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«Dans le procès des attentats du 13 novembre, on ne saura jamais la vérité»

Ingénieure lumière au Bataclan, Nathalie Jardin a été assassinée à l’âge de 31 ans lors de l’attentat du 13 novembre 2015. Aujourd’hui, son père Patrick Jardin n’a pas renoncé à vouloir connaître la vérité sur les zones d’ombres des attentats qui ont fait 131 morts et 413 blessés. Entretien. 


Causeur. Le 26 novembre, vous avez témoigné à la barre lors du procès des attentats du 13 novembre 2015. Qu’avez-vous dit ? 

Patrick Jardin. J’ai dit qu’évidemment j’en voulais aux assassins de ma fille, mais que j’en voulais autant aux hommes politiques en place à l’époque : François Hollande, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve et Jean-Yves Le Drian. J’estime qu’il y a eu énormément de compromissions avec les islamistes, j’estime qu’on aurait très bien pu éviter ces attentats. 

Avez-vous l’impression d’avoir été entendu ? 

Entendu oui, même si ça n’a pas plus au président du Tribunal. Il ne m’a d’ailleurs pas fait de cadeaux. Il m’a fait passer le dernier de la journée, quand il n’y avait plus grand monde dans la salle. Bizarrement, au moment où je suis passé, la salle s’est de nouveau remplie. Des gens chuchotaient mon nom dans la salle quand je l’ai traversée et une nuée de journalistes m’attendait à la sortie. De ce côté-là, il a donc raté son coup. 

En ce moment, vous allez quotidiennement au procès des attentats. Continuez-vous à témoigner ? 

Je ne témoigne plus, on ne peut plus. Je n’avais qu’une seule journée pour témoigner, c’était le 26 novembre. Désormais, j’écoute mais je n’ai plus droit à la parole. Mon avocat fait l’interface entre moi et la cour. Il n’y a que lui qui peut poser des questions, notamment aux hommes politiques. Du moins à ceux qui viennent. Avec mon avocat, c’est nous qui avons fait citer François Hollande et Bernard Cazeneuve à la barre. Le problème, c’est qu’ils manient très bien la langue de bois. Ils disent que ce n’est pas de leur faute, qu’ils ne sont pas responsables. François Hollande a même dit que si c’était à refaire, il ferait exactement la même chose. Heureusement qu’il n’est plus là.

Avez-vous pu parler à Manuel Valls et à Jean-Yves Le Drian ? 

Non. Il n’y a que Hollande et Cazeneuve qui soient venus, même si j’ai fait citer les quatre à la barre le même jour. On m’a dit que concernant Manuel Valls j’avais déposé la demande trop tard, mais j’ai pourtant tout déposé en même temps… J’ai d’ailleurs dit au président du Tribunal que je ne comprenais pas car j’avais tout déposé le même jour, et que je ne voyais pas pourquoi j’aurais fait ça en deux fois. Il m’a répondu que concernant Manuel Valls, je n’avais pas mis la bonne adresse. Pour un quidam comme moi, trouver la bonne adresse d’un ancien Premier ministre qui se promène entre l’Espagne et la France, ce n’est pas évident. Mais je pense quand même que si le Parquet avait vraiment voulu, il l’aurait trouvée. Concernant Jean-Yves Le Drian, j’ai fait adresser la convocation directement au ministère des Affaires étrangères. J’ose espérer qu’au ministère, ils savent quand même qu’il est le ministre !

Que voulez-vous leur dire ? 

J’ai des explications à leur demander. Manuel Valls a refusé d’examiner la liste de tous les djihadistes qui lui aurait été remise par l’ancien chef des services secrets en main propre. Il aurait refusé d’y prêter attention en raison du fait que cette liste avait été établie par les services secrets français en collaboration avec les services secrets syriens. 

Il a dit qu’on ne pouvait pas travailler avec Bachar El Assad. On connaît la suite… Il va donc falloir qu’il s’explique quand même là-dessus. Si le président de la cour daigne le convoquer car maintenant, cela est soumis à son pouvoir discrétionnaire. Si ce dernier n’accepte pas de le convoquer, il y a toute une procédure à faire. Mais vous pouvez compter sur moi pour la faire. 

N’avez-vous pas l’impression d’être seul dans cette bataille ? 

Au fur et à mesure que le temps avance, j’ai l’impression que je suis de moins en moins seul. J’ai lutté contre la tenue du concert du rappeur Médine au Bataclan et j’ai réussi à le faire annuler. À l’époque, j’avais demandé le concours des associations d’aide aux victimes des attentats Life For Paris et 13/11/2015. Elles ne m’ont jamais répondu. En revanche, ils étaient contents et ils ont essayé de tirer la couverture à eux en sous-entendant qu’ils étaient pour quelque chose. dans l’annulation. Cela ne m’a pas plu du tout. 

Justement, quels rapports avez-vous avec ces associations ? 

Lors du procès, le président de Life For Paris est venu me voir pour me féliciter. Pour me dire que bien qu’on ne soit pas d’accord sur tout, j’avais eu moins eu le courage de faire annuler ce concert. Le président de 13/11/2015 s’est publiquement indigné du fait que les enquêteurs belges ne donnaient pas les détails de leurs investigations. Sur ce point-là, je suis évidemment d’accord avec lui car c’est un scandale. J’estime qu’en tant que parents de victimes, nous avons droit à la vérité. En revanche, ce que je ne comprends pas, c’est qu’il ne s’indigne pas du silence de François Hollande et de Bernard Cazeneuve. Encore une fois, Hollande et Cazeneuve noient le poisson, ils ne veulent pas qu’on remue trop les zones d’ombre dans ces attentats. Et cela, ce n’est pas correct. 

Vous avez l’impression que la Justice ne fait pas son travail ? 

J’estime que dans ce procès, on ne saura jamais la vérité. Jamais. Je trouve cela lamentable car il s’agit quand même de l’attentat le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les enquêteurs belges n’ont rien à envier aux enquêteurs français. J’ai fortement l’impression qu’Oussama Atar [1] était de connivence avec les services belges. Au travers de ce que disent les enquêteurs belges, je crois que ce monsieur a quand même été employé comme indicateur pour les services belges. Et maintenant, les services belges sont bien embêtés pour nous dire la vérité. Je pense que les services belges ont tout intérêt à ce que l’on ne la sache pas, la vérité. Lorsque les avocats -que ce soit de la défense ou de parties civiles- posent des questions, ils s’arrangent pour ne pas répondre. Par exemple, ils se renvoient la responsabilité les uns sur les autres. Un avocat a fini par leur faire remarquer qu’ils n’arrêtaient pas de se renvoyer la balle. Voilà où on en est aujourd’hui. 

Et à votre avis, pourquoi en est-on là ? 

Je pense que les politiques se couvrent entre eux. Je pense qu’ils ne veulent pas que l’on parle des erreurs des uns et des autres. Je suis scandalisé du fait que le 4 mars 2016, le président Hollande soit allé remettre la Légion d’Honneur à Mohammed Ben Nayef, prince d’Arabie Saoudite, alors que l’on sait que l’Arabie Saoudite est un des principaux financiers du terrorisme. Mais ça, c’est un fait qu’on ne peut pas mettre sur la table au procès. C’est une des questions que nous n’avons pas pu poser à François Hollande parce que les avocats de la défense s’étaient, au départ, opposés à ce qu’il témoigne. Résultat de l’opération : le président de la cour a accepté d’entendre François Hollande, mais à condition qu’on ne lui pose des questions que sur les attentats et pas sur les choses annexes. J’ai donc dû oublier cette question. Les débats sont dirigés de façon à ce que personne ne puisse vraiment savoir ce qui s’est passé. C’est un véritable black-out dans ce procès. 

Suite à un portrait paru dans le journal Le Monde, dont le titre originel « Au procès des attentats du 13 novembre, la colère d’un père haineux » a été modifié, vous avez porté plainte pour diffamation. Pourquoi ? 

La journaliste du Monde a fait un portrait de moi uniquement à charge. Elle a notamment soutenu que j’avais fait partie d’un mouvement qui s’appelle l’AFO [2]. Elle s’est complètement leurrée, je n’ai jamais fait partie de ce mouvement. Annoncer des choses comme ça quand on est journaliste, j’estime que c’est grave. J’ai donc déposé plainte, en effet. Et le 8 décembre, j’ai une audience au Tribunal de Paris pour mise en accusation. 

Malgré tout, avez-vous un peu d’espoir ? 

Je ne sais pas. Je me sens blessé par le peu d’empathie vis-à-vis des victimes. Avec un peu de courage et d’honneur, il est certain que ces attentats auraient pu être évités. D’ailleurs, j’ai chargé mes avocats d’examiner la Constitution afin de voir s’il est possible de déposer une plainte pour haute trahison et non-assistance à personne en danger. Concernant le procès, j’espère que les djihadistes prendront les peines maximales prévues pour ces délits. Au niveau des indemnités, on sait très bien que rien ne sera reversé aux victimes. Je crois que les politiciens ne seront jamais mis en cause je trouve cela absolument anormal. Je sais que malgré mon action, je ne ferai plus jamais revenir ma fille. Mais si par mon action, je peux ouvrir les yeux des Français et empêcher que ça recommence, au moins ma fille ne sera pas décédée pour rien.

[1] Djihadiste belgo-marocain, haut responsable du service de renseignement de l’État islamique et cerveau des attentats du 13 novembre 2015

[2] Action des forces opérationnelles, organisation d’extrême droite

Changement de déco à la Villa Médicis

Certaines tapisseries qui ornent les murs de la Villa Médicis à Rome ne sont pas au goût du jour – c’est-à-dire au goût des décoloniaux. Mais ceux-ci auraient mieux fait d’examiner les œuvres de plus près…


La grande campagne pour « déconstruire notre histoire », selon l’injonction d’Emmanuel Macron, touche la Villa Médicis, cette auguste institution qui, avant d’accueillir des plasticiens dits « expérimentaux » et des écrivains politiquement corrects, a vu défiler Fragonard, Ingres, Berlioz et Balthus pour de fructueuses résidences artistiques. Certains des nouveaux pensionnaires se sentiraient « micro-agressés » par l’imagerie apparemment « coloniale » véhiculée par une série de tapisseries ornant le grand salon.

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Dans La Tribune de l’Art, Jérôme Delaplanche, l’ancien directeur du département de l’histoire de l’art de la Villa, alerte sur la menace qui pèse sur ces chefs-d’œuvre. Ces tapisseries ont été réalisées en 1687 par la Manufacture des Gobelins sur l’ordre de Louis XIV. L’ensemble, appelé La Tenture des Indes (c’est-à-dire, dans le vocabulaire de l’époque, les Indes occidentales, autrement dit, l’Amérique du Sud) reproduit des tableaux envoyés au roi de France par Jean-Maurice de Nassau-Siegen et représente les scènes d’une expédition hollandaise dans le nord-est du Brésil. Or, le 21 septembre a eu lieu un colloque ayant pour objectif de réévaluer les tapisseries à la lumière « du racisme, de l’esclavage et du passé colonial des nations ».

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L’absurdité de cette approche est évidente quand on sait que les Noirs qui figurent dans ces scènes ne sont pas du tout des esclaves, mais les ambassadeurs africains et leur entourage du royaume chrétien du Congo. Dans leur hâte de condamner, les décolonialistes se sont pris les pieds dans la tapisserie.

À temps pluvieux, mariage heureux

Pour un électeur de droite, il y a un gouffre entre les atermoiements de Valérie Pécresse et la radicalité d’un Eric Zemmour.


La droite républicaine est de retour ! Vive la mariée ! Le visage radieux, le verbe  performatif —« Le courage de dire et la volonté de faire ! » —Valérie Pécresse les a emballés. Avec un score large, elle était celle qu’on attendait. Elle avait, également, un atout : être une femme. Ciel ! Ciotti était trop radical, trop proche de Z la Terreur. Elle, elle est la Reine de France, adoubée dans son Isle. Elle porte notre espérance, et son slogan fait mouche : « Macron a une obsession. Moi j’ai une seule passion : faire nation. » Quelle expression malséante !

« Souvent femme varie. Bien fol est qui s’y fie » dit le proverbe. Le 5 juin 2019, Valérie Pécresse tweete : « En femme libre, je quitte les Républicains, persuadée que le parti ne pourra se refaire qu’à l’extérieur…, que les idées sont cadenassées et qu’il faut un élargissement de la droite. » En femme libre, cette année donc, elle rejoint le parti dont elle devient la présidente. Fort bien. Femme des terroirs et des ronds-points, éolienne parfaite des uns et des autres, carpette anglaise et carpette tout court, cette énarque fera une ministre parfaite de Macron. 

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Parlant anglais et japonais, elle était, en 2010, avec Taubira, pour une société multiculturelle et postraciale. En 2014, interrogée sur la PMA, elle est pour la famille « traditionnelle » et les enfants fabriqués à l’ancienne. Elle martèle même à la TV : « Quand je dis non, c’est non ! » Mais, quand le vent tourne, elle… retourne sa veste, elle est pour la PMA. Celle qui met sa biographie sur le site de l’île de France, en franco-anglais, persuadée qu’étudier La Recherche en anglais fait mieux connaître la langue de Proust, peut-elle affirmer qu’elle luttera pour faire respecter la loi Toubon ? Elle qui affirme que, si Macron a une obsession, c’est plaire, et qu’elle, n’a qu’une obsession, c’est faire, — original ?— croit-elle qu’elle va jouer la fière-à-bas avec les gauchos, les woke, les islamistes ? Va-t-elle les reconquérir, les territoires perdus de la République ? Macron réélu, elle sera son Premier ministre. Ralliez-vous donc à son panache blanc !

Je sais bien que ce n’est pas le moment, mais, en politique, avec les hommes politiques, ce n’est jamais le moment. Aussi, je la pose quand même, cette question. Pourquoi cette femme forte n’a-t-elle pas, ni les autres, d’ailleurs, ne serait-ce qu’en passant, effleuré le problème du meeting, rendu difficile, par les antifas, d’un candidat, proche, après tout, d’un de ses rivaux, même si celui-ci est devenu, par la grâce de l’onction républicaine, un de ses « amis » ?

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Alors, cette primaire, exemplaire ? Hors temps, oui ! La vérité est que tout le monde a été soulagé que « ça se soit bien passé ». Pas de lutte fratricide ni de petits meurtres entre amis ? Sauf que le tableau de famille avec Blanche-Neige, ce n’est pas la France d’aujourd’hui— avec son corps en miettes et ses bras cassés. Surtout, ce discours,  Valérie Pécresse ne l’aurait-elle pas emprunté à Zemmour ? !

Snoopy, est-ce de la poésie ou du divertissement?

Ou comment un beagle lunaire peut-il guider les hommes depuis plus de 70 ans sans avoir été élu.


L’actualité est trompeuse, mensongère même. On se vautre dans une élection comme on dévore une tablette de Galak. Avec gourmandise et écœurement. Chocolat blanc ou candidats, même combat. On se passionne aujourd’hui pour les micro-événements d’une campagne qui nous paraîtrons complètement dérisoires dans quelques semaines, voire dans quelques minutes. Comme si les messages politiques s’autodétruisaient à mesure qu’ils s’affichent sur l’écran noir de nos nuits blanches.

Double anniversaire

Nouvel opium du peuple, les élections sont un passe-temps pour des nations en fin de vie, une dernière récréation avant de fermer la boutique. Cette présidentielle nous ferait presque passer à côté d’un double anniversaire.

Snoopy est ce fado qui s’infiltre en nous et propage son virus de la fêlure…

En 2022, nous fêterons le centenaire de la naissance de Charles Monroe Schulz (1922-2000) à St Paul dans l’Etat du Minnesota et les 70 ans de l’apparition de la page en couleurs dominicale des Peanuts. Le créateur de Snoopy et de Charlie Brown, à l’égal d’un Dante ou d’un Jean de la Fontaine, est ce penseur décomplexé qui en quatre bandes, puis en trois, a cartooné notre existence, lui a ouvert le chemin vers la rêverie mélancolique et solitaire, a donné une consistance métaphysique à notre errance naturelle.

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Les personnages de Schulz sont des masques interchangeables, les différentes facettes de notre propre personnalité qui évolue au fil des heures d’une même journée. En même temps, nous sommes ce bon vieux Charlie Brown, perdant résilient et modèle de sainteté, mais aussi Lucy Van Pelt, emmerdeuse magistrale et psychiatre désaxée qui affirme sans ciller « Me connaître, c’est m’aimer » et aussi Schroeder, pianiste virtuose et fatalement incompris.

L’échelle des sentiments

Dans nos meilleurs jours, nous aspirons à devenir Woodstock, l’oiseau qui pousse l’amitié jusqu’à l’effacement. Même si, avouons-le, nous enfilons très souvent la couverture de Linus Van Pelt pour nous protéger des frimas du monde extérieur. Ce jeune garçon a anticipé tous nos débats actuels sur le besoin de sécurité. Nous varions ainsi sur l’échelle des sentiments tels les héros de ce comic strip né en 1950 et diffusé sur toute la planète. En 1990, pour ses quarante ans, les Peanuts étaient publiés dans près de 2 293 journaux à travers 67 pays. Notre attachement au chien de Charlie Brown est quasiment ontologique. C’est notre double de papier, tantôt apprenti écrivain qui bute après la première phrase de son roman inachevé : « Par une nuit sombre et orageuse… », héros de l’aviation de la Première Guerre mondiale qui combat le Baron Rouge ou encore plus cool que le « King of Cool » Steeve McQueen dans la peau de Joe Cool avec ses lunettes noires et son dilettantisme souverain. Nous l’avons tant aimé. Snoopy n’est-il pas le seul beagle à pouvoir voyager dans l’espace, fidèle compagnon et égérie de la NASA ? Les Peanuts, ces « choses insignifiantes » ont été déclinées à l’infini en produits dérivés et en objets publicitaires sans perdre leur part d’innocence et leur profondeur mystique. Le succès n’a pas dénaturé leur onde nostalgique, ce champ d’expression que tous les artistes recherchent.

Snoopy pour tous les âges de la vie

Est-ce leur apparente simplicité, la répétition mimétique des gestes du quotidien de cette bande de copains, la netteté graphique ou le miroir tendu sur notre enfance qui font de cette bande dessinée une œuvre majeure de la littérature mondiale ? Il suffit de lire, au hasard, quatre ou trois vignettes, à la volée, pour être saisi par la pertinence du propos et leur force d’évasion. Aucun philosophe, essayiste ou dramaturge ne concurrence Schulz par sa puissance d’abstraction et surtout son absence de morgue.

On revient à Snoopy à tous les âges de la vie, en y puisant cette tendresse écorchée des émotions oubliées et en sondant l’intranquillité du monde en mouvement.

Pour mieux comprendre les Peanuts, il faut avoir lu préalablement Fernando Pessoa qui sans le savoir en donne une définition lumineuse : « La tristesse solennelle qui hante toutes les grandes choses – les cimes comme les vies grandioses, les nuits profondes comme les poèmes éternels ». Snoopy est ce fado qui s’infiltre en nous et propage son virus de la fêlure. Une fêlure qui ne serait pas geignarde, ni ostentatoire, scellant seulement notre âme vagabonde. Umberto Eco fut le premier à théoriser les Peanuts dès 1963, dans la préface d’une édition italienne et à déclarer que Charles M. Schulz était un poète. « Nous aimons inconditionnellement, fiévreusement, férocement, insupportablement Charles M. Schulz » écrivait-il. En langue anglaise, sa formule devenue célèbre fait toujours mouche : « The poetry of Schulz is neither epic not dramatic, it is lyric ». On aimerait tant que les candidats possèdent ce lyrisme pour nous transporter.


Comment France 2 a instrumentalisé Joséphine Baker contre Zemmour

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La panthéonisation de Joséphine Baker nous a fait du bien, en cette période gangrenée par le wokisme et ses relents racialistes et anti-universalistes. Mais sur France 2, Nathalie Saint-Cricq et Julian Bugier ont quand même détourné subtilement l’évènement pour accabler Eric Zemmour.


Il y aurait certes beaucoup à dire sur Joséphine Baker, et notamment qu’elle représente l’archétype parfait de l’assimilation telle que bien des Français la souhaitent, voire l’exigent à juste titre, de la part de ceux qui viennent vivre dans notre pays – on dira bien sûr de ceux qui exigent çà qu’ils sont d’extrême droite. 

Son amour pour la France lui a fait prendre de vrais risques pendant la Seconde Guerre mondiale, et ne serait-ce que pour cette raison, elle mérite sans doute le Panthéon !

Les accointances des journalistes avec Pascal Blanchard

Mais les journalistes de service, tels qu’ils officiaient mardi sur France 2 pour commenter la cérémonie, par leur façon de conclure l’évènement, ont montré qu’ils étaient prêts à tout pour se hausser du col, se faire bien voir des élites progressistes, LGBT, antiracistes ou décolonialistes (qui avaient d’ailleurs leur représentant sur le plateau en la personne de Monsieur Blanchard).

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En effet, comment Madame Saint Cricq, journaliste politique sur le service public, a-t-elle conclu tout cet hommage ? En disant : « …Elle était noire, elle était bisexuelle, elle était libre, ça a été prononcé… C’est une certaine idée de la France que tout le monde n’a pas ». 

Et là, on imagine qu’elle frétillait intérieurement d’avoir osé ce petit coup de patte, destiné incontestablement à la France nauséeuse dont un représentant venait d’annoncer sa candidature. Suivez mon regard… Enchaînement magistral de Julian Bugier, le présentateur, qui se montra alors flagorneur envers la flagorneuse (il a du penser: “pas de raison qu’elle se fasse bien voir et pas moi!”) : « Merci pour l’allusion Nathalie, je n’en attendais pas moins de vous ! » Et là, on a vu notre décolonialiste de service rire dans sa barbe, béat de satisfaction.

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Le sens du devoir

Tous ces gens-là ont dû rentrer chez eux avec le sentiment du devoir accompli. Ils ont finalement réussi à faire passer leur message, toujours le même. Il y a d’un côté la France antiraciste, de gauche, les LGBTQ, et puis il y a de l’autre tous les autres, la France rance, pouah !

Moi, je dis que conclure l’hommage à une combattante française qui a joué sa vie pour son pays en résumant son être et son âme à « elle était noire, elle était bisexuelle, elle était libre », c’est une instrumentalisation assez ignoble et surtout tout à fait ridicule de sottise. Madame Saint-Cricq, les gens que vous méprisez, ils aiment et admirent Joséphine Baker, et savez-vous ce qu’ils pensent du fait qu’elle fût noire, et bisexuelle ? Ils s’en moquent !!

Des suspicions de racisme sur le Ballon d’Or

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Entre la sortie du beaujolais nouveau et l’élection de Miss France, la cérémonie du Ballon d’Or fait partie des petits rituels de la fin d’automne. Chaque année, à Paris, le monde du football arbore ses costumes les plus criards pour décerner le titre du meilleur joueur du monde, étrange entreprise individualiste dans un sport à première vue collectif…


Après une période (2010-2015) durant laquelle les sélectionneurs et les capitaines des sélections prirent aussi part au vote, le prestigieux prix du Ballon d’Or est de nouveau décerné par les journalistes, électeurs issus de tous les pays du monde. À mesure qu’il s’est internationalisé (au départ, c’était une récompense européenne), le trophée fait l’objet depuis quelques années d’accusations de racisme à l’égard des joueurs africains.

On retrouve les premières traces de ces polémiques en 2005, avec l’attaquant camerounais Samuel Eto’o, qui s’était élevé contre sa dixième place, estimant mériter beaucoup mieux. Le joueur, qui se distinguera dans sa carrière autant par son jeu que par son boulard surdimensionné, déclara ainsi : « Je ne suis pas parmi les trois premiers, pourtant j’ai autant de mérites ou plus que certains… Depuis que je suis au Barça, qui a fait mieux que moi ? Ce que ne tolèrent pas les Français, c’est qu’un Africain triomphe sans être passé par chez eux. S’ils ne sont pas contents, qu’ils aillent voir leur mère (…). Ceux qui ne croyaient pas en moi me lèchent le cul aujourd’hui pour une interview ». Cette allusion aux Français tient au fait que le Ballon d’Or a été créé par France Football en 1956 ; Samuel Eto’o exagérait sans doute l’importance du journal français dans le vote final. En réalité, toutes les nations européennes de football étaient représentées par un journaliste électeur et la part française ne pesait qu’1/52ème des voix. Passé brièvement durant son adolescence par les centres de formation du Havre et du Paris Saint-Germain mais n’ayant pas pu s’y installer puisque sans-papier, Samuel Eto’o semble avoir gardé une rancœur tenace contre la France. 

Gilles Verdez antiraciste de plateaux TV

Une quinzaine d’années plus tard, ces polémiques refont surface. À peine plus feutré que l’ancien attaquant du FC Barcelone, Gilles Verdez, jadis chroniqueur dans l’émission On refait le match d’Eugène Saccomano, s’était emporté à son tour, en décembre 2019 [1]: « Si Messi, joueur extraordinaire au demeurant, est Ballon d’Or, ce Ballon d’Or mythique, cette récompense adulée, perd toute crédibilité. On peut aussi lui donner à vie, mais le joueur de l’année est Sadio Mané [international sénégalais qui avait gagné cette année-là la Ligue des Champions]. Visiblement sa couleur dérange. Je suis révolté ». Habib Beye, ancien international sénégalais, avait précisé à son tour [2] : « Mais en même temps, je vais vous dire, on va repartir sur ce qu’on a déjà dit. Peut-être que les gens verront ça comme de la victimisation : il est Africain, et c’est pour ça qu’il est quatrième. Vous pouvez le tourner dans tous les sens, c’est pour ça qu’il est quatrième »

Après deux ans d’absence (France Football avait annulé le Ballon d’Or en 2020 à cause du Covid), le trophée a fait son retour cette année, avec son nouveau lot de débats. Des voix se sont élevées contre le nouveau trophée remporté par Leo Messi. Patrice Evra, ancien capitaine de l’équipe de France, parle de « corruption ». Le titre de meilleur gardien de l’année – décerné à l’Italien Gianluigi Donnarumma, champion d’Europe avec sa sélection, plutôt qu’au Sénégalais Edouard Mendy, vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea – fait aussi débat. Habib Beye est une nouvelle fois monté au filet pour défendre son compatriote. Pourtant, le portier transalpin a été élu meilleur joueur du dernier Euro et s’il pouvait y avoir match entre les deux hommes, la remise du titre au gardien du PSG n’a rien de scandaleux.

Plusieurs joueurs de couleur ont en réalité déjà remporté le prix

« [Mendy] est Africain et Sénégalais, et sa sélection ne rayonne pas comme l’Italie peut rayonner aujourd’hui en aura médiatique, dans tout ce que ça représente [3] » précise Beye. Il est vrai qu’appartenir à une grande nation qui brille dans les grandes compétitions internationales n’a jamais été un handicap pour décrocher le Ballon d’Or ; même si en 1995, l’attaquant libérien George Weah avait fini premier au classement devant le Finlandais Jari Litmanen, troisième. Car ceux qui veulent voir du racisme dans l’attribution du Ballon d’Or se gardent bien de rappeler que le trophée a été remis une fois à un joueur africain, en 1995 donc, l’année même où France Football étendait le prix aux joueurs non-européens. En remontant un peu dans le temps, on peut également citer l’international portugais né au Mozambique, Eusebio, lauréat en 1965. Et d’autres joueurs de couleur l’ont emporté, comme le Néerlandais Ruud Gullit et les Brésiliens Ronaldo, Rivaldo et Ronaldinho.

En réalité, jusqu’en 1995, le Ballon d’Or était à ses origines un titre européen ; c’est la raison pour laquelle ni Pelé ni Diego Maradona ne l’ont remporté. Les règles du Ballon d’Or ont évolué en faveur d’un élargissement toujours plus grand ; en 2007, les journalistes des autres continents ont fait leur apparition dans le jury. Ainsi, on peut consulter chaque année, début décembre, dans les colonnes de France Football, les choix des journalistes de la Corée du Nord, du Bhoutan et de la Somalie. Une autre chose que ne soulignent jamais Habib Beye, Gilles Verdez et consort : les pays africains participent eux-mêmes au vote, et avec 48 électeurs sur 170, ils représentent plus d’un quart du scrutin ! Et leurs suffrages sont allés cette année en priorité vers le Polonais Lewandowski, l’Argentin Messi et l’Italien Jorginho. Le paradoxe, c’est qu’il existe toujours un Ballon d’Or africain (remporté en 2019 par Sadio Mané) mais il n’existe plus de Ballon d’Or européen.

Nos belles âmes oublient surtout qu’il n’y a qu’un seul lauréat par an, et qu’un paquet de grands joueurs sont passés à côté : l’Espagnol Raul, le gardien de but Gianluigi Buffon, les défenseurs Paolo Maldini et Roberto Carlos, l’ancien bleu Thierry Henry, sans compter l’attaquant hongrois Ferenc Puskas, star des années 1950-1960. Ces absences dans le palmarès sont ni plus ni moins injustes que celles de Samuel Eto’o, Didier Drogba ou Sadio Mané. En 2020, le prix n’a pas été décerné, et le monde a continué de tourner – plus ou moins rond.


[1] https://www.90min.com/fr/posts/6509144-ballon-d-or-gilles-verdez-incendie-sur-twitter-apres-son-commentaire-polemique

[2] https://www.footmercato.net/a5645620165011133168-ballon-dor-2019-habib-beye-sinsurge-contre-le-classement-de-sadio-mane

[3] https://www.football365.fr/ballon-dor-donnarumma-mendy-furieux-beye-denonce-une-hypocrisie-10002052.html#item=1

Olivier Amiel: un premier roman orwellien

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Avec Les petites souris, l’auteur a écrit le 1984 de la woke culture, fondé sur des découvertes scientifiques bien réelles. Il interroge la nature même du roman dans une vertigineuse mise en abyme fictionnelle…


Un écrivain, coupable d’avoir encouru l’ire féministe pour un roman à succès, essaie de se racheter en tricotant sur mesure pour les censeurs l’histoire d’un couple de lesbiennes, dont la passion éclot en prison.

On n’est pas loin de 1984, dans Les petites souris d’Olivier Amiel. On a vérifié auprès du Professeur Google. Le ministère de la wiki-vérité corrobore que toutes les recherches et les découvertes dévoilées dans le roman appartiennent au réel. Quid des applications qui en seront tirées ? La « confabulation thérapeutique » est aussi invraisemblable que l’hélicoptère de Léonard de Vinci ou le sous-marin de Jules Verne l’ont été à leur époque, sauf qu’ils ont fini par voir le jour.

Au générique des Petites souris, les scoops scientifiques ne sont pas les seules stars : leurs inventeurs, les savants qu’on croirait nominés pour le Nobel de la fiction existent tous pour de vrai : Joe Z. Tsien et ses souris élevées en laboratoire, apprennent plus vite et retiennent mieux que leurs congénères nées en liberté. Susumu Tonegawa, qui croit savoir pourquoi les souris de Tsien sont des surdouées, a découvert que les souvenirs sont formés et récupérés grâce à des ensembles de cellules modifiables et  reprogrammables. Quant aux accusations néoféministes suivies de menaces de mort sociale, elles ne sont pas une extrapolation de l’auteur, mais la réalité quotidienne d’une société malade d’ennui.

Plus faux que nature

Au centre du roman dans le roman, ce couple de lesbiennes qui se sont connues en prison.

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Elles sont, au choix, les avatars ou bien les réincarnations, ou encore tout simplement les véritables protagonistes d’amours pénitentiaires, qui ont vraiment existé, comme les souris Doogie. Les autres personnages ont tous l’air plus faux que nature, mais ils sont authentiques, à défaut d’être tous vivants : il y a Sam Sarpong, mannequin aussi célèbre pour sa mort – il a sauté du pont des suicides à Los Angeles – que pour ses défilés et ses films, Neil Patrick Harris, acteur connu pour son statut d’homo à la ville, ou Viki Odintcova, une mannequin russe qui s’est fait photographier au-dessus du vide depuis la terrasse d’un gratte-ciel de 300 mètres à  Dubaï…

Personnalités multiples

Une fois mordu par Les petites souris d’Amiel, on ressort sonné de l’expérience. Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est inventé? Dans cette succession de mises en abyme, quel auteur s’adresse à quel public ?

À défaut de convictions innées, le lecteur peut revendiquer des certitudes acquises : l’auteur a des personnalités multiples, les personnages ne sont pas ce qu’ils disent être, ni ce qu’ils croient être et, last but not least, si tout n’est pas dans tout, le rien recèle des surprises.

Les petites souris d’Olivier Amiel (éditions Les Presses littéraires, 118 pages, 11€)

Les petites souris

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«Aline», vrai-faux biopic

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Quand Valérie Lemercier s’empare de la légende Céline Dion


Ceux qui ignorent la sortie en salle, le 10 novembre dernier, du film Aline, le vrai faux biopic de Céline Dion, réalisé par Valérie Lemercier, doivent vivre sur Mars. Autant affirmer d’emblée que c’est très réussi.

Trouvailles narratives

L’exercice du biopic est très périlleux, le spectateur a toujours en tête la vie du personnage, et les acteurs sont souvent tentés par l’imitation, jusqu’au grotesque dans le cas de Marion Cotillard, qui a massacré Piaf.

Lemercier déjoue tous les pièges avec une grande intelligence. En y mettant beaucoup de sincérité, on sent une véritable affection pour le personnage, et elle a d’ailleurs affirmé que Céline a toujours fait partie de sa vie. Par ailleurs, il y a d’excellentes trouvailles narratives, comme la réalité augmentée, le mélange des petits arrangements avec la vérité avec quelques images d’archives, et la structure qui rappelle celle des contes de fées. Les acteurs sont tous exceptionnels, Valérie Lemercier réussit l’exploit d’être à la fois sobre et tourbillonnante de drôlerie. La mayonnaise a superbement pris.

Une mythologie à la Piaf

C’est l’histoire d’une petite fille, la dernière de quatorze enfants, celle que l’on n’attendait plus, qui a une voix surnaturelle. Avec l’aide de bonnes fées et de l’amour sans failles de sa famille, elle deviendra une star internationale de la chanson.

Elle n’est pas très jolie ? Qu’à cela ne tienne, ça s’arrange. Elle ne parle pas anglais ? Ca s’apprend. L’essentiel c’est la voix

Cette histoire est contée sans ironie aucune, la chaleur qui émane de cette famille, au milieu des paysages enneigés du Québec, transperce l’écran. On voit la famille s’agrandir gaiement jusqu’à compter quatorze enfants. Lorsqu’arrive la dernière, sa mère décide de l’appeler Aline, à cause de la chanson de Christophe. Dans la réalité, ce fut Céline à cause de la chanson d’Hughes Aufrey. Ce procédé crée à la fois une distanciation et une proximité. Nous sommes d’ailleurs peut-être plus proches de ces vrais/faux personnages, que nous le sommes des originaux quand le biopic colle complètement à la réalité.

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Nous entrons de plein pied dans l’archétype à la Piaf, dans la mythologie de la petite chanteuse sortie de nulle part et qui atteint le firmament. La trajectoire n’est semée que de peu d’embûches, sa voix la dépasse et la guide : « comment une si grande voix peut-elle sortir d’un si petit corps » ? dira Guy-Claude, le personnage de René Angelil, son impresario, qui deviendra monsieur Céline Dion. Elle n’est pas très jolie ? Qu’à cela ne tienne, ça s’arrange. Elle ne parle pas anglais ? Ca s’apprend. L’essentiel c’est la voix.

Le premier cachet de Cendrillon

Tel le Petit Poucet et ses petits cailloux, la réalisatrice sème pendant tout son film des objets symboliques qui ne cesseront de rappeler à la star sa vie d’avant : des porte-bonheurs, une pièce de quelques centimes que son père lui offrit pour sa première audition, des réflexes de « pauvres » (ex : Céline/Aline pique partout où elle va des sachets de sucre, même au faîte de sa gloire à Las Vegas, son sac en est rempli)… Telle Cendrillon, elle s’achètera des escarpins dorés avec son premier cachet et plus tard, collectionnera les chaussures.

Le récit est focalisé sur son histoire d’amour avec Guy-Claude, empêchée au début par la trop grande différence d’âge, mais ce qu’Aline veut, elle l’aura. Nous sommes là en pleine comédie romantique, Guy-Claude / René fait sa demande en mariage avec une bague cachée dans une glace au chocolat, et à la fin, lorsque celui-ci souffre d’un cancer, Aline / Céline lui fait des signes complices et enfantins, alors qu’elle chante sur scène et qu’il la suit devant sa télé. Nous avons envie d’y croire, à cette idylle, car cela est sacrément rafraîchissant à notre époque où même les histoires d’amour sont politiques…

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La performance de Valérie Lemercier vaut à elle seule le déplacement. Elle joue Aline tout au long de sa vie, même enfant. Dans ma grande naïveté, j’étais interloquée au début : comment diable fait-elle pour avoir le corps d’une gamine de dix ans ? Chacun se souvient de son personnage de petite fille dans une parodie de l’Ecole des fans de Jacques Martin… Il s’agit bien sûr dans le film d’effets spéciaux que je serais bien en peine d’expliquer ici. Reste que c’est du grand Valérie Lemercier. Dans « Aline », nulle parodie, mais une émotion subtile mêlée de beaucoup d’humour. C’est aussi une des grandes forces du film. Comme dans tous les contes de fées, il y a des obstacles. Aline perd à un moment son pouvoir magique, sa voix. Obligée de se taire pendant des mois, elle s’aperçoit finalement qu’elle n’aime plus parler. Comme si sa voix ne devait exister que par le chant…

Aline en salle depuis le 11 novembre.

Le dérèglement démographique des fonctionnaires

Contrairement à une idée reçue, les grands centres urbains ne sont pas forcément plus fournis en fonctionnaires…


Où trouve-t-on le plus de fonctionnaires ? Au soleil, pardi ! Présidée par l’ancien magistrat de la Cour des comptes François Ecalle, l’association Fipeco (Finances publiques et économie) vient de publier son rapport sur la répartition des fonctionnaires en 2019. Sans surprise, les DOM et la Corse sont les mieux lotis. Hors DOM et Île-de-France, la région PACA est la plus prisée. Mais il y a plus surprenant : contrairement à une idée bien ancrée, les départements ruraux, loin d’être systématiquement défavorisés, sont mieux pourvus en emplois publics que ceux de la région parisienne. En mettant de côté les DOM et Paris, les taux d’administration les plus importants se trouvent dans la Haute-Vienne et la Vienne. Au niveau de la fonction publique d’État, en considérant la Guyane hors catégorie, la Haute-Garonne et l’Ille-et-Vilaine raflent la mise.

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En se penchant sur la fonction publique hospitalière, on découvre que la Haute-Vienne, l’Allier, le Territoire de Belfort ont un taux de fonctionnaires par nombre d’habitants un peu plus élevé que Paris. Et que, d’une façon générale, les taux les plus élevés d’administration hospitalière se trouvent à la campagne, notamment dans la « diagonale du vide ». Ainsi, la Creuse, avec un taux de 27,9 pour 1 000 habitants, dépasse la capitale (25,3 pour 1 000 habitants). « Depuis 2011, le taux d’administration a augmenté dans les zones moins denses et a diminué dans les zones plus denses », rappelle François Ecalle en s’appuyant sur une étude de l’Insee.

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Qui sont les grands perdants ? La Seine-et-Marne, l’Essonne, les Yvelines et la Seine-Saint-Denis, dont les taux d’administration hospitalière oscillent entre 9 et 10. Et François Ecalle de pointer « la lenteur de l’adaptation hospitalière aux évolutions démographiques ». Pour lutter contre le dérèglement démographique, va-t-il falloir embaucher plus de fonctionnaires en banlieue parisienne ?

Insultez, insultez, il en restera toujours quelque chose

Il y a des mots qui volent très bas.


Depuis mardi, Zemmour a cessé d’être un polémiste pour se transformer en un homme politique. Il était temps qu’il se déclare car le plaisir avait assez duré.

Le candidat Zemmour est désormais critiquable, condamnable si l’on veut. Il a des qualités (quelques-unes) et des défauts (forts nombreux). Est-il nécessaire de rappeler ici ses tentatives de réhabiliter Pétain et Vichy, que je trouve lamentables ?

La vidéo qui a officialisé sa candidature n’échappe pas à ces critiques. Elle est lugubre et mortifère. Comme il l’est lui-même lorsqu’il s’essaye à une posture gaullienne.

Il y a toutefois dedans de belles envolées quand il s’adresse aux Français pour leur dire « vous ne reconnaissez plus votre pays, la France de De Gaulle, de Gavroche, de Cosette, de Gabin, de Bardot »…

Même si ça date un peu, le style et la passion sont au rendez-vous. De cette France-là, Zemmour et les Français n’ont pas fait leur deuil. Le problème est que quand le nouveau candidat à la présidentielle sonne le tocsin, c’est le glas qu’on entend. Il s’est fait accompagner par les notes de la 7ème de Beethoven : la marche funèbre de Chopin eut été plus adaptée.

Posons donc comme principe que Zemmour est un décliniste, un passéiste et qu’il a endossé la tenue d’un croque-mort. On devrait pouvoir s’arrêter là. Tel n’est pas le cas de Boris Vallaud, député PS, directeur de campagne d’Anne Hidalgo et surtout connu pour être l’époux de Najat Vallaud-Belkacem.

Comme il était las de rester dans l’ombre de l’ancienne ministre de l’Education nationale, il a décidé de frapper un grand coup afin que les projecteurs le mettent en pleine lumière. « Zemmour est un pou qui se dresse sur la tête d’un géant en mimant l’appel du général de Gaulle », a-t-il déclaré. Un pou !!

Dans le registre de nos dégoûts, le pou occupe une place de choix avec les répugnants cafards et cancrelats. Les poux ont les tue, on les extermine : il y a des produits pour cela.

Animaliser ses adversaires est une spécialité des régimes totalitaires. Staline traitait ses ennemis de chacals et de hyènes. Hitler qualifiait les Juifs de rats pour rendre acceptable la Solution Finale. Car que faire avec les rats porteurs de la peste, sinon les condamner à disparaître ? Un jour après la Libération, Darquier de Pellepoix, ancien commissaire général aux questions juives fut interviewé. Il déclara : « A Auschwitz, on n’a gazé que les poux » ! Il est vrai que c’était avec du Zyclon B. Mais je n’irais bien sûr pas comparer Boris Vallaud avec Darquier de Pellepoix…


Ps : Darmanin a qualifié la vidéo de Zemmour d' »ignoble ». La campagne électorale s’annonce riche et prometteuse. Mais comme, contrairement à Boris Vallaud, le ministre de l’Intérieur est un modéré, il n’a pas qualifié Zemmour de pou !

«Dans le procès des attentats du 13 novembre, on ne saura jamais la vérité»

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Patrick Jardin D.R.

Ingénieure lumière au Bataclan, Nathalie Jardin a été assassinée à l’âge de 31 ans lors de l’attentat du 13 novembre 2015. Aujourd’hui, son père Patrick Jardin n’a pas renoncé à vouloir connaître la vérité sur les zones d’ombres des attentats qui ont fait 131 morts et 413 blessés. Entretien. 


Causeur. Le 26 novembre, vous avez témoigné à la barre lors du procès des attentats du 13 novembre 2015. Qu’avez-vous dit ? 

Patrick Jardin. J’ai dit qu’évidemment j’en voulais aux assassins de ma fille, mais que j’en voulais autant aux hommes politiques en place à l’époque : François Hollande, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve et Jean-Yves Le Drian. J’estime qu’il y a eu énormément de compromissions avec les islamistes, j’estime qu’on aurait très bien pu éviter ces attentats. 

Avez-vous l’impression d’avoir été entendu ? 

Entendu oui, même si ça n’a pas plus au président du Tribunal. Il ne m’a d’ailleurs pas fait de cadeaux. Il m’a fait passer le dernier de la journée, quand il n’y avait plus grand monde dans la salle. Bizarrement, au moment où je suis passé, la salle s’est de nouveau remplie. Des gens chuchotaient mon nom dans la salle quand je l’ai traversée et une nuée de journalistes m’attendait à la sortie. De ce côté-là, il a donc raté son coup. 

En ce moment, vous allez quotidiennement au procès des attentats. Continuez-vous à témoigner ? 

Je ne témoigne plus, on ne peut plus. Je n’avais qu’une seule journée pour témoigner, c’était le 26 novembre. Désormais, j’écoute mais je n’ai plus droit à la parole. Mon avocat fait l’interface entre moi et la cour. Il n’y a que lui qui peut poser des questions, notamment aux hommes politiques. Du moins à ceux qui viennent. Avec mon avocat, c’est nous qui avons fait citer François Hollande et Bernard Cazeneuve à la barre. Le problème, c’est qu’ils manient très bien la langue de bois. Ils disent que ce n’est pas de leur faute, qu’ils ne sont pas responsables. François Hollande a même dit que si c’était à refaire, il ferait exactement la même chose. Heureusement qu’il n’est plus là.

Avez-vous pu parler à Manuel Valls et à Jean-Yves Le Drian ? 

Non. Il n’y a que Hollande et Cazeneuve qui soient venus, même si j’ai fait citer les quatre à la barre le même jour. On m’a dit que concernant Manuel Valls j’avais déposé la demande trop tard, mais j’ai pourtant tout déposé en même temps… J’ai d’ailleurs dit au président du Tribunal que je ne comprenais pas car j’avais tout déposé le même jour, et que je ne voyais pas pourquoi j’aurais fait ça en deux fois. Il m’a répondu que concernant Manuel Valls, je n’avais pas mis la bonne adresse. Pour un quidam comme moi, trouver la bonne adresse d’un ancien Premier ministre qui se promène entre l’Espagne et la France, ce n’est pas évident. Mais je pense quand même que si le Parquet avait vraiment voulu, il l’aurait trouvée. Concernant Jean-Yves Le Drian, j’ai fait adresser la convocation directement au ministère des Affaires étrangères. J’ose espérer qu’au ministère, ils savent quand même qu’il est le ministre !

Que voulez-vous leur dire ? 

J’ai des explications à leur demander. Manuel Valls a refusé d’examiner la liste de tous les djihadistes qui lui aurait été remise par l’ancien chef des services secrets en main propre. Il aurait refusé d’y prêter attention en raison du fait que cette liste avait été établie par les services secrets français en collaboration avec les services secrets syriens. 

Il a dit qu’on ne pouvait pas travailler avec Bachar El Assad. On connaît la suite… Il va donc falloir qu’il s’explique quand même là-dessus. Si le président de la cour daigne le convoquer car maintenant, cela est soumis à son pouvoir discrétionnaire. Si ce dernier n’accepte pas de le convoquer, il y a toute une procédure à faire. Mais vous pouvez compter sur moi pour la faire. 

N’avez-vous pas l’impression d’être seul dans cette bataille ? 

Au fur et à mesure que le temps avance, j’ai l’impression que je suis de moins en moins seul. J’ai lutté contre la tenue du concert du rappeur Médine au Bataclan et j’ai réussi à le faire annuler. À l’époque, j’avais demandé le concours des associations d’aide aux victimes des attentats Life For Paris et 13/11/2015. Elles ne m’ont jamais répondu. En revanche, ils étaient contents et ils ont essayé de tirer la couverture à eux en sous-entendant qu’ils étaient pour quelque chose. dans l’annulation. Cela ne m’a pas plu du tout. 

Justement, quels rapports avez-vous avec ces associations ? 

Lors du procès, le président de Life For Paris est venu me voir pour me féliciter. Pour me dire que bien qu’on ne soit pas d’accord sur tout, j’avais eu moins eu le courage de faire annuler ce concert. Le président de 13/11/2015 s’est publiquement indigné du fait que les enquêteurs belges ne donnaient pas les détails de leurs investigations. Sur ce point-là, je suis évidemment d’accord avec lui car c’est un scandale. J’estime qu’en tant que parents de victimes, nous avons droit à la vérité. En revanche, ce que je ne comprends pas, c’est qu’il ne s’indigne pas du silence de François Hollande et de Bernard Cazeneuve. Encore une fois, Hollande et Cazeneuve noient le poisson, ils ne veulent pas qu’on remue trop les zones d’ombre dans ces attentats. Et cela, ce n’est pas correct. 

Vous avez l’impression que la Justice ne fait pas son travail ? 

J’estime que dans ce procès, on ne saura jamais la vérité. Jamais. Je trouve cela lamentable car il s’agit quand même de l’attentat le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les enquêteurs belges n’ont rien à envier aux enquêteurs français. J’ai fortement l’impression qu’Oussama Atar [1] était de connivence avec les services belges. Au travers de ce que disent les enquêteurs belges, je crois que ce monsieur a quand même été employé comme indicateur pour les services belges. Et maintenant, les services belges sont bien embêtés pour nous dire la vérité. Je pense que les services belges ont tout intérêt à ce que l’on ne la sache pas, la vérité. Lorsque les avocats -que ce soit de la défense ou de parties civiles- posent des questions, ils s’arrangent pour ne pas répondre. Par exemple, ils se renvoient la responsabilité les uns sur les autres. Un avocat a fini par leur faire remarquer qu’ils n’arrêtaient pas de se renvoyer la balle. Voilà où on en est aujourd’hui. 

Et à votre avis, pourquoi en est-on là ? 

Je pense que les politiques se couvrent entre eux. Je pense qu’ils ne veulent pas que l’on parle des erreurs des uns et des autres. Je suis scandalisé du fait que le 4 mars 2016, le président Hollande soit allé remettre la Légion d’Honneur à Mohammed Ben Nayef, prince d’Arabie Saoudite, alors que l’on sait que l’Arabie Saoudite est un des principaux financiers du terrorisme. Mais ça, c’est un fait qu’on ne peut pas mettre sur la table au procès. C’est une des questions que nous n’avons pas pu poser à François Hollande parce que les avocats de la défense s’étaient, au départ, opposés à ce qu’il témoigne. Résultat de l’opération : le président de la cour a accepté d’entendre François Hollande, mais à condition qu’on ne lui pose des questions que sur les attentats et pas sur les choses annexes. J’ai donc dû oublier cette question. Les débats sont dirigés de façon à ce que personne ne puisse vraiment savoir ce qui s’est passé. C’est un véritable black-out dans ce procès. 

Suite à un portrait paru dans le journal Le Monde, dont le titre originel « Au procès des attentats du 13 novembre, la colère d’un père haineux » a été modifié, vous avez porté plainte pour diffamation. Pourquoi ? 

La journaliste du Monde a fait un portrait de moi uniquement à charge. Elle a notamment soutenu que j’avais fait partie d’un mouvement qui s’appelle l’AFO [2]. Elle s’est complètement leurrée, je n’ai jamais fait partie de ce mouvement. Annoncer des choses comme ça quand on est journaliste, j’estime que c’est grave. J’ai donc déposé plainte, en effet. Et le 8 décembre, j’ai une audience au Tribunal de Paris pour mise en accusation. 

Malgré tout, avez-vous un peu d’espoir ? 

Je ne sais pas. Je me sens blessé par le peu d’empathie vis-à-vis des victimes. Avec un peu de courage et d’honneur, il est certain que ces attentats auraient pu être évités. D’ailleurs, j’ai chargé mes avocats d’examiner la Constitution afin de voir s’il est possible de déposer une plainte pour haute trahison et non-assistance à personne en danger. Concernant le procès, j’espère que les djihadistes prendront les peines maximales prévues pour ces délits. Au niveau des indemnités, on sait très bien que rien ne sera reversé aux victimes. Je crois que les politiciens ne seront jamais mis en cause je trouve cela absolument anormal. Je sais que malgré mon action, je ne ferai plus jamais revenir ma fille. Mais si par mon action, je peux ouvrir les yeux des Français et empêcher que ça recommence, au moins ma fille ne sera pas décédée pour rien.

[1] Djihadiste belgo-marocain, haut responsable du service de renseignement de l’État islamique et cerveau des attentats du 13 novembre 2015

[2] Action des forces opérationnelles, organisation d’extrême droite

Changement de déco à la Villa Médicis

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D.R.

Certaines tapisseries qui ornent les murs de la Villa Médicis à Rome ne sont pas au goût du jour – c’est-à-dire au goût des décoloniaux. Mais ceux-ci auraient mieux fait d’examiner les œuvres de plus près…


La grande campagne pour « déconstruire notre histoire », selon l’injonction d’Emmanuel Macron, touche la Villa Médicis, cette auguste institution qui, avant d’accueillir des plasticiens dits « expérimentaux » et des écrivains politiquement corrects, a vu défiler Fragonard, Ingres, Berlioz et Balthus pour de fructueuses résidences artistiques. Certains des nouveaux pensionnaires se sentiraient « micro-agressés » par l’imagerie apparemment « coloniale » véhiculée par une série de tapisseries ornant le grand salon.

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Dans La Tribune de l’Art, Jérôme Delaplanche, l’ancien directeur du département de l’histoire de l’art de la Villa, alerte sur la menace qui pèse sur ces chefs-d’œuvre. Ces tapisseries ont été réalisées en 1687 par la Manufacture des Gobelins sur l’ordre de Louis XIV. L’ensemble, appelé La Tenture des Indes (c’est-à-dire, dans le vocabulaire de l’époque, les Indes occidentales, autrement dit, l’Amérique du Sud) reproduit des tableaux envoyés au roi de France par Jean-Maurice de Nassau-Siegen et représente les scènes d’une expédition hollandaise dans le nord-est du Brésil. Or, le 21 septembre a eu lieu un colloque ayant pour objectif de réévaluer les tapisseries à la lumière « du racisme, de l’esclavage et du passé colonial des nations ».

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L’absurdité de cette approche est évidente quand on sait que les Noirs qui figurent dans ces scènes ne sont pas du tout des esclaves, mais les ambassadeurs africains et leur entourage du royaume chrétien du Congo. Dans leur hâte de condamner, les décolonialistes se sont pris les pieds dans la tapisserie.

À temps pluvieux, mariage heureux

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Valérie Pécresse investie, 4 décembre 2021 à Paris © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage : 01051524_000039

Pour un électeur de droite, il y a un gouffre entre les atermoiements de Valérie Pécresse et la radicalité d’un Eric Zemmour.


La droite républicaine est de retour ! Vive la mariée ! Le visage radieux, le verbe  performatif —« Le courage de dire et la volonté de faire ! » —Valérie Pécresse les a emballés. Avec un score large, elle était celle qu’on attendait. Elle avait, également, un atout : être une femme. Ciel ! Ciotti était trop radical, trop proche de Z la Terreur. Elle, elle est la Reine de France, adoubée dans son Isle. Elle porte notre espérance, et son slogan fait mouche : « Macron a une obsession. Moi j’ai une seule passion : faire nation. » Quelle expression malséante !

« Souvent femme varie. Bien fol est qui s’y fie » dit le proverbe. Le 5 juin 2019, Valérie Pécresse tweete : « En femme libre, je quitte les Républicains, persuadée que le parti ne pourra se refaire qu’à l’extérieur…, que les idées sont cadenassées et qu’il faut un élargissement de la droite. » En femme libre, cette année donc, elle rejoint le parti dont elle devient la présidente. Fort bien. Femme des terroirs et des ronds-points, éolienne parfaite des uns et des autres, carpette anglaise et carpette tout court, cette énarque fera une ministre parfaite de Macron. 

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Parlant anglais et japonais, elle était, en 2010, avec Taubira, pour une société multiculturelle et postraciale. En 2014, interrogée sur la PMA, elle est pour la famille « traditionnelle » et les enfants fabriqués à l’ancienne. Elle martèle même à la TV : « Quand je dis non, c’est non ! » Mais, quand le vent tourne, elle… retourne sa veste, elle est pour la PMA. Celle qui met sa biographie sur le site de l’île de France, en franco-anglais, persuadée qu’étudier La Recherche en anglais fait mieux connaître la langue de Proust, peut-elle affirmer qu’elle luttera pour faire respecter la loi Toubon ? Elle qui affirme que, si Macron a une obsession, c’est plaire, et qu’elle, n’a qu’une obsession, c’est faire, — original ?— croit-elle qu’elle va jouer la fière-à-bas avec les gauchos, les woke, les islamistes ? Va-t-elle les reconquérir, les territoires perdus de la République ? Macron réélu, elle sera son Premier ministre. Ralliez-vous donc à son panache blanc !

Je sais bien que ce n’est pas le moment, mais, en politique, avec les hommes politiques, ce n’est jamais le moment. Aussi, je la pose quand même, cette question. Pourquoi cette femme forte n’a-t-elle pas, ni les autres, d’ailleurs, ne serait-ce qu’en passant, effleuré le problème du meeting, rendu difficile, par les antifas, d’un candidat, proche, après tout, d’un de ses rivaux, même si celui-ci est devenu, par la grâce de l’onction républicaine, un de ses « amis » ?

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Alors, cette primaire, exemplaire ? Hors temps, oui ! La vérité est que tout le monde a été soulagé que « ça se soit bien passé ». Pas de lutte fratricide ni de petits meurtres entre amis ? Sauf que le tableau de famille avec Blanche-Neige, ce n’est pas la France d’aujourd’hui— avec son corps en miettes et ses bras cassés. Surtout, ce discours,  Valérie Pécresse ne l’aurait-elle pas emprunté à Zemmour ? !

Snoopy, est-ce de la poésie ou du divertissement?

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Le dessinteur américain Charles Monroe Schulz (1922-2000) photographié en 1995 à Santa Rosa © BEN MARGOT/AP/SIPA AP20646198_000001

Ou comment un beagle lunaire peut-il guider les hommes depuis plus de 70 ans sans avoir été élu.


L’actualité est trompeuse, mensongère même. On se vautre dans une élection comme on dévore une tablette de Galak. Avec gourmandise et écœurement. Chocolat blanc ou candidats, même combat. On se passionne aujourd’hui pour les micro-événements d’une campagne qui nous paraîtrons complètement dérisoires dans quelques semaines, voire dans quelques minutes. Comme si les messages politiques s’autodétruisaient à mesure qu’ils s’affichent sur l’écran noir de nos nuits blanches.

Double anniversaire

Nouvel opium du peuple, les élections sont un passe-temps pour des nations en fin de vie, une dernière récréation avant de fermer la boutique. Cette présidentielle nous ferait presque passer à côté d’un double anniversaire.

Snoopy est ce fado qui s’infiltre en nous et propage son virus de la fêlure…

En 2022, nous fêterons le centenaire de la naissance de Charles Monroe Schulz (1922-2000) à St Paul dans l’Etat du Minnesota et les 70 ans de l’apparition de la page en couleurs dominicale des Peanuts. Le créateur de Snoopy et de Charlie Brown, à l’égal d’un Dante ou d’un Jean de la Fontaine, est ce penseur décomplexé qui en quatre bandes, puis en trois, a cartooné notre existence, lui a ouvert le chemin vers la rêverie mélancolique et solitaire, a donné une consistance métaphysique à notre errance naturelle.

A lire aussi: Les forces morales du soldat chrétien, de François-Josaphat Moreau

Les personnages de Schulz sont des masques interchangeables, les différentes facettes de notre propre personnalité qui évolue au fil des heures d’une même journée. En même temps, nous sommes ce bon vieux Charlie Brown, perdant résilient et modèle de sainteté, mais aussi Lucy Van Pelt, emmerdeuse magistrale et psychiatre désaxée qui affirme sans ciller « Me connaître, c’est m’aimer » et aussi Schroeder, pianiste virtuose et fatalement incompris.

L’échelle des sentiments

Dans nos meilleurs jours, nous aspirons à devenir Woodstock, l’oiseau qui pousse l’amitié jusqu’à l’effacement. Même si, avouons-le, nous enfilons très souvent la couverture de Linus Van Pelt pour nous protéger des frimas du monde extérieur. Ce jeune garçon a anticipé tous nos débats actuels sur le besoin de sécurité. Nous varions ainsi sur l’échelle des sentiments tels les héros de ce comic strip né en 1950 et diffusé sur toute la planète. En 1990, pour ses quarante ans, les Peanuts étaient publiés dans près de 2 293 journaux à travers 67 pays. Notre attachement au chien de Charlie Brown est quasiment ontologique. C’est notre double de papier, tantôt apprenti écrivain qui bute après la première phrase de son roman inachevé : « Par une nuit sombre et orageuse… », héros de l’aviation de la Première Guerre mondiale qui combat le Baron Rouge ou encore plus cool que le « King of Cool » Steeve McQueen dans la peau de Joe Cool avec ses lunettes noires et son dilettantisme souverain. Nous l’avons tant aimé. Snoopy n’est-il pas le seul beagle à pouvoir voyager dans l’espace, fidèle compagnon et égérie de la NASA ? Les Peanuts, ces « choses insignifiantes » ont été déclinées à l’infini en produits dérivés et en objets publicitaires sans perdre leur part d’innocence et leur profondeur mystique. Le succès n’a pas dénaturé leur onde nostalgique, ce champ d’expression que tous les artistes recherchent.

Snoopy pour tous les âges de la vie

Est-ce leur apparente simplicité, la répétition mimétique des gestes du quotidien de cette bande de copains, la netteté graphique ou le miroir tendu sur notre enfance qui font de cette bande dessinée une œuvre majeure de la littérature mondiale ? Il suffit de lire, au hasard, quatre ou trois vignettes, à la volée, pour être saisi par la pertinence du propos et leur force d’évasion. Aucun philosophe, essayiste ou dramaturge ne concurrence Schulz par sa puissance d’abstraction et surtout son absence de morgue.

On revient à Snoopy à tous les âges de la vie, en y puisant cette tendresse écorchée des émotions oubliées et en sondant l’intranquillité du monde en mouvement.

Pour mieux comprendre les Peanuts, il faut avoir lu préalablement Fernando Pessoa qui sans le savoir en donne une définition lumineuse : « La tristesse solennelle qui hante toutes les grandes choses – les cimes comme les vies grandioses, les nuits profondes comme les poèmes éternels ». Snoopy est ce fado qui s’infiltre en nous et propage son virus de la fêlure. Une fêlure qui ne serait pas geignarde, ni ostentatoire, scellant seulement notre âme vagabonde. Umberto Eco fut le premier à théoriser les Peanuts dès 1963, dans la préface d’une édition italienne et à déclarer que Charles M. Schulz était un poète. « Nous aimons inconditionnellement, fiévreusement, férocement, insupportablement Charles M. Schulz » écrivait-il. En langue anglaise, sa formule devenue célèbre fait toujours mouche : « The poetry of Schulz is neither epic not dramatic, it is lyric ». On aimerait tant que les candidats possèdent ce lyrisme pour nous transporter.


Comment France 2 a instrumentalisé Joséphine Baker contre Zemmour

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Nathalie Saint-Cricq, Julian Bugier et Pascal Blanchard. Image: capture d'écran France 2.

La panthéonisation de Joséphine Baker nous a fait du bien, en cette période gangrenée par le wokisme et ses relents racialistes et anti-universalistes. Mais sur France 2, Nathalie Saint-Cricq et Julian Bugier ont quand même détourné subtilement l’évènement pour accabler Eric Zemmour.


Il y aurait certes beaucoup à dire sur Joséphine Baker, et notamment qu’elle représente l’archétype parfait de l’assimilation telle que bien des Français la souhaitent, voire l’exigent à juste titre, de la part de ceux qui viennent vivre dans notre pays – on dira bien sûr de ceux qui exigent çà qu’ils sont d’extrême droite. 

Son amour pour la France lui a fait prendre de vrais risques pendant la Seconde Guerre mondiale, et ne serait-ce que pour cette raison, elle mérite sans doute le Panthéon !

Les accointances des journalistes avec Pascal Blanchard

Mais les journalistes de service, tels qu’ils officiaient mardi sur France 2 pour commenter la cérémonie, par leur façon de conclure l’évènement, ont montré qu’ils étaient prêts à tout pour se hausser du col, se faire bien voir des élites progressistes, LGBT, antiracistes ou décolonialistes (qui avaient d’ailleurs leur représentant sur le plateau en la personne de Monsieur Blanchard).

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En effet, comment Madame Saint Cricq, journaliste politique sur le service public, a-t-elle conclu tout cet hommage ? En disant : « …Elle était noire, elle était bisexuelle, elle était libre, ça a été prononcé… C’est une certaine idée de la France que tout le monde n’a pas ». 

Et là, on imagine qu’elle frétillait intérieurement d’avoir osé ce petit coup de patte, destiné incontestablement à la France nauséeuse dont un représentant venait d’annoncer sa candidature. Suivez mon regard… Enchaînement magistral de Julian Bugier, le présentateur, qui se montra alors flagorneur envers la flagorneuse (il a du penser: “pas de raison qu’elle se fasse bien voir et pas moi!”) : « Merci pour l’allusion Nathalie, je n’en attendais pas moins de vous ! » Et là, on a vu notre décolonialiste de service rire dans sa barbe, béat de satisfaction.

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Le sens du devoir

Tous ces gens-là ont dû rentrer chez eux avec le sentiment du devoir accompli. Ils ont finalement réussi à faire passer leur message, toujours le même. Il y a d’un côté la France antiraciste, de gauche, les LGBTQ, et puis il y a de l’autre tous les autres, la France rance, pouah !

Moi, je dis que conclure l’hommage à une combattante française qui a joué sa vie pour son pays en résumant son être et son âme à « elle était noire, elle était bisexuelle, elle était libre », c’est une instrumentalisation assez ignoble et surtout tout à fait ridicule de sottise. Madame Saint-Cricq, les gens que vous méprisez, ils aiment et admirent Joséphine Baker, et savez-vous ce qu’ils pensent du fait qu’elle fût noire, et bisexuelle ? Ils s’en moquent !!

Des suspicions de racisme sur le Ballon d’Or

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L'Italien Gianluigi Donnarumma et l'Argentin Lionel Messi, Parc des Princes, 1 décembre 2021 © J.E.E/SIPA Numéro de reportage : 01051220_000006

Entre la sortie du beaujolais nouveau et l’élection de Miss France, la cérémonie du Ballon d’Or fait partie des petits rituels de la fin d’automne. Chaque année, à Paris, le monde du football arbore ses costumes les plus criards pour décerner le titre du meilleur joueur du monde, étrange entreprise individualiste dans un sport à première vue collectif…


Après une période (2010-2015) durant laquelle les sélectionneurs et les capitaines des sélections prirent aussi part au vote, le prestigieux prix du Ballon d’Or est de nouveau décerné par les journalistes, électeurs issus de tous les pays du monde. À mesure qu’il s’est internationalisé (au départ, c’était une récompense européenne), le trophée fait l’objet depuis quelques années d’accusations de racisme à l’égard des joueurs africains.

On retrouve les premières traces de ces polémiques en 2005, avec l’attaquant camerounais Samuel Eto’o, qui s’était élevé contre sa dixième place, estimant mériter beaucoup mieux. Le joueur, qui se distinguera dans sa carrière autant par son jeu que par son boulard surdimensionné, déclara ainsi : « Je ne suis pas parmi les trois premiers, pourtant j’ai autant de mérites ou plus que certains… Depuis que je suis au Barça, qui a fait mieux que moi ? Ce que ne tolèrent pas les Français, c’est qu’un Africain triomphe sans être passé par chez eux. S’ils ne sont pas contents, qu’ils aillent voir leur mère (…). Ceux qui ne croyaient pas en moi me lèchent le cul aujourd’hui pour une interview ». Cette allusion aux Français tient au fait que le Ballon d’Or a été créé par France Football en 1956 ; Samuel Eto’o exagérait sans doute l’importance du journal français dans le vote final. En réalité, toutes les nations européennes de football étaient représentées par un journaliste électeur et la part française ne pesait qu’1/52ème des voix. Passé brièvement durant son adolescence par les centres de formation du Havre et du Paris Saint-Germain mais n’ayant pas pu s’y installer puisque sans-papier, Samuel Eto’o semble avoir gardé une rancœur tenace contre la France. 

Gilles Verdez antiraciste de plateaux TV

Une quinzaine d’années plus tard, ces polémiques refont surface. À peine plus feutré que l’ancien attaquant du FC Barcelone, Gilles Verdez, jadis chroniqueur dans l’émission On refait le match d’Eugène Saccomano, s’était emporté à son tour, en décembre 2019 [1]: « Si Messi, joueur extraordinaire au demeurant, est Ballon d’Or, ce Ballon d’Or mythique, cette récompense adulée, perd toute crédibilité. On peut aussi lui donner à vie, mais le joueur de l’année est Sadio Mané [international sénégalais qui avait gagné cette année-là la Ligue des Champions]. Visiblement sa couleur dérange. Je suis révolté ». Habib Beye, ancien international sénégalais, avait précisé à son tour [2] : « Mais en même temps, je vais vous dire, on va repartir sur ce qu’on a déjà dit. Peut-être que les gens verront ça comme de la victimisation : il est Africain, et c’est pour ça qu’il est quatrième. Vous pouvez le tourner dans tous les sens, c’est pour ça qu’il est quatrième »

Après deux ans d’absence (France Football avait annulé le Ballon d’Or en 2020 à cause du Covid), le trophée a fait son retour cette année, avec son nouveau lot de débats. Des voix se sont élevées contre le nouveau trophée remporté par Leo Messi. Patrice Evra, ancien capitaine de l’équipe de France, parle de « corruption ». Le titre de meilleur gardien de l’année – décerné à l’Italien Gianluigi Donnarumma, champion d’Europe avec sa sélection, plutôt qu’au Sénégalais Edouard Mendy, vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea – fait aussi débat. Habib Beye est une nouvelle fois monté au filet pour défendre son compatriote. Pourtant, le portier transalpin a été élu meilleur joueur du dernier Euro et s’il pouvait y avoir match entre les deux hommes, la remise du titre au gardien du PSG n’a rien de scandaleux.

Plusieurs joueurs de couleur ont en réalité déjà remporté le prix

« [Mendy] est Africain et Sénégalais, et sa sélection ne rayonne pas comme l’Italie peut rayonner aujourd’hui en aura médiatique, dans tout ce que ça représente [3] » précise Beye. Il est vrai qu’appartenir à une grande nation qui brille dans les grandes compétitions internationales n’a jamais été un handicap pour décrocher le Ballon d’Or ; même si en 1995, l’attaquant libérien George Weah avait fini premier au classement devant le Finlandais Jari Litmanen, troisième. Car ceux qui veulent voir du racisme dans l’attribution du Ballon d’Or se gardent bien de rappeler que le trophée a été remis une fois à un joueur africain, en 1995 donc, l’année même où France Football étendait le prix aux joueurs non-européens. En remontant un peu dans le temps, on peut également citer l’international portugais né au Mozambique, Eusebio, lauréat en 1965. Et d’autres joueurs de couleur l’ont emporté, comme le Néerlandais Ruud Gullit et les Brésiliens Ronaldo, Rivaldo et Ronaldinho.

En réalité, jusqu’en 1995, le Ballon d’Or était à ses origines un titre européen ; c’est la raison pour laquelle ni Pelé ni Diego Maradona ne l’ont remporté. Les règles du Ballon d’Or ont évolué en faveur d’un élargissement toujours plus grand ; en 2007, les journalistes des autres continents ont fait leur apparition dans le jury. Ainsi, on peut consulter chaque année, début décembre, dans les colonnes de France Football, les choix des journalistes de la Corée du Nord, du Bhoutan et de la Somalie. Une autre chose que ne soulignent jamais Habib Beye, Gilles Verdez et consort : les pays africains participent eux-mêmes au vote, et avec 48 électeurs sur 170, ils représentent plus d’un quart du scrutin ! Et leurs suffrages sont allés cette année en priorité vers le Polonais Lewandowski, l’Argentin Messi et l’Italien Jorginho. Le paradoxe, c’est qu’il existe toujours un Ballon d’Or africain (remporté en 2019 par Sadio Mané) mais il n’existe plus de Ballon d’Or européen.

Nos belles âmes oublient surtout qu’il n’y a qu’un seul lauréat par an, et qu’un paquet de grands joueurs sont passés à côté : l’Espagnol Raul, le gardien de but Gianluigi Buffon, les défenseurs Paolo Maldini et Roberto Carlos, l’ancien bleu Thierry Henry, sans compter l’attaquant hongrois Ferenc Puskas, star des années 1950-1960. Ces absences dans le palmarès sont ni plus ni moins injustes que celles de Samuel Eto’o, Didier Drogba ou Sadio Mané. En 2020, le prix n’a pas été décerné, et le monde a continué de tourner – plus ou moins rond.


[1] https://www.90min.com/fr/posts/6509144-ballon-d-or-gilles-verdez-incendie-sur-twitter-apres-son-commentaire-polemique

[2] https://www.footmercato.net/a5645620165011133168-ballon-dor-2019-habib-beye-sinsurge-contre-le-classement-de-sadio-mane

[3] https://www.football365.fr/ballon-dor-donnarumma-mendy-furieux-beye-denonce-une-hypocrisie-10002052.html#item=1

Olivier Amiel: un premier roman orwellien

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olivier amiel perpignan gitans
Olivier Amiel

Avec Les petites souris, l’auteur a écrit le 1984 de la woke culture, fondé sur des découvertes scientifiques bien réelles. Il interroge la nature même du roman dans une vertigineuse mise en abyme fictionnelle…


Un écrivain, coupable d’avoir encouru l’ire féministe pour un roman à succès, essaie de se racheter en tricotant sur mesure pour les censeurs l’histoire d’un couple de lesbiennes, dont la passion éclot en prison.

On n’est pas loin de 1984, dans Les petites souris d’Olivier Amiel. On a vérifié auprès du Professeur Google. Le ministère de la wiki-vérité corrobore que toutes les recherches et les découvertes dévoilées dans le roman appartiennent au réel. Quid des applications qui en seront tirées ? La « confabulation thérapeutique » est aussi invraisemblable que l’hélicoptère de Léonard de Vinci ou le sous-marin de Jules Verne l’ont été à leur époque, sauf qu’ils ont fini par voir le jour.

Au générique des Petites souris, les scoops scientifiques ne sont pas les seules stars : leurs inventeurs, les savants qu’on croirait nominés pour le Nobel de la fiction existent tous pour de vrai : Joe Z. Tsien et ses souris élevées en laboratoire, apprennent plus vite et retiennent mieux que leurs congénères nées en liberté. Susumu Tonegawa, qui croit savoir pourquoi les souris de Tsien sont des surdouées, a découvert que les souvenirs sont formés et récupérés grâce à des ensembles de cellules modifiables et  reprogrammables. Quant aux accusations néoféministes suivies de menaces de mort sociale, elles ne sont pas une extrapolation de l’auteur, mais la réalité quotidienne d’une société malade d’ennui.

Plus faux que nature

Au centre du roman dans le roman, ce couple de lesbiennes qui se sont connues en prison.

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Elles sont, au choix, les avatars ou bien les réincarnations, ou encore tout simplement les véritables protagonistes d’amours pénitentiaires, qui ont vraiment existé, comme les souris Doogie. Les autres personnages ont tous l’air plus faux que nature, mais ils sont authentiques, à défaut d’être tous vivants : il y a Sam Sarpong, mannequin aussi célèbre pour sa mort – il a sauté du pont des suicides à Los Angeles – que pour ses défilés et ses films, Neil Patrick Harris, acteur connu pour son statut d’homo à la ville, ou Viki Odintcova, une mannequin russe qui s’est fait photographier au-dessus du vide depuis la terrasse d’un gratte-ciel de 300 mètres à  Dubaï…

Personnalités multiples

Une fois mordu par Les petites souris d’Amiel, on ressort sonné de l’expérience. Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est inventé? Dans cette succession de mises en abyme, quel auteur s’adresse à quel public ?

À défaut de convictions innées, le lecteur peut revendiquer des certitudes acquises : l’auteur a des personnalités multiples, les personnages ne sont pas ce qu’ils disent être, ni ce qu’ils croient être et, last but not least, si tout n’est pas dans tout, le rien recèle des surprises.

Les petites souris d’Olivier Amiel (éditions Les Presses littéraires, 118 pages, 11€)

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«Aline», vrai-faux biopic

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Valérie Lemercier dans "Aline", film de 2021 © Jean-Marie Leroy / Rectangle Productions, Gaumont.

Quand Valérie Lemercier s’empare de la légende Céline Dion


Ceux qui ignorent la sortie en salle, le 10 novembre dernier, du film Aline, le vrai faux biopic de Céline Dion, réalisé par Valérie Lemercier, doivent vivre sur Mars. Autant affirmer d’emblée que c’est très réussi.

Trouvailles narratives

L’exercice du biopic est très périlleux, le spectateur a toujours en tête la vie du personnage, et les acteurs sont souvent tentés par l’imitation, jusqu’au grotesque dans le cas de Marion Cotillard, qui a massacré Piaf.

Lemercier déjoue tous les pièges avec une grande intelligence. En y mettant beaucoup de sincérité, on sent une véritable affection pour le personnage, et elle a d’ailleurs affirmé que Céline a toujours fait partie de sa vie. Par ailleurs, il y a d’excellentes trouvailles narratives, comme la réalité augmentée, le mélange des petits arrangements avec la vérité avec quelques images d’archives, et la structure qui rappelle celle des contes de fées. Les acteurs sont tous exceptionnels, Valérie Lemercier réussit l’exploit d’être à la fois sobre et tourbillonnante de drôlerie. La mayonnaise a superbement pris.

Une mythologie à la Piaf

C’est l’histoire d’une petite fille, la dernière de quatorze enfants, celle que l’on n’attendait plus, qui a une voix surnaturelle. Avec l’aide de bonnes fées et de l’amour sans failles de sa famille, elle deviendra une star internationale de la chanson.

Elle n’est pas très jolie ? Qu’à cela ne tienne, ça s’arrange. Elle ne parle pas anglais ? Ca s’apprend. L’essentiel c’est la voix

Cette histoire est contée sans ironie aucune, la chaleur qui émane de cette famille, au milieu des paysages enneigés du Québec, transperce l’écran. On voit la famille s’agrandir gaiement jusqu’à compter quatorze enfants. Lorsqu’arrive la dernière, sa mère décide de l’appeler Aline, à cause de la chanson de Christophe. Dans la réalité, ce fut Céline à cause de la chanson d’Hughes Aufrey. Ce procédé crée à la fois une distanciation et une proximité. Nous sommes d’ailleurs peut-être plus proches de ces vrais/faux personnages, que nous le sommes des originaux quand le biopic colle complètement à la réalité.

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Nous entrons de plein pied dans l’archétype à la Piaf, dans la mythologie de la petite chanteuse sortie de nulle part et qui atteint le firmament. La trajectoire n’est semée que de peu d’embûches, sa voix la dépasse et la guide : « comment une si grande voix peut-elle sortir d’un si petit corps » ? dira Guy-Claude, le personnage de René Angelil, son impresario, qui deviendra monsieur Céline Dion. Elle n’est pas très jolie ? Qu’à cela ne tienne, ça s’arrange. Elle ne parle pas anglais ? Ca s’apprend. L’essentiel c’est la voix.

Le premier cachet de Cendrillon

Tel le Petit Poucet et ses petits cailloux, la réalisatrice sème pendant tout son film des objets symboliques qui ne cesseront de rappeler à la star sa vie d’avant : des porte-bonheurs, une pièce de quelques centimes que son père lui offrit pour sa première audition, des réflexes de « pauvres » (ex : Céline/Aline pique partout où elle va des sachets de sucre, même au faîte de sa gloire à Las Vegas, son sac en est rempli)… Telle Cendrillon, elle s’achètera des escarpins dorés avec son premier cachet et plus tard, collectionnera les chaussures.

Le récit est focalisé sur son histoire d’amour avec Guy-Claude, empêchée au début par la trop grande différence d’âge, mais ce qu’Aline veut, elle l’aura. Nous sommes là en pleine comédie romantique, Guy-Claude / René fait sa demande en mariage avec une bague cachée dans une glace au chocolat, et à la fin, lorsque celui-ci souffre d’un cancer, Aline / Céline lui fait des signes complices et enfantins, alors qu’elle chante sur scène et qu’il la suit devant sa télé. Nous avons envie d’y croire, à cette idylle, car cela est sacrément rafraîchissant à notre époque où même les histoires d’amour sont politiques…

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La performance de Valérie Lemercier vaut à elle seule le déplacement. Elle joue Aline tout au long de sa vie, même enfant. Dans ma grande naïveté, j’étais interloquée au début : comment diable fait-elle pour avoir le corps d’une gamine de dix ans ? Chacun se souvient de son personnage de petite fille dans une parodie de l’Ecole des fans de Jacques Martin… Il s’agit bien sûr dans le film d’effets spéciaux que je serais bien en peine d’expliquer ici. Reste que c’est du grand Valérie Lemercier. Dans « Aline », nulle parodie, mais une émotion subtile mêlée de beaucoup d’humour. C’est aussi une des grandes forces du film. Comme dans tous les contes de fées, il y a des obstacles. Aline perd à un moment son pouvoir magique, sa voix. Obligée de se taire pendant des mois, elle s’aperçoit finalement qu’elle n’aime plus parler. Comme si sa voix ne devait exister que par le chant…

Aline en salle depuis le 11 novembre.

Le dérèglement démographique des fonctionnaires

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D.R.

Contrairement à une idée reçue, les grands centres urbains ne sont pas forcément plus fournis en fonctionnaires…


Où trouve-t-on le plus de fonctionnaires ? Au soleil, pardi ! Présidée par l’ancien magistrat de la Cour des comptes François Ecalle, l’association Fipeco (Finances publiques et économie) vient de publier son rapport sur la répartition des fonctionnaires en 2019. Sans surprise, les DOM et la Corse sont les mieux lotis. Hors DOM et Île-de-France, la région PACA est la plus prisée. Mais il y a plus surprenant : contrairement à une idée bien ancrée, les départements ruraux, loin d’être systématiquement défavorisés, sont mieux pourvus en emplois publics que ceux de la région parisienne. En mettant de côté les DOM et Paris, les taux d’administration les plus importants se trouvent dans la Haute-Vienne et la Vienne. Au niveau de la fonction publique d’État, en considérant la Guyane hors catégorie, la Haute-Garonne et l’Ille-et-Vilaine raflent la mise.

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En se penchant sur la fonction publique hospitalière, on découvre que la Haute-Vienne, l’Allier, le Territoire de Belfort ont un taux de fonctionnaires par nombre d’habitants un peu plus élevé que Paris. Et que, d’une façon générale, les taux les plus élevés d’administration hospitalière se trouvent à la campagne, notamment dans la « diagonale du vide ». Ainsi, la Creuse, avec un taux de 27,9 pour 1 000 habitants, dépasse la capitale (25,3 pour 1 000 habitants). « Depuis 2011, le taux d’administration a augmenté dans les zones moins denses et a diminué dans les zones plus denses », rappelle François Ecalle en s’appuyant sur une étude de l’Insee.

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Qui sont les grands perdants ? La Seine-et-Marne, l’Essonne, les Yvelines et la Seine-Saint-Denis, dont les taux d’administration hospitalière oscillent entre 9 et 10. Et François Ecalle de pointer « la lenteur de l’adaptation hospitalière aux évolutions démographiques ». Pour lutter contre le dérèglement démographique, va-t-il falloir embaucher plus de fonctionnaires en banlieue parisienne ?

Insultez, insultez, il en restera toujours quelque chose

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Le socialiste Boris Vallaud, image d'archive © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage: 00966429_000013

Il y a des mots qui volent très bas.


Depuis mardi, Zemmour a cessé d’être un polémiste pour se transformer en un homme politique. Il était temps qu’il se déclare car le plaisir avait assez duré.

Le candidat Zemmour est désormais critiquable, condamnable si l’on veut. Il a des qualités (quelques-unes) et des défauts (forts nombreux). Est-il nécessaire de rappeler ici ses tentatives de réhabiliter Pétain et Vichy, que je trouve lamentables ?

La vidéo qui a officialisé sa candidature n’échappe pas à ces critiques. Elle est lugubre et mortifère. Comme il l’est lui-même lorsqu’il s’essaye à une posture gaullienne.

Il y a toutefois dedans de belles envolées quand il s’adresse aux Français pour leur dire « vous ne reconnaissez plus votre pays, la France de De Gaulle, de Gavroche, de Cosette, de Gabin, de Bardot »…

Même si ça date un peu, le style et la passion sont au rendez-vous. De cette France-là, Zemmour et les Français n’ont pas fait leur deuil. Le problème est que quand le nouveau candidat à la présidentielle sonne le tocsin, c’est le glas qu’on entend. Il s’est fait accompagner par les notes de la 7ème de Beethoven : la marche funèbre de Chopin eut été plus adaptée.

Posons donc comme principe que Zemmour est un décliniste, un passéiste et qu’il a endossé la tenue d’un croque-mort. On devrait pouvoir s’arrêter là. Tel n’est pas le cas de Boris Vallaud, député PS, directeur de campagne d’Anne Hidalgo et surtout connu pour être l’époux de Najat Vallaud-Belkacem.

Comme il était las de rester dans l’ombre de l’ancienne ministre de l’Education nationale, il a décidé de frapper un grand coup afin que les projecteurs le mettent en pleine lumière. « Zemmour est un pou qui se dresse sur la tête d’un géant en mimant l’appel du général de Gaulle », a-t-il déclaré. Un pou !!

Dans le registre de nos dégoûts, le pou occupe une place de choix avec les répugnants cafards et cancrelats. Les poux ont les tue, on les extermine : il y a des produits pour cela.

Animaliser ses adversaires est une spécialité des régimes totalitaires. Staline traitait ses ennemis de chacals et de hyènes. Hitler qualifiait les Juifs de rats pour rendre acceptable la Solution Finale. Car que faire avec les rats porteurs de la peste, sinon les condamner à disparaître ? Un jour après la Libération, Darquier de Pellepoix, ancien commissaire général aux questions juives fut interviewé. Il déclara : « A Auschwitz, on n’a gazé que les poux » ! Il est vrai que c’était avec du Zyclon B. Mais je n’irais bien sûr pas comparer Boris Vallaud avec Darquier de Pellepoix…


Ps : Darmanin a qualifié la vidéo de Zemmour d' »ignoble ». La campagne électorale s’annonce riche et prometteuse. Mais comme, contrairement à Boris Vallaud, le ministre de l’Intérieur est un modéré, il n’a pas qualifié Zemmour de pou !