Le philosophe a été parmi les premiers à pointer les dangers du voile pour la société française. Après l’affaire des jeunes filles voilées de Creil en 1989, il dénonçait avec d’autres, dans Le Nouvel Observateur le « Munich de l’école républicaine ». Il a fallu quinze ans pour aboutir à la loi proscrivant les signes religieux ostentatoires à l’école. Lâcheté politique et complicité idéologique ont ouvert un boulevard à l’islamisme.
Elisabeth Lévy. Dans Le Nouvel Observateur (ça ne s’appelait pas L’Obs) du 2 Novembre 1989, vous avez publié avec Élisabeth Badinter, Régis Debray, Élisabeth de Fontenay et Catherine Kintzler un appel intitulé « Profs, ne capitulons pas ! » Vous rappelez-vous comment est née cette initiative ?
Alain Finkielkraut. N’ayant jamais tenu de journal, je ne suis sûr de rien. Mais je crois me souvenir que l’initiative de cet appel revient à Élisabeth Badinter. Les féministes de l’époque étaient très hostiles au voile : ce qu’elles lui reprochaient d’abord, c’était non sa pudibonderie, mais son obscénité. Les femmes en terre d’islam étaient astreintes à couvrir leurs cheveux pour ne pas éveiller la concupiscence des hommes. Il leur fallait, comme l’écrit Fethi Benslama, occulter les signes maléfiques de séduction dont leurs corps étaient porteurs. Bref, ce que le voile ou le foulard islamique, comme on disait à l’époque, avait de révoltant, c’était de réduire les femmes et les jeunes filles à l’état d’objet sexuel. Autant que le défi à la laïcité, cette réduction était jugée insupportable.
Alors que Lionel Jospin, encouragé par David Kessler, décidait de laisser les chefs d’établissement se débrouiller avec le voile, vous parliez du « Munich de l’école républicaine ». Pourtant, il était difficile de savoir, à l’époque, que l’islamisme serait le fascisme du xxie siècle. En aviez-vous l’intuition ?
Nous n’étions pas extralucides. Nous regardions autour de nous l’ayatollah Khomeiny régner sur l’Iran depuis dix ans déjà et sa révolution contraignait toutes les femmes iraniennes à porter le tchador. Quelques mois avant notre appel, une fatwa avait été lancée contre Salman Rushdie coupable de « blasphème ». Devant ce grand retour du fondamentalisme islamique, les responsables politiques rivalisaient de couardise. Jacques Chirac, par exemple, mettait sur le même plan l’auteur des Versets sataniques et ceux qui voulaient sa mort. Il était temps de réagir ! Et de rappeler au ministre qui affirmait, la main sur le cœur, « il est exclu d’exclure », qu’« une exclusion n’est discriminatoire que lorsqu’elle vise celui ou celle qui a respecté les règles en vigueur dans un établissement. Lorsqu’elle touche l’élève qui a enfreint ces règles, elle est disciplinaire. La confusion actuelle entre discipline et discrimination ruine la discipline. Et s’il n’y a plus de discipline possible, comment enseigner les disciplines ? »
Quelles ont été, à l’époque, où les réseaux sociaux n’existaient pas, les réactions ? Était-il déjà question d’islamophobie ? Le voile a-t-il tracé une ligne de fracture au sein de la gauche ?
C’est très simple. Nous avions tout le monde contre nous. L’archevêque de Paris s’était mis en colère : « Ne faisons pas la guerre aux adolescentes beurs. Halte au feu ! » Le grand rabbin de France a vu, dans cette demande d’interdiction, une atteinte au libre exercice du culte. La porte-parole des protestants de France a exprimé son inquiétude en ces termes : « Notre France assoupie s’éveille pour repartir en guerre contre une religion. Vieille histoire qui devrait rappeler quelque chose aux parpaillots. » Et les clergés ont été rejoints par les « assos ». Le MRAP a fielleusement fait remarquer que d’autres communautés manifestaient leur appartenance religieuse « sans faire l’objet de sanctions », tandis que SOS Racisme, fidèle à son slogan, proclamait : « Aucune sanction ne peut être infligée à des élèves en vertu de leur foi. » Bref, malgré le soutien de Jean Daniel, nous étions très isolés à gauche. Tous les gens « sympas » dénonçaient nos velléités répressives et pensaient avec Edwy Plenel que « le laïcisme intolérant était l’expression d’un déni social : d’un rejet des dominés et des opprimés tels qu’ils sont ». Le mot islamo-gauchisme n’avait pas encore été inventé, mais la chose existait bel et bien.
On ne va plus chercher dans les œuvres ce qu’il en est de nous-mêmes et du monde, on les convoque devant le tribunal des identités
Il a fallu quinze ans pour que soit votée la loi proscrivant les signes religieux ostentatoires à l’école. Mais entre-temps les voiles avaient fleuri dans tous les quartiers où résidaient beaucoup de musulmans. Notre situation serait-elle très différente si Lionel Jospin vous avait écoutés ?
Saisi par Lionel Jospin, le Conseil d’État a estimé que la neutralité dans le service public ne s’imposait pas aux élèves. L’exclusion des jeunes filles a donc été annulée. Autorisation du voile, interdiction du prosélytisme. Avec ce principe bancal, les cas litigieux se sont multipliés. En 2003, Jacques Chirac a donc chargé Bernard Stasi de présider une commission de réflexion sur le principe de laïcité en France. La majorité de ses membres étaient, au départ, favorables à la négociation au cas par cas. Ce qui les a fait changer d’avis, c’est le désarroi manifesté par beaucoup de proviseurs devant la montée du communautarisme en France. Pour enrayer cette fragmentation, il aurait fallu d’entrée de jeu fixer des règles très claires. Affirmer que la France est un pays de mixité, et que l’enceinte scolaire est un espace séparé qui obéit à ses propres normes. « L’École est un lieu admirable. J’aime que les bruits extérieurs n’y entrent point. J’aime ces murs nus », écrivait Alain dans ses Propos sur l’Éducation. Je ne connais pas de plus belle définition de la laïcité. Elle est oubliée et la France se morcelle.
Malgré la loi, l’école est devenue une ligne de front de la guerre que mènent les islamistes contre nous. Diriez-vous que les profs ont capitulé (dans un sondage, plus de la moitié d’entre eux estimait qu’il ne fallait pas montrer les caricatures de Mahomet aux élèves) ?
L’École de la République s’est peu à peu effondrée à coups de notes bienveillantes et de réformes pédagogiques. La gentillesse a eu raison de l’excellence et de l’exigence. Beaucoup de jeunes enseignants sont les produits de cette École éradicatrice du savoir. Ils disposent en outre d’un site d’informations en ligne [1] dédié à la pédagogie antidiscrimination qui les invite à s’auto-diagnostiquer : « Est-ce que je contribue à véhiculer ou est-ce que je combats les stéréotypes concernant les familles populaires sur le fait qu’elles sont “démissionnaires” ou sur le fait qu’elles ne s’occupent pas de la scolarité de leurs enfants ? Est-ce que j’ai conscience que l’évaluation chiffrée produit un stress lié à des menaces de stéréotype et n’est pas favorable aux milieux populaires ? » L’enfer islamo-gauchiste est pavé des meilleures intentions égalitaires.
« Il faut, écriviez-vous, que les élèves aient le plaisir d’oublier leur communauté d’origine et de penser à autre chose que ce qu’ils sont. » Mais aujourd’hui, c’est le ministre de l’Éducation qui demande qu’on écoute les élèves transgenres. Au-delà même de l’identité religieuse et culturelle, ne sommes-nous pas dans un monde où les identités minoritaires ont tous les droits ? Est-il possible de s’y opposer ?
Nous sommes surtout dans un monde qui se croit éveillé à toutes les discriminations et à toutes les injustices. L’ouverture dont les woke se prévalent les ferme définitivement à la transmission. Leurs studies ne sont pas des recherches mais des réquisitoires contre une culture pleine de stéréotypes et de préjugés. On ne va plus chercher dans les œuvres ce qu’il en est de nous-mêmes et du monde, on les convoque devant le tribunal des identités. C’est un renversement fatal.
Affaire des « foulards de Creil », octobre 1989. SIPA.
Aujourd’hui, dans les quartiers islamisés le voile est majoritaire. Ses défenseurs (ou ceux qui s’opposent à toute restriction) assurent que c’est un signe purement religieux qui relève de la liberté de conscience (ou un simple morceau de tissu). Pour beaucoup de Français, il est un symbole politique. Pour vous, de quoi le voile est-il le nom, que nous dit-il ? Et comment distinguer le voile religieux du voile politique ?
Qu’il soit politique, religieux ou les deux ensemble, le voile est l’emblème de la sécession. La femme qui le porte affirme son appartenance à l’islam. Jamais elle ne se mariera avec un non-musulman. La France n’est rien d’autre pour elle qu’une addition de droits.
Que dites-vous aux femmes juives orthodoxes ?
Il n’y en a pas à l’école. Les juifs de manière générale sont, il est vrai, un peuple endogame parce que religieux ou non, ils ne veulent pas que le peuple juif s’éteigne. Il n’en reste pas moins que les juifs ont très majoritairement joué la carte de l’assimilation, que le mariage mixte existe, et qu’ils n’ont nullement l’intention de revenir en arrière.
Que répondre aux femmes (et à la presse anglo-saxonne) qui brandissent nos libertés pour défendre le port du voile ?
Les adversaires de la laïcité à la française n’invoquent plus la loi de Dieu, mais la liberté de conscience. Ils se veulent aussi laïques, même plus laïques que ceux qu’ils combattent. À leurs yeux, notre interdiction des signes religieux à l’École n’est pas sacrilège, elle est liberticide. Dont acte. Notre modèle n’est pas universel. Eh bien, assumons-en la particularité et puisque multiculturalisme il y a, défendons sans vaciller la culture française.
Au-delà de l’école, êtes-vous favorable à son interdiction ?
Non ! Le voile est une insulte faite aux femmes, mais l’interdire dans l’espace public transformerait cet instrument de servitude en étendard de la rébellion.
Malgré tout, la France résiste, y compris la France officielle puisque le gouvernement a protesté contre la campagne du Conseil de l’Europe et obtenu son retrait. Faut-il en conclure que, si vous avez perdu une bataille il y a trente ans, nous n’avons pas encore perdu la guerre ?
Comme l’écrit le sociologue allemand Ulrich Beck, l’Union européenne telle que nous la connaissons a vu le jour pour sortir l’Europe de l’ornière de son histoire guerrière. Elle a été portée sur les fonts baptismaux comme antithèse à l’Europe nationaliste. Elle a voulu rompre avec son passé sanglant en se vidant de tout contenu substantiel. C’est une Europe des valeurs et des normes qui a fait, contre le particulier le choix de l’universel, au lieu de chercher à articuler l’un sur l’autre. Selon la très juste expression de Pierre Manent, « cette Europe démocratique n’est et ne veut être que la pure universalité humaine. Elle ne saurait donc être quelque chose de distinct, elle doit être un rien, une absence ouverte à toute absence de l’autre. » Être soi-même un rien pour que l’autre, n’importe quel autre, puisse être tout ce qu’il est. C’est ce nihilisme qui a inspiré la campagne d’affiches du Conseil de l’Europe : « La diversité c’est la beauté, la liberté est dans le hijab ». Le gouvernement français et le gouvernement allemand ont réagi. Est-ce le signe d’un réveil ou d’un sursaut ? L’Europe post-hitlérienne s’acceptera-t-elle enfin comme civilisation ? Le devoir de mémoire cessera-t-il de se confondre avec l’oubli de tout ce qui n’est pas un crime ? Je l’espère, mais le chemin est encore long.
[1] Conçu par l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation de l’académie de Créteil et l’université Paris-Est Créteil. Il est financé par l’argent public via l’Agence nationale de la recherche
En passe de s’implanter durablement sur le marché mondial du film, le cinéma sud-coréen s’apprête à devenir un véritable concurrent d’Hollywood. Soutenu par les pouvoirs publics, le septième art du Pays du matin calme rêve d’un avenir flamboyant. Entre soft power et potentiel économique de choix, le cinéma sera, sans aucun doute, un moyen de la puissance coréenne. C’est déjà le cinquième producteur mondial. Causeur part à l’assaut d’Hallyuwood, la vague coréenne…
L’année 2022 sera-t-elle une nouvelle fois synonyme de consécration pour le surdoué Bong Joon-ho, enfant chéri du cinéma sud-coréen ? Le réalisateur du multi-primé Parasite a en effet annoncé lors de la dernière édition du Festival International du Film de Tokyo qu’il bossait simultanément sur un long-métrage anglophone, dont le tournage devrait débuter début 2022 à Los Angeles, ainsi que sur son premier film d’animation inspiré de la lecture d’un livre d’images consacré aux créatures marines : « Ces créatures vivent 24 heures sur 24 sans que la lumière du soleil ne les atteigne. Bien qu’elles vivent sur la même planète que nous, nous n’entrons normalement pas en contact avec elles. Mais dans mon film, à la suite d’un certain incident, elles font la connaissance des humains, et c’est là que l’histoire démarre. » Alléchant… Sans compter la prochaine adaptation de Parasite en série pour la chaîne américaine HBO, reconnaissance suprême pour l’enfant de Daegu au pays des Moguls du 7ème art.
Petit retour en arrière, ante-Covid. Comme pour célébrer dignement le centenaire de la naissance du cinéma sud-coréen (The Righteous Revenge, un kino-drama au titre fort explicite passe pour être le premier film du pays réalisé en 1919), 2019 restera à jamais dans les annales du cinéma mondial comme l’année Parasite : Palme d’or au Festival de Cannes, quatre Oscars hollywoodiens dont meilleur film, meilleur réalisateur, César du Meilleur Film étranger…
Le succès viral interplanétaire et inattendu du film-gigogne de Bong Joon-ho semble alors consacrer une certaine « exception culturelle » sud-coréenne incarnée sans complexe par une « Nouvelle vague » talentueuse et désinvolte, bras armé d’un véritable « soft power » national qui tiendrait la dragée haute aux blockbusters américains à prétention hégémonique ainsi qu’aux productions envahissantes de l’encombrant voisin chinois. Après Hollywood et Bollywood pour l’Inde, on parle désormais d’ « Hallyuwood » (Hallyu signifiant vague coréenne) pour désigner le phénomène culturel (musique pop, séries TV) et cinématographique sud-coréen.
Quels sont les ressorts de ce petit miracle artistique et créatif mêlant à plaisir les différents genres cinématographiques et que nous révèle-t-il sur l’état réel de la société sud-coréenne et par ricochet ses connexions avec les mondes occidentaux ?
Ils se nomment Bong Joon-ho (Memories of Murder ; The Host ; Mother ; Snowpiercer ; Okja ; Parasite), Lee Chang-dong (Poetry ; Burning), Na Hong-jin (The Chaser ; The Murderer ;The Strangers), Park Chan-wook (Old boy ; Lady Vengeance ; Stoker ; Mademoiselle), Kim Jee-woon (Deux sœurs ; Le Bon, la Brute et le Cinglé ; J’ai rencontré le Diable ; Le Dernier Rempart) , Yeon Sang-ho (Dernier train pour Busan ; Peninsula) ou encore Kim Seong-hun (Hard Day,Tunnel) et sont devenus ces dernières années les coqueluches des différents festivals internationaux, récompensés pour leur audace graphique et scénaristique ainsi que leur faculté à inventer de nouveaux langages cinématographiques en digérant les grands classiques du cinéma mondial et en mixant intelligemment les genres : thriller, policier, film noir, drame social, comédie, fantastique, épouvante, érotisme… au point de se voir confier les rênes de plus importantes productions internationales (Snowpiercer ; Le Dernier Rempart) ou voir leur film d’origine connaître des remakes américains plus ou moins ratés au contenu forcément édulcoré (Old Boy de Spike Lee, Deux sœurs/ Les intrus de Charles et Thomas Guard…en attendant l’inévitable remake de Parasite, en série cette fois sur HBO).
« Memories of Murder », 2003
Le cinéma comme « soft power »
C’est peu dire que le pays du Matin calme (littéralement « Matin frais »), expression impropre que l’on prête aux missionnaires européens du XIXe siècle en référence à la longue période de prospérité de la dynastie Joseon (1392-1910), a connu un XXe siècle tragique et mouvementé : occupation japonaise de 1903 à 1945 et son cortège d’exactions et de violences, effets collatéraux de la Deuxième Guerre Mondiale immédiatement suivie par la fratricide guerre de Corée (1950-1953) et une traumatisante partition du pays, dictature militaire et répressive des années 60 et 70, modernisation du pays (futur « Dragon ») à marche forcée avec ses cohortes de laissés-pour-compte du miracle économique, crise financière asiatique de 1997, corruption et scandales politiques des années 2000… autant de marqueurs forts dans l’inconscient culturel et artistique d’une nation parfois vacillante, contrainte de se livrer à un lourd travail introspectif depuis plusieurs années.
Parce que la culture a très tôt été perçue comme un efficace instrument de « soft power » par les différents régimes successifs de Séoul, que ce soit durant la longue période autoritaire et nationaliste ou depuis le rétablissement de la démocratie à la fin des années 80, la production cinématographique domestique a bénéficié de puissantes lois protectionnistes destinées notamment à la protéger contre l’ogre américain.
Ajoutons à cela que depuis la décennie 90, les artistes jouissent d’une certaine liberté d’expression créatrice, fort appréciable dans un pays asiatique aux rapports complexes avec le respect des libertés individuelles, tel que l’on peut l’entendre en Occident.
On se plait souvent à rappeler la fameuse phrase de l’ancien Président Kim Dae-jung (1998-2003) : « Offrez un soutien financier aux artistes, mais surtout n’intervenez jamais dans leur travail. Dès que le gouvernement interfère, les industries créatives se brisent. »
Et de soutien, il en est largement question dans un pays à la fibre nationale (nationaliste ?) prononcée. L’industrie cinématographique est ainsi fortement aidée depuis les années 90 par les chaebols, ces grands conglomérats sud-coréens (Daewoo, Hyundai, Samsung, CJ Group, Orion, Lotte) ainsi que par les fonds d’investissement et les sociétés de capital-risque, ce qui contribue aujourd’hui à faire du pays le cinquième producteur mondial de films.
Sans oublier le rôle proactif joué par le KOFIC (Korean Film Council), lancé en 1999 par le gouvernement et largement inspiré du système français (où l’on parle également beaucoup de la fameuse « exception culturelle ») afin de soutenir et promouvoir son cinéma sur le marché national et à l’étranger : bourses, subventions, soutien des activités de R&D, appui aux productions indépendantes et aux salles d’art et d’essai.
«Pas de culture, pas de pays », tel était le slogan marketing promu en 1995 par le géant de l’agroalimentaire CJ Group, lié à Samsung. L’ensemble du système d’acteurs locaux a bien intégré et retenu la leçon…
Une « Nouvelle vague » douée et inventive
Dans le sillage des illustres précurseurs qui ont ouvert la voie (et porté la voix) (Kim Ki-Young, Im Kwon-taek), la Corée du Sud peut se targuer d’avoir enfanté ces deux dernières décennies de nombreux talents dont les films, perspicaces, frais, originaux, authentiques et -plutôt- radicaux sont généralement mondialement salués par la critique et le public.
Ces cinéastes francs-tireurs, éclectiques et brillants, portent un regard à la fois poétique et sans concession sur l’état de leur société et au-delà du monde, tout en ayant assimilé les grands classiques du 7ème art.
Leur terrain de jeu de prédilection consiste à dynamiter les genres et accoucher de nouveaux langages cinématographiques tantôt syncrétiques, tantôt disruptifs, toujours surprenants, a fortiori pour le spectateur ouest-européen qui n’est pas forcément habitué à ce maelström d’images et d’arcs narratifs.
Ce mélange des styles et des ambiances rendant merveilleusement compte du brouillage et de la porosité des frontières entre les notions de Bien et Mal, réalité/illusion, lumières/ ténèbres, civilisation/barbarie, « mainstream »/marges n’est pas sans rappeler le moment-charnière d’ébullition représenté par le Nouvel Hollywood outre-Atlantique du début des années 70.
Deux exemples évocateurs parmi tant d’autres avant de s’attarder plus longuement sur le magnum opus de Bong Joon-ho.
The Strangers est le chef d’œuvre inclassable et d’une durée hallucinante pour un film de genre (2h36 !) réalisé par Na Hong-jin (2016), déjà remarqué pour ses déconcertants et très nerveux TheChaser et The Murderer. Son film, qui présente une certaine filiation avec le Memories of Murder de Bong-Joon-ho, propose des changements de ton délicieux mais déroutants, baladant sournoisement le spectateur hagard, entre thriller psychologique, conte macabre, film « ruraliste », drame familial, film de possession et de zombies et bien entendu féroce satire sociale.
Il réussit à digérer sans jamais plagier ni moquer quantité de films-étalons du genre (La Nuit des Morts-vivants de George Romero, L’Enfer des zombies de Lucio Fulci, L’Exorciste et Killer Joe de William Friedkin, Jeeper Creepers de Victor Salva, Cabin Fever de Eli Roth, Ring de Hideo Nakata et bien d’autres), tout en créant une œuvre personnelle, singulière et unique.
Mais qui sont alors ces « étrangers » contenus dans le titre du film ? Un mystérieux ermite japonais cristallisant la haine de tout un village, un chaman au look seventies dont les transes semblent engendrer la fabrication d’un remède pire que le mal qu’il est censé combattre ? Un jeune diacre catholique hésitant et faible ? Une jeune femme spectrale drapée de blanc immaculé mystérieuse et insaisissable ? Féroce critique de l’effritement des institutions et des valeurs de la société sud-coréenne (abaissement du statut du père, du flic, propagation des superstitions villageoises et animistes, succès mercantile de breuvages censés être miraculeux…), le film se veut une extraordinaire invitation à un voyage pluvieux, poisseux, boueux, purulent et méphistophélique qui finit par mettre le spectateur K.O. dont l’unique salut consistera à des visionnages répétés afin d’en saisir toutes les complexités et nuances.
Na Hong-jin réussit le tour de force dans son dernier acte de faire basculer son film dans une dimension métaphysique en abordant frontalement et sans complexe les grands thèmes nord-américains chers à Friedkin et Carpenter sur la propagation inexorable du Mal et sa radicalité intrinsèque absolue, ex-nihilo, en dehors de toute tentative d’explication scientifique et rationnelle. À revoir d’urgence aujourd’hui.
Autre film magistral, en apparence plus apaisé et éthéré qui aurait sans doute mérité la Palme d’Or à Cannes en 2018 (à la place d’Une affaire de famille du Japonais Kore-eda au traitement plus classique et convenu…) l’incendiaire Burning de Lee Chang-dong.
Burning de Lee Chang-dong (2018)
Un temps ministre de la Culture et farouche militant anti-dictature durant ses jeunes années d’étudiant, Lee Chang-dong, déjà réalisateur du magnifique Poetry, livre un thriller psychologique troublant et hermétique, posant patiemment les pièces d’un énigmatique puzzle sur un trio amoureux de jeunes adultes, aux personnalités très différentes, condamnés à une fin (forcément ?) tragique. Haemi (Jeon Jong-seo) est cette fille un brin aguicheuse, anciennement complexée par son physique et désormais esthétiquement refaite, passionnée par le mime et les jeux d’illusion (étrange affection pour son maudit chat qui n’apparaîtra finalement jamais…) ; Jongsu (You Ah-in), le grand garçon timide et sensible, fils d’un agriculteur sénile et violent envers les autorités, livreur à mi-temps et aspirant écrivain ; enfin Ben (épatant Steven Yeun), le séduisant et magnétique Gatsby local dont l’arrogance et les signes extérieurs de richesse suscitent fascination et malaise…
Quelque part entre Claude Chabrol, François Truffaut, Louis Malle, Alfred Hitchcock, David Lynch et bien-sûr William Faulkner puisque le film est indirectement inspiré de sa nouvelle Barn Burning (L’incendiaire, 1939), Lee Chang-dong évoque les mystères du désir, les affres de la sortie de l’innocence juvénile pour l’entrée dans le ténébreux monde adulte tout en se livrant à une critique sociale et politique des plus acerbes : règne des apparences et des illusions, jeunesse déboussolée et velléitaire, frénésie d’une société d’hyperconsommation engendrant frustrations et exclusions, notamment dans une Corée des marges, périphérique et rurale, violence dans les rapports de classes, extrême sévérité des juridictions locales, paranoïa vis-à-vis de l’invisible voisin nord-coréen, alertes sur un environnement naturel massacré… Autant de thèmes corrosifs politiquement forts que l’on va retrouver dans l’opus désormais culte du multi-récompensé « King » Bong Joon-ho.
Jong-seo JUN dans « Burning », film de LEE Chang-dong (2018). Diaphana.
Fractures et panne de l’ascenseur social
« Il y a dans ce pays une fracture sociale » annonçait prophétiquement feu le candidat Chirac au cours de la mémorable campagne présidentielle de 1995. Le même constat est dressé avec froideur et fatalité mais aussi ironie et touches burlesques par le réalisateur de Parasite qui rappelons-le, a réalisé un cursus en sociologie à l’Université Yonsei de Séoul avant de se lancer dans le cinéma. Qui plus est, il est également le petit-fils du célèbre écrivain Park Tae-won, promoteur dans ses œuvres d’idéaux progressistes et communistes avant de passer carrément au Nord et de devenir professeur à Pyongyang après la partition du pays de 1950. Un héritage familial qui compte dans une carrière d’artiste et d’intellectuel.
Dans son film, deux familles archétypales, les richissimes mais engoncés Park et les sous-prolétaires mais rusés Kim apparaissent ainsi comme deux camps, deux blocs irréconciliables, vivant -c’est le cas de le dire- dans deux mondes très différents, condamnés à se « parasiter » mutuellement jusqu’à l’annihilation… S’il n’y avait cette mince lueur d’espoir final qui fait définitivement basculer le long-métrage dans une dimension de conte poétique et fantastique.
L’ensemble du métrage qui se veut puissamment métaphorique (ce mot est opportunément prononcé à plusieurs reprises par les protagonistes) est avant tout basé sur une série de contrastes (en termes de couleurs, odeurs [probablement jamais un film n’aura été aussi olfactif !], espaces, architectures, postures, vocables…). De nettes oppositions caractérisées qui ont l’apparence d’une fausse simplicité confinant à la caricature sociale.
Tout n’est que masques, impostures, faux-semblants et finalement affaires de perception(s). Impossible pour les spectateurs français que nous sommes de ne pas penser au cinéma d’Henri-Georges Clouzot et surtout de Claude Chabrol, notamment aux films Que la bête meure et La Cérémonie (influences directement revendiquées par Bong Joon-ho). D’aucuns citeront également le film séminal La Servante du pionnier et mentor sud-coréen Kim Ki-Young qui a inspiré toute cette nouvelle vague sud-coréenne, Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola, L’Argent de la vieille de Luigi Comencini ou encore The Servant de Joseph Losey.
C’est cette radicalité dans la division des classes et dans l’exacerbation des rapports dominants-dominés qui a pu choquer en Corée certains spectateurs et surtout les autorités publiques à la sortie du film et même après le sacre cannois. Il convient de se souvenir aujourd’hui que le retour du réalisateur prodige dans son pays au printemps 2019 n’a pas forcément déchaîné l’enthousiasme parmi les autorités locales et les représentants du gouvernement qui ont cru trop bien saisir le message social de son brûlot !
Ce qui peut également déconcerter et brouiller toute lisibilité du message, c’est l’absence de solidarité entre les « pauvres/ opprimés » puisqu’on les voit se battre entre eux de manière véhémente, annulant toute lecture marxisante du film. Contrairement aux écrits de l’auteur du Capital et à tous ses épigones, la progression de la dialectique maitres-esclaves ne débouche pas forcément sur l’affranchissement du peuple travailleur et désaliéné, libéré de ses chaînes de servitude. Le réalisateur choisit de renvoyer dos à dos et dans les cordes tout le monde, riches, pauvres, ambitieux, frustrés, arrogants, dupes, madrés… D’où ce sentiment de résignation et de « tristesse » (au-delà de la « colère » c’est le mot employé le plus souvent en interview par Bong Joon-ho) devant une société définitivement bloquée et verrouillée.
La puissance symbolique du film réside justement dans la portée universelle du traitement de ces thématiques, ce qui est un marqueur fort de la majorité des œuvres réalisées par cette nouvelle génération sud-coréenne. Bien qu’inspirées par des histoires ou faits divers locaux, les trames narratives de ces auteurs sont susceptibles de concerner les sociétés occidentales, plus que jamais proches cousines du Pays du Matin calme. Il est insolite et révélateur de constater que la Corée du Sud est parfois située dans la catégorie « sociétés occidentales » en termes de classement mondial pour les indicateurs économiques et industriels.
Autrement dit, un même film aurait très bien pu être réalisé en France si l’on avait un Bong Joon-ho aussi talentueux et audacieux. La Corée du Sud… miroir grossissant des tares du système libéral et capitaliste mondialisé ?
Familles dysfonctionnelles et jeunesse fascinée par le dieu « Dollar »
Tout le cinéma du surdoué Bong charrie ces histoires de familles déstructurées, atypiques, dysfonctionnelles, frappées au cœur par la brutalité et le caractère discriminant et exclusif des mouvements accélérés de la société sud-coréenne, plus que jamais engagée dans la bataille mondiale de la compétitivité et de l’innovation économiques et technologiques.
La fascination pour l’Amérique matérialiste, consumériste, cupide et hyper connectée (« le Dieu Wi-Fi » tant exaucé), la quête de la réussite individuelle coûte que coûte, l’ahurissante spéculation immobilière (ô combien palpable dans Parasite) ainsi que le manque d’empathie entre classes et entre individus sont clairement brocardés dans le film. Ces valeurs viciées entraînant d’importantes dérives paraissent à l’opposé du socle culturel et philosophique ancestral sud-coréen assis sur les diverses « voies de la sagesse » confucéenne, shintoïste, bouddhiste et taoïste.
On ne le perçoit pas forcément en Occident à l’heure de la K-Pop mondialement triomphante, mais 75% des jeunes Coréens, chiffre hallucinant, disent souhaiter quitter la Corée pour aller vivre à l’étranger. Il y a ceux qui sont totalement largués par la modernisation à outrance du pays et le rythme « compétition non-stop » imposé par les « premiers de cordée » et ceux fascinés par une Amérique du Nord mythifiée, Eldorado des temps modernes tout en présentant l’avantage d’offrir un système social global plus souple, moins sévère, respectant davantage les droits des individus, contrairement à l’État omnipotent sud-coréen, trop perçu comme le Big Brother avide d’un contrôle permanent des foules. Rappelons que la Corée du Sud a le taux de suicide le plus élevé parmi les membres de l’OCDE (en moyenne 26 personnes sur 100 000, soit plus de 36 suicides par jour !).
C’est un peu la face sombre de cet Hell Chosun comme disent ces jeunes en guise de mépris pour qualifier cette société honnie, en référence à la dernière dynastie coréenne féodale hyper hiérarchisée et sclérosée, dans laquelle seul le rang importait, au-delà donc des compétences et aspirations des individus. Déjà l’introuvable ascenseur social…
Film foncièrement politique, Parasite, au-delà de toutes les récompenses glanées dans les plus belles compétitions mondiales, a réalisé l’exploit de faire bouger le gouvernement coréen sur le mal-logement et l’insalubrité sociale, dans la mesure où Séoul a décidé d’octroyer une aide financière conséquente à chacun des 1 500 ménages du pays qui vivent dans des logements de ce type (financement de travaux permettant d’améliorer l’éclairage et la ventilation mais aussi isolation des murs durant les périodes d’inondations, particulièrement fréquentes durant l’été). D’après les chiffres officiels, près de 383 000 appartements similaires à celui des Kim, mis tristement en lumière dans le film, seraient occupés par des familles « précaires » ou des étudiants. Bong… futur ministre à l’instar d’un Lee Chang-dong ? Attendons un peu.
Urgence Ecologie !
C’est un doux euphémisme que de prétendre que le cinéma de Bong développe une conscience écologique prononcée. De la description d’un monde absurde « glacé » post-apocalyptique acculant les rares survivants à (sur)vivre dans un train roulant continuellement (Snowpiercer) à la créature mutante issue des déchets radioactifs de l’armée américaine (The Host), au gros cochon sympathique nourri aux hormones par une multinationale américaine (encore !) avide de business en dehors de toute éthique (Okja) et jusqu’au déchainement des éléments climatiques dans Parasite (pluies, inondations, tonnerre, tempêtes), Bong se mue en grand lanceur d’alerte (imprécateur ?) des catastrophes à venir…
Il n’est d’ailleurs pas anodin de constater que le « Ciel » se déchaîne lorsque la famille « parasitaire » pense pouvoir sereinement profiter de la villa des riches, se soûlant dans le salon en regardant, tel un spectacle grandiose, les éclairs à travers l’immense baie vitrée à la transparence resplendissante. C’est justement à ce moment-là, sous une pluie battante, que sonne à la porte l’ancienne gouvernante dans le but de se rendre à la cave de la propriété en invoquant de mystérieuses raisons. Ce qui fait ipso facto basculer le film dans une autre dimension, beaucoup plus ténébreuse et violente, et accélérer la dynamique narrative.
Une fois de plus, les hommes, riches ou pauvres, ne peuvent rien face aux éléments irrationnels naturels dont le rôle sera peut-être de rétablir in fine un nouvel ordre social, fût-il post-apocalyptique.
Apocalypse ou pas, la Corée du Sud, dans sa version « ciné », ferait peur aux présidents américains… « Ils nous tuent dans le commerce, vous savez, puis ils remportent l’Oscar pour un film flippant ! » aurait tonné l’ancien président américain Donald Trump le soir de la fameuse cérémonie hollywoodienne le 9 février 2020. On ne sait encore si Biden est cinéphile… Comme il paraît loin le temps où un Kim Youg-sam, alors à la tête de l’Etat sud-coréen se pâmait devant le succès phénoménal de Jurassic Park (1993) du golden boy Spielberg en faisant remarquer que les recettes du film équivalaient à la vente de 1,5 million de voitures Hyundai. D’où la décision immédiate de transformer le cinéma du pays en véritable arme économique…
Alors près de trente ans plus tard… Bong Joon-ho à la tête de cette épatante « Nouvelle vague », serait-il le futur Spielberg d’un pays, actuellement au 12° rang mondial (PIB), qui n’a peut-être pas fini de surprendre la planète ciné en continuant à enfanter des œuvres authentiques et fortes à l’impression de « jamais vu » ?
La Fédération Internationale de handball essaye d’abattre le machisme – mais pas trop non plus…
Début octobre, la Fédération internationale de handball (IHF) a modifié son règlement sur les tenues portées par les beach-handballeuses. Celles-ci se voyaient jusqu’alors obligées de disputer les matchs en bikini. Mais au cours du dernier championnat d’Europe féminin qui s’est déroulé au mois de juillet, les handballeuses norvégiennes, refusant de se plier à la règle, avaient arboré des shorts lors du match contre l’Espagne pour la médaille de bronze.
Elles ont donc écopé d’une amende de 1 500 euros infligée par la fédération. Qui a déclenché quelques réactions indignées. « Que de changements d’attitude sont nécessaires dans l’univers international macho et conservateur du sport », a même tweeté le ministre norvégien de la Culture et de l’Égalité, Abid Raja. L’IHF, consciente du problème, a donc décidé de réagir. Grâce au nouveau règlement, les joueuses pourront porter des shorts. Mais la fédération, craignant probablement pour l’attractivité du handball de plage féminin – discipline peut-être en manque de prouesses sportives spectaculaires ? – a spécifié que ces shorts ne seraient autorisés qu’à condition qu’ils soient courts et « serrés », tandis que ceux des joueurs masculins ne doivent être que « pas trop amples ». Chacun pourra se figurer la nuance entre un short féminin « serré » et un short masculin « pas trop ample ».
Quoi qu’il en soit, espérons que le conservatisme macho finira par disparaître du sport international. Avec un peu de chance, nous pourrons assister dans quelques années à des matchs de beach-handball féminin en burkinis non binaires. Mais à condition qu’ils soient serrés.
D.R.
Norway's women's beach handball team was fined €1,500 for refusing to wear bikini bottoms at a European championship game.
Men wear shorts but IHF rules say women "must" use bikini bottoms, despite players saying that bikini bottoms are restrictive and uncomfortable to play in. pic.twitter.com/VwP2cxAE1H
Plaidoyer pour le retour de la France a-raciste que nous aimons. Comme l’impossible, le racisme n’est pas français !
Quand les activistes de SOS Racisme se sont levés et dévoilés en hommes et femmes banderole pour afficher « non au racisme » et pour perturber le meeting d’Éric Zemmour, il y avait mieux à faire que les rejeter à coups de pieds. On pouvait aussi les rejoindre !
On pouvait être plus malin que les adversaires, faire semblant de ne pas comprendre les intentions malignes, les prendre au mot, les rejoindre donc, les acclamer, les remercier, les étreindre et scander avec eux l’un des mots d’ordre de la reconquête. Non au racisme. Le zemmourisme n’est pas un racisme, parce que comme l’impossible, le racisme n’est pas français.
Monsieur Sopo, nous adhérerons à SOS Racisme quand on ajoutera un « s » à « racisme » !
On pouvait par exemple improviser un « x » et un « s » et s’intercaler poliment et malicieusement entre les agitateurs, juste après le « au » et après le « racisme » pour rappeler que les racismes sont aussi divers que les Français.
On en aurait profité pour expliquer le slogan amélioré et ajusté en dénonçant les racismes nouveaux qui s’insinuent entre les pavés des « bonnes intentions » qui mènent en enfer. Le racisme de la discrimination positive qui humilie l’individu, qui lui fait savoir qu’il a plus de chances avec sa couleur qu’avec ses compétences. Le racisme de la ségrégation positive que l’UNEF cautionne en organisant des réunions non mixtes. Le racisme d’Audrey Pulvar, proche d’Anne Hidalgo qui dit aux blancs qu’il y a des lieus où ils feraient mieux de se taire. Le racisme toléré de ces Français qui font des listes de docteurs « racisés » parce qu’ils ne veulent plus être soignés par des médecins blancs, ou qui pratiquent la préférence épidermique en n’achetant plus que dans des boutiques tenues par des commerçants noirs. Le racisme ordinaire du type qui appelle un inconnu « frère » ou « cousin » parce qu’ils ont la même couleur de peau ou la même religion. Le racisme répandu de la racaille qui harcèle les filles et qui les traite de sales putes blanches ou françaises quand elles passent leur chemin parce qu’elles n’ont pas envie de se faire draguer par Néanderthal. Le racisme archaïque qui vient du tiers monde et qui se répand en banlieue, totalement décomplexé, et tellement ignoré par les associatifs de l’agitation et de la délation.
Les journalistes ravis de l’incident de Villepinte
On aurait précisé aux journalistes bien-pensants et mal intentionnés qui sont à présent ravis de tenir et de brandir la preuve que « Zemmour attise la haine » et « fracture la société », que c’est le multiculturalisme qui est un racisme. C’est le modèle du Wasp américain ou du gentleman anglais qui laisse au Mexicain ou au Pakistanais immigré toute liberté de vivre selon ses coutumes et dans sa langue natale parce qu’il est fermement convaincu que quoi qu’il fasse, le Mexicain ou le Pakistanais ne deviendra jamais vraiment Américain ou Anglais.
On aurait démontré que les vrais ennemis du racisme ne sont pas ces communistes du 21ème siècle, ces associations subventionnés, ces officines surarmées d’avocats qui comptent les blancs quand ils plaident, qui harcèlent judiciairement ceux qu’ils échouent à battre politiquement, ces héritiers de Sartre qui nous répètent que si nous ne sommes pas intimidés par leur propagande, nous sommes des chiens.
L’assimilation est une main tendue
On aurait ajouté comme le premier intervenant du meeting, élu de Seine-Saint-Denis, Français de branche aux parents nés ailleurs, que l’assimilation est une main tendue, un cadeau unique au monde, une fraternité réelle et sincère et que la France qui enseignait à ses enfants de toutes les couleurs « nos pères les Gaulois » et qui offrait ses ancêtres en partage avec les nouveaux venus était plus exigeante et plus généreuse, mais moins raciste que celle que défendent Dominique Sopo ou Rokhaya Diallo.
On aurait conclu qu’avec Éric Zemmour, la France qui ne veut pas voir la couleur des gens, qui se fiche de leurs différences et qui se construit avec ce qui leur est commun, la France a-raciste est de retour.
On aurait ainsi donné aux électeurs inscrits que la violence effraie d’autres images que celle désastreuse du coup de poing d’un garçon dans la figure d’une fille, scène pénible qui rapproche n’importe quel Français catholique, bien élevé et cultivé, de Joey Starr.
Incident important dans la salle.
Plusieurs personnes sortent des t-shirts « Non au racisme. »
La Pologne résiste. La Pologne conteste. La Pologne insiste. La Pologne est seule au monde!
La Pologne affirme ses vérités, coûte que coûte, sans trop réfléchir aux conséquences. Elle assume parfaitement être un pays anti-immigration, anti-LGBT et antiavortement. Elle s’oppose au principe de primauté du droit européen sur ses lois nationales. Elle ignore les consignes de Bruxelles pour l’exploitation de Bialowieza, l’une des dernières forêts primaires du continent.
La Pologne ne se reconnait plus dans les Démocrates américains et leur wokisme ambiant
Elle veut aussi écrire sa propre histoire de la Seconde Guerre mondiale, en adoptant en 2018 une loi qui punit ceux qui feraient allusion à une responsabilité quelconque de « la nation ou de l’État polonais » dans les crimes commis par l’Allemagne nazie. Le texte a toutefois été amandé quelques mois plus tard, après que le gouvernement ait essuyé les foudres du gouvernement israélien.
Le prix de la liberté
Cette liberté politique, idéologique ou historique que le pays veut conserver à tout prix lui revient cher. Financièrement tout d’abord : 1 million d’euros par jour pour ne pas avoir obtempéré à la Cour de Justice de l’Union Européenne, 100 000 euros d’astreinte par jour en cas de nouvel abattage de bois de Bialowieza, et 353 millions d’euros pour la construction du mur sur sa frontière avec la Biélorussie, suite à la récente crise des migrants. Une construction que le gouvernement polonais entend financer de sa poche, pour ne surtout pas tomber dans un piège de coopération européenne, qui demanderait en échange d’une aide fincancière des efforts en vue de se conformer avec des principes, avec une foi…
Car la Pologne reste un pays catholique, fidèle aux fondamentaux chrétiens. À l’héritage de son fils chéri devenu Pape, Jean-Paul II. Celui qui il y a 17 ans à peine avait écrit dans son ouvrage Mémoire et Identité à, propos des mariages homosexuels : « Il est légitime et nécessaire de se demander s’il ne s’agit peut-être pas d’une composante d’une nouvelle idéologie du Mal » …
Le monde a bien changé depuis, le nouveau Pape François milite ouvertement pour les causes progressistes ou LGBT. La Pologne va-t-elle rompre avec Vatican, comme elle se coupe de toutes les sources qui menacent son identité ? Même les États-Unis, allié vital et garant de la survie nationale face à l’éternel ennemi russe, ne trouvent plus grâce à ses yeux. Après quatre ans d’osmose parfaite avec Donald Trump, Varsovie a été parmi les dernières à féliciter Joe Biden pour son élection. Avant de trainer les pieds pendant de longs mois pour la nomination du nouvel ambassadeur américain en Pologne, pour finalement accepter un certain Mark Brzezinski, qui, possédant la double nationalité, américaine et polonaise, se retrouve de fait non éligible pour être ambassadeur dans son propre pays ! Pourtant, Mark est le fils de Zbigniew Brzezinski, le plus puissant homme politique américain d’origine polonaise des cinquante dernières années, Conseiller à la Sécurité nationale du président démocrate Jimmy Carter et fervent défenseur de la Pologne face au communisme, sans qui l’union des syndicats Solidarnosc n’aurait jamais vu le jour.
Une nation habituée aux traumatismes
Mais la Pologne ne se reconnait plus dans les Démocrates américains et leur wokisme ambiant. Elle n’a pas d’autres héros pour remplacer ceux de toujours, pas d’autres cultures à promouvoir à la place de la sienne. Pourrait-elle tenir longtemps sans cordon ombilical de l’Amérique ? L’histoire a vu souvent cette terre devenir une monnaie d’échange dans les grands enjeux géopolitiques. Parfois ce jeu a tourné en sa faveur. Comme avec Napoléon qui a recréé en 1807 le duché de Varsovie, une illusion d’autonomie dans le Grand Empire français. Et surtout, en 1918, quand le Maréchal Pilsudski a arraché des vastes territoires à la Russie post–tsariste déboussolée et à l’Allemagne à genoux, défaite dans la Grande Guerre. Mais les mouvements stratégiques des grandes puissances voisines lui ont souvent aussi été fatals ou dévastateurs. En 1939 notamment, quand le pays a été partagé, tel du vulgaire gibier de chasse, entre les deux ogres les plus cinglés de l’histoire, Hitler et Staline.
80 ans plus tard, la Pologne a-t-elle pu tourner la page de ce double traumatisme germano-soviétique ? Nous allons finir par le savoir. En attendant le pays se barricade. Contre les menaces territoriales sur son flanc oriental. Pour protéger son intégrité culturelle sur sa frontière occidentale. Dans un nouveau monde qui écrase sur son passage tous les murs-porteurs d’antan, la Pologne se veut une petite arche espérant être sauvée du déluge.
Jadis, le prof incarnait le savoir, l’ordre et la discipline. Construire un cadre dès l’enfance, et laisser l’individu le déconstruire à sa manière en grandissant et en mûrissant. C’était avant la « bienveillance » généralisée. Aujourd’hui, on commence d’abord par déconstruire. Qu’importe d’avoir des érudits et des personnalités fortes, tant que l’on a de bons éco-citoyens…
Monsieur Blanquer le répète à l’envi et le taux de réussite au baccalauréat le garantit, les circulaires du ministère le ressassent et ses destinataires s’en convainquent : l’École de la République, notre Maison commune, est celle de la Bienveillance. Or ce mot oscille entre deux acceptions : aujourd’hui prête-nom ou cache-misère de la permissivité, il est, étymologiquement et philologiquement, tourné vers l’exigence du bien.
Le Dico en ligne Le Robert, dans la définition qu’il propose au iel internaute, retient comme synonymes de ce terme les mots « complaisance, douceur, indulgence ». S’il rappelle la définition qu’en donne le Furetière (« disposition à vouloir du bien à quelqu’un »), c’est pour prévenir qu’il y a péremption : « il convient de replacer cette définition dans le contexte historique et sociétal dans lequel elle a été rédigée ».
À l’école, on nous somme d’adopter le sens du Robert, celui du vent, d’être de bons petits agents de la Bienveillance. Nous, professeurs, accueillons, chouchoutons, cajolons nos élèves et nous excusons de ne pas le faire suffisamment ; nous les prenons avec leur ressenti et leur vécu et nous les ouvrons à la différence ; nous les orientons, et pas que scolairement. Au conseil d’administration, nous nous félicitons de ce qu’ils puissent nous éclairer et prendre part au vote sur le budget, les pratiques éducatives et pédagogiques de l’établissement. En conseil de discipline, nous comptons sur leurs représentants pour tempérer notre sévérité à l’encontre d’un des leurs, fatalement issu d’un milieu défavorisé et/ou victime de violences psychologiques et affectives. Au CVC (conseil de la vie collégienne) nous interrogeons le climat scolaire : est-il normal que la table de ping-pong soit squattée par les garçons ? Et pourquoi les filles ne jouent-elles pas au foot ? Et « c’est quoi » être une fille au collège ?
J’ai vu un élève trembler à la lecture du mot race dans un extrait du « Voyage autour du monde » de Bougainville
D’ailleurs, les filles se sentent-elles vraiment filles et les garçons ne se sentiraient-ils pas un peu filles, pour peu qu’on les y aide ? Mais laissons la main au médiateur éducatif, qui assurera le bien-être de toutes et tous, et inversement. En conseil de classe, nous félicitons chaleureusement tous nos élèves, sans discrimination : n’ont-ils pas pour la plupart une moyenne excellente (la notation bienveillante, ça aide) ? N’ont-ils pas développé une conscience éco-citoyenne grâce à leurs éco-délégués et incité leurs professeurs à baisser leur quota de photocopies ? La Terre n’est-elle pas notre Maison commune ? En classe, quand nous y sommes (en admettant que nous ne soyons ni en réunion, ni en formation, en sortie, en confinement, en arrêt-maladie), nous sommes à l’écoute de nos élèves : nous employons un langage qu’ils comprennent et nous accueillons leur parole, quelle qu’elle soit; nous donnons peu de devoirs afin de ne pas ajouter du stress à la difficulté d’être jeune ; nous adaptons l’évaluation aux connaissances et aux compétences de chacun ; nous expliquons plutôt que nous ne réprimandons. Les hussards noirs de la république sont morts : vivent les professeurs-nounous de l’école bienveillante !
Pédagogues de laboratoire
Il suffit pourtant de compulser ce bon vieux Félix Gaffiot pour restituer à la bienveillance ses contours étymologiques et constater combien le terme est aujourd’hui galvaudé: « benevolens », qui veut du bien. Et si un professeur bienveillant voulait le bien de ses élèves plutôt que de les conforter dans leur ignorance et dans leur médiocrité ? Et si ce professeur exerçait sa volonté dans un environnement où le laisser-faire prédomine, où l’esprit moutonnier est la règle, où les pratiques pédagogiques confinent à l’absurde ? Dans ma discipline (les lettres) et au collège, le niveau est effarant. Or la méconnaissance des règles syntaxiques et orthographiques, l’absence de repères culturels et littéraires, l’incapacité à mobiliser ses connaissances sont les effets des méthodes délétères prêchées par des pédagogues de laboratoire. On butine, on avance à sauts et à gambades (mais n’est pas Montaigne qui veut) : le rituel de l’apprentissage (lundi : poésie ; mardi : dictée ; jeudi : rédaction…) a été révoqué au profit de séquences fourre-tout et de cours ludiques dans lesquels les élèves perdent le peu qu’ils avaient acquis à l’école élémentaire. On mélange les époques, les registres, les bons et mauvais auteurs (mais y a-t-il des bons et des mauvais auteurs ?), les classiques et les contemporains, la littérature et la littérature de jeunesse (oxymore) ; on saupoudre le tout d’écologie, de repentance, d’antiracisme, d’interrogation sur le genre, de féminisme bête et méchant, d’un endoctrinement et d’une censure parés des atours de la vertu. J’ai vu un élève de 5e trembler à la lecture du mot race dans un extrait du Voyage autour du monde de Bougainville.
N’est-il pas temps de revoir ces pratiques et de refonder la bienveillance sur des programmes cohérents et une plus grande exigence ? « Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres » nous enseignait La Boétie. Il ne tient qu’au professeur de se libérer de cette emprise idéologique et d’exercer sa volonté pour transmettre les connaissances qu’il a lui-même reçues, et forger l’esprit critique de ses élèves. Le gendarme-inspecteur débarque tous les cinq à dix ans : ce n’est jamais qu’un mauvais moment à passer, un voyage en absurdie, et on en est quitte pour quelques remarques vexatoires (la bienveillance revisitée par les inspecteurs). Contrarions les désirs des élèves et rappelons que leur expertise ne vaut pas celle du professeur diplômé et expérimenté. Mettons les parents en face de leurs responsabilités et de leurs contradictions, lesquels veulent un bon niveau et des bonnes notes pour tous (mais surtout pour leur enfant), de l’exigence mais de l’indulgence, du travail à l’école, du smartphone à la maison. Passons un peu plus de temps dans nos classes. Acceptons, enfin, le désaccord (qu’on aimerait courtois) avec certains collègues, les pro(f)s de la bienveillance, mais pas la même.
Le mot « bienveillance » est donc un pharmakon, à la fois poison et remède. À moins qu’on ne rappelle, à la suite de Camus, que « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur du monde » et qu’on ne réhabilite sa belle et antique définition. Et si j’avais encore droit à un vœu, je formulerais celui que les candidats à la présidentielle prennent la mesure de la faillite de l’école et qu’ils veuillent bien y remédier.
Enquête sur cette génération Z qui soutient Zemmour, et rit à se tordre quand ce dernier fait un doigt d’honneur à une militante « antifa » à Marseille.
Avec une vidéo publiée mardi dernier sur sa chaîne YouTube, c’est sur un média particulièrement adapté aux jeunes qu’Eric Zemmour a fait le choix d’annoncer sa candidature à la présidentielle. « Continuer la France » et « transmettre le flambeau aux prochaines générations », c’est ce qu’Éric Zemmour promet à la « Génération Z ». De quoi ravir son bataillon de 5500 jeunes…
La question de l’insécurité ressort assez systématiquement dans les témoignages: « Qui d’autre que Zemmour propose des mesures suffisamment fortes pour protéger enfin les Français? »
C’était l’occasion pour nous d’en contacter certains, afin de tenter de comprendre fondamentalement ce qui, chez le « Z », les poussent à s’en aller fièrement à la riflette politique. Qui sont-ils ? Qu’étudient-ils ? Le voient-ils comme un homme providentiel ? Pourquoi suivent-ils Éric Zemmour plutôt que Marine Le Pen ou un candidat LR ?
Nous avons posé ces questions à cinq membres actifs du mouvement. L’auteur de ces lignes ne s’attendait pas forcément à ce que ce soit « avec grand plaisir » qu’ils acceptent de se prononcer sur les raisons de leur engagement.
« Ma famille vote traditionnellement à droite »
Sur les cinq militants interrogés, quatre d’entre eux étudient le droit. Coïncidence ? Ou est-ce la preuve que les juristes ont une affection particulière pour l’ordre ?
C’est notamment le cas de leur jeune président de 22 ans, Stanislas Rigault, qui me confie faire des études juridiques à l’ICES. Impossible cependant, d’affirmer que le microcosme des études juridiques tend à créer des esprits « radicaux »…
Traditionnellement, leurs familles respectives votent à droite m’apprennent Wandrille de Guerpel, 20 ans, responsable Yvelines de Génération Z et étudiant en deuxième année de droit à la FACO Paris, et Eléonore Lhéritier, 34 ans, quant à elle responsable de la communication de Génération Z et de la mobilisation sur les réseaux sociaux. Rien de bien nouveau : la transmission du capital culturel et ses effets…
Mais il n’est règle sans exception : si l’entourage de Samy Khalef (nom et prénom modifiés à sa demande pour des raisons de sécurité), 22 ans, originaire d’Algérie et étudiant en droit à La Sorbonne, est politiquement « assez divers », cela ne l’empêche pas pour autant d’être militant dans le mouvement. « À l’exemple de la famille de notre candidat, j’aspire à mon tour à réussir mon assimilation à la société française » confie-t-il. « Pour avoir grandi à l’étranger en ayant reçu une éducation francophone et francophile », Samy Khalef révèle être « à l’origine sympathisant de gauche, car vu de l’étranger c’est plus attrayant ». Il m’assure que c’est une fois sur le sol français et libéré du « filtre des grands médias dominants » qu’il a eu une prise de conscience : « les maghrébins qui comme moi aspirent à s’émanciper des archaïsmes d’une culture conservatrice rigide (…) voient justement dans la France de Zemmour, résolument ferme sur la laïcité et l’ordre républicain, une “protection“ contre un islamisme qu’ils ont subi au quotidien ».
« On ne veut plus de ces gens-là ! »
Toujours adhérent chez les Républicains, Wandrille de Guerpel s’est engagé à l’échelle locale en participant aux élections municipales dans sa commune du Chesnay-Rocquencourt (78). Grégoire de F. (nom et prénoms également modifiés), étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas et aujourd’hui militant GZ à Paris, me confie également qu’« avant cet engagement pour Zemmour, [il a] eu quelques responsabilités lors de la primaire de la droite pour le candidat Sarkozy ». Partant, des interrogations s’impatronisent d’elles-mêmes : pourquoi, déjà encartés, en sont-ils venus à tourner le dos à l’offre politique des LR, et ouvrir grands les bras à un outsider ? Pour Wandrille de Guerpel, c’est la « macron-compatibilité » de Pécresse qui l’empêche de lui accorder son vote ; pour Grégoire de F., c’est la logique électoraliste et politicienne, absente chez Zemmour selon lui, qui le différencie des candidats traditionnels. Et Marine le Pen, alors ? Si Samy Khalef reconnait que le Rassemblement national « a été le premier à dénoncer les méfaits d’une immigration de masse en France », Éléonore Lhéritier me répond en reprochant à la candidate RN d’être « dans le politiquement correct, dans la politicaillerie, comme toute la classe politique ». « On ne veut plus de ces gens-là! » ajoute-t-elle. Eric Zemmour le disait lui-même face à Ruquier et Salamé : « la politique ne m’a jamais nourri ».
La question de l’insécurité ressort assez systématiquement dans ces témoignages de jeunes. La responsable de la communication de Génération Z interroge : « Qui d’autre que Zemmour propose des mesures suffisamment fortes pour protéger enfin les Français ? Qui d’autre que Zemmour aura le courage de les appliquer ? » Éric Zemmour le dit avec gravité dans sa déclaration de candidature : il ne s’agit plus de réformer la France, mais de la sauver. Pas étonnant dès lors qu’il entraîne des jeunes dans son sillage. Comme le disait Camus recevant le prix Nobel de littérature en 1957 : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse… ». Eric Zemmour est-il alors pour eux l’homme providentiel, sa déclaration de candidature du 30 novembre rappelant d’ailleurs l’appel du 18 juin ?
«La jeunesse n’a pas d’illusions» (Camus) [1]
Indépendamment de ses idées politiques, le journaliste et écrivain peut-il devenir un homme d’État ? Prenant l’exemple de Robert Ménard, Wandrille de Guerpel défend « le passage de journaliste à politique ». Il ne serait pas le premier à illustrer la porosité de la frontière entre ces deux mondes. Renaud Czarnes est passé du journalisme politique au cabinet du Premier ministre Jean-Marc Ayrault en 2012. Jean-Marc Plantade a, lui aussi, franchi la lisière en abandonnant Le Parisien pour la communication de Christine Lagarde en 2007, alors ministre des Finances. Idem, encore avant, pour Serge Moati. « Impossible n’est pas français », n’est-ce pas ?
Celui pour qui « la France n’a pas dit son dernier mot » enivre tous ces jeunes. C’est indéniable. Il suffisait de voir la foule à Villepinte le 5 décembre, lors de son premier rassemblement, s’égosiller à la fin de chaque phrase prononcée par son candidat. Lorsque je lui ai demandé s’il voyait en Zemmour un homme providentiel, Stanislas Rigault se déclare quand même « mitigé » sur ce point. Sur la même longueur d’onde, Wandrille de Guerpel admet toutefois voir en lui le seul homme capable de remettre la France sur les rails. Louant sa « sincérité », sa « cohérence » et sa « constance », Stanislas Rigault et Samy Khalef laissent entendre que ce sont peut-être ces traits-là qui font la différence dans l’esprit des jeunes.
Ces jeunes zemmouriens sont des « révoltés », qui espèrent la fin d’une inanité politique leur semblant sempiternelle. Haut les cœurs ! et à bas la froussardise et l’autosuffisance de ceux qui se cachent lorsqu’il s’agit de faire autre chose que déconstruire. Si les jeunes n’ont pas d’illusions, ils ont, pour sûr, un idéal : s’en aller avec panache à la Reconquête ! de leur pays…
[1] dans la nouvelle « Le vent à Djemila », Noces.
Aux Pays-Bas, critiquer l’islam peut vous coûter très cher. Là-bas, une vedette de la téléréalité vient d’être mise au ban par ses sponsors pour ce qu’a écrit… sa mère.
Qu’on les conspue comme les intellectuels, ou qu’on les adore comme une bonne partie du peuple, tous les Néerlandais connaissent la famille Meiland, protagoniste de son propre programme de téléréalité qui a débuté en 2019 en France. Les Meiland avaient acquis un manoir aux environs de Limoges, rebaptisé “château Meiland”, qu’ils tentaient d’emménager en chambres d’hôtes pour les nombreux touristes néerlandais de la région.
L’aventure a tourné court et les Meiland sont revenus aux Pays-Bas, où une télévision commerciale continue de ne rien manquer de leurs moindres faits et gestes.
Les parents, stars du programme
Le père, Martien, est l’indéniable star de la série. La soixantaine, il s’est découvert homosexuel il y a une vingtaine d’années, ce qui avait alors causé une rupture avec son épouse Erica. Laquelle, après avoir vaincu son désir de l’empoisonner, s’est finalement réconciliée avec lui. Martien est un homo du genre “folle”, très années 70, agitant ses foulards avec force gestes féminins, s’acheminant d’une crise de nerfs à une autre en picolant ferme. Tout un contraste avec sa très terre-à-terre compagne Erica.
Une de leurs deux filles, Maxime, 26 ans, aux amours compliquées, mère de deux jeunes enfants de pères différents, joue un rôle secondaire dans la série. Sa vie télévisuelle s’est confondue avec sa vie réelle depuis son récent mariage avec le cameraman de la série, père de leur nouveau-né. Le succès de “château Meiland” aidant, Maxime a développé un talent d’influenceuse, notamment sur Instagram où elle compte 575 000 followers.
Un livre de confessions qui fait scandale
C’est surtout elle qui fait actuellement les frais des propos de sa mère qui, dans un livre présenté comme ses mémoires, écrit des choses qui vont à l’encontre du dogme quasi-officiel en faveur de la société multiculturelle dans le pays. Ainsi, Erica s’oppose à l’immigration de pays musulmans et à “ces profiteurs turcs qui envoient tout l’argent gagné chez nous en Turquie”. Elle se dit féministe et par conséquent s’oppose au voile islamique. “Je ne peux vraiment pas concevoir qu’une fille se couvre ainsi de son plein gré, surtout en été quand, sur son vélo, elle veut sentir le vent dans ses cheveux. C’est cela la liberté, d’ailleurs je suis pour l’interdiction de la burqa. J’ai vu des femmes qui en portent, ce n’est pas normal, ces pingouins, qu’elles foutent le camp.”
Du coup, certaines entreprises craignent évidemment plus que tout au monde d’être associées à cette famille “raciste”, dont le père vient de plus de confier qu’il vote pour Geert Wilders. Martien et Erica étant hors d’atteinte grâce à leur immense popularité et se souciant peu du qu’en-dira-t-on, les entreprises ont décidé de s’en prendre à leur plutôt discrète fille Maxime.
Fin novembre, un fabricant de matelas, Emma Matrassen, était le premier à rompre son contrat publicitaire avec elle, invoquant ses principes “d’inclusivité” que Maxime aurait violées, par maman interposée. Le matelassier fut bientôt suivi des cosmétiques Nivéa, du chocolatier Milka, du fabricant de cartes de vœux Hallmark, d’un distributeur de repas, d’un producteur d’albums photo en ligne et d’autres Tartuffes du monde des affaires.
Le matelassier osa proposer que, pour sauver son contrat, Maxime se désolidarise de sa mère. Elle a refusé, mais l’épisode rappelle la révolution culturelle, période terrible où les enfants chinois étaient censés dénoncer leurs parents.
Tempête dans le milieu restreint du show-business néerlandais ? Non, un commentateur du magazine libéral EW y voit “un cas intéressant qui démontre jusqu’où le pouvoir de l’islam a pénétré notre société”. Et de plaider, avec l’auteur du livre d’Erica Meiland, pour un boycot des boycotteurs. Erica et Maxime Meiland se savent soutenues par l’écrivaine turco-néerlandaise Lale Gül (dont nous vous parlions ici) qui a abjuré l’islam et le foulard, et qui, de ce fait, se sait menacée de mort. Un chroniqueur du journal de l’intelligentsia NRC Handelsblad est allé jusqu’à déconseiller vivement la lecture “de ce livre propagateur de haine, plus dangereux que les écrits de Geert Wilders”. À ceux qui trouveraient tout de même ce grand succès de librairie sous le sapin, il suggère maintenant a minima d’en déchirer le chapitre six, où se trouvent les passages qui ont conduit à l’anathème contre Maxime Meiland !
La candidate du Rassemblement national à la présidentielle a de nouveau expliqué à Pascal Praud qu’Eric Zemmour nuisait au « camp national ». L’analyse de Benoît Rayski
La candidate du Rassemblement national à l’élection présidentielle a confié ses tourments chez Pascal Praud sur CNews. « Pourquoi venir affaiblir les chances de victoire du camp national comme le fait Zemmour, alors même que nous n’avons jamais été si proches de gagner ? » a-t-elle déclaré. En termes de suffrages et selon les sondages, elle n’a apparemment pas tort.
Mais là où elle se trompe, c’est que Zemmour ne veut pas de son « nous ». Lui c’est « je » et rien que « je ». Il ne veut absolument pas s’unir à Marine Le Pen. À la rigueur accepterait-il peut-être qu’elle s’unisse à lui. Mais même ça, ce n’est pas sûr. Car, à ses yeux, la patronne du Rassemblement national est une centriste, une modérée, une mollassonne. Elle a effectivement beaucoup œuvré dans ce sens pour s’affranchir de l’image détestable de papa.
📹 Pourquoi venir affaiblir les chances de victoire du camp national, comme le fait Eric Zemmour, alors même que nous n'avons jamais été aussi proches de gagner ? #HDProspic.twitter.com/ZidIjUk5BH
Zemmour, lui, serait plutôt papa, en beaucoup, beaucoup plus jeune. Quiconque a écouté son discours à Villepinte, ne peut qu’en être convaincu. Dans un style inspiré et flamboyant, et avec tous les excès du genre, il a dressé le tableau de la France qu’il aime : c’est selon moi celle de Maurras et de Barrès.
Marine Le Pen semble, ou fait semblant, d’oublier que Zemmour est candidat à la présidence de la République. Ce serait mal le connaître que d’imaginer qu’il puisse accepter un ticket avec la candidate frontiste. Zemmour c’est un homme, un peuple, un camp (le sien). Le nom de son parti, Reconquête, vaut programme. Il est directement copié sur la « Reconquista » des souverains Espagnols qui au XVème siècle chassèrent les musulmans de la péninsule ibérique. Zemmour se voit en guerrier, Marine Le Pen se présente en infirmière.
Comme l’auteur de La France n’a pas dit son dernier mot n’est pas un sot, on ne lui fera pas l’injure de penser qu’il croit en ses chances pour 2022. Son projet est tout autre : détruire Marine Le Pen. Et sur le cadavre de la pauvre Marine, bâtir un grand parti de droite nationale. Et peut-être espère-t-il que ses idées gagnent en 2027.
Paroles de militants de Zemmour recueillies dans les allées de Villepinte dimanche
Villepinte a vu débarquer hier beaucoup d’endimanchés, pas tous habitués au département de la Seine-Saint-Denis. Pas moins de 12 000 citoyens réunis dans un hangar ! « Il y a eu des menaces venues de l’extrême-gauche. Personnellement, je n’ai pas envie de me laisser intimider. J’admire d’abord Éric Zemmour pour son cran », assure Bénédicte, Parisienne et professeur de Lettres classiques à la retraite. Elle a découvert le chroniqueur « en en entendant parler à son club de bridge ». À Lille, en octobre, le candidat virtuel était encore écouté comme chroniqueur politique et écrivain. Changement de ton à Villepinte ce 5 décembre : Éric Zemmour annonçait la création de son parti politique et entendait relancer une candidature que des observateurs disent embourbée à cause de polémiques à répétition.
Des militants aguerris côtoyaient encore de parfaits novices.
Adam-Abdenour et Thomas, tous deux étudiants de 19 ans, s’amusent de la polémique des prénoms. Pour Adam, sa mère qui lui a donné un prénom conforme à ses origines et un prénom du calendrier avait « 20 ans d’avance sur le Z » !Philippe, jeune actif travaillant dans la finance file la métaphore biblique et voit Zemmour en prophète mais pas encore en « roi ». Valérie à côté de lui est une « vieille militante » de la droite nationale et se dit aujourd’hui surprise par l’ampleur du mouvement…
Pas un homme politique comme les autres
« C’est la première fois que je viens dans une réunion publique. Je ne serais jamais allé écouter un homme politique. Eric Zemmour, c’est autre chose », explique Lucien, un cadre commercial venu tout spécialement d’Amiens. D’ailleurs, il « n’exclu[t] pas de s’engager dans son nouveau parti ».Un groupe de quatre retraités m’attend à la buvette. Ils se présentent comme « militants de tous les partis de droite et de toutes les causes depuis les années 1970 », leur engagement est motivé par « haine du communisme ». Ce motif d’indignation peut sembler désuet, mais François, 61 ans, assure que le « wokisme n’est qu’un produit dérivé du trotskysme qui utilise les identités pour créer des clivages et détruire la communauté nationale. C’est une vieille technique de subversion ! » S’ils se disent revenus de tous les combats perdus de la cause nationale, l’ampleur du mouvement surprend ces vieux briscards. « Nous étions quelques centaines dans les années 70, je me rappelle avoir milité pour Jean-Marie Le Pen en 1974 pour faire moins de 1%, mais là, c’est différent, on voit la jeunesse, beaucoup de gens ordinaires, pas uniquement des militants », témoigne l’un d’entre eux. « La propagande se heurte toujours au réel. C’est l’effet Pravda : il y a un moment où le discours officiel et l’idéologie ne suffisent plus et où la société décroche. Il se passe aujourd’hui ce qui s’est passé en URSS » abonde un autre. Une autre aguerrie, Valérie, qui assure être amie de Jean-Marie Le Pen et vieille militant du Front national en convient : ce n’est pas la même ambiance ici que dans son ancien parti. « On a l’impression de retrouver la France d’il y a trente ans, avec des jeunes bien élevés et BCBG, alors qu’on voyait surtout au Front des anciens militaires et des vieux. »
Les jeunes, en effet, on les trouve sans soucis dans les allées de Villepinte. Adam-Abdenour a 19 ans et est étudiant : « Cette histoire de prénoms m’a beaucoup fait rire, car ma mère a fait ce que Zemmour a fait il y a 20 ans en me donnant un prénom correspondant à mes origines et un autre plutôt d’ici. Je suis heureux d’avoir un prénom double, même si je n’en ai pas toujours compris l’intérêt, étant enfant. » Dans son discours, Éric Zemmour sera très applaudi lorsqu’il « tend la main aux musulmans qui veulent devenir nos frères », à qui il propose « l’assimilation », ce chemin « exigeant » que « les Maliens, les Marocains, les Turcs et les Algériens » sont invités à prendre à la suite « des Italiens, des Espagnols et des Polonais ».
Entre admiration et choix idéologique assumé
À l’entrée du Parc des Expositions, des militants d’Action Française vendent leur journal. Leur chef Francis Venciton s’amuse : « Zemmour cite souvent Jacques Bainville [historien de l’Action Française et référence principale d’Eric Zemmour NLDR], alors autant aller directement aux sources ! » Il juge Zemmour « utile » mais n’attend pas nécessairement l’homme providentiel. « Comme le dit la Bible, il y a des prêtres, des prophètes et des rois. Zemmour pour l’instant est prophète, on attend qu’il puisse être roi » explique Philippe, 24 ans, qui travaille dans le secteur financier. « Je ne sais pas si c’est vraiment l’homme providentiel, on peine encore à le voir en homme d’État », explique-t-il pour signifier que son adhésion est pour le moment avant tout intellectuelle.
Francis Venciton et Robin de la section d’Arras vendent les publications de l’Action Française alors qu’Eric Zemmour cite sans cesse Jacques Bainville qui fut une figure du mouvement.
Alors, pour convaincre ces récalcitrants, depuis la tribune, l’essayiste et ancien député européen Paul-Marie Coûteaux lance : « Zemmour ne sera jamais un homme politique. Il sera un homme d’État ». La salle applaudit. Certaines références sont pourtant érudites – presque exotiques dans un meeting politique – notamment quand il invoque Ernst Kantorowicz et son essai sur la théologie politique médiévale. « Zemmour doit incarner le corps immémorial et immortel de la France. Il doit n’être rien d’autre que ce que la France attend depuis un demi-siècle. Il n’est pas assez d’être Président de la République, il doit être roi de France ! » Couteaux est le chauffeur de salle numéro 1 à l’applaudimètre avec Jean-Frédéric Poisson. Son discours est enlevé, mais la salle s’impatiente et bout d’entendre parler son candidat.
Mue d’orateur
Son arrivée est ponctuée d’incidents – on apprendra plus tard que le candidat a été agressé dans les allées – mais la salle est surchauffée. Le candidat est attendu au tournant quant à ses capacités d’orateur… Les lunettes de vue étonnent, mais le candidat se décrispe progressivement et les militants applaudissent à tout rompre certains de ses propos. Le rythme du discours est systématiquement ternaire – une allusion claire aux discours du Général de Gaulle. Alors qu’on le somme depuis plusieurs semaines de détailler un programme, Zemmour préfère énoncer des objectifs – toujours énoncés au futur, avec des verbes de résolution.
Ses analyses sont ponctuées de propositions souvent destinées à satisfaire un public de droite précis, comme lorsqu’il évoque la transmission du patrimoine, les droits de succession ou l’allégement de la fiscalité. Mais il fait aussi la promesse d’un 13e mois pour les smicards. Zemmour parle aux ouvriers meurtris par la désindustrialisation qui ne l’ont pas encore rallié aussi bien qu’aux héritiers et aux chefs d’entreprise. « L’école libre doit rester libre », « suppression des droits de succession » : il connait son public et ménage sa droite. Ces dernières propositions sont d’ailleurs très applaudies.
Plus politique, il fait acclamer son « ami Éric Ciotti » et huer Valérie Pécresse « héritière de Jacques Chirac ». À l’entrée, Antoine Diers, le moustachu médiatique de l’équipe de campagne de Zemmour, ne manquait pas de me rappeler qu’il est toujours à jour de cotisation chez LR, et qu’il a voté pour le député des Alpes Maritimes aux deux tours. Mais il tacle aussi son parti : « On s’apprête à faire la plus grande réunion publique de cette campagne, alors que les LR annulent leur rassemblement pour prétexte sanitaire… Sans doute par peur du ridicule, oui ! »
Eric Zemmour parle déjà en chef de parti : les électeurs du FN doivent le rejoindre pour sortir d’un vote stérile et les électeurs de LR conjurer les trahisons de leurs chefs. À mi-discours, la citation de Bernanos est très appréciée du public et à la sortie, les mots de l’orateur sont repris dans la plupart des discussions. Dans une ambiance survoltée – malgré quelques incidents et mouvements de foule, et même si son équipe ne s’est pas totalement départie des soupçons d’amateurisme – nous avons incontestablement assisté dimanche à la naissance d’une nouvelle force centrale de la politique française. D’ailleurs le Stand Reconquête !, le nouveau parti d’Éric Zemmour, fait le plein d’adhésions quand nous quittons les lieux.
Le philosophe a été parmi les premiers à pointer les dangers du voile pour la société française. Après l’affaire des jeunes filles voilées de Creil en 1989, il dénonçait avec d’autres, dans Le Nouvel Observateur le « Munich de l’école républicaine ». Il a fallu quinze ans pour aboutir à la loi proscrivant les signes religieux ostentatoires à l’école. Lâcheté politique et complicité idéologique ont ouvert un boulevard à l’islamisme.
Elisabeth Lévy. Dans Le Nouvel Observateur (ça ne s’appelait pas L’Obs) du 2 Novembre 1989, vous avez publié avec Élisabeth Badinter, Régis Debray, Élisabeth de Fontenay et Catherine Kintzler un appel intitulé « Profs, ne capitulons pas ! » Vous rappelez-vous comment est née cette initiative ?
Alain Finkielkraut. N’ayant jamais tenu de journal, je ne suis sûr de rien. Mais je crois me souvenir que l’initiative de cet appel revient à Élisabeth Badinter. Les féministes de l’époque étaient très hostiles au voile : ce qu’elles lui reprochaient d’abord, c’était non sa pudibonderie, mais son obscénité. Les femmes en terre d’islam étaient astreintes à couvrir leurs cheveux pour ne pas éveiller la concupiscence des hommes. Il leur fallait, comme l’écrit Fethi Benslama, occulter les signes maléfiques de séduction dont leurs corps étaient porteurs. Bref, ce que le voile ou le foulard islamique, comme on disait à l’époque, avait de révoltant, c’était de réduire les femmes et les jeunes filles à l’état d’objet sexuel. Autant que le défi à la laïcité, cette réduction était jugée insupportable.
Alors que Lionel Jospin, encouragé par David Kessler, décidait de laisser les chefs d’établissement se débrouiller avec le voile, vous parliez du « Munich de l’école républicaine ». Pourtant, il était difficile de savoir, à l’époque, que l’islamisme serait le fascisme du xxie siècle. En aviez-vous l’intuition ?
Nous n’étions pas extralucides. Nous regardions autour de nous l’ayatollah Khomeiny régner sur l’Iran depuis dix ans déjà et sa révolution contraignait toutes les femmes iraniennes à porter le tchador. Quelques mois avant notre appel, une fatwa avait été lancée contre Salman Rushdie coupable de « blasphème ». Devant ce grand retour du fondamentalisme islamique, les responsables politiques rivalisaient de couardise. Jacques Chirac, par exemple, mettait sur le même plan l’auteur des Versets sataniques et ceux qui voulaient sa mort. Il était temps de réagir ! Et de rappeler au ministre qui affirmait, la main sur le cœur, « il est exclu d’exclure », qu’« une exclusion n’est discriminatoire que lorsqu’elle vise celui ou celle qui a respecté les règles en vigueur dans un établissement. Lorsqu’elle touche l’élève qui a enfreint ces règles, elle est disciplinaire. La confusion actuelle entre discipline et discrimination ruine la discipline. Et s’il n’y a plus de discipline possible, comment enseigner les disciplines ? »
Quelles ont été, à l’époque, où les réseaux sociaux n’existaient pas, les réactions ? Était-il déjà question d’islamophobie ? Le voile a-t-il tracé une ligne de fracture au sein de la gauche ?
C’est très simple. Nous avions tout le monde contre nous. L’archevêque de Paris s’était mis en colère : « Ne faisons pas la guerre aux adolescentes beurs. Halte au feu ! » Le grand rabbin de France a vu, dans cette demande d’interdiction, une atteinte au libre exercice du culte. La porte-parole des protestants de France a exprimé son inquiétude en ces termes : « Notre France assoupie s’éveille pour repartir en guerre contre une religion. Vieille histoire qui devrait rappeler quelque chose aux parpaillots. » Et les clergés ont été rejoints par les « assos ». Le MRAP a fielleusement fait remarquer que d’autres communautés manifestaient leur appartenance religieuse « sans faire l’objet de sanctions », tandis que SOS Racisme, fidèle à son slogan, proclamait : « Aucune sanction ne peut être infligée à des élèves en vertu de leur foi. » Bref, malgré le soutien de Jean Daniel, nous étions très isolés à gauche. Tous les gens « sympas » dénonçaient nos velléités répressives et pensaient avec Edwy Plenel que « le laïcisme intolérant était l’expression d’un déni social : d’un rejet des dominés et des opprimés tels qu’ils sont ». Le mot islamo-gauchisme n’avait pas encore été inventé, mais la chose existait bel et bien.
On ne va plus chercher dans les œuvres ce qu’il en est de nous-mêmes et du monde, on les convoque devant le tribunal des identités
Il a fallu quinze ans pour que soit votée la loi proscrivant les signes religieux ostentatoires à l’école. Mais entre-temps les voiles avaient fleuri dans tous les quartiers où résidaient beaucoup de musulmans. Notre situation serait-elle très différente si Lionel Jospin vous avait écoutés ?
Saisi par Lionel Jospin, le Conseil d’État a estimé que la neutralité dans le service public ne s’imposait pas aux élèves. L’exclusion des jeunes filles a donc été annulée. Autorisation du voile, interdiction du prosélytisme. Avec ce principe bancal, les cas litigieux se sont multipliés. En 2003, Jacques Chirac a donc chargé Bernard Stasi de présider une commission de réflexion sur le principe de laïcité en France. La majorité de ses membres étaient, au départ, favorables à la négociation au cas par cas. Ce qui les a fait changer d’avis, c’est le désarroi manifesté par beaucoup de proviseurs devant la montée du communautarisme en France. Pour enrayer cette fragmentation, il aurait fallu d’entrée de jeu fixer des règles très claires. Affirmer que la France est un pays de mixité, et que l’enceinte scolaire est un espace séparé qui obéit à ses propres normes. « L’École est un lieu admirable. J’aime que les bruits extérieurs n’y entrent point. J’aime ces murs nus », écrivait Alain dans ses Propos sur l’Éducation. Je ne connais pas de plus belle définition de la laïcité. Elle est oubliée et la France se morcelle.
Malgré la loi, l’école est devenue une ligne de front de la guerre que mènent les islamistes contre nous. Diriez-vous que les profs ont capitulé (dans un sondage, plus de la moitié d’entre eux estimait qu’il ne fallait pas montrer les caricatures de Mahomet aux élèves) ?
L’École de la République s’est peu à peu effondrée à coups de notes bienveillantes et de réformes pédagogiques. La gentillesse a eu raison de l’excellence et de l’exigence. Beaucoup de jeunes enseignants sont les produits de cette École éradicatrice du savoir. Ils disposent en outre d’un site d’informations en ligne [1] dédié à la pédagogie antidiscrimination qui les invite à s’auto-diagnostiquer : « Est-ce que je contribue à véhiculer ou est-ce que je combats les stéréotypes concernant les familles populaires sur le fait qu’elles sont “démissionnaires” ou sur le fait qu’elles ne s’occupent pas de la scolarité de leurs enfants ? Est-ce que j’ai conscience que l’évaluation chiffrée produit un stress lié à des menaces de stéréotype et n’est pas favorable aux milieux populaires ? » L’enfer islamo-gauchiste est pavé des meilleures intentions égalitaires.
« Il faut, écriviez-vous, que les élèves aient le plaisir d’oublier leur communauté d’origine et de penser à autre chose que ce qu’ils sont. » Mais aujourd’hui, c’est le ministre de l’Éducation qui demande qu’on écoute les élèves transgenres. Au-delà même de l’identité religieuse et culturelle, ne sommes-nous pas dans un monde où les identités minoritaires ont tous les droits ? Est-il possible de s’y opposer ?
Nous sommes surtout dans un monde qui se croit éveillé à toutes les discriminations et à toutes les injustices. L’ouverture dont les woke se prévalent les ferme définitivement à la transmission. Leurs studies ne sont pas des recherches mais des réquisitoires contre une culture pleine de stéréotypes et de préjugés. On ne va plus chercher dans les œuvres ce qu’il en est de nous-mêmes et du monde, on les convoque devant le tribunal des identités. C’est un renversement fatal.
Affaire des « foulards de Creil », octobre 1989. SIPA.
Aujourd’hui, dans les quartiers islamisés le voile est majoritaire. Ses défenseurs (ou ceux qui s’opposent à toute restriction) assurent que c’est un signe purement religieux qui relève de la liberté de conscience (ou un simple morceau de tissu). Pour beaucoup de Français, il est un symbole politique. Pour vous, de quoi le voile est-il le nom, que nous dit-il ? Et comment distinguer le voile religieux du voile politique ?
Qu’il soit politique, religieux ou les deux ensemble, le voile est l’emblème de la sécession. La femme qui le porte affirme son appartenance à l’islam. Jamais elle ne se mariera avec un non-musulman. La France n’est rien d’autre pour elle qu’une addition de droits.
Que dites-vous aux femmes juives orthodoxes ?
Il n’y en a pas à l’école. Les juifs de manière générale sont, il est vrai, un peuple endogame parce que religieux ou non, ils ne veulent pas que le peuple juif s’éteigne. Il n’en reste pas moins que les juifs ont très majoritairement joué la carte de l’assimilation, que le mariage mixte existe, et qu’ils n’ont nullement l’intention de revenir en arrière.
Que répondre aux femmes (et à la presse anglo-saxonne) qui brandissent nos libertés pour défendre le port du voile ?
Les adversaires de la laïcité à la française n’invoquent plus la loi de Dieu, mais la liberté de conscience. Ils se veulent aussi laïques, même plus laïques que ceux qu’ils combattent. À leurs yeux, notre interdiction des signes religieux à l’École n’est pas sacrilège, elle est liberticide. Dont acte. Notre modèle n’est pas universel. Eh bien, assumons-en la particularité et puisque multiculturalisme il y a, défendons sans vaciller la culture française.
Au-delà de l’école, êtes-vous favorable à son interdiction ?
Non ! Le voile est une insulte faite aux femmes, mais l’interdire dans l’espace public transformerait cet instrument de servitude en étendard de la rébellion.
Malgré tout, la France résiste, y compris la France officielle puisque le gouvernement a protesté contre la campagne du Conseil de l’Europe et obtenu son retrait. Faut-il en conclure que, si vous avez perdu une bataille il y a trente ans, nous n’avons pas encore perdu la guerre ?
Comme l’écrit le sociologue allemand Ulrich Beck, l’Union européenne telle que nous la connaissons a vu le jour pour sortir l’Europe de l’ornière de son histoire guerrière. Elle a été portée sur les fonts baptismaux comme antithèse à l’Europe nationaliste. Elle a voulu rompre avec son passé sanglant en se vidant de tout contenu substantiel. C’est une Europe des valeurs et des normes qui a fait, contre le particulier le choix de l’universel, au lieu de chercher à articuler l’un sur l’autre. Selon la très juste expression de Pierre Manent, « cette Europe démocratique n’est et ne veut être que la pure universalité humaine. Elle ne saurait donc être quelque chose de distinct, elle doit être un rien, une absence ouverte à toute absence de l’autre. » Être soi-même un rien pour que l’autre, n’importe quel autre, puisse être tout ce qu’il est. C’est ce nihilisme qui a inspiré la campagne d’affiches du Conseil de l’Europe : « La diversité c’est la beauté, la liberté est dans le hijab ». Le gouvernement français et le gouvernement allemand ont réagi. Est-ce le signe d’un réveil ou d’un sursaut ? L’Europe post-hitlérienne s’acceptera-t-elle enfin comme civilisation ? Le devoir de mémoire cessera-t-il de se confondre avec l’oubli de tout ce qui n’est pas un crime ? Je l’espère, mais le chemin est encore long.
[1] Conçu par l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation de l’académie de Créteil et l’université Paris-Est Créteil. Il est financé par l’argent public via l’Agence nationale de la recherche
"Burning", film de LEE Chang-dong (2018). Diaphana.
En passe de s’implanter durablement sur le marché mondial du film, le cinéma sud-coréen s’apprête à devenir un véritable concurrent d’Hollywood. Soutenu par les pouvoirs publics, le septième art du Pays du matin calme rêve d’un avenir flamboyant. Entre soft power et potentiel économique de choix, le cinéma sera, sans aucun doute, un moyen de la puissance coréenne. C’est déjà le cinquième producteur mondial. Causeur part à l’assaut d’Hallyuwood, la vague coréenne…
L’année 2022 sera-t-elle une nouvelle fois synonyme de consécration pour le surdoué Bong Joon-ho, enfant chéri du cinéma sud-coréen ? Le réalisateur du multi-primé Parasite a en effet annoncé lors de la dernière édition du Festival International du Film de Tokyo qu’il bossait simultanément sur un long-métrage anglophone, dont le tournage devrait débuter début 2022 à Los Angeles, ainsi que sur son premier film d’animation inspiré de la lecture d’un livre d’images consacré aux créatures marines : « Ces créatures vivent 24 heures sur 24 sans que la lumière du soleil ne les atteigne. Bien qu’elles vivent sur la même planète que nous, nous n’entrons normalement pas en contact avec elles. Mais dans mon film, à la suite d’un certain incident, elles font la connaissance des humains, et c’est là que l’histoire démarre. » Alléchant… Sans compter la prochaine adaptation de Parasite en série pour la chaîne américaine HBO, reconnaissance suprême pour l’enfant de Daegu au pays des Moguls du 7ème art.
Petit retour en arrière, ante-Covid. Comme pour célébrer dignement le centenaire de la naissance du cinéma sud-coréen (The Righteous Revenge, un kino-drama au titre fort explicite passe pour être le premier film du pays réalisé en 1919), 2019 restera à jamais dans les annales du cinéma mondial comme l’année Parasite : Palme d’or au Festival de Cannes, quatre Oscars hollywoodiens dont meilleur film, meilleur réalisateur, César du Meilleur Film étranger…
Le succès viral interplanétaire et inattendu du film-gigogne de Bong Joon-ho semble alors consacrer une certaine « exception culturelle » sud-coréenne incarnée sans complexe par une « Nouvelle vague » talentueuse et désinvolte, bras armé d’un véritable « soft power » national qui tiendrait la dragée haute aux blockbusters américains à prétention hégémonique ainsi qu’aux productions envahissantes de l’encombrant voisin chinois. Après Hollywood et Bollywood pour l’Inde, on parle désormais d’ « Hallyuwood » (Hallyu signifiant vague coréenne) pour désigner le phénomène culturel (musique pop, séries TV) et cinématographique sud-coréen.
Quels sont les ressorts de ce petit miracle artistique et créatif mêlant à plaisir les différents genres cinématographiques et que nous révèle-t-il sur l’état réel de la société sud-coréenne et par ricochet ses connexions avec les mondes occidentaux ?
Ils se nomment Bong Joon-ho (Memories of Murder ; The Host ; Mother ; Snowpiercer ; Okja ; Parasite), Lee Chang-dong (Poetry ; Burning), Na Hong-jin (The Chaser ; The Murderer ;The Strangers), Park Chan-wook (Old boy ; Lady Vengeance ; Stoker ; Mademoiselle), Kim Jee-woon (Deux sœurs ; Le Bon, la Brute et le Cinglé ; J’ai rencontré le Diable ; Le Dernier Rempart) , Yeon Sang-ho (Dernier train pour Busan ; Peninsula) ou encore Kim Seong-hun (Hard Day,Tunnel) et sont devenus ces dernières années les coqueluches des différents festivals internationaux, récompensés pour leur audace graphique et scénaristique ainsi que leur faculté à inventer de nouveaux langages cinématographiques en digérant les grands classiques du cinéma mondial et en mixant intelligemment les genres : thriller, policier, film noir, drame social, comédie, fantastique, épouvante, érotisme… au point de se voir confier les rênes de plus importantes productions internationales (Snowpiercer ; Le Dernier Rempart) ou voir leur film d’origine connaître des remakes américains plus ou moins ratés au contenu forcément édulcoré (Old Boy de Spike Lee, Deux sœurs/ Les intrus de Charles et Thomas Guard…en attendant l’inévitable remake de Parasite, en série cette fois sur HBO).
« Memories of Murder », 2003
Le cinéma comme « soft power »
C’est peu dire que le pays du Matin calme (littéralement « Matin frais »), expression impropre que l’on prête aux missionnaires européens du XIXe siècle en référence à la longue période de prospérité de la dynastie Joseon (1392-1910), a connu un XXe siècle tragique et mouvementé : occupation japonaise de 1903 à 1945 et son cortège d’exactions et de violences, effets collatéraux de la Deuxième Guerre Mondiale immédiatement suivie par la fratricide guerre de Corée (1950-1953) et une traumatisante partition du pays, dictature militaire et répressive des années 60 et 70, modernisation du pays (futur « Dragon ») à marche forcée avec ses cohortes de laissés-pour-compte du miracle économique, crise financière asiatique de 1997, corruption et scandales politiques des années 2000… autant de marqueurs forts dans l’inconscient culturel et artistique d’une nation parfois vacillante, contrainte de se livrer à un lourd travail introspectif depuis plusieurs années.
Parce que la culture a très tôt été perçue comme un efficace instrument de « soft power » par les différents régimes successifs de Séoul, que ce soit durant la longue période autoritaire et nationaliste ou depuis le rétablissement de la démocratie à la fin des années 80, la production cinématographique domestique a bénéficié de puissantes lois protectionnistes destinées notamment à la protéger contre l’ogre américain.
Ajoutons à cela que depuis la décennie 90, les artistes jouissent d’une certaine liberté d’expression créatrice, fort appréciable dans un pays asiatique aux rapports complexes avec le respect des libertés individuelles, tel que l’on peut l’entendre en Occident.
On se plait souvent à rappeler la fameuse phrase de l’ancien Président Kim Dae-jung (1998-2003) : « Offrez un soutien financier aux artistes, mais surtout n’intervenez jamais dans leur travail. Dès que le gouvernement interfère, les industries créatives se brisent. »
Et de soutien, il en est largement question dans un pays à la fibre nationale (nationaliste ?) prononcée. L’industrie cinématographique est ainsi fortement aidée depuis les années 90 par les chaebols, ces grands conglomérats sud-coréens (Daewoo, Hyundai, Samsung, CJ Group, Orion, Lotte) ainsi que par les fonds d’investissement et les sociétés de capital-risque, ce qui contribue aujourd’hui à faire du pays le cinquième producteur mondial de films.
Sans oublier le rôle proactif joué par le KOFIC (Korean Film Council), lancé en 1999 par le gouvernement et largement inspiré du système français (où l’on parle également beaucoup de la fameuse « exception culturelle ») afin de soutenir et promouvoir son cinéma sur le marché national et à l’étranger : bourses, subventions, soutien des activités de R&D, appui aux productions indépendantes et aux salles d’art et d’essai.
«Pas de culture, pas de pays », tel était le slogan marketing promu en 1995 par le géant de l’agroalimentaire CJ Group, lié à Samsung. L’ensemble du système d’acteurs locaux a bien intégré et retenu la leçon…
Une « Nouvelle vague » douée et inventive
Dans le sillage des illustres précurseurs qui ont ouvert la voie (et porté la voix) (Kim Ki-Young, Im Kwon-taek), la Corée du Sud peut se targuer d’avoir enfanté ces deux dernières décennies de nombreux talents dont les films, perspicaces, frais, originaux, authentiques et -plutôt- radicaux sont généralement mondialement salués par la critique et le public.
Ces cinéastes francs-tireurs, éclectiques et brillants, portent un regard à la fois poétique et sans concession sur l’état de leur société et au-delà du monde, tout en ayant assimilé les grands classiques du 7ème art.
Leur terrain de jeu de prédilection consiste à dynamiter les genres et accoucher de nouveaux langages cinématographiques tantôt syncrétiques, tantôt disruptifs, toujours surprenants, a fortiori pour le spectateur ouest-européen qui n’est pas forcément habitué à ce maelström d’images et d’arcs narratifs.
Ce mélange des styles et des ambiances rendant merveilleusement compte du brouillage et de la porosité des frontières entre les notions de Bien et Mal, réalité/illusion, lumières/ ténèbres, civilisation/barbarie, « mainstream »/marges n’est pas sans rappeler le moment-charnière d’ébullition représenté par le Nouvel Hollywood outre-Atlantique du début des années 70.
Deux exemples évocateurs parmi tant d’autres avant de s’attarder plus longuement sur le magnum opus de Bong Joon-ho.
The Strangers est le chef d’œuvre inclassable et d’une durée hallucinante pour un film de genre (2h36 !) réalisé par Na Hong-jin (2016), déjà remarqué pour ses déconcertants et très nerveux TheChaser et The Murderer. Son film, qui présente une certaine filiation avec le Memories of Murder de Bong-Joon-ho, propose des changements de ton délicieux mais déroutants, baladant sournoisement le spectateur hagard, entre thriller psychologique, conte macabre, film « ruraliste », drame familial, film de possession et de zombies et bien entendu féroce satire sociale.
Il réussit à digérer sans jamais plagier ni moquer quantité de films-étalons du genre (La Nuit des Morts-vivants de George Romero, L’Enfer des zombies de Lucio Fulci, L’Exorciste et Killer Joe de William Friedkin, Jeeper Creepers de Victor Salva, Cabin Fever de Eli Roth, Ring de Hideo Nakata et bien d’autres), tout en créant une œuvre personnelle, singulière et unique.
Mais qui sont alors ces « étrangers » contenus dans le titre du film ? Un mystérieux ermite japonais cristallisant la haine de tout un village, un chaman au look seventies dont les transes semblent engendrer la fabrication d’un remède pire que le mal qu’il est censé combattre ? Un jeune diacre catholique hésitant et faible ? Une jeune femme spectrale drapée de blanc immaculé mystérieuse et insaisissable ? Féroce critique de l’effritement des institutions et des valeurs de la société sud-coréenne (abaissement du statut du père, du flic, propagation des superstitions villageoises et animistes, succès mercantile de breuvages censés être miraculeux…), le film se veut une extraordinaire invitation à un voyage pluvieux, poisseux, boueux, purulent et méphistophélique qui finit par mettre le spectateur K.O. dont l’unique salut consistera à des visionnages répétés afin d’en saisir toutes les complexités et nuances.
Na Hong-jin réussit le tour de force dans son dernier acte de faire basculer son film dans une dimension métaphysique en abordant frontalement et sans complexe les grands thèmes nord-américains chers à Friedkin et Carpenter sur la propagation inexorable du Mal et sa radicalité intrinsèque absolue, ex-nihilo, en dehors de toute tentative d’explication scientifique et rationnelle. À revoir d’urgence aujourd’hui.
Autre film magistral, en apparence plus apaisé et éthéré qui aurait sans doute mérité la Palme d’Or à Cannes en 2018 (à la place d’Une affaire de famille du Japonais Kore-eda au traitement plus classique et convenu…) l’incendiaire Burning de Lee Chang-dong.
Burning de Lee Chang-dong (2018)
Un temps ministre de la Culture et farouche militant anti-dictature durant ses jeunes années d’étudiant, Lee Chang-dong, déjà réalisateur du magnifique Poetry, livre un thriller psychologique troublant et hermétique, posant patiemment les pièces d’un énigmatique puzzle sur un trio amoureux de jeunes adultes, aux personnalités très différentes, condamnés à une fin (forcément ?) tragique. Haemi (Jeon Jong-seo) est cette fille un brin aguicheuse, anciennement complexée par son physique et désormais esthétiquement refaite, passionnée par le mime et les jeux d’illusion (étrange affection pour son maudit chat qui n’apparaîtra finalement jamais…) ; Jongsu (You Ah-in), le grand garçon timide et sensible, fils d’un agriculteur sénile et violent envers les autorités, livreur à mi-temps et aspirant écrivain ; enfin Ben (épatant Steven Yeun), le séduisant et magnétique Gatsby local dont l’arrogance et les signes extérieurs de richesse suscitent fascination et malaise…
Quelque part entre Claude Chabrol, François Truffaut, Louis Malle, Alfred Hitchcock, David Lynch et bien-sûr William Faulkner puisque le film est indirectement inspiré de sa nouvelle Barn Burning (L’incendiaire, 1939), Lee Chang-dong évoque les mystères du désir, les affres de la sortie de l’innocence juvénile pour l’entrée dans le ténébreux monde adulte tout en se livrant à une critique sociale et politique des plus acerbes : règne des apparences et des illusions, jeunesse déboussolée et velléitaire, frénésie d’une société d’hyperconsommation engendrant frustrations et exclusions, notamment dans une Corée des marges, périphérique et rurale, violence dans les rapports de classes, extrême sévérité des juridictions locales, paranoïa vis-à-vis de l’invisible voisin nord-coréen, alertes sur un environnement naturel massacré… Autant de thèmes corrosifs politiquement forts que l’on va retrouver dans l’opus désormais culte du multi-récompensé « King » Bong Joon-ho.
Jong-seo JUN dans « Burning », film de LEE Chang-dong (2018). Diaphana.
Fractures et panne de l’ascenseur social
« Il y a dans ce pays une fracture sociale » annonçait prophétiquement feu le candidat Chirac au cours de la mémorable campagne présidentielle de 1995. Le même constat est dressé avec froideur et fatalité mais aussi ironie et touches burlesques par le réalisateur de Parasite qui rappelons-le, a réalisé un cursus en sociologie à l’Université Yonsei de Séoul avant de se lancer dans le cinéma. Qui plus est, il est également le petit-fils du célèbre écrivain Park Tae-won, promoteur dans ses œuvres d’idéaux progressistes et communistes avant de passer carrément au Nord et de devenir professeur à Pyongyang après la partition du pays de 1950. Un héritage familial qui compte dans une carrière d’artiste et d’intellectuel.
Dans son film, deux familles archétypales, les richissimes mais engoncés Park et les sous-prolétaires mais rusés Kim apparaissent ainsi comme deux camps, deux blocs irréconciliables, vivant -c’est le cas de le dire- dans deux mondes très différents, condamnés à se « parasiter » mutuellement jusqu’à l’annihilation… S’il n’y avait cette mince lueur d’espoir final qui fait définitivement basculer le long-métrage dans une dimension de conte poétique et fantastique.
L’ensemble du métrage qui se veut puissamment métaphorique (ce mot est opportunément prononcé à plusieurs reprises par les protagonistes) est avant tout basé sur une série de contrastes (en termes de couleurs, odeurs [probablement jamais un film n’aura été aussi olfactif !], espaces, architectures, postures, vocables…). De nettes oppositions caractérisées qui ont l’apparence d’une fausse simplicité confinant à la caricature sociale.
Tout n’est que masques, impostures, faux-semblants et finalement affaires de perception(s). Impossible pour les spectateurs français que nous sommes de ne pas penser au cinéma d’Henri-Georges Clouzot et surtout de Claude Chabrol, notamment aux films Que la bête meure et La Cérémonie (influences directement revendiquées par Bong Joon-ho). D’aucuns citeront également le film séminal La Servante du pionnier et mentor sud-coréen Kim Ki-Young qui a inspiré toute cette nouvelle vague sud-coréenne, Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola, L’Argent de la vieille de Luigi Comencini ou encore The Servant de Joseph Losey.
C’est cette radicalité dans la division des classes et dans l’exacerbation des rapports dominants-dominés qui a pu choquer en Corée certains spectateurs et surtout les autorités publiques à la sortie du film et même après le sacre cannois. Il convient de se souvenir aujourd’hui que le retour du réalisateur prodige dans son pays au printemps 2019 n’a pas forcément déchaîné l’enthousiasme parmi les autorités locales et les représentants du gouvernement qui ont cru trop bien saisir le message social de son brûlot !
Ce qui peut également déconcerter et brouiller toute lisibilité du message, c’est l’absence de solidarité entre les « pauvres/ opprimés » puisqu’on les voit se battre entre eux de manière véhémente, annulant toute lecture marxisante du film. Contrairement aux écrits de l’auteur du Capital et à tous ses épigones, la progression de la dialectique maitres-esclaves ne débouche pas forcément sur l’affranchissement du peuple travailleur et désaliéné, libéré de ses chaînes de servitude. Le réalisateur choisit de renvoyer dos à dos et dans les cordes tout le monde, riches, pauvres, ambitieux, frustrés, arrogants, dupes, madrés… D’où ce sentiment de résignation et de « tristesse » (au-delà de la « colère » c’est le mot employé le plus souvent en interview par Bong Joon-ho) devant une société définitivement bloquée et verrouillée.
La puissance symbolique du film réside justement dans la portée universelle du traitement de ces thématiques, ce qui est un marqueur fort de la majorité des œuvres réalisées par cette nouvelle génération sud-coréenne. Bien qu’inspirées par des histoires ou faits divers locaux, les trames narratives de ces auteurs sont susceptibles de concerner les sociétés occidentales, plus que jamais proches cousines du Pays du Matin calme. Il est insolite et révélateur de constater que la Corée du Sud est parfois située dans la catégorie « sociétés occidentales » en termes de classement mondial pour les indicateurs économiques et industriels.
Autrement dit, un même film aurait très bien pu être réalisé en France si l’on avait un Bong Joon-ho aussi talentueux et audacieux. La Corée du Sud… miroir grossissant des tares du système libéral et capitaliste mondialisé ?
Familles dysfonctionnelles et jeunesse fascinée par le dieu « Dollar »
Tout le cinéma du surdoué Bong charrie ces histoires de familles déstructurées, atypiques, dysfonctionnelles, frappées au cœur par la brutalité et le caractère discriminant et exclusif des mouvements accélérés de la société sud-coréenne, plus que jamais engagée dans la bataille mondiale de la compétitivité et de l’innovation économiques et technologiques.
La fascination pour l’Amérique matérialiste, consumériste, cupide et hyper connectée (« le Dieu Wi-Fi » tant exaucé), la quête de la réussite individuelle coûte que coûte, l’ahurissante spéculation immobilière (ô combien palpable dans Parasite) ainsi que le manque d’empathie entre classes et entre individus sont clairement brocardés dans le film. Ces valeurs viciées entraînant d’importantes dérives paraissent à l’opposé du socle culturel et philosophique ancestral sud-coréen assis sur les diverses « voies de la sagesse » confucéenne, shintoïste, bouddhiste et taoïste.
On ne le perçoit pas forcément en Occident à l’heure de la K-Pop mondialement triomphante, mais 75% des jeunes Coréens, chiffre hallucinant, disent souhaiter quitter la Corée pour aller vivre à l’étranger. Il y a ceux qui sont totalement largués par la modernisation à outrance du pays et le rythme « compétition non-stop » imposé par les « premiers de cordée » et ceux fascinés par une Amérique du Nord mythifiée, Eldorado des temps modernes tout en présentant l’avantage d’offrir un système social global plus souple, moins sévère, respectant davantage les droits des individus, contrairement à l’État omnipotent sud-coréen, trop perçu comme le Big Brother avide d’un contrôle permanent des foules. Rappelons que la Corée du Sud a le taux de suicide le plus élevé parmi les membres de l’OCDE (en moyenne 26 personnes sur 100 000, soit plus de 36 suicides par jour !).
C’est un peu la face sombre de cet Hell Chosun comme disent ces jeunes en guise de mépris pour qualifier cette société honnie, en référence à la dernière dynastie coréenne féodale hyper hiérarchisée et sclérosée, dans laquelle seul le rang importait, au-delà donc des compétences et aspirations des individus. Déjà l’introuvable ascenseur social…
Film foncièrement politique, Parasite, au-delà de toutes les récompenses glanées dans les plus belles compétitions mondiales, a réalisé l’exploit de faire bouger le gouvernement coréen sur le mal-logement et l’insalubrité sociale, dans la mesure où Séoul a décidé d’octroyer une aide financière conséquente à chacun des 1 500 ménages du pays qui vivent dans des logements de ce type (financement de travaux permettant d’améliorer l’éclairage et la ventilation mais aussi isolation des murs durant les périodes d’inondations, particulièrement fréquentes durant l’été). D’après les chiffres officiels, près de 383 000 appartements similaires à celui des Kim, mis tristement en lumière dans le film, seraient occupés par des familles « précaires » ou des étudiants. Bong… futur ministre à l’instar d’un Lee Chang-dong ? Attendons un peu.
Urgence Ecologie !
C’est un doux euphémisme que de prétendre que le cinéma de Bong développe une conscience écologique prononcée. De la description d’un monde absurde « glacé » post-apocalyptique acculant les rares survivants à (sur)vivre dans un train roulant continuellement (Snowpiercer) à la créature mutante issue des déchets radioactifs de l’armée américaine (The Host), au gros cochon sympathique nourri aux hormones par une multinationale américaine (encore !) avide de business en dehors de toute éthique (Okja) et jusqu’au déchainement des éléments climatiques dans Parasite (pluies, inondations, tonnerre, tempêtes), Bong se mue en grand lanceur d’alerte (imprécateur ?) des catastrophes à venir…
Il n’est d’ailleurs pas anodin de constater que le « Ciel » se déchaîne lorsque la famille « parasitaire » pense pouvoir sereinement profiter de la villa des riches, se soûlant dans le salon en regardant, tel un spectacle grandiose, les éclairs à travers l’immense baie vitrée à la transparence resplendissante. C’est justement à ce moment-là, sous une pluie battante, que sonne à la porte l’ancienne gouvernante dans le but de se rendre à la cave de la propriété en invoquant de mystérieuses raisons. Ce qui fait ipso facto basculer le film dans une autre dimension, beaucoup plus ténébreuse et violente, et accélérer la dynamique narrative.
Une fois de plus, les hommes, riches ou pauvres, ne peuvent rien face aux éléments irrationnels naturels dont le rôle sera peut-être de rétablir in fine un nouvel ordre social, fût-il post-apocalyptique.
Apocalypse ou pas, la Corée du Sud, dans sa version « ciné », ferait peur aux présidents américains… « Ils nous tuent dans le commerce, vous savez, puis ils remportent l’Oscar pour un film flippant ! » aurait tonné l’ancien président américain Donald Trump le soir de la fameuse cérémonie hollywoodienne le 9 février 2020. On ne sait encore si Biden est cinéphile… Comme il paraît loin le temps où un Kim Youg-sam, alors à la tête de l’Etat sud-coréen se pâmait devant le succès phénoménal de Jurassic Park (1993) du golden boy Spielberg en faisant remarquer que les recettes du film équivalaient à la vente de 1,5 million de voitures Hyundai. D’où la décision immédiate de transformer le cinéma du pays en véritable arme économique…
Alors près de trente ans plus tard… Bong Joon-ho à la tête de cette épatante « Nouvelle vague », serait-il le futur Spielberg d’un pays, actuellement au 12° rang mondial (PIB), qui n’a peut-être pas fini de surprendre la planète ciné en continuant à enfanter des œuvres authentiques et fortes à l’impression de « jamais vu » ?
La Fédération Internationale de handball essaye d’abattre le machisme – mais pas trop non plus…
Début octobre, la Fédération internationale de handball (IHF) a modifié son règlement sur les tenues portées par les beach-handballeuses. Celles-ci se voyaient jusqu’alors obligées de disputer les matchs en bikini. Mais au cours du dernier championnat d’Europe féminin qui s’est déroulé au mois de juillet, les handballeuses norvégiennes, refusant de se plier à la règle, avaient arboré des shorts lors du match contre l’Espagne pour la médaille de bronze.
Elles ont donc écopé d’une amende de 1 500 euros infligée par la fédération. Qui a déclenché quelques réactions indignées. « Que de changements d’attitude sont nécessaires dans l’univers international macho et conservateur du sport », a même tweeté le ministre norvégien de la Culture et de l’Égalité, Abid Raja. L’IHF, consciente du problème, a donc décidé de réagir. Grâce au nouveau règlement, les joueuses pourront porter des shorts. Mais la fédération, craignant probablement pour l’attractivité du handball de plage féminin – discipline peut-être en manque de prouesses sportives spectaculaires ? – a spécifié que ces shorts ne seraient autorisés qu’à condition qu’ils soient courts et « serrés », tandis que ceux des joueurs masculins ne doivent être que « pas trop amples ». Chacun pourra se figurer la nuance entre un short féminin « serré » et un short masculin « pas trop ample ».
Quoi qu’il en soit, espérons que le conservatisme macho finira par disparaître du sport international. Avec un peu de chance, nous pourrons assister dans quelques années à des matchs de beach-handball féminin en burkinis non binaires. Mais à condition qu’ils soient serrés.
D.R.
Norway's women's beach handball team was fined €1,500 for refusing to wear bikini bottoms at a European championship game.
Men wear shorts but IHF rules say women "must" use bikini bottoms, despite players saying that bikini bottoms are restrictive and uncomfortable to play in. pic.twitter.com/VwP2cxAE1H
Plaidoyer pour le retour de la France a-raciste que nous aimons. Comme l’impossible, le racisme n’est pas français !
Quand les activistes de SOS Racisme se sont levés et dévoilés en hommes et femmes banderole pour afficher « non au racisme » et pour perturber le meeting d’Éric Zemmour, il y avait mieux à faire que les rejeter à coups de pieds. On pouvait aussi les rejoindre !
On pouvait être plus malin que les adversaires, faire semblant de ne pas comprendre les intentions malignes, les prendre au mot, les rejoindre donc, les acclamer, les remercier, les étreindre et scander avec eux l’un des mots d’ordre de la reconquête. Non au racisme. Le zemmourisme n’est pas un racisme, parce que comme l’impossible, le racisme n’est pas français.
Monsieur Sopo, nous adhérerons à SOS Racisme quand on ajoutera un « s » à « racisme » !
On pouvait par exemple improviser un « x » et un « s » et s’intercaler poliment et malicieusement entre les agitateurs, juste après le « au » et après le « racisme » pour rappeler que les racismes sont aussi divers que les Français.
On en aurait profité pour expliquer le slogan amélioré et ajusté en dénonçant les racismes nouveaux qui s’insinuent entre les pavés des « bonnes intentions » qui mènent en enfer. Le racisme de la discrimination positive qui humilie l’individu, qui lui fait savoir qu’il a plus de chances avec sa couleur qu’avec ses compétences. Le racisme de la ségrégation positive que l’UNEF cautionne en organisant des réunions non mixtes. Le racisme d’Audrey Pulvar, proche d’Anne Hidalgo qui dit aux blancs qu’il y a des lieus où ils feraient mieux de se taire. Le racisme toléré de ces Français qui font des listes de docteurs « racisés » parce qu’ils ne veulent plus être soignés par des médecins blancs, ou qui pratiquent la préférence épidermique en n’achetant plus que dans des boutiques tenues par des commerçants noirs. Le racisme ordinaire du type qui appelle un inconnu « frère » ou « cousin » parce qu’ils ont la même couleur de peau ou la même religion. Le racisme répandu de la racaille qui harcèle les filles et qui les traite de sales putes blanches ou françaises quand elles passent leur chemin parce qu’elles n’ont pas envie de se faire draguer par Néanderthal. Le racisme archaïque qui vient du tiers monde et qui se répand en banlieue, totalement décomplexé, et tellement ignoré par les associatifs de l’agitation et de la délation.
Les journalistes ravis de l’incident de Villepinte
On aurait précisé aux journalistes bien-pensants et mal intentionnés qui sont à présent ravis de tenir et de brandir la preuve que « Zemmour attise la haine » et « fracture la société », que c’est le multiculturalisme qui est un racisme. C’est le modèle du Wasp américain ou du gentleman anglais qui laisse au Mexicain ou au Pakistanais immigré toute liberté de vivre selon ses coutumes et dans sa langue natale parce qu’il est fermement convaincu que quoi qu’il fasse, le Mexicain ou le Pakistanais ne deviendra jamais vraiment Américain ou Anglais.
On aurait démontré que les vrais ennemis du racisme ne sont pas ces communistes du 21ème siècle, ces associations subventionnés, ces officines surarmées d’avocats qui comptent les blancs quand ils plaident, qui harcèlent judiciairement ceux qu’ils échouent à battre politiquement, ces héritiers de Sartre qui nous répètent que si nous ne sommes pas intimidés par leur propagande, nous sommes des chiens.
L’assimilation est une main tendue
On aurait ajouté comme le premier intervenant du meeting, élu de Seine-Saint-Denis, Français de branche aux parents nés ailleurs, que l’assimilation est une main tendue, un cadeau unique au monde, une fraternité réelle et sincère et que la France qui enseignait à ses enfants de toutes les couleurs « nos pères les Gaulois » et qui offrait ses ancêtres en partage avec les nouveaux venus était plus exigeante et plus généreuse, mais moins raciste que celle que défendent Dominique Sopo ou Rokhaya Diallo.
On aurait conclu qu’avec Éric Zemmour, la France qui ne veut pas voir la couleur des gens, qui se fiche de leurs différences et qui se construit avec ce qui leur est commun, la France a-raciste est de retour.
On aurait ainsi donné aux électeurs inscrits que la violence effraie d’autres images que celle désastreuse du coup de poing d’un garçon dans la figure d’une fille, scène pénible qui rapproche n’importe quel Français catholique, bien élevé et cultivé, de Joey Starr.
Incident important dans la salle.
Plusieurs personnes sortent des t-shirts « Non au racisme. »
La Pologne résiste. La Pologne conteste. La Pologne insiste. La Pologne est seule au monde!
La Pologne affirme ses vérités, coûte que coûte, sans trop réfléchir aux conséquences. Elle assume parfaitement être un pays anti-immigration, anti-LGBT et antiavortement. Elle s’oppose au principe de primauté du droit européen sur ses lois nationales. Elle ignore les consignes de Bruxelles pour l’exploitation de Bialowieza, l’une des dernières forêts primaires du continent.
La Pologne ne se reconnait plus dans les Démocrates américains et leur wokisme ambiant
Elle veut aussi écrire sa propre histoire de la Seconde Guerre mondiale, en adoptant en 2018 une loi qui punit ceux qui feraient allusion à une responsabilité quelconque de « la nation ou de l’État polonais » dans les crimes commis par l’Allemagne nazie. Le texte a toutefois été amandé quelques mois plus tard, après que le gouvernement ait essuyé les foudres du gouvernement israélien.
Le prix de la liberté
Cette liberté politique, idéologique ou historique que le pays veut conserver à tout prix lui revient cher. Financièrement tout d’abord : 1 million d’euros par jour pour ne pas avoir obtempéré à la Cour de Justice de l’Union Européenne, 100 000 euros d’astreinte par jour en cas de nouvel abattage de bois de Bialowieza, et 353 millions d’euros pour la construction du mur sur sa frontière avec la Biélorussie, suite à la récente crise des migrants. Une construction que le gouvernement polonais entend financer de sa poche, pour ne surtout pas tomber dans un piège de coopération européenne, qui demanderait en échange d’une aide fincancière des efforts en vue de se conformer avec des principes, avec une foi…
Car la Pologne reste un pays catholique, fidèle aux fondamentaux chrétiens. À l’héritage de son fils chéri devenu Pape, Jean-Paul II. Celui qui il y a 17 ans à peine avait écrit dans son ouvrage Mémoire et Identité à, propos des mariages homosexuels : « Il est légitime et nécessaire de se demander s’il ne s’agit peut-être pas d’une composante d’une nouvelle idéologie du Mal » …
Le monde a bien changé depuis, le nouveau Pape François milite ouvertement pour les causes progressistes ou LGBT. La Pologne va-t-elle rompre avec Vatican, comme elle se coupe de toutes les sources qui menacent son identité ? Même les États-Unis, allié vital et garant de la survie nationale face à l’éternel ennemi russe, ne trouvent plus grâce à ses yeux. Après quatre ans d’osmose parfaite avec Donald Trump, Varsovie a été parmi les dernières à féliciter Joe Biden pour son élection. Avant de trainer les pieds pendant de longs mois pour la nomination du nouvel ambassadeur américain en Pologne, pour finalement accepter un certain Mark Brzezinski, qui, possédant la double nationalité, américaine et polonaise, se retrouve de fait non éligible pour être ambassadeur dans son propre pays ! Pourtant, Mark est le fils de Zbigniew Brzezinski, le plus puissant homme politique américain d’origine polonaise des cinquante dernières années, Conseiller à la Sécurité nationale du président démocrate Jimmy Carter et fervent défenseur de la Pologne face au communisme, sans qui l’union des syndicats Solidarnosc n’aurait jamais vu le jour.
Une nation habituée aux traumatismes
Mais la Pologne ne se reconnait plus dans les Démocrates américains et leur wokisme ambiant. Elle n’a pas d’autres héros pour remplacer ceux de toujours, pas d’autres cultures à promouvoir à la place de la sienne. Pourrait-elle tenir longtemps sans cordon ombilical de l’Amérique ? L’histoire a vu souvent cette terre devenir une monnaie d’échange dans les grands enjeux géopolitiques. Parfois ce jeu a tourné en sa faveur. Comme avec Napoléon qui a recréé en 1807 le duché de Varsovie, une illusion d’autonomie dans le Grand Empire français. Et surtout, en 1918, quand le Maréchal Pilsudski a arraché des vastes territoires à la Russie post–tsariste déboussolée et à l’Allemagne à genoux, défaite dans la Grande Guerre. Mais les mouvements stratégiques des grandes puissances voisines lui ont souvent aussi été fatals ou dévastateurs. En 1939 notamment, quand le pays a été partagé, tel du vulgaire gibier de chasse, entre les deux ogres les plus cinglés de l’histoire, Hitler et Staline.
80 ans plus tard, la Pologne a-t-elle pu tourner la page de ce double traumatisme germano-soviétique ? Nous allons finir par le savoir. En attendant le pays se barricade. Contre les menaces territoriales sur son flanc oriental. Pour protéger son intégrité culturelle sur sa frontière occidentale. Dans un nouveau monde qui écrase sur son passage tous les murs-porteurs d’antan, la Pologne se veut une petite arche espérant être sauvée du déluge.
Jadis, le prof incarnait le savoir, l’ordre et la discipline. Construire un cadre dès l’enfance, et laisser l’individu le déconstruire à sa manière en grandissant et en mûrissant. C’était avant la « bienveillance » généralisée. Aujourd’hui, on commence d’abord par déconstruire. Qu’importe d’avoir des érudits et des personnalités fortes, tant que l’on a de bons éco-citoyens…
Monsieur Blanquer le répète à l’envi et le taux de réussite au baccalauréat le garantit, les circulaires du ministère le ressassent et ses destinataires s’en convainquent : l’École de la République, notre Maison commune, est celle de la Bienveillance. Or ce mot oscille entre deux acceptions : aujourd’hui prête-nom ou cache-misère de la permissivité, il est, étymologiquement et philologiquement, tourné vers l’exigence du bien.
Le Dico en ligne Le Robert, dans la définition qu’il propose au iel internaute, retient comme synonymes de ce terme les mots « complaisance, douceur, indulgence ». S’il rappelle la définition qu’en donne le Furetière (« disposition à vouloir du bien à quelqu’un »), c’est pour prévenir qu’il y a péremption : « il convient de replacer cette définition dans le contexte historique et sociétal dans lequel elle a été rédigée ».
À l’école, on nous somme d’adopter le sens du Robert, celui du vent, d’être de bons petits agents de la Bienveillance. Nous, professeurs, accueillons, chouchoutons, cajolons nos élèves et nous excusons de ne pas le faire suffisamment ; nous les prenons avec leur ressenti et leur vécu et nous les ouvrons à la différence ; nous les orientons, et pas que scolairement. Au conseil d’administration, nous nous félicitons de ce qu’ils puissent nous éclairer et prendre part au vote sur le budget, les pratiques éducatives et pédagogiques de l’établissement. En conseil de discipline, nous comptons sur leurs représentants pour tempérer notre sévérité à l’encontre d’un des leurs, fatalement issu d’un milieu défavorisé et/ou victime de violences psychologiques et affectives. Au CVC (conseil de la vie collégienne) nous interrogeons le climat scolaire : est-il normal que la table de ping-pong soit squattée par les garçons ? Et pourquoi les filles ne jouent-elles pas au foot ? Et « c’est quoi » être une fille au collège ?
J’ai vu un élève trembler à la lecture du mot race dans un extrait du « Voyage autour du monde » de Bougainville
D’ailleurs, les filles se sentent-elles vraiment filles et les garçons ne se sentiraient-ils pas un peu filles, pour peu qu’on les y aide ? Mais laissons la main au médiateur éducatif, qui assurera le bien-être de toutes et tous, et inversement. En conseil de classe, nous félicitons chaleureusement tous nos élèves, sans discrimination : n’ont-ils pas pour la plupart une moyenne excellente (la notation bienveillante, ça aide) ? N’ont-ils pas développé une conscience éco-citoyenne grâce à leurs éco-délégués et incité leurs professeurs à baisser leur quota de photocopies ? La Terre n’est-elle pas notre Maison commune ? En classe, quand nous y sommes (en admettant que nous ne soyons ni en réunion, ni en formation, en sortie, en confinement, en arrêt-maladie), nous sommes à l’écoute de nos élèves : nous employons un langage qu’ils comprennent et nous accueillons leur parole, quelle qu’elle soit; nous donnons peu de devoirs afin de ne pas ajouter du stress à la difficulté d’être jeune ; nous adaptons l’évaluation aux connaissances et aux compétences de chacun ; nous expliquons plutôt que nous ne réprimandons. Les hussards noirs de la république sont morts : vivent les professeurs-nounous de l’école bienveillante !
Pédagogues de laboratoire
Il suffit pourtant de compulser ce bon vieux Félix Gaffiot pour restituer à la bienveillance ses contours étymologiques et constater combien le terme est aujourd’hui galvaudé: « benevolens », qui veut du bien. Et si un professeur bienveillant voulait le bien de ses élèves plutôt que de les conforter dans leur ignorance et dans leur médiocrité ? Et si ce professeur exerçait sa volonté dans un environnement où le laisser-faire prédomine, où l’esprit moutonnier est la règle, où les pratiques pédagogiques confinent à l’absurde ? Dans ma discipline (les lettres) et au collège, le niveau est effarant. Or la méconnaissance des règles syntaxiques et orthographiques, l’absence de repères culturels et littéraires, l’incapacité à mobiliser ses connaissances sont les effets des méthodes délétères prêchées par des pédagogues de laboratoire. On butine, on avance à sauts et à gambades (mais n’est pas Montaigne qui veut) : le rituel de l’apprentissage (lundi : poésie ; mardi : dictée ; jeudi : rédaction…) a été révoqué au profit de séquences fourre-tout et de cours ludiques dans lesquels les élèves perdent le peu qu’ils avaient acquis à l’école élémentaire. On mélange les époques, les registres, les bons et mauvais auteurs (mais y a-t-il des bons et des mauvais auteurs ?), les classiques et les contemporains, la littérature et la littérature de jeunesse (oxymore) ; on saupoudre le tout d’écologie, de repentance, d’antiracisme, d’interrogation sur le genre, de féminisme bête et méchant, d’un endoctrinement et d’une censure parés des atours de la vertu. J’ai vu un élève de 5e trembler à la lecture du mot race dans un extrait du Voyage autour du monde de Bougainville.
N’est-il pas temps de revoir ces pratiques et de refonder la bienveillance sur des programmes cohérents et une plus grande exigence ? « Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres » nous enseignait La Boétie. Il ne tient qu’au professeur de se libérer de cette emprise idéologique et d’exercer sa volonté pour transmettre les connaissances qu’il a lui-même reçues, et forger l’esprit critique de ses élèves. Le gendarme-inspecteur débarque tous les cinq à dix ans : ce n’est jamais qu’un mauvais moment à passer, un voyage en absurdie, et on en est quitte pour quelques remarques vexatoires (la bienveillance revisitée par les inspecteurs). Contrarions les désirs des élèves et rappelons que leur expertise ne vaut pas celle du professeur diplômé et expérimenté. Mettons les parents en face de leurs responsabilités et de leurs contradictions, lesquels veulent un bon niveau et des bonnes notes pour tous (mais surtout pour leur enfant), de l’exigence mais de l’indulgence, du travail à l’école, du smartphone à la maison. Passons un peu plus de temps dans nos classes. Acceptons, enfin, le désaccord (qu’on aimerait courtois) avec certains collègues, les pro(f)s de la bienveillance, mais pas la même.
Le mot « bienveillance » est donc un pharmakon, à la fois poison et remède. À moins qu’on ne rappelle, à la suite de Camus, que « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur du monde » et qu’on ne réhabilite sa belle et antique définition. Et si j’avais encore droit à un vœu, je formulerais celui que les candidats à la présidentielle prennent la mesure de la faillite de l’école et qu’ils veuillent bien y remédier.
Enquête sur cette génération Z qui soutient Zemmour, et rit à se tordre quand ce dernier fait un doigt d’honneur à une militante « antifa » à Marseille.
Avec une vidéo publiée mardi dernier sur sa chaîne YouTube, c’est sur un média particulièrement adapté aux jeunes qu’Eric Zemmour a fait le choix d’annoncer sa candidature à la présidentielle. « Continuer la France » et « transmettre le flambeau aux prochaines générations », c’est ce qu’Éric Zemmour promet à la « Génération Z ». De quoi ravir son bataillon de 5500 jeunes…
La question de l’insécurité ressort assez systématiquement dans les témoignages: « Qui d’autre que Zemmour propose des mesures suffisamment fortes pour protéger enfin les Français? »
C’était l’occasion pour nous d’en contacter certains, afin de tenter de comprendre fondamentalement ce qui, chez le « Z », les poussent à s’en aller fièrement à la riflette politique. Qui sont-ils ? Qu’étudient-ils ? Le voient-ils comme un homme providentiel ? Pourquoi suivent-ils Éric Zemmour plutôt que Marine Le Pen ou un candidat LR ?
Nous avons posé ces questions à cinq membres actifs du mouvement. L’auteur de ces lignes ne s’attendait pas forcément à ce que ce soit « avec grand plaisir » qu’ils acceptent de se prononcer sur les raisons de leur engagement.
« Ma famille vote traditionnellement à droite »
Sur les cinq militants interrogés, quatre d’entre eux étudient le droit. Coïncidence ? Ou est-ce la preuve que les juristes ont une affection particulière pour l’ordre ?
C’est notamment le cas de leur jeune président de 22 ans, Stanislas Rigault, qui me confie faire des études juridiques à l’ICES. Impossible cependant, d’affirmer que le microcosme des études juridiques tend à créer des esprits « radicaux »…
Traditionnellement, leurs familles respectives votent à droite m’apprennent Wandrille de Guerpel, 20 ans, responsable Yvelines de Génération Z et étudiant en deuxième année de droit à la FACO Paris, et Eléonore Lhéritier, 34 ans, quant à elle responsable de la communication de Génération Z et de la mobilisation sur les réseaux sociaux. Rien de bien nouveau : la transmission du capital culturel et ses effets…
Mais il n’est règle sans exception : si l’entourage de Samy Khalef (nom et prénom modifiés à sa demande pour des raisons de sécurité), 22 ans, originaire d’Algérie et étudiant en droit à La Sorbonne, est politiquement « assez divers », cela ne l’empêche pas pour autant d’être militant dans le mouvement. « À l’exemple de la famille de notre candidat, j’aspire à mon tour à réussir mon assimilation à la société française » confie-t-il. « Pour avoir grandi à l’étranger en ayant reçu une éducation francophone et francophile », Samy Khalef révèle être « à l’origine sympathisant de gauche, car vu de l’étranger c’est plus attrayant ». Il m’assure que c’est une fois sur le sol français et libéré du « filtre des grands médias dominants » qu’il a eu une prise de conscience : « les maghrébins qui comme moi aspirent à s’émanciper des archaïsmes d’une culture conservatrice rigide (…) voient justement dans la France de Zemmour, résolument ferme sur la laïcité et l’ordre républicain, une “protection“ contre un islamisme qu’ils ont subi au quotidien ».
« On ne veut plus de ces gens-là ! »
Toujours adhérent chez les Républicains, Wandrille de Guerpel s’est engagé à l’échelle locale en participant aux élections municipales dans sa commune du Chesnay-Rocquencourt (78). Grégoire de F. (nom et prénoms également modifiés), étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas et aujourd’hui militant GZ à Paris, me confie également qu’« avant cet engagement pour Zemmour, [il a] eu quelques responsabilités lors de la primaire de la droite pour le candidat Sarkozy ». Partant, des interrogations s’impatronisent d’elles-mêmes : pourquoi, déjà encartés, en sont-ils venus à tourner le dos à l’offre politique des LR, et ouvrir grands les bras à un outsider ? Pour Wandrille de Guerpel, c’est la « macron-compatibilité » de Pécresse qui l’empêche de lui accorder son vote ; pour Grégoire de F., c’est la logique électoraliste et politicienne, absente chez Zemmour selon lui, qui le différencie des candidats traditionnels. Et Marine le Pen, alors ? Si Samy Khalef reconnait que le Rassemblement national « a été le premier à dénoncer les méfaits d’une immigration de masse en France », Éléonore Lhéritier me répond en reprochant à la candidate RN d’être « dans le politiquement correct, dans la politicaillerie, comme toute la classe politique ». « On ne veut plus de ces gens-là! » ajoute-t-elle. Eric Zemmour le disait lui-même face à Ruquier et Salamé : « la politique ne m’a jamais nourri ».
La question de l’insécurité ressort assez systématiquement dans ces témoignages de jeunes. La responsable de la communication de Génération Z interroge : « Qui d’autre que Zemmour propose des mesures suffisamment fortes pour protéger enfin les Français ? Qui d’autre que Zemmour aura le courage de les appliquer ? » Éric Zemmour le dit avec gravité dans sa déclaration de candidature : il ne s’agit plus de réformer la France, mais de la sauver. Pas étonnant dès lors qu’il entraîne des jeunes dans son sillage. Comme le disait Camus recevant le prix Nobel de littérature en 1957 : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse… ». Eric Zemmour est-il alors pour eux l’homme providentiel, sa déclaration de candidature du 30 novembre rappelant d’ailleurs l’appel du 18 juin ?
«La jeunesse n’a pas d’illusions» (Camus) [1]
Indépendamment de ses idées politiques, le journaliste et écrivain peut-il devenir un homme d’État ? Prenant l’exemple de Robert Ménard, Wandrille de Guerpel défend « le passage de journaliste à politique ». Il ne serait pas le premier à illustrer la porosité de la frontière entre ces deux mondes. Renaud Czarnes est passé du journalisme politique au cabinet du Premier ministre Jean-Marc Ayrault en 2012. Jean-Marc Plantade a, lui aussi, franchi la lisière en abandonnant Le Parisien pour la communication de Christine Lagarde en 2007, alors ministre des Finances. Idem, encore avant, pour Serge Moati. « Impossible n’est pas français », n’est-ce pas ?
Celui pour qui « la France n’a pas dit son dernier mot » enivre tous ces jeunes. C’est indéniable. Il suffisait de voir la foule à Villepinte le 5 décembre, lors de son premier rassemblement, s’égosiller à la fin de chaque phrase prononcée par son candidat. Lorsque je lui ai demandé s’il voyait en Zemmour un homme providentiel, Stanislas Rigault se déclare quand même « mitigé » sur ce point. Sur la même longueur d’onde, Wandrille de Guerpel admet toutefois voir en lui le seul homme capable de remettre la France sur les rails. Louant sa « sincérité », sa « cohérence » et sa « constance », Stanislas Rigault et Samy Khalef laissent entendre que ce sont peut-être ces traits-là qui font la différence dans l’esprit des jeunes.
Ces jeunes zemmouriens sont des « révoltés », qui espèrent la fin d’une inanité politique leur semblant sempiternelle. Haut les cœurs ! et à bas la froussardise et l’autosuffisance de ceux qui se cachent lorsqu’il s’agit de faire autre chose que déconstruire. Si les jeunes n’ont pas d’illusions, ils ont, pour sûr, un idéal : s’en aller avec panache à la Reconquête ! de leur pays…
[1] dans la nouvelle « Le vent à Djemila », Noces.
Aux Pays-Bas, critiquer l’islam peut vous coûter très cher. Là-bas, une vedette de la téléréalité vient d’être mise au ban par ses sponsors pour ce qu’a écrit… sa mère.
Qu’on les conspue comme les intellectuels, ou qu’on les adore comme une bonne partie du peuple, tous les Néerlandais connaissent la famille Meiland, protagoniste de son propre programme de téléréalité qui a débuté en 2019 en France. Les Meiland avaient acquis un manoir aux environs de Limoges, rebaptisé “château Meiland”, qu’ils tentaient d’emménager en chambres d’hôtes pour les nombreux touristes néerlandais de la région.
L’aventure a tourné court et les Meiland sont revenus aux Pays-Bas, où une télévision commerciale continue de ne rien manquer de leurs moindres faits et gestes.
Les parents, stars du programme
Le père, Martien, est l’indéniable star de la série. La soixantaine, il s’est découvert homosexuel il y a une vingtaine d’années, ce qui avait alors causé une rupture avec son épouse Erica. Laquelle, après avoir vaincu son désir de l’empoisonner, s’est finalement réconciliée avec lui. Martien est un homo du genre “folle”, très années 70, agitant ses foulards avec force gestes féminins, s’acheminant d’une crise de nerfs à une autre en picolant ferme. Tout un contraste avec sa très terre-à-terre compagne Erica.
Une de leurs deux filles, Maxime, 26 ans, aux amours compliquées, mère de deux jeunes enfants de pères différents, joue un rôle secondaire dans la série. Sa vie télévisuelle s’est confondue avec sa vie réelle depuis son récent mariage avec le cameraman de la série, père de leur nouveau-né. Le succès de “château Meiland” aidant, Maxime a développé un talent d’influenceuse, notamment sur Instagram où elle compte 575 000 followers.
Un livre de confessions qui fait scandale
C’est surtout elle qui fait actuellement les frais des propos de sa mère qui, dans un livre présenté comme ses mémoires, écrit des choses qui vont à l’encontre du dogme quasi-officiel en faveur de la société multiculturelle dans le pays. Ainsi, Erica s’oppose à l’immigration de pays musulmans et à “ces profiteurs turcs qui envoient tout l’argent gagné chez nous en Turquie”. Elle se dit féministe et par conséquent s’oppose au voile islamique. “Je ne peux vraiment pas concevoir qu’une fille se couvre ainsi de son plein gré, surtout en été quand, sur son vélo, elle veut sentir le vent dans ses cheveux. C’est cela la liberté, d’ailleurs je suis pour l’interdiction de la burqa. J’ai vu des femmes qui en portent, ce n’est pas normal, ces pingouins, qu’elles foutent le camp.”
Du coup, certaines entreprises craignent évidemment plus que tout au monde d’être associées à cette famille “raciste”, dont le père vient de plus de confier qu’il vote pour Geert Wilders. Martien et Erica étant hors d’atteinte grâce à leur immense popularité et se souciant peu du qu’en-dira-t-on, les entreprises ont décidé de s’en prendre à leur plutôt discrète fille Maxime.
Fin novembre, un fabricant de matelas, Emma Matrassen, était le premier à rompre son contrat publicitaire avec elle, invoquant ses principes “d’inclusivité” que Maxime aurait violées, par maman interposée. Le matelassier fut bientôt suivi des cosmétiques Nivéa, du chocolatier Milka, du fabricant de cartes de vœux Hallmark, d’un distributeur de repas, d’un producteur d’albums photo en ligne et d’autres Tartuffes du monde des affaires.
Le matelassier osa proposer que, pour sauver son contrat, Maxime se désolidarise de sa mère. Elle a refusé, mais l’épisode rappelle la révolution culturelle, période terrible où les enfants chinois étaient censés dénoncer leurs parents.
Tempête dans le milieu restreint du show-business néerlandais ? Non, un commentateur du magazine libéral EW y voit “un cas intéressant qui démontre jusqu’où le pouvoir de l’islam a pénétré notre société”. Et de plaider, avec l’auteur du livre d’Erica Meiland, pour un boycot des boycotteurs. Erica et Maxime Meiland se savent soutenues par l’écrivaine turco-néerlandaise Lale Gül (dont nous vous parlions ici) qui a abjuré l’islam et le foulard, et qui, de ce fait, se sait menacée de mort. Un chroniqueur du journal de l’intelligentsia NRC Handelsblad est allé jusqu’à déconseiller vivement la lecture “de ce livre propagateur de haine, plus dangereux que les écrits de Geert Wilders”. À ceux qui trouveraient tout de même ce grand succès de librairie sous le sapin, il suggère maintenant a minima d’en déchirer le chapitre six, où se trouvent les passages qui ont conduit à l’anathème contre Maxime Meiland !
La candidate du Rassemblement national à la présidentielle a de nouveau expliqué à Pascal Praud qu’Eric Zemmour nuisait au « camp national ». L’analyse de Benoît Rayski
La candidate du Rassemblement national à l’élection présidentielle a confié ses tourments chez Pascal Praud sur CNews. « Pourquoi venir affaiblir les chances de victoire du camp national comme le fait Zemmour, alors même que nous n’avons jamais été si proches de gagner ? » a-t-elle déclaré. En termes de suffrages et selon les sondages, elle n’a apparemment pas tort.
Mais là où elle se trompe, c’est que Zemmour ne veut pas de son « nous ». Lui c’est « je » et rien que « je ». Il ne veut absolument pas s’unir à Marine Le Pen. À la rigueur accepterait-il peut-être qu’elle s’unisse à lui. Mais même ça, ce n’est pas sûr. Car, à ses yeux, la patronne du Rassemblement national est une centriste, une modérée, une mollassonne. Elle a effectivement beaucoup œuvré dans ce sens pour s’affranchir de l’image détestable de papa.
📹 Pourquoi venir affaiblir les chances de victoire du camp national, comme le fait Eric Zemmour, alors même que nous n'avons jamais été aussi proches de gagner ? #HDProspic.twitter.com/ZidIjUk5BH
Zemmour, lui, serait plutôt papa, en beaucoup, beaucoup plus jeune. Quiconque a écouté son discours à Villepinte, ne peut qu’en être convaincu. Dans un style inspiré et flamboyant, et avec tous les excès du genre, il a dressé le tableau de la France qu’il aime : c’est selon moi celle de Maurras et de Barrès.
Marine Le Pen semble, ou fait semblant, d’oublier que Zemmour est candidat à la présidence de la République. Ce serait mal le connaître que d’imaginer qu’il puisse accepter un ticket avec la candidate frontiste. Zemmour c’est un homme, un peuple, un camp (le sien). Le nom de son parti, Reconquête, vaut programme. Il est directement copié sur la « Reconquista » des souverains Espagnols qui au XVème siècle chassèrent les musulmans de la péninsule ibérique. Zemmour se voit en guerrier, Marine Le Pen se présente en infirmière.
Comme l’auteur de La France n’a pas dit son dernier mot n’est pas un sot, on ne lui fera pas l’injure de penser qu’il croit en ses chances pour 2022. Son projet est tout autre : détruire Marine Le Pen. Et sur le cadavre de la pauvre Marine, bâtir un grand parti de droite nationale. Et peut-être espère-t-il que ses idées gagnent en 2027.
Paroles de militants de Zemmour recueillies dans les allées de Villepinte dimanche
Villepinte a vu débarquer hier beaucoup d’endimanchés, pas tous habitués au département de la Seine-Saint-Denis. Pas moins de 12 000 citoyens réunis dans un hangar ! « Il y a eu des menaces venues de l’extrême-gauche. Personnellement, je n’ai pas envie de me laisser intimider. J’admire d’abord Éric Zemmour pour son cran », assure Bénédicte, Parisienne et professeur de Lettres classiques à la retraite. Elle a découvert le chroniqueur « en en entendant parler à son club de bridge ». À Lille, en octobre, le candidat virtuel était encore écouté comme chroniqueur politique et écrivain. Changement de ton à Villepinte ce 5 décembre : Éric Zemmour annonçait la création de son parti politique et entendait relancer une candidature que des observateurs disent embourbée à cause de polémiques à répétition.
Des militants aguerris côtoyaient encore de parfaits novices.
Adam-Abdenour et Thomas, tous deux étudiants de 19 ans, s’amusent de la polémique des prénoms. Pour Adam, sa mère qui lui a donné un prénom conforme à ses origines et un prénom du calendrier avait « 20 ans d’avance sur le Z » !Philippe, jeune actif travaillant dans la finance file la métaphore biblique et voit Zemmour en prophète mais pas encore en « roi ». Valérie à côté de lui est une « vieille militante » de la droite nationale et se dit aujourd’hui surprise par l’ampleur du mouvement…
Pas un homme politique comme les autres
« C’est la première fois que je viens dans une réunion publique. Je ne serais jamais allé écouter un homme politique. Eric Zemmour, c’est autre chose », explique Lucien, un cadre commercial venu tout spécialement d’Amiens. D’ailleurs, il « n’exclu[t] pas de s’engager dans son nouveau parti ».Un groupe de quatre retraités m’attend à la buvette. Ils se présentent comme « militants de tous les partis de droite et de toutes les causes depuis les années 1970 », leur engagement est motivé par « haine du communisme ». Ce motif d’indignation peut sembler désuet, mais François, 61 ans, assure que le « wokisme n’est qu’un produit dérivé du trotskysme qui utilise les identités pour créer des clivages et détruire la communauté nationale. C’est une vieille technique de subversion ! » S’ils se disent revenus de tous les combats perdus de la cause nationale, l’ampleur du mouvement surprend ces vieux briscards. « Nous étions quelques centaines dans les années 70, je me rappelle avoir milité pour Jean-Marie Le Pen en 1974 pour faire moins de 1%, mais là, c’est différent, on voit la jeunesse, beaucoup de gens ordinaires, pas uniquement des militants », témoigne l’un d’entre eux. « La propagande se heurte toujours au réel. C’est l’effet Pravda : il y a un moment où le discours officiel et l’idéologie ne suffisent plus et où la société décroche. Il se passe aujourd’hui ce qui s’est passé en URSS » abonde un autre. Une autre aguerrie, Valérie, qui assure être amie de Jean-Marie Le Pen et vieille militant du Front national en convient : ce n’est pas la même ambiance ici que dans son ancien parti. « On a l’impression de retrouver la France d’il y a trente ans, avec des jeunes bien élevés et BCBG, alors qu’on voyait surtout au Front des anciens militaires et des vieux. »
Les jeunes, en effet, on les trouve sans soucis dans les allées de Villepinte. Adam-Abdenour a 19 ans et est étudiant : « Cette histoire de prénoms m’a beaucoup fait rire, car ma mère a fait ce que Zemmour a fait il y a 20 ans en me donnant un prénom correspondant à mes origines et un autre plutôt d’ici. Je suis heureux d’avoir un prénom double, même si je n’en ai pas toujours compris l’intérêt, étant enfant. » Dans son discours, Éric Zemmour sera très applaudi lorsqu’il « tend la main aux musulmans qui veulent devenir nos frères », à qui il propose « l’assimilation », ce chemin « exigeant » que « les Maliens, les Marocains, les Turcs et les Algériens » sont invités à prendre à la suite « des Italiens, des Espagnols et des Polonais ».
Entre admiration et choix idéologique assumé
À l’entrée du Parc des Expositions, des militants d’Action Française vendent leur journal. Leur chef Francis Venciton s’amuse : « Zemmour cite souvent Jacques Bainville [historien de l’Action Française et référence principale d’Eric Zemmour NLDR], alors autant aller directement aux sources ! » Il juge Zemmour « utile » mais n’attend pas nécessairement l’homme providentiel. « Comme le dit la Bible, il y a des prêtres, des prophètes et des rois. Zemmour pour l’instant est prophète, on attend qu’il puisse être roi » explique Philippe, 24 ans, qui travaille dans le secteur financier. « Je ne sais pas si c’est vraiment l’homme providentiel, on peine encore à le voir en homme d’État », explique-t-il pour signifier que son adhésion est pour le moment avant tout intellectuelle.
Francis Venciton et Robin de la section d’Arras vendent les publications de l’Action Française alors qu’Eric Zemmour cite sans cesse Jacques Bainville qui fut une figure du mouvement.
Alors, pour convaincre ces récalcitrants, depuis la tribune, l’essayiste et ancien député européen Paul-Marie Coûteaux lance : « Zemmour ne sera jamais un homme politique. Il sera un homme d’État ». La salle applaudit. Certaines références sont pourtant érudites – presque exotiques dans un meeting politique – notamment quand il invoque Ernst Kantorowicz et son essai sur la théologie politique médiévale. « Zemmour doit incarner le corps immémorial et immortel de la France. Il doit n’être rien d’autre que ce que la France attend depuis un demi-siècle. Il n’est pas assez d’être Président de la République, il doit être roi de France ! » Couteaux est le chauffeur de salle numéro 1 à l’applaudimètre avec Jean-Frédéric Poisson. Son discours est enlevé, mais la salle s’impatiente et bout d’entendre parler son candidat.
Mue d’orateur
Son arrivée est ponctuée d’incidents – on apprendra plus tard que le candidat a été agressé dans les allées – mais la salle est surchauffée. Le candidat est attendu au tournant quant à ses capacités d’orateur… Les lunettes de vue étonnent, mais le candidat se décrispe progressivement et les militants applaudissent à tout rompre certains de ses propos. Le rythme du discours est systématiquement ternaire – une allusion claire aux discours du Général de Gaulle. Alors qu’on le somme depuis plusieurs semaines de détailler un programme, Zemmour préfère énoncer des objectifs – toujours énoncés au futur, avec des verbes de résolution.
Ses analyses sont ponctuées de propositions souvent destinées à satisfaire un public de droite précis, comme lorsqu’il évoque la transmission du patrimoine, les droits de succession ou l’allégement de la fiscalité. Mais il fait aussi la promesse d’un 13e mois pour les smicards. Zemmour parle aux ouvriers meurtris par la désindustrialisation qui ne l’ont pas encore rallié aussi bien qu’aux héritiers et aux chefs d’entreprise. « L’école libre doit rester libre », « suppression des droits de succession » : il connait son public et ménage sa droite. Ces dernières propositions sont d’ailleurs très applaudies.
Plus politique, il fait acclamer son « ami Éric Ciotti » et huer Valérie Pécresse « héritière de Jacques Chirac ». À l’entrée, Antoine Diers, le moustachu médiatique de l’équipe de campagne de Zemmour, ne manquait pas de me rappeler qu’il est toujours à jour de cotisation chez LR, et qu’il a voté pour le député des Alpes Maritimes aux deux tours. Mais il tacle aussi son parti : « On s’apprête à faire la plus grande réunion publique de cette campagne, alors que les LR annulent leur rassemblement pour prétexte sanitaire… Sans doute par peur du ridicule, oui ! »
Eric Zemmour parle déjà en chef de parti : les électeurs du FN doivent le rejoindre pour sortir d’un vote stérile et les électeurs de LR conjurer les trahisons de leurs chefs. À mi-discours, la citation de Bernanos est très appréciée du public et à la sortie, les mots de l’orateur sont repris dans la plupart des discussions. Dans une ambiance survoltée – malgré quelques incidents et mouvements de foule, et même si son équipe ne s’est pas totalement départie des soupçons d’amateurisme – nous avons incontestablement assisté dimanche à la naissance d’une nouvelle force centrale de la politique française. D’ailleurs le Stand Reconquête !, le nouveau parti d’Éric Zemmour, fait le plein d’adhésions quand nous quittons les lieux.