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Le iel nouveau est arrivé

Le cru très woke des nouveaux dicos


Le iel nouveau est arrivé
Montage Causeur

Le pronom imaginaire neutre «iel», contraction de «il» et «elle», a été ajouté dans la dernière version en ligne du dictionnaire Le Robert. Quelles seront les prochaines étapes de cette déconstruction folle? Puisque l’on peut désormais se définir comme “neutre”, ne pourrait-on pas aussi se définir demain chèvre ou chaise-longue ?  


Remplissant un questionnaire pour m’abonner à un journal, j’arrive à l’instant crucial du CAPTCHA, ce passe utilisé par certains sites internet pour s’assurer que vous êtes un être humain et non un ordinateur usurpant votre identité. Je redoute cette épreuve, ne distinguant pas toujours les pompes à incendie des bouquets de genêt au bord des autoroutes. Nom, prénom : jusque-là tout va bien. Puis, refus catégorique : mon « identité » n’est pas reconnue. Mazette ! Vérifiant mes données, je m’aperçois avoir coché la case « homme » au lieu de « femme ». Mais, au fait, qui dit au CAPTCHA que je suis une femme ? Et si j’étais neutre + ?

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Rien de vraiment nouveau sous le soleil du woke

« Qui vous dit que je suis un homme ? » Cette question est aussi célèbre que la phrase du philosophe Diogène se promenant sur l’agora, une lanterne à la main : « Je cherche un homme. » Cela fait longtemps, à vrai dire, qu’une amie irlandaise me disait veiller à respecter le genre, inscrit sur un tableau, à l’entrée de la Faculté de Dublin, du professeur qui serait son ou sa collègue de la semaine. La France, on le sait, recueille, avec générosité, les vagues venues d’Outre-Atlantique quand le ressac est déjà là-bas. C’est pourquoi, la non-binarité a pris chez nous, ces derniers temps, grâce aux sondages et aux docus, une ampleur inégalée dans notre vie politique et sociale Pensez : 18% des adolescents ne se reconnaissent pas dans un schéma genré. Aussi la nouvelle s’est-elle répandue comme une traînée de poudre, ce matin : « Le pronom iel est en ligne dans le Robert » !  Et France Inter de saluer l’arrivée du iel nouveau, décliné en ielle, iels, ielles. Enfin ! Fini le temps où, parlant français — cette langue blanche, hétéro sexuée, machiste et coloniale — il « fallait choisir son camp », a déclaré, heureuse de cette victoire du iel, la directrice éditoriale du Robert qui en connaît un brin de la langue française. Et, comme les batailles se gagnent avec des parts de marché, un film sur les trans avait été diffusé, sur TF1, en même temps que l’annonce de l’arrivée du « iel ». Rien de nouveau sous le soleil du woke. 

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Faut-il en rire ou en pleurer ? Si déconstruire « la grammaire du monde » est le but de l’idéologie régnante, ce n’est pas le iel du Robert — dictionnaire sans autorité — qui importe, mais le buzz. Le iel, le iel, le iel, c’est comme « le Yeti là-haut, le Yeti là-bas ! » dans Tintin dont la lecture est, heureusement, à l’index. Ni le rire ni l’argumentation ne mettront fin à une guerre idéologique totale. Les facultés de tous les savoirs sont entre les mains de l’idéologie intersectionnelle. L’école, devenue un lieu d’endoctrinement, ne remplit plus sa mission. 

Une nouvelle qui réjouit les médias progressistes

Et ce n’est pas fini, heureusement ! Après la mise en cause de la condition sexuée de l’être humain, c’est l’appartenance à l’espèce humaine qui est mise en procès. Le mot « animal » voulant dire « être animé », la question sera bientôt : « Qui vous dit que je ne suis pas un animal ? » Un cochon, peut-être pas — ou, assurément oui — mais une gazelle ? Avec ses pudeurs ? La cause animale et les droits animaux gagnent du terrain. Les « droits animaux » seront bientôt inscrits à égalité avec ceux des « droits humains », dans une Commission ad hoc. En attendant, ils sont déjà là, les droits opposables de votre Robot préféré.

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C’est au président de la République qu’il incombe de siffler, comme on dit, la fin de la récréation. Blanquer, au piquet ! Les Français ont-ils bien conscience de ce qui se passe en buvant du iel nouveau ? Cette annonce est, en tout cas, du pain bénit pour les médias. Ils manquent de pain, Sire ! Donnez-leur du iel ! 




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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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