement établi au sein des avant-gardes révolutionnaires qui sont à la pointe des diverses croisades progressistes. À cet égard, l’écriture inclusive, en point médian ou en alphabet épicène, permet d’écrire une langue dont on ne peut lire les textes à voix haute – à la façon du couteau sans manche auquel on a retiré la lame. Tout en ravageant le fondement de l’insecte précédemment évoqué, ce dandysme neuneu vire au totalitarisme en voulant s’imposer à tous. Dans ce registre, j’ai également tenté d’échanger avec un responsable écolo estampillé EELV sur les ambiguïtés de son mouvement à l’égard de la cause indigéniste. Vif émoi de mon interlocuteur qui s’alarme aussitôt de l’emploi du terme indigéniste, marqué selon lui, du sceau infamant de la fachosphère (en fond sonore, la musique de L’Exorciste). Un peu surpris, je m’inquiète alors du vocable adéquat pour désigner des gens qui se réclament eux-mêmes du « Parti des indigènes de la République ». Au bout de quelques échanges, dont le but évident relevait de l’extase du diptère, j’ai compris que ce militant n’entendait dissiper aucune quelconque ambiguïté sur le sujet indigéniste. En revanche, il souhaitait ardemment interdire qu’on aborde un thème innommable au sens propre et à dessein. En clair, me fermer la gueule (et en cela, cohérent avec l’écriture inclusive). Une absence d’à-propos m’empêcha d’échafauder un compromis : substituer à indigène le lexème « schtroumpf » – on interrogerait ainsi à l’avenir Julien Bayou sur ses rapports avec le « Parti des Schtroumpfs de la République ». Une modalité apaisante, de nature à œuvrer pour le vivre-ensemble et extensible, pour un quotidien de référence, à tous les sujets qui fâchent – à la une : « On déplore encore une attaque d’un schtroumpf radicalisé. » De quoi rajeunir le lectorat qui plus est.

On aimerait les surprendre parfois à douter, mais c’est un sentiment que les militants des minorités tyranniques ne tolèrent pas plus que la poilade. Car rire, rire de soi, rire ensemble, précisément, c’est douter ; c’est envisager le compromis qui n’est pour eux que compromission alors que c’est l’essence de la démocratie. D’où leur aversion totalitaire pour la raillerie, l’ironie, la moquerie, l’espièglerie, la gouaille Charlie et tout le bataclan…

Sauvons nos élites à tout prix!

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Notre passion nationale pour l’égalité a bien des effets pervers. Quand ça va mal en France, la guillotine n’est jamais loin.


Il est quasi unanime et fort apprécié d’accuser les élites de tous les maux et de vouloir les faire disparaître de la société française au plus vite.

Les élites seraient profiteuses, favoriseraient l’entre soi, ne penseraient qu’à se goinfrer au détriment des salariés lambda, inégalitaires par définition, elles sont incapables de favoriser l’intérêt général. L’élite est la nouvelle classe sociale à abattre, le nouvel aristo à guillotiner !

Dans les élites, on trouve ceux qui sont issus des grandes écoles, les politiques, les « spécialistes », les dirigeants en général, les mandarins, les chefs de quelque chose et ce sont de préférence des hommes blancs de plus de 40 ans, qui décident pour les autres.

Les élites à l’heure de la post-vérité

Une sorte de communisme intellectuel qui voudrait que le salaire de la caissière de Carrefour (un prototype adoré des médias et des socialistes dans l’âme) devrait se rapprocher de celui du PDG qui est payé de façon indécente (même si ce peut être le cas).

Pour renforcer cette conviction, la démocratie participative procède du même anathème : dorénavant il est admis que chacun d’entre nous « sait » aussi bien que les élites ; les « réseaux sociaux » sont les premiers vecteurs anti-élites. Tout le monde a le droit d’avoir son avis, peu importe qu’on ait fait six ans d’études pour avoir une certaine connaissance dans un domaine. Le président de la République vient d’ailleurs d’encourager ce sentiment en tirant au sort 15 citoyens qui seraient capables de vérifier la stratégie vaccinale ! On croit rêver… La grande découverte de ces derniers temps, c’est que la vérité n’est qu’une opinion comme les autres ! A chacun la sienne.

Nous en sommes au stade où les certitudes qui s’affirment sur des bases inexistantes finissent par influer sur la marche du pays, les fameuses fake news en sont la conséquence. Platon s’est complètement planté avec sa théorie du philosophe roi, expliquant que ce sont nos philosophes (élites) qui entretiennent des liens intimes avec le savoir et y consacrent toute leur activité, qui doivent diriger la Cité.

A lire aussi, Anne-laure Boch: Vaccinée, enfin!

S’ajoute à cela la victimisation de la société qui est arrivée à un tel stade que l’on doit promouvoir d’abord les défavorisés, que le niveau scolaire ou estudiantin doit s’adapter à ceux qui ont le plus de difficultés. La meilleure façon de ne plus avoir d’élites c’est de ne plus en fabriquer et là on est bien parti !

Un nouvel ordre moral qui atteint même le monde de l’art, ainsi que le constate Nathalie Obadia dans The Art Newspaper Daily « les critères du classement des artistes sont ceux du militantisme et de l’engagement », les plus grands artistes américains disparaissent du classement mondial.

Voici donc les élites quelles qu’elles soient, contestées par principe et même chassées.

Chasse aux « profiteurs »

Il est toutefois vrai que certaines l’ont bien cherché, la certitude d’être intouchables, les meilleures places réservées aux mêmes qui se soutiennent, le club fermé des anciens élèves, la cooptation systématique, le blocage des nouveaux entrants, les grands corps de l’Etat, la puissance de l’administration, etc. ont peu à peu révolté les populations entraînant des extrémismes bien plus condamnables encore… Sans compter évidemment les profiteurs du système, qui le sont d’ailleurs plutôt moins qu’avant, aujourd’hui une patte de homard vous jette en pâture à l’opprobre nationale.

François de Rugy et sa femme Séverine le jour de la passation de son ministère, le 17 juillet. © SIPA, AP22358359_000007
François de Rugy et sa femme Séverine le jour de la passation de son ministère, le 17 juillet.
© SIPA, AP22358359_000007

Que l’égalité des chances au départ soit une priorité est indiscutable, mais à l’arrivée c’est indéfendable.

Le vrai problème c’est que notre pays a besoin d’élites plus que jamais, la complexité du monde nécessite les meilleurs, les talents, les plus doués, il faut les faire émerger d’où qu’ils viennent. Nous avons besoin d’excellents professeurs, de fonctionnaires qu’on autorise à réfléchir et qu’on récompense pour leur prise de risque, d’ingénieurs brillants, de chercheurs qui ne filent pas à l’étranger pour être mieux payés et sans carcan. Non ! Tous les gens ne se valent pas, il est faux de dire qu’on a tous les mêmes capacités… NON ! Il ne faut absolument pas se réjouir de classes d’âge entières qui obtiennent le bac avec un niveau de plus en plus médiocre, accepter un nivellement par le bas dans les facs sous prétexte d’égalité des chances, arrêter de justifier l’échec, de refuser les classements, de renoncer aux prix d’excellence… Tout cela au nom du socialisme ? Il ne mérite pas cette dégradation et cette déconstruction.

A lire aussi, du même auteur: Tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire, et inversement!

Oui, il y a des gens plus intelligents que d’autres, plus travailleurs, plus doués. On en est arrivé à l’aberration dans une entreprise de ne pas avoir le droit d’augmenter un salarié qui est excellent et en fait plus, si l’on n’augmente pas de la même façon celui qui a le poste équivalent et qui en fait le minimum[tooltips content= »J’ai eu personnellement la surprise dans ma propre entreprise MULTILIGNES CONSEIL de me voir rétorquer une augmentation par la direction des ressources humaines, à une assistante brillante et bosseuse… à moins d’augmenter une autre qui avait la même définition de poste et qui faisait le strict minimum sans enthousiasme ! J’ai essayé de m’en tirer avec une prime: nenni ! Tout le monde ou personne! »](1)[/tooltips]. La compétition et la concurrence sont les moteurs du succès, rappelons-le-nous.

Nos élites ne sont pas des saints et soyons vigilants en revanche avec ceux qui profiteraient abusivement de certaines situations ; les privilèges aussi font partie de la vie, du succès et de la réussite, tout ce que nous conspuons de plus en plus.

L’égalité ne doit pas passer par l’égalitarisme, nous confondons les deux, au détriment du classement de la France dans le monde.

Biden et les cols bleus: entre insultes et promesses

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Élu avec le soutien des syndicats, le nouveau président des États-Unis peut-il prétendre parler au nom des classes ouvrières?


Certes, la violence n’était pas celle du massacre de Haymarket Square en 1886 lors duquel des policiers paniqués tirèrent sur des ouvriers anarchistes dans le contexte de la lutte pour la journée de huit heures, mais les insultes de Joe Biden à l’encontre d’un de leurs collègues furent mal reçues par les ouvriers généralement favorables à Donald Trump. Le Président-élu, soutenu par les syndicats, tente d’attirer les cols bleus tout en discriminant les petites entreprises en fonction de la race et du sexe de leurs dirigeants.

Lors d’une visite de campagne dans une usine de Détroit en mars 2020, le candidat Joe Biden avait été interpelé par un ouvrier automobile quant au droit de porter des armes sur lequel il entend revenir. Le démocrate s’était rapidement lâché en honorant son interlocuteur des insultes « plein de merde » (full of shit) et « idiot » (horse’s ass, littéralement cul de cheval). Si le sujet ne concernait pas les conditions de travail, les insultes ont cependant été considérées comme relevant du mépris de classe. Le vote ouvrier, qui était généralement acquis aux démocrates, s’était porté en 2016 sur le milliardaire Donald Trump qui promettait de faire revenir les emplois et dénonçait la condescendance des élites envers le petit peuple.

Le retour d’une fierté ouvrière mise à mal par la mondialisation

Dans De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville remarquait cette particularité d’alors de la jeune nation: « Aux États-Unis, les professions sont plus ou moins pénibles, plus ou moins lucratives, mais elles ne sont jamais ni hautes ni basses. Toute profession honnête est honorable. » Ce prisme n’est plus celui à travers lequel les ouvriers ont l’impression d’être vus, et le candidat Trump avait dénoncé la déconsidération sociale lors de sa campagne de 2015-2016. Le déclassement de certaines catégories socio-professionnelles engendré par la mondialisation avec les délocalisations, la stagnation des salaires, le chômage, était une réalité se heurtant à des préoccupations politiciennes de plus en plus déconnectées du vécu du monde ouvrier. Il avait accru la défiance de ce dernier envers la politique.

A lire aussi: Joe Biden: J-3 avant un «président normal»?

Ces quatre dernières années, les relocalisations, l’augmentation de 25% des droits de douane sur l’acier étranger, ainsi que le retour de l’emploi avec un chômage à 3,5% avant l’apparition du Covid-19 aux États-Unis ont conduit à une hausse des salaires profitant notamment aux cols bleus, les entreprises ayant fortement besoin de main-d’œuvre. Tout comme la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), remplacé par l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) sous l’impulsion de Donald Trump en vue d’un rééquilibrage plus favorable à l’économie américaine, obligeant les trois pays à s’aligner sur les droits standards reconnus par l’Organisation internationale du travail, ce qui visait le Mexique. Cet accord prévoit que 75% d’un véhicule soit fabriqué dans l’un de ces pays pour être exempté de droits de douanes (contre 62,5% auparavant) ou que 40% du travail sur un véhicule soit effectué par des salariés touchant au moins 16 dollars par heure – le salaire moyen d’un ouvrier automobile mexicain est de 3,14 dollars de l’heure.

Donald Trump accusait l’ALENA d’avoir détruit des emplois dans le secteur de l’automobile aux États-Unis au profit du Mexique.

Un candidat davantage soutenu par les syndicats que par les travailleurs

Pour attirer les cols bleus, Joe Biden avait misé sur les syndicats avec sa plateforme en ligne intitulée « Le plan Biden pour renforcer l’organisation des travailleurs, la négociation collective et les syndicats ». Le candidat démocrate promettait notamment de « veiller à ce que les travailleurs soient traités avec dignité et reçoivent les salaires, les bénéfices et la sécurité au travail qu’ils méritent ». Parmi les dernières propositions de Joe Biden, figure le doublement du salaire minimum fédéral qui passerait de 7,25 à 15 dollars de l’heure. Si le minimum fédéral – auquel des États dérogent à la hausse ou à la baisse – n’a pas évolué depuis 2009, les salaires réels (considérant l’inflation) ont tout de même constamment augmenté sous la présidence Trump jusqu’à l’épidémie de Covid-19. En décembre 2019, pour la première fois depuis juillet 2018, l’augmentation des salaires s’est située sous la barre des 3%, à 2,9% au lieu des 3,1 espérés. Le passage du salaire minimum à 15 dollars aurait pour conséquence une forte hausse des prix voire du chômage dans certains États où les employeurs seraient incapables de s’aligner, notamment ceux où le confinement a fortement détruit l’emploi, tandis que d’autres comme la Floride l’ont déjà validé.

A lire aussi, Gil Mihaely: Joe Biden: le fossoyeur des classes moyennes sera-t-il leur sauveur?

Par ailleurs, le plan de stimulation de l’économie de Joe Biden demande aux entreprises de l’alimentation et du commerce de verser des primes de risque aux salariés au contact du public, d’augmenter les fonds pour les équipements de protection, les tests Covid-19 et les vaccins. L’United Food and Commercial Workers International Union, un syndicat représentant 1,8 million de travailleurs, a salué la mesure. De manière générale, les syndicats avaient adoubé le Parti démocrate avant même la désignation du candidat à la présidentielle, notamment dans les États industriels. Le plus grand regroupement syndical du pays, l’American Federation of Labor and Congress of Industrial Organizations, avait appelé à voter contre le Président sortant et soutenu Joe Biden.

Cependant, si Joe Biden a promis d’être le président le plus pro-syndicats, les travailleurs n’ont pas suivi les recommandations et ont à nouveau choisi le candidat républicain. Les cols bleus, satisfaits des résultats économiques de Donald Trump, n’ont par ailleurs pas oublié le soutien de Joe Biden à l’ALENA et au Partenariat Transpacifique. Trump a perdu le vote de la rust belt, qui couvre partiellement certains des États dans lesquels les Républicains parlent de fraude – et où les tribunaux ont refusé d’examiner les affaires au fond en arguant de l’irrecevabilité des requêtes -, mais il a devancé Biden de 35 % dans la catégorie des « White, some college or less » (Blancs qui n’ont pas fini l’université ou n’y sont pas allés), tandis que ce dernier l’a devancé de 46% dans la catégorie des non-Blancs non diplômés, mais minoritaires. Ces catégories répondent globalement à la définition des cols bleus.

Le travail de séduction des travailleurs ne sera pas aisé pour Joe Biden, d’autant que son projet de relance de l’économie prévoit une discrimination raciale au profit des entreprises détenues par les femmes et des personnes des minorités raciales. Une façon de récupérer la partie de cet électorat qui a rejoint Donald Trump et que les Républicains s’efforceront de conserver.

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Accepter la République, aimer la France

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Allégorie de la République , Dominique Papety, 1848. © Bridgeman Images/Leemage

Accepter la République et ses lois écrites fait de vous un citoyen. Mais apprendre les codes non écrits d’un peuple et y adhérer transforme les citoyens en membres d’une nation et en héritiers de plein droit du passé du peuple qu’ils rejoignent. 


L’idée d’assimilation n’a pas bonne presse dans une époque qui valorise par-dessus tout le droit de chacun à suivre sa propre voie et, s’il est migrant, à cultiver ce qui le relie à sa société d’origine. Le sens même de la notion est mis en question dans des sociétés marquées par une grande diversité de choix de vie. Auxquels de ses membres, objecte-t-on, faudrait-il ressembler pour être déclaré « assimilé » ? En réalité, cette objection fait bon marché du fait que la diversité d’une société n’est pas infinie.

À lire aussi, Élisabeth Lévy: L’assimilation: une dernière chance pour la France

Trois manières de prendre place dans une société d’accueil

L’existence d’institutions communes, de lois communes, souvent d’une langue commune, d’éléments de mémoire largement partagés au sein d’une communauté nationale (la Révolution française, la guerre de Sécession), fait qu’en dépit de sa diversité interne, chaque société a quelque chose d’unique. Ainsi, selon les pays, l’encadrement des conduites de chacun est assuré d’une manière particulière, que ce soit par un pouvoir fort comme en Chine, par la pression sociale comme au Japon, ou par la loi comme en Europe occidentale. Les modalités permettant à des groupes qui vivent différemment de coexister de manière relativement pacifique divergent selon les sociétés : dans certains cas, comme aux États-Unis, les groupes vivent largement dans des lieux distincts ; dans les sociétés de castes, les rapports entre groupes sont minutieusement codifiés. L’existence d’une identité commune joue un rôle important quand il s’agit pour une nation d’agir en corps, comme en guerre. Tout ce patrimoine peut donner l’impression d’aller de soi pour ceux qui l’ont reçu en héritage dès leur plus jeune âge, mais peut paraître étrange à ceux qui viennent d’ailleurs.

Pour les nouveaux venus, trois grandes manières de prendre place là où ils jettent l’ancre sont possibles.

Une attitude courante consiste à se soumettre aux lois du pays d’accueil tout en continuant autant que possible, dans les domaines que ces lois ne régissent pas, à maintenir les traditions de sa société d’origine au sein d’une diaspora. Les liens avec cette société, notamment ses médias, restent privilégiés, l’endogamie est forte ainsi que la sociabilité intracommunautaire. On a alors une simple intégration.

Philippe d'Iribarne est Directeur de recherches au CNRS © Hermance Triay / Opale / Leemage
Philippe d’Iribarne est directeur de recherches au CNRS © Hermance Triay / Opale / Leemage

Une attitude plus offensive consiste à tenter d’imposer au pays d’accueil la loi qui prévaut dans son lieu d’origine. Il s’agit de s’appuyer sur l’acquisition des droits du citoyen pour agir en ce sens. Pensons par exemple à la pancarte, brandie au cours d’une manifestation : « Française musulmane voilée. Si je vous dérange je vous invite à quitté [sic] mon pays. » Dans ce propos « mon pays » ne veut pas dire le pays dont je reçois l’héritage avec gratitude, mais celui qui m’appartient comme si je l’avais conquis.

L’assimilation se situe aux antipodes de cette perspective conquérante. Il s’agit, au-delà du seul respect des lois de la société d’accueil, de devenir un membre ordinaire de celle-ci, se voulant pleinement héritier de son histoire, adoptant ses mœurs, y trouvant un conjoint et des amis en même temps qu’une identité. Jean Daniel a évoqué cette démarche, qui a été celle de sa famille : « Avec les avantages d’une citoyenneté, les nouveaux Français recevaient l’honneur d’une appartenance. […] Ils ne se demandaient pas ce que le pays leur devait, mais ce qu’ils devaient au pays. Et ce qu’ils devaient était simple : un partage de souvenirs et de projets ; une profonde adhésion aux valeurs de la société qui les accueillait ; un respect scrupuleux des valeurs, des rites et des usages de cette société .[tooltips content= »Jean Daniel, « Barrage contre le communautarisme », Le Nouvel Observateur, 19-25 décembre 2002. »](1)[/tooltips] »

Marche contre l'islamophobie, Paris, 10 novembre 2019. © Marie Magnin/ Hans Lucas/AFP
Marche contre l’islamophobie, Paris, 10 novembre 2019. © Marie Magnin/ Hans Lucas/AFP

Des difficultés très inégales selon les pays et les populations accueillies

Une telle assimilation n’est pas seulement une question de volonté, mais de difficulté objective, qui tient à la fois aux exigences de la société d’accueil et au chemin que doivent accomplir les nouveaux venus pour y répondre.

Selon les pays, les conditions à remplir pour être regardé comme un membre ordinaire de la société sont très diverses. Ainsi, il paraît impossible d’être considéré comme un vrai Japonais si l’on n’est pas d’ascendance japonaise ; on trouve au Japon des Coréens toujours identifiés comme tels alors que leur famille vit dans le pays depuis des générations. À l’inverse, aux États-Unis, le respect de la loi, du drapeau, de l’hymne national suffit pour être considéré comme un « vrai Américain » ; diverses communautés d’origine revendiquant chacune leur propre héritage, et entre lesquelles les liens de solidarité sont relativement ténus, y coexistent, même si officiellement le principe « égaux, mais séparés » n’est plus en vigueur. On se rapproche du cas des empires où coexistent une pluralité de nations et où on a moins une assimilation à l’empire dans son ensemble qu’à une des communautés qui le composent.

A lire aussi, Bérénice Levet: L’assimilation: une dernière chance pour la France

En France l’idée d’assimilation est source de malaise du fait qu’elle confronte aux contradictions intimes de la société française prise entre l’image officielle qu’elle donne d’elle-même et la réalité de son fonctionnement social. Officiellement, l’appartenance à la nation est marquée par une stricte distinction entre espace public et sphère privée : « Au privé la libre expression des différences, au public l’assimilation à l’ordre politique et juridique de la citoyenneté. Au privé l’affirmation libre des identités et des références particulières grâce auxquelles l’homme donne librement un sens à son existence […], au public l’unité-égalité-universalité de la citoyenneté de l’individu.[tooltips content= »Dominique Schnapper, La Relation à l’Autre : au cœur de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1998, p. 186. »](2)[/tooltips] » Dans cette logique, il n’est pas question d’assimilation et la constitution de diasporas au sein de l’espace privé est parfaitement admissible. Mais en pratique, la société française regorge de lois non écrites, souvent beaucoup plus respectées que ne le sont celles de la République. Ainsi, une certaine discrétion dans l’affichage des convictions politiques et religieuses est exigée comme un élément essentiel de la paix sociale. Ce qui « ne se fait pas » tient une grande place dans les rapports sociaux, y compris ceux qui relèvent de la sphère publique. La manière dont chacun est traité dans cette sphère, qu’il s’agisse du monde du travail, des rapports entre locataires et bailleurs ou même des rapports avec l’administration, dépend largement de la façon dont il respecte non seulement les lois, mais aussi les mœurs, de son degré d’assimilation. Or il n’est pas évident pour ceux qui viennent d’ailleurs de saisir la subtilité de ces codes que chacun apprend dans sa famille, sans qu’ils soient affichés nulle part, et qu’il est même offensant de rappeler à quelqu’un qui ne les respecte pas de lui-même. Cet écart entre l’officiel et l’officieux conduit nombre de ceux qui subissent des réactions de rejet, du fait de leur manque d’assimilation, à les ressentir comme discriminatoires, alors que les mêmes manières d’être susciteraient des réactions analogues, voire plus vives (car ils ne peuvent avoir l’excuse de mal connaître les codes sociaux) envers ceux qui sont là depuis des lustres[tooltips content= »Philippe d’Iribarne, Les Immigrés de la République, Seuil, 2010. »](3)[/tooltips].

Par ailleurs, dans un contexte donné, la difficulté à s’assimiler pour celui qui le souhaite dépend beaucoup du chemin qu’il a à parcourir, en fonction de l’étendue qui sépare les normes de vie auxquelles il est attaché, ses évidences familières, de celles qui prévalent dans la société qui l’accueille.

Un point épineux concerne la façon de vivre une double allégeance, à un pays et à une religion. De manière générale, il existe deux grandes manières de résoudre cette équation. La première consiste à faire allégeance à une entité d’ordre supérieur qui transcende la religion et la patrie. Victor Klemperer, juif allemand dit « assimilé », écrit ainsi dans son célèbre ouvrage sur la langue du IIIe Reich : « La véritable mission que ce Dieu a assignée à son peuple [le peuple Juif] est justement de n’être pas un peuple, de n’être attaché à aucune barrière spatiale, à aucune barrière physique, de servir, sans racine, la seule idée. » En se référant aux mêmes valeurs supérieures, en tant que juif et en tant qu’Allemand, il s’affirmait sans contradiction totalement l’un et l’autre. L’autre approche consiste à séparer les domaines de l’existence qui relèvent de la religion (la vie privée) de ceux qui relèvent d’un monde profane (l’organisation de la cité), séparant ainsi deux objets d’allégeance qui n’entrent pas en concurrence.

Dans la rencontre entre le monde musulman et l’Occident, ces deux approches font difficulté, raison pour laquelle l’assimilation des musulmans est tout sauf évidente. L’appel à des valeurs auxquelles il serait possible d’adhérer simultanément en tant que musulman et en tant qu’Occidental, dans une allégeance qui transcenderait deux allégeances partielles, ne paraît guère possible pour des musulmans conséquents. La liberté de conscience, qui est au cœur des civilisations européennes, n’est pas acceptée dans l’islam. Ainsi il n’est pas question pour celui-ci d’admettre le droit de le quitter pour une autre religion. De plus, le refus musulman de l’égalité entre hommes et femmes a un caractère d’autant plus sacré que le Coran l’érige en norme, notamment pour affirmer qu’un homme vaut deux femmes en matière d’héritage (Cor IV 11). Quant à la distinction entre une sphère profane, où il convient de se conformer aux usages de la société environnante, et une sphère religieuse, elle est également problématique, tant l’islam est dès l’origine un mouvement politico-religieux. Dès lors que les préceptes religieux régissent des domaines tels que la nourriture et le vêtement, on voit mal comment un musulman conséquent pourrait accepter les normes profanes dans ces domaines.

Cette difficulté à être simultanément en harmonie avec les orientations du monde occidental et avec celles de l’islam est à la source de profondes fractures parmi les Français musulmans. Une partie significative d’entre eux (environ 15 %[tooltips content= »Hakim El Karoui, L’islam, une religion française, « Le Débat », Gallimard, 2018, p. 26. »](4)[/tooltips]) privilégie une perspective d’assimilation, mais quitte l’islam, ou du moins se contente de quelques pratiques qui ne concernent que leur vie privée. D’autres, au contraire, privilégient l’islam et rejettent la société française, dans une perspective conquérante ou au moins de diaspora. Ainsi, dans un sondage parmi les musulmans de France réalisé en août 2020 à l’occasion du procès de Charlie Hebdo, ils ont été interrogés sur la proposition « L’islam est incompatible avec les valeurs de la société française ». Près d’un tiers (29 %) a répondu par l’affirmative (36 % chez les hommes, 23 % chez les femmes), mais cette proportion s’élève à 45 % chez les moins de 25 ans. De même, 56 % des musulmans, contre 5 % de la population générale, approuvent  la proposition « Une femme doit obéir à son mari »[tooltips content= »Hakim El Karoui, « Un islam français est possible », rapport de l’Institut Montaigne, septembre 2016, p. 45. »](5)[/tooltips]. On comprend mieux que ceux qui cherchent à être à la fois de bons musulmans et de bons Occidentaux peinent à y parvenir.

À lire aussi, Jean-Pascal Caravano: Musulmans français, encore un (gros) effort vers l’assimilation!

À ces difficultés structurelles de l’assimilation, il faut ajouter une dimension sociale. En France, parmi les immigrés originaires de l’ex-empire colonial, certains, issus de famille qui appartiennent, dans leur pays d’origine, à la bourgeoisie intellectuelle ou aux milieux d’affaires, possèdent déjà toute une familiarité avec des habitus français. Il n’en va pas de même pour ceux qui sont issus de milieux modestes ou ruraux. Certains, parce qu’ils ont une farouche volonté d’assimilation, y parviennent, sinon pour eux pour leurs enfants. Beaucoup pourrait être fait pour les y aider en leur permettant de mieux décrypter les exigences de leur société d’accueil.

Energie: un scénario 100% renouvelables ne tient pas la route !

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Tronçon de l'autoroute A10, dans l'Eure-et-Loir © AFP

Sans cesse paraissent des études, y compris d’acteurs institutionnels comme l’ADEME, assurant à l’opinion qu’à échéance, toute l’électricité dont les consommateurs auront besoin sera fournie, avec l’appoint de l’hydroélectricité, par les électricités renouvelables intermittentes (ElRi), électricités éolienne et solaire photovoltaïque, permettant ainsi d’éliminer les combustibles fossiles et le nucléaire. Ainsi, Contexte vient de « révéler » l’existence d’une étude encore non publique du Gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité (RTE), selon laquelle un mix électrique fondé sur des parts très élevées d’énergies renouvelables est techniquement possible. 

Vent et soleil sont intermittents

Les énergies du vent et de soleil sont certes renouvelables, mais leurs puissances sont très variables. Il n’y a pas de soleil la nuit, peu par temps nuageux et beaucoup moins en hiver qu’en été. Le vent est parfois très violent, et peut être très faible à l’échelle de la journée et parfois d’une semaine ou plus, à l’échelle de toute l’Europe. On dit qu’elles sont intermittentes. Il en est de même des électricités qu’on en tire avec les éoliennes et les panneaux solaires. Ces électricités sont non-pilotables, car leurs puissances sont indépendantes de la volonté humaine. Elles sont pour l’essentiel inutilisables parce qu’elles sont inadaptées aux besoins des consommateurs.

Le 8 janvier à 14 heures, l’Europe est passée très près d’un black-out

Deux méthodes sont cependant possibles pour rendre utilisables ces ElRi  :

1- leur couplage avec des centrales dites pilotables pouvant faire varier leur puissance à la demande, en France essentiellement les centrales nucléaires et hydroélectriques, en Allemagne les centrales à charbon et de plus en plus à gaz. Ces centrales font varier leur puissance en contrepoint de celles des ElRi, pour que le mix électrique en résultant s’ajuste en permanence aux besoins des consommateurs ;

2- leur couplage avec des systèmes de stockage-déstockage de l’électricité produite permettant de faire en permanence cet ajustement, avec cependant une perte des quantités d’électricité stockées variant suivant les types de stockage. Dans les deux cas le prix du mix électrique est considérablement augmenté, puisqu’il faut coupler deux systèmes, l’un non-pilotable et l’autre pilotable, pour produire la même quantité d’électricité[tooltips content= »France-Stratégie, 2022 : Quelle sécurité d’approvisionnement électrique en Europe à horizon 2030 ? Note d’analyse n°99. »](1)[/tooltips].

Les systèmes de stockage-déstockage actuels n’ont ni les capacités, ni les puissances nécessaires pour permettre d’alimenter un pays comme le nôtre avec uniquement des ElRi, loin s’en faut. Ce sont donc les centrales pilotables qui pour l’essentiel sont utilisées. Ce qui impose des limites aux proportions d’ElRi pouvant être mises sur les réseaux, sous peine de déstabiliser les systèmes en provoquant des black-outs. Plus sera augmentée la puissance totale des ElRi et diminuée celle des centrales pilotables, ce qui est la politique actuelle en France et en Europe, plus augmentera ce risque de black-out comme vient de le rappeler France-Stratégie qui s’en inquiète[tooltips content= »Sapy, G., 2021: La sécurité d’alimentation en électricité du pays en danger. Etude pour Sauvons le climat. https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/4154-la-securite-d-alimentation-en-electricite-du-pays-en-danger »](2)[/tooltips]. Le 8 janvier à 14 heures, l’Europe est d’ailleurs passée très près d’un black-out, qui n’a pu être évité qu’en procédant à des « effacements » autoritaires de la consommation d’entreprises « électro-intensives ».

9000 éoliennes déjà installées

Toutes ces études favorables à un mix électrique avec des parts élevées d’énergies renouvelables font donc le pari que l’on trouvera une méthode de stockage-déstockage permettant de se substituer aux centrales pilotables, et prétendent même qu’on l’a déjà trouvée. C’est le power-to-power (P2P), qui passe par la production d’hydrogène électrolytique avec les ElRi, hydrogène que l’on pourra réutiliser à la demande à l’aide de turbines à hydrogène ou de piles à combustibles pour produire de l’électricité. C’est en principe techniquement possible. Il existe des pilotes expérimentaux, mais pas de filière industrielle. 

A lire aussi, Sami Biasoni: La « Grande Réinitialisation »: le monde d’avant en pire

Cependant le rendement électrique du P2P n’est que de l’ordre de 25 à 30%. En 2020, la quantité d’électricité fournie par l’éolien a été d’environ 9% de la consommation française, avec 9000 éoliennes installées. Il faudrait donc avec le P2P en installer 3 à 4 fois plus de puissance rien que pour assurer ces 9%. Et si l’éolien devait assurer 100% de la consommation française, il faudrait en installer de 30 à 40 fois plus, c’est-à-dire submerger tout notre espace rural et ses habitants avec des éoliennes géantes.  La question de l’accès à la quantité de matériaux nécessaires aux filières des ElRi, environ 10 fois plus que le nucléaire par KWh produit pour l’éolien, 15 fois plus pour le solaire PV, n’est pas abordée par les auteurs de ces études. Tout comme celle du coût considérable de la restructuration et du renforcement du réseau électrique nécessaires à leur développement. Elles sont rarement assorties d’études de la viabilité financière, et quand c’est le cas, elles font le pari que les conditions économiques et financières seront les mêmes à échéance de 30 ans que maintenant.

Jeu hasardeux

Ces considérations terre à terre n’intéressent visiblement pas les auteurs de ces études. Elles ont certes leur utilité pour explorer le champ des possibles, mais il est trop facile d’en faire varier les paramètres et d’en ignorer d’autres pour aboutir au résultat que l’on veut obtenir. 

Les publier à la va-vite avant d’avoir fait l’objet d’une vérification attentive de tous les aspects et de toutes les contraintes par des spécialistes autres que leurs concepteurs, ce qui a jusqu’à présent été toujours le cas, est un acte politique et non scientifique. Il serait étonnant qu’il en soit autrement de l’étude signalée par Contexte.

Il est imprudent de jouer ainsi aux dés la politique énergétique de la France.

Un vent de folie : L'éolien en France : mensonge et arnaque ?

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« Vivonne », le nouveau roman de Jerôme Leroy

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Jérôme Leroy © Hannah Assouline

Une quête, un exode, une guerre sans merci – un naufrage planétaire. Sommes-nous avant ou après la Catastrophe ? Le roman de Jérôme Leroy semble prédire ce qui fut pour mieux se remémorer ce qui nous attend… dans l’ombre d’Homère.


Ça commence par un Oradour – un massacre de villageois sous un ciel bleu et or. Ça finit avec le bruit du vent dans les arbres et le nom murmuré d’un poète disparu : Adrien Vivonne[tooltips content= »Auteur supposé d’un roman introuvable, Danser dans les ruines en évitant les balles, publié chez un éditeur non moins introuvable, Les Grandes Largeurs, en 1995. Et d’un chef-d’œuvre inconnu intitulé : Mille Visages. Il aurait disparu en 2008. »](1)[/tooltips].

À lire aussi, Benoît Rayski: Aux grands poètes, les LGBT reconnaissants

Oui, bien sûr que la douceur existe puisque soudain elle n’est plus là, on s’en souvient seulement et ça fait un peu mal – par je ne sais quelle diablerie, la douceur et la douleur ne se séparent que d’une lettre. On le sait depuis Charles d’Orléans qui écrivait des ballades dans sa prison anglaise avec de l’encre et des larmes.

Je soupçonne Leroy de le savoir d’instinct, je l’envie.

Je le dis d’emblée, j’aime beaucoup Jérôme Leroy, oui je sais, c’est un collaborateur de ce journal, mais je l’aimais avant.

On n’habite jamais que le pays que l’on quitte

Avant quoi ? Avant, après, ça se touche. On n’habite jamais que le pays que l’on quitte, comme Ulysse. C’est peut-être cela le sujet de ce livre. Un roman homérique ? Oui, d’une certaine façon. Une quête, un exode, un périple. Une guerre atroce, totale, sans merci, façon lutte finale, avec des drones, des cyberattaques et des miliciens – une Iliade planétaire ! Et puis la brise de l’aube, la mer violette caressée par le meltem, le vent des Cyclades – le petit port d’Ermoúpoli dans l’île de Syros, ça vous dit ? Et les sortilèges du lac de Vassivière dans le Limousin. Et ce n’est pas une surprise, un « Grand Typhon » sur Paris outragé, Paris crotté, Paris vaincu – auprès de quoi la débâcle de juin 1940 ressemble à une escapade.

Au-delà de ces motifs épars qu’il s’ingénie à recoudre avec soin, Leroy nous fait vivre la crainte, le retour des âges et des dieux d’avant – d’avant le sac de Troie, d’avant l’Histoire, d’avant la tyrannie des « Dingues ». Le temps d’avant – qui préfigure le temps d’après ou qui s’en souvient déjà. Le temps qui dort, le temps qui rêve – et il y a une île, un volcan, une chevelure dans son rêve.

Leroy traite le temps comme une matière, une couleur, un décor qui rêve à notre place

Qui a enfanté le Minotaure ? Est-ce Éole ou Apollon qui soulève les nappes et les jupes des filles ?… Une chose est sûre : il y a « une porte au fond du jardin », et elle ouvre sur un éternel été – grec ! Ce n’est pas un hasard si l’un des personnages ici s’appelle « Odysseus » – sans Homère, le « Grand Aveugle », saurions-nous ce qu’est un rivage ?

Car Leroy traite le temps comme une matière, une couleur, un décor qui rêve à notre place – de « l’immémorial », dirait Quignard. Que demander d’autre à un écrivain ?

Car Leroy est un millénariste à rebours – le Messie, ce n’est pas demain la veille, camarades, il pleut, il pleut bergère, oh ! on a perdu Clara Zetkin ! adieu Lénine ! adieu Thorez ! pleurez enfants, vous n’avez plus de pères, mais mieux vaut en rire. Je résume bien sûr.

Leroy parle la langue des naufrages avec un accent tragique

Le théâtre veut des « machines » ; le roman exige des « paysages ». Des villes mortes, hantées, crépusculaires, encore mieux ! Avant nous, qui sommes nés en province et qui habitons Paris, disons, entre le boulevard Raspail et le carrefour de l’Odéon, il y avait déjà sur terre des mouches, des crocodiles et des rats ; après nous, il y en aura encore. Ce n’est pas si difficile d’être prémonitoire, il suffit de raconter le pire puisqu’il est déjà là.

Leroy parle la langue des naufrages avec un accent tragique, mais au sens solaire des Grecs en s’interdisant la pitié. Il appartient à la catégorie des guetteurs mélancoliques pour qui la littérature est une requête primitive à la fois nécessaire et désespérée. Leur ancêtre, c’est Cassandre. Les oncles de la famille sont Marcel Aymé ou Simenon, toujours en maraude à l’orée du fantastique, avec un penchant pour l’allégorie. Avec un désir de vacance – un vide, une attente, une note d’oubli qu’ils pincent comme une corde. Avec des lueurs d’outre-monde – de mornes résurgences des sixties, des nuances exactes de brume un soir d’automne dans la banlieue sud de Rouen, des frayeurs inexpliquées. Avec je ne sais quoi de néfaste qui rôde et qui n’interdit pas l’idée du bonheur – enfui.

À lire aussi, Roland Jaccard: Sur Henri Raczymov, artiste de la faim

Ce qu’on serait tenté d’appeler du « fantastique social » – l’expression est de Mac Orlan, je crois – en songeant peut-être à l’Argentin Cortazar, l’auteur de Marelle, ou à l’Albanais Kadaré – ce petit-fils d’Homère revisité par Gogol. Car Leroy n’écrit pas tout seul, des ombres l’escortent. Et un remords, un revenant nommé Vivonne – « oui, comme le poète ». Sauf que sa langue et ses personnages, quoique classiques, sont absolument vivants, contemporains, comme le marrane est juif sous son baptême.

Ai-je dit pourquoi j’aimais Jérôme Leroy ?

Parce qu’il ne récrit pas Le Grand Meaulnes.

Parce que son œil est un détecteur de fumée.

Un auteur qui modifie la sensibilité du lecteur de façon indolore

Parce qu’il a l’art de jouir en se mordant les doigts, comme Amy Winehouse ou comme ce chenapan de saint Augustin – il y a des anges et des murmures, mais aussi de l’ivresse dans le repentir.

Parce qu’il est de ces auteurs qui modifient la sensibilité du lecteur de façon indolore, comme une goutte de poison qui s’insinue par l’oreille et qui entre dans le cœur.

Et enfin parce qu’il décrit par charité ou par dépit amoureux, allez savoir, des vices qui ne sont pas les siens, des turpitudes qu’il n’a pas commises et qui sont vraies – et qui sont un peu les nôtres.

C’est ça, un romancier ? Oui.

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Xavier Gorce: de moins en moins de Monde pour rire

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L'immeuble du journal le Monde à Paris © RICCARDO MILANI / HANS LUCAS

Depuis hier, un dessin de presse fait grand bruit… Au micro de Sud Radio, la directrice de la rédaction de Causeur Elisabeth Lévy a donné son avis.


Ce dessin a été publié par Le Monde, durant quelques heures seulement, dans sa newsletter, avant d’être retiré. Il s’agit d’un dessin de Xavier Gorce présentant deux pingouins, ses personnages traditionnels. L’un dit à l’autre: « Si j’ai été abusée par le demi-frère adoptif de la compagne de mon père transgenre devenu ma mère, est-ce un inceste ?« 

Sitôt publiée, la caricature a suscité une flopée de réactions outragées. On se moque des victimes de l’inceste! On fait l’amalgame entre l’inceste et les LGBT! Transphobie! Et voilà ce dessinateur très bien-pensant accusé d’être d’extrême droite.

Qu’un dessin énerve des gens, ce n’est pas une grande affaire

Un dessin qui énerve une flopée de gens s’estimant outragés, on a déjà vu ça. On pourrait donc penser qu’il n’y a pas d’affaire. Mais non. 

A lire aussi: Caricatures retirées du New York Times: ainsi meurt la liberté

L’affaire, c’est que Le Monde l’a donc retiré avec une piteuse autocritique de la directrice de la rédaction. Elle écrit: « ce dessin n’aurait pas dû être publié. Il peut être lu comme une relativisation de la gravité des faits d’inceste, en des termes déplacés vis-à-vis des victimes et des personnes transgenres. » Et elle nous rappelle ensuite les états de service du quotidien dans la lutte contre l’inceste et les discriminations… Au lieu d’invoquer la liberté d’expression, de dire “on est Charlie” et qu’on a bien le droit de se moquer de tout, le quotidien de référence s’est couché devant la meute. Pourtant, comme l’a tweeté Gilles Clavreul, si un dessin de presse n’est pas discutable, c’est sans doute qu’il n’a que peu d’intérêt.

Une époque faussement subversive

Notre époque prétend aimer la subversion, la transgression, la provocation. Mais elle déploie en toute occasion un terrifiant esprit de sérieux et de censure qui veut interdire le second degré et l’humour noir. Nous en voulons pour preuves deux exemples récents de blagues à scandale. En présentant ses vœux sur Twitter, et en faisant dire à Xavier Dupont de Ligonnès “et la famille surtout”, la comédienne Frédérique Bel s’est attirée les foudres des utilisateurs du réseau social.

belDe son côté, dans ses propres vœux, Elie Seimoun se moquait des communautés susceptibles en leur présentant par anticipation des excuses, en prévision de futures blagues qu’il pourrait bien faire en 2021. Non seulement ce message lui a valu un torrent de boue, mais le réseau Instagram a carrément retiré la vidéo!

Rire de l’inceste, vous n’y pensez pas!

On nous rétorquera que dans le cas de Xavier Gorce, il ne faudrait pas plaisanter sur un sujet aussi grave que l’inceste. Au contraire: c’est même recommandé.

A lire ensuite, Ingrid Riocreux: Quand France 2 fait dire à Blanche Gardin l’inverse de ce qu’elle dit

N’oublions pas le rôle cathartique, conjuratoire et libérateur du rire. Par exemple, il y a énormément de blagues juives sur les camps de concentration. Du reste, le malheureux Xavier Gorce, qui a depuis quitté Le Monde, est victime d’un malentendu, car son dessin voulait se moquer d’Alain Finkielkraut. Si cela avait été précisé en légende, par exemple au-dessus de son dessin, tout le monde aurait applaudi !

En réalité, nous devons renverser la formule célèbre de Desproges «on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde».  À l’époque des réseaux sociaux, on rit avec n’importe qui mais seulement de certains sujets. Au hasard: Marine Le Pen, l’extrême droite, les réacs, bref, toutes les cibles quotidiennes de France Inter. Alors si l’on rit de vous, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, c’est la preuve que ça gratouille. Et faire rire ses contemporains relève de la salubrité publique.

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Cette chronique a initialement été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez le regard libre d’Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio, à 8h15.

Adolf Hitler est africain

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Adolf Hitler Uunona , conseiller municipal namibien. © D.R

En Namibie, ancienne colonie allemande, un élu porte le tristement célèbre nom d’Adolf Hitler. Mais rassurez-vous, il n’a rien à voir avec le nazisme!


Une élection locale en Namibie a récemment attiré l’attention des médias. Dans la circonscription d’Ompundja, un candidat nommé Adolf Hitler Uunona a été élu conseiller municipal après avoir remporté 85 % des voix. Dans un pays qui a été une colonie allemande entre 1884 et 1915, marquée par un régime de ségrégation raciale jusqu’à son indépendance en 1990, l’histoire laisse songeur, d’autant que le principal intéressé est tout ce qu’il y a de plus africain.

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Pas de changement de nom en perspective

Au Bild, qui lui demandait s’il connaissait la portée dramatique de son nom, le quinquagénaire a répondu : « Enfant, je l’ai vu comme quelque chose de tout à fait normal », précisant que son père ne devait pas savoir qui était ce personnage lorsqu’il lui a donné son nom. « C’est en grandissant que j’ai réalisé que cet homme voulait conquérir le monde entier et tuer des millions de juifs », a renchéri cet élu de la SWAPO, le parti au pouvoir. Avant de préciser qu’il n’a « rien à voir avec le nazisme » et qu’il « n’entend pas s’emparer par la force de sa région ».

Accepterait-il de changer de nom ? n’hésite pas à lui demander le journaliste du Bild. « Pour quoi faire ? Il figure déjà sur tous les documents officiels », répond Hitler, un brin agacé avant de se demander ce qu’une telle modification pourrait apporter de plus au développement local de la Namibie. Un pays qui a payé le prix de la colonisation par le sang de près de 85 000 autochtones massacrés par les Prussiens.

Si Berlin a offert à la Namibie 10 millions d’euros à titre de réparation, le gouvernement de Windhoek n’a guère goûté à l’humour noir des Teutons et a préféré refuser cette aumône

Idéologie diversitaire: “Égalité 360°”, l’ambitieux programme de Radio France

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Sibyle Veil, la patronne de Radio France © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage : 00862081_000055

Radio France lance un plan pour encore plus de « diversité »


À l’instar de Delphine Ernotte qui préconise l’éviction des hommes blancs de plus de cinquante ans à la télévision publique et qui a pour « fil rouge de [son] prochain mandat la diversité » afin que les personnes « perçues comme non blanches » (sic) soient mieux représentées, Sibyle Veil veut « poser des actes forts sans attendre ».

Soutenue par le Comité diversité et la Délégation à l’égalité des chances et à la lutte contre les discriminations de Radio France, Sibyle Veil, la PDG de Radio France, lance un programme ambitieux appelé Égalité 360°

Le ver progressiste ronge la Maison ronde

L’Amérique, via ses réseaux de Young leaders et ses idiots utiles (et intéressés) biberonnés à toutes les causes déconstructivistes, racialistes, LGBTistes ou décolonialistes, a introduit le ver progressiste et diversitaire dans les universités françaises, en premier lieu Sciences Po, dont est issue Mme Veil. 

À Sciences Po Paris, une liste de livres « anti-racistes » était récemment proposée aux étudiants. Parmi ces ouvrages, Fragilité blanche, de Robin DiAngelo, sociologue qui explique que tous les noirs sont victimes de racisme et que tous les blancs sont racistes, d’une manière ou d’une autre. Ou, de Reni Eddo-Lodge, Pourquoi je ne parle plus de la race aux gens de couleur blanche. Ou encore, de Layla F. Saad, Moi et la supériorité blanche. Ces thèses “racialistes”, comme celles sur le “genre” ou le “décolonialisme”, semblent réjouir de nombreux étudiants de Sciences Po qui prennent en marche le train du Progrès et du Bien conduit par leurs aînés, dont Mme Veil, et qui s’y sentent parfaitement à l’aise. 

A lire aussi, Stéphane Germain: Progressistes et salafistes: l’humour à mort

C’est aussi que les plus malins d’entre eux ont compris que leur “engagement” diversitaire, égalitaire, radicalement féministe ou racialement anti-raciste est devenu un excellent moyen d’obtenir des postes politiques ou médiatiques gratifiants, par le jeu des relations militantes et idéologiques.

Sinistre comptabilité

En attendant ces prochaines recrues acquises aux nouvelles causes identitaires, on fait les comptes à Radio France. Combien d’hommes et de femmes ? Combien de personnes issues de la « diversité » ? Combien de personnes « en situation de handicap » ? Combien de salariés « formés et sensibilisés » à « la lutte contre les agissements sexistes et la discrimination » ?

Une fois cette sinistre comptabilité terminée, Radio France et sa présidente vont rétablir la balance en donnant « une nouvelle impulsion ». On va inclure « toutes et tous ». Il y aura de « la diversité partout ». On libérera « la parole, partout, à tous les niveaux. » 

Radio France 93, un Grand Bond en avant radiophonique

En un mot « Égalité 360° irriguera l’ensemble des activités de Radio France. ». On peine à imaginer la chaleureuse solidarité et la joie de vivre (ensemble) qui émaneront de ce Grand Bond en avant radiophonique.

Laurence Bloch, la patronne de la radio publique France inter, à gauche toute! © IBO/SIPA Numéro de reportage : 00733279_000002
Laurence Bloch, la patronne de la radio publique France inter, à gauche toute ! © IBO/SIPA Numéro de reportage : 00733279_000002

Pour diversifier jusque dans les moindres recoins de la Maison ronde, les instigateurs de ce projet font la « promotion du triple CV : un homme / une femme / un « pari » avec un profil atypique » (sic). On lancera en 2021 une « Radio France 93, une unité de production multimédia en Seine-Saint-Denis dédiée aux moins de 30 ans » – bizarrement, il n’est apparemment pas prévu de Radio France 58 (Nièvre) dédiée aux plus de soixante ans. Les écoles de journalisme seront sensibilisées pour recruter « des étudiants sous critères sociaux, ainsi que des personnes en situation de handicap. » Toutes ces actions seront pilotées, mesurées, et corrigées si nécessaires.

Envoyez vos CV!

Le candidat mâle, blanc et/ou “socialement favorisé”, « valide », prêt à traiter tous les sujets, peut d’ores et déjà aller voir ailleurs s’il y est. Il est évident qu’une solide culture générale, une utilisation de la langue française évitant les codes de la novlangue politique et journalistique, une véritable curiosité pour les « autres », individus ou pays, en dehors du cadre victimaire et discriminatoire, ne seront non seulement pas nécessaires mais pourraient constituer des motifs sérieux de refus d’embauche à Radio France.

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S’il persiste toutefois dans son envie de faire carrière à Radio France, nous conseillons au journaliste en herbe d’écouter régulièrement la radio publique. Il apprendra ainsi comment éviter de parler de certains sujets ou faits divers qui ne vont pas le sens du « vivre-ensemble » ; ou comment concocter une revue de presse en ne citant que certains journaux, et en n’en citant jamais certains autres. Il pourra y entendre un chroniqueur politique considérer que la fermeture définitive du compte Twitter du président des États-Unis est « une bonne chose pour la démocratie ». Il découvrira, en écoutant les humoristes, qu’on peut bien rire en gardant le petit doigt sur la couture du pantalon progressiste. Il appréciera les dénonciations au CSA des chroniques médias ou les appels à la mort médiatique de certains éditorialistes de la « fachosphère ». Il entendra, sur France Culture, des footballeurs reconvertis combattre le racisme, des actrices en activité combattre le patriarcat, ou Edgar Morin « résister à la prose de la vie pour trouver la poésie de sa propre vie ». Bref, il entendra à longueur de journée la propagande bien-pensante et arrogante de l’Empire du Bien dont Philippe Muray pensait qu’il est urgent de le saboter.

Primes diversité

La diversité c’est le progrès, dit en substance Mme Veil. 

Comme leurs confrères de France Télévisions, les rédacteurs en chef de Radio France seront-ils incités financièrement à parler davantage de la « diversité » et de « l’Europe » ? Si oui, le journaliste homaisien a de beaux jours devant lui. À l’instar du pigiste du Fanal de Rouen, il pense que « le Progrès, ma parole d’honneur, marche à pas de tortue ! » Avec Égalité 360°, le voilà promis à une bien belle accélération.

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Trump: défaite à la Pyrrhus

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Un camion de déménagement devant la résidence de Donald Trump de Mar-A-Lago, le 18 janvier 2021, Palm Beach en Floride © Terry Renna/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22531435_000003.

Si la réalité dépasse parfois la fiction, c’est que la fiction précède souvent la réalité. La littérature prévoit l’avenir. Cette chronique le prouve. 


« Que tout meure avec moi, non, que tout reste après moi. Non, que tout meure. Non que tout reste. Non, que tout meure, que tout reste, que tout meure. » Ainsi parle Béranger Ier dans Le roi se meurt de Ionesco. Entre déni et indécision, Béranger Ier refuse sa fin et surtout de quitter le pouvoir. Il y a du Béranger chez Trump dans la manière de refuser contre toute logique la mort, certes symbolique, que représente sa défaite, comme en témoignent de nombreux tweets : « J’AI GAGNÉ CETTE ÉLECTION, DE LOIN ! » le 7 novembre (en majuscules) ou encore « ON VA GAGNER ! » le 11 novembre (toujours en majuscules.)

À lire aussi, du même auteur: Pasolini nous regarde

Après tout, n’avait-il pas surmonté l’épreuve du coronavirus dont il a dit : « Être infecté par la Covid-19 était une bénédiction de Dieu », révélant une conception du souverain proche de Bossuet, dans sa Politique tirée de l’Écriture sainte : « Aussi Dieu a-t-il mis dans les princes quelque chose de divin. »

Les Trump et leur fils Barron en août 2020 © CNP/AdMedia/SIPA Numéro de reportage: 00977094_000003.
Les Trump et leur fils Barron en août 2020 © CNP/AdMedia/SIPA
Numéro de reportage: 00977094_000003.

Trump, Ubu roi

La volonté d’exercer le pouvoir jusqu’à la fin se retrouve dans un autre roi de théâtre, le Père Ubu. Cette comparaison ne juge en aucun cas la politique du président battu, c’est à d’autres de s’en charger, mais plutôt des comportements familiers au vieux lecteur d’Alfred Jarry qu’est votre serviteur. Jarry est un des premiers à montrer ce que Pasolini appellera, à propos de son film Salo, « l’anarchisme du pouvoir » et Trump en a donné des exemples récents qui transforment sa défaite en acte III d’Ubu Roi quand celui-ci envoie à la trappe les nobles, les financiers et à la fin les magistrats eux-mêmes :

« Les magistrats : Nous nous refusons à juger dans des conditions pareilles. / Père Ubu : À la trappe les magistrats ! (Ils se débattent en vain.) / Mère Ubu : Eh ! que fais-tu, Père Ubu ? Qui rendra maintenant la justice ? / Père Ubu : Tiens ! moi. Tu verras comme ça marchera bien. »

À lire aussi, Jérôme Leroy: Trump et Twitter: quand Ubu est remplacé par Big Brother…

Trump limoge ainsi son ministre de la Défense le 9 novembre, c’est-à-dire après l’élection perdue. Le désaveu de son ministre de la Justice, William Barr, après la déroute judiciaire de Giulani, ne l’arrête pas. On a même vu, dans une surenchère typiquement ubuesque, un avocat de Trump demander implicitement l’exécution de Chris Krebs, le responsable des élections limogé par Trump. « Quiconque pense que l’élection s’est bien passée, comme cet idiot de Krebs […] devrait être arrêté et écartelé. Sorti à l’aube et abattu », a ainsi déclaré, tout en douceur, Joseph di Genova qui aurait aussi bien pu entonner La Chanson du décervelage, l’hymne préféré du Père Ubu :

« Nous allions voir le décervelage

[…] Ru’ d’l’Échaudé, passer un bon moment.

“Voyez, voyez la machin’ tourner,

“Voyez, voyez la cervell’ sauter,

[Chœurs :] “Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !” »

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Progressistes et salafistes: l’humour à mort

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Manifestation à Lahore (Pakistan) contre la reproduction des caricatures de Mahomet, 4 septembre 2020 © Arif ALI / AFP.

 


Au nom de morales diverses, la mise sous surveillance de l’humour unit des groupes aussi différents que les néoféministes et les musulmans radicaux. Ils détestent autant le rire que le doute et la liberté de penser. Hier encore, le journal Le Monde adressait des excuses à ses lecteurs après la publication d’une caricature sur l’inceste accusée de « transphobie » par la meute progressiste. L’esprit de sérieux, une incontrôlable pandémie bête et méchante ?


Quel est le point commun entre progressistes et salafistes ? Ils partagent la même aversion pour l’humour et le second degré, et la même disposition naturelle pour un assommant esprit de sérieux. À l’intérêt bien connu des djihadistes pour Charlie Hebdo répond en miroir celui, par exemple, de l’Association des journalistes lesbiennes, gay, bi.e.s, trans et intersexes (AJL). Ces apprentis gestapistes ont soigneusement écouté « Les grosses têtes » pendant un mois (les pauvres !) pour y relever, au Bic quatre couleurs, plus de 300 propos sexistes, racistes, homophobes, grossophobes et tutti quanti. Ce n’est en réalité ni la première ni malheureusement la dernière fois que convergent les obsessions des muftis et des « woke » – la frange la plus « éveillée » des belles âmes.

La majorité de Français qui ne se reconnaît dans aucune des minorités revendicatrices (ou l’une de leurs subtiles subdivisions) subit le harcèlement médiatique et judiciaire de communautés unies soit par une religion, une race ou encore des mœurs. Toutes ont le même ennemi, ce groupe majoritaire aux contours flous et parfois périphériques, inlassablement sommé de lâcher du terrain, au propre comme au figuré. Qu’elle soit meurtrière avec les attentats, larvée dans les tribunaux ou épistolaire sur les réseaux sociaux, il s’agit bien d’une guerre visant à détruire un mode de vie jadis au diapason du mâle blanc hétéro et judéo-chrétien. Face à cette union de facto des tyrannies minoritaires, nous alternons entre lucidité impuissante et apathie (version Jean-Michel). L’attitude des Français incrédules fait songer à l’atmosphère de juin 1940 croquée ainsi par Michel Audiard : « Cette guerre, on voulait bien la gagner, à la rigueur la perdre, ce qu’on ne voulait pas, c’était la faire. » Il est vrai que le dialoguiste virait facilement persifleur, un genre de beauté qui a le don de hérisser autant les salafistes que les antispécistes.

Fatiguées et en colère. « Marche des femmes contre les inégalités », Londres, 18 janvier 2020 © Wiktor Szymanowicz / NurPhoto / AFP
Fatiguées et en colère. « Marche des femmes contre les inégalités », Londres, 18 janvier 2020 © Wiktor Szymanowicz / NurPhoto / AFP

On ne pourra donc pas accuser les ultraprogressistes et les islamistes de rire des mêmes blagues. Et pour cause, ils ne rient pas du tout. Porteurs des stigmates d’injustices commises par la majorité des Français (ou leurs ancêtres), ils ne supportent plus qu’on puisse y ajouter les blessures d’un trait d’esprit. Ce qu’ont à nous dire les minorités religieuses ou sociétales leur paraît plus important que nos vies – d’où la dangerosité de leurs radicaux. On peut désormais compléter la fameuse phrase de Desproges et affirmer qu’on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui… surtout si l’espiègle d’en face souhaite que s’abatte sur vous une fatwa divine ou inspirée par la « cancel culture ». Qui voudrait rire à gorge déployée avec un fou de Dieu ou frire dans l’enfer des réseaux sociaux façon « wok.e.s » ? 

La noblesse impérieuse de la cause justifie aux yeux de lobbys enragés le monolithique esprit de sérieux qui les anime tous (même si, objectivement, l’imam Khomeini paraissait plus déconneur que Greta Thunberg). Cet esprit de sérieux, selon la définition de Sartre, prend sa source dans des valeurs supérieures qui préexisteraient à l’homme. Celles par exemple d’un livre saint ou d’une religion révélée plus tardivement – le climat ou les droits de l’homme. Qu’elle concerne la supériorité d’un Dieu ou celle de la culpabilité écologique du mâle blanc, la foi, c’est la mauvaise foi. Encore qu’il y ait bien plus de parties de franches rigolades dans la Bible que dans un rapport du GIEC. Pour Hannah Arendt, visionnaire multirécidiviste, « l’esprit de sérieux est la négation par excellence de la liberté ». Une liberté à laquelle salafistes ou progressistes exigent des humoristes qu’ils renoncent séance tenante (ou continuent de l’exercer à leurs risques et périls). La liste est longue des artistes qui ont eu maille à partir avec l’une ou l’autre de ces associations vivant de subsides publics : Gad Elmaleh, Michel Leeb, Jérémy Ferrari, Pierre Péchin, Patrick Timsit, Jean-Marie Bigard, Blanche Gardin, etc. On y inclura Dieudonné le jour où la grossophobie aura fait autant de victimes que l’Holocauste. Il n’y a pas si longtemps, dans les années 1960, les chansonniers n’avaient d’ennui qu’avec le pouvoir gaullien – mais le pouvoir a depuis changé de camp. On prend moins de risque aujourd’hui à attaquer Emmanuel Macron qu’Assa Traoré.

De l’esprit de sérieux dans lequel communient tous les fanatismes ambiants découle une hypersusceptibilité. À cause d’elle, toute blague potache devient susceptible de dégénérer a minima en harcèlement numérique. Au demeurant, les quartiers sont sensibles, qu’on se le tienne pour dit. Cet épiderme délicat trouve aisément sa justification dans le ressentiment partagé par tous les contempteurs de la France d’avant. On ne peut nier que le populisme abrite, lui aussi, en son sein quelques malintentionnés au cœur plein d’amertume, mais sa totale illégitimité crève l’écran (et les pages du Monde). Le caractère odieux des revendications populistes peut, il va de soi, être remis en cause dans les mêmes conditions que la légitimité des ressentiments minoritaires : j-a-m-a-i-s. Que ce soit en raison de son lourd héritage historique ou de ses normes sociétales oppressives, le mâle blanc mérite tous les courroux – et le moins qu’il puisse faire, c’est bien ne pas la ramener avec sa soi-disant liberté de faire des pseudo-blagues. La vanne n’est pas une option, c’est un délit.

Ce cocktail de convictions viscérales, de mauvaise foi, de susceptibilité et de ressentiment demeure toutefois chimiquement instable. De temps en temps, il implose et nous fait rire malgré lui. Si le rien-à-voirisme pro-islam nous arrache parfois un sourire, il faut reconnaître que sur le terrain de la punchline, les progressistes se révèlent imbattables. Le trentenaire barbu qui affirma à Daniel Schneidermann ne pas être un homme fut magnifique. Pas plus cependant que Caroline De Haas suggérant d’élargir les trottoirs pour mettre fin au harcèlement des femmes par des migrants. Néanmoins, la charmante militante animaliste, dont j’aurais bien été le toutou vingt minutes (oui, répugnante allusion sexiste)… enfin bref, aussi jolie qu’inquiétante sur le plateau de BFM, cette sectatrice a assimilé le traitement des animaux de boucherie à la déportation. Ma chouchoute remporte donc provisoirement la palme de l’ignominie décérébrée, trophée pourtant âprement disputé. « Le drame de l’époque, c’est que la bêtise s’est mise à penser », disait Cocteau ; il semble même, ses sources d’inspiration se multipliant, qu’elle ne fasse désormais plus que cela – avec le probable renfort d’une équipe de nuit. Mais la chimie, comme on le sait sur les campus américains, n’est qu’une science de blancs alors que la vérité est Noire. (NB : Je respecte ici la typographie récemment adoptée par le New York Times et qui n’a évidemment rien de raciste, puisque animée par l’antiracisme le plus pur.) Je n’en ris toutefois toujours que d’un côté de la bouche.

Elisabeth Lévy ce matin au sujet de la polémique du dessin de Xavier Gorce

Parallèlement, le principe d’un rapport anal fréquent avec des insectes ailés noirs (sans majuscule) semble durablement établi au sein des avant-gardes révolutionnaires qui sont à la pointe des diverses croisades progressistes. À cet égard, l’écriture inclusive, en point médian ou en alphabet épicène, permet d’écrire une langue dont on ne peut lire les textes à voix haute – à la façon du couteau sans manche auquel on a retiré la lame. Tout en ravageant le fondement de l’insecte précédemment évoqué, ce dandysme neuneu vire au totalitarisme en voulant s’imposer à tous. Dans ce registre, j’ai également tenté d’échanger avec un responsable écolo estampillé EELV sur les ambiguïtés de son mouvement à l’égard de la cause indigéniste. Vif émoi de mon interlocuteur qui s’alarme aussitôt de l’emploi du terme indigéniste, marqué selon lui, du sceau infamant de la fachosphère (en fond sonore, la musique de L’Exorciste). Un peu surpris, je m’inquiète alors du vocable adéquat pour désigner des gens qui se réclament eux-mêmes du « Parti des indigènes de la République ». Au bout de quelques échanges, dont le but évident relevait de l’extase du diptère, j’ai compris que ce militant n’entendait dissiper aucune quelconque ambiguïté sur le sujet indigéniste. En revanche, il souhaitait ardemment interdire qu’on aborde un thème innommable au sens propre et à dessein. En clair, me fermer la gueule (et en cela, cohérent avec l’écriture inclusive). Une absence d’à-propos m’empêcha d’échafauder un compromis : substituer à indigène le lexème « schtroumpf » – on interrogerait ainsi à l’avenir Julien Bayou sur ses rapports avec le « Parti des Schtroumpfs de la République ». Une modalité apaisante, de nature à œuvrer pour le vivre-ensemble et extensible, pour un quotidien de référence, à tous les sujets qui fâchent – à la une : « On déplore encore une attaque d’un schtroumpf radicalisé. » De quoi rajeunir le lectorat qui plus est.

On aimerait les surprendre parfois à douter, mais c’est un sentiment que les militants des minorités tyranniques ne tolèrent pas plus que la poilade. Car rire, rire de soi, rire ensemble, précisément, c’est douter ; c’est envisager le compromis qui n’est pour eux que compromission alors que c’est l’essence de la démocratie. D’où leur aversion totalitaire pour la raillerie, l’ironie, la moquerie, l’espièglerie, la gouaille Charlie et tout le bataclan…

Sauvons nos élites à tout prix!

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Sophie de Menthon © IBO/SIPA

Notre passion nationale pour l’égalité a bien des effets pervers. Quand ça va mal en France, la guillotine n’est jamais loin.


Il est quasi unanime et fort apprécié d’accuser les élites de tous les maux et de vouloir les faire disparaître de la société française au plus vite.

Les élites seraient profiteuses, favoriseraient l’entre soi, ne penseraient qu’à se goinfrer au détriment des salariés lambda, inégalitaires par définition, elles sont incapables de favoriser l’intérêt général. L’élite est la nouvelle classe sociale à abattre, le nouvel aristo à guillotiner !

Dans les élites, on trouve ceux qui sont issus des grandes écoles, les politiques, les « spécialistes », les dirigeants en général, les mandarins, les chefs de quelque chose et ce sont de préférence des hommes blancs de plus de 40 ans, qui décident pour les autres.

Les élites à l’heure de la post-vérité

Une sorte de communisme intellectuel qui voudrait que le salaire de la caissière de Carrefour (un prototype adoré des médias et des socialistes dans l’âme) devrait se rapprocher de celui du PDG qui est payé de façon indécente (même si ce peut être le cas).

Pour renforcer cette conviction, la démocratie participative procède du même anathème : dorénavant il est admis que chacun d’entre nous « sait » aussi bien que les élites ; les « réseaux sociaux » sont les premiers vecteurs anti-élites. Tout le monde a le droit d’avoir son avis, peu importe qu’on ait fait six ans d’études pour avoir une certaine connaissance dans un domaine. Le président de la République vient d’ailleurs d’encourager ce sentiment en tirant au sort 15 citoyens qui seraient capables de vérifier la stratégie vaccinale ! On croit rêver… La grande découverte de ces derniers temps, c’est que la vérité n’est qu’une opinion comme les autres ! A chacun la sienne.

Nous en sommes au stade où les certitudes qui s’affirment sur des bases inexistantes finissent par influer sur la marche du pays, les fameuses fake news en sont la conséquence. Platon s’est complètement planté avec sa théorie du philosophe roi, expliquant que ce sont nos philosophes (élites) qui entretiennent des liens intimes avec le savoir et y consacrent toute leur activité, qui doivent diriger la Cité.

A lire aussi, Anne-laure Boch: Vaccinée, enfin!

S’ajoute à cela la victimisation de la société qui est arrivée à un tel stade que l’on doit promouvoir d’abord les défavorisés, que le niveau scolaire ou estudiantin doit s’adapter à ceux qui ont le plus de difficultés. La meilleure façon de ne plus avoir d’élites c’est de ne plus en fabriquer et là on est bien parti !

Un nouvel ordre moral qui atteint même le monde de l’art, ainsi que le constate Nathalie Obadia dans The Art Newspaper Daily « les critères du classement des artistes sont ceux du militantisme et de l’engagement », les plus grands artistes américains disparaissent du classement mondial.

Voici donc les élites quelles qu’elles soient, contestées par principe et même chassées.

Chasse aux « profiteurs »

Il est toutefois vrai que certaines l’ont bien cherché, la certitude d’être intouchables, les meilleures places réservées aux mêmes qui se soutiennent, le club fermé des anciens élèves, la cooptation systématique, le blocage des nouveaux entrants, les grands corps de l’Etat, la puissance de l’administration, etc. ont peu à peu révolté les populations entraînant des extrémismes bien plus condamnables encore… Sans compter évidemment les profiteurs du système, qui le sont d’ailleurs plutôt moins qu’avant, aujourd’hui une patte de homard vous jette en pâture à l’opprobre nationale.

François de Rugy et sa femme Séverine le jour de la passation de son ministère, le 17 juillet. © SIPA, AP22358359_000007
François de Rugy et sa femme Séverine le jour de la passation de son ministère, le 17 juillet.
© SIPA, AP22358359_000007

Que l’égalité des chances au départ soit une priorité est indiscutable, mais à l’arrivée c’est indéfendable.

Le vrai problème c’est que notre pays a besoin d’élites plus que jamais, la complexité du monde nécessite les meilleurs, les talents, les plus doués, il faut les faire émerger d’où qu’ils viennent. Nous avons besoin d’excellents professeurs, de fonctionnaires qu’on autorise à réfléchir et qu’on récompense pour leur prise de risque, d’ingénieurs brillants, de chercheurs qui ne filent pas à l’étranger pour être mieux payés et sans carcan. Non ! Tous les gens ne se valent pas, il est faux de dire qu’on a tous les mêmes capacités… NON ! Il ne faut absolument pas se réjouir de classes d’âge entières qui obtiennent le bac avec un niveau de plus en plus médiocre, accepter un nivellement par le bas dans les facs sous prétexte d’égalité des chances, arrêter de justifier l’échec, de refuser les classements, de renoncer aux prix d’excellence… Tout cela au nom du socialisme ? Il ne mérite pas cette dégradation et cette déconstruction.

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Oui, il y a des gens plus intelligents que d’autres, plus travailleurs, plus doués. On en est arrivé à l’aberration dans une entreprise de ne pas avoir le droit d’augmenter un salarié qui est excellent et en fait plus, si l’on n’augmente pas de la même façon celui qui a le poste équivalent et qui en fait le minimum[tooltips content= »J’ai eu personnellement la surprise dans ma propre entreprise MULTILIGNES CONSEIL de me voir rétorquer une augmentation par la direction des ressources humaines, à une assistante brillante et bosseuse… à moins d’augmenter une autre qui avait la même définition de poste et qui faisait le strict minimum sans enthousiasme ! J’ai essayé de m’en tirer avec une prime: nenni ! Tout le monde ou personne! »](1)[/tooltips]. La compétition et la concurrence sont les moteurs du succès, rappelons-le-nous.

Nos élites ne sont pas des saints et soyons vigilants en revanche avec ceux qui profiteraient abusivement de certaines situations ; les privilèges aussi font partie de la vie, du succès et de la réussite, tout ce que nous conspuons de plus en plus.

L’égalité ne doit pas passer par l’égalitarisme, nous confondons les deux, au détriment du classement de la France dans le monde.

Biden et les cols bleus: entre insultes et promesses

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Préparation pour l'inauguration de Joe Biden à Washington © JIM LO SCALZO/UPI/Shutterstock/SIPA Shutterstock40819003_000005

Élu avec le soutien des syndicats, le nouveau président des États-Unis peut-il prétendre parler au nom des classes ouvrières?


Certes, la violence n’était pas celle du massacre de Haymarket Square en 1886 lors duquel des policiers paniqués tirèrent sur des ouvriers anarchistes dans le contexte de la lutte pour la journée de huit heures, mais les insultes de Joe Biden à l’encontre d’un de leurs collègues furent mal reçues par les ouvriers généralement favorables à Donald Trump. Le Président-élu, soutenu par les syndicats, tente d’attirer les cols bleus tout en discriminant les petites entreprises en fonction de la race et du sexe de leurs dirigeants.

Lors d’une visite de campagne dans une usine de Détroit en mars 2020, le candidat Joe Biden avait été interpelé par un ouvrier automobile quant au droit de porter des armes sur lequel il entend revenir. Le démocrate s’était rapidement lâché en honorant son interlocuteur des insultes « plein de merde » (full of shit) et « idiot » (horse’s ass, littéralement cul de cheval). Si le sujet ne concernait pas les conditions de travail, les insultes ont cependant été considérées comme relevant du mépris de classe. Le vote ouvrier, qui était généralement acquis aux démocrates, s’était porté en 2016 sur le milliardaire Donald Trump qui promettait de faire revenir les emplois et dénonçait la condescendance des élites envers le petit peuple.

Le retour d’une fierté ouvrière mise à mal par la mondialisation

Dans De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville remarquait cette particularité d’alors de la jeune nation: « Aux États-Unis, les professions sont plus ou moins pénibles, plus ou moins lucratives, mais elles ne sont jamais ni hautes ni basses. Toute profession honnête est honorable. » Ce prisme n’est plus celui à travers lequel les ouvriers ont l’impression d’être vus, et le candidat Trump avait dénoncé la déconsidération sociale lors de sa campagne de 2015-2016. Le déclassement de certaines catégories socio-professionnelles engendré par la mondialisation avec les délocalisations, la stagnation des salaires, le chômage, était une réalité se heurtant à des préoccupations politiciennes de plus en plus déconnectées du vécu du monde ouvrier. Il avait accru la défiance de ce dernier envers la politique.

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Ces quatre dernières années, les relocalisations, l’augmentation de 25% des droits de douane sur l’acier étranger, ainsi que le retour de l’emploi avec un chômage à 3,5% avant l’apparition du Covid-19 aux États-Unis ont conduit à une hausse des salaires profitant notamment aux cols bleus, les entreprises ayant fortement besoin de main-d’œuvre. Tout comme la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), remplacé par l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) sous l’impulsion de Donald Trump en vue d’un rééquilibrage plus favorable à l’économie américaine, obligeant les trois pays à s’aligner sur les droits standards reconnus par l’Organisation internationale du travail, ce qui visait le Mexique. Cet accord prévoit que 75% d’un véhicule soit fabriqué dans l’un de ces pays pour être exempté de droits de douanes (contre 62,5% auparavant) ou que 40% du travail sur un véhicule soit effectué par des salariés touchant au moins 16 dollars par heure – le salaire moyen d’un ouvrier automobile mexicain est de 3,14 dollars de l’heure.

Donald Trump accusait l’ALENA d’avoir détruit des emplois dans le secteur de l’automobile aux États-Unis au profit du Mexique.

Un candidat davantage soutenu par les syndicats que par les travailleurs

Pour attirer les cols bleus, Joe Biden avait misé sur les syndicats avec sa plateforme en ligne intitulée « Le plan Biden pour renforcer l’organisation des travailleurs, la négociation collective et les syndicats ». Le candidat démocrate promettait notamment de « veiller à ce que les travailleurs soient traités avec dignité et reçoivent les salaires, les bénéfices et la sécurité au travail qu’ils méritent ». Parmi les dernières propositions de Joe Biden, figure le doublement du salaire minimum fédéral qui passerait de 7,25 à 15 dollars de l’heure. Si le minimum fédéral – auquel des États dérogent à la hausse ou à la baisse – n’a pas évolué depuis 2009, les salaires réels (considérant l’inflation) ont tout de même constamment augmenté sous la présidence Trump jusqu’à l’épidémie de Covid-19. En décembre 2019, pour la première fois depuis juillet 2018, l’augmentation des salaires s’est située sous la barre des 3%, à 2,9% au lieu des 3,1 espérés. Le passage du salaire minimum à 15 dollars aurait pour conséquence une forte hausse des prix voire du chômage dans certains États où les employeurs seraient incapables de s’aligner, notamment ceux où le confinement a fortement détruit l’emploi, tandis que d’autres comme la Floride l’ont déjà validé.

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Par ailleurs, le plan de stimulation de l’économie de Joe Biden demande aux entreprises de l’alimentation et du commerce de verser des primes de risque aux salariés au contact du public, d’augmenter les fonds pour les équipements de protection, les tests Covid-19 et les vaccins. L’United Food and Commercial Workers International Union, un syndicat représentant 1,8 million de travailleurs, a salué la mesure. De manière générale, les syndicats avaient adoubé le Parti démocrate avant même la désignation du candidat à la présidentielle, notamment dans les États industriels. Le plus grand regroupement syndical du pays, l’American Federation of Labor and Congress of Industrial Organizations, avait appelé à voter contre le Président sortant et soutenu Joe Biden.

Cependant, si Joe Biden a promis d’être le président le plus pro-syndicats, les travailleurs n’ont pas suivi les recommandations et ont à nouveau choisi le candidat républicain. Les cols bleus, satisfaits des résultats économiques de Donald Trump, n’ont par ailleurs pas oublié le soutien de Joe Biden à l’ALENA et au Partenariat Transpacifique. Trump a perdu le vote de la rust belt, qui couvre partiellement certains des États dans lesquels les Républicains parlent de fraude – et où les tribunaux ont refusé d’examiner les affaires au fond en arguant de l’irrecevabilité des requêtes -, mais il a devancé Biden de 35 % dans la catégorie des « White, some college or less » (Blancs qui n’ont pas fini l’université ou n’y sont pas allés), tandis que ce dernier l’a devancé de 46% dans la catégorie des non-Blancs non diplômés, mais minoritaires. Ces catégories répondent globalement à la définition des cols bleus.

Le travail de séduction des travailleurs ne sera pas aisé pour Joe Biden, d’autant que son projet de relance de l’économie prévoit une discrimination raciale au profit des entreprises détenues par les femmes et des personnes des minorités raciales. Une façon de récupérer la partie de cet électorat qui a rejoint Donald Trump et que les Républicains s’efforceront de conserver.

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