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Rendez-nous Malthus!

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Malthusianisme: « Doctrine de Thomas Malthus (1766-1834) qui prône la continence volontaire en invoquant la disparité de la croissance démographique et de la production des substances alimentaires ». Ainsi le dictionnaire définit-il la théorie selon laquelle seul un contrôle sérieux de la population préviendra les crises économiques, les famines et les violences…


Mais qu’a donc à voir cette doctrine, sur laquelle chacun jette un regard noir, avec l’actualité ?

Aucun grand livre ne vient avant son heure. Ce n’est donc pas un hasard si c’est entre la fin du XVIIIe siècle et l’aube du XIXe que Malthus écrit son Essai sur le principe de population, dont il livre la version définitive en 1803.

Le siècle des Lumières a amené des progrès décisifs. La production agricole avait longtemps été malmenée par des coups de froid intense. On est alors dans ce « petit âge glaciaire » qui détruisit avec constance cultures et populations : le seul hiver de 1693-1694 a fait 1,3 millions de morts, dans une France de 20 millions d’habitants, et celui de 1709-1710 — en pleine guerre de Succession d’Espagne — est à peine moins létal, avec 600 000 morts. Mais malgré seize épisodes semblables, le XVIIIe siècle voit la population française passer de 20 à 30 millions d’individus. Les rendements à l’hectare, partout où les physiocrates ont porté la bonne parole agricole, s’améliorent nettement — ils sont ainsi passés de 8 quintaux / hectare à près de 70 aujourd’hui. Le prix du blé avait décuplé en 1710. Il connaîtra des variations, certes, mais rien de comparable. De surcroît, les peuples déchristianisés sont moins patients, et une hausse des prix des farines en 1788 a entraîné ce que vous savez l’année suivante.

A relire: Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie

L’hygiène, facteur d’épidémies, s’améliore dans les classes aisées. Durant la peste de Marseille (1720), bourgeois et aristocrates meurent cinq fois moins que les pauvres. En 1796 Edward Jenner synthétise des recherches étalées sur son siècle et met au point le vaccin contre la variole (un vrai vaccin, celui-là, si vrai que la maladie a pratiquement disparu dans le courant des années 1970), qui frappait 60% de la population et tuait 20% des malades, chiffres fournis par Voltaire, grand partisan de ces premiers essais que l’on appelait alors « inoculation » ou « variolisation » : Bernoulli démontra en 1760 que la généralisation de cette pratique faisait gagner trois ans d’espérance de vie à la naissance. Et les enfants meurent un peu moins qu’auparavant. Bref, malgré les saignées des guerres de l’Empire, la France compte 30 millions de sujets en 1810 (l’Angleterre, 12 millions, l’Europe 187 millions, contre 747 aujourd’hui, et le monde un milliard — contre 7,874 en 2022).

Si tout ne va pas bien (il y aura une ultime épidémie de choléra à Paris en 1832), tout va globalement mieux.

Le scandale de l’Essai sur le principe de population

Mais pour Malthus, au contraire, tout empire. Cette expansion démographique est porteuse, dit-il, de graves troubles à venir. Alors même que la révolution industrielle a commencé en Angleterre, et autorise les rêves les plus fous, dans la lignée optimiste d’Adam Smith ou de William Godwin — et en France celle de Condorcet, voir son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, paru en 1795. D’où son idée de contrôle de la natalité.

L’Essai sur le principe de population est un immense succès, qui alimente des polémiques féroces. L’idée de retarder le mariage, d’encourager la chasteté, de limiter volontairement le nombre d’enfants, fait débat. La nécessité selon Malthus de cesser de venir au secours des pauvres scandalise.

C’est que, explique-t-il, les anciens régulateurs de la démographie, famines, guerres et épidémies, ne jouent plus leur rôle. La population croît de façon géométrique, et les ressources de façon arithmétique. L’écart se creuse donc, et débouchera à terme sur des crises insoutenables…

Le penseur anglais distingue les positive checks (traduisez checks par freins ou obstacles), tels que famines et épidémies, et les preventive checks, le contrôle volontaire ou imposé des naissances. Avortement, contraception et euthanasie sont au programme. La politique de l’enfant unique décrétée par la Chine de 1979 à 2015, qui a probablement évité 400 millions de naissances, serait tout à fait sa tasse de thé… Rappelez-vous la chanson de Jacques Dutronc, « Et moi et moi et moi » : on comptait à l’époque (1966) « 700 millions de Chinois » — un chiffre qui a seulement doublé en 60 ans.

Notons toutefois quelques signes encourageants. Ainsi le fait que l’âge du premier enfant ait constamment reculé (il est aujourd’hui bloqué autour de 30 ans en Occident), la transition démographique qui suppose qu’une baisse significative des naissances suive une baisse parallèle de la mortalité (c’est effectif depuis 2005, au moins dans les pays occidentaux où la fécondité des mâles, en particulier, baisse spectaculairement), ou les théories des écologistes profonds selon lesquelles l’accroissement de la population humaine entraîne forcément une extinction d’un nombre toujours plus grand d’espèces. C’est la thèse du commandant Cousteau, qui n’hésitait pas à affirmer que « la Terre est cent fois trop peuplée. Une terre et une humanité en équilibre, ce serait une population de cent à cinq cents millions de personnes… C’est une chose terrible à dire, mais pour stabiliser la population mondiale, nous devons perdre 350 000 personnes par jour. » Ou celle soutenue par Claude Lévi-Strauss vers la fin de sa vie : « Ce que je constate : ce sont les ravages actuels ; c’est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu’elles soient végétales ou animales ; et le fait que du fait même de sa densité actuelle, l’espèce humaine vit sous une sorte de régime d’empoisonnement interne — si je puis dire — et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n’est pas un monde que j’aime ».

Le sida – total respect !

Quant aux positive checks, force est de constater qu’ils ne sont plus ce qu’ils étaient. Même si l’insécurité alimentaire concerne encore 45 millions de gens dans ce monde, les grandes famines — rappelez-vous le Biafra en 1967-1970, avec peut-être 2 millions de morts, une aubaine — ne sont plus d’actualité. Même les guerres, depuis la dernière, déçoivent les malthusiens. Quand on pense qu’au XIVe siècle Tamerlan a fait peut-être 17 millions de morts en conquérant l’Asie — soit 5% de la population mondiale… Et tout au sabre ! Ou que la conquête des Amériques a fait, au bas mot, par génocide volontaire ou épidémies transportées, près de 120 millions de victimes… De quoi faire rêver les mânes de Malthus.

A lire aussi: L’anthropologue, le tabou et les gros mots

Pour ce qui est des épidémies, n’en parlons pas. La peste est vaincue, comme le typhus, depuis que nous ne cultivons plus puces et poux, le choléra régresse, la variole n’existe plus, poliomyélite et tuberculose sont en déclin. Alors oui, Ebola, le Sida (32 millions de morts — total respect !), c’est bien, mais c’est insuffisant.

Charlton Heston dans le film « Soleil Vert » de Richard Fleischer (1973) © REX FEATURES/SIPA Numéro de reportage : REX43061802_000004

De surcroît, les épidémies anciennes frappaient indistinctement jeunes et vieux. Il faudrait un fléau qui élimine prioritairement les bouches inutiles — comme dans Soleil vert, où Edward G. Robinson (qui dans les faits avait un cancer du pancréas en phase finale, jouait sa mort sur la Sixième symphonie de Beethoven et le Peer Gynt d’Edvard Grieg, et est décédé juste avant la sortie du film) aspire à l’anéantissement. Vous rappelez-vous que l’action de cette dystopie se passe en 2022 ? Ou dans le Parfum d’Adam, de Jean-Christophe Rufin. Depuis le Meilleur des mondes de Huxley (1932), de bons esprits ont imaginé une société sagement malthusienne… Il reste à écrire l’histoire d’une épidémie qui ciblerait préférentiellement les personnes âgées ou les vieux cons dans mon genre, dont ainsi les jeunes n’auraient plus à payer les retraites… Une pure fiction…

Pourquoi diable vous parlais-je de Malthus, en ce 7 janvier 2022 ?

Ah oui, je me rappelle : le Covid !

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Explosion de la rue de Trévise: les victimes attendent toujours

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La municipalité affecte l’empathie, mais, de crainte de voir sa responsabilité juridique engagée, elle a toujours refusé de signer l’accord-cadre qui permettrait l’indemnisation des victimes du terrible accident survenu le 12 janvier 2019. Pour pallier l’impéritie de l’équipe d’Anne Hidalgo, Matignon et le ministère de la Justice ont désigné le 16 novembre 2021 deux coordinateurs – un gendarme et un magistrat – qualifiés de « tiers de confiance » pour prendre la tête du fonds d’indemnisation. 


Le 12 janvier 2019 à 8 h 59, une très violente explosion de gaz survient au 6 rue de Trévise, dans le 9e arrondissement de Paris. Elle détruit un hôtel, une boulangerie, saccage des immeubles et fait quatre morts dont deux pompiers, 66 blessés et quelque 400 sinistrés. La gravité de l’incident est telle qu’il fallut 200 pompiers pour en venir à bout. Des masses de poussières, de débris carbonisés et de verres brisés jonchent partout le sol et saturent l’espace. Des voitures sont retournées, tandis que des personnes en pleurs, hagardes et maculées de sang, déambulent dans les alentours. Pour indiquer la mesure de la détonation, rappelons qu’elle a été entendue ce jour-là à plusieurs kilomètres à la ronde. 

Aujourd’hui, l’immeuble fragilisé par l’explosion demeure inhabitable et ses façades portent toujours les stigmates de l’incendie. La zone, entourée de barricades, reste en chantier. Trois ans après ce cataclysme, devant ce qui ressemble apparemment à de l’immobilisme, il est urgent de faire le point sur l’enquête diligentée par le procureur de la République de Paris. Il est également nécessaire d’examiner la situation des victimes pour savoir ce qu’il en est de leur prise en charge effective. 

L’enquête et les expertises

Au lendemain de la catastrophe, trois juges d’instruction ont été désignés, lesquels ont demandé à des experts de bien vouloir leur indiquer, sur le plan technique, l’origine de ce sinistre. Très vite, un premier rapport d’enquête a révélé que l’explosion était due à la « rupture d’une canalisation de gaz ». Cependant, après des investigations plus approfondies, il est apparu que de 2015 à 2017 d’innombrables mètres cubes d’eau provenant du collecteur des eaux usées s’étaient déversés sans discontinuer. Cette importante fuite a eu pour conséquence de décompacter le sol, provoquant l’affaissement du trottoir et la détérioration de la conduite de gaz. Celle-ci a fini par se rompre environ deux heures avant qu’une étincelle ne provoque la déflagration. 

Les conclusions de l’expertise judiciaire ont donc souligné de graves « manquements » du service de voirie (responsable de la canalisation des eaux usées), sans incriminer pour autant la filiale d’Engie, GRDF (responsable de la canalisation de gaz). Adoptant ce qui semblerait être une stratégie systématiquement dilatoire, la Ville de Paris a demandé alors une contre-expertise judiciaire, avec pour objectif de contredire le rapport d’experts rendu en mai 2020. Cette étape procédurale a été cruciale, car elle a mis un terme définitif aux réunions que l’équipe d’Anne Hidalgo avait organisées auparavant avec des blessés et des familles sinistrées. À partir du moment où le rapport d’expert a été définitivement adopté par les juges, les victimes n’ont plus vu d’intérêt à participer aux manœuvres destinées avant tout à minimiser l’implication de la municipalité dans l’accident. 

La procédure a finalement abouti, les 8 et 11 septembre 2020, à la mise en examen de la municipalité et du syndic de l’immeuble qui avait fait procéder trop tardivement à la réparation de la fuite d’eau, origine première du drame. Tous deux sont donc mis en examen pour « homicides et blessures involontaires » ainsi que pour « destruction, dégradation ou détérioration par l’effet d’une explosion ou d’un incendie », ce qui devrait normalement les renvoyer devant un tribunal correctionnel dans un avenir plus ou moins proche. En revanche, les juges n’ont finalement pas retenu la responsabilité de l’entreprise Fayolle, chargée en novembre 2016 d’effectuer des travaux sur la chaussée. Cette entreprise de BTP a été simplement placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté.

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Pour Maître Olivier Morice, avocat de plusieurs familles de victimes, cela démontre « qu’il y a des éléments à charge extrêmement importants contre la Ville de Paris ». Ce que les magistrats instructeurs reprochent à cette dernière c’est une négligence coupable, une absence de précautions et d’anticipation, à savoir qu’à aucun moment elle n’a recherché les causes d’un affaissement réitéré du trottoir situé devant l’immeuble, ses services se contentant à cinq reprises (cinq !) de réajuster superficiellement le niveau du bitume. Or, il aurait fallu au contraire s’inquiéter de cette instabilité du sol qui perdurait malgré ces interventions renouvelées. Il aurait fallu y remédier de manière définitive en entreprenant une exploration minutieuse. 

Pourtant, craignant d’être condamnée, la Ville de Paris a rejeté ces accusations, par la voix de son avocate Sabrina Goldman qui a déclaré : « Les juges reprennent les conclusions des experts, que nous contestons fondamentalement ». Les magistrats ont désormais bouclé leur instruction, ce qui peut paraître étonnant. En effet, comme ils ont refusé la première demande de contre-expertise, la Ville a fait appel et l’audience est prévue le 26 janvier. Elle espère ainsi que la chambre de l’instruction acceptera, d’ici à quelques mois, un nouveau groupe d’experts pour examiner le dossier. D’autant que les expertises réalisées dans le cadre civil, et non pénal, aboutissent à des résultats différents. Pour sa part, le syndic a déposé de son côté une requête tendant à l’annulation de l’expertise pénale désignant la fuite d’eau de cause primaire et constatant ainsi sa propre part de responsabilité.

Emmanuel Grégoire, premier adjoint d’Anne Hidalgo – et par ailleurs directeur de campagne de la candidate à l’élection présidentielle – a toutefois osé affirmer le 5 octobre 2021 à l’AFP que « si quelqu’un a traîné pour mettre en place l’accord-cadre, ce n’est pas la Ville ». Mais que pensent les victimes de ce type de propos ? Comment appréhendent-ils cette stratégie flagrante de procrastination, eux qui n’ont, à ce jour, toujours pas vu leur préjudice pris en charge ni même en considération, eux qui n’ont encore perçu aucune indemnisation émanant de la Ville ?

Le désarroi des victimes

Toutes considèrent que c’est bel et bien la Ville de Paris qui est responsable pour le retard et qu’elle devrait assumer aujourd’hui, enfin, ses responsabilités sans plus attendre ni tergiverser. Elle s’honorerait en présentant, aux blessés comme aux sinistrés, des propositions concrètes et rapides. 

En fait, les édiles municipaux ont longtemps craint que le versement de la moindre aide financière vaille reconnaissance de responsabilité avant même la tenue du procès. Ainsi, le 5 novembre 2021 (!), dans une lettre adressée au Premier ministre, madame le maire Anne Hidalgo se disait-elle « favorable à une participation financière de la collectivité », à condition que cela n’apparaisse pas « comme une reconnaissance juridique de responsabilité ». Ses services ont par conséquent attendu d’obtenir de solides garanties de la part de la DIAV (Délégation Interministérielle à l’Aide aux Victimes), pour laquelle, cela « ne valait pas […] responsabilité », déclaration confirmée ensuite par Matignon. Enfin, le ministère de la Justice, a, lui aussi, clairement affirmé que « la conclusion d’un accord-cadre n’impliquait pas de reconnaissance préalable de responsabilité » pour la ville de Paris.

Ce n’est que le 13 septembre dernier que la municipalité allait débloquer 20 millions d’euros pour alimenter le fonds d’indemnisation, une enveloppe qui pourrait être éventuellement augmentée. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant d’opter pour cette procédure administrative permettant la déconnexion de l’indemnisation des victimes du processus juridique ? Et pourquoi d’ailleurs insister sur une telle déconnexion, laissant entretemps les sinistrés sans réponse ?

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Pour autant, même cet accord-cadre d’indemnisation tardif n’a toujours pas été signé à ce jour par la mairie de Paris… Il semble même qu’il ne le sera pas avant la date anniversaire du drame, le 12 janvier prochain. Les associations de victimes dénoncent en l’occurrence le double langage d’Anne Hidalgo. Elles lui reprochent la multiplication de réunions dilatoires à seule fin de bloquer délibérément la situation pour mieux pouvoir se défausser. Finalement, elles déplorent ses atermoiements et son refus d’agir occulté par diverses arguties. Bref, elles l’accusent de jouer la montre. Pour sa part, Anne Hidalgo affecte l’empathie et déclare au contraire sur la chaîne BFMTV que ce report hautement préjudiciable ne saurait en aucun cas lui être imputé. Pourtant, il est clair qu’un tel dispositif adopté dès les lendemains de la catastrophe aurait permis à chacun d’être entièrement indemnisé avant même la tenue d’un procès. Un processus nécessaire, voire indispensable, car l’on sait par ailleurs que les assurances tardent souvent à débloquer leurs fonds lorsqu’elles ne décident pas parfois de s’engager purement et simplement dans une guérilla interminable afin de contester leurs obligations. 

C’est pourquoi les victimes apparaissent aujourd’hui rongées par l’incertitude et épuisées par une attente insoutenable quant à leurs demandes de relogement ou leur indemnisation. Elles sont plus encore usées par un long parcours procédural semé d’embûches administratives et d’absurdités bureaucratiques. Comme dans un cauchemar, elles ont le sentiment de parcourir un tunnel sans fin, tandis qu’on les gratifie de promesses illusoires. Tous, aussi bien les blessés que les sinistrés, se disent désespérés et abandonnés par la Ville de Paris. Leur situation très précaire, due à l’imbroglio des indemnisations, apparaît d’autant plus préoccupante que leur préjudice n’est toujours pas reconnu en tant que tel. Cela signifie par exemple que les personnes grièvement blessées et lourdement mutilées doivent faire face à des soins coûteux dont la Sécurité sociale n’assume qu’une partie.

Pour pallier l’impéritie de l’équipe d’Anne Hidalgo, Matignon et le ministère de la Justice ont désigné le 16 novembre 2021 deux coordinateurs – un gendarme et un magistrat – qualifiés de « tiers de confiance » pour prendre la tête du fonds d’indemnisation. Il s’agira pour eux d’évaluer, avec les experts et les assureurs, le montant auquel auront droit des victimes comme Inès, Angela, Ameroche, Amor, pour ne citer que quelques noms parmi bien d’autres ; des personnes souvent très jeunes qui ont vu leur avenir brisé. Handicapées à vie, elles ont dû, pour certaines d’entre elles, telles Inès, subir plus de quarante interventions chirurgicales, sans même évoquer leur préjudice moral. Cette jeune femme de 25 ans a déclaré le 14 octobre dernier à la presse : « Personne ne m’entend, personne ne veut m’aider, je regrette de ne pas être morte ». Pourtant, elle mène depuis quelques mois un combat emblématique, à tous égards, car il vaut pour chacun. Elle a en effet, créé sur Twitter : « Anne hidalgo, c’est moi Ines » (@Instrevise). Ce compte est destiné à interpeller Anne Hidalgo afin qu’elle signe enfin l’accord-cadre qui seul permettrait une indemnisation rapide, totale et définitive de toutes les victimes de la catastrophe.

On l’aura compris, il y a plus que jamais urgence à agir pour prendre enfin sérieusement en charge le sort de ces êtres en souffrance. Le traitement de ce dossier est certes humain, juridique, mais il est aussi bien sûr politique comme l’activisme de l’opposition autour de cette affaire le démontre. En fait, la gestion calamiteuse de ce contentieux vient rejoindre bien d’autres griefs quant à la gouvernance de Paris. La candidate PS à l’élection présidentielle – créditée de 2 à 3% dans les sondages – Madame le maire de Paris, Anne Hidalgo, voit donc à nouveau sa crédibilité lourdement entachée.

Une folle? Non, une QAnon

Au Canada, Romana Didulo travaille dur sur les réseaux sociaux pour faire adhérer la population aux thèses conspirationnistes. La porte-parole de QAnon a récemment suscité l’attention d’une équipe antiterroriste, après un message menaçant envers ceux qui encouragent la vaccination des enfants dans le pays.


« Au peloton d’exécution, le peloton d’exécution militaire, vous recevrez non pas une, mais deux balles dans le front pour chaque enfant que vous aurez blessé à la suite de l’injection de ce vaccin expérimental. » Le message posté par Romana Didulo sur son compte Telegram suivi par plus de 70 000 abonnés a attiré l’attention de l’équipe antiterroriste de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui a procédé à l’arrestation immédiate de l’auteur.

Elizabeth II remplacée par un sosie

Véritable star du conspirationnisme au Canada, suivie par de nombreux Américains, cette Canadienne originaire des Philippines est devenue une porte-parole de QAnon, communauté d’internautes convaincus qu’il existe une élite internationale composée de pédophiles qui kidnappent des enfants pour boire leur sang et que Donald Trump mène une guerre secrète contre elle.

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Gratifiée par ses partisans du titre de chef du « Grand Nord blanc », autoproclamée « Reine du Canada », Didulo affirmait dans une vidéo postée sur YouTube en septembre qu’Elizabeth II avait été assassinée « pour crimes contre l’humanité » et remplacée par un sosie. En 2021, ses disciples fanatisés ont distribué de fausses « ordonnances de cessation et d’abstention », normalement des injonctions provenant des autorités, à des soignants, médecins, élus et policiers responsables du programme de vaccination canadien. À la veille de l’ouverture de la saison de la chasse aux canards, elle a suggéré obscurément qu’une vraie chasse nettoierait le pays entier avant le milieu de la matinée – on comprend, de tous ceux qui vaccinent des enfants. Finalement, les autorités ont demandé une évaluation psychiatrique de Didulo, s’inquiétant de l’étendue de son influence et cherchant sans doute à la discréditer.

Peine perdue : relâchée, la souveraine des QAnon n’a pas tardé à expliquer sa mésaventure comme un complot orchestré contre elle par le gouvernement.

La France championne d’Europe de l’«islamophobie»

Pour que leur entreprise de sape de nos sociétés occidentales réussisse, il est vital pour les islamistes de démontrer en permanence que les musulmans seraient des victimes de violences ou d’injustices terribles. L’European islamophobia report s’y emploie.


L’European islamophobia report 2020 vient de sortir. Sur les réseaux sociaux, l’information a été partagée par une myriade de militants vent debout face à l’« islamophobie » qui déferle sur le vieux continent. En France, le média qatari AJ + a applaudi. 

Ce gros livre a été dirigé par deux Turcs, Enes Bayrakli et Farid Hafez. Ce dernier l’a mis gratuitement en ligne. Causeur s’est évidemment précipité dessus.

Enes Bayrakli est diplômé en sciences politiques de l’université de Vienne. Il s’intéresse à la « transformation de la politique étrangère de la Turquie » et à l’ « islamophobie ». Farid Hafez a écrit de son côté un ouvrage nommé Islamophobie en Autriche. Des experts !

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Le gros rapport a été édité en Autriche. Il a reçu le label de pas moins de sept organismes. Deux sont consacrés à la recherche sur l’ « islamophobie ». Pour illustrer la couverture (voir plus bas), les deux germanophiles ont choisi une photo du président Macron. Un masque chirurgical en main, le président a l’index posé sur la bouche avec un air préoccupé. À quoi pense-t-il ? À sa prochaine allocution à la télé ? À sa réélection ? Vous n’y êtes pas du tout : il cherche une stratégie pour gagner la palme de l’ « islamophobie ». 

Le CCIF dissous se venge

Dans ce rapport tout en anglais, deux personnes se sont attelées à la partie consacrée à la France. Diplômée de l’université d’Aix Marseille, la première est présentée comme « experte de l’islamophobie » et « s’est engagée dans le combat contre l’islamophobie à travers le CCIF » (« Comité contre l’islamophobie en France »). La seconde a été diplômée en droit par la Sorbonne. Elle s’est aussi « engagée aux côtés du CCIF, où elle était juriste ». 

La partie consacrée à la France de Macron s’étale sur 56 pages. À titre de comparaison, la Hongrie de Victor Orban n’a droit qu’à 22 pages. « L’année 2020 restera en France un tournant majeur en terme de police publique et de discours politique, nous ramenant aux heures les plus sombres », est-il annoncé d’emblée (en anglais). Selon « l’Observatoire National de Lutte contre l’Islamophobie », les actes « islamophobes » auraient augmenté de 53% par rapport à 2019. « En 2019, le ministère de l’Intérieur a rapporté 154 incidents islamophobes alors que le CCIF a reçu 789 rapports de formes se référant à 1043 incidents islamophobes », est-il indiqué. Mais en raison de la dissolution du CCIF, « aucune donnée sur l’islamophobie classée par catégorie et par nature avec des analyses précises, telles que celles livrées annuellement par le CCIF, n’est disponible actuellement en France – le pays le plus islamophobe d’Europe », déplorent les auteurs. 

Chiffres, captures d’écrans et photos à l’appui, des actes antimusulmans, suivant pour l’essentiel le projet de loi contre le séparatisme y sont longuement relatés. Souvent violents, ces actes n’ont rien de glorieux, certains font froid dans le dos. Ils illustrent très bien l’ensauvagement de notre société que d’aucuns continuent de nier. Mais n’en déplaise aux militants, ils ne sont pas l’apanage des musulmans. Quand une église est profanée ou qu’un curé est molesté (ou tué), les instances catholiques ne hurlent pas à la « cathophobie » à tout va. Encore moins avec l’aval d’Amnesty International (dont le rapport sur l’ « islamophobie » est évoqué dans ce texte). Pour clore cette parenthèse, signalons simplement que selon le ministère de l’Intérieur, il y aurait eu 686 actes anti-chrétiens en 2021. 

Causeur oublié

Revenons donc à l’ « islamophobie ». « Il semble que sous l’apparence de combattre le séparatisme, la radicalisation et le communautarisme, l’État veuille éliminer tous signes d’affiliation religieuse », est-il écrit. Jugez plutôt : « En effet, le 4 octobre 2020, Gérald Darmanin a expliqué sur Europe 1 que cette mesure [le projet de loi contre le séparatisme] pourrait même permettre à une entreprise de considérer comme un sérieux écart de conduite le fait qu’un employé du service public refuse, par exemple, de serrer la main d’une collègue femme ». Avant l’avalanche sanitaire, il fut un temps où on serrait la main aux femmes en France, en effet. Et parfois, on leur faisait même la bise. Ce n’était pas inscrit dans la loi, certes, mais c’était un usage. L’irruption du Covid-19 et de ses variants semble avoir réglé le problème à sa façon. Peut-être pour de bon, et c’est malheureux. 

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Darmanin, premier « islamophobe » de France ? En tout cas, il est cité à de nombreuses reprises. Mais qu’il se rassure, il n’est pas seul sur le banc. Il peut s’y blottir contre Marlène Schiappa, qui a osé déclarer un temps qu’elle « voulait créer une nouvelle charte du sécularisme à signer par les associations voulant recevoir des subventions ». Ou contre Christophe Castaner. L’ancien ministre de l’Intérieur est accusé d’avoir « confirmé, sinon aggravé, les amendements faits en novembre (2019) de la circulaire [contre le séparatisme]. » Pauvre Castaner, qui s’en est encore pris sur France Inter, il y a peu, à la « droite rabougrie, rétrécie, extrême-droitisée » de Valérie Pécresse. Le voilà acculé au même sort que la candidate à la présidentielle, elle aussi sur la liste des « figures centrales de l’islamophobie ». Ou aux côtés d’Eric Zemmour, qui y figure également. Dans cette liste, se nichent aussi Jean-Michel Blanquer, la députée Aurore Berger ou encore… le Conseil Français du Culte Musulman (!).

Côté médias, on y trouve les sites Riposte laïque, Fdesouche. com ou l’hebdomadaire Valeurs Actuelles. Mais aussi LCI, Le Figaro, BFM TV ou le journaliste Mohamed Sifaoui (dont le nom, cela va lui faire plaisir, est accolé à celui de Zemmour). En revanche, on n’y trouve ni Libé, ni Le Monde et surtout, même pas Causeur. La preuve que la fachosphère-islamophobe-et-rabougrie ne se trouve pas ici ?

De la démocratie en Suisse

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Dominique Motte nous dit tout de la votation des Suisses… et plus encore


On considère souvent – et moi le premier – que l’exercice direct de la souveraineté populaire est inapplicable concrètement dans une société moderne, pour des raisons variées comme la taille du corps des citoyens (des dizaines voire des centaines de millions !) la complexité ou la technicité des affaires publiques.

Les nouvelles technologies ont rouvert dernièrement le débat autour de la démocratie directe, sans pour autant apporter totalement une réponse quant à sa pertinence. En France, de la campagne électorale de 2007 (avec la « démocratie participative » chère à Ségolène Royal) aux gilets jaunes (et le « grand débat » de Macron), en passant par la VIe République voulue par LFI, les dispositifs participatifs n’ont pas encore apporté de réponses satisfaisantes aux objections et réticences que suscite la démocratie directe. La question reste donc entière : est-il souhaitable de donner aux citoyens, outre le droit de vote, un réel pouvoir entre deux élections nationales ?

Pas une bizarrerie pittoresque

Dans ce contexte, le cas de la Suisse devrait nous intéresser davantage, d’autant plus qu’il est clair que la démocratie représentative est en crise dans de nombreuses démocraties libérales – dont la France. Certes, on en parle de temps à autre, mais comme on le ferait d’une anecdote pittoresque, comme on peut parler de la naissance d’un panda dans un zoo ! C’est rarement l’occasion de faire une analyse détaillée de la démocratie suisse. Pour prendre l’exemple suisse plus au sérieux, De la Démocratie en Suisse de Dominique Motte est un vademecum à la fois utile et agréable.

On peut ainsi apprendre que depuis l’institution en 1848 du référendum constitutionnel obligatoire suivie en 1891 par celle de l’initiative populaire, les votations suisses sont les expressions les plus sérieuses à l’époque contemporaine de la démocratie directe. Mais on apprend également très vite que le régime suisse est en réalité une démocratie semi-directe, un mixte de démocratie représentative et directe dans lequel les citoyens participent aux prises de décision aux côtés du gouvernement et du Parlement bicaméral. Les institutions de la démocratie directe sont donc un des trois piliers du régime politique suisse, mélange unique auquel il faut ajouter le fédéralisme qui remonte lui aussi à 1848.

Au cœur de la Cité, un mystère

Aujourd’hui, la Suisse est une fédération de vingt-cinq cantons, dont le bicamérisme équilibré des chambres parlementaires est l’expression. Le Conseil des États (qui ressemble au Sénat des États-Unis) compte quarante-six sièges (deux sièges pour chacun des vingt cantons et un siège pour chacun des demi-cantons). Le canton de Zurich, avec 1 million d’habitants, a ainsi la même représentation que celui d’Uri et ses quelques 40 000 habitants.

Le Conseil national (qui ressemble à notre Assemblée nationale), dont les membres sont élus à la représentation proportionnelle au prorata du nombre d’habitants des circonscriptions cantonales, dispose du même pouvoir que le Conseil des États. Contrairement à la France, cette Chambre ne l’emporte pas sur la Chambre Haute.  

A lire ensuite, Radu Portocala: La Suisse romande s’attaque au français

Ces deux chambres (ou Conseils) aux pouvoirs identiques forment l’Assemblée fédérale (AF) dont le fonctionnement est régi par le principe de la « concordance », qui est avec le fédéralisme la deuxième caractéristique originale du système suisse. Concrètement, la « démocratie de concordance » est fondée sur le principe selon lequel les décisions ne sont pas prises à la majorité mais par consensus aboutissant à un compromis. Au cœur de l’horloge, vous l’avez bien compris, il n’y pas de mécanisme secret mais tout simplement un mystère, un trou noir anthropologique qu’il est impossible à réduire à des textes constitutionnels. Nous sommes dans le domaine de « ça ne se fait pas » ou « on n’a jamais fait ça » plutôt que dans le juridique. La clé réside donc dans le fait étonnant que depuis plusieurs décennies aucun élu de l’Assemblée fédérale n’a été tenté de gagner en contournant les règles ou en bloquant la machine.  

Une formule magique

C’est ainsi que les sept membres du  gouvernement suisse (le Conseil fédéral, une émanation de l’AF), représentent les principaux partis politiques suisses en fonction de leur nombre d’élus au Conseil national. Les sept membres du gouvernement sont élus par l’Assemblée fédérale, réunissant les deux chambres, selon une clef de répartition « 2+2+2+1 » instaurée en 1959 et qu’on appelle la « formule magique ». La formule magique est la solution des Suisses au mystère qui est au cœur de leur système. Mais elle tellement magique qu’on ne peut pas la formuler…

Vous pouvez approfondir vos connaissances de l’horloge politique suisse en feuilletant De la  Démocratie Suisse de Dominique Motte avec ses multiples entrées détaillées. Mais cet ouvrage clair et facile à lire fait une contribution encore plus importante au débat sur la démocratie directe. Motte dépasse largement la conception juridique de la question et ses aspects constitutionnels. Certes, il est important de connaître les rouages de la mécanique politique suisse, mais il faut surtout savoir que les constitutions voyagent mal et les lois sont vides de sens hors contexte anthropologique et historique. Ainsi, on peut lire dans cet encyclopédie plein de choses sur le congé maternité, les droits de douanes, les langues, l’armée et les services secrets, les jeux d’argent et même les prénoms (pour couper court à la polémique, les plus populaires chez les nouveaux nés en 2019 sont, du côté des petits violeurs en puissance, Daniel, Peter et Thomas, et Maria, Anna et Sandra pour les futurs victimes).

Subtilement, le livre de Motte nous montre le chemin de la démocratie directe et il ressemble énormément à la manière de cultiver des gazons parfaits à l’anglaise : il faut y consacrer une heure. Tous les jours. Pendant quatre siècles. Demandons-nous désormais si, pour remédier aux multiples et gravissimes lacunes de notre démocratie représentative, nous allons enfin commencer à devenir suisses ?    

Dominique Motte, De la démocratie en Suisse, La Route de la Soie Editions, 2021

Henri Béraud, le vagabond des capitales

Ce flâneur salarié, pionnier du grand reportage et styliste hors pair, prix Goncourt 1922, est à redécouvrir.


En voilà un tombé dans l’oubli : Henri Béraud (1885-1958), romancier célèbre de l’entre-deux-guerres, prix Goncourt 1922 pour Le Martyre de l’obèse (réédition Albin Michel, 2016), journaliste, pamphlétaire (longue brouille avec André Gide), redoutable polémiste au style à la fois lyrique et percutant, et surtout infatigable grand reporter, à l’œil précis et à l’analyse percutante.

Les mauvais choix

Henri Béraud, bon vivant, cholestérol et acide urique toujours en hausse, a commencé sa vie à Lyon et l’a finie sur l’île de Ré. Il a été condamné à mort pour intelligence avec l’ennemi, a été gracié par de Gaulle, est passé par le bagne de Ré justement, pour finir paralysé, cloué sur sa paillasse, dans la solitude et le dénuement, avec pour compagnon le vent d’ouest qui débarbouille.

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C’est qu’il a pris de mauvaises voies, le gros Bébert, de funestes erreurs d’aiguillage, que les vainqueurs de 1945, les gaullistes en particulier, avec en tête l’amiral Muselier, traité d’ « amiral de bateau-lavoir » par l’ironique Béraud, lui ont fait payer comptant. Il a certes cumulé. Son antisémitisme. Pas pardonnable, surtout quand on a découvert les camps de la mort, la Pologne des barbelés et des cheminées des fours crématoires. Son anglophobie tenace. Elle nait au lendemain de son reportage en Irlande avec Kessel. Le comportement des Anglais l’écœure, il tire le premier, ça fait mouche.

Faut-il réduire l’Angleterre en esclavage ?

En 1935, il écrit Faut-il réduire l’Angleterre en esclavage ? Je saisis mon exemplaire pris moi-même dans la bibliothèque de Béraud dans sa maison de l’île de Ré (je raconterai un jour l’histoire) et je lis une page où il fustige l’éternelle politique de l’Angleterre contre les autres puissances européennes : « Elle consiste, cette politique, à troubler le continent pour régner sur la mer. Elle consiste à solder les consciences, à trouver des mercenaires, à semer la discorde. Elle consiste à interdire la paix entre les nations. Elle consiste à jucher des clergymen sur des coffres-forts afin de prêcher aux nations pauvres le renoncement. Car tel est bien le prix du confort anglais. » Après l’attaque de Mers-el-Kébir, menée par la Royal Navy contre la flotte française, le bouillant Béraud ne décolère pas et en fait des tonnes. Il est aussi pétainiste. Pas vichyste. Les arrivistes grouillent dans la ville thermale comme la vermine sur le dos de la charogne. Trop de « longues figures ». Non, pro Pétain, le type qui fait don de sa personne à la France, la terre et les morts, c’est charnel. Pétain protège contre l’Allemagne hitlérienne que Béraud abhorre. Ça fait aujourd’hui grincer les dents que d’écrire cela. Mais quand la meilleure armée du monde, paraît-il, est défaite en quelques jours (qui sont les responsables ?), que les civils sont sur les routes, que les familles sont séparées, que la vie s’effondre, on peut comprendre leur immense désarroi. Et puis tous ces soldats prisonniers en Allemagne, plus de 2.600.000, otages de Hitler, on en fait quoi ? Mais Béraud est un vaincu. À rayer.

A lire aussi: L’infréquentable Monsieur Gide

L’écrivain Cédric Meletta a pourtant décidé de le remonter des enfers où croupissent les parias et de nous présenter un choix d’articles (de 1919 à 1933) signés de ce témoin inspiré, sorte de pythonisse replète qui annonce la montée générale du meurtre après avoir arpenté les capitales d’Europe, en particulier Vienne. Après 1933, Béraud, même pour les dynamiteurs de la bienpensance, devient infréquentable. Dans Gringoire, hebdomadaire nationaliste, le « pèlerin de l’info » se déchaine contre le Front populaire, surnommé « Frente Crapular », et son antisémitisme devient sans limite, alors qu’en 1923 il prononçait à Médan, un hommage à Zola en présence d’Alfred Dreyfus. Cédric Meletta, dans sa préface, dont le style n’est pas s’en rappeler celui de Céline, souligne : « Tous ces reportages, c’est de la préscience. Soit, le film de l’événement avant l’événement, tel que pourraient le voir sachems et chamanes de l’autre côté de la vie (…). Tout est prévu, senti. Jusque dans le moindre détail. Les moustaches de Staline, la corrosion du pangermanisme, l’Anschluss, garante de la paix dans le monde. » Ce livre, Henri Béraud reporter, est une mine pour les historiens curieux. Il est à recommander aux jeunes journalistes en manque d’inspiration. Quant aux lecteurs lassés des eaux tiédasses de la production culturelle normée, ils y trouveront une respiration salutaire.

Les géants meurent aussi

Dans sa maison de Ré, Les Trois Bicoques, achetée avec les droits d’auteur du Goncourt, le réprouvé hémiplégique continue d’écrire. En 1953, il publie Les derniers beaux jours (Plon), livre de souvenirs et de portraits. Son style enchante même s’il se teinte de gris et qu’il palpite sous la bruine océane. Le « flâneur salarié » ne marche plus, mais sa mémoire mouline. Il raconte sa visite à Clémenceau, retiré dans sa propriété de Saint-Vincent-sur-Jard, non loin des Sables-d’Olonne, après sa candidature malheureuse à l’Élysée. La visite dure une heure, le « Tigre » parle sans le quitter du regard. Puis c’est le moment de la séparation. Clémenceau le reconduit jusqu’au sommet du chemin. Béraud : « Arrivé là, il me tendit trois doigts que je sentis durs et forts sous le gant. » Le journaliste s’éloigne puis se retourne. Il se souvient : « (…) je vis ses épaules et sa tête descendre de l’autre côté du mamelon, profilés en ombre chinoise à contre-jour du ciel, et il disparut très vite, comme s’il était tombé à l’eau. »  Béraud, en réalité, « filme » sa fin.

Henri Béraud, version reporter, préface de Cédric Meletta, Séguier.

Henri Béraud

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Quand le verbe n’a plus de tenue, le pire est à craindre

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Pourquoi tant de violence politique ? A ce questionnement, on opposera qu’il y en a toujours eu et qu’il n’y a rien de nouveau dans notre démocratie imparfaite…


Il me semble toutefois que sous la présidence d’Emmanuel Macron, et à l’approche de l’échéance de 2022, le climat s’aggrave et que les polémiques, faisant feu de tout bois, mêlant des controverses dérisoires à des enjeux importants, prennent un tour de plus en plus vindicatif, personnel et furieux. Même si, malgré une repentance de façade, on ne pourra jamais espérer du président de la République et de ses soutiens de la première heure une véritable contrition, il faut bien admettre que ce qu’Arnaud Benedetti qualifie « d’arrogance faite président » dans Valeurs actuelles n’est pas pour rien dans la création et le développement de cette fièvre malsaine.

Selon Onfray, nous ne sommes plus vraiment en démocratie

S’agit-il d’ailleurs d’arrogance ou plutôt d’une sorte d’indifférence à l’égard de ce que le commun des citoyens, la société pourraient penser ? Il y a chez Emmanuel Macron, à bien les analyser, des attitudes qui révèlent d’abord qu’il est le roi dans son royaume et qu’il y accomplit ce que bon lui semble. Le drapeau européen laissé seul durant 24 heures relève d’une autre dispute que celle de la promotion d’Agnès Buzyn mais si on veut bien réunir, au début du quinquennat, la faveur faite à Philippe Besson puis, plus tard, la gestion maladroitement protectrice de l’affaire Benalla, enfin le choix d’Eric Dupond-Moretti comme garde des Sceaux, on retrouve, à la source de ces péripéties discutables et discutées, un dédain identique pour tout ce qui n’est pas le pur désir macronien. Il y a une forme de mépris pour les principes d’une décence démocratique puisque ce qui émane du président, provocateur ou non, est la règle dans cette République qu’Emmanuel Macron a ajustée pour satisfaire son impérieuse solitude dans la volupté de présider.

L’expression grossière de sa forte « envie » « d’emmerder » les non-vaccinés dans Le Parisien se situe dans le même registre. Quand le verbe n’a plus de tenue, le pire est à craindre.

Cette impression que le citoyen éprouve d’être dans une démocratie singulière, avec un formalisme respecté mais une claire perte de substance du débat collectif, est sans doute ce qui explique le propos de Michel Onfray selon qui « nous ne sommes plus en démocratie ». Parce que les jeux seraient faits et que depuis 2005, l’emprise maastrichtienne a causé des ravages. Le peuple désavoué par les forces politiques traditionnelles ne s’en est jamais remis.

A lire aussi: Le rappeur Gims ne veut pas qu’on lui souhaite bonne année!

J’entends bien qu’on pourrait qualifier d’outrancière, voire d’injuste la dénonciation de Michel Onfray mais il est intéressant de relever qu’elle n’est pas le fait que des spécialistes mais qu’elle s’accorde avec le sentiment profond d’une majorité. Il y a dans la manière de présider d’Emmanuel Macron une apparence démocratique mais un détournement des processus habituels, qui paraît laisser la place à une personnalité qui décide de tout avec la certitude mal dissimulée d’une défaite impossible dans quelques mois.

Sandrine Rousseau ou Gims y mettent du leur

Les considérations que je viens d’évoquer ne sont pas sans lien avec la violence politique qui surgit face à des pratiques présidentielles qui suscitent d’autant plus d’indignation qu’on sent les protestations inutiles. Le pouvoir fait ce qu’il veut et sa caravane passe.

Profondément, de même qu’on a mis en cause, sur un mode choquant, la légitimité de son élection en 2017, il me semble que la violence politique accrue d’aujourd’hui – et Gims et Sandrine Rousseau y mettent du leur avec un impact qu’on peut juger disproportionné – résulte de la frustration devant un président qui n’est plus désiré mais paraît hors d’atteinte de ses opposants principaux. Il y a comme un sentiment d’exaspération né de l’impuissance citoyenne face au sentiment de supériorité présidentiel.

Comment ne pas comprendre que cette configuration explique aussi l’agitation désespérée de certains candidats de gauche rêvant d’une primaire alors qu’on n’est plus très loin de la ligne d’arrivée et la féroce concurrence entre un « républicain radical » selon Alain-Gérard Slama (dans Le Point), Eric Zemmour, et une candidate rêvant de gagner en normalité ce qu’elle perdra en soufre ?

La violence politique n’est pas née avec Emmanuel Macron mais ce Président singulier, pour le pire et pour le meilleur, lui a donné une couleur, une odeur, une intensité, une tonalité sans commune mesure avec les précédents républicains. Il y a des brutalités de velours, des autocraties soyeuses, des indifférences qui font mal.

American Traumas

Le dernier film de Paul Schrader, 75 ans, une des anciennes gloires du Nouvel Hollywood jadis flamboyant, est une magistrale leçon de cinéma au style épuré et vintage nous plongeant dans l’âme malade d’un pays aux multiples blessures identitaires et mémorielles.


Elevé dans une stricte obédience calviniste selon laquelle le cinéma, la télévision, les filles et les coquetteries vestimentaires représentaient le diable absolu, Paul Schrader ne vit son premier film qu’à l’âge de 18 ans ! Le choc fut si brutal qu’il décida de devenir scénariste puis réalisateur. Ses maitres s’appelaient alors Ozu, Dreyer et Bresson, ce qui l’amena à leur consacrer un très sophistiqué traité de réflexions quasi philosophiques (The Transcendental Style : Ozu, Bresson, Dreyer). Puis c’est la révélation mondiale avec l’élaboration du scénario de « Yakuza », formidable film de Sydney Pollack (1974) dans lequel un Américain passionné par le Japon et les arts martiaux (Robert Mitchum) décide d’aider un ami à retrouver sa fille enlevée par de terribles gangsters japonais. Du calvinisme au confucianisme et au shintoïsme, il n’y a qu’un pas que franchit allégrement Schrader dans la quête de la sagesse et de la rédemption.

Le réalisateur Paul Schrader © Franck Ferville

Rédemption, justement, maitre-mot qui va ensuite irriguer toute sa filmographie avec l’écriture d’un autre scénario devenu depuis légendaire, « Taxi Driver », le film culte de Martin Scorsese (1976) qui voit déambuler dans les rues crasses de New York, un ancien militaire du Vietnam, Travis Bickle (formidable Robert de Niro) dont la réinsertion impossible dans la société et sa vie sociale et affective est élevée au rang d’œuvre d’art avec dynamitage des mythes fondateurs de l’Etat américain. Fort de ces succès critiques et populaires, Schrader décide de passer à la réalisation à la fin des années 70 en enchaînant trois films vertigineux (sans doutes les trois meilleurs de toute sa carrière) visant à sonder les failles, mensonges et perversités d’un pays en cours de transformation (régression ?) vers ce monde post-moderne qu’il exècre tant : « Blue Collar » (1978) sur les dérives et la corruption du monde syndicaliste industriel patronal et salarial ; « Hardcore » (1979), magistrale transposition-relecture de « La Prisonnière du désert » fordienne dans un « Hollywood-Babylone » satanique (selon Kenneth Anger) hanté et fasciné par la pornographie et le voyeurisme le plus dégradant ; enfin « American Gigolo » (1980), enquête policière autour d’un homme-objet (Richard Gere !) prêtant et louant ses charmes à de richissimes femmes mûres. Immoralisme, corruption, noirceur, le cinéma schraderien devient un cinéma de la dénonciation dans un style précis, efficace et fortement épuré, le rapprochant parfois d’estampes nippones.

La rédemption en guise de résurrection

Son œuvre cinématographique connaîtra ensuite des hauts et des débats mais l’on peut faire ressortir récemment son très beau « First Reformed » (« Sur le chemin de la rédemption », 2017) dans lequel un pasteur calviniste (encore !) à la suite du suicide d’un fidèle militant remet en perspective notre regard sur le monde et propose une lecture écologique en guise de réconciliation universelle.

Les thématiques de la rédemption et de la quête du pardon se retrouvent au cœur de son dernier brûlot, « The Card Counter », que l’on pourrait traduire par « le compteur de cartes », sorti ce mercredi sur nos écrans.

William Tell (admirablement interprété par un Oscar Isaac littéralement habité par le rôle) est un ancien militaire américain venant de purger une peine de huit ans d’incarcération suite à la révélation mondiale du scandale d’Abou Ghraib, cette prison irakienne de l’horreur et de la barbarie dans laquelle violations des droits de l’homme et actes de torture furent régulièrement et systématiquement pratiqués en 2003-2004 par des G.I’s américains, alors encouragés et fanatisés par leurs instructeurs et hiérarchies.

Durant sa détention, William fait le choix d’une stricte discipline spartiate avant un éventuel retour à une vie « normale » : lecture quotidienne des Pensées de Marc-Aurèle, ritualisation de chaque action entreprise dans sa cellule (rangement, nettoyage, méditation) et perfectionnement aux jeux de cartes, requérant patience, intelligence, anticipation et calculs mathématiques basés sur des probabilités.

Une fois libéré, loin de se réinsérer socialement, William est un être froid, glacial, mutique, portant chemise grise, cravate et veste en cuir noires, les cheveux gominés plaqués et le regard définitivement figé et vide. Un homme dévitalisé, un pantin déjà mort qui va errer sans passion et sans affect de casinos en casinos et de motels minables en chambres miteuses, juste pour empocher une mise lui permettant de survivre et de réinvestir les gains dans un prochain jeu (black jack, roulette, poker) afin d’oublier son passé et de s’oublier lui-même…  

Le vertige d’une Amérique du vide

Schrader filme cliniquement en cadres larges et plans généralement fixes ces espaces impersonnels et mécaniques que sont les casinos à travers une Amérique fantomatique et spectrale. A chaque fois, le même rituel est reproduit. Des joueurs anonymes, la plupart du temps simples représentants de sponsors et autres écuries d’investisseurs qu’ils ne rencontrent jamais. Ils se tiennent assis, contorsionnant leur corps sous des néons aux lumières crues, sans jamais voir le jour, puis patientent des heures, font une pause et reprennent « leur poste » avant de tenter de décoder le « game plan » sur le visage de l’adversaire et jouer la bonne carte pour espérer faire basculer la partie en leur faveur.

Quels liens entre le casino et la guerre en Irak et ses scènes de torture ? C’est précisément toute l’ambiguïté de la démonstration du réalisateur. Dans les deux cas, l’objectif est la mise en œuvre d’une stratégie afin de prendre l’ascendant psychologique sur l’adversaire pour lui soutirer de précieux renseignements. Mais Schrader montre clairement la jouissance que l’homme peut très vite ressentir dans les scènes de torture, de domination et d’humiliation. Ce qui contraste avec l’absence d’émotions que l’on peut lire sur le visage éternellement éteint de William lors de son retour à la vie civile. Même constat devant la volonté du repenti de se couper de toute vie sociale, sentimentale et affective. Il est symptomatique de le voir dépersonnaliser et neutraliser toutes ses chambres d’hôtel en recouvrant le mobilier et les luminaires d’épais draps blancs, rendant l’espace aussi austère et inexpressif que possible. 

Lueur d’espoir ?

L’étincelle viendra toutefois de sa rencontre impromptue avec un jeune garçon en perdition, Cirk (révélation Tye Sheridan) dont le père qui servait dans la même unité que William est revenu de l’expérience irakienne traumatisé, déstructuré, ultra-violent à l’encontre de sa propre famille… pour finalement mettre fin à ses jours. Assoiffé de haine et de vengeance en direction de l’instructeur qui a incité les G.I’s à commettre ces actes barbares (parfaitement interprété par le vétéran Willem Dafoe), Cirk se voit proposer un marché « d’adultes » par William. Si le jeune homme accepte de reprendre ses études, revoir sa mère et abandonner toute idée de violence, alors notre joueur obsessionnel fera un pas sentimental vers celle qui l’attire, « La » Linda (Tiffany Haddish), plantureuse entremetteuse « black » entre sponsors potentiels et professionnels des tapis verts. Le film bascule alors dans une intéressante dynamique initiatique où deux êtres écorchés, en raison du même trauma initial, vont apprendre à se côtoyer, mieux se connaitre et au final s’apprécier, William, célibataire endurci sans enfant, devenant le père de substitution de ce « kid » en rupture.

Jusqu’au terrible twist final, inattendu et émouvant, achevant de faire de ce nouvel opus schraderien un de ses sommets artistiques dont il a le secret, véritable purgatoire des corps et des esprits et expression de sa colère et de son dégoût à l’encontre d’une Amérique décérébrée, amnésique, irresponsable où la vacuité idéologique et les vaines addictions pour les banalités du quotidien sont hélas hissées au rang de valeurs cardinales.

Aux côtés de Martin Scorsese (producteur exécutif du film), Brian de Palma (dont il faut absolument revoir « Redacted » sur une thématique relativement proche d’un « passé américain qui ne passe pas ») et de quelques autres francs-tireurs septuagénaires, héritiers du « Golden age » du Nouvel Hollywood, Paul Schrader, visiblement en grande forme, nous prend à témoins en prouvant qu’il est loin d’avoir baissé les armes… Ce qui est peut-être la meilleure nouvelle, à l’orée d’une nouvelle année, pour tous les amoureux du cinéma nord-américain !

300 juristes ou scientifiques appellent à un moratoire sur le vote du passe vaccinal

Tribune collective


Nous, scientifiques, juristes et citoyens, exigeons un moratoire immédiat sur le vote du projet de loi instituant le passe vaccinal.

L’émergence du variant Omicron, sa propagation fulgurante et sa moindre sévérité clinique sont en effet susceptibles de changer radicalement la donne et de remettre en cause la stratégie fondée sur la vaccination de masse contre une souche différente et désormais minoritaire du SARS-CoV2.

Dans son avis du 26 décembre 2021, le Conseil d’Etat relevait notamment :

« L’évolution prévisible à court et moyen terme de l’épidémie est tributaire de l’apparition et la diffusion rapide du nouveau variant Omicron. Le Conseil d’État constate qu’en l’état des connaissances, ainsi que le relève le comité de scientifiques dans son avis en date du 24 décembre 2021, « bien qu’il existe encore beaucoup d’incertitudes, il est probable que le variant Omicron a une gravité plus faible que les variants antérieurs ». Il résulte toutefois de cet avis ainsi que des autres informations communiquées par le Gouvernement que la plus grande contagiosité de ce variant apparaît établie, et rend probable une accélération de la progression de l’épidémie à brève échéance. Par ailleurs, les données disponibles font état d’une moindre protection par la vaccination actuellement pratiquée et, partant, d’un risque d’infection ou de réinfection en dépit d’une vaccination ou d’un antécédent de covid-19. Il est également possible que ce variant affecte ou compromette l’efficacité des traitements antiviraux disponibles, notamment pour les personnes connaissant un déficit immunitaire ».

Ces constatations militent d’ores et déjà clairement en défaveur de la stratégie de vaccination de masse dont la cible initiale est en train de disparaître.

Reconnaissant expressément que le passe vaccinal « est susceptible de porter une atteinte particulièrement forte aux libertés des personnes », le Conseil d’Etat a néanmoins validé le projet de loi, sous réserve d’étendre le passe vaccinal aux personnes titulaires d’un certificat de rétablissement et de permettre aux personnes non vaccinées de présenter un test virologique négatif pour se déplacer en avion, train ou bus pour des motifs impérieux de nature familiale ou de santé.

Or, les dernières études publiées confirment que le variant Omicron, plus contagieux et beaucoup moins pathogène, permet d’espérer une immunité collective à moindre risque, et que l’efficacité vaccinale est réduite avec ce nouveau variant.

La poursuite de la campagne de vaccination pourrait alors être recommandée aux personnes dont le risque de forme grave est plus élevé mais ne saurait justifier un passe vaccinal généralisé à toute la population à partir de l’âge de 12 ans.

Sur la base de ces considérations, le directeur général du ministère de la Santé de l’Etat d’Israël, le Professeur Nachman Ash, a approuvé la 4ème dose uniquement pour les sujets les plus vulnérables.

En France, le ministre des Solidarités et de la Santé, Monsieur Olivier Véran, a lui-même déclaré qu’ « il y a trois fois moins de formes graves de la maladie avec Omicron qu’avec Delta ». Et celui-ci d’ajouter que « cette cinquième vague de Covid-19 sera peut-être la dernière ».

Cette situation ne saurait donc justifier l’instauration d’un passe vaccinal qui, de l’aveu même du ministre des Solidarités et de la Santé, n’est autre qu’une « obligation vaccinale déguisée ».

Dans le cadre des décisions rendues jusqu’ici dans le cadre de la crise sanitaire, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat n’ont eu de cesse de rappeler que la nécessité et la proportionnalité étaient les conditions de constitutionnalité et de légalité des mesures restrictives adoptées.

Alors que les données s’accumulent sur la faible dangerosité du variant Omicron et, tandis que, dans le même temps, plus d’un million de citoyens Français ont signé une pétition contre le passe vaccinal au motif d’une trop grande restriction à leurs libertés, ces conditions ne sont clairement pas remplies. Le passe vaccinal n’est ni nécessaire, ni proportionné dans son atteinte aux droits et libertés fondamentaux qui constituent le socle de la République Française, dont il faut rappeler la devise afin de lui redonner un sens : Liberté, Egalité, Fraternité.


Juristes :

Fabien Grech, Avocat
Delphine Provence, Avocat
Thibault Mercier, Avocat
David Guyon, Avocat
Benoît Nicolardot, Avocat
Fabrice Di Vizio, Avocat
Christine Claude-Maysonnade, Avocat
Virginie de Araujo-Recchia, Avocat
Diane Protat, Avocat
Isabelle Petricic-Welschen, Avocat
Maud Marian, Avocat
John Bastardi-Daumont, Avocat
Paméla Wassilieff, Avocat honoraire
Flavie De Meerleer, Avocat
Romain Pietri, Avocat
Jenna Scaglia, Avocat
Kaouçar Younes-Gharbi, Avocat
Léa Charamnac, Avocat
Vincent Capelle, Avocat
Pierrine K’Varec, Avocat
Camille Dire, Avocat
Julien Dray, Avocat
Hadjar Fertikh, Avocat
Mohamed Felouah, Avocat
Jean-Joël Governatori, Avocat
Miguel Grattirola, Avocat
Linda Simonet, Avocat
Vanessa Hinder, Avocat
Elodie Alves, Avocat
Anne-Victoria Fargepallet, Avocat
Nancy Risacher, Avocat
Vincent Delpech, Avocat
Martine Ricouart-Maillet, Avocat honoraire
Laura Merodio, Avocat
Valérie Truchet, Avocat
Zia Oloumi, Avocat
Amelle Bouchareb, Avocat
Jean-Pierre Joseph, Avocat
Ghislaine Virelizier, Avocat
Joëlle Verbrugge, Avocat
Nassima Ferchiche, Avocat
Hanna Cherif Hautecoeur, Avocat
Karine De Luca, Avocat
Stéphane Vacca, Avocat
Stéphanie Chrétien, Avocat
Matthieu Cordelier, Avocat
Stéphane Massé, Avocat
Stéphane Minso, Avocat
Catherine Kratz, Avocat
Edit Faraut, Avocat
Béatrice Hubert, Avocat
Katia Mersic, Avocat
Déborah Ittah, Avocat
Chloé Fernström, Avocat
Julien Marbois, Avocat
Jean-Loup Lefevre, Avocat
Sophie de Kermenguy, Avocat
Sarah Rolland, Avocat
Chloé Schmidt-Sarels, Avocat
Andrea Carstoiu, Avocat
Jean-pierre Joseph, Avocat
Eva-Belin Amador, Avocat
Sophie Vappereau Arnoult, Avocat
Julie Habarès, Avocat
Laëtitia Basquin, Avocat
Francesco Del Pesce, Avocat
Philippe Autrive, Avocat
Karine Shebabo, Avocat
Agnès Teissedre, Avocat
Philippe Fortabat Labatut, Avocat
Anaïs Gallanti, Avocat
Nathalie Garbison de Mortillet, Avocat
Maxellende de la Bouillerie, Avocat
Elise Guilhaudis, Avocat
Marine Sanchis, Elève-avocat
Marie Rossignol, Elève-avocat
Fabienne Gazin, Maître de Conférences en Droit public
Véronique Bouchard, Professeur de Droit privé
Sébastien Robinne, Maître de Conférences HDR en Droit privé
Guillaume Zambrano, Maître de Conférence en Droit privé
Bertrand Pauvert, Maître de Conférences en Droit public
Karima Cavard, Professeur d’économie-gestion
Hélène Terrom, Enseignant-Chercheur en droit
Béatrice Geninet, Docteur en droit privé
Christine Colas des Francs, ancien Magistrat
Sylvain Tronc, Directeur juridique et fiscal
Marc Gotti, juriste
Miriam Almeida Duc, Juriste
Julie Nagy, Juriste
Dylan Mahieu, Juriste
Astrid Manzac, Juriste
Julien Vernai, Mandataire judiciaire stagiaire
Anna Dupont Bradinova, Juriste
Laura Simon, Juriste
Leila Buche, juriste
Isabelle Lu, Juriste
Sylvie Fabre, Juriste
Audrey Avramo-Lechat, Avocat
Annabelle Cornillon, Elève-avocat
Vincent Illiassov, Juriste
Elisabeth Suissa, Juriste
Florence Lefevre, Juriste consultant
Arnaud Gorez, Directeur juridique
Williams Cadenet, Juriste en droit pénal, Psychocriminologue, Victimologue
Mylène Marchand, Avocat
Ambre Zeglin, Juriste
Audrey Dessemond, Juriste
Tatiana Merhi, Juriste
Margot Ordas, Juriste
France Gorgi, Juriste
Pierre-Marie Hourdin, Juriste
Romain Laffly, Avocat
Nuria Iturralde, Avocat
Antonin Péchard, Avocat
Klaudia Miosga, Avocat
Cécilia Mollot, Avocat
Sabrina Grifat, Avocat
Audrey Herz, Juriste
Kaouçar Gharbi, Avocat
Nicolas Simon, Avocat
Vincent Berthier De Bortoli, Avocat
Eva-Belin Amador, Avocat
Chantal Carpentier, Docteur en droit international public
Florence Lefevre, Juriste consultant
Aliénor Barraud de Lagerie, Juriste
Galerie Ferrero, Docteur en droit
Magali Daniel, Juriste
Jérôme Campestrini, Avocat
Isabelle Burlacot-Hunsinger, Avocat
Kristine Abraham, Juriste
Marc Ravelli, Avocat
Joël Yoyotte-Landry, Avocat
Alain Pipart, Maître de conférences de droit public
Vincent Vialard, Avocat
Tatiana Merhi, Juriste
Julien Marbois, Avocat
Marie Perrazi, Avocat
Nathalie Woroch, Avocat
Stéphanie Candela, Avocat
Dorothée Boyer-Paillard, Avocat
Alexandre Peron, Avocat
Camille Dufossé, Juriste
Julien François, Avocat
Christophe Gex, Juriste
Lorraine Lefranc-Guilbert, Avocat
Jochen Bauerreis, Avocat
Myriam Kerneis, Avocat
François Derouet, Avocat
Hélène Michailou, Juriste
Soazig Bourgeot, Responsable juridique
Céline Monfort, Juriste
Bénédicte Beni-Locco, Juriste
Tatiana Merhi, Responsable juridique
Yasmina Oulmi, Avocat
Geoffroy Lyonnet, Avocat
Jacques Folon, Juriste
Julien Marbois, Avocat
Marie-Laure Ingouf, Avocat
Marie-Bénédicte Donzel, Notaire stagiaire

Scientifiques :

Jean-Michel Claverie, Professeur des Universités – Praticien hospitalier
Jean-Marc Sabatier, Directeur de recherches au CNRS
Yannick Comenge, Docteur en microbiologie
Pascal Mensah, Docteur en médecine
Jean-Michel Wendling, Docteur en médecine
Laurent Mucchielli, Chercheur au CNRS
Yuri Biondi, Chercheur au CNRS
Christian Perronne, Professeur des Universités – Praticien hospitalier
Leila Gofti-Laroche, Praticien hospitalier
Jean-Philippe Danjou, Président du syndicat Liberté Santé
Grégory Vieque, masseur kinésithérapeute DE
Susanne Peters, Psychologue
Sébastien Ridoux, Sophrologue
Chantal Brichet-Nivoit, Médecin
Gabrielle Radault, Mandataire agréée près l’office européen des brevets
Frédéric Badel, Psychiatre
Géraud Gourjon, Anthropologue Biologiste, Enseignant-Chercheur
Françoise Le Roux, Directeur d’EHPAD
Eric Loridan, Chirurgien digestif
Virginie Kelis, Orthophoniste
Franck Zeiger, Docteur en médecine
Christian Cochet, SOS Médecins Marseille
Laurent Durinck, Anesthésiste
Catherine Frade, Docteur en pharmacie
Frédéric Letemple, Vétérinaire
Frédéric Grillot, Physicien
Thierry Boudemaghe, Praticien hospitalier, Docteur en biostatistique
Gilles Plunian, Psycho-ergonome
Anna Taranto, Psychologue
Michaël Martins, Psychologue
Géraldine Stévenin, Psychologue
François Lhuisset, Docteur en chirurgie dentaire
Catherine Defabianis, Docteur en pharmacie et Juriste
David Martin, Aide-soignant
Gayane Mkhitarian, Sage-femme
Marie Lion-Julin, Psychiatre
Damien Huyghe, Ergonome, Professionnel Santé au Travail
Marie-Julienne de Gerando, Etudiante en médecine
Renaud Gabet, Physicien et Universitaire
Lucas Greff, Psychologue
Yoanna Micoud, Psychologue
Martyna Tomczyk, Docteur en éthique médicale
Annelise Bocquet Garçon, Docteur en Biologie Santé et Professeur d’hématologie-immunologie
Jean-Christophe Cousin, Maître de conférences
Vincent Reliquet, Docteur en médecine
Hélène Banoun, Docteur en pharmacie
Elise Galeyrand, Infirmière
Olivier Duhoo, Infirmier
Régine Sextus, Infirmière
Olivier Ducourant, Thérapeute holistique, Infirmier
Magali Chevassu, Psychologue
Bruno Sanchez, Infirmier
Delphine Cazeba, Opticienne
Sarah Segaud, Infirmière
Gwanaelle Dupoux, Aide-soignante
Coraline Pierrat, Infirmière
Hélène Claverie, Préparatrice en Pharmacie
Céline Horgues, Infirmière
Elisabeth Denoor, Infirmière
Bénédicte Taxier, Préparatrice en pharmacie
Elena Mateo Perrote, Masseur kinésithérapeute
Virginie Leray, Ostéopathe
Carine Nicolas, Infirmière
Sandra Deltombe, Aide-soignante
Dominique Bouillaguet, Aide médico-psychologique
Franck Huriez, Infirmier
Corinne Fouchar, Aide-soignante
Mathieu Bardi, Ostéopathe
Sylvie Lardeau, Aide médico-psychologique
Alexia Ragnotti, Infirmière
Elisabeth Da Costa, Infirmière scolaire
Joëlle Capitaine, Aide-soignante
Sandrine Lemercier, Aide-soignante
Gauthier Lasou, Ingénieur Chercheur
Sabine Lasou, Ingénieur Chercheur
Frédéric Lecampion, Psychologue Psychosociologue
Xavier Azalbert, Econométricien
Jean Emsallem, Médecin
Marie-Pierre Sobac, Ingénieur
Marie-Pierre Baudier, Attachée de recherche clinique
Emilie Dejean, Pharmacien-Chercheur
Grégory Vieque, Enseignant-Chercheur
Danielle Vautrin, Médecin
Anne Dehay, Educatrice en milieu médico-social
Quitterie Copeland, Psychologue-Psychothérapeute
Stéphane Gayet, Médecin interniste, Infectiologue, Hygiéniste
Sophie Beaumont, Infirmière
Cyril Paga, Masseur-Kinésithérapeute ostéopathe
Carole Rodriguez, Opticienne
Edouard Chatel, Ostéopathe
Berbara Kool, Juriste en droit de la santé, Infirmière
Bernard Boitrel, directeur de recherche au CNRS
Michaël Lackmy, Aide-soignant
Olivier Boumendil, Radiologue
Jean-François Payen, Docteur en médecine
François Bouchut, Directeur de recherche au CNRS
Marie-Thérèse Boitrel, Directrice de recherche à l’INSERM
Justine Cagnat, Gynécologue
Véronique Viret, Kinésithérapeute
Evelyne Fargin, Professeur Emérite à l’Université
Didier Quiertant, Docteur en pharmacie
Morgane Bertelot, Analyste de données
Patricia Melot, Docteur en médecine
Barbara Houbre, Maître de conférences
Jozwiak Guyon Aleksandra, Docteur en médecine, homéopathe
Corinne Payen, infirmière hospitalière
Catherine Vaillandet, Orthophoniste
Sophie Mure, Orthophoniste, psychologue clinicienne
Maryline Pompon, Infirmière puéricultrice
Emilie Grosdidier, Consultante en toxicologie préclinique
Guillaume Digel, Infirmier hospitalier
Brigitte Grandou, Docteur en pharmacie
Théophile Mégny-Marquet, Psychologue psychothérapeute
Anne Frougneux, Infirmière
Edith Pernet, Infirmière
Pierre Varret, Enseignant spécialisé
Clelia Monteux, responsable scientifique
Arnaud de Chateaubriant, rhumatologue
Virginie Clain, Aide médico-psychologique
Prunelle Aubessard, Aide-soignante
Karine Asensio, Préparatrice en pharmacie
Michaël Martins, Psychologue
Maya Habegger, Docteur en psychologie cognitive, neuroscience et biologie neuronale
Mohamed El Bartali, Kinésithérapeute, osthéopathe
Anne-Laure Vatel, Infirmière
Margaux Buttay, Ingénieure en génie biologique
Jérôme Tristant, masseur-kinésithérapeute
Sandrine Moreau, Maître de conférences
Hervé Seligmann, Chercheur biomédical
Enora Mercier, Orthophoniste
Nathalie Fons, Ingénieure
Léna Le Flem, Pharmacien, Biologiste médical
Elsa Jouenne, Kinésithérapeute DE
Aurore Gigant, Ancien agent hospitalier
Zineb Deheb, Docteur en médecine
Philippe Stampf, Consultant, Docteur en science pluridisciplinaire
Annette Lexa, Docteur en toxicologie, Expert judiciaire
Emmanuelle Cart-Tanneur, Pharmacien, Biologiste médical
Lidwine Marques, Infirmière
L’association SOS libertés fondamentales Le Havre

«Vaccinez les vieux, laissez vivre les jeunes!»

Plus de 80% de Français vaccinés n’ont pas freiné la circulation du virus. Pour le médecin de santé publique et épidémiologiste, il est donc illusoire d’espérer que la stratégie du tout vaccinal arrêtera les contaminations. On peut en revanche empêcher les formes graves, donc la saturation hospitalière, en protégeant les plus exposés. La solution: vacciner 100 % des vieux, autoritairement si besoin, laisser les jeunes se contaminer et surtout, arrêter de pourrir la vie des enfants.


Causeur. Bien que les Français soient l’une des populations les plus vaccinées d’Europe, cette énième vague ne nous épargne pas. Que faut-il en conclure ?

Martin Blachier. Que le vaccin n’empêche pas la circulation du virus, sinon avoir vacciné 90 % de la population éligible aurait stoppé sa propagation. Nous y avons cru, mais c’est un mythe. On le sait depuis juillet 2021, grâce aux données israéliennes. Mais cette réalité n’a toujours pas infusé dans le cerveau des décideurs, qui ne semblent pas encore avoir compris que leur stratégie, fondée sur l’idée d’une large vaccination pour arrêter le virus, n’était pas la bonne. Par ailleurs, on a également appris que de nouveaux variants, qui se développent notamment chez les personnes immunodéprimées, résistaient mieux aux vaccins que les anciens. Enfin, on sait désormais que l’immunité conférée par les deux premières doses des vaccins ARN a une durée relativement limitée (entre trois à six mois), d’où la nécessité du rappel. Certains pensent que l’efficacité de la troisième dose sera également limitée. Sur ce point, rien n’est sûr. En revanche, ce qui est certain, c’est que les vaccins protègent contre des formes graves, en aucun cas contre la contagion. Quel que soit le nombre de doses, on n’arrivera pas à stopper la circulation du virus.

Les mesures barrières sont-elles efficaces ?

C’est une très bonne question. Elles n’ont probablement pas de sens si elles sont associées à une vaccination intensive : pourquoi soumettre toute la société à des contraintes faites pour empêcher la propagation du virus au sein d’une population âgée non protégée ? En même temps, ces mesures permettent de limiter une vague d’hospitalisation quand la population n’est pas vaccinée.

Venons-en à la stratégie du gouvernement. Pendant les premières vagues, les mesures restrictives étaient prises sur la base d’un seul critère, la saturation hospitalière. Aujourd’hui, on nous parle de taux d’incidence et de nombre de cas, c’est-à-dire de circulation virale, critère inopérant si on vous suit. J’en déduis que le gouvernement se trompe dans les grandes largeurs…

Attention, si la circulation du virus ne gêne pas en tant que telle, il faut se demander quel sera son impact sur les hôpitaux et lorsqu’un variant apparaît, on ne le sait pas. S’agissant d’Omicron, au moment où nous parlons (22 décembre), nous ne sommes pas encore certains de sa moindre virulence, même si les dernières données sont rassurantes, donc nous ignorons si sa propagation rapide entraînera un accroissement des cas nécessitant un traitement plus ou moins lourd à l’hôpital. Donc, on restreint les libertés de tout le monde, dans l’éventualité où les hypothèses les plus pessimistes seraient les bonnes.

Le bus de vaccination mobile mis en place par le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis pour informer et vacciner les habitants d’au moins 75 ans, Stains, 2 mars 2021 © Anne-Christine POUJOULAT / AFP

Lors de la première vague, malgré les prophéties apocalyptiques de beaucoup de médecins, l’hôpital n’a pas craqué, on n’a pas « trié » les malades. A-t-on joué à se faire peur ?

Soyons clairs : si à l’époque, on n’avait pas pris des mesures restrictives, cela aurait été un carnage. Beaucoup de gens seraient morts faute de soins. Certes, on aurait pu confiner moins strictement mais on avançait à l’aveugle. C’était encore un peu le cas pour le deuxième confinement car on n’avait pas de vaccination et l’immunité naturelle, estimée à 10 %, était largement insuffisante. Ensuite, on a mis des masques et fixé des jauges, ce qui a permis de maintenir la circulation à un niveau supportable. Puis on a mené une campagne de vaccination intensive. Je le répète, tout s’est joué à l’été 2021, au moment où on comprend qu’on ne freinera pas la circulation du virus. Si on avait tiré les conséquences de nos connaissances, on aurait compris que ce n’était pas 90 % de la population âgée qui devait être vaccinée, mais 100 %. D’ailleurs, les Italiens et les Espagnols qui, eux, ont plus vacciné cette population-là, sont beaucoup moins touchés par les vagues de l’hiver 2021-2022.

L’hôpital est-il vraiment dans l’état dramatique que l’on dit ?

Je ne travaille pas à l’hôpital, mais je peux vous donner les données que j’ai. Premièrement, dans tous les pays du monde qui ont connu des vagues épidémiques (Suisse, Allemagne, États-Unis, Espagne, Italie, etc.), l’hôpital a perdu 20 % à 30 % de ses personnels, donc de ses lits. Deuxièmement, l’hôpital public ne fonctionne pas bien pour des raisons philosophiques. Il a été soumis à une logique de paiement à l’acte, c’est-à-dire de rentabilité, impossible à adopter pour les gens qui y travaillent. Les gens qui travaillent en hôpital public en France ont une vraie vocation, qui a été mise à mal. Et ce n’est pas nécessairement par manque d’argent.

En somme, si nous sommes, aujourd’hui, dans une situation alarmante, c’est parce que 10 % des personnes vulnérables ne sont pas vaccinées ?

Oui, les personnes vulnérables au Delta ou à l’Omicron sont les non-vaccinées et celles qui n’ont pas reçu leur troisième dose. Avec cette épidémie, on ne peut pas se permettre d’avoir une population âgée qui ne soit pas parfaitement à jour des vaccinations. Avec 5 % de la population âgée, vous remplissez les réanimations ! Or, on peut vacciner les jeunes autant qu’on veut, cette population âgée sera exposée au virus puisque celui-ci circule allègrement. Croire qu’on va freiner le flux à la source est une illusion, dont on aurait dû se défaire depuis des mois. Au lieu de choisir la stratégie gagnante, mais politiquement compliquée consistant à imposer la vaccination à 100 % des personnes risquant des formes graves (les vieux, pour faire court), on continue à prendre des mesures qui bloquent toute la société et à emmerder la jeunesse.

Autrement dit, il ne faut plus vraiment se soucier de la maladie en tant que telle et se focaliser sur les formes graves ?

Il faut empêcher les gens d’aller à l’hôpital, donc cibler les gens qui y vont. Et faire porter tout l’effort sur ces populations-là. Seulement, c’est politiquement dangereux, car ce sont des gens qui votent. Il ne s’agissait pas de les stigmatiser, mais de les protéger. Les gens qui ont dénoncé la « stigmatisation » dès qu’on a parlé de population à risque portent une lourde responsabilité ! Avec cet argument qui n’a aucun sens, ils nous ont empêchés d’avoir la bonne stratégie.

Pour résumer, la stratégie du gouvernement était pertinente jusqu’à l’été 2021, tant qu’on n’avait pas de vaccin ou qu’on n’en connaissait pas les effets avec précision. À ce moment-là, il aurait fallu changer de stratégie ?

Exactement. En juillet 2021, quand Emmanuel Macron annonce la mise en place du passe sanitaire, on a déjà toutes les données montrant qu’il n’empêchera pas la circulation virale. On est donc plus dans la croyance que dans la raison scientifique. C’est le biais de confirmation. On avait mis le paquet sur la vaccination pour tous, donc on voulait croire que ça allait marcher. En juin 2021, j’ai publié une tribune dans Le Journal du dimanche pour alerter sur le danger qu’il y avait à laisser, à l’approche de l’hiver, 10 % de la population vulnérable non vaccinée. Si on avait opté pour la vaccination obligatoire des plus de 65 ans, on aurait mis fin à ce cycle infernal. Seulement, on a tout de suite décrété que c’était inenvisageable. Vous savez, Olivier Véran a aussi affirmé qu’il était impossible de faire des vaccinodromes en France, sauf que trois semaines plus tard, il les faisait. C’est exactement pareil pour la vaccination obligatoire des plus âgés : à l’été, on disait au président que ça ne marcherait pas. Eh bien, c’est ce qu’il faut faire et c’est ce qu’on finira par faire. En attendant, on a préféré une stratégie inefficace qui produit des réactions en chaîne sur toute la société. Au lieu de contraindre par la pression des gens de 20 ou 30 ans à se faire vacciner, il fallait les laisser vivre, se contaminer et s’immuniser.

Si on ne l’a pas fait, c’est peut-être parce que la passion égalitaire française considère toute mesure différenciée comme problématique, voire illégitime.

Début 2021, au cours de réunions avec des associations de retraités, j’ai prôné un confinement sélectif des gens à risque. On m’a répondu que c’était de la folie. Aujourd’hui, on envisage le quasi-confinement des non-vaccinés – c’est ce que cache le passe vaccinal. Les mentalités évoluent…

Quel est le poids des antivax parmi les 10 % de gens vulnérables non vaccinés ?

Les antivaccin sont des militants prêts à proférer des menaces de mort, à défiler, à inventer des informations délirantes, car ils ont une intime conviction dont rien ne peut les faire démordre. Selon cette définition, il n’y a pas 10 % d’antivaccin en France. Il y a des gens qui n’ont tout simplement pas envie de se faire vacciner parce qu’ils ont un peu peur. Quoi qu’on décide dans ce pays, il y a toujours 10 % de la population qui est farouchement contre…

À vous écouter, on se dit que le gouvernement a manqué de discernement et de rapidité de réaction…

Il a surtout manqué de courage politique. Il a aussi péché par « wishful thinking », autrement dit, il a pris ses désirs pour des réalités. Ne soyons pas trop sévères, nous sommes tous un peu comme ça. On veut croire qu’il y a des solutions simples. Résultat, on a fait perdre à la population active deux années de vie qu’on ne rattrapera jamais.

Et maintenant, on parle d’un passe pour aller travailler…

C’est ridicule. On reste encore dans l’idée qu’on veut vacciner tout le monde et on instaure une quasi-obligation. Mais c’est tout de même trop mou pour être efficace. Si vous voulez contraindre, faites-le ! Cependant, cette mesure révèle aussi une confusion entre risque systémique et risque individuel. En obligeant un quadragénaire à se faire vacciner, pour avoir le droit d’aller travailler, l’État sort de son rôle. Il devrait dire à une partie de la population : vous êtes tellement à risque que si vous ne vous vaccinez pas, d’autres ne pourront pas être pris en charge. Là, ça se justifie. Si les plus de 60 ans ne se vaccinent pas, cela causera du tort aux plus jeunes.

Selon vous, il fallait rendre la vaccination obligatoire au-delà de 60 ans. Mais si on ne voulait pas de mesures différenciées, on pouvait l’imposer à tout le monde, cela aurait peut-être été inutile mais efficace.

Oui, mais cela aurait été beaucoup plus long. De plus, les jeunes peuvent accepter un effort « one shot », mais dans la durée, ils auraient lâché. Sans compter que les données sont encore incertaines, mais il est probable que pour les jeunes, attraper le Covid protège mieux que le vaccin. L’immunité naturelle est toujours meilleure.

Les jeunes souffrent-ils davantage d’effets secondaires du vaccin ?

Non. Quand vous n’êtes pas à risque, le vaccin ne fait que vous embêter un peu. Il y a des effets secondaires, comme les myocardites, qui arrivent essentiellement chez les jeunes, mais ils restent rarissimes.

Il y a une autre population à risque : les obèses (personnes en surpoids comme on dit en langage politiquement correct). Alors qu’ils étaient très nombreux en réa, il n’y a pas eu une seule action publique ciblée.

Il n’y a jamais rien eu de ciblé de toute façon, ni pour les vieux, ni pour les obèses. Je pense que, pour le coup, la crainte de la stigmatisation a pesé dans la balance.

Confirmez-vous qu’aujourd’hui, en dépit des allégations sur l’âge décroissant des patients, les personnes hospitalisées appartiennent toujours aux mêmes groupes ?

Pour les formes sévères, les facteurs de risque n’ont pas bougé. Ce sont les mêmes facteurs, les mêmes pyramides d’âges, et cela ne bouge pas d’un variant à l’autre.

Pourtant, à force d’entendre des médecins évoquer les gens de 25 ans en réanimation, j’ai fini par y croire et par m’en inquiéter…

On a entendu cette rhétorique à chaque arrivée d’un nouveau variant. Ensuite, on regarde les données, et on voit que le virus frappe exactement les mêmes catégories. Le problème, c’est qu’on écoute des médecins qui sont au lit du malade. Quand vous êtes réanimateur et que vous avez un patient de 20 ans, cela vous choque très légitimement et vous oubliez de préciser que ce patient présentait d’autres facteurs de risque. De plus, ce sont les statistiques qui disent la vérité, pas les exemples individuels. Mais les statistiques ne créent pas d’émotions. Face à un patient jeune, on est particulièrement touché. Cette émotion passe à la télé et c’est ce que cherche la télé.

Olivier Véran et Jean Castex en visite dans une école primaire parisienne, à l’occasion d’une campagne de dépistage salivaire des élèves, 11 février 2021 © ERIC TSCHAEN-POOL/SIPA

Pour les plus jeunes encore, vous avez lancé une pétition réclamant l’abandon des masques pour les enfants. Pourquoi ?

J’ai lancé une pétition pour un retour à la normale de la vie scolaire. Les enfants ne sont pas le moteur de l’épidémie. Ils n’ont plus à subir ces protocoles fous et très néfastes. Le port du masque gêne les apprentissages : selon certaines études, les enfants ont perdu 22 points de QI en moyenne, depuis le début de la crise. Les fermetures de classe, c’est de la folie. Le professeur Robert Cohen m’a appris que 25 % des hospitalisations d’enfants se justifiaient par des problèmes psychiatriques ! C’est un fait complètement passé sous silence comme si certains médecins « enfermistes » étaient plus forts que tous les autres et que les psychiatres. Je suis plus inquiet pour les enfants que pour les réanimations. C’est l’urgence numéro un !

Cette pandémie réveille chez des journalistes et des médecins le contentement de pouvoir sermonner les autres. J’entendais hier, sur BFM-TV, des journalistes recenser les précautions à prendre pour Noël. Et on sentait leur jubilation.

BFM suit depuis le début la même ligne : mettre en avant des éléments qui peuvent faire peur. Ils pensent certainement que c’est utile, car plus on inquiète les gens, plus ils font attention. Et beaucoup de médecins jouent ce jeu-là… La seule chose qu’ils ont à dire c’est : on voit des gens à l’hôpital et c’est très grave. Des journalistes qui demandent de l’émotion et des médecins qui n’ont rien à dire, ça crée cette mousse qui se vend très bien.

On se rappelle aussi Olivier Véran piquant une crise de nerfs à l’Assemblée en hurlant : « Je reviens de réanimation ! »

Olivier Véran est quelqu’un d’intelligent. Le problème, c’est qu’il est au contact du terrain et qu’il a des pics d’émotion. À chaque variant, il croit vraiment, par exemple, que ça touche les jeunes. C’est une émotion sincère, et il se met à paniquer. Le président a un côté plus détaché. Je pense que c’est la raison pour laquelle le duo Macron-Véran a assez mal fonctionné.

On a parlé des gouvernants, des médecins, quelle est la responsabilité des médias dans la gestion de cette crise ?

Zéro ! Je dédouane complètement les médias dans cette crise. Ils ont joué un rôle capital, celui de premier fournisseur d’informations pour les décideurs eux-mêmes ! Ils ont aussi permis de faire émerger des personnes qui, comme moi, portaient un discours singulier. On peut penser qu’ils ont trop parlé du Covid, mais cela répondait à la demande du public. Tous les programmateurs me l’on dit : on essaie de ne plus faire de Covid, mais il n’y a que ça qui intéresse les gens ! De plus, le niveau d’expertise, sur certaines chaînes d’information, a été très bon. Les médias français sont d’ailleurs regardés partout, notamment en Suisse et en Belgique.

Que sait-on aujourd’hui sur les Covid longs ?

Pas grand-chose… Mais on désigne par ce terme beaucoup de phénomènes différents, dont certains n’ont rien à voir avec la Covid. D’abord, les syndromes inflammatoires post-infectieux, qui existent aussi pour d’autres pathologies. Ensuite, il y a des gens qui ont été hospitalisés et qui ont du mal à s’en remettre. D’autres font une dépression post-Covid. La seule chose qu’on sait, c’est que ce n’est pas lié à la gravité : il y a autant de Covid longs chez ceux qui ont eu un petit rhume que chez ceux qui ont été hospitalisés. C’est un objet mal identifié qui sert trop souvent d’argument quand on n’arrive plus à parler des formes sévères.

Comment sortira-t-on de cette pandémie ? Par la banalisation de cette maladie ?

D’abord, il faut comprendre que le virus continuera à circuler. Certes, il aura sans doute moins de facilité en raison de la progression de l’immunité, mais celle-ci sera affaiblie par les nouveaux variants. Donc, on en sortira quand tout le monde se sera mis d’accord sur le fait que les personnes vulnérables doivent se faire vacciner chaque hiver, comme pour la grippe. En revanche, penser que la solution passe par la vaccination de tous les Terriens est une illusion totale. Déjà parce que la vaccination n’empêche pas la circulation, et ensuite parce qu’on ne pourra jamais vacciner la planète entière.

Rendez-nous Malthus!

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Thomas Robert Malthus (1766-1834) Wikimedia commons

Malthusianisme: « Doctrine de Thomas Malthus (1766-1834) qui prône la continence volontaire en invoquant la disparité de la croissance démographique et de la production des substances alimentaires ». Ainsi le dictionnaire définit-il la théorie selon laquelle seul un contrôle sérieux de la population préviendra les crises économiques, les famines et les violences…


Mais qu’a donc à voir cette doctrine, sur laquelle chacun jette un regard noir, avec l’actualité ?

Aucun grand livre ne vient avant son heure. Ce n’est donc pas un hasard si c’est entre la fin du XVIIIe siècle et l’aube du XIXe que Malthus écrit son Essai sur le principe de population, dont il livre la version définitive en 1803.

Le siècle des Lumières a amené des progrès décisifs. La production agricole avait longtemps été malmenée par des coups de froid intense. On est alors dans ce « petit âge glaciaire » qui détruisit avec constance cultures et populations : le seul hiver de 1693-1694 a fait 1,3 millions de morts, dans une France de 20 millions d’habitants, et celui de 1709-1710 — en pleine guerre de Succession d’Espagne — est à peine moins létal, avec 600 000 morts. Mais malgré seize épisodes semblables, le XVIIIe siècle voit la population française passer de 20 à 30 millions d’individus. Les rendements à l’hectare, partout où les physiocrates ont porté la bonne parole agricole, s’améliorent nettement — ils sont ainsi passés de 8 quintaux / hectare à près de 70 aujourd’hui. Le prix du blé avait décuplé en 1710. Il connaîtra des variations, certes, mais rien de comparable. De surcroît, les peuples déchristianisés sont moins patients, et une hausse des prix des farines en 1788 a entraîné ce que vous savez l’année suivante.

A relire: Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie

L’hygiène, facteur d’épidémies, s’améliore dans les classes aisées. Durant la peste de Marseille (1720), bourgeois et aristocrates meurent cinq fois moins que les pauvres. En 1796 Edward Jenner synthétise des recherches étalées sur son siècle et met au point le vaccin contre la variole (un vrai vaccin, celui-là, si vrai que la maladie a pratiquement disparu dans le courant des années 1970), qui frappait 60% de la population et tuait 20% des malades, chiffres fournis par Voltaire, grand partisan de ces premiers essais que l’on appelait alors « inoculation » ou « variolisation » : Bernoulli démontra en 1760 que la généralisation de cette pratique faisait gagner trois ans d’espérance de vie à la naissance. Et les enfants meurent un peu moins qu’auparavant. Bref, malgré les saignées des guerres de l’Empire, la France compte 30 millions de sujets en 1810 (l’Angleterre, 12 millions, l’Europe 187 millions, contre 747 aujourd’hui, et le monde un milliard — contre 7,874 en 2022).

Si tout ne va pas bien (il y aura une ultime épidémie de choléra à Paris en 1832), tout va globalement mieux.

Le scandale de l’Essai sur le principe de population

Mais pour Malthus, au contraire, tout empire. Cette expansion démographique est porteuse, dit-il, de graves troubles à venir. Alors même que la révolution industrielle a commencé en Angleterre, et autorise les rêves les plus fous, dans la lignée optimiste d’Adam Smith ou de William Godwin — et en France celle de Condorcet, voir son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, paru en 1795. D’où son idée de contrôle de la natalité.

L’Essai sur le principe de population est un immense succès, qui alimente des polémiques féroces. L’idée de retarder le mariage, d’encourager la chasteté, de limiter volontairement le nombre d’enfants, fait débat. La nécessité selon Malthus de cesser de venir au secours des pauvres scandalise.

C’est que, explique-t-il, les anciens régulateurs de la démographie, famines, guerres et épidémies, ne jouent plus leur rôle. La population croît de façon géométrique, et les ressources de façon arithmétique. L’écart se creuse donc, et débouchera à terme sur des crises insoutenables…

Le penseur anglais distingue les positive checks (traduisez checks par freins ou obstacles), tels que famines et épidémies, et les preventive checks, le contrôle volontaire ou imposé des naissances. Avortement, contraception et euthanasie sont au programme. La politique de l’enfant unique décrétée par la Chine de 1979 à 2015, qui a probablement évité 400 millions de naissances, serait tout à fait sa tasse de thé… Rappelez-vous la chanson de Jacques Dutronc, « Et moi et moi et moi » : on comptait à l’époque (1966) « 700 millions de Chinois » — un chiffre qui a seulement doublé en 60 ans.

Notons toutefois quelques signes encourageants. Ainsi le fait que l’âge du premier enfant ait constamment reculé (il est aujourd’hui bloqué autour de 30 ans en Occident), la transition démographique qui suppose qu’une baisse significative des naissances suive une baisse parallèle de la mortalité (c’est effectif depuis 2005, au moins dans les pays occidentaux où la fécondité des mâles, en particulier, baisse spectaculairement), ou les théories des écologistes profonds selon lesquelles l’accroissement de la population humaine entraîne forcément une extinction d’un nombre toujours plus grand d’espèces. C’est la thèse du commandant Cousteau, qui n’hésitait pas à affirmer que « la Terre est cent fois trop peuplée. Une terre et une humanité en équilibre, ce serait une population de cent à cinq cents millions de personnes… C’est une chose terrible à dire, mais pour stabiliser la population mondiale, nous devons perdre 350 000 personnes par jour. » Ou celle soutenue par Claude Lévi-Strauss vers la fin de sa vie : « Ce que je constate : ce sont les ravages actuels ; c’est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu’elles soient végétales ou animales ; et le fait que du fait même de sa densité actuelle, l’espèce humaine vit sous une sorte de régime d’empoisonnement interne — si je puis dire — et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n’est pas un monde que j’aime ».

Le sida – total respect !

Quant aux positive checks, force est de constater qu’ils ne sont plus ce qu’ils étaient. Même si l’insécurité alimentaire concerne encore 45 millions de gens dans ce monde, les grandes famines — rappelez-vous le Biafra en 1967-1970, avec peut-être 2 millions de morts, une aubaine — ne sont plus d’actualité. Même les guerres, depuis la dernière, déçoivent les malthusiens. Quand on pense qu’au XIVe siècle Tamerlan a fait peut-être 17 millions de morts en conquérant l’Asie — soit 5% de la population mondiale… Et tout au sabre ! Ou que la conquête des Amériques a fait, au bas mot, par génocide volontaire ou épidémies transportées, près de 120 millions de victimes… De quoi faire rêver les mânes de Malthus.

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Pour ce qui est des épidémies, n’en parlons pas. La peste est vaincue, comme le typhus, depuis que nous ne cultivons plus puces et poux, le choléra régresse, la variole n’existe plus, poliomyélite et tuberculose sont en déclin. Alors oui, Ebola, le Sida (32 millions de morts — total respect !), c’est bien, mais c’est insuffisant.

Charlton Heston dans le film « Soleil Vert » de Richard Fleischer (1973) © REX FEATURES/SIPA Numéro de reportage : REX43061802_000004

De surcroît, les épidémies anciennes frappaient indistinctement jeunes et vieux. Il faudrait un fléau qui élimine prioritairement les bouches inutiles — comme dans Soleil vert, où Edward G. Robinson (qui dans les faits avait un cancer du pancréas en phase finale, jouait sa mort sur la Sixième symphonie de Beethoven et le Peer Gynt d’Edvard Grieg, et est décédé juste avant la sortie du film) aspire à l’anéantissement. Vous rappelez-vous que l’action de cette dystopie se passe en 2022 ? Ou dans le Parfum d’Adam, de Jean-Christophe Rufin. Depuis le Meilleur des mondes de Huxley (1932), de bons esprits ont imaginé une société sagement malthusienne… Il reste à écrire l’histoire d’une épidémie qui ciblerait préférentiellement les personnes âgées ou les vieux cons dans mon genre, dont ainsi les jeunes n’auraient plus à payer les retraites… Une pure fiction…

Pourquoi diable vous parlais-je de Malthus, en ce 7 janvier 2022 ?

Ah oui, je me rappelle : le Covid !

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Explosion de la rue de Trévise: les victimes attendent toujours

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La municipalité affecte l’empathie, mais, de crainte de voir sa responsabilité juridique engagée, elle a toujours refusé de signer l’accord-cadre qui permettrait l’indemnisation des victimes du terrible accident survenu le 12 janvier 2019. Pour pallier l’impéritie de l’équipe d’Anne Hidalgo, Matignon et le ministère de la Justice ont désigné le 16 novembre 2021 deux coordinateurs – un gendarme et un magistrat – qualifiés de « tiers de confiance » pour prendre la tête du fonds d’indemnisation. 


Le 12 janvier 2019 à 8 h 59, une très violente explosion de gaz survient au 6 rue de Trévise, dans le 9e arrondissement de Paris. Elle détruit un hôtel, une boulangerie, saccage des immeubles et fait quatre morts dont deux pompiers, 66 blessés et quelque 400 sinistrés. La gravité de l’incident est telle qu’il fallut 200 pompiers pour en venir à bout. Des masses de poussières, de débris carbonisés et de verres brisés jonchent partout le sol et saturent l’espace. Des voitures sont retournées, tandis que des personnes en pleurs, hagardes et maculées de sang, déambulent dans les alentours. Pour indiquer la mesure de la détonation, rappelons qu’elle a été entendue ce jour-là à plusieurs kilomètres à la ronde. 

Aujourd’hui, l’immeuble fragilisé par l’explosion demeure inhabitable et ses façades portent toujours les stigmates de l’incendie. La zone, entourée de barricades, reste en chantier. Trois ans après ce cataclysme, devant ce qui ressemble apparemment à de l’immobilisme, il est urgent de faire le point sur l’enquête diligentée par le procureur de la République de Paris. Il est également nécessaire d’examiner la situation des victimes pour savoir ce qu’il en est de leur prise en charge effective. 

L’enquête et les expertises

Au lendemain de la catastrophe, trois juges d’instruction ont été désignés, lesquels ont demandé à des experts de bien vouloir leur indiquer, sur le plan technique, l’origine de ce sinistre. Très vite, un premier rapport d’enquête a révélé que l’explosion était due à la « rupture d’une canalisation de gaz ». Cependant, après des investigations plus approfondies, il est apparu que de 2015 à 2017 d’innombrables mètres cubes d’eau provenant du collecteur des eaux usées s’étaient déversés sans discontinuer. Cette importante fuite a eu pour conséquence de décompacter le sol, provoquant l’affaissement du trottoir et la détérioration de la conduite de gaz. Celle-ci a fini par se rompre environ deux heures avant qu’une étincelle ne provoque la déflagration. 

Les conclusions de l’expertise judiciaire ont donc souligné de graves « manquements » du service de voirie (responsable de la canalisation des eaux usées), sans incriminer pour autant la filiale d’Engie, GRDF (responsable de la canalisation de gaz). Adoptant ce qui semblerait être une stratégie systématiquement dilatoire, la Ville de Paris a demandé alors une contre-expertise judiciaire, avec pour objectif de contredire le rapport d’experts rendu en mai 2020. Cette étape procédurale a été cruciale, car elle a mis un terme définitif aux réunions que l’équipe d’Anne Hidalgo avait organisées auparavant avec des blessés et des familles sinistrées. À partir du moment où le rapport d’expert a été définitivement adopté par les juges, les victimes n’ont plus vu d’intérêt à participer aux manœuvres destinées avant tout à minimiser l’implication de la municipalité dans l’accident. 

La procédure a finalement abouti, les 8 et 11 septembre 2020, à la mise en examen de la municipalité et du syndic de l’immeuble qui avait fait procéder trop tardivement à la réparation de la fuite d’eau, origine première du drame. Tous deux sont donc mis en examen pour « homicides et blessures involontaires » ainsi que pour « destruction, dégradation ou détérioration par l’effet d’une explosion ou d’un incendie », ce qui devrait normalement les renvoyer devant un tribunal correctionnel dans un avenir plus ou moins proche. En revanche, les juges n’ont finalement pas retenu la responsabilité de l’entreprise Fayolle, chargée en novembre 2016 d’effectuer des travaux sur la chaussée. Cette entreprise de BTP a été simplement placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté.

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Pour Maître Olivier Morice, avocat de plusieurs familles de victimes, cela démontre « qu’il y a des éléments à charge extrêmement importants contre la Ville de Paris ». Ce que les magistrats instructeurs reprochent à cette dernière c’est une négligence coupable, une absence de précautions et d’anticipation, à savoir qu’à aucun moment elle n’a recherché les causes d’un affaissement réitéré du trottoir situé devant l’immeuble, ses services se contentant à cinq reprises (cinq !) de réajuster superficiellement le niveau du bitume. Or, il aurait fallu au contraire s’inquiéter de cette instabilité du sol qui perdurait malgré ces interventions renouvelées. Il aurait fallu y remédier de manière définitive en entreprenant une exploration minutieuse. 

Pourtant, craignant d’être condamnée, la Ville de Paris a rejeté ces accusations, par la voix de son avocate Sabrina Goldman qui a déclaré : « Les juges reprennent les conclusions des experts, que nous contestons fondamentalement ». Les magistrats ont désormais bouclé leur instruction, ce qui peut paraître étonnant. En effet, comme ils ont refusé la première demande de contre-expertise, la Ville a fait appel et l’audience est prévue le 26 janvier. Elle espère ainsi que la chambre de l’instruction acceptera, d’ici à quelques mois, un nouveau groupe d’experts pour examiner le dossier. D’autant que les expertises réalisées dans le cadre civil, et non pénal, aboutissent à des résultats différents. Pour sa part, le syndic a déposé de son côté une requête tendant à l’annulation de l’expertise pénale désignant la fuite d’eau de cause primaire et constatant ainsi sa propre part de responsabilité.

Emmanuel Grégoire, premier adjoint d’Anne Hidalgo – et par ailleurs directeur de campagne de la candidate à l’élection présidentielle – a toutefois osé affirmer le 5 octobre 2021 à l’AFP que « si quelqu’un a traîné pour mettre en place l’accord-cadre, ce n’est pas la Ville ». Mais que pensent les victimes de ce type de propos ? Comment appréhendent-ils cette stratégie flagrante de procrastination, eux qui n’ont, à ce jour, toujours pas vu leur préjudice pris en charge ni même en considération, eux qui n’ont encore perçu aucune indemnisation émanant de la Ville ?

Le désarroi des victimes

Toutes considèrent que c’est bel et bien la Ville de Paris qui est responsable pour le retard et qu’elle devrait assumer aujourd’hui, enfin, ses responsabilités sans plus attendre ni tergiverser. Elle s’honorerait en présentant, aux blessés comme aux sinistrés, des propositions concrètes et rapides. 

En fait, les édiles municipaux ont longtemps craint que le versement de la moindre aide financière vaille reconnaissance de responsabilité avant même la tenue du procès. Ainsi, le 5 novembre 2021 (!), dans une lettre adressée au Premier ministre, madame le maire Anne Hidalgo se disait-elle « favorable à une participation financière de la collectivité », à condition que cela n’apparaisse pas « comme une reconnaissance juridique de responsabilité ». Ses services ont par conséquent attendu d’obtenir de solides garanties de la part de la DIAV (Délégation Interministérielle à l’Aide aux Victimes), pour laquelle, cela « ne valait pas […] responsabilité », déclaration confirmée ensuite par Matignon. Enfin, le ministère de la Justice, a, lui aussi, clairement affirmé que « la conclusion d’un accord-cadre n’impliquait pas de reconnaissance préalable de responsabilité » pour la ville de Paris.

Ce n’est que le 13 septembre dernier que la municipalité allait débloquer 20 millions d’euros pour alimenter le fonds d’indemnisation, une enveloppe qui pourrait être éventuellement augmentée. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant d’opter pour cette procédure administrative permettant la déconnexion de l’indemnisation des victimes du processus juridique ? Et pourquoi d’ailleurs insister sur une telle déconnexion, laissant entretemps les sinistrés sans réponse ?

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Pour autant, même cet accord-cadre d’indemnisation tardif n’a toujours pas été signé à ce jour par la mairie de Paris… Il semble même qu’il ne le sera pas avant la date anniversaire du drame, le 12 janvier prochain. Les associations de victimes dénoncent en l’occurrence le double langage d’Anne Hidalgo. Elles lui reprochent la multiplication de réunions dilatoires à seule fin de bloquer délibérément la situation pour mieux pouvoir se défausser. Finalement, elles déplorent ses atermoiements et son refus d’agir occulté par diverses arguties. Bref, elles l’accusent de jouer la montre. Pour sa part, Anne Hidalgo affecte l’empathie et déclare au contraire sur la chaîne BFMTV que ce report hautement préjudiciable ne saurait en aucun cas lui être imputé. Pourtant, il est clair qu’un tel dispositif adopté dès les lendemains de la catastrophe aurait permis à chacun d’être entièrement indemnisé avant même la tenue d’un procès. Un processus nécessaire, voire indispensable, car l’on sait par ailleurs que les assurances tardent souvent à débloquer leurs fonds lorsqu’elles ne décident pas parfois de s’engager purement et simplement dans une guérilla interminable afin de contester leurs obligations. 

C’est pourquoi les victimes apparaissent aujourd’hui rongées par l’incertitude et épuisées par une attente insoutenable quant à leurs demandes de relogement ou leur indemnisation. Elles sont plus encore usées par un long parcours procédural semé d’embûches administratives et d’absurdités bureaucratiques. Comme dans un cauchemar, elles ont le sentiment de parcourir un tunnel sans fin, tandis qu’on les gratifie de promesses illusoires. Tous, aussi bien les blessés que les sinistrés, se disent désespérés et abandonnés par la Ville de Paris. Leur situation très précaire, due à l’imbroglio des indemnisations, apparaît d’autant plus préoccupante que leur préjudice n’est toujours pas reconnu en tant que tel. Cela signifie par exemple que les personnes grièvement blessées et lourdement mutilées doivent faire face à des soins coûteux dont la Sécurité sociale n’assume qu’une partie.

Pour pallier l’impéritie de l’équipe d’Anne Hidalgo, Matignon et le ministère de la Justice ont désigné le 16 novembre 2021 deux coordinateurs – un gendarme et un magistrat – qualifiés de « tiers de confiance » pour prendre la tête du fonds d’indemnisation. Il s’agira pour eux d’évaluer, avec les experts et les assureurs, le montant auquel auront droit des victimes comme Inès, Angela, Ameroche, Amor, pour ne citer que quelques noms parmi bien d’autres ; des personnes souvent très jeunes qui ont vu leur avenir brisé. Handicapées à vie, elles ont dû, pour certaines d’entre elles, telles Inès, subir plus de quarante interventions chirurgicales, sans même évoquer leur préjudice moral. Cette jeune femme de 25 ans a déclaré le 14 octobre dernier à la presse : « Personne ne m’entend, personne ne veut m’aider, je regrette de ne pas être morte ». Pourtant, elle mène depuis quelques mois un combat emblématique, à tous égards, car il vaut pour chacun. Elle a en effet, créé sur Twitter : « Anne hidalgo, c’est moi Ines » (@Instrevise). Ce compte est destiné à interpeller Anne Hidalgo afin qu’elle signe enfin l’accord-cadre qui seul permettrait une indemnisation rapide, totale et définitive de toutes les victimes de la catastrophe.

On l’aura compris, il y a plus que jamais urgence à agir pour prendre enfin sérieusement en charge le sort de ces êtres en souffrance. Le traitement de ce dossier est certes humain, juridique, mais il est aussi bien sûr politique comme l’activisme de l’opposition autour de cette affaire le démontre. En fait, la gestion calamiteuse de ce contentieux vient rejoindre bien d’autres griefs quant à la gouvernance de Paris. La candidate PS à l’élection présidentielle – créditée de 2 à 3% dans les sondages – Madame le maire de Paris, Anne Hidalgo, voit donc à nouveau sa crédibilité lourdement entachée.

Une folle? Non, une QAnon

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Romana Didulo ©D.R

Au Canada, Romana Didulo travaille dur sur les réseaux sociaux pour faire adhérer la population aux thèses conspirationnistes. La porte-parole de QAnon a récemment suscité l’attention d’une équipe antiterroriste, après un message menaçant envers ceux qui encouragent la vaccination des enfants dans le pays.


« Au peloton d’exécution, le peloton d’exécution militaire, vous recevrez non pas une, mais deux balles dans le front pour chaque enfant que vous aurez blessé à la suite de l’injection de ce vaccin expérimental. » Le message posté par Romana Didulo sur son compte Telegram suivi par plus de 70 000 abonnés a attiré l’attention de l’équipe antiterroriste de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui a procédé à l’arrestation immédiate de l’auteur.

Elizabeth II remplacée par un sosie

Véritable star du conspirationnisme au Canada, suivie par de nombreux Américains, cette Canadienne originaire des Philippines est devenue une porte-parole de QAnon, communauté d’internautes convaincus qu’il existe une élite internationale composée de pédophiles qui kidnappent des enfants pour boire leur sang et que Donald Trump mène une guerre secrète contre elle.

A lire aussi: Trop belle pour être vraie

Gratifiée par ses partisans du titre de chef du « Grand Nord blanc », autoproclamée « Reine du Canada », Didulo affirmait dans une vidéo postée sur YouTube en septembre qu’Elizabeth II avait été assassinée « pour crimes contre l’humanité » et remplacée par un sosie. En 2021, ses disciples fanatisés ont distribué de fausses « ordonnances de cessation et d’abstention », normalement des injonctions provenant des autorités, à des soignants, médecins, élus et policiers responsables du programme de vaccination canadien. À la veille de l’ouverture de la saison de la chasse aux canards, elle a suggéré obscurément qu’une vraie chasse nettoierait le pays entier avant le milieu de la matinée – on comprend, de tous ceux qui vaccinent des enfants. Finalement, les autorités ont demandé une évaluation psychiatrique de Didulo, s’inquiétant de l’étendue de son influence et cherchant sans doute à la discréditer.

Peine perdue : relâchée, la souveraine des QAnon n’a pas tardé à expliquer sa mésaventure comme un complot orchestré contre elle par le gouvernement.

La France championne d’Europe de l’«islamophobie»

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Manifestation à Paris, 10 novembre 2019 © AP / Thibault Camus / SIPA.

Pour que leur entreprise de sape de nos sociétés occidentales réussisse, il est vital pour les islamistes de démontrer en permanence que les musulmans seraient des victimes de violences ou d’injustices terribles. L’European islamophobia report s’y emploie.


L’European islamophobia report 2020 vient de sortir. Sur les réseaux sociaux, l’information a été partagée par une myriade de militants vent debout face à l’« islamophobie » qui déferle sur le vieux continent. En France, le média qatari AJ + a applaudi. 

Ce gros livre a été dirigé par deux Turcs, Enes Bayrakli et Farid Hafez. Ce dernier l’a mis gratuitement en ligne. Causeur s’est évidemment précipité dessus.

Enes Bayrakli est diplômé en sciences politiques de l’université de Vienne. Il s’intéresse à la « transformation de la politique étrangère de la Turquie » et à l’ « islamophobie ». Farid Hafez a écrit de son côté un ouvrage nommé Islamophobie en Autriche. Des experts !

A lire aussi, Philippe d’Iribarne: Le voile islamique est l’expression d’un ordre social

Le gros rapport a été édité en Autriche. Il a reçu le label de pas moins de sept organismes. Deux sont consacrés à la recherche sur l’ « islamophobie ». Pour illustrer la couverture (voir plus bas), les deux germanophiles ont choisi une photo du président Macron. Un masque chirurgical en main, le président a l’index posé sur la bouche avec un air préoccupé. À quoi pense-t-il ? À sa prochaine allocution à la télé ? À sa réélection ? Vous n’y êtes pas du tout : il cherche une stratégie pour gagner la palme de l’ « islamophobie ». 

Le CCIF dissous se venge

Dans ce rapport tout en anglais, deux personnes se sont attelées à la partie consacrée à la France. Diplômée de l’université d’Aix Marseille, la première est présentée comme « experte de l’islamophobie » et « s’est engagée dans le combat contre l’islamophobie à travers le CCIF » (« Comité contre l’islamophobie en France »). La seconde a été diplômée en droit par la Sorbonne. Elle s’est aussi « engagée aux côtés du CCIF, où elle était juriste ». 

La partie consacrée à la France de Macron s’étale sur 56 pages. À titre de comparaison, la Hongrie de Victor Orban n’a droit qu’à 22 pages. « L’année 2020 restera en France un tournant majeur en terme de police publique et de discours politique, nous ramenant aux heures les plus sombres », est-il annoncé d’emblée (en anglais). Selon « l’Observatoire National de Lutte contre l’Islamophobie », les actes « islamophobes » auraient augmenté de 53% par rapport à 2019. « En 2019, le ministère de l’Intérieur a rapporté 154 incidents islamophobes alors que le CCIF a reçu 789 rapports de formes se référant à 1043 incidents islamophobes », est-il indiqué. Mais en raison de la dissolution du CCIF, « aucune donnée sur l’islamophobie classée par catégorie et par nature avec des analyses précises, telles que celles livrées annuellement par le CCIF, n’est disponible actuellement en France – le pays le plus islamophobe d’Europe », déplorent les auteurs. 

Chiffres, captures d’écrans et photos à l’appui, des actes antimusulmans, suivant pour l’essentiel le projet de loi contre le séparatisme y sont longuement relatés. Souvent violents, ces actes n’ont rien de glorieux, certains font froid dans le dos. Ils illustrent très bien l’ensauvagement de notre société que d’aucuns continuent de nier. Mais n’en déplaise aux militants, ils ne sont pas l’apanage des musulmans. Quand une église est profanée ou qu’un curé est molesté (ou tué), les instances catholiques ne hurlent pas à la « cathophobie » à tout va. Encore moins avec l’aval d’Amnesty International (dont le rapport sur l’ « islamophobie » est évoqué dans ce texte). Pour clore cette parenthèse, signalons simplement que selon le ministère de l’Intérieur, il y aurait eu 686 actes anti-chrétiens en 2021. 

Causeur oublié

Revenons donc à l’ « islamophobie ». « Il semble que sous l’apparence de combattre le séparatisme, la radicalisation et le communautarisme, l’État veuille éliminer tous signes d’affiliation religieuse », est-il écrit. Jugez plutôt : « En effet, le 4 octobre 2020, Gérald Darmanin a expliqué sur Europe 1 que cette mesure [le projet de loi contre le séparatisme] pourrait même permettre à une entreprise de considérer comme un sérieux écart de conduite le fait qu’un employé du service public refuse, par exemple, de serrer la main d’une collègue femme ». Avant l’avalanche sanitaire, il fut un temps où on serrait la main aux femmes en France, en effet. Et parfois, on leur faisait même la bise. Ce n’était pas inscrit dans la loi, certes, mais c’était un usage. L’irruption du Covid-19 et de ses variants semble avoir réglé le problème à sa façon. Peut-être pour de bon, et c’est malheureux. 

A lire aussi: “Le voile, c’est l’islamisation par le bas”

Darmanin, premier « islamophobe » de France ? En tout cas, il est cité à de nombreuses reprises. Mais qu’il se rassure, il n’est pas seul sur le banc. Il peut s’y blottir contre Marlène Schiappa, qui a osé déclarer un temps qu’elle « voulait créer une nouvelle charte du sécularisme à signer par les associations voulant recevoir des subventions ». Ou contre Christophe Castaner. L’ancien ministre de l’Intérieur est accusé d’avoir « confirmé, sinon aggravé, les amendements faits en novembre (2019) de la circulaire [contre le séparatisme]. » Pauvre Castaner, qui s’en est encore pris sur France Inter, il y a peu, à la « droite rabougrie, rétrécie, extrême-droitisée » de Valérie Pécresse. Le voilà acculé au même sort que la candidate à la présidentielle, elle aussi sur la liste des « figures centrales de l’islamophobie ». Ou aux côtés d’Eric Zemmour, qui y figure également. Dans cette liste, se nichent aussi Jean-Michel Blanquer, la députée Aurore Berger ou encore… le Conseil Français du Culte Musulman (!).

Côté médias, on y trouve les sites Riposte laïque, Fdesouche. com ou l’hebdomadaire Valeurs Actuelles. Mais aussi LCI, Le Figaro, BFM TV ou le journaliste Mohamed Sifaoui (dont le nom, cela va lui faire plaisir, est accolé à celui de Zemmour). En revanche, on n’y trouve ni Libé, ni Le Monde et surtout, même pas Causeur. La preuve que la fachosphère-islamophobe-et-rabougrie ne se trouve pas ici ?

De la démocratie en Suisse

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Zurich, image d'illustration Unsplash

Dominique Motte nous dit tout de la votation des Suisses… et plus encore


On considère souvent – et moi le premier – que l’exercice direct de la souveraineté populaire est inapplicable concrètement dans une société moderne, pour des raisons variées comme la taille du corps des citoyens (des dizaines voire des centaines de millions !) la complexité ou la technicité des affaires publiques.

Les nouvelles technologies ont rouvert dernièrement le débat autour de la démocratie directe, sans pour autant apporter totalement une réponse quant à sa pertinence. En France, de la campagne électorale de 2007 (avec la « démocratie participative » chère à Ségolène Royal) aux gilets jaunes (et le « grand débat » de Macron), en passant par la VIe République voulue par LFI, les dispositifs participatifs n’ont pas encore apporté de réponses satisfaisantes aux objections et réticences que suscite la démocratie directe. La question reste donc entière : est-il souhaitable de donner aux citoyens, outre le droit de vote, un réel pouvoir entre deux élections nationales ?

Pas une bizarrerie pittoresque

Dans ce contexte, le cas de la Suisse devrait nous intéresser davantage, d’autant plus qu’il est clair que la démocratie représentative est en crise dans de nombreuses démocraties libérales – dont la France. Certes, on en parle de temps à autre, mais comme on le ferait d’une anecdote pittoresque, comme on peut parler de la naissance d’un panda dans un zoo ! C’est rarement l’occasion de faire une analyse détaillée de la démocratie suisse. Pour prendre l’exemple suisse plus au sérieux, De la Démocratie en Suisse de Dominique Motte est un vademecum à la fois utile et agréable.

On peut ainsi apprendre que depuis l’institution en 1848 du référendum constitutionnel obligatoire suivie en 1891 par celle de l’initiative populaire, les votations suisses sont les expressions les plus sérieuses à l’époque contemporaine de la démocratie directe. Mais on apprend également très vite que le régime suisse est en réalité une démocratie semi-directe, un mixte de démocratie représentative et directe dans lequel les citoyens participent aux prises de décision aux côtés du gouvernement et du Parlement bicaméral. Les institutions de la démocratie directe sont donc un des trois piliers du régime politique suisse, mélange unique auquel il faut ajouter le fédéralisme qui remonte lui aussi à 1848.

Au cœur de la Cité, un mystère

Aujourd’hui, la Suisse est une fédération de vingt-cinq cantons, dont le bicamérisme équilibré des chambres parlementaires est l’expression. Le Conseil des États (qui ressemble au Sénat des États-Unis) compte quarante-six sièges (deux sièges pour chacun des vingt cantons et un siège pour chacun des demi-cantons). Le canton de Zurich, avec 1 million d’habitants, a ainsi la même représentation que celui d’Uri et ses quelques 40 000 habitants.

Le Conseil national (qui ressemble à notre Assemblée nationale), dont les membres sont élus à la représentation proportionnelle au prorata du nombre d’habitants des circonscriptions cantonales, dispose du même pouvoir que le Conseil des États. Contrairement à la France, cette Chambre ne l’emporte pas sur la Chambre Haute.  

A lire ensuite, Radu Portocala: La Suisse romande s’attaque au français

Ces deux chambres (ou Conseils) aux pouvoirs identiques forment l’Assemblée fédérale (AF) dont le fonctionnement est régi par le principe de la « concordance », qui est avec le fédéralisme la deuxième caractéristique originale du système suisse. Concrètement, la « démocratie de concordance » est fondée sur le principe selon lequel les décisions ne sont pas prises à la majorité mais par consensus aboutissant à un compromis. Au cœur de l’horloge, vous l’avez bien compris, il n’y pas de mécanisme secret mais tout simplement un mystère, un trou noir anthropologique qu’il est impossible à réduire à des textes constitutionnels. Nous sommes dans le domaine de « ça ne se fait pas » ou « on n’a jamais fait ça » plutôt que dans le juridique. La clé réside donc dans le fait étonnant que depuis plusieurs décennies aucun élu de l’Assemblée fédérale n’a été tenté de gagner en contournant les règles ou en bloquant la machine.  

Une formule magique

C’est ainsi que les sept membres du  gouvernement suisse (le Conseil fédéral, une émanation de l’AF), représentent les principaux partis politiques suisses en fonction de leur nombre d’élus au Conseil national. Les sept membres du gouvernement sont élus par l’Assemblée fédérale, réunissant les deux chambres, selon une clef de répartition « 2+2+2+1 » instaurée en 1959 et qu’on appelle la « formule magique ». La formule magique est la solution des Suisses au mystère qui est au cœur de leur système. Mais elle tellement magique qu’on ne peut pas la formuler…

Vous pouvez approfondir vos connaissances de l’horloge politique suisse en feuilletant De la  Démocratie Suisse de Dominique Motte avec ses multiples entrées détaillées. Mais cet ouvrage clair et facile à lire fait une contribution encore plus importante au débat sur la démocratie directe. Motte dépasse largement la conception juridique de la question et ses aspects constitutionnels. Certes, il est important de connaître les rouages de la mécanique politique suisse, mais il faut surtout savoir que les constitutions voyagent mal et les lois sont vides de sens hors contexte anthropologique et historique. Ainsi, on peut lire dans cet encyclopédie plein de choses sur le congé maternité, les droits de douanes, les langues, l’armée et les services secrets, les jeux d’argent et même les prénoms (pour couper court à la polémique, les plus populaires chez les nouveaux nés en 2019 sont, du côté des petits violeurs en puissance, Daniel, Peter et Thomas, et Maria, Anna et Sandra pour les futurs victimes).

Subtilement, le livre de Motte nous montre le chemin de la démocratie directe et il ressemble énormément à la manière de cultiver des gazons parfaits à l’anglaise : il faut y consacrer une heure. Tous les jours. Pendant quatre siècles. Demandons-nous désormais si, pour remédier aux multiples et gravissimes lacunes de notre démocratie représentative, nous allons enfin commencer à devenir suisses ?    

Dominique Motte, De la démocratie en Suisse, La Route de la Soie Editions, 2021

Henri Béraud, le vagabond des capitales

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Le romancier et journaliste français Henri Béraud (1885-1958) Wikimedia commons

Ce flâneur salarié, pionnier du grand reportage et styliste hors pair, prix Goncourt 1922, est à redécouvrir.


En voilà un tombé dans l’oubli : Henri Béraud (1885-1958), romancier célèbre de l’entre-deux-guerres, prix Goncourt 1922 pour Le Martyre de l’obèse (réédition Albin Michel, 2016), journaliste, pamphlétaire (longue brouille avec André Gide), redoutable polémiste au style à la fois lyrique et percutant, et surtout infatigable grand reporter, à l’œil précis et à l’analyse percutante.

Les mauvais choix

Henri Béraud, bon vivant, cholestérol et acide urique toujours en hausse, a commencé sa vie à Lyon et l’a finie sur l’île de Ré. Il a été condamné à mort pour intelligence avec l’ennemi, a été gracié par de Gaulle, est passé par le bagne de Ré justement, pour finir paralysé, cloué sur sa paillasse, dans la solitude et le dénuement, avec pour compagnon le vent d’ouest qui débarbouille.

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C’est qu’il a pris de mauvaises voies, le gros Bébert, de funestes erreurs d’aiguillage, que les vainqueurs de 1945, les gaullistes en particulier, avec en tête l’amiral Muselier, traité d’ « amiral de bateau-lavoir » par l’ironique Béraud, lui ont fait payer comptant. Il a certes cumulé. Son antisémitisme. Pas pardonnable, surtout quand on a découvert les camps de la mort, la Pologne des barbelés et des cheminées des fours crématoires. Son anglophobie tenace. Elle nait au lendemain de son reportage en Irlande avec Kessel. Le comportement des Anglais l’écœure, il tire le premier, ça fait mouche.

Faut-il réduire l’Angleterre en esclavage ?

En 1935, il écrit Faut-il réduire l’Angleterre en esclavage ? Je saisis mon exemplaire pris moi-même dans la bibliothèque de Béraud dans sa maison de l’île de Ré (je raconterai un jour l’histoire) et je lis une page où il fustige l’éternelle politique de l’Angleterre contre les autres puissances européennes : « Elle consiste, cette politique, à troubler le continent pour régner sur la mer. Elle consiste à solder les consciences, à trouver des mercenaires, à semer la discorde. Elle consiste à interdire la paix entre les nations. Elle consiste à jucher des clergymen sur des coffres-forts afin de prêcher aux nations pauvres le renoncement. Car tel est bien le prix du confort anglais. » Après l’attaque de Mers-el-Kébir, menée par la Royal Navy contre la flotte française, le bouillant Béraud ne décolère pas et en fait des tonnes. Il est aussi pétainiste. Pas vichyste. Les arrivistes grouillent dans la ville thermale comme la vermine sur le dos de la charogne. Trop de « longues figures ». Non, pro Pétain, le type qui fait don de sa personne à la France, la terre et les morts, c’est charnel. Pétain protège contre l’Allemagne hitlérienne que Béraud abhorre. Ça fait aujourd’hui grincer les dents que d’écrire cela. Mais quand la meilleure armée du monde, paraît-il, est défaite en quelques jours (qui sont les responsables ?), que les civils sont sur les routes, que les familles sont séparées, que la vie s’effondre, on peut comprendre leur immense désarroi. Et puis tous ces soldats prisonniers en Allemagne, plus de 2.600.000, otages de Hitler, on en fait quoi ? Mais Béraud est un vaincu. À rayer.

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L’écrivain Cédric Meletta a pourtant décidé de le remonter des enfers où croupissent les parias et de nous présenter un choix d’articles (de 1919 à 1933) signés de ce témoin inspiré, sorte de pythonisse replète qui annonce la montée générale du meurtre après avoir arpenté les capitales d’Europe, en particulier Vienne. Après 1933, Béraud, même pour les dynamiteurs de la bienpensance, devient infréquentable. Dans Gringoire, hebdomadaire nationaliste, le « pèlerin de l’info » se déchaine contre le Front populaire, surnommé « Frente Crapular », et son antisémitisme devient sans limite, alors qu’en 1923 il prononçait à Médan, un hommage à Zola en présence d’Alfred Dreyfus. Cédric Meletta, dans sa préface, dont le style n’est pas s’en rappeler celui de Céline, souligne : « Tous ces reportages, c’est de la préscience. Soit, le film de l’événement avant l’événement, tel que pourraient le voir sachems et chamanes de l’autre côté de la vie (…). Tout est prévu, senti. Jusque dans le moindre détail. Les moustaches de Staline, la corrosion du pangermanisme, l’Anschluss, garante de la paix dans le monde. » Ce livre, Henri Béraud reporter, est une mine pour les historiens curieux. Il est à recommander aux jeunes journalistes en manque d’inspiration. Quant aux lecteurs lassés des eaux tiédasses de la production culturelle normée, ils y trouveront une respiration salutaire.

Les géants meurent aussi

Dans sa maison de Ré, Les Trois Bicoques, achetée avec les droits d’auteur du Goncourt, le réprouvé hémiplégique continue d’écrire. En 1953, il publie Les derniers beaux jours (Plon), livre de souvenirs et de portraits. Son style enchante même s’il se teinte de gris et qu’il palpite sous la bruine océane. Le « flâneur salarié » ne marche plus, mais sa mémoire mouline. Il raconte sa visite à Clémenceau, retiré dans sa propriété de Saint-Vincent-sur-Jard, non loin des Sables-d’Olonne, après sa candidature malheureuse à l’Élysée. La visite dure une heure, le « Tigre » parle sans le quitter du regard. Puis c’est le moment de la séparation. Clémenceau le reconduit jusqu’au sommet du chemin. Béraud : « Arrivé là, il me tendit trois doigts que je sentis durs et forts sous le gant. » Le journaliste s’éloigne puis se retourne. Il se souvient : « (…) je vis ses épaules et sa tête descendre de l’autre côté du mamelon, profilés en ombre chinoise à contre-jour du ciel, et il disparut très vite, comme s’il était tombé à l’eau. »  Béraud, en réalité, « filme » sa fin.

Henri Béraud, version reporter, préface de Cédric Meletta, Séguier.

Henri Béraud

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Quand le verbe n’a plus de tenue, le pire est à craindre

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Emmanuel Macron en interview télévisée en décembre 2021 -©ISA HARSIN/SIPA

Pourquoi tant de violence politique ? A ce questionnement, on opposera qu’il y en a toujours eu et qu’il n’y a rien de nouveau dans notre démocratie imparfaite…


Il me semble toutefois que sous la présidence d’Emmanuel Macron, et à l’approche de l’échéance de 2022, le climat s’aggrave et que les polémiques, faisant feu de tout bois, mêlant des controverses dérisoires à des enjeux importants, prennent un tour de plus en plus vindicatif, personnel et furieux. Même si, malgré une repentance de façade, on ne pourra jamais espérer du président de la République et de ses soutiens de la première heure une véritable contrition, il faut bien admettre que ce qu’Arnaud Benedetti qualifie « d’arrogance faite président » dans Valeurs actuelles n’est pas pour rien dans la création et le développement de cette fièvre malsaine.

Selon Onfray, nous ne sommes plus vraiment en démocratie

S’agit-il d’ailleurs d’arrogance ou plutôt d’une sorte d’indifférence à l’égard de ce que le commun des citoyens, la société pourraient penser ? Il y a chez Emmanuel Macron, à bien les analyser, des attitudes qui révèlent d’abord qu’il est le roi dans son royaume et qu’il y accomplit ce que bon lui semble. Le drapeau européen laissé seul durant 24 heures relève d’une autre dispute que celle de la promotion d’Agnès Buzyn mais si on veut bien réunir, au début du quinquennat, la faveur faite à Philippe Besson puis, plus tard, la gestion maladroitement protectrice de l’affaire Benalla, enfin le choix d’Eric Dupond-Moretti comme garde des Sceaux, on retrouve, à la source de ces péripéties discutables et discutées, un dédain identique pour tout ce qui n’est pas le pur désir macronien. Il y a une forme de mépris pour les principes d’une décence démocratique puisque ce qui émane du président, provocateur ou non, est la règle dans cette République qu’Emmanuel Macron a ajustée pour satisfaire son impérieuse solitude dans la volupté de présider.

L’expression grossière de sa forte « envie » « d’emmerder » les non-vaccinés dans Le Parisien se situe dans le même registre. Quand le verbe n’a plus de tenue, le pire est à craindre.

Cette impression que le citoyen éprouve d’être dans une démocratie singulière, avec un formalisme respecté mais une claire perte de substance du débat collectif, est sans doute ce qui explique le propos de Michel Onfray selon qui « nous ne sommes plus en démocratie ». Parce que les jeux seraient faits et que depuis 2005, l’emprise maastrichtienne a causé des ravages. Le peuple désavoué par les forces politiques traditionnelles ne s’en est jamais remis.

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J’entends bien qu’on pourrait qualifier d’outrancière, voire d’injuste la dénonciation de Michel Onfray mais il est intéressant de relever qu’elle n’est pas le fait que des spécialistes mais qu’elle s’accorde avec le sentiment profond d’une majorité. Il y a dans la manière de présider d’Emmanuel Macron une apparence démocratique mais un détournement des processus habituels, qui paraît laisser la place à une personnalité qui décide de tout avec la certitude mal dissimulée d’une défaite impossible dans quelques mois.

Sandrine Rousseau ou Gims y mettent du leur

Les considérations que je viens d’évoquer ne sont pas sans lien avec la violence politique qui surgit face à des pratiques présidentielles qui suscitent d’autant plus d’indignation qu’on sent les protestations inutiles. Le pouvoir fait ce qu’il veut et sa caravane passe.

Profondément, de même qu’on a mis en cause, sur un mode choquant, la légitimité de son élection en 2017, il me semble que la violence politique accrue d’aujourd’hui – et Gims et Sandrine Rousseau y mettent du leur avec un impact qu’on peut juger disproportionné – résulte de la frustration devant un président qui n’est plus désiré mais paraît hors d’atteinte de ses opposants principaux. Il y a comme un sentiment d’exaspération né de l’impuissance citoyenne face au sentiment de supériorité présidentiel.

Comment ne pas comprendre que cette configuration explique aussi l’agitation désespérée de certains candidats de gauche rêvant d’une primaire alors qu’on n’est plus très loin de la ligne d’arrivée et la féroce concurrence entre un « républicain radical » selon Alain-Gérard Slama (dans Le Point), Eric Zemmour, et une candidate rêvant de gagner en normalité ce qu’elle perdra en soufre ?

La violence politique n’est pas née avec Emmanuel Macron mais ce Président singulier, pour le pire et pour le meilleur, lui a donné une couleur, une odeur, une intensité, une tonalité sans commune mesure avec les précédents républicains. Il y a des brutalités de velours, des autocraties soyeuses, des indifférences qui font mal.

American Traumas

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Oscar Isaac dans "THE CARD COUNTER" (2021), un film de Paul Schrader © Condor Films

Le dernier film de Paul Schrader, 75 ans, une des anciennes gloires du Nouvel Hollywood jadis flamboyant, est une magistrale leçon de cinéma au style épuré et vintage nous plongeant dans l’âme malade d’un pays aux multiples blessures identitaires et mémorielles.


Elevé dans une stricte obédience calviniste selon laquelle le cinéma, la télévision, les filles et les coquetteries vestimentaires représentaient le diable absolu, Paul Schrader ne vit son premier film qu’à l’âge de 18 ans ! Le choc fut si brutal qu’il décida de devenir scénariste puis réalisateur. Ses maitres s’appelaient alors Ozu, Dreyer et Bresson, ce qui l’amena à leur consacrer un très sophistiqué traité de réflexions quasi philosophiques (The Transcendental Style : Ozu, Bresson, Dreyer). Puis c’est la révélation mondiale avec l’élaboration du scénario de « Yakuza », formidable film de Sydney Pollack (1974) dans lequel un Américain passionné par le Japon et les arts martiaux (Robert Mitchum) décide d’aider un ami à retrouver sa fille enlevée par de terribles gangsters japonais. Du calvinisme au confucianisme et au shintoïsme, il n’y a qu’un pas que franchit allégrement Schrader dans la quête de la sagesse et de la rédemption.

Le réalisateur Paul Schrader © Franck Ferville

Rédemption, justement, maitre-mot qui va ensuite irriguer toute sa filmographie avec l’écriture d’un autre scénario devenu depuis légendaire, « Taxi Driver », le film culte de Martin Scorsese (1976) qui voit déambuler dans les rues crasses de New York, un ancien militaire du Vietnam, Travis Bickle (formidable Robert de Niro) dont la réinsertion impossible dans la société et sa vie sociale et affective est élevée au rang d’œuvre d’art avec dynamitage des mythes fondateurs de l’Etat américain. Fort de ces succès critiques et populaires, Schrader décide de passer à la réalisation à la fin des années 70 en enchaînant trois films vertigineux (sans doutes les trois meilleurs de toute sa carrière) visant à sonder les failles, mensonges et perversités d’un pays en cours de transformation (régression ?) vers ce monde post-moderne qu’il exècre tant : « Blue Collar » (1978) sur les dérives et la corruption du monde syndicaliste industriel patronal et salarial ; « Hardcore » (1979), magistrale transposition-relecture de « La Prisonnière du désert » fordienne dans un « Hollywood-Babylone » satanique (selon Kenneth Anger) hanté et fasciné par la pornographie et le voyeurisme le plus dégradant ; enfin « American Gigolo » (1980), enquête policière autour d’un homme-objet (Richard Gere !) prêtant et louant ses charmes à de richissimes femmes mûres. Immoralisme, corruption, noirceur, le cinéma schraderien devient un cinéma de la dénonciation dans un style précis, efficace et fortement épuré, le rapprochant parfois d’estampes nippones.

La rédemption en guise de résurrection

Son œuvre cinématographique connaîtra ensuite des hauts et des débats mais l’on peut faire ressortir récemment son très beau « First Reformed » (« Sur le chemin de la rédemption », 2017) dans lequel un pasteur calviniste (encore !) à la suite du suicide d’un fidèle militant remet en perspective notre regard sur le monde et propose une lecture écologique en guise de réconciliation universelle.

Les thématiques de la rédemption et de la quête du pardon se retrouvent au cœur de son dernier brûlot, « The Card Counter », que l’on pourrait traduire par « le compteur de cartes », sorti ce mercredi sur nos écrans.

William Tell (admirablement interprété par un Oscar Isaac littéralement habité par le rôle) est un ancien militaire américain venant de purger une peine de huit ans d’incarcération suite à la révélation mondiale du scandale d’Abou Ghraib, cette prison irakienne de l’horreur et de la barbarie dans laquelle violations des droits de l’homme et actes de torture furent régulièrement et systématiquement pratiqués en 2003-2004 par des G.I’s américains, alors encouragés et fanatisés par leurs instructeurs et hiérarchies.

Durant sa détention, William fait le choix d’une stricte discipline spartiate avant un éventuel retour à une vie « normale » : lecture quotidienne des Pensées de Marc-Aurèle, ritualisation de chaque action entreprise dans sa cellule (rangement, nettoyage, méditation) et perfectionnement aux jeux de cartes, requérant patience, intelligence, anticipation et calculs mathématiques basés sur des probabilités.

Une fois libéré, loin de se réinsérer socialement, William est un être froid, glacial, mutique, portant chemise grise, cravate et veste en cuir noires, les cheveux gominés plaqués et le regard définitivement figé et vide. Un homme dévitalisé, un pantin déjà mort qui va errer sans passion et sans affect de casinos en casinos et de motels minables en chambres miteuses, juste pour empocher une mise lui permettant de survivre et de réinvestir les gains dans un prochain jeu (black jack, roulette, poker) afin d’oublier son passé et de s’oublier lui-même…  

Le vertige d’une Amérique du vide

Schrader filme cliniquement en cadres larges et plans généralement fixes ces espaces impersonnels et mécaniques que sont les casinos à travers une Amérique fantomatique et spectrale. A chaque fois, le même rituel est reproduit. Des joueurs anonymes, la plupart du temps simples représentants de sponsors et autres écuries d’investisseurs qu’ils ne rencontrent jamais. Ils se tiennent assis, contorsionnant leur corps sous des néons aux lumières crues, sans jamais voir le jour, puis patientent des heures, font une pause et reprennent « leur poste » avant de tenter de décoder le « game plan » sur le visage de l’adversaire et jouer la bonne carte pour espérer faire basculer la partie en leur faveur.

Quels liens entre le casino et la guerre en Irak et ses scènes de torture ? C’est précisément toute l’ambiguïté de la démonstration du réalisateur. Dans les deux cas, l’objectif est la mise en œuvre d’une stratégie afin de prendre l’ascendant psychologique sur l’adversaire pour lui soutirer de précieux renseignements. Mais Schrader montre clairement la jouissance que l’homme peut très vite ressentir dans les scènes de torture, de domination et d’humiliation. Ce qui contraste avec l’absence d’émotions que l’on peut lire sur le visage éternellement éteint de William lors de son retour à la vie civile. Même constat devant la volonté du repenti de se couper de toute vie sociale, sentimentale et affective. Il est symptomatique de le voir dépersonnaliser et neutraliser toutes ses chambres d’hôtel en recouvrant le mobilier et les luminaires d’épais draps blancs, rendant l’espace aussi austère et inexpressif que possible. 

Lueur d’espoir ?

L’étincelle viendra toutefois de sa rencontre impromptue avec un jeune garçon en perdition, Cirk (révélation Tye Sheridan) dont le père qui servait dans la même unité que William est revenu de l’expérience irakienne traumatisé, déstructuré, ultra-violent à l’encontre de sa propre famille… pour finalement mettre fin à ses jours. Assoiffé de haine et de vengeance en direction de l’instructeur qui a incité les G.I’s à commettre ces actes barbares (parfaitement interprété par le vétéran Willem Dafoe), Cirk se voit proposer un marché « d’adultes » par William. Si le jeune homme accepte de reprendre ses études, revoir sa mère et abandonner toute idée de violence, alors notre joueur obsessionnel fera un pas sentimental vers celle qui l’attire, « La » Linda (Tiffany Haddish), plantureuse entremetteuse « black » entre sponsors potentiels et professionnels des tapis verts. Le film bascule alors dans une intéressante dynamique initiatique où deux êtres écorchés, en raison du même trauma initial, vont apprendre à se côtoyer, mieux se connaitre et au final s’apprécier, William, célibataire endurci sans enfant, devenant le père de substitution de ce « kid » en rupture.

Jusqu’au terrible twist final, inattendu et émouvant, achevant de faire de ce nouvel opus schraderien un de ses sommets artistiques dont il a le secret, véritable purgatoire des corps et des esprits et expression de sa colère et de son dégoût à l’encontre d’une Amérique décérébrée, amnésique, irresponsable où la vacuité idéologique et les vaines addictions pour les banalités du quotidien sont hélas hissées au rang de valeurs cardinales.

Aux côtés de Martin Scorsese (producteur exécutif du film), Brian de Palma (dont il faut absolument revoir « Redacted » sur une thématique relativement proche d’un « passé américain qui ne passe pas ») et de quelques autres francs-tireurs septuagénaires, héritiers du « Golden age » du Nouvel Hollywood, Paul Schrader, visiblement en grande forme, nous prend à témoins en prouvant qu’il est loin d’avoir baissé les armes… Ce qui est peut-être la meilleure nouvelle, à l’orée d’une nouvelle année, pour tous les amoureux du cinéma nord-américain !

300 juristes ou scientifiques appellent à un moratoire sur le vote du passe vaccinal

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Olivier Véran à l'Assemblée nationale, le 4 janvier 2022 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Tribune collective


Nous, scientifiques, juristes et citoyens, exigeons un moratoire immédiat sur le vote du projet de loi instituant le passe vaccinal.

L’émergence du variant Omicron, sa propagation fulgurante et sa moindre sévérité clinique sont en effet susceptibles de changer radicalement la donne et de remettre en cause la stratégie fondée sur la vaccination de masse contre une souche différente et désormais minoritaire du SARS-CoV2.

Dans son avis du 26 décembre 2021, le Conseil d’Etat relevait notamment :

« L’évolution prévisible à court et moyen terme de l’épidémie est tributaire de l’apparition et la diffusion rapide du nouveau variant Omicron. Le Conseil d’État constate qu’en l’état des connaissances, ainsi que le relève le comité de scientifiques dans son avis en date du 24 décembre 2021, « bien qu’il existe encore beaucoup d’incertitudes, il est probable que le variant Omicron a une gravité plus faible que les variants antérieurs ». Il résulte toutefois de cet avis ainsi que des autres informations communiquées par le Gouvernement que la plus grande contagiosité de ce variant apparaît établie, et rend probable une accélération de la progression de l’épidémie à brève échéance. Par ailleurs, les données disponibles font état d’une moindre protection par la vaccination actuellement pratiquée et, partant, d’un risque d’infection ou de réinfection en dépit d’une vaccination ou d’un antécédent de covid-19. Il est également possible que ce variant affecte ou compromette l’efficacité des traitements antiviraux disponibles, notamment pour les personnes connaissant un déficit immunitaire ».

Ces constatations militent d’ores et déjà clairement en défaveur de la stratégie de vaccination de masse dont la cible initiale est en train de disparaître.

Reconnaissant expressément que le passe vaccinal « est susceptible de porter une atteinte particulièrement forte aux libertés des personnes », le Conseil d’Etat a néanmoins validé le projet de loi, sous réserve d’étendre le passe vaccinal aux personnes titulaires d’un certificat de rétablissement et de permettre aux personnes non vaccinées de présenter un test virologique négatif pour se déplacer en avion, train ou bus pour des motifs impérieux de nature familiale ou de santé.

Or, les dernières études publiées confirment que le variant Omicron, plus contagieux et beaucoup moins pathogène, permet d’espérer une immunité collective à moindre risque, et que l’efficacité vaccinale est réduite avec ce nouveau variant.

La poursuite de la campagne de vaccination pourrait alors être recommandée aux personnes dont le risque de forme grave est plus élevé mais ne saurait justifier un passe vaccinal généralisé à toute la population à partir de l’âge de 12 ans.

Sur la base de ces considérations, le directeur général du ministère de la Santé de l’Etat d’Israël, le Professeur Nachman Ash, a approuvé la 4ème dose uniquement pour les sujets les plus vulnérables.

En France, le ministre des Solidarités et de la Santé, Monsieur Olivier Véran, a lui-même déclaré qu’ « il y a trois fois moins de formes graves de la maladie avec Omicron qu’avec Delta ». Et celui-ci d’ajouter que « cette cinquième vague de Covid-19 sera peut-être la dernière ».

Cette situation ne saurait donc justifier l’instauration d’un passe vaccinal qui, de l’aveu même du ministre des Solidarités et de la Santé, n’est autre qu’une « obligation vaccinale déguisée ».

Dans le cadre des décisions rendues jusqu’ici dans le cadre de la crise sanitaire, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat n’ont eu de cesse de rappeler que la nécessité et la proportionnalité étaient les conditions de constitutionnalité et de légalité des mesures restrictives adoptées.

Alors que les données s’accumulent sur la faible dangerosité du variant Omicron et, tandis que, dans le même temps, plus d’un million de citoyens Français ont signé une pétition contre le passe vaccinal au motif d’une trop grande restriction à leurs libertés, ces conditions ne sont clairement pas remplies. Le passe vaccinal n’est ni nécessaire, ni proportionné dans son atteinte aux droits et libertés fondamentaux qui constituent le socle de la République Française, dont il faut rappeler la devise afin de lui redonner un sens : Liberté, Egalité, Fraternité.


Juristes :

Fabien Grech, Avocat
Delphine Provence, Avocat
Thibault Mercier, Avocat
David Guyon, Avocat
Benoît Nicolardot, Avocat
Fabrice Di Vizio, Avocat
Christine Claude-Maysonnade, Avocat
Virginie de Araujo-Recchia, Avocat
Diane Protat, Avocat
Isabelle Petricic-Welschen, Avocat
Maud Marian, Avocat
John Bastardi-Daumont, Avocat
Paméla Wassilieff, Avocat honoraire
Flavie De Meerleer, Avocat
Romain Pietri, Avocat
Jenna Scaglia, Avocat
Kaouçar Younes-Gharbi, Avocat
Léa Charamnac, Avocat
Vincent Capelle, Avocat
Pierrine K’Varec, Avocat
Camille Dire, Avocat
Julien Dray, Avocat
Hadjar Fertikh, Avocat
Mohamed Felouah, Avocat
Jean-Joël Governatori, Avocat
Miguel Grattirola, Avocat
Linda Simonet, Avocat
Vanessa Hinder, Avocat
Elodie Alves, Avocat
Anne-Victoria Fargepallet, Avocat
Nancy Risacher, Avocat
Vincent Delpech, Avocat
Martine Ricouart-Maillet, Avocat honoraire
Laura Merodio, Avocat
Valérie Truchet, Avocat
Zia Oloumi, Avocat
Amelle Bouchareb, Avocat
Jean-Pierre Joseph, Avocat
Ghislaine Virelizier, Avocat
Joëlle Verbrugge, Avocat
Nassima Ferchiche, Avocat
Hanna Cherif Hautecoeur, Avocat
Karine De Luca, Avocat
Stéphane Vacca, Avocat
Stéphanie Chrétien, Avocat
Matthieu Cordelier, Avocat
Stéphane Massé, Avocat
Stéphane Minso, Avocat
Catherine Kratz, Avocat
Edit Faraut, Avocat
Béatrice Hubert, Avocat
Katia Mersic, Avocat
Déborah Ittah, Avocat
Chloé Fernström, Avocat
Julien Marbois, Avocat
Jean-Loup Lefevre, Avocat
Sophie de Kermenguy, Avocat
Sarah Rolland, Avocat
Chloé Schmidt-Sarels, Avocat
Andrea Carstoiu, Avocat
Jean-pierre Joseph, Avocat
Eva-Belin Amador, Avocat
Sophie Vappereau Arnoult, Avocat
Julie Habarès, Avocat
Laëtitia Basquin, Avocat
Francesco Del Pesce, Avocat
Philippe Autrive, Avocat
Karine Shebabo, Avocat
Agnès Teissedre, Avocat
Philippe Fortabat Labatut, Avocat
Anaïs Gallanti, Avocat
Nathalie Garbison de Mortillet, Avocat
Maxellende de la Bouillerie, Avocat
Elise Guilhaudis, Avocat
Marine Sanchis, Elève-avocat
Marie Rossignol, Elève-avocat
Fabienne Gazin, Maître de Conférences en Droit public
Véronique Bouchard, Professeur de Droit privé
Sébastien Robinne, Maître de Conférences HDR en Droit privé
Guillaume Zambrano, Maître de Conférence en Droit privé
Bertrand Pauvert, Maître de Conférences en Droit public
Karima Cavard, Professeur d’économie-gestion
Hélène Terrom, Enseignant-Chercheur en droit
Béatrice Geninet, Docteur en droit privé
Christine Colas des Francs, ancien Magistrat
Sylvain Tronc, Directeur juridique et fiscal
Marc Gotti, juriste
Miriam Almeida Duc, Juriste
Julie Nagy, Juriste
Dylan Mahieu, Juriste
Astrid Manzac, Juriste
Julien Vernai, Mandataire judiciaire stagiaire
Anna Dupont Bradinova, Juriste
Laura Simon, Juriste
Leila Buche, juriste
Isabelle Lu, Juriste
Sylvie Fabre, Juriste
Audrey Avramo-Lechat, Avocat
Annabelle Cornillon, Elève-avocat
Vincent Illiassov, Juriste
Elisabeth Suissa, Juriste
Florence Lefevre, Juriste consultant
Arnaud Gorez, Directeur juridique
Williams Cadenet, Juriste en droit pénal, Psychocriminologue, Victimologue
Mylène Marchand, Avocat
Ambre Zeglin, Juriste
Audrey Dessemond, Juriste
Tatiana Merhi, Juriste
Margot Ordas, Juriste
France Gorgi, Juriste
Pierre-Marie Hourdin, Juriste
Romain Laffly, Avocat
Nuria Iturralde, Avocat
Antonin Péchard, Avocat
Klaudia Miosga, Avocat
Cécilia Mollot, Avocat
Sabrina Grifat, Avocat
Audrey Herz, Juriste
Kaouçar Gharbi, Avocat
Nicolas Simon, Avocat
Vincent Berthier De Bortoli, Avocat
Eva-Belin Amador, Avocat
Chantal Carpentier, Docteur en droit international public
Florence Lefevre, Juriste consultant
Aliénor Barraud de Lagerie, Juriste
Galerie Ferrero, Docteur en droit
Magali Daniel, Juriste
Jérôme Campestrini, Avocat
Isabelle Burlacot-Hunsinger, Avocat
Kristine Abraham, Juriste
Marc Ravelli, Avocat
Joël Yoyotte-Landry, Avocat
Alain Pipart, Maître de conférences de droit public
Vincent Vialard, Avocat
Tatiana Merhi, Juriste
Julien Marbois, Avocat
Marie Perrazi, Avocat
Nathalie Woroch, Avocat
Stéphanie Candela, Avocat
Dorothée Boyer-Paillard, Avocat
Alexandre Peron, Avocat
Camille Dufossé, Juriste
Julien François, Avocat
Christophe Gex, Juriste
Lorraine Lefranc-Guilbert, Avocat
Jochen Bauerreis, Avocat
Myriam Kerneis, Avocat
François Derouet, Avocat
Hélène Michailou, Juriste
Soazig Bourgeot, Responsable juridique
Céline Monfort, Juriste
Bénédicte Beni-Locco, Juriste
Tatiana Merhi, Responsable juridique
Yasmina Oulmi, Avocat
Geoffroy Lyonnet, Avocat
Jacques Folon, Juriste
Julien Marbois, Avocat
Marie-Laure Ingouf, Avocat
Marie-Bénédicte Donzel, Notaire stagiaire

Scientifiques :

Jean-Michel Claverie, Professeur des Universités – Praticien hospitalier
Jean-Marc Sabatier, Directeur de recherches au CNRS
Yannick Comenge, Docteur en microbiologie
Pascal Mensah, Docteur en médecine
Jean-Michel Wendling, Docteur en médecine
Laurent Mucchielli, Chercheur au CNRS
Yuri Biondi, Chercheur au CNRS
Christian Perronne, Professeur des Universités – Praticien hospitalier
Leila Gofti-Laroche, Praticien hospitalier
Jean-Philippe Danjou, Président du syndicat Liberté Santé
Grégory Vieque, masseur kinésithérapeute DE
Susanne Peters, Psychologue
Sébastien Ridoux, Sophrologue
Chantal Brichet-Nivoit, Médecin
Gabrielle Radault, Mandataire agréée près l’office européen des brevets
Frédéric Badel, Psychiatre
Géraud Gourjon, Anthropologue Biologiste, Enseignant-Chercheur
Françoise Le Roux, Directeur d’EHPAD
Eric Loridan, Chirurgien digestif
Virginie Kelis, Orthophoniste
Franck Zeiger, Docteur en médecine
Christian Cochet, SOS Médecins Marseille
Laurent Durinck, Anesthésiste
Catherine Frade, Docteur en pharmacie
Frédéric Letemple, Vétérinaire
Frédéric Grillot, Physicien
Thierry Boudemaghe, Praticien hospitalier, Docteur en biostatistique
Gilles Plunian, Psycho-ergonome
Anna Taranto, Psychologue
Michaël Martins, Psychologue
Géraldine Stévenin, Psychologue
François Lhuisset, Docteur en chirurgie dentaire
Catherine Defabianis, Docteur en pharmacie et Juriste
David Martin, Aide-soignant
Gayane Mkhitarian, Sage-femme
Marie Lion-Julin, Psychiatre
Damien Huyghe, Ergonome, Professionnel Santé au Travail
Marie-Julienne de Gerando, Etudiante en médecine
Renaud Gabet, Physicien et Universitaire
Lucas Greff, Psychologue
Yoanna Micoud, Psychologue
Martyna Tomczyk, Docteur en éthique médicale
Annelise Bocquet Garçon, Docteur en Biologie Santé et Professeur d’hématologie-immunologie
Jean-Christophe Cousin, Maître de conférences
Vincent Reliquet, Docteur en médecine
Hélène Banoun, Docteur en pharmacie
Elise Galeyrand, Infirmière
Olivier Duhoo, Infirmier
Régine Sextus, Infirmière
Olivier Ducourant, Thérapeute holistique, Infirmier
Magali Chevassu, Psychologue
Bruno Sanchez, Infirmier
Delphine Cazeba, Opticienne
Sarah Segaud, Infirmière
Gwanaelle Dupoux, Aide-soignante
Coraline Pierrat, Infirmière
Hélène Claverie, Préparatrice en Pharmacie
Céline Horgues, Infirmière
Elisabeth Denoor, Infirmière
Bénédicte Taxier, Préparatrice en pharmacie
Elena Mateo Perrote, Masseur kinésithérapeute
Virginie Leray, Ostéopathe
Carine Nicolas, Infirmière
Sandra Deltombe, Aide-soignante
Dominique Bouillaguet, Aide médico-psychologique
Franck Huriez, Infirmier
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Joëlle Capitaine, Aide-soignante
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Gauthier Lasou, Ingénieur Chercheur
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Emilie Dejean, Pharmacien-Chercheur
Grégory Vieque, Enseignant-Chercheur
Danielle Vautrin, Médecin
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Sophie Beaumont, Infirmière
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Bernard Boitrel, directeur de recherche au CNRS
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Jean-François Payen, Docteur en médecine
François Bouchut, Directeur de recherche au CNRS
Marie-Thérèse Boitrel, Directrice de recherche à l’INSERM
Justine Cagnat, Gynécologue
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Patricia Melot, Docteur en médecine
Barbara Houbre, Maître de conférences
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Anne-Laure Vatel, Infirmière
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Léna Le Flem, Pharmacien, Biologiste médical
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Zineb Deheb, Docteur en médecine
Philippe Stampf, Consultant, Docteur en science pluridisciplinaire
Annette Lexa, Docteur en toxicologie, Expert judiciaire
Emmanuelle Cart-Tanneur, Pharmacien, Biologiste médical
Lidwine Marques, Infirmière
L’association SOS libertés fondamentales Le Havre

«Vaccinez les vieux, laissez vivre les jeunes!»

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Martin Blachier est médecin de santé publique et épidémiologiste, et associé dans le cabinet Public Health Expert © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Plus de 80% de Français vaccinés n’ont pas freiné la circulation du virus. Pour le médecin de santé publique et épidémiologiste, il est donc illusoire d’espérer que la stratégie du tout vaccinal arrêtera les contaminations. On peut en revanche empêcher les formes graves, donc la saturation hospitalière, en protégeant les plus exposés. La solution: vacciner 100 % des vieux, autoritairement si besoin, laisser les jeunes se contaminer et surtout, arrêter de pourrir la vie des enfants.


Causeur. Bien que les Français soient l’une des populations les plus vaccinées d’Europe, cette énième vague ne nous épargne pas. Que faut-il en conclure ?

Martin Blachier. Que le vaccin n’empêche pas la circulation du virus, sinon avoir vacciné 90 % de la population éligible aurait stoppé sa propagation. Nous y avons cru, mais c’est un mythe. On le sait depuis juillet 2021, grâce aux données israéliennes. Mais cette réalité n’a toujours pas infusé dans le cerveau des décideurs, qui ne semblent pas encore avoir compris que leur stratégie, fondée sur l’idée d’une large vaccination pour arrêter le virus, n’était pas la bonne. Par ailleurs, on a également appris que de nouveaux variants, qui se développent notamment chez les personnes immunodéprimées, résistaient mieux aux vaccins que les anciens. Enfin, on sait désormais que l’immunité conférée par les deux premières doses des vaccins ARN a une durée relativement limitée (entre trois à six mois), d’où la nécessité du rappel. Certains pensent que l’efficacité de la troisième dose sera également limitée. Sur ce point, rien n’est sûr. En revanche, ce qui est certain, c’est que les vaccins protègent contre des formes graves, en aucun cas contre la contagion. Quel que soit le nombre de doses, on n’arrivera pas à stopper la circulation du virus.

Les mesures barrières sont-elles efficaces ?

C’est une très bonne question. Elles n’ont probablement pas de sens si elles sont associées à une vaccination intensive : pourquoi soumettre toute la société à des contraintes faites pour empêcher la propagation du virus au sein d’une population âgée non protégée ? En même temps, ces mesures permettent de limiter une vague d’hospitalisation quand la population n’est pas vaccinée.

Venons-en à la stratégie du gouvernement. Pendant les premières vagues, les mesures restrictives étaient prises sur la base d’un seul critère, la saturation hospitalière. Aujourd’hui, on nous parle de taux d’incidence et de nombre de cas, c’est-à-dire de circulation virale, critère inopérant si on vous suit. J’en déduis que le gouvernement se trompe dans les grandes largeurs…

Attention, si la circulation du virus ne gêne pas en tant que telle, il faut se demander quel sera son impact sur les hôpitaux et lorsqu’un variant apparaît, on ne le sait pas. S’agissant d’Omicron, au moment où nous parlons (22 décembre), nous ne sommes pas encore certains de sa moindre virulence, même si les dernières données sont rassurantes, donc nous ignorons si sa propagation rapide entraînera un accroissement des cas nécessitant un traitement plus ou moins lourd à l’hôpital. Donc, on restreint les libertés de tout le monde, dans l’éventualité où les hypothèses les plus pessimistes seraient les bonnes.

Le bus de vaccination mobile mis en place par le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis pour informer et vacciner les habitants d’au moins 75 ans, Stains, 2 mars 2021 © Anne-Christine POUJOULAT / AFP

Lors de la première vague, malgré les prophéties apocalyptiques de beaucoup de médecins, l’hôpital n’a pas craqué, on n’a pas « trié » les malades. A-t-on joué à se faire peur ?

Soyons clairs : si à l’époque, on n’avait pas pris des mesures restrictives, cela aurait été un carnage. Beaucoup de gens seraient morts faute de soins. Certes, on aurait pu confiner moins strictement mais on avançait à l’aveugle. C’était encore un peu le cas pour le deuxième confinement car on n’avait pas de vaccination et l’immunité naturelle, estimée à 10 %, était largement insuffisante. Ensuite, on a mis des masques et fixé des jauges, ce qui a permis de maintenir la circulation à un niveau supportable. Puis on a mené une campagne de vaccination intensive. Je le répète, tout s’est joué à l’été 2021, au moment où on comprend qu’on ne freinera pas la circulation du virus. Si on avait tiré les conséquences de nos connaissances, on aurait compris que ce n’était pas 90 % de la population âgée qui devait être vaccinée, mais 100 %. D’ailleurs, les Italiens et les Espagnols qui, eux, ont plus vacciné cette population-là, sont beaucoup moins touchés par les vagues de l’hiver 2021-2022.

L’hôpital est-il vraiment dans l’état dramatique que l’on dit ?

Je ne travaille pas à l’hôpital, mais je peux vous donner les données que j’ai. Premièrement, dans tous les pays du monde qui ont connu des vagues épidémiques (Suisse, Allemagne, États-Unis, Espagne, Italie, etc.), l’hôpital a perdu 20 % à 30 % de ses personnels, donc de ses lits. Deuxièmement, l’hôpital public ne fonctionne pas bien pour des raisons philosophiques. Il a été soumis à une logique de paiement à l’acte, c’est-à-dire de rentabilité, impossible à adopter pour les gens qui y travaillent. Les gens qui travaillent en hôpital public en France ont une vraie vocation, qui a été mise à mal. Et ce n’est pas nécessairement par manque d’argent.

En somme, si nous sommes, aujourd’hui, dans une situation alarmante, c’est parce que 10 % des personnes vulnérables ne sont pas vaccinées ?

Oui, les personnes vulnérables au Delta ou à l’Omicron sont les non-vaccinées et celles qui n’ont pas reçu leur troisième dose. Avec cette épidémie, on ne peut pas se permettre d’avoir une population âgée qui ne soit pas parfaitement à jour des vaccinations. Avec 5 % de la population âgée, vous remplissez les réanimations ! Or, on peut vacciner les jeunes autant qu’on veut, cette population âgée sera exposée au virus puisque celui-ci circule allègrement. Croire qu’on va freiner le flux à la source est une illusion, dont on aurait dû se défaire depuis des mois. Au lieu de choisir la stratégie gagnante, mais politiquement compliquée consistant à imposer la vaccination à 100 % des personnes risquant des formes graves (les vieux, pour faire court), on continue à prendre des mesures qui bloquent toute la société et à emmerder la jeunesse.

Autrement dit, il ne faut plus vraiment se soucier de la maladie en tant que telle et se focaliser sur les formes graves ?

Il faut empêcher les gens d’aller à l’hôpital, donc cibler les gens qui y vont. Et faire porter tout l’effort sur ces populations-là. Seulement, c’est politiquement dangereux, car ce sont des gens qui votent. Il ne s’agissait pas de les stigmatiser, mais de les protéger. Les gens qui ont dénoncé la « stigmatisation » dès qu’on a parlé de population à risque portent une lourde responsabilité ! Avec cet argument qui n’a aucun sens, ils nous ont empêchés d’avoir la bonne stratégie.

Pour résumer, la stratégie du gouvernement était pertinente jusqu’à l’été 2021, tant qu’on n’avait pas de vaccin ou qu’on n’en connaissait pas les effets avec précision. À ce moment-là, il aurait fallu changer de stratégie ?

Exactement. En juillet 2021, quand Emmanuel Macron annonce la mise en place du passe sanitaire, on a déjà toutes les données montrant qu’il n’empêchera pas la circulation virale. On est donc plus dans la croyance que dans la raison scientifique. C’est le biais de confirmation. On avait mis le paquet sur la vaccination pour tous, donc on voulait croire que ça allait marcher. En juin 2021, j’ai publié une tribune dans Le Journal du dimanche pour alerter sur le danger qu’il y avait à laisser, à l’approche de l’hiver, 10 % de la population vulnérable non vaccinée. Si on avait opté pour la vaccination obligatoire des plus de 65 ans, on aurait mis fin à ce cycle infernal. Seulement, on a tout de suite décrété que c’était inenvisageable. Vous savez, Olivier Véran a aussi affirmé qu’il était impossible de faire des vaccinodromes en France, sauf que trois semaines plus tard, il les faisait. C’est exactement pareil pour la vaccination obligatoire des plus âgés : à l’été, on disait au président que ça ne marcherait pas. Eh bien, c’est ce qu’il faut faire et c’est ce qu’on finira par faire. En attendant, on a préféré une stratégie inefficace qui produit des réactions en chaîne sur toute la société. Au lieu de contraindre par la pression des gens de 20 ou 30 ans à se faire vacciner, il fallait les laisser vivre, se contaminer et s’immuniser.

Si on ne l’a pas fait, c’est peut-être parce que la passion égalitaire française considère toute mesure différenciée comme problématique, voire illégitime.

Début 2021, au cours de réunions avec des associations de retraités, j’ai prôné un confinement sélectif des gens à risque. On m’a répondu que c’était de la folie. Aujourd’hui, on envisage le quasi-confinement des non-vaccinés – c’est ce que cache le passe vaccinal. Les mentalités évoluent…

Quel est le poids des antivax parmi les 10 % de gens vulnérables non vaccinés ?

Les antivaccin sont des militants prêts à proférer des menaces de mort, à défiler, à inventer des informations délirantes, car ils ont une intime conviction dont rien ne peut les faire démordre. Selon cette définition, il n’y a pas 10 % d’antivaccin en France. Il y a des gens qui n’ont tout simplement pas envie de se faire vacciner parce qu’ils ont un peu peur. Quoi qu’on décide dans ce pays, il y a toujours 10 % de la population qui est farouchement contre…

À vous écouter, on se dit que le gouvernement a manqué de discernement et de rapidité de réaction…

Il a surtout manqué de courage politique. Il a aussi péché par « wishful thinking », autrement dit, il a pris ses désirs pour des réalités. Ne soyons pas trop sévères, nous sommes tous un peu comme ça. On veut croire qu’il y a des solutions simples. Résultat, on a fait perdre à la population active deux années de vie qu’on ne rattrapera jamais.

Et maintenant, on parle d’un passe pour aller travailler…

C’est ridicule. On reste encore dans l’idée qu’on veut vacciner tout le monde et on instaure une quasi-obligation. Mais c’est tout de même trop mou pour être efficace. Si vous voulez contraindre, faites-le ! Cependant, cette mesure révèle aussi une confusion entre risque systémique et risque individuel. En obligeant un quadragénaire à se faire vacciner, pour avoir le droit d’aller travailler, l’État sort de son rôle. Il devrait dire à une partie de la population : vous êtes tellement à risque que si vous ne vous vaccinez pas, d’autres ne pourront pas être pris en charge. Là, ça se justifie. Si les plus de 60 ans ne se vaccinent pas, cela causera du tort aux plus jeunes.

Selon vous, il fallait rendre la vaccination obligatoire au-delà de 60 ans. Mais si on ne voulait pas de mesures différenciées, on pouvait l’imposer à tout le monde, cela aurait peut-être été inutile mais efficace.

Oui, mais cela aurait été beaucoup plus long. De plus, les jeunes peuvent accepter un effort « one shot », mais dans la durée, ils auraient lâché. Sans compter que les données sont encore incertaines, mais il est probable que pour les jeunes, attraper le Covid protège mieux que le vaccin. L’immunité naturelle est toujours meilleure.

Les jeunes souffrent-ils davantage d’effets secondaires du vaccin ?

Non. Quand vous n’êtes pas à risque, le vaccin ne fait que vous embêter un peu. Il y a des effets secondaires, comme les myocardites, qui arrivent essentiellement chez les jeunes, mais ils restent rarissimes.

Il y a une autre population à risque : les obèses (personnes en surpoids comme on dit en langage politiquement correct). Alors qu’ils étaient très nombreux en réa, il n’y a pas eu une seule action publique ciblée.

Il n’y a jamais rien eu de ciblé de toute façon, ni pour les vieux, ni pour les obèses. Je pense que, pour le coup, la crainte de la stigmatisation a pesé dans la balance.

Confirmez-vous qu’aujourd’hui, en dépit des allégations sur l’âge décroissant des patients, les personnes hospitalisées appartiennent toujours aux mêmes groupes ?

Pour les formes sévères, les facteurs de risque n’ont pas bougé. Ce sont les mêmes facteurs, les mêmes pyramides d’âges, et cela ne bouge pas d’un variant à l’autre.

Pourtant, à force d’entendre des médecins évoquer les gens de 25 ans en réanimation, j’ai fini par y croire et par m’en inquiéter…

On a entendu cette rhétorique à chaque arrivée d’un nouveau variant. Ensuite, on regarde les données, et on voit que le virus frappe exactement les mêmes catégories. Le problème, c’est qu’on écoute des médecins qui sont au lit du malade. Quand vous êtes réanimateur et que vous avez un patient de 20 ans, cela vous choque très légitimement et vous oubliez de préciser que ce patient présentait d’autres facteurs de risque. De plus, ce sont les statistiques qui disent la vérité, pas les exemples individuels. Mais les statistiques ne créent pas d’émotions. Face à un patient jeune, on est particulièrement touché. Cette émotion passe à la télé et c’est ce que cherche la télé.

Olivier Véran et Jean Castex en visite dans une école primaire parisienne, à l’occasion d’une campagne de dépistage salivaire des élèves, 11 février 2021 © ERIC TSCHAEN-POOL/SIPA

Pour les plus jeunes encore, vous avez lancé une pétition réclamant l’abandon des masques pour les enfants. Pourquoi ?

J’ai lancé une pétition pour un retour à la normale de la vie scolaire. Les enfants ne sont pas le moteur de l’épidémie. Ils n’ont plus à subir ces protocoles fous et très néfastes. Le port du masque gêne les apprentissages : selon certaines études, les enfants ont perdu 22 points de QI en moyenne, depuis le début de la crise. Les fermetures de classe, c’est de la folie. Le professeur Robert Cohen m’a appris que 25 % des hospitalisations d’enfants se justifiaient par des problèmes psychiatriques ! C’est un fait complètement passé sous silence comme si certains médecins « enfermistes » étaient plus forts que tous les autres et que les psychiatres. Je suis plus inquiet pour les enfants que pour les réanimations. C’est l’urgence numéro un !

Cette pandémie réveille chez des journalistes et des médecins le contentement de pouvoir sermonner les autres. J’entendais hier, sur BFM-TV, des journalistes recenser les précautions à prendre pour Noël. Et on sentait leur jubilation.

BFM suit depuis le début la même ligne : mettre en avant des éléments qui peuvent faire peur. Ils pensent certainement que c’est utile, car plus on inquiète les gens, plus ils font attention. Et beaucoup de médecins jouent ce jeu-là… La seule chose qu’ils ont à dire c’est : on voit des gens à l’hôpital et c’est très grave. Des journalistes qui demandent de l’émotion et des médecins qui n’ont rien à dire, ça crée cette mousse qui se vend très bien.

On se rappelle aussi Olivier Véran piquant une crise de nerfs à l’Assemblée en hurlant : « Je reviens de réanimation ! »

Olivier Véran est quelqu’un d’intelligent. Le problème, c’est qu’il est au contact du terrain et qu’il a des pics d’émotion. À chaque variant, il croit vraiment, par exemple, que ça touche les jeunes. C’est une émotion sincère, et il se met à paniquer. Le président a un côté plus détaché. Je pense que c’est la raison pour laquelle le duo Macron-Véran a assez mal fonctionné.

On a parlé des gouvernants, des médecins, quelle est la responsabilité des médias dans la gestion de cette crise ?

Zéro ! Je dédouane complètement les médias dans cette crise. Ils ont joué un rôle capital, celui de premier fournisseur d’informations pour les décideurs eux-mêmes ! Ils ont aussi permis de faire émerger des personnes qui, comme moi, portaient un discours singulier. On peut penser qu’ils ont trop parlé du Covid, mais cela répondait à la demande du public. Tous les programmateurs me l’on dit : on essaie de ne plus faire de Covid, mais il n’y a que ça qui intéresse les gens ! De plus, le niveau d’expertise, sur certaines chaînes d’information, a été très bon. Les médias français sont d’ailleurs regardés partout, notamment en Suisse et en Belgique.

Que sait-on aujourd’hui sur les Covid longs ?

Pas grand-chose… Mais on désigne par ce terme beaucoup de phénomènes différents, dont certains n’ont rien à voir avec la Covid. D’abord, les syndromes inflammatoires post-infectieux, qui existent aussi pour d’autres pathologies. Ensuite, il y a des gens qui ont été hospitalisés et qui ont du mal à s’en remettre. D’autres font une dépression post-Covid. La seule chose qu’on sait, c’est que ce n’est pas lié à la gravité : il y a autant de Covid longs chez ceux qui ont eu un petit rhume que chez ceux qui ont été hospitalisés. C’est un objet mal identifié qui sert trop souvent d’argument quand on n’arrive plus à parler des formes sévères.

Comment sortira-t-on de cette pandémie ? Par la banalisation de cette maladie ?

D’abord, il faut comprendre que le virus continuera à circuler. Certes, il aura sans doute moins de facilité en raison de la progression de l’immunité, mais celle-ci sera affaiblie par les nouveaux variants. Donc, on en sortira quand tout le monde se sera mis d’accord sur le fait que les personnes vulnérables doivent se faire vacciner chaque hiver, comme pour la grippe. En revanche, penser que la solution passe par la vaccination de tous les Terriens est une illusion totale. Déjà parce que la vaccination n’empêche pas la circulation, et ensuite parce qu’on ne pourra jamais vacciner la planète entière.