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Quand le verbe n’a plus de tenue, le pire est à craindre

Pourquoi tant de violence politique ?


Quand le verbe n’a plus de tenue, le pire est à craindre
Emmanuel Macron en interview télévisée en décembre 2021 -©ISA HARSIN/SIPA

Pourquoi tant de violence politique ? A ce questionnement, on opposera qu’il y en a toujours eu et qu’il n’y a rien de nouveau dans notre démocratie imparfaite…


Il me semble toutefois que sous la présidence d’Emmanuel Macron, et à l’approche de l’échéance de 2022, le climat s’aggrave et que les polémiques, faisant feu de tout bois, mêlant des controverses dérisoires à des enjeux importants, prennent un tour de plus en plus vindicatif, personnel et furieux. Même si, malgré une repentance de façade, on ne pourra jamais espérer du président de la République et de ses soutiens de la première heure une véritable contrition, il faut bien admettre que ce qu’Arnaud Benedetti qualifie « d’arrogance faite président » dans Valeurs actuelles n’est pas pour rien dans la création et le développement de cette fièvre malsaine.

Selon Onfray, nous ne sommes plus vraiment en démocratie

S’agit-il d’ailleurs d’arrogance ou plutôt d’une sorte d’indifférence à l’égard de ce que le commun des citoyens, la société pourraient penser ? Il y a chez Emmanuel Macron, à bien les analyser, des attitudes qui révèlent d’abord qu’il est le roi dans son royaume et qu’il y accomplit ce que bon lui semble. Le drapeau européen laissé seul durant 24 heures relève d’une autre dispute que celle de la promotion d’Agnès Buzyn mais si on veut bien réunir, au début du quinquennat, la faveur faite à Philippe Besson puis, plus tard, la gestion maladroitement protectrice de l’affaire Benalla, enfin le choix d’Eric Dupond-Moretti comme garde des Sceaux, on retrouve, à la source de ces péripéties discutables et discutées, un dédain identique pour tout ce qui n’est pas le pur désir macronien. Il y a une forme de mépris pour les principes d’une décence démocratique puisque ce qui émane du président, provocateur ou non, est la règle dans cette République qu’Emmanuel Macron a ajustée pour satisfaire son impérieuse solitude dans la volupté de présider.

L’expression grossière de sa forte « envie » « d’emmerder » les non-vaccinés dans Le Parisien se situe dans le même registre. Quand le verbe n’a plus de tenue, le pire est à craindre.

Cette impression que le citoyen éprouve d’être dans une démocratie singulière, avec un formalisme respecté mais une claire perte de substance du débat collectif, est sans doute ce qui explique le propos de Michel Onfray selon qui « nous ne sommes plus en démocratie ». Parce que les jeux seraient faits et que depuis 2005, l’emprise maastrichtienne a causé des ravages. Le peuple désavoué par les forces politiques traditionnelles ne s’en est jamais remis.

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J’entends bien qu’on pourrait qualifier d’outrancière, voire d’injuste la dénonciation de Michel Onfray mais il est intéressant de relever qu’elle n’est pas le fait que des spécialistes mais qu’elle s’accorde avec le sentiment profond d’une majorité. Il y a dans la manière de présider d’Emmanuel Macron une apparence démocratique mais un détournement des processus habituels, qui paraît laisser la place à une personnalité qui décide de tout avec la certitude mal dissimulée d’une défaite impossible dans quelques mois.

Sandrine Rousseau ou Gims y mettent du leur

Les considérations que je viens d’évoquer ne sont pas sans lien avec la violence politique qui surgit face à des pratiques présidentielles qui suscitent d’autant plus d’indignation qu’on sent les protestations inutiles. Le pouvoir fait ce qu’il veut et sa caravane passe.

Profondément, de même qu’on a mis en cause, sur un mode choquant, la légitimité de son élection en 2017, il me semble que la violence politique accrue d’aujourd’hui – et Gims et Sandrine Rousseau y mettent du leur avec un impact qu’on peut juger disproportionné – résulte de la frustration devant un président qui n’est plus désiré mais paraît hors d’atteinte de ses opposants principaux. Il y a comme un sentiment d’exaspération né de l’impuissance citoyenne face au sentiment de supériorité présidentiel.

Comment ne pas comprendre que cette configuration explique aussi l’agitation désespérée de certains candidats de gauche rêvant d’une primaire alors qu’on n’est plus très loin de la ligne d’arrivée et la féroce concurrence entre un « républicain radical » selon Alain-Gérard Slama (dans Le Point), Eric Zemmour, et une candidate rêvant de gagner en normalité ce qu’elle perdra en soufre ?

La violence politique n’est pas née avec Emmanuel Macron mais ce Président singulier, pour le pire et pour le meilleur, lui a donné une couleur, une odeur, une intensité, une tonalité sans commune mesure avec les précédents républicains. Il y a des brutalités de velours, des autocraties soyeuses, des indifférences qui font mal.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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