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L’art de la comédie douce-amère à la française

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Sélection de quatre DVD avec Anémone, Isabelle Adjani, Nathalie Baye et Anny Duperey pour en finir avec l’hiver


C’était quoi la France au mitan des années 70 et 80 ? Je répondrais d’abord une teinte, oui, une couleur, sorte de rideau de pluie où la mélancolie se chamaille avec la comédie, une grisaille qui ne plomberait pas l’atmosphère, un fond d’incertitudes qui ne virerait pas à la neurasthénie, un voile pudique sur les sentiments d’alors. Nous avions trop peur de les déflorer. Nous gardions nos distances avec le malheur, sans angélisme, ni gourmandise. Tout le contraire de notre époque actuelle qui s’apitoie sur son sort avec une délectation sournoise. Les pleurnicheries modernes ont l’indécence des crises sanitaires, elles sont fourbes et tenaces, elles sapent le moral. 

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En ces temps bénis des chocs pétroliers, les réalisateurs avaient inventé un entre-deux, étroit couloir où le rire effleure l’émotion, où l’amour n’a pas besoin d’un zoom pour exister, où les acteurs ne geignent pas de douleur à l’écran, où la ville suinte d’un ennui serein, où les commerces ressemblent encore à des commerces et où les hommes ne sont pas encore des automates. Ces films légers en apparence ne forçaient pas l’intimité du spectateur au pied de biche. Le cinéma n’avait pas la volonté d’instrumentaliser ou de rééduquer. On savait divertir intelligemment et filmer avec tact. Il y avait une fraîcheur dans ces comédies désarticulées, une absence de moraline et surtout une forme de romantisme avancé, c’est-à-dire expurgé de toutes niaiseries mercantiles et cependant, laissant entrevoir un espoir raisonnable. On ne peut regarder ces films (parfois oubliés) sans avoir le cœur serré ou l’œil humide, sans avoir la certitude que nos sociétés ont, à un moment, vrillé dans le sordide. 

Claude Brasseur, été 77

Un peu désorientés et amers, nous nous rendons compte de ce que nous avons perdu en une quarantaine d’années, une forme de poésie de la routine, le sens du bavardage, un toucher de pellicule, une capitale terreuse aux murs noircis, la courtoisie de ne pas caricaturer les existences simples, de ne surtout pas salir la beauté d’un geste ou d’un élan. « Monsieur Papa » signé Philippe Monnier sort à l’été 1977. Cette adaptation du roman de Patrick Cauvin décrit le quotidien d’un père divorcé (Claude Brasseur), entre l’éducation de son jeune garçon et les difficiles accommodements avec une nouvelle compagne interprétée par Nathalie Baye. Cette comédie de mœurs a le charme désuet d’un trench-coat froissé, elle cabote sur les variations intimes d’un couple naissant et les ajustements de la vie familiale. 

Elle habille élégamment des personnages véritablement incarnés et parle si bien de cette lointaine époque où le travail, le zinc, l’école, les vacances n’étaient pas des prétextes à sociologiser nos comportements. Brasseur roule en Renault 30, Nathalie en Renault 5, ils quittent leurs arrondissements respectifs pour manger un plateau d’huîtres en Normandie, sur un coup de tête ; ils s’embrassent et se déchirent avec bienveillance. Ressort de ce film une sensation douce, celle d’un bonheur esquissé, avec une pointe d’aigreur sur un lit de bonté nostalgique. On se régale aussi de revoir l’exquise Catherine Lachens en robe du soir, le bourru Moustache et l’étrange André Valardy, ainsi qu’un Daniel Auteuil en apprenti-voleur des PMU. 

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Un an plus tard, en 1978, « Trocadéro bleu citron » de Michaël Shock nous amène sur les hauteurs du Trocadéro où deux gosses d’une dizaine d’années tombent amoureux et dévalent en skate-board. La joliesse du propos, sa maladresse convaincante et le parfum d’insouciance qui plane sur Paris, emportent le spectateur dans une rêverie. Anny Duperey, la mère célibataire du garçon a la souplesse et la force des mères d’avant. Le même désenchantement apprivoisé, elles faisaient face en pantalon ou en déshabillé, au volant d’une Mini ou d’un tout-terrain américain. Et puis quel plaisir d’assister aux dialogues du couple bourgeois formé par Henri Garcin et Martine Sarcey, leur dissonance réjouit.

Adjani: la reine Isabelle

L’arrivée de Mitterrand au pouvoir et l’avènement du Splendid concordent, à quelques mois près, avec « Clara et les chics types » de Jacques Monnet. Ce chef-d’œuvre scelle une rencontre impromptue entre des trentenaires paumés qui cherchent une lueur d’espoir dans leur malaise. De nos jours, le même thème serait martelé, matraqué, ridiculisé par la frénésie des idéologies. La justesse de leurs errements, la fin d’une jeunesse programmée et surtout Isabelle Adjani, la reine Isabelle, séduisent follement. Elle fut la madone de notre adolescence, elle n’avait comme personne d’autre, le sens du sacrifice et cette gaieté ébréchée en héritage. Avec des modèles d’une beauté aussi incandescente, nous ne pouvions sombrer dans la vulgarité. Ils étaient déjà tous parfaitement accordés, Clavier dans sa jalousie éreintante, Balasko en routière perdue ou Lhermitte en playboy fissuré. La comédie douce-amère à la française perdura jusqu’à la fin des années 80. On en trouve encore la trace en 1988 dans « Envoyez les violons » de Roger Andrieux où le couple Anconina et Anémone jouent au chat et à la souris. Anconina a la précision d’un Dustin Hoffman et Anémone, notre tragédienne des Eighties, illumine par ses fêlures et son sex-appeal. Fabienne Perineau, Michel Galabru et Martin Lamotte complétaient la distribution de cette dernière tentative de faire rimer comédie et profondeur, avant que les rieurs et les moralisateurs prennent définitivement la pose.

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«La terre a ses limites, mais la bêtise humaine est infinie»


Un récent volume propose un choix des lettres échangées entre Flaubert, l’oncle et Maupassant, le neveu. Apprentissage de l’existence, de l’écriture et croquis d’époque. Une lecture revigorante en haine de la bêtise.


« C’est à Flaubert que Maupassant devra sa tenue d’écrivain, son indépendance d’esprit, son mépris des honneurs » affirme Paul Morand dans sa Vie de Guy de Maupassant. La précieuse correspondance échangée sept ans durant entre ces deux misanthropes, le jeune Guy de Maupassant et Gustave Flaubert, illustre cette intuition. L’aîné signe « votre vieux solide » des missives au cadet taxé de « lubrique auteur » ou d’ « obscène jeune homme » qui témoignent d’une affection toute paternelle envers le fils de sa vieille amie Laure, qui se trouve aussi être le neveu d’Alfred Le Poittevin, son regretté ami de jeunesse qui lui fit découvrir Sade et Byron. 

Prenez-garde à la tristesse, c’est un vice

L’aîné, Gustave, invite son cadet à déjeuner les dimanches de la belle saison et le comble de conseils littéraires ou stratégiques, d’exhortations au travail (« Un homme qui s’est institué artiste n’a plus le droit de vivre comme les autres »), de règles de vie (le fabuleux « Les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit », ou encore « Prenez garde à la tristesse. C’est un vice »). 

De son côté, Maupassant sollicite l’appui de Flaubert pour accélérer son passage du Ministère de la Marine et des Colonies, où il périt d’ennui onze heures par jour, à celui de l’Instruction publique. Un moment inquiété pour « outrage aux mœurs » pour des vers licencieux, Maupassant demande aussi à Flaubert d’écrire en sa faveur dans la presse.

A lire aussi, Patrick Mandon: Gustave Flaubert, le plus beau garçon de la plage, Victor Hugo, décorateur d’intérieur 

Le jeune auteur joue alors le rôle de documentaliste pour le boulimique Flaubert (à propos des falaises d’Étretat entre autres, pendant la rédaction de Bouvard et Pécuchet) et d’intermédiaire avec ses éditeurs ou avec tel ministre pour une pension d’écrivain. 

Sans tricherie, ni calcul

Tous deux communient dans le mépris de « la basse envie démocratique », de la bêtise humaine et des classes dirigeantes de leur temps (« noyer les beaux messieurs crétins avec les belles dames catins »). Le lecteur y décèle les premières traces du mal qui emportera Maupassant tout en assistant à ses premiers succès littéraires, quand sa nouvelle Boule de suif, qui lance Maupassant,  émerveille le vieux Flaubert. 

Entre ces deux génies existe une amitié, filiale ou paternelle, en tout cas d’une réelle profondeur : tous deux ont bien le cœur pris par l’autre, sans tricherie ni calculs. 

Une magnifique correspondance, dont je livre cet aphorisme de Flaubert, pour la route : « La poésie, comme le soleil, met de l’or sur le fumier ».

Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie, Correspondance 1873-1880, Le Passeur.

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Les croissants de Madame Verdurin

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Le billet du vaurien


Parmi les événements de la Première Guerre mondiale, rares sont ceux qui ont provoqué une telle émotion que le naufrage du paquebot Lusitania, torpillé par les Allemands au large des côtes irlandaises et coulé en dix-huit minutes, le 5 mai 1915. Plus de mille deux cents personnes, dont le milliardaire Alfred Vandebilt, y perdront la vie. Et depuis un siècle, après le naufrage du Titanic en 1912, les hypothèses les plus farfelues seront élaborées pour comprendre comment ce paquebot, le plus luxueux du monde, a pu couler en moins d’un quart d’heure. Le mystère reste entier, aucun scénario n’ayant été confirmé en raison de l’épave qui repose à 90 mètres de profondeur. Seule certitude : ce n’est pas le naufrage du Lusitania qui décidera les Américains de combattre aux côtés des Anglais.

Ce bref rappel historique pour mieux revenir à Marcel Proust et, en l’occurrence, à l’un des personnages les plus pittoresques et les plus odieux de la Recherche : Madame Verdurin. Elle a obtenu du docteur Cottard une ordonnance lui permettant de se procurer des croissants prétextant qu’ils apaisent ses migraines, ainsi qu’une autorisation spéciale des bureaux militaires. Mais que ne refuserait-on à Madame Verdurin ?

Croissant, covid et stratégie

Toujours est-il que le 8 mai 1915 au matin, en trempant son croissant dans le café au lait et donnant des pichenettes à son journal pour qu’il pût se tenir grand ouvert sans qu’elle eût besoin de détourner son autre main des trempettes, elle disait : « Quelle horreur ! Cela dépasse en horreur les plus affreuses tragédies. » Mais, note malicieusement Proust, la mort de tous ces noyés ne devait lui apparaître que réduite au milliardième, car, tout en faisant la bouche pleine ces réflexions désolées, l’air qui surnageait sur sa figure, amené probablement là par la saveur du croissant, si précieux contre sa migraine, était plutôt celui d’une douce satisfaction.

Et, comme chaque soir, dans son salon politique, elle continuerait à pérorer sur ce que les armées devraient faire sur terre comme sur mer. Remplaçons son salon par les chaînes d’information en continu et Madame Verdurin par le chroniqueur de votre choix prônant telle ou telle stratégie pour éradiquer le virus apocalyptique coûte que coûte et tirez-en la conclusion qu’il vous plaira !

La « cancel culture » c’est l’enrôlement de la jeunesse par L’Empire du Bien!


Afin de proposer une société nouvelle, les régimes totalitaires ont toujours eu comme ambition particulière d’imposer leur idéologie à la jeunesse.


Ferments de tous les délires voués à être pérennes, les corps et esprits des enfants doivent être façonnés par les programmes scolaires du régime et par la propagande culturelle de masse.

Cet objectif de modélisation dès le plus jeune âge se retrouve donc aussi bien dans l’Hitlerjugend (jeunesse hitlérienne) que dans la Komsomol (jeunesse communiste de l’Union soviétique) ainsi que dans toutes leurs resucées.

L'écrivain Philippe Muray. Photo: Hannah Assouline.
L’écrivain Philippe Muray. Photo: Hannah Assouline.

Quand l’idéologie s’intéresse à la jeunesse

Et aujourd’hui ? Un nouveau totalitarisme n’échappe pas à la règle de ce racolage de la jeunesse à des fins idéologiques. Il s’agit de l’autoproclamé progressisme libéral, celui de L’Empire du Bien prophétisé par Philippe Muray. Une visée impérialiste pour imposer le Bien contre le Mal : « Tout ce qui a définitivement raison contre tout ce qui a tort à jamais ». Ce totalitarisme est porté par les Woke (les éveillés). Parce qu’ils considèrent être les seuls à être conscients des discriminations touchant les origines (eux préfèrent parler de race, tiens, tiens…), les genres et les prétendus dominés, ils pensent être en droit d’imposer une seule vérité, leur vérité. Oubliant la leçon de l’altérité comme moyen de se mettre à la place de l’autre et ainsi le comprendre, ils préfèrent paradoxalement au nom de l’altérité comme source d’affrontement, vouloir bannir l’autre si celui-ci a le malheur de penser différemment d’eux, donc pas « bien comme il faut ».

A lire ensuite, Peggy Sastre: Le réveil des anti-woke

En effet, l’arme de ce totalitarisme moderne, disons plutôt contemporain, est d’effacer tout ce qui n’est pas conforme à son idéologie par le biais de la pratique de ce qu’on appelle depuis quelques années la cancel culture et que Philippe Muray avait déjà décrit en 1991 comme « le lynchage » qui « prend maintenant des masques progressistes ». On pensait à tort avoir évité 1984 d’Orwell, mais comme il le rappelait : « Tout le monde se félicite de l’avoir vu, au long des années du XXe siècle, Big Brother, s’écrouler sous pas mal de masques. En vrai, en énorme, en sanglant. Et s’il avait changé, lui aussi ? S’il était devenu gentil, convivial, sécurisant, Big Brother ? ».

Alors on efface quoi dans l’actuel Oceania pour bien pétrir nos enfants et taire leur esprit critique ?

Il faut tout d’abord les protéger des œuvres culturelles passées. Disney rajoute ainsi des avertissements à tout va: « Ce programme comprend des descriptions négatives et/ou des mauvais traitements de certains peuples ou cultures ». Cela concerne par exemple les Indiens dans « Peter Pan », les chats siamois – donc asiatiques – dans les « Aristochats » et « La Belle et le Clochard », et même les corbeaux dans « Dumbo », qui sont racisés – comme on dit chez les éveillés – et représentent donc un stéréotype afro-américain. Cette semaine, ce sont six albums du lauréat d’un Prix Pulitzer et auteur pour enfants très populaire aux États-Unis, Dr Seuss, qui ont été retirés de la vente car considérés comme véhiculant des préjugés raciaux.

Greta Thunberg manifestant en Autriche © Ronald Zak/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22342086_000003
Greta Thunberg manifestant en Autriche © Ronald Zak/AP/SIPA
Numéro de reportage : AP22342086_000003

Pour les œuvres actuelles, la crainte des campagnes de dénigrement et le partage de l’idéologie dominante par ceux qui ont l’argent pour produire du contenu – c’est-à-dire les géants d’Internet comme Amazon, Netflix, etc. – permettent une autocensure très efficace. Alors parfois on tente d’aller encore plus loin comme le New-York Times, petit télégraphiste de L’Empire du Bien, qui se demande sans rire s’il ne faudrait pas supprimer Chase, le petit chien policier héros courageux de la série de dessins animés pour enfants « Pat Patrouille », car « faire connaître la brutalité policière signifie également bannir l’archétype du bon flic qui règne à la télévision ».

J.K. Rowling accusée de « transphobie »

Il faut également protéger les enfants non pas des œuvres, mais de leurs auteurs « malveillants ». La créatrice des romans Harry Potter, J.K. Rowling, est ainsi une affreuse transphobe qu’il faut boycotter car elle a osé affirmer qu’une femme est une personne qui a ses règles !

A lire aussi, Ingrid Riocreux: La chasse aux TERF aura-t-elle raison du féminisme?

Enfin il faut bien entendu effacer les différences entre les hommes et les femmes. Ce qui pourrait être un objectif louable en matière de différences sociales et économiques s’est malheureusement mué dans une guerre violente aux préoccupations futiles comme la couleur des vêtements ou l’écriture inclusive. Au lieu de soutenir par exemple la proposition d’une députée (pourtant En Marche) voulant interdire le port du voile pour des petites filles et ainsi les protéger du séparatisme dans les banlieues, la bien-pensance des beaux quartiers se satisfait que le jouet « Monsieur Patate » ne soit plus « genré »…

Comme dans tout fascisme, le prétendu et autoproclamé progressisme veut modeler la jeunesse afin de pérenniser son idéologie. Mené de longue date aux États-Unis le combat semble déjà perdu outre-Atlantique. Ce n’est peut-être pas le cas en France où la question fait débat en amont de changements qui seraient irréversibles. Dans « Cordicopolis », cette cité du monopole du cœur, Philippe Muray rappelait que les Français en étaient fort heureusement les « mauvais élèves ».

Trente ans après son pamphlet, s’agit-il d’un vœu pieux ou d’un espoir pour combattre cet Empire du Bien qui veut tant de mal à nos enfants ?

Essais : L'Empire du Bien, Apres l'Histoire I-II, Exorcismes spirituels I-IV

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Tu seras un Kevin mon fils


Star de la France périphérique au début des années 1990, ce prénom a longtemps été moqué. Loin de rentrer dans la concurrence victimaire, les nombreux baptisés n’ont pas tous pour autant conquis les hautes sphères. Plongée dans la France des Kevin.


« Quand je vais dans une classe, je me mets toujours à côté de l’élève que j’appelle le Kévin, celui au fond de la classe près du mur et qui se demande ce qu’il fait là ». Cette petite phrase a été tenue fin janvier lors d’une réunion dans un collège par un sexagénaire de l’Éducation nationale. Si ceux de plus de 30 ans ont souri, les plus jeunes n’ont même pas frémi. « C’est stupide mais ça ne m’étonne pas. Bien que les choses aient changé, il y a encore une représentation péjorative de ce prénom, notamment chez les plus de 30-35 ans », commente Kévin Bossuet, médiatique professeur d’histoire-géographie. Loin de crier à la stigmatisation, le trentenaire rappelle que Kevin est un prénom irlandais et chrétien. La légende veut qu’au VIème siècle, Saint Kevin fondât en Irlande l’abbaye de Glendalough, dans les montagnes de Wicklow.

Bientôt un prénom de vieux? Les Kevin sont globalement âgés de 25 à 35 ans. Ils n’étaient que 225 nouveau-nés pour l’année 2019, relégués à la 560ème place loin derrière les Raphaël et les Gabriel

Tous les ans le 3 juin, notre calendrier chrétien fête les Kevin. Naître sous ses auspices donne-t-il les meilleures chances de réussir à l’école ? En 2012, le chercheur Baptiste Coulmont a créé le Projet mentions, un système qui propose une grille de lecture des résultats au baccalauréat selon les prénoms. Avec 4% de mentions très bien, les Kevin côtoient les Steven, Jessy, Jordan ou Mohamed. Les Théophile, Constance ou Augustin frisent eux les 20 % de mentions très bien. « Le prénom n’est pas magique. Il ne favorise pas de lui-même un résultat plutôt qu’un autre. », précise le chercheur. Certes, mais le surnom le plus déshonorant de Kevin n’est autre que « kéké ». Une tache consacrée par l’humoriste Elie Semoun à travers son personnage Kévina, une potiche adolescente au QI d’huître.

Du prénom d’acteur au lourd fardeau

Dans la seconde moitié du XXème siècle, les parents de la France périphérique se sont tournés vers les prénoms anglo-saxons. Si Kevin est souvent amalgamé aux séries d’Outre-Atlantique, il faut attendre 1989 pour voir un robot baptisé ainsi dans Sauvé par le gong, et 1990 pour qu’apparaisse un personnage dénommé Kevin Weaver dans Beverly Hills. Dès le début des années Mitterrand, l’épidémie de Kevin déferle pourtant sur l’Hexagone, à tel point que de 1989 à 1996, Kevin fut le prénom masculin le plus donné de France. En décembre 1990, Kevin McCallister crève l’écran dans Maman j’ai raté l’avion. Dans ce navet légendaire, un gamin de huit ans oublié à la maison par ses parents gagnait les cœurs des familles populaires. Avec plus de deux millions d’entrées, le jeune Kevin cartonne. Quelques mois plus tard, la France faisait la connaissance de Kevin Costner avec Danse avec les loups. L’acteur y campe un officier nordiste qui décide, suite à la guerre de Sécession, de s’atteler à une intégration exemplaire parmi les Sioux. Le blockbuster fera plus de sept millions d’entrées en France. En 1991, plus de 14 000 Kevin voient le jour en France.

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Rédacteur en chef Idée de Marianne, Kévin Boucaud-Victoire peine à s’extirper de son bureau encombré de bouquins. Né pendant le boom des Kevin, l’auteur de Georges Orwell, écrivain des gens ordinaires cumule les boulets : naissance en milieu populaire, noir, enfance en banlieue, domicilié en Seine-Saint-Denis depuis quinze ans et… prénommé Kévin. Vêtu d’un gilet rouge qui lui donne l’air d’un dandy sorti d’un roman de Huysmans, il nous apprend qu’il fut baptisé ainsi en hommage au footballeur anglais Kevin Keegan, ballon d’or en 1978 et 1979. « Il y a beaucoup d’Antillais qui s’appellent comme moi, j’ai un cousin qui s’appelle Kevin. A l’école, il y avait toujours un autre Kevin dans ma classe. Cela pour dire que c’est un prénom populaire qui allait toujours de soi pour moi jusqu’à ce que j’arrive en Master d’économie ». Dans les amphis de la Sorbonne, cette tête bien faite réalise qu’elle porte un prénom presque exotique pour certains, « un peu extravagant, un peu drôle ». De fil en aiguille, il pressent que les Kevin sont mésestimés dans la capitale, ce qui le conduit à se plonger dans La revanche de Kevin. Dans ce roman signé Iegor Gran, l’auteur de L’écologie en bas de chez moi imagine un jeune homme qui connaît Céline, Proust et Deleuze comme sa poche mais ne parvient à se frayer une place dans le microcosme littéraire parisien en raison de son prénom.

« Kevin est un prénom de classe populaire, un milieu dont je suis moi-même issu. Mais l’ascenseur social étant actuellement bloqué, ceux qui réussissent leur émancipation n’ont pas de désir de revanche », tempère Kévin Bossuet, qui ajoute qu’on a lui déjà dit qu’ « il n’était pas un Kevin comme les autres ». « C’est aussi débile que de dire : « tu n’es pas un Arabe comme les autres ! » », s’indigne-t-il. « Il est sans doute plus facile pour un Kevin d’être boucher ou joueur de foot que d’intégrer un milieu intellectuel », abonde le rédacteur en chef Idées de Marianne. En 2006, la loi sur l’égalité des chances a instauré le CV anonyme pour tous les recrutements dans les entreprises de plus de 50 salariés. Outre des Moussa, Fatima ou Mamadou, a-t-elle permis à des Kevin d’accéder à un emploi décent ? La dernière étude sur ce sujet date de 2010. A l’époque, selon l’Observatoire des discriminations, un Kevin avait 10 à 30% moins de chances de se faire embaucher qu’un Arthur à CV égal.

Le Grand soir des « Kévin de France »… 

On compterait plus de 600 thèses rédigées récemment par des Kevin dans l’Hexagone. Un nombre assez bas au regard des près de 90 000 nés de 1985 à 1995. Dans ce raz-de-marée, Jérôme Fourquet voit « un déclin du poids des traditions familiales et religieuses au profit de l’American way of life »[tooltips content= »Jérôme Fourquet, L’Archipel français« ](1)[/tooltips]. En effet, les années 1990 à 2000 voient aussi naître plus de 35 000 Jordan et près de 2000 Steeve. Aujourd’hui, deux d’entre eux occupent de hautes fonctions au sein du Rassemblement National. Dans L’Archipel Français, Jérôme Fourquet souligne d’ailleurs que « la carte des Kevin et des Dylan n’est pas sans rappeler celle du vote FN ». Qu’en est-il des Kevin dans l’arène politique ? « Kevin Kühnert, le chef des jeunes démocrates en Allemagne, est une véritable star Outre-Rhin !», s’enthousiasme Kévin Bossuet. Et chez nous ? Après avoir été très actif au sein des Jeunes avec Macron, Kévin Hamandia est attaché parlementaire du député LREM Raphaël Gauvain. « Quand on s’appelle Kévin, il faut sans doute faire plus ses preuves. Il n’y en a pas beaucoup en politique mais ça viendra car beaucoup d’électeurs ont maintenant eu un Kévin dans leur classe », souffle-t-il. De quoi trouver un terrain d’entente avec Kévin Pfeffer, conseiller régional du RN dans le Grand-Est ? « Je représenterai fièrement tous les Kévin de France », a tweeté ce dernier avant le second tour des Législatives de juin 2017 -ce qui n’a pas suffi à faire de lui le premier du genre à siéger au palais Bourbon. Si un certain Jordan Bardella lorgne sans doute à terme des fonctions présidentielles, aucun Kevin en vue pour convoiter l’Élysée.

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Au total, plus de 160 000 Kevin sont enregistrés à l’état civil, a souligné Jérôme Fourquet dans L’Archipel français. Mais suite à son ascension fulgurante, la vague connaît, dès 1996, une chute brutale. « Plus l’engouement pour un prénom est fort, plus le reflux l’est aussi », assure Baptiste Coulmont. « Il y a des Kévin et il y en aura bientôt partout, du bas en haut de l’échelle sociale, n’en déplaise aux vicomtes », s’est-il pourtant enflammé dans les colonnes du Monde. Une prédiction qu’il confirme à Causeur : « Désormais, les Kevin sont des jeunes adultes qui sont partout ». « Mais pour les plus jeunes, c’est un prénom sans doute déjà démodé », tempère-t-il. Bientôt un prénom de vieux ? La vague ayant eu lieu entre 1985 et 1995, les Kevin sont globalement âgés de 25 à 35 ans. Ils n’étaient que 225 nouveau-nés pour l’année 2019, relégués à la 560ème place, très loin derrière les Raphaël, troisièmes, et les Gabriel, qui décrochent la palme. Symbole d’une méritocratie à la française qui n’a pas encore abdiqué, Kévin Boucaud-Victoire a prénommé son jeune fils tel que l’ange de la Bible. « C’est un très beau prénom et j’ai toujours aimé les prénoms bibliques », confie-t-il. Si la mode des Kevin semble enterrée, l’Ancien Testament souffle à nouveau sur l’Hexagone. « Nous autres grands, ayons recours aux noms profanes ; faisons-nous baptiser sous ceux d’Annibal, de César et de Pompée ; c’étaient de grands hommes », clamait pourtant La Bruyère au XVIIème dans Les Caractères. Entre un siècle et un siècle et demi séparent les pics de plus forte fréquence d’un même prénom. Autrement dit, les Kevin seraient bien inspirés de s’activer dès maintenant s’ils veulent allonger la liste.

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« L’Anomalie »: Maman, j’ai dédoublé l’avion!


Tel est, en deux mots, le résumé de L’Anomalie, d’Hervé Le Tellier, prix Goncourt 2020, qui bat tous les records de vente et divise la critique intelligente.
Du coup, mon devoir était clair: lire toutes affaires cessantes ce roman devenu un phénomène d’édition, voire de société. Pour me faire une idée par moi-même, et donc vous dire ce qu’il faut en penser.


UN GONCOURT HORS CONCOURS

La nouvelle est tombée ce lundi 15 février à 16 h sur mon tellennescripteur : en six mois, L’Anomalie est devenu le deuxième Goncourt le plus vendu de l’histoire.

Normalement, j’aurais dû m’en foutre comme de mon premier an 40. Je ne suis guère client de romans, surtout depuis que ce genre littéraire a envahi tout le champ de la littérature en même temps qu’il se réduisait, de plus en plus souvent, à des autofictions tamponneuses qui n’amusent que leurs chauffeurs.

Quant aux Goncourt, ce qui m’énerve avec eux c’est cette étiquette de « distinction la plus prestigieuse de la littérature française », label officiel autant que hasardeux. Qui, par exemple, se souvient des Loups, de l’excellent Guy Mazeline (1932), préféré finalement par notre prestigieux jury au Voyage de Céline ? Sans parler des 116 autres lauréats, dont une majorité a déjà laissé moins de traces qu’une limace.

Goncourt ou pas, en lisant des fictions, j’ai maintes fois ressenti l’envie pressante de tenir l’auteur au collet pour lui demander : « C’est quoi, ça ? Pourquoi tu me racontes ça plus qu’autre chose, ou rien ? »

Avec Le Tellier, rien de tel. Son roman, subtil et drôle, est agréable à lire. On l’oublie trop souvent, mais c’est l’essentiel.

L’AVION ATTERRIT TOUJOURS DEUX FOIS

Dans L’Anomalie, comme son nom l’indique, le quotidien est une joyeuse dystopie conduite par un chef polyvalent et fou. Mathématicien et astrophysicien, Hervé est aussi un membre éminent de l’Oulipo, fiché notamment par les Renseignements littéraires pour complicité avec Frédéric Pagès dans la controverse Jean-Baptiste Botul / Bernard-Henri Lévy. (L’affaire, on s’en souvient, s’était soldée par un match nul, chaque philosophe ayant démontré l’inexistence de l’autre.)

Le pitche du roman est suffisamment aberrant pour me plaire. Un jour de mars 2021, le vol Air France 006 Paris-New York, parti à l’heure dite, n’en atterrit pas moins deux fois de suite, à trois mois d’intervalle, avec les mêmes passagers et le même équipage.

À l’origine, croit-on comprendre, un problème de dérive spatio-temporelle ou genre. Au bout du compte, l’affolement bien compréhensible des autorités et quelques difficultés d’adaptation pour les 243 passagers des deux vols et leurs doubles, à moins que ce ne soit l’inverse.

Les portraits des principaux personnages donnent lieu à une série de pastiches réjouissants. Sur fond de science-fiction (Matrix, Sense8), on a droit entre autres à du polar servi bleu, avec tueur à gages consciencieux ; du roman psychologique, avec amours malheureuses à la clé ; de la série à suspense, genre Lost ou 24 heures chrono… Et surtout, un talk-show à l’américaine plus vrai que nature, jusqu’à la fusillade finale.

PANIQUE CHEZ LES CRITIQUES

Face à cet ovni, c’est peu de dire que la critique intelligente est divisée. Elle s’agite en tous sens, mais comme un ver de terre coupé en deux : pas très longtemps. Jusqu’au prochain « talk of the town ». 

En attendant, au « Masque et la Plume », on rejoue la bataille d’Hernani. Arnaud Viviant ne tarit pas d’éloges sur ce « chef-d’œuvre hilarant », ce qui lui vaut une sévère prise de bec avec sa collègue Nelly Kaprièlian, par ailleurs irresponsable en chef du service littéraire des Inrocks. « Ce n’est pas de la littérature ! fulmine-t-elle. Rien qu’un produit formaté, un divertissement fabriqué – et même pas drôle ! » Et Dieu sait que Nelly s’y connaît en drôlitude.

La polémique fait rage aussi sur France Culture, dans l’émission « La Critique ». Parmi les chroniqueuses, l’une évoque un livre « espiègle et joueur », tandis que l’autre laisse éclater son indignation : « Fausse virtuosité… Démagogie… Très mal écrit ! » Quant à la troisième, elle s’inquiète : « On rit, mais à la fin on se demande si c’est si drôle que ça… »

Pas la peine de se mettre dans des états pareils, les filles ! C’est un jeu littéraire oulipien, l’auteur lui-même l’a expliqué. Alors on se calme et on boit frais.

Mais tout Le Monde ne pratique pas la littérature potentielle. Avec cet « esprit de sérieux » qui a fait sa réputation, notre quotidien de référence préfère aller à l’essentiel. Au-delà de l’exercice de style et de l’imagination ludiques, qui sont pourtant la forme et le fond de l’ouvrage, il ne veut en retenir que « des questions existentielles et métaphysiques passionnantes ».

Passionnantes sans doute, puisqu’elles sont à l’origine même de l’intrigue ; cela dit, elles n’occupent pas un dixième du bouquin, et il y est à peine répondu dans le twist final. Tout simplement parce que ce n’est pas l’objet du livre. Comme disait Stevenson, « l’important ce n’est pas la destination, c’est le voyage ».

L’ÈRE DU GRAND SIMULATEUR

Avec Le Tellier à la barre, la traversée s’avère plaisante. L’Anomalie est un savant cocktail d’Italo Calvino, de Philip K. Dick et de Perec. Tout est parodie ici, y compris les « questions existentielles et métaphysiques ». Hervé s’amuse, et c’est contagieux. Il joue avec ses hypothèses et ses personnages, non sans se foutre au passage du monde, avec ou sans majuscule, mais non sans talent.

Entre deux rebondissements de l’intrigue, il glisse même çà et là quelques aphorismes bien sentis, dont on retiendra le plus personnalisé : « Le succès après 50 ans, c’est la moutarde qui arrive au dessert », écrit cet auteur de 63 ans avant même d’y avoir goûté.

Après ça, peu me chaut que l’homme soit athée, progressiste ou même amateur de rap. L’essentiel, c’est qu’il ne se prenne pas au sérieux.

Reste qu’il faut savoir terminer un livre. En l’occurrence, ça tombe bien, le FBI en personne conclut à l’hypothèse que préfère l’auteur : la « simulation ». Et si, conformément aux spéculations du philosophe suédois Nick Bostrom (qui a perdu son tréma entre Göteborg et Oxford), nous n’étions toutes et tous que des êtres virtuels conçus par un Grand Simulateur ?

Bien vu, Hervé ! Un Dieu taillé pour notre époque…

L’anomalie - Prix Goncourt 2020

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«Emprise» : au nom des 99,9%…


Il serait temps que les hommes normaux qui avaient vingt ans dans les années 80 demandent des comptes aux winners du sexe qui trichaient en plaçant les femmes sous «emprise»…


Lorsque j’étais jeune et que je draguais, comme l’immense majorité de mes potes, je me prenais veste sur veste. Mon taux de réussite calculé sur une série longue était proche de 0%. Toutes les filles, toutes, les belles, les moches, les jeunes, les vieilles, les intelligentes, les idiotes, toutes, sans exception, voulaient sortir avec un tout petit nombre de garçons, 0,1% environ, toujours les mêmes, en général des gars beaux et virils, souvent un peu plus âgés, et/ou connus, et/ou riches, mais toujours très sûrs d’eux, des « winners ». Du genre PPDA ou ces types en boite assis aux meilleures tables, avec cinq mannequins de l’agence Élite autour d’eux, vous vous souvenez?

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Bref, la situation de marché était la suivante:

– moi et 99,9% des mecs, aucun succès.

– 0,1% des mecs croulaient sous la demande unanime des filles et ne pouvaient répondre à toutes ces sollicitations.

C’était un peu énervant mais on acceptait, car c’était ainsi qu’allait le monde. Cela ne nous empêchait ni d’être heureux, -on discutait entre copains, on regardait du foot, on jouait à la belote, pendant que les 0,1% d’élus faisaient l’amour-, ni de trouver -après mille échecs, sur un malentendu-, une femme qu’on aimait.

Grâce aux progrès scientifiques du  féminisme

Sauf que… je réalise aujourd’hui, grâce aux progrès scientifiques du féminisme, qu’en fait, les filles voulaient (au fond d’elles-mêmes) sortir avec moi et la majorité silencieuse! Mais voilà, elles étaient « SOUS EMPRISE » des 0,1% de mecs! En fait ces hommes les « violaient », selon la nouvelle définition. On le comprend aujourd’hui avec toutes ces femmes qui, 20 ou 30 ans après leur relation, accusent de viols ces mâles alpha, -précisément ceux qui nous piquaient toutes les nanas à l’époque-, car elles réalisent enfin, grâce, donc, aux magnifiques progrès de la science, qu’elles étaient « SOUS EMPRISE. »

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Au nom des 99,9% de mecs qui se prenaient des vestes, je demande aujourd’hui solennellement réparation, pour préjudice moral, à tous ces types qui ont couché avec des milliers de femmes, les PPDA, Patrick Bruel, chanteurs, artistes, acteurs, coureurs automobiles, présentateurs, sportifs, patrons millionnaires, pilotes de ligne, chirurgiens médiatiques et aussi les moins connus du grand public, toi Alex A, toi Samuel R (vous vous reconnaîtrez, c’est facile, à l’instant où j’écris ces mots, une fille nue, -SOUS EMPRISE-, différente de celle de la veille, sort de vos draps).

Une tricherie historique

Vous avez triché avec votre « EMPRISE » bande de salauds.

Nous, les hommes normaux, avons été privés de femmes à cause de vos pratiques déloyales: nous exigeons un dédommagement pour corriger cette tricherie historique.

A Trappes nigaud


Dans le tract qu’il a distribué contre Didier Lemaire, le maire de Trappes Ali Rabeh nous fait connaître son admiration pour Kery James. Le rappeur converti à l’islam ne s’était pourtant pas caché de ses attitudes misogynes par le passé.


L’épisode opposant le prof de philo, Didier Lemaire, au maire de Trappes, Ali Rabeh, a fait couler beaucoup d’encre. Affaire dans l’affaire, le maire de gauche est allé distribuer un tract blâmant l’enseignant au sein même de son lycée. Mais on a peu relevé qu’à la fin de la missive distribuée aux élèves figuraient quelques vers du rappeur « banlieusard et fier de l’être », Kery James. Né en Guadeloupe en 1977, Alix Mathurin (c’est son vrai nom) était reçu à la télévision par Ardisson en 2002 pour un disque dans lequel il racontait sa conversion à l’islam.

Question de l’homme au costard noir : « Vous refusez les interprétations intolérantes du Coran, mais, paraît-il, vous refusez de serrer la main aux femmes et même de leur faire la bise ? » Kery James : « Oui, a fortiori. Le Prophète ne faisait pas cela. Et les femmes du Prophète ne faisaient pas cela. […] Il faut pouvoir imaginer qu’il peut y avoir des gens qui ont des codes de savoir-vivre différents des nôtres. Il faut savoir respecter cela, voilà. » Ardisson poursuit cette enrichissante découverte de l’Autre : « Quand on va sur le site qui est indiqué sur votre album, on apprend, par exemple, qu’il ne faut pas frapper les femmes au visage. Ça veut dire qu’on a le droit de les frapper ailleurs ? » Kery James, pas gêné : « Non, cela ne veut pas dire cela. Cela veut juste dire que les frapper au visage est un péché plus grave encore. » Il explique ensuite pourquoi il a fait le choix de ne pas utiliser d’instruments à vent ou à cordes dans sa musique, car ils constituent des « péchés de l’oreille ». Rabeh écrit que, dans sa jeunesse, plein de doutes existentiels, il écoutait Kery James tous les jours sur le trajet de son lycée et que cela l’a aidé.

Heureusement que le CNRS, invité par Frédérique Vidal à se prononcer sur les dérives idéologiques à l’Université, est venu balayer toutes les inquiétudes : « L’islamo-gauchisme, slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique. »

La France terre d’accueil: l’agresseur du photographe de Reims avait déjà été condamné huit fois!

Anes Said K, 21 ans, est enfin en prison. Il aurait dû y être depuis longtemps et en tout cas expulsé. Des juges bienveillants et scrupuleux en ont décidé autrement.

C’est lui qui dans un déchainement glauque et bestial de violence a massacré le photographe de l’Union de Reims. Celui-ci est toujours dans le coma. Comme il s’agit d’un
journaliste, Darmanin s’en est soucié et a demandé une enquête approfondie sur son cas estimant qu’il y avait eu des failles dans la gestion de Anes Said K.

Un titre de séjour obtenu en Espagne

Nous pouvons l’aider à les trouver. À 13 ans Anes Said K était arrivé en France venant d’Espagne. De nationalité algérienne, il avait obtenu là-bas un titre de séjour. Puis avec sa famille il est parti pour la France. Entre notre pays et l’Espagne il n’y a plus de Pyrénées… Ainsi le veulent les Accords de Schengen.

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La valeur n’attendant pas le nombre des années, son parcours judiciaire a commencé au Tribunal pour enfants de Bobigny. Ensuite déménagement à Reims. Et là, devenu majeur, il a continué sur la voie empruntée à Bobigny. Ces deux dernières années, il a écopé de huit condamnations : vols, trafic de stupéfiants, violences en réunion. Les juges étaient habitués à le voir. Et pour le revoir ils ont pensé qu’il ne fallait pas le mettre en prison où il aurait échappé à leur affection.

La responsabilité des juges questionnée

On ne connait pas les peines auxquelles il a été condamné, le procureur de Reims n’ayant pas communiqué sur cette question. On peut supposer qu’elles étaient assorties d’un sursis. Mais est-ce qu’un sursis tient en cas de récidive ?

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On sait en revanche, d’après le procureur de Reims, que ces peines étaient « aménageables ». C’est-à-dire commuées en travaux d’intérêt général. C’est d’ailleurs pour s’être soustrait à l’une de ces obligations qu’Anes Said K a passé quand même trente jours en prison.

Ce qui au regard de ses huit condamnations n’est pas excessif. L’a-t-on expulsé ensuite ? Les policiers le connaissaient bien. Ils ont fait leur travail en l’arrêtant à plusieurs reprises. Les juges eux aussi le connaissaient bien. Vous trouvez que les juges ont fait leur travail ?

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« Le photographe agressé à Reims été victime de notre folie migratoire »

À table!


Il manquait à tout amateur de cuisine et d’anecdotes culinaires une somme réunissant, avec humour et érudition, histoire, recettes et historiettes. C’est chose faite, il est encore tout chaud, c’est Le Bouquin de la gastronomie.


Jean Vitaux est un grand monsieur. Président de l’Académie des gastronomes – au fauteuil de Curnonsky, excusez du peu –, archiviste du Club des Cent et membre d’une ribambelle d’associations gourmandes, ses connaissances littéraires et académiques se doublent d’un savoir scientifique qui n’est pas inutile pour comprendre l’évolution de la gastronomie française au fil des siècles. Comme le souligne Nicolas d’Estienne d’Orves dans sa préface: « À bien y regarder, le goût est même le dernier sens que la France n’ait jamais cessé de faire rayonner. Si nous avons pu dicter la pensée, la politique, la diplomatie, une certaine philosophie, la littérature et les arts, cet empire s’est émoussé ; en revanche, chez nous, tout se passe encore à table. » Pour comprendre tous les rouages secrets, toutes les étapes nécessaires à l’élaboration de cet art de vivre, Jean Vitaux présente la gastronomie sous tous les angles: aspects théoriques et pratiques, ordonnancement des repas (service à la russe ou à la française), descriptions des produits et de leur usage, variations des recettes selon les classes sociales, sociologie du comportement du gastronome… sans oublier, bien sûr, les recettes. Son Bouquin en compte près de 500 ; des rôtis de Taillevent (XIVe siècle) aux bouillons d’apothicaires (tel ce bouillon de vipères pour purifier le sang), en passant par la grande cuisine bourgeoise du XIXe et, plus facile à réaliser, l’œuf à la coque ou la quiche au lard. Les amateurs retrouveront aussi quelques extraits du Festin Joyeux (1738), de J. Lebas. Les recettes sont en vers et, pour chacune, l’auteur indique sur l’air de quelle chanson elle doit être prononcée. Si Jean Vitaux consacre une large place aux gibiers, viandes rouges, foies gras et cassoulets, les recettes à base de légumes se comptent par dizaines: asperges à la Pompadour (de Monselet), concombres farcis (de Ligier), macédoines de légumes printaniers (d’Alexandre Dumas), purée d’oignons à la Soubise (de Carême), tomates farcies à la provençale (d’Escoffier), etc.

couv-bouquin-gastronomie-miniPlusieurs textes anciens et modernes prouvent par ailleurs que la question de la saisonnalité n’est pas la lubie d’une nouvelle génération de locavores, mais répond à un souci juste et humain, celui de savoir bien manger. Les plats proposés par Prosper Montagné (1865-1948) en sont la preuve. En janvier: barquettes d’huîtres à la normande ou darnes de saumon à la bourguignonne (sauce au vin rouge); en février, endives au parmesan; en mars, soufflé aux épinards dit à la florentine; en avril, paupiettes de merlan…

Ce livre se lit d’une main, l’autre étant occupée à tenir la casserole, et permet de méditer cette phrase de Brillat-Savarin : « La cuisine est le plus ancien des arts, car Adam naquit à jeun. »

Jean Vitaux, Le Bouquin de la gastronomie, Robert Laffont, 2020.

L’art de la comédie douce-amère à la française

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Sélection de quatre DVD avec Anémone, Isabelle Adjani, Nathalie Baye et Anny Duperey pour en finir avec l’hiver


C’était quoi la France au mitan des années 70 et 80 ? Je répondrais d’abord une teinte, oui, une couleur, sorte de rideau de pluie où la mélancolie se chamaille avec la comédie, une grisaille qui ne plomberait pas l’atmosphère, un fond d’incertitudes qui ne virerait pas à la neurasthénie, un voile pudique sur les sentiments d’alors. Nous avions trop peur de les déflorer. Nous gardions nos distances avec le malheur, sans angélisme, ni gourmandise. Tout le contraire de notre époque actuelle qui s’apitoie sur son sort avec une délectation sournoise. Les pleurnicheries modernes ont l’indécence des crises sanitaires, elles sont fourbes et tenaces, elles sapent le moral. 

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En ces temps bénis des chocs pétroliers, les réalisateurs avaient inventé un entre-deux, étroit couloir où le rire effleure l’émotion, où l’amour n’a pas besoin d’un zoom pour exister, où les acteurs ne geignent pas de douleur à l’écran, où la ville suinte d’un ennui serein, où les commerces ressemblent encore à des commerces et où les hommes ne sont pas encore des automates. Ces films légers en apparence ne forçaient pas l’intimité du spectateur au pied de biche. Le cinéma n’avait pas la volonté d’instrumentaliser ou de rééduquer. On savait divertir intelligemment et filmer avec tact. Il y avait une fraîcheur dans ces comédies désarticulées, une absence de moraline et surtout une forme de romantisme avancé, c’est-à-dire expurgé de toutes niaiseries mercantiles et cependant, laissant entrevoir un espoir raisonnable. On ne peut regarder ces films (parfois oubliés) sans avoir le cœur serré ou l’œil humide, sans avoir la certitude que nos sociétés ont, à un moment, vrillé dans le sordide. 

Claude Brasseur, été 77

Un peu désorientés et amers, nous nous rendons compte de ce que nous avons perdu en une quarantaine d’années, une forme de poésie de la routine, le sens du bavardage, un toucher de pellicule, une capitale terreuse aux murs noircis, la courtoisie de ne pas caricaturer les existences simples, de ne surtout pas salir la beauté d’un geste ou d’un élan. « Monsieur Papa » signé Philippe Monnier sort à l’été 1977. Cette adaptation du roman de Patrick Cauvin décrit le quotidien d’un père divorcé (Claude Brasseur), entre l’éducation de son jeune garçon et les difficiles accommodements avec une nouvelle compagne interprétée par Nathalie Baye. Cette comédie de mœurs a le charme désuet d’un trench-coat froissé, elle cabote sur les variations intimes d’un couple naissant et les ajustements de la vie familiale. 

Elle habille élégamment des personnages véritablement incarnés et parle si bien de cette lointaine époque où le travail, le zinc, l’école, les vacances n’étaient pas des prétextes à sociologiser nos comportements. Brasseur roule en Renault 30, Nathalie en Renault 5, ils quittent leurs arrondissements respectifs pour manger un plateau d’huîtres en Normandie, sur un coup de tête ; ils s’embrassent et se déchirent avec bienveillance. Ressort de ce film une sensation douce, celle d’un bonheur esquissé, avec une pointe d’aigreur sur un lit de bonté nostalgique. On se régale aussi de revoir l’exquise Catherine Lachens en robe du soir, le bourru Moustache et l’étrange André Valardy, ainsi qu’un Daniel Auteuil en apprenti-voleur des PMU. 

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Un an plus tard, en 1978, « Trocadéro bleu citron » de Michaël Shock nous amène sur les hauteurs du Trocadéro où deux gosses d’une dizaine d’années tombent amoureux et dévalent en skate-board. La joliesse du propos, sa maladresse convaincante et le parfum d’insouciance qui plane sur Paris, emportent le spectateur dans une rêverie. Anny Duperey, la mère célibataire du garçon a la souplesse et la force des mères d’avant. Le même désenchantement apprivoisé, elles faisaient face en pantalon ou en déshabillé, au volant d’une Mini ou d’un tout-terrain américain. Et puis quel plaisir d’assister aux dialogues du couple bourgeois formé par Henri Garcin et Martine Sarcey, leur dissonance réjouit.

Adjani: la reine Isabelle

L’arrivée de Mitterrand au pouvoir et l’avènement du Splendid concordent, à quelques mois près, avec « Clara et les chics types » de Jacques Monnet. Ce chef-d’œuvre scelle une rencontre impromptue entre des trentenaires paumés qui cherchent une lueur d’espoir dans leur malaise. De nos jours, le même thème serait martelé, matraqué, ridiculisé par la frénésie des idéologies. La justesse de leurs errements, la fin d’une jeunesse programmée et surtout Isabelle Adjani, la reine Isabelle, séduisent follement. Elle fut la madone de notre adolescence, elle n’avait comme personne d’autre, le sens du sacrifice et cette gaieté ébréchée en héritage. Avec des modèles d’une beauté aussi incandescente, nous ne pouvions sombrer dans la vulgarité. Ils étaient déjà tous parfaitement accordés, Clavier dans sa jalousie éreintante, Balasko en routière perdue ou Lhermitte en playboy fissuré. La comédie douce-amère à la française perdura jusqu’à la fin des années 80. On en trouve encore la trace en 1988 dans « Envoyez les violons » de Roger Andrieux où le couple Anconina et Anémone jouent au chat et à la souris. Anconina a la précision d’un Dustin Hoffman et Anémone, notre tragédienne des Eighties, illumine par ses fêlures et son sex-appeal. Fabienne Perineau, Michel Galabru et Martin Lamotte complétaient la distribution de cette dernière tentative de faire rimer comédie et profondeur, avant que les rieurs et les moralisateurs prennent définitivement la pose.

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«La terre a ses limites, mais la bêtise humaine est infinie»

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Pendant sept ans, deux génies de la littérature, Flaubert et Maupassant, ont partagé une profonde amitié. Dans leur correspondance transparaît la bienveillance de l'aîné envers son cadet pour lequel il fut un véritable guide. "La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie - Correspondance", Éditeur : Le Passeur. Image : DR.

Un récent volume propose un choix des lettres échangées entre Flaubert, l’oncle et Maupassant, le neveu. Apprentissage de l’existence, de l’écriture et croquis d’époque. Une lecture revigorante en haine de la bêtise.


« C’est à Flaubert que Maupassant devra sa tenue d’écrivain, son indépendance d’esprit, son mépris des honneurs » affirme Paul Morand dans sa Vie de Guy de Maupassant. La précieuse correspondance échangée sept ans durant entre ces deux misanthropes, le jeune Guy de Maupassant et Gustave Flaubert, illustre cette intuition. L’aîné signe « votre vieux solide » des missives au cadet taxé de « lubrique auteur » ou d’ « obscène jeune homme » qui témoignent d’une affection toute paternelle envers le fils de sa vieille amie Laure, qui se trouve aussi être le neveu d’Alfred Le Poittevin, son regretté ami de jeunesse qui lui fit découvrir Sade et Byron. 

Prenez-garde à la tristesse, c’est un vice

L’aîné, Gustave, invite son cadet à déjeuner les dimanches de la belle saison et le comble de conseils littéraires ou stratégiques, d’exhortations au travail (« Un homme qui s’est institué artiste n’a plus le droit de vivre comme les autres »), de règles de vie (le fabuleux « Les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit », ou encore « Prenez garde à la tristesse. C’est un vice »). 

De son côté, Maupassant sollicite l’appui de Flaubert pour accélérer son passage du Ministère de la Marine et des Colonies, où il périt d’ennui onze heures par jour, à celui de l’Instruction publique. Un moment inquiété pour « outrage aux mœurs » pour des vers licencieux, Maupassant demande aussi à Flaubert d’écrire en sa faveur dans la presse.

A lire aussi, Patrick Mandon: Gustave Flaubert, le plus beau garçon de la plage, Victor Hugo, décorateur d’intérieur 

Le jeune auteur joue alors le rôle de documentaliste pour le boulimique Flaubert (à propos des falaises d’Étretat entre autres, pendant la rédaction de Bouvard et Pécuchet) et d’intermédiaire avec ses éditeurs ou avec tel ministre pour une pension d’écrivain. 

Sans tricherie, ni calcul

Tous deux communient dans le mépris de « la basse envie démocratique », de la bêtise humaine et des classes dirigeantes de leur temps (« noyer les beaux messieurs crétins avec les belles dames catins »). Le lecteur y décèle les premières traces du mal qui emportera Maupassant tout en assistant à ses premiers succès littéraires, quand sa nouvelle Boule de suif, qui lance Maupassant,  émerveille le vieux Flaubert. 

Entre ces deux génies existe une amitié, filiale ou paternelle, en tout cas d’une réelle profondeur : tous deux ont bien le cœur pris par l’autre, sans tricherie ni calculs. 

Une magnifique correspondance, dont je livre cet aphorisme de Flaubert, pour la route : « La poésie, comme le soleil, met de l’or sur le fumier ».

Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie, Correspondance 1873-1880, Le Passeur.

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Les croissants de Madame Verdurin

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La paquebot britannique Lusitania, torpillé par les Allemands au large de l'Irlande le 7 mai 1915 © SIPA / Numéro de reportage : 51015901_000001

Le billet du vaurien


Parmi les événements de la Première Guerre mondiale, rares sont ceux qui ont provoqué une telle émotion que le naufrage du paquebot Lusitania, torpillé par les Allemands au large des côtes irlandaises et coulé en dix-huit minutes, le 5 mai 1915. Plus de mille deux cents personnes, dont le milliardaire Alfred Vandebilt, y perdront la vie. Et depuis un siècle, après le naufrage du Titanic en 1912, les hypothèses les plus farfelues seront élaborées pour comprendre comment ce paquebot, le plus luxueux du monde, a pu couler en moins d’un quart d’heure. Le mystère reste entier, aucun scénario n’ayant été confirmé en raison de l’épave qui repose à 90 mètres de profondeur. Seule certitude : ce n’est pas le naufrage du Lusitania qui décidera les Américains de combattre aux côtés des Anglais.

Ce bref rappel historique pour mieux revenir à Marcel Proust et, en l’occurrence, à l’un des personnages les plus pittoresques et les plus odieux de la Recherche : Madame Verdurin. Elle a obtenu du docteur Cottard une ordonnance lui permettant de se procurer des croissants prétextant qu’ils apaisent ses migraines, ainsi qu’une autorisation spéciale des bureaux militaires. Mais que ne refuserait-on à Madame Verdurin ?

Croissant, covid et stratégie

Toujours est-il que le 8 mai 1915 au matin, en trempant son croissant dans le café au lait et donnant des pichenettes à son journal pour qu’il pût se tenir grand ouvert sans qu’elle eût besoin de détourner son autre main des trempettes, elle disait : « Quelle horreur ! Cela dépasse en horreur les plus affreuses tragédies. » Mais, note malicieusement Proust, la mort de tous ces noyés ne devait lui apparaître que réduite au milliardième, car, tout en faisant la bouche pleine ces réflexions désolées, l’air qui surnageait sur sa figure, amené probablement là par la saveur du croissant, si précieux contre sa migraine, était plutôt celui d’une douce satisfaction.

Et, comme chaque soir, dans son salon politique, elle continuerait à pérorer sur ce que les armées devraient faire sur terre comme sur mer. Remplaçons son salon par les chaînes d’information en continu et Madame Verdurin par le chroniqueur de votre choix prônant telle ou telle stratégie pour éradiquer le virus apocalyptique coûte que coûte et tirez-en la conclusion qu’il vous plaira !

La « cancel culture » c’est l’enrôlement de la jeunesse par L’Empire du Bien!

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Avant de corriger le tir, le fabricant de jouets Hasbro indiquait vouloir désormais "s'assurer que tout le monde se sente le bienvenu dans le monde des têtes de patates en abandonnant officiellement la marque et le logo de 'Monsieur Tête de Patate'" © STEW MILNE/AP/SIPA Numéro de reportage : AP20548372_000004

Afin de proposer une société nouvelle, les régimes totalitaires ont toujours eu comme ambition particulière d’imposer leur idéologie à la jeunesse.


Ferments de tous les délires voués à être pérennes, les corps et esprits des enfants doivent être façonnés par les programmes scolaires du régime et par la propagande culturelle de masse.

Cet objectif de modélisation dès le plus jeune âge se retrouve donc aussi bien dans l’Hitlerjugend (jeunesse hitlérienne) que dans la Komsomol (jeunesse communiste de l’Union soviétique) ainsi que dans toutes leurs resucées.

L'écrivain Philippe Muray. Photo: Hannah Assouline.
L’écrivain Philippe Muray. Photo: Hannah Assouline.

Quand l’idéologie s’intéresse à la jeunesse

Et aujourd’hui ? Un nouveau totalitarisme n’échappe pas à la règle de ce racolage de la jeunesse à des fins idéologiques. Il s’agit de l’autoproclamé progressisme libéral, celui de L’Empire du Bien prophétisé par Philippe Muray. Une visée impérialiste pour imposer le Bien contre le Mal : « Tout ce qui a définitivement raison contre tout ce qui a tort à jamais ». Ce totalitarisme est porté par les Woke (les éveillés). Parce qu’ils considèrent être les seuls à être conscients des discriminations touchant les origines (eux préfèrent parler de race, tiens, tiens…), les genres et les prétendus dominés, ils pensent être en droit d’imposer une seule vérité, leur vérité. Oubliant la leçon de l’altérité comme moyen de se mettre à la place de l’autre et ainsi le comprendre, ils préfèrent paradoxalement au nom de l’altérité comme source d’affrontement, vouloir bannir l’autre si celui-ci a le malheur de penser différemment d’eux, donc pas « bien comme il faut ».

A lire ensuite, Peggy Sastre: Le réveil des anti-woke

En effet, l’arme de ce totalitarisme moderne, disons plutôt contemporain, est d’effacer tout ce qui n’est pas conforme à son idéologie par le biais de la pratique de ce qu’on appelle depuis quelques années la cancel culture et que Philippe Muray avait déjà décrit en 1991 comme « le lynchage » qui « prend maintenant des masques progressistes ». On pensait à tort avoir évité 1984 d’Orwell, mais comme il le rappelait : « Tout le monde se félicite de l’avoir vu, au long des années du XXe siècle, Big Brother, s’écrouler sous pas mal de masques. En vrai, en énorme, en sanglant. Et s’il avait changé, lui aussi ? S’il était devenu gentil, convivial, sécurisant, Big Brother ? ».

Alors on efface quoi dans l’actuel Oceania pour bien pétrir nos enfants et taire leur esprit critique ?

Il faut tout d’abord les protéger des œuvres culturelles passées. Disney rajoute ainsi des avertissements à tout va: « Ce programme comprend des descriptions négatives et/ou des mauvais traitements de certains peuples ou cultures ». Cela concerne par exemple les Indiens dans « Peter Pan », les chats siamois – donc asiatiques – dans les « Aristochats » et « La Belle et le Clochard », et même les corbeaux dans « Dumbo », qui sont racisés – comme on dit chez les éveillés – et représentent donc un stéréotype afro-américain. Cette semaine, ce sont six albums du lauréat d’un Prix Pulitzer et auteur pour enfants très populaire aux États-Unis, Dr Seuss, qui ont été retirés de la vente car considérés comme véhiculant des préjugés raciaux.

Greta Thunberg manifestant en Autriche © Ronald Zak/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22342086_000003
Greta Thunberg manifestant en Autriche © Ronald Zak/AP/SIPA
Numéro de reportage : AP22342086_000003

Pour les œuvres actuelles, la crainte des campagnes de dénigrement et le partage de l’idéologie dominante par ceux qui ont l’argent pour produire du contenu – c’est-à-dire les géants d’Internet comme Amazon, Netflix, etc. – permettent une autocensure très efficace. Alors parfois on tente d’aller encore plus loin comme le New-York Times, petit télégraphiste de L’Empire du Bien, qui se demande sans rire s’il ne faudrait pas supprimer Chase, le petit chien policier héros courageux de la série de dessins animés pour enfants « Pat Patrouille », car « faire connaître la brutalité policière signifie également bannir l’archétype du bon flic qui règne à la télévision ».

J.K. Rowling accusée de « transphobie »

Il faut également protéger les enfants non pas des œuvres, mais de leurs auteurs « malveillants ». La créatrice des romans Harry Potter, J.K. Rowling, est ainsi une affreuse transphobe qu’il faut boycotter car elle a osé affirmer qu’une femme est une personne qui a ses règles !

A lire aussi, Ingrid Riocreux: La chasse aux TERF aura-t-elle raison du féminisme?

Enfin il faut bien entendu effacer les différences entre les hommes et les femmes. Ce qui pourrait être un objectif louable en matière de différences sociales et économiques s’est malheureusement mué dans une guerre violente aux préoccupations futiles comme la couleur des vêtements ou l’écriture inclusive. Au lieu de soutenir par exemple la proposition d’une députée (pourtant En Marche) voulant interdire le port du voile pour des petites filles et ainsi les protéger du séparatisme dans les banlieues, la bien-pensance des beaux quartiers se satisfait que le jouet « Monsieur Patate » ne soit plus « genré »…

Comme dans tout fascisme, le prétendu et autoproclamé progressisme veut modeler la jeunesse afin de pérenniser son idéologie. Mené de longue date aux États-Unis le combat semble déjà perdu outre-Atlantique. Ce n’est peut-être pas le cas en France où la question fait débat en amont de changements qui seraient irréversibles. Dans « Cordicopolis », cette cité du monopole du cœur, Philippe Muray rappelait que les Français en étaient fort heureusement les « mauvais élèves ».

Trente ans après son pamphlet, s’agit-il d’un vœu pieux ou d’un espoir pour combattre cet Empire du Bien qui veut tant de mal à nos enfants ?

Essais : L'Empire du Bien, Apres l'Histoire I-II, Exorcismes spirituels I-IV

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Tu seras un Kevin mon fils

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Macaulay Culkin dans "Maman, j'ai raté l'avion !" (1990) de Chris Columbus © SIPA Numéro de reportage : REX43026582_000004

Star de la France périphérique au début des années 1990, ce prénom a longtemps été moqué. Loin de rentrer dans la concurrence victimaire, les nombreux baptisés n’ont pas tous pour autant conquis les hautes sphères. Plongée dans la France des Kevin.


« Quand je vais dans une classe, je me mets toujours à côté de l’élève que j’appelle le Kévin, celui au fond de la classe près du mur et qui se demande ce qu’il fait là ». Cette petite phrase a été tenue fin janvier lors d’une réunion dans un collège par un sexagénaire de l’Éducation nationale. Si ceux de plus de 30 ans ont souri, les plus jeunes n’ont même pas frémi. « C’est stupide mais ça ne m’étonne pas. Bien que les choses aient changé, il y a encore une représentation péjorative de ce prénom, notamment chez les plus de 30-35 ans », commente Kévin Bossuet, médiatique professeur d’histoire-géographie. Loin de crier à la stigmatisation, le trentenaire rappelle que Kevin est un prénom irlandais et chrétien. La légende veut qu’au VIème siècle, Saint Kevin fondât en Irlande l’abbaye de Glendalough, dans les montagnes de Wicklow.

Bientôt un prénom de vieux? Les Kevin sont globalement âgés de 25 à 35 ans. Ils n’étaient que 225 nouveau-nés pour l’année 2019, relégués à la 560ème place loin derrière les Raphaël et les Gabriel

Tous les ans le 3 juin, notre calendrier chrétien fête les Kevin. Naître sous ses auspices donne-t-il les meilleures chances de réussir à l’école ? En 2012, le chercheur Baptiste Coulmont a créé le Projet mentions, un système qui propose une grille de lecture des résultats au baccalauréat selon les prénoms. Avec 4% de mentions très bien, les Kevin côtoient les Steven, Jessy, Jordan ou Mohamed. Les Théophile, Constance ou Augustin frisent eux les 20 % de mentions très bien. « Le prénom n’est pas magique. Il ne favorise pas de lui-même un résultat plutôt qu’un autre. », précise le chercheur. Certes, mais le surnom le plus déshonorant de Kevin n’est autre que « kéké ». Une tache consacrée par l’humoriste Elie Semoun à travers son personnage Kévina, une potiche adolescente au QI d’huître.

Du prénom d’acteur au lourd fardeau

Dans la seconde moitié du XXème siècle, les parents de la France périphérique se sont tournés vers les prénoms anglo-saxons. Si Kevin est souvent amalgamé aux séries d’Outre-Atlantique, il faut attendre 1989 pour voir un robot baptisé ainsi dans Sauvé par le gong, et 1990 pour qu’apparaisse un personnage dénommé Kevin Weaver dans Beverly Hills. Dès le début des années Mitterrand, l’épidémie de Kevin déferle pourtant sur l’Hexagone, à tel point que de 1989 à 1996, Kevin fut le prénom masculin le plus donné de France. En décembre 1990, Kevin McCallister crève l’écran dans Maman j’ai raté l’avion. Dans ce navet légendaire, un gamin de huit ans oublié à la maison par ses parents gagnait les cœurs des familles populaires. Avec plus de deux millions d’entrées, le jeune Kevin cartonne. Quelques mois plus tard, la France faisait la connaissance de Kevin Costner avec Danse avec les loups. L’acteur y campe un officier nordiste qui décide, suite à la guerre de Sécession, de s’atteler à une intégration exemplaire parmi les Sioux. Le blockbuster fera plus de sept millions d’entrées en France. En 1991, plus de 14 000 Kevin voient le jour en France.

A lire aussi, Laurence David: Pitres à clic et club de buzz

Rédacteur en chef Idée de Marianne, Kévin Boucaud-Victoire peine à s’extirper de son bureau encombré de bouquins. Né pendant le boom des Kevin, l’auteur de Georges Orwell, écrivain des gens ordinaires cumule les boulets : naissance en milieu populaire, noir, enfance en banlieue, domicilié en Seine-Saint-Denis depuis quinze ans et… prénommé Kévin. Vêtu d’un gilet rouge qui lui donne l’air d’un dandy sorti d’un roman de Huysmans, il nous apprend qu’il fut baptisé ainsi en hommage au footballeur anglais Kevin Keegan, ballon d’or en 1978 et 1979. « Il y a beaucoup d’Antillais qui s’appellent comme moi, j’ai un cousin qui s’appelle Kevin. A l’école, il y avait toujours un autre Kevin dans ma classe. Cela pour dire que c’est un prénom populaire qui allait toujours de soi pour moi jusqu’à ce que j’arrive en Master d’économie ». Dans les amphis de la Sorbonne, cette tête bien faite réalise qu’elle porte un prénom presque exotique pour certains, « un peu extravagant, un peu drôle ». De fil en aiguille, il pressent que les Kevin sont mésestimés dans la capitale, ce qui le conduit à se plonger dans La revanche de Kevin. Dans ce roman signé Iegor Gran, l’auteur de L’écologie en bas de chez moi imagine un jeune homme qui connaît Céline, Proust et Deleuze comme sa poche mais ne parvient à se frayer une place dans le microcosme littéraire parisien en raison de son prénom.

« Kevin est un prénom de classe populaire, un milieu dont je suis moi-même issu. Mais l’ascenseur social étant actuellement bloqué, ceux qui réussissent leur émancipation n’ont pas de désir de revanche », tempère Kévin Bossuet, qui ajoute qu’on a lui déjà dit qu’ « il n’était pas un Kevin comme les autres ». « C’est aussi débile que de dire : « tu n’es pas un Arabe comme les autres ! » », s’indigne-t-il. « Il est sans doute plus facile pour un Kevin d’être boucher ou joueur de foot que d’intégrer un milieu intellectuel », abonde le rédacteur en chef Idées de Marianne. En 2006, la loi sur l’égalité des chances a instauré le CV anonyme pour tous les recrutements dans les entreprises de plus de 50 salariés. Outre des Moussa, Fatima ou Mamadou, a-t-elle permis à des Kevin d’accéder à un emploi décent ? La dernière étude sur ce sujet date de 2010. A l’époque, selon l’Observatoire des discriminations, un Kevin avait 10 à 30% moins de chances de se faire embaucher qu’un Arthur à CV égal.

Le Grand soir des « Kévin de France »… 

On compterait plus de 600 thèses rédigées récemment par des Kevin dans l’Hexagone. Un nombre assez bas au regard des près de 90 000 nés de 1985 à 1995. Dans ce raz-de-marée, Jérôme Fourquet voit « un déclin du poids des traditions familiales et religieuses au profit de l’American way of life »[tooltips content= »Jérôme Fourquet, L’Archipel français« ](1)[/tooltips]. En effet, les années 1990 à 2000 voient aussi naître plus de 35 000 Jordan et près de 2000 Steeve. Aujourd’hui, deux d’entre eux occupent de hautes fonctions au sein du Rassemblement National. Dans L’Archipel Français, Jérôme Fourquet souligne d’ailleurs que « la carte des Kevin et des Dylan n’est pas sans rappeler celle du vote FN ». Qu’en est-il des Kevin dans l’arène politique ? « Kevin Kühnert, le chef des jeunes démocrates en Allemagne, est une véritable star Outre-Rhin !», s’enthousiasme Kévin Bossuet. Et chez nous ? Après avoir été très actif au sein des Jeunes avec Macron, Kévin Hamandia est attaché parlementaire du député LREM Raphaël Gauvain. « Quand on s’appelle Kévin, il faut sans doute faire plus ses preuves. Il n’y en a pas beaucoup en politique mais ça viendra car beaucoup d’électeurs ont maintenant eu un Kévin dans leur classe », souffle-t-il. De quoi trouver un terrain d’entente avec Kévin Pfeffer, conseiller régional du RN dans le Grand-Est ? « Je représenterai fièrement tous les Kévin de France », a tweeté ce dernier avant le second tour des Législatives de juin 2017 -ce qui n’a pas suffi à faire de lui le premier du genre à siéger au palais Bourbon. Si un certain Jordan Bardella lorgne sans doute à terme des fonctions présidentielles, aucun Kevin en vue pour convoiter l’Élysée.

A lire aussi: Au RN, tout le monde il est content, tout le monde il est Bardella

Au total, plus de 160 000 Kevin sont enregistrés à l’état civil, a souligné Jérôme Fourquet dans L’Archipel français. Mais suite à son ascension fulgurante, la vague connaît, dès 1996, une chute brutale. « Plus l’engouement pour un prénom est fort, plus le reflux l’est aussi », assure Baptiste Coulmont. « Il y a des Kévin et il y en aura bientôt partout, du bas en haut de l’échelle sociale, n’en déplaise aux vicomtes », s’est-il pourtant enflammé dans les colonnes du Monde. Une prédiction qu’il confirme à Causeur : « Désormais, les Kevin sont des jeunes adultes qui sont partout ». « Mais pour les plus jeunes, c’est un prénom sans doute déjà démodé », tempère-t-il. Bientôt un prénom de vieux ? La vague ayant eu lieu entre 1985 et 1995, les Kevin sont globalement âgés de 25 à 35 ans. Ils n’étaient que 225 nouveau-nés pour l’année 2019, relégués à la 560ème place, très loin derrière les Raphaël, troisièmes, et les Gabriel, qui décrochent la palme. Symbole d’une méritocratie à la française qui n’a pas encore abdiqué, Kévin Boucaud-Victoire a prénommé son jeune fils tel que l’ange de la Bible. « C’est un très beau prénom et j’ai toujours aimé les prénoms bibliques », confie-t-il. Si la mode des Kevin semble enterrée, l’Ancien Testament souffle à nouveau sur l’Hexagone. « Nous autres grands, ayons recours aux noms profanes ; faisons-nous baptiser sous ceux d’Annibal, de César et de Pompée ; c’étaient de grands hommes », clamait pourtant La Bruyère au XVIIème dans Les Caractères. Entre un siècle et un siècle et demi séparent les pics de plus forte fréquence d’un même prénom. Autrement dit, les Kevin seraient bien inspirés de s’activer dès maintenant s’ils veulent allonger la liste.

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« L’Anomalie »: Maman, j’ai dédoublé l’avion!

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Hervé Le Tellier : 2e Goncourt le plus vendu de l’histoire, après Duras. C’est vous qui voyez... © MANTOVANI / Gallimard/Opale via Leemage.

Tel est, en deux mots, le résumé de L’Anomalie, d’Hervé Le Tellier, prix Goncourt 2020, qui bat tous les records de vente et divise la critique intelligente.
Du coup, mon devoir était clair: lire toutes affaires cessantes ce roman devenu un phénomène d’édition, voire de société. Pour me faire une idée par moi-même, et donc vous dire ce qu’il faut en penser.


UN GONCOURT HORS CONCOURS

La nouvelle est tombée ce lundi 15 février à 16 h sur mon tellennescripteur : en six mois, L’Anomalie est devenu le deuxième Goncourt le plus vendu de l’histoire.

Normalement, j’aurais dû m’en foutre comme de mon premier an 40. Je ne suis guère client de romans, surtout depuis que ce genre littéraire a envahi tout le champ de la littérature en même temps qu’il se réduisait, de plus en plus souvent, à des autofictions tamponneuses qui n’amusent que leurs chauffeurs.

Quant aux Goncourt, ce qui m’énerve avec eux c’est cette étiquette de « distinction la plus prestigieuse de la littérature française », label officiel autant que hasardeux. Qui, par exemple, se souvient des Loups, de l’excellent Guy Mazeline (1932), préféré finalement par notre prestigieux jury au Voyage de Céline ? Sans parler des 116 autres lauréats, dont une majorité a déjà laissé moins de traces qu’une limace.

Goncourt ou pas, en lisant des fictions, j’ai maintes fois ressenti l’envie pressante de tenir l’auteur au collet pour lui demander : « C’est quoi, ça ? Pourquoi tu me racontes ça plus qu’autre chose, ou rien ? »

Avec Le Tellier, rien de tel. Son roman, subtil et drôle, est agréable à lire. On l’oublie trop souvent, mais c’est l’essentiel.

L’AVION ATTERRIT TOUJOURS DEUX FOIS

Dans L’Anomalie, comme son nom l’indique, le quotidien est une joyeuse dystopie conduite par un chef polyvalent et fou. Mathématicien et astrophysicien, Hervé est aussi un membre éminent de l’Oulipo, fiché notamment par les Renseignements littéraires pour complicité avec Frédéric Pagès dans la controverse Jean-Baptiste Botul / Bernard-Henri Lévy. (L’affaire, on s’en souvient, s’était soldée par un match nul, chaque philosophe ayant démontré l’inexistence de l’autre.)

Le pitche du roman est suffisamment aberrant pour me plaire. Un jour de mars 2021, le vol Air France 006 Paris-New York, parti à l’heure dite, n’en atterrit pas moins deux fois de suite, à trois mois d’intervalle, avec les mêmes passagers et le même équipage.

À l’origine, croit-on comprendre, un problème de dérive spatio-temporelle ou genre. Au bout du compte, l’affolement bien compréhensible des autorités et quelques difficultés d’adaptation pour les 243 passagers des deux vols et leurs doubles, à moins que ce ne soit l’inverse.

Les portraits des principaux personnages donnent lieu à une série de pastiches réjouissants. Sur fond de science-fiction (Matrix, Sense8), on a droit entre autres à du polar servi bleu, avec tueur à gages consciencieux ; du roman psychologique, avec amours malheureuses à la clé ; de la série à suspense, genre Lost ou 24 heures chrono… Et surtout, un talk-show à l’américaine plus vrai que nature, jusqu’à la fusillade finale.

PANIQUE CHEZ LES CRITIQUES

Face à cet ovni, c’est peu de dire que la critique intelligente est divisée. Elle s’agite en tous sens, mais comme un ver de terre coupé en deux : pas très longtemps. Jusqu’au prochain « talk of the town ». 

En attendant, au « Masque et la Plume », on rejoue la bataille d’Hernani. Arnaud Viviant ne tarit pas d’éloges sur ce « chef-d’œuvre hilarant », ce qui lui vaut une sévère prise de bec avec sa collègue Nelly Kaprièlian, par ailleurs irresponsable en chef du service littéraire des Inrocks. « Ce n’est pas de la littérature ! fulmine-t-elle. Rien qu’un produit formaté, un divertissement fabriqué – et même pas drôle ! » Et Dieu sait que Nelly s’y connaît en drôlitude.

La polémique fait rage aussi sur France Culture, dans l’émission « La Critique ». Parmi les chroniqueuses, l’une évoque un livre « espiègle et joueur », tandis que l’autre laisse éclater son indignation : « Fausse virtuosité… Démagogie… Très mal écrit ! » Quant à la troisième, elle s’inquiète : « On rit, mais à la fin on se demande si c’est si drôle que ça… »

Pas la peine de se mettre dans des états pareils, les filles ! C’est un jeu littéraire oulipien, l’auteur lui-même l’a expliqué. Alors on se calme et on boit frais.

Mais tout Le Monde ne pratique pas la littérature potentielle. Avec cet « esprit de sérieux » qui a fait sa réputation, notre quotidien de référence préfère aller à l’essentiel. Au-delà de l’exercice de style et de l’imagination ludiques, qui sont pourtant la forme et le fond de l’ouvrage, il ne veut en retenir que « des questions existentielles et métaphysiques passionnantes ».

Passionnantes sans doute, puisqu’elles sont à l’origine même de l’intrigue ; cela dit, elles n’occupent pas un dixième du bouquin, et il y est à peine répondu dans le twist final. Tout simplement parce que ce n’est pas l’objet du livre. Comme disait Stevenson, « l’important ce n’est pas la destination, c’est le voyage ».

L’ÈRE DU GRAND SIMULATEUR

Avec Le Tellier à la barre, la traversée s’avère plaisante. L’Anomalie est un savant cocktail d’Italo Calvino, de Philip K. Dick et de Perec. Tout est parodie ici, y compris les « questions existentielles et métaphysiques ». Hervé s’amuse, et c’est contagieux. Il joue avec ses hypothèses et ses personnages, non sans se foutre au passage du monde, avec ou sans majuscule, mais non sans talent.

Entre deux rebondissements de l’intrigue, il glisse même çà et là quelques aphorismes bien sentis, dont on retiendra le plus personnalisé : « Le succès après 50 ans, c’est la moutarde qui arrive au dessert », écrit cet auteur de 63 ans avant même d’y avoir goûté.

Après ça, peu me chaut que l’homme soit athée, progressiste ou même amateur de rap. L’essentiel, c’est qu’il ne se prenne pas au sérieux.

Reste qu’il faut savoir terminer un livre. En l’occurrence, ça tombe bien, le FBI en personne conclut à l’hypothèse que préfère l’auteur : la « simulation ». Et si, conformément aux spéculations du philosophe suédois Nick Bostrom (qui a perdu son tréma entre Göteborg et Oxford), nous n’étions toutes et tous que des êtres virtuels conçus par un Grand Simulateur ?

Bien vu, Hervé ! Un Dieu taillé pour notre époque…

L’anomalie - Prix Goncourt 2020

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«Emprise» : au nom des 99,9%…

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Claire Chazal et Patrick Poivre d'Arvor en 1999 © SUREAU/TF1/SIPA Numéro de reportage : TF135000611_000008

Il serait temps que les hommes normaux qui avaient vingt ans dans les années 80 demandent des comptes aux winners du sexe qui trichaient en plaçant les femmes sous «emprise»…


Lorsque j’étais jeune et que je draguais, comme l’immense majorité de mes potes, je me prenais veste sur veste. Mon taux de réussite calculé sur une série longue était proche de 0%. Toutes les filles, toutes, les belles, les moches, les jeunes, les vieilles, les intelligentes, les idiotes, toutes, sans exception, voulaient sortir avec un tout petit nombre de garçons, 0,1% environ, toujours les mêmes, en général des gars beaux et virils, souvent un peu plus âgés, et/ou connus, et/ou riches, mais toujours très sûrs d’eux, des « winners ». Du genre PPDA ou ces types en boite assis aux meilleures tables, avec cinq mannequins de l’agence Élite autour d’eux, vous vous souvenez?

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Couvrez ce sang que je ne saurais voir

Bref, la situation de marché était la suivante:

– moi et 99,9% des mecs, aucun succès.

– 0,1% des mecs croulaient sous la demande unanime des filles et ne pouvaient répondre à toutes ces sollicitations.

C’était un peu énervant mais on acceptait, car c’était ainsi qu’allait le monde. Cela ne nous empêchait ni d’être heureux, -on discutait entre copains, on regardait du foot, on jouait à la belote, pendant que les 0,1% d’élus faisaient l’amour-, ni de trouver -après mille échecs, sur un malentendu-, une femme qu’on aimait.

Grâce aux progrès scientifiques du  féminisme

Sauf que… je réalise aujourd’hui, grâce aux progrès scientifiques du féminisme, qu’en fait, les filles voulaient (au fond d’elles-mêmes) sortir avec moi et la majorité silencieuse! Mais voilà, elles étaient « SOUS EMPRISE » des 0,1% de mecs! En fait ces hommes les « violaient », selon la nouvelle définition. On le comprend aujourd’hui avec toutes ces femmes qui, 20 ou 30 ans après leur relation, accusent de viols ces mâles alpha, -précisément ceux qui nous piquaient toutes les nanas à l’époque-, car elles réalisent enfin, grâce, donc, aux magnifiques progrès de la science, qu’elles étaient « SOUS EMPRISE. »

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Les souvenirs de viols se ramassent à la pelle

Au nom des 99,9% de mecs qui se prenaient des vestes, je demande aujourd’hui solennellement réparation, pour préjudice moral, à tous ces types qui ont couché avec des milliers de femmes, les PPDA, Patrick Bruel, chanteurs, artistes, acteurs, coureurs automobiles, présentateurs, sportifs, patrons millionnaires, pilotes de ligne, chirurgiens médiatiques et aussi les moins connus du grand public, toi Alex A, toi Samuel R (vous vous reconnaîtrez, c’est facile, à l’instant où j’écris ces mots, une fille nue, -SOUS EMPRISE-, différente de celle de la veille, sort de vos draps).

Une tricherie historique

Vous avez triché avec votre « EMPRISE » bande de salauds.

Nous, les hommes normaux, avons été privés de femmes à cause de vos pratiques déloyales: nous exigeons un dédommagement pour corriger cette tricherie historique.

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A Trappes nigaud

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Ali Rabeh © D.R.

Dans le tract qu’il a distribué contre Didier Lemaire, le maire de Trappes Ali Rabeh nous fait connaître son admiration pour Kery James. Le rappeur converti à l’islam ne s’était pourtant pas caché de ses attitudes misogynes par le passé.


L’épisode opposant le prof de philo, Didier Lemaire, au maire de Trappes, Ali Rabeh, a fait couler beaucoup d’encre. Affaire dans l’affaire, le maire de gauche est allé distribuer un tract blâmant l’enseignant au sein même de son lycée. Mais on a peu relevé qu’à la fin de la missive distribuée aux élèves figuraient quelques vers du rappeur « banlieusard et fier de l’être », Kery James. Né en Guadeloupe en 1977, Alix Mathurin (c’est son vrai nom) était reçu à la télévision par Ardisson en 2002 pour un disque dans lequel il racontait sa conversion à l’islam.

Question de l’homme au costard noir : « Vous refusez les interprétations intolérantes du Coran, mais, paraît-il, vous refusez de serrer la main aux femmes et même de leur faire la bise ? » Kery James : « Oui, a fortiori. Le Prophète ne faisait pas cela. Et les femmes du Prophète ne faisaient pas cela. […] Il faut pouvoir imaginer qu’il peut y avoir des gens qui ont des codes de savoir-vivre différents des nôtres. Il faut savoir respecter cela, voilà. » Ardisson poursuit cette enrichissante découverte de l’Autre : « Quand on va sur le site qui est indiqué sur votre album, on apprend, par exemple, qu’il ne faut pas frapper les femmes au visage. Ça veut dire qu’on a le droit de les frapper ailleurs ? » Kery James, pas gêné : « Non, cela ne veut pas dire cela. Cela veut juste dire que les frapper au visage est un péché plus grave encore. » Il explique ensuite pourquoi il a fait le choix de ne pas utiliser d’instruments à vent ou à cordes dans sa musique, car ils constituent des « péchés de l’oreille ». Rabeh écrit que, dans sa jeunesse, plein de doutes existentiels, il écoutait Kery James tous les jours sur le trajet de son lycée et que cela l’a aidé.

Heureusement que le CNRS, invité par Frédérique Vidal à se prononcer sur les dérives idéologiques à l’Université, est venu balayer toutes les inquiétudes : « L’islamo-gauchisme, slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique. »

La France terre d’accueil: l’agresseur du photographe de Reims avait déjà été condamné huit fois!

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Anes Said K, 21 ans, est enfin en prison. Il aurait dû y être depuis longtemps et en tout cas expulsé. Des juges bienveillants et scrupuleux en ont décidé autrement.

C’est lui qui dans un déchainement glauque et bestial de violence a massacré le photographe de l’Union de Reims. Celui-ci est toujours dans le coma. Comme il s’agit d’un
journaliste, Darmanin s’en est soucié et a demandé une enquête approfondie sur son cas estimant qu’il y avait eu des failles dans la gestion de Anes Said K.

Un titre de séjour obtenu en Espagne

Nous pouvons l’aider à les trouver. À 13 ans Anes Said K était arrivé en France venant d’Espagne. De nationalité algérienne, il avait obtenu là-bas un titre de séjour. Puis avec sa famille il est parti pour la France. Entre notre pays et l’Espagne il n’y a plus de Pyrénées… Ainsi le veulent les Accords de Schengen.

A lire aussi, Gilles-William Goldnadel: Dissolution de Génération Identitaire: «Même sur le plan politicien, je ne trouve pas ça malin!»

La valeur n’attendant pas le nombre des années, son parcours judiciaire a commencé au Tribunal pour enfants de Bobigny. Ensuite déménagement à Reims. Et là, devenu majeur, il a continué sur la voie empruntée à Bobigny. Ces deux dernières années, il a écopé de huit condamnations : vols, trafic de stupéfiants, violences en réunion. Les juges étaient habitués à le voir. Et pour le revoir ils ont pensé qu’il ne fallait pas le mettre en prison où il aurait échappé à leur affection.

La responsabilité des juges questionnée

On ne connait pas les peines auxquelles il a été condamné, le procureur de Reims n’ayant pas communiqué sur cette question. On peut supposer qu’elles étaient assorties d’un sursis. Mais est-ce qu’un sursis tient en cas de récidive ?

A lire aussi, Anne-Sophie Chazaud: Des “valeurs de la République” à géométrie variable

On sait en revanche, d’après le procureur de Reims, que ces peines étaient « aménageables ». C’est-à-dire commuées en travaux d’intérêt général. C’est d’ailleurs pour s’être soustrait à l’une de ces obligations qu’Anes Said K a passé quand même trente jours en prison.

Ce qui au regard de ses huit condamnations n’est pas excessif. L’a-t-on expulsé ensuite ? Les policiers le connaissaient bien. Ils ont fait leur travail en l’arrêtant à plusieurs reprises. Les juges eux aussi le connaissaient bien. Vous trouvez que les juges ont fait leur travail ?

À voir aussi, le regard libre d’Elisabeth Lévy

« Le photographe agressé à Reims été victime de notre folie migratoire »

À table!

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Détail de la couverture "Le Bouquin de la gastronomie" de Jean Vitaux © Editions Robert Laffont / Bouquins

Il manquait à tout amateur de cuisine et d’anecdotes culinaires une somme réunissant, avec humour et érudition, histoire, recettes et historiettes. C’est chose faite, il est encore tout chaud, c’est Le Bouquin de la gastronomie.


Jean Vitaux est un grand monsieur. Président de l’Académie des gastronomes – au fauteuil de Curnonsky, excusez du peu –, archiviste du Club des Cent et membre d’une ribambelle d’associations gourmandes, ses connaissances littéraires et académiques se doublent d’un savoir scientifique qui n’est pas inutile pour comprendre l’évolution de la gastronomie française au fil des siècles. Comme le souligne Nicolas d’Estienne d’Orves dans sa préface: « À bien y regarder, le goût est même le dernier sens que la France n’ait jamais cessé de faire rayonner. Si nous avons pu dicter la pensée, la politique, la diplomatie, une certaine philosophie, la littérature et les arts, cet empire s’est émoussé ; en revanche, chez nous, tout se passe encore à table. » Pour comprendre tous les rouages secrets, toutes les étapes nécessaires à l’élaboration de cet art de vivre, Jean Vitaux présente la gastronomie sous tous les angles: aspects théoriques et pratiques, ordonnancement des repas (service à la russe ou à la française), descriptions des produits et de leur usage, variations des recettes selon les classes sociales, sociologie du comportement du gastronome… sans oublier, bien sûr, les recettes. Son Bouquin en compte près de 500 ; des rôtis de Taillevent (XIVe siècle) aux bouillons d’apothicaires (tel ce bouillon de vipères pour purifier le sang), en passant par la grande cuisine bourgeoise du XIXe et, plus facile à réaliser, l’œuf à la coque ou la quiche au lard. Les amateurs retrouveront aussi quelques extraits du Festin Joyeux (1738), de J. Lebas. Les recettes sont en vers et, pour chacune, l’auteur indique sur l’air de quelle chanson elle doit être prononcée. Si Jean Vitaux consacre une large place aux gibiers, viandes rouges, foies gras et cassoulets, les recettes à base de légumes se comptent par dizaines: asperges à la Pompadour (de Monselet), concombres farcis (de Ligier), macédoines de légumes printaniers (d’Alexandre Dumas), purée d’oignons à la Soubise (de Carême), tomates farcies à la provençale (d’Escoffier), etc.

couv-bouquin-gastronomie-miniPlusieurs textes anciens et modernes prouvent par ailleurs que la question de la saisonnalité n’est pas la lubie d’une nouvelle génération de locavores, mais répond à un souci juste et humain, celui de savoir bien manger. Les plats proposés par Prosper Montagné (1865-1948) en sont la preuve. En janvier: barquettes d’huîtres à la normande ou darnes de saumon à la bourguignonne (sauce au vin rouge); en février, endives au parmesan; en mars, soufflé aux épinards dit à la florentine; en avril, paupiettes de merlan…

Ce livre se lit d’une main, l’autre étant occupée à tenir la casserole, et permet de méditer cette phrase de Brillat-Savarin : « La cuisine est le plus ancien des arts, car Adam naquit à jeun. »

Jean Vitaux, Le Bouquin de la gastronomie, Robert Laffont, 2020.

Le Bouquin de la gastronomie

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