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Prof à Trappes, métier à risque

De la justice à la police, toutes les institutions semblent avoir tiré les leçons de l’assassinat de Samuel Paty. Toutes sauf l’Éducation nationale. À Trappes, dans les Yvelines, le rectorat abandonne avec une consternante lâcheté les professeurs pris pour cible par des élèves ou des parents fanatisés.


Depuis qu’un professeur de philosophie « irresponsable », dixit le préfet des Yvelines (et auteur de cet article) a alerté sur l’emprise de l’idéologie islamiste sur ses élèves à Trappes, on apprend que deux autres enseignants de cette paisible bourgade des Yvelines ont également été menacés. L’une, que nous appellerons « Stéphanie », professeur de sciences de la vie et de la Terre au collège Le Village, a même été exfiltrée, sur les conseils de la police, début février 2021, soit quelques jours avant que le professeur « irresponsable » (déjà accompagné depuis trois mois par la police pour sécuriser ses entrées et sorties du lycée) soit mis en congé et placé sous protection rapprochée. L’autre, que nous appellerons « Hassan », professeur de philosophie au lycée de la Plaine de Neauphle, est en arrêt-maladie. Une de ses élèves lui a lancé pendant son cours : « Sur Allah, je vais le fracasser. »

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Stéphanie avait illustré son cours sur l’évolution, à la case Homo sapiens, évidemment, par une photo de Soprano, rappeur aimé de ses élèves et d’elle-même, qui se trouvait donc à côté d’un singe illustrant les étapes précédentes. Pour cette raison, un parent d’élève, défavorablement connu des services de police, condamné pour vol, trafic de drogue, violence, détention illégale d’armes et qui se déclare par ailleurs hostile à l’enseignement de la théorie de l’évolution, l’a accusée publiquement de racisme. Peu importe, ce qu’elle a enduré pour cela, il faut le taire ! L’administration a fort bien fait de laisser planer le doute sur l’éventuelle maladresse de l’enseignante. Aussitôt qu’un parent d’élève injurie sur un réseau social « l’éducation national (sic) de merde » (dixit le prévenu sur sa page publique Facebook), il y a forcément lieu de se demander quelle faute un enseignant a pu commettre pour heurter les gens. L’image d’un célèbre chanteur, dénommé Soprano, Comorien noir au demeurant, sur une frise représentant l’espèce humaine, ne serait-elle pas insidieusement raciste ? Ne pourrait-elle pas, à juste titre, traumatiser des élèves ? On s’interroge. On demande l’avis de l’inspection. On organise une confrontation dans l’établissement entre l’enseignante et le parent d’élève « offensé ». Même procédure que dans l’affaire Samuel Paty. Et mêmes conclusions. D’après le rectorat, l’entrevue, diligentée par ses soins, aurait permis d’apaiser la situation. Ce n’est pas l’avis des renseignements territoriaux qui demandent à Stéphanie d’aller se cacher. Il faut, en outre, que celle-ci s’y reprenne à deux fois pour obtenir l’aide juridictionnelle que le rectorat lui refuse d’abord. Vraiment, puisqu’on vous dit que la situation est sans gravité. À la rentrée de septembre 2021, pourquoi ne pas se débarrasser de cette encombrante enseignante en la mutant au fin fond d’une province où elle ne connaît personne, à charge pour elle de couvrir ses frais de déménagement et de solder dix années de vie en région parisienne ? En prime, on ne répond pas à la demande du procureur de la République de se porter partie civile. Et le jour de l’audience, on n’envoie évidemment aucun représentant de l’institution. Que vaut l’honneur d’un enseignant ? Dans sa plaidoirie, le procureur pointe l’attitude de l’institution, celle du collège, du rectorat, du ministère. Une première en France. Le 15 novembre 2021, le jugement tombe : le prévenu est condamné pour harcèlement et injure sur personne chargée d’une mission de service public à six mois de prison ferme, 13 500 euros de dommages et intérêts, 850 euros de remboursement de frais de justice, cinq ans d’inéligibilité. Le collège et le rectorat n’adressent aucune excuse à Stéphanie. C’est ce qui s’appelle, après l’assassinat, dans la même académie, de Samuel Paty, « être toujours plus efficace » (dixit le message de la rectrice aux enseignants). On ne change pas une méthode qui a fait ses preuves.

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Même traitement pour le professeur menacé en classe. L’élève, convoquée par le proviseur en présence d’Hassan, n’a droit à aucune sanction administrative. Après tout, il ne faudrait pas qu’elle puisse s’imaginer que les lois de la République s’appliquent n’importe où. L’élève retourne donc en cours. On l’avertit que le professeur pourrait porter plainte. Si elle venait encore à avoir une conduite répréhensible en classe, on l’exclurait trois jours. Quant au professeur, de quoi se plaindrait-il ? L’administration n’a pas vocation à se déplacer pour accompagner les personnels chargés d’une mission de service public lorsqu’ils se rendent au commissariat de police.

Dans ce lycée de Trappes, il ne faudrait pas non plus, lors des sorties scolaires, durant lesquelles des élèves arborent désormais collectivement leur prétendu « signe religieux », « être obnubilé par le port du voile ». Les quelques enseignants encore attachés à la laïcité ne peuvent plus contenir la pression. Ils préfèrent capituler plutôt que provoquer l’esclandre. Comment appliquer des règles quand aucune autorité ne veut sanctionner leurs atteintes ? Pis, quand elle abandonne ou met en cause les serviteurs de la République qui ne renoncent pas à défendre les principes qui fondent notre paix civile ?

Ainsi, dire qu’il y a un problème dans les écoles de Trappes, relèverait, selon le préfet des Yvelines, d’« un jeu dangereux », instigué « au nom de convictions politiques ». Mieux vaut dire qu’il y a un problème avec ceux qui dénoncent l’islamisation de la ville et les traiter de « bulldozer », voire les soupçonner de manipulation et de racisme, quitte à donner raison à ceux qui leur mettent une cible dans le dos. Le garant du respect des lois dans le département l’a rappelé avec autorité : il serait « contre-productif de sembler stigmatiser les 32 000 habitants de cette ville ». Autant de bonnes raisons, en somme, de continuer de « faire dans la dentelle ».

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Surprise: Macron candidat!

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Le chef de l’État, qui n’a toujours pas déclaré officiellement sa candidature, devrait le faire d’ici à la semaine prochaine. Il tiendra son premier meeting de campagne au Parc Chanot à Marseille le samedi 5 mars, selon plusieurs sources. Mais les Français ont-ils envie de réélire un « premier de cordée » à l’image si profondément écornée ?


Voici la surprise du jour : notre ex-président de la royale république s’est finalement convaincu de briguer un deuxième mandat !

Il semblerait qu’il lui ait tant plu de régner durant cinq ans sur notre petit peuple qu’il se soit décidé à doubler la mise dans un grand sourire. Oui mais, s’est-il préoccupé, au moment d’arrêter son choix, de savoir s’il a plu aussi à notre engeance qu’il fût engoncé soixante mois durant, dans le costume de Jupiter ? Car une décision, pour qu’elle ait au moins l’apparence de la démocratie, se doit d’être également partagée. Or, en l’occurrence, rien n’est moins sûr.

Un candidat cynique

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai constamment prêté l’oreille à tous les échos descendant de l’Olympe élyséen dans notre mangrove et je n’ai jamais trop entendu d’éloges, louanges ou dithyrambes qui lui soient adressées. Mieux encore, c’est pour le moins l’agacement qui régnait dans la foule des êtres sans nom constituant le noyau dur de notre société. Il faut dire qu’il fut très difficile à cette population de déterminer la logique guidant la pensée de son divin hiérarque. Et pourtant, ce ne sont pas les efforts qui manquèrent. Mais comment réagir à un discours onctueux s’émerveillant du courage des harkis en leur temps, ces grands défenseurs de notre République à leur corps supplicié, alors qu’auparavant, en 2020, ce même chef fluctuant (et mergitur ?) rapprochait la guerre d’Algérie de la Shoah et dès 2017, juste avant son élection, traitait la colonisation de crime contre l’humanité  ? Nul n’avait à ce jour, responsable d’une nation, pris l’invraisemblable décision de la suicider au grand jour. Alors que penser de ces caresses faites dernièrement aux Pieds-Noirs, si ce n’est qu’il n’y a pas à ses yeux de votes quantitativement inutiles ! Quel cynisme !

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Rappelons-nous qu’à cette même époque, Emmanuel Macron affirmait qu’il n’existait pas de culture réellement française. Probablement voulait-il faire comprendre que, de ce fait, il ne pouvait y avoir de « grand remplacement » là où le terrain était vide et disponible à la première civilisation venue ! Et qu’en conséquence il n’était pas contestable qu’il inventât une néo-culture officielle en ouvrant grand les grilles du palais présidentiel à des rappeurs insulteurs de notre pays, doigt dressé contre l’honneur d’une Histoire de France bafouée par des haines médiocres. A titre personnel, j’ai vécu comme une infamie ces tristes photographies de famille décomposée qui filtrèrent très rapidement depuis les Antilles jusqu’au cœur de notre capitale, devenue dès lors port d’attache du Rien institutionnalisé, balayant définitivement l’intelligence qui fut mille ans durant, la clé de voûte de notre société. McFly et Carlito y remplaçant Brassens, Ferré, Brel, Ferrat dans notre mémoire. Mais Emmanuel Macron sait-il encore ce qu’est une mémoire pour un peuple ?

J’irai même jusqu’à dire : sait-il ce qu’est un peuple ? Lui qui n’hésite jamais à insulter du plus haut de son  dédain ceux qu’il abhorre pour n’être que ce qu’ils sont, des sortes de gnomes méprisables qui voient les emplois se cumuler de l’autre côté de la rue, mais ne font pas l’effort de la traverser. Ces inutiles qui ne pensent même pas à s’acheter un costume pour ressembler enfin à quelque chose ! Et lorsque ce costume est celui qui représente la police, diantre, voilà-t-il pas que le maître n’hésite pas à la traîner dans la fange ! SA police qu’il  soupçonne ouvertement, à l’instar de la gauche extrême et sans scrupules, de comportements volontairement violents et racistes ! Il faut le faire ! SA police pourtant ! Celle qu’il rémunère petitement à le protéger de l’hydre terroriste ! SA police ! Soyons clairs, il s’agit bien de celle qui demeure le dernier rempart avant un état larvé de guerre civile. SA police qui souffre au quotidien dans sa fonction même. SA police qui meurt, de jour en jour, sous les coups des pires des délinquants, mais encore du terrorisme islamiste. SA police qui trop souvent déroutée et humiliée, se suicide.

Un « premier de cordée » à l’image écornée

Quelle honte vraiment, pour celui qui se targue, dans un hall de gare, de voir tout de suite « les gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien. » Quelle honte pour celui qui n’a manqué aucune occasion de gaiment déraper dans des situations où son image de « premier de cordée » était déjà profondément écornée, voire salie. Car, pour revenir à ces photographies abjectes, probablement croyait-il y voir le peuple de près, mais en fait ne faisait qu’approcher le visage de la délinquance, celle qui est quotidiennement offerte sans mesure à SES policiers ? Je ne reviendrai pas sur le fait que ces clichés ont fait le tour du monde, laissant accroire que c’est ainsi que le président de la France voulait que l’on voit notre pays, ce président qui se targuera même plus tard de gouverner l’Europe et les Européens, jusqu’à donner des leçons à l’Otan (« en mort cérébrale »).

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Ne parlons pas non plus d’une mystérieuse affaire Benalla, enterrée au plus profond des jardins élyséens, ni du nombre de ministres remerciés ou démissionnaires, probablement le record du genre en cinquième république. Sans oublier tous les députés LREM ayant abandonné un parti qui n’en a vraiment jamais été un, touchés de plein fouet par les errements présidentiels, jusqu’à avoir quasiment perdu sa majorité à la Chambre des députés. Et pour le seul plaisir de notre mémoire, rappelons les talents présidentiels de géographe, nous présentant la Guyane comme une île mystérieuse, et la Guadeloupe comme peuplée d’expatriés. Certes, à chaque fois, il sort de sa poche le moulin à mea culpa. Mais le mea culpa permanent est-il autre chose qu’une stratégie enfantine pour échapper à la punition ? Lors, j’ai bien peur que la France soit devenue le pays dont le président est un enfant. Imperator minus abyssum invocat. Tout ceci se retrouvant dans la calamiteuse gestion de la pandémie virale, ordres et contrordres se succédant, affirmations immédiatement contredites se cumulant et plongeant le peuple des vaccinés dans l’angoisse et le rire, cette alternance macronienne bien connue, emblématique de l’éternelle adolescence de son prince. Qu’on sort ?

Un troupeau servile

La question se pose alors dans toute son acuité : que faire qui puisse éclaircir l’avenir de notre nation et empêcher que l’on vive ad libitum les cinq années que l’on vient de vivre ? Une chose très simple :

Comprendre que l’essentiel de cette élection n’est plus dans le succès d’un camp plutôt que d’un autre, mais obligatoirement dans la seule défaite possible : celle d’Emmanuel Macron.

Comprendre qu’en situation exceptionnelle il faut abandonner beaucoup de ses certitudes pour une seule réalité : la fin de règne de notre ex-président.

Comprendre que cela oblige évidemment à formater différemment son esprit sur l’idée qu’une défaite du parti que l’on soutient puisse être une victoire totale pour chacun des 75% d’électeurs qui, au premier tour, ont décidé de voter contre le bilan présidentiel, mais tout autant que celui-ci soit battu.

Comprendre que l’on n’est plus dans le détail de programme mais dans l’essentiel : arrêter la destruction des structures profondes de notre civilisation.

Et peut-être avoir une pensée émue pour tous ceux qui, en mai 2017, dans une situation identique, furent trompés et réduits à devenir des soutiens involontaires de celui qu’ils ne veulent toujours pas aux manettes de notre nation. Servum pecus, les Français ? Bien sûr que non. Ecoutons-les plutôt jusqu’au bout de leur latin : vox populi, vox dei !

Entre déni et refus de comprendre, notre responsabilité dans l’évolution de la Russie

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Comprendre ne signifie pas donner son blanc-seing à Vladimir Poutine. L’analyse de Sébastien Boussois.


On peut sûrement critiquer le président russe Vladimir Poutine comme on peut le faire de nombre de dirigeants sur leur action mais chaque dirigeant a souvent ses raisons que notre raison ignore. Ou veut ignorer. En particulier la nôtre, Occidentaux, dans ce déni total de responsabilité dans ce qui se passe actuellement aux confins de l’Europe et de la Russie, mais aussi dans ce refus de comprendre dans le même temps la stratégie de la Russie depuis des années. C’est ce mélange indigeste qui nous conduit à refuser d’analyser le pourquoi du comment nous en sommes arrivés là.

Dans la crise majeure que traverse l’Ukraine et le monde entier par voie de conséquence, nous sommes pétris de maux de toutes parts depuis que les tensions s’y sont accrues de façon exponentielle ces dernières semaines. Chaque partie en présence les exprime à sa manière au cœur d’une marmite géopolitique portée à ébullition : avant tout par la peur, l’arrogance, la naïveté, le sentiment de supériorité, le mépris aussi.

Des tentatives d’apaisement vaines

Ce parfum réchauffé de guerre froide, l’Amérique ne peut pas y être étrangère. Ce qu’on reproche à la Russie, les Etats-Unis le pratiquent depuis des décennies : protection de son espace, maintien ou agrandissement de sa zone d’influence, ingérence et guerres par procuration. Or, pour les Etats-Unis, le retrait traumatique d’Afghanistan et l’humiliation vécue par Joe Biden, devraient les pousser à la prudence du côté du front de l’est. Incapable de prévoir la chute de Kaboul aussi rapidement, Biden a pourtant des informations en lesquelles personne ne veut croire : il y aura une guerre (volontaire ou par engrenage), et il faut s’y préparer. Le récit policé et digne d’un scénario d’Hollywood, rappelle étrangement l’entrée en guerre contre l’Irak, sur des arguments désormais reconnus aujourd’hui comme totalement fallacieux. Fera-t-on la même erreur contre la Russie ? L’idée même que Moscou envahisse un des pays de sa zone d’influence, cet étranger proche, ce pivot de son glacis géostratégique que représente l’Ukraine est inconcevable et inacceptable. Mais les Etats-Unis ne se sont jamais gênés depuis la fin de la Guerre froide, non ? Ce droit divin dont Washington a hérité à l’issue de la Seconde guerre mondiale, tel le sparadrap du capitaine Haddock, permet de maintenir l’Europe sous cloche. Un vieux continent toujours incapable de se débarrasser de cette tutelle politique américaine et de construire sa propre architecture de sécurité.

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Pour l’Europe donc, la crise ukrainienne est un baromètre et la démonstration de son impuissance sécuritaire, mais aussi de sa dépendance énergétique, avec 40% de ses importations de gaz venant du grand méchant loup russe. Elle se noie au niveau institutionnel, et ressort de l’eau un président Macron qui aura eu le mérite de faire exister celle-ci dans le dialogue et les tentatives d’apaisement dans la région.

Cirque diplomatique

Du côté ukrainien, c’est le grand écart géographique et géostratégique. Le pays est toujours tiraillé entre l’influence russe, dont il ne peut se départir puisqu’il en partage l’essentiel de ses frontières, et ce « désir d’ailleurs », en direction du monde dit-libre, depuis l’humiliation vécue par Kiev après la perte du Donbass et l’annexion de la Crimée en 2014. Certes, puisque son pays est indépendant, le président Zelensky a le choix de ses alliances y compris d’intégrer l’OTAN. Mais pour les Russes, une promesse est une promesse : les Américains ont toujours garanti depuis 1991 à Moscou que Kiev n’y entrerait pas. La réalité est probablement plutôt qu’ils n’en veulent pas, plus qu’ils ne le veulent ou peuvent point ! Il suffit de se souvenir la manière dont les Américains avaient promis à l’époque au président Michaël Gorbatchev qu’il n’y aurait pas d’élargissement à l’est [1] !

Qui sait comment la Russie a vécu tout ce cirque diplomatique et mensonger ? Comprendre à minima ne signifie pas donner son blanc-seing à Vladimir Poutine mais se mettre à la place du dernier acteur majeur de cette histoire qui connait l’humiliation depuis trente ans. C’est le lot des perdants de la grande Histoire, qui reviennent souvent par la petite porte pour se venger violemment comme l’a tristement démontré l’Allemagne en 1939. L’humiliation a toujours été un acteur majeur de la construction de l’histoire.

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Vladimir Poutine a donc régurgité ce sentiment dévorant après la chute du Mur et la fin de la Guerre Froide pendant près de trente ans, et a savamment mis en place depuis plusieurs années, un habile plan de bataille idéologique, politique et diplomatique pour revenir sur le devant de la scène régionale et mondiale. Il y’en avait des raisons et la politique a ses raisons que la raison souvent ignore. L’Occident a nourri de mépris la Russie depuis 1991. L’avancée de l’OTAN en Europe, malgré les promesses de s’arrêter bien avant d’approcher les frontières russes, n’avait pourtant pas effarouché Boris Eltsine qui avait même proposé à l’époque l’intégration de la CEI (Communauté des États Indépendants) à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Par la suite, Vladimir Poutine, lui-même, collaborera au tout début avec l’OTAN, en laissant notamment à Washington la possibilité de jouir de ses bases militaires au Kirghizistan après les attentats du 11 septembre 2001. Puis ce fut la fin des concessions.

Nous sommes prévenus depuis 15 ans

Face à ce front du refus de fer des Occidentaux de négocier avec Moscou pour sa propre sécurité, le président russe finit par tourner le dos aux Occidentaux. Lassé de voir son pays traité comme un pays du tiers-monde, Poutine finira par jeter l’éponge dans un discours resté célèbre lors de la conférence de sécurité de Munich du 10 février 2007. Il y a en effet quinze ans déjà, ce dernier avait développé sa vision du monde et dénonçait déjà dans les mots l’unilatéralisme américain. En ces termes, il expliquait selon lui les limites et les dangers à venir d’un tel monde sans qu’à l’époque on ne prenne cela vraiment en considération comme toujours lorsqu’il s’agit de la voix russe : « J’estime que dans le monde contemporain, le modèle unipolaire est non seulement inadmissible mais également impossible ». Puis de poursuivre à l’époque et nous ramenant désormais à l’actualité maintenant qu’il allie la parole aux actes : « Il me semble évident que l’élargissement de l’OTAN n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé. » [2]

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Face au déclin américain, la montée en puissance de la Chine qui a développé depuis plusieurs années une vision commune solidaire avec la Russie (une « nouvelle ère » de leurs relations), ce monde unipolaire se fissure et par l’équilibre des pouvoirs, devrait assurer plus de stabilité. A priori. Mais les Occidentaux voient l’émergence de tout autre pôle géopolitique majeur comme une menace. Nous avons jeté Moscou dans les mains de Pékin avec nos erreurs ! De l’œuf ou de la poule, qui menace qui finalement ? La compréhension de l’histoire post-1991 au plus vite devrait être le moteur de l’apaisement et du retour à la raison dans cette histoire ukrainienne. Pourvu que les prochains jours voient le dialogue prendre le dessus entre Joe Biden, Vladimir Poutine, Zelensky et l’ « Europe ». En attendant le grand gagnant à l’heure actuelle c’est bien le président russe qui a compris une règle fondamentale de courtoisie et de politique après trois décennies de mépris : le seul moyen pour être respecté dans ce monde, c’est avant tout d’être craint. Et de ce côté-là, c’est un succès total !

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[1] https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2011-3-page-85.htm

[2] https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2007/02/12/m-poutine-denonce-l-unilateralisme-americain_866329_3222.html

Parrainages: vers une crise de régime?

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Le Pen, Mélenchon, Zemmour : trois grands candidats tangents

Après Eric Zemmour et Nicolas Bay pour son compte, Marine Le Pen a lancé un appel aux maires dans une vidéo lundi. Tous parlent d’une situation indigne. Au-delà des intéressés, le problème inquiète une grande partie de la classe politique qui est consciente que l’absence de candidats représentant des millions d’électeurs entacherait la légitimité de l’élection.

David Lisnard, le maire LR de Cannes, a donné son parrainage à Mélenchon par souci démocratique. François Bayrou a créé un site web pour inciter les maires à donner leur précieuse signature. « Autrefois, on disait : ils bluffent mais ils ne bluffent pas » affirme l’éphémère ministre de la Justice de Macron. « Que serait la situation de la démocratie française et de l’élection présidentielle si des candidats majeurs ne pouvaient pas se présenter à cette élection ? » s’interroge le maire de Pau.

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Gaspard Koenig, le candidat libéral, estime qu’une telle situation ouvrirait la voie à une crise constitutionnelle, voire à une crise de régime. Même Stanislas Guerrini, le patron de La République En Marche déclare qu’ « il faut évidemment faire cet appel aux maires à pouvoir parrainer tous les candidats, même ceux dont ils ne partagent pas les idées ». Bref, tous rappellent à juste titre la différence entre soutien et parrainage.

Au-delà de leurs désaccords, les politiques partagent donc une même idée de la démocratie ?

On aimerait le croire. Sauf que ce souci démocratique est surtout exprimé par des élus de droite et du centre. Cela n’empêche pas la gauche de dormir. Anne Hidalgo, malgré ses petits 3% dans les sondages (et nous sommes généreux), a déclaré avec arrogance il y a quelques semaines au micro d’Europe 1 :  » Tant pis pour eux [s’ils n’ont pas leurs parrainages] S’ils ne les ont pas, c’est qu’ils ne méritent pas [de] participer ! »

Fabien Roussel, le candidat communiste, n’était pas loin de se féliciter que l’extrême droite n’ait pas ses parrainages : « c’est qu’ils ont un problème ». Et Nathalie Arthaud ne s’est pas franchement émue lundi, au micro de Sud Radio, convaincue que le « système » se débrouillera.

Il y deux explications : La gauche, dans les choux électoraux, ne détesterait pas être débarrassée de rivaux. Et c’est surtout révélateur d’une différence idéologique, d’une différence identitaire: c’est le sectarisme d’un côté contre le pluralisme de l’autre. Si la droite n’est jamais très sûre d’elle-même, la gauche est convaincue d’être le camp du bien, d’être détentrice d’une légitimité morale. Simone de Beauvoir disait: « La vérité est une, seule l’erreur est multiple. Ce n’est pas un hasard si la droite professe le pluralisme. » Ce propos délirant a été repris fièrement repris par le sociologue Geoffroy de Lagasnerie, qui expliquait sur France Inter qu’on devrait carrément censurer les discours de droite.

C’est ainsi que le camp qui se définit par l’amour de l’autre, la générosité, a érigé l’intolérance en principe. Et voilà pourquoi votre gauche est muette !


Cette chronique a été initialement diffusée sur Sud Radio

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy chaque matin à 8h10 sur Sud Radio.

Madame Taubira, on ne fait pas l’union de la gauche sur l’euthanasie!

En décidant de faire de l’euthanasie une des principales mesures de son programme pour la présidentielle, Christiane Taubira révèle à son insu le piètre état de la gauche actuelle.


Christiane Taubira a annoncé qu’elle portera dans son programme présidentiel le « droit de mourir dans la dignité ». Après le droit au « mariage pour tous » durant le quinquennat de François Hollande, l’ancienne garde des Sceaux remet le couvert avec un nouveau « droit ». Christiane Taubira reproche à la loi Leonetti de ne concerner que la fin proche de l’homme. Or, pour sa part, elle désire étendre le « droit à la mort dans la dignité » bien en deçà des derniers moments de l’existence. Cette fois-ci, il s’agira de l’appliquer aux « situations où il peut être insupportable de vivre sans que, médicalement, la fin soit proche ». (entretien au Parisien du 13 février 2022).

Perversion de l’idéal de 1789

Que nous dit cette proposition de la candidate à l’Élysée sur l’état de la gauche française ? D’abord que l’inflation des droits est devenue la maladie infantile du progressisme. Taubira désire inscrire son projet politique dans le prolongement de la geste révolutionnaire de 1789. Selon elle, le droit à l’euthanasie constitue un nouvel article de la Déclaration des droits de l’homme. Mais depuis l’épopée de la Révolution, de l’eau a coulé sous les ponts. L’individualisme, mai 68 et le consumérisme sont passé par là. « C’est mon choix, c’est mon droit » : l’arbitraire a dorénavant force de loi. Les révolutionnaires quasi-spartiates de 1792 auraient hurlé à sa proposition de suicide assisté ! Décidément, la Révolution n’est plus ce qu’elle était et s’est bien amollie !

Les avancées sociétales comme tentatives de diversion 

Seconde leçon de ce « droit à mourir dans la dignité » bien avant que la fin ne soit proche : une grande partie de la gauche a renoncé à voir grand, à lutter pour une justice universelle, à porter un projet d’émancipation collective. Désormais, la gauche ne s’adresse plus qu’à des clientèles très ciblées ou à des minorités soi-disant « discriminées ». Dans le cas du projet de Christiane Taubira, ce sont les personnes désirant abréger leurs jours qui sont invitées au banquet progressiste et à communier aux lendemains létaux qui chantent. Cet émiettement de l’offre politique explique le désamour du peuple pour cette gauche en laquelle il ne reconnaît pas ses aspirations, elle qui sacrifie l’essentiel sur l’autel de guerres picrocholines qui flattent sa bonne conscience d’ouverture d’esprit. 

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D’ailleurs, le goût immodéré de cette gauche pour les combats sociétaux s’explique en partie par son échec dans le domaine de la justice sociale. Comment faire oublier son ralliement au réformisme libéral, sinon en poussant à la roue des avancées les plus osées dans le domaine des « droits » ? C’est la raison pour laquelle Hollande ne transigea jamais avec le « mariage pour tous » : ce dernier lui permettait d’acquérir son brevet de gauchitude à bon marché.

Fantasme de toute-puissance 

Enfin, en plaçant au cœur de son programme le droit de mourir, le progressisme porté par Christiane Taubira trahit sa volonté de tout maîtriser. Avec ce projet sociétal, c’est l’instant de la mort dont l’homme doit pouvoir se rendre maître. C’est là une utopie dangereuse. En effet, une fois la dynamique enclenchée, nul ne sait où elle s’arrêtera et si elle ne s’étendra pas à ceux qui ne souhaitent pas mourir prématurément mais qu’une habile propagande persuadera cependant de le faire.

Une candidature dans l’impasse

Cependant, il n’y a pas que ses adversaires idéologiques à lui reprocher de porter la focale sur des combats sociétaux très clivants. Au sein même du parti socialiste, des voix s’élèvent contre son programme qui divise au lieu de rassembler. Déjà, le Parti radical de Gauche lui a retiré son soutien. Libération faisait état vendredi dernier d’un possible lâchage de Christiane Taubira par la « Primaire populaire », le mouvement citoyen à l’origine du curieux scrutin qui l’a désignée vainqueur. La candidate s’en défend : «La Primaire populaire ne m’a absolument pas contactée, par aucune voie, alors qu’elle sait comment me joindre», a-t-elle expliqué sur BFM TV dimanche. 

Qu’importe le débat sur l’euthanasie, les mauvais sondages et le manque de signatures de parrainage risquent de toute façon d’avoir raison de la pugnacité de cette femme politique aguerrie.

Classes dirigeantes de tous les pays: unissez-vous!

Comment les élites ont-elles pu faire sécession ?


Récemment interrogé sur le Convoi de la liberté arrivant sur Paris, le très macronien François Bayrou a évoqué une « sécession d’une partie de la population ». Il n’y a pas meilleure illustration de la déconnexion profonde de la classe dirigeante française car, précisément, ce sont nos élites qui en réalité font sécession depuis quarante ans. Cette sécession a pris racine sur le terreau de la méritocratie et de la mondialisation néolibérale des échanges. Elle agit par l’accaparement de l’appareil d’État et de l’appareil médiatique.

Dans sa dystopie rédigée en 1958, Michael Young, engagé à gauche, dépeint la fracture d’une société fondée sur le pouvoir du mérite scolaire. L’auteur décrit le passage d’une société aristocratique où les bien-nés gardaient leur position sociale à une société méritocratique où les diplômes scolaires attribuent les places sociales. M. Young révèle alors le changement profond qu’opère cette méritocratie en distinguant les « méritants », ceux qui méritent leurs positions sociales du fait de leurs efforts et les « non-méritants » ceux qui ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils n’ont pas réussi car, dans un temps de démocratisation scolaire, tout le monde part sur la même ligne. Mécaniquement, une nouvelle classe dirigeante prend alors le pouvoir tout en désarmant les « non-méritants ».

Mondialisation et élite de masse

Ces nouvelles élites sont-elles pour autant supérieurement intelligentes ? À l’évidence non et la crise sanitaire l’a bien montré. Sont-elles persuadées qu’elles méritent leur place sociale et qu’elles ne doivent leur réussite qu’à elles-mêmes par leurs efforts consentis ? Oui, d’où leur ubris, leur démesure.

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La sécession des élites est d’abord le fruit d’un sentiment de supériorité fourni par la méritocratie scolaire. Cette sécession est ensuite démultipliée par l’effacement du sentiment d’appartenir à une communauté de destin au profit d’une mondialisation des échanges dont les « gagnants » ont tiré des bénéfices inédits. La soi-disant supériorité des élites et leur réussite personnelle dans le cadre de la mondialisation furent la rampe de lancement mentale de leur sécession. Or, pour mener une vie durable hors-sol, les « méritants » doivent être suffisamment nombreux pour recréer un écosystème autosuffisant, à leur convenance. C’est précisément ce que la massification scolaire d’après-guerre a pu créer. L’accès massif aux études supérieures a permis de constituer ce qu’Emmanuel Todd appelle une « élite de masse » atteignant une masse critique favorable à sa survie et sa reproduction dans des conditions de vie apatride. Au risque de reprendre une formulation passée dans le langage courant, les élites nous disent de manière plus feutrée : « Nous avons réussi et on vous emmerde ».

Après deux mondialisations des échanges, nous nous retrouvons avec une nouvelle forme aristocratique arrimée sur le processus de la méritocratie, détachée de la communauté de destin qui pourtant leur avait permis de devenir ce qu’ils sont aujourd’hui.

Une internationale dirigeante

Pour conserver sa position dominante, nous assistons à une véritable convergence des luttes sécessionnistes de l’élite mondiale. Classe dirigeante de tous les pays : unissez-vous ! L’union doit d’abord assurer la pérennité de la mondialisation des échanges, système dont l’élite économico-médiatique et les classes moyennes supérieures ont tellement bénéficié. Pour la rendre soutenable à long terme, l’internationale dirigeante doit néanmoins répondre à plusieurs défis : le défi écologique et biologique, le défi des révoltes populaires, le défi des crises économiques et géopolitiques, en s’inspirant des enseignements de la première mondialisation libérale des échanges.

Ces enseignements furent précisément l’objet du colloque Walter Lippmann qui s’est tenu à Paris en 1938. 

Les crises du début du XXe siècle donnèrent lieu à une remise en cause du « laisser-faire » libéral. La formulation d’un nouveau libéralisme, compatible avec la poursuite soutenable de cette mondialisation fut l’objet central de ce colloque. Dans les années 20, le même Lippmann avait déjà entrepris une enquête profonde des effets pervers d’un libéralisme « laisser-fairiste » en compagnie d’un contradicteur prestigieux, John Dewey. Ce débat fut l’occasion d’une mise à plat féconde de ses ressorts anthropologiques et biologiques remarquablement relayés par les travaux récents de Barbara Stiegler. Selon la philosophe, la proposition d’ajustement du libéralisme de Walter Lippmann conserve la forme individualiste avec pour corollaire, la nécessaire intervention de l’État pour donner les règles du jeu aux populations atomisées et dont la complexité d’une grande société mondiale les dépasse. La proposition de John Dewey est plus exigeante, il plaide pour une forme « communautariste » du libéralisme dont les expérimentations radicalement démocratiques fourniraient aux institutions l’élan de leurs réformes.

Fondamentalement, Walter Lippmann propose un « néo-libéralisme » par le haut, orchestré par l’appareil d’État et la « prise en charge » des populations plongées dans la mondialisation. John Dewey propose un libéralisme du bas, guidé par les expérimentations des populations que l’État et ses institutions sont tenus d’entériner. Dans le fond, Lippmann envisage une démocratie relative, orientée par les « experts méritants », Dewey demande une démocratie radicale, émergeant des communautés et identifiée comme réponse des publics face aux adaptations nécessaires. Des publics toujours stimulés par l’originalité des personnes qui les constituent.

Nous vivons depuis plusieurs décennies dans le cadre d’un néolibéralisme lippmannien sans cesse renforcé que les populations tolèrent de moins en moins, d’où les fortes crispations actuelles.

Dissolution du bien commun

La synthèse critique de la méritocratie et du néolibéralisme lippmannien qui a permis la sécession des élites pourrait être contenue dans l’œuvre de philosophie politique du professeur de Harvard, Michael Sandel. Depuis 1982, date de publication de son livre attaquant l’individualisme neutre de John Rawls, Michael Sandel repense les fondements individualistes du libéralisme explorant la forme « communautarienne » que pourrait revêtir un libéralisme soutenable. Au « moi-désengagé» de John Rawls, seule condition de garantir une société juste, distante avec un quelconque bien moral,  Michael Sandel montre que cette posture crée les conditions d’une société individualiste et procédurale non génératrice de bien commun. Autrement dit, le « moi-désengagé » libéral procèderait à la dissolution progressive de ce bien commun dont une communauté de destin a cependant nécessairement besoin pour assurer, entre autres, la défense des libertés fondamentales. La démonstration de Michael Sandel se cristallise dans l’analyse des effets de la méritocratie reprenant à son compte les intuitions de Michael Young. Le libéralisme désengagé a permis aux « méritants » de s’extraire facilement de la communauté qui leur avait permis de devenir ce qu’ils sont. La mondialisation des échanges a fait le reste.

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Le philosophe de Harvard prône alors le retour du sentiment d’appartenance à une communauté de destin dont les élites sont dépourvues. Il réclame l’humilité des gagnants de la mondialisation, sélectionnés par un système méritocratique mondialisé qui a besoin de compétences et de conformisme pour assurer sa bonne marche.

La puissance du questionnement de Michael Sandel nous invite à cette humilité et une éthique de responsabilité des « méritants ». Son questionnement place au cœur des préoccupations la culture d’un bien commun : « Est-ce que je mérite moralement les talents qui m’assurent le succès ? Est-ce de mon fait, si je vis dans une société qui valorise les talents qu’il se trouve que je possède ? Ou est-ce dû à ma chance ? ». Puis il ajoute : « Cet esprit d’humilité est la vertu civique qu’il nous faut aujourd’hui. C’est le début d’un retour en arrière, loin de l’éthique brutale du succès qui nous sépare les uns des autres ».

Les réflexions de John Dewey et de Michael Sandel donnent aujourd’hui le change à un mouvement qui semble pourtant inexorable. Elles nous permettent de ne pas perdre de vue que l’homme s’insère d’abord dans des communautés de vie qui lui ont permis, à des degrés divers, de devenir ce qu’il est. L’atomisation avancée de nos sociétés n’est pas une fatalité. Le retour d’une démocratie vivante ne sera possible que dans un cadre de vie clairement défini et souverain, condition qui garantit la défense des libertés fondamentales.

L’enracinement et le ralentissement des flux mondiaux feront émerger de nouvelles élites, humbles, conscientes de la responsabilité qui leur incombent devant leur communauté de destin. Il s’agit de bâtir une nouvelle ère, de refonder le bien commun, chantier que les jeunes générations ont déjà inauguré sans attendre l’illusoire bienséance de leurs aînés.

La créolisation heureuse ou le nouvel horizon politique de la gauche soumise

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Si le mot ne l’est pas, le concept de “créolisation” est loin d’être nouveau. Métissage célébré qui crée de l’inattendu pour la gauche, la créolisation est plutôt un joli synonyme de “balkanisation” pour la droite. Mais à ce petit jeu, l’extrême gauche française finira par se faire supplanter par les indigénistes.


En 1997, Alain Minc publia son essai La mondialisation heureuse. Quelques années après l’effondrement de l’URSS, le haut-fonctionnaire était convaincu de l’hégémonie à venir de la démocratie libérale, horizon politique indépassable en ce vaste monde. Point de salut en dehors du libre-échange mondialisé, Occident et pays ateliers y trouveraient chacun leur compte. Telle l’infirmière dans Vol au-dessus d’un nid de coucou, une partie des élites françaises communia à cet enthousiasme candide. Pourtant, on s’en rendrait compte assez vite, cette théorie revenait à organiser une forme de servitude volontaire collective, puisque la mondialisation rimait avec une désindustrialisation aux conséquences délétères. Le créneau électoral de l’anti-globalisation devint même particulièrement porteur et le Covid acheva d’installer cette perception majoritaire dans le débat public.

Quant le think tank Terra Nova impose ses vues à gauche

Comme Alain Minc en son temps, Jean-Luc Mélenchon s’essaye depuis quelques mois, dans un autre registre, à donner une respectabilité à l’idée de « créolisation ». Exhumée de l’œuvre du philosophe martiniquais Edouard Glissant, elle peut être définie ainsi : « un métissage […] qui produit de l’inattendu, […] une façon de se transformer de façon continue sans se perdre. C’est un espace où la dispersion permet de se rassembler, où les chocs de culture, la disharmonie, le désordre, l’interférence deviennent créateurs. » Encore une fois, la gauche démontre sa préférence pour le mouvement au détriment de l’ordre, fait l’éloge de l’anomie et des mouvements centrifuges. Sachons surtout y lire une apologie pure et simple de la société multiculturelle, où le mélange de cultures différentes sur un même territoire se fait au bénéfice de tous, où l’immigré est invité à persévérer dans son être initial, à en faire la promotion dans son pays hôte ; l’exact inverse de l’assimilation, qui veut le transfert des origines et l’appropriation par l’immigré du passé glorieux et millénaire de la France. 

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Si le mot est nouveau, la réalité qu’il désigne est vue et revue. La création de SOS Racisme sous le patronage bienveillant du Parti socialiste mitterrandien en 1984, la stratégie électorale ouvertement multiculturelle et finalement victorieuse du think-tank Terra Nova en 2012 ou encore l’affirmation par Emmanuel Macron qu’il n’existe pas de culture française en 2017 : M. Mélenchon n’est décidément pas le premier à tenter de donner une justification à la balkanisation de la France.

Servitude volontaire

Car, comme chez Alain Minc, il y a de la servitude volontaire dans cette idée de créolisation. Tout comme la mondialisation heureuse portait en son sein la désindustrialisation, la créolisation heureuse porte en elle la fracturation de la communauté nationale. Il n’est en effet plus besoin de démontrer que l’immigration de masse a conduit à l’islamisation de la France, à la constitution d’enclaves étrangères où les représentants de l’État (pompiers, policiers, professeurs) ne s’aventurent que la boule au ventre et, in fine, au terrorisme. S’il est possible d’assimiler des individus à une culture d’accueil – et c’est précisément là que réside la vocation universelle de la France, des masses mues par des cultures différentes ne peuvent cohabiter à égalité sur un même territoire. L’une finit forcément par prendre le dessus sur l’autre : il en va ainsi de Louis XIV qui restaura la primauté du catholicisme sur le protestantisme en révoquant l’édit de Nantes en 1685, des communautés juives d’Afrique du Nord qui vécurent pendant des siècles sous la domination ottomane ou encore des chrétiens d’Orient qui disparaissent aujourd’hui face à l’hégémonie de l’islam. Pire, la créolisation est allée jusqu’à détruire ce beau legs de l’histoire de France qu’est le décret Crémieux, forçant de nombreux Français de confession juive à partir vivre ailleurs.

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Pendant ce temps, les livres de Houellebecq se vendent très bien

Victime d’une manie toute française consistant à vouloir faire coïncider la réalité à des principes abstraits et généreux, M. Mélenchon tente d’inventer un nom chic et intellectualisant pour parer de nobles oripeaux la dissolution de la France. Pour autant, il serait trop facile de réduire cela à un simple aveuglement idéologique. Souvenons-nous en effet de ce que disait M. Mélenchon lui-même en 2010 d’une candidate voilée aux élections régionales : « […] qu’est-ce que porter le voile, si ce n’est s’infliger un stigmate ? » Si cette gauche a troqué une anti-religiosité primaire contre la société multiculturelle, ça n’est pas par crédulité mais bien par soumission. Consciente du fait que l’électorat ouvrier ne vote plus à gauche depuis longtemps, elle s’est trouvée un électorat de substitution dans les banlieues. Comme le disait M. Mélenchon lui-même en 2020, la créolisation – comprendre l’immigration de masse – « n’est ni un projet ni un programme ; c’est un fait qui se constate ». Michel Houellebecq, le plus brillant interprète de notre époque, l’avait bien vu dans Soumission en 2015 : une partie du personnel politique a fait le choix de poser genou à terre devant un nouvel électorat. Eric Coquerel, Clémentine Autain, Danièle Obono, etc. sont faits de ce bois-là. Ils sont aujourd’hui les meilleurs alliés de l’islamisation de la France et de la dissolution de la communauté nationale. C’est en ce sens qu’il faut lire les récentes déclarations de la pasionaria indigéniste Houria Bouteldja à l’égard du fondateur de La France Insoumise, le qualifiant de « butin de guerre » politique nouvellement acquis à ses idées.

Le Président de La France Insoumise (LFI) et candidat à l’élection présidentielle de 2022 Jean-Luc Mélenchon lors de son premier meeting de campagne à Aubin, dans le sud de la France, le 16 mai 2021 © Alain ROBERT/SIPA/SIPA Numéro de reportage : 01019454_000003

On le voit, la créolisation heureuse est donc devenue l’horizon politique incontournable de ce qu’on peut désormais légitimement appeler la gauche soumise. Il y a fort à parier que cette stratégie sera perdante pour elle car la soumission n’augure jamais d’une relation saine et pérenne. Autrement dit, elle se fera vraisemblablement dépasser sur sa gauche par les indigénistes, ceux-ci l’ont d’ailleurs bien compris et ne se privent pas de critiquer aussi lourdement que régulièrement les prises de position de M. Mélenchon.

Nouvelle guerre froide: vers un rideau de fer financier?

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Dans l’épisode actuel de la longue crise russo-ukrainienne, les États-Unis et ses alliés vont laisser, en cas de guerre, les usages des armes conventionnelles aux deux protagonistes. 


Leur riposte et leur arme de dissuasion est pour l’essentiel économique. Il s’agit des sanctions et d’une série des mesures dont une fait particulièrement parler d’elle : exclure la Russie du système de paiement Swift.

Swift (« prompt », « rapide » en anglais) est l’acronyme anglais de “Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication”. Il s’agit d’un système qui fournit aux institutions financières membres un moyen sécurisé d’échanger entre elles des informations telles que  transferts d’argent de compte en compte. Swift ne déplace pas l’argent lui-même mais sert à la fois de messagerie et d’intermédiaire qui vérifie et communique les informations. Basée en Belgique, Swift est juridiquement une coopérative détenue par des banques et dirigée par un conseil d’administration de 25 membres (1), dont Eddie Astanin, un économiste et fonctionnaire russe nommé en 2015. C’est le cœur du système financier et du commerce mondiaux.  

Avant Swift, les banques utilisaient le télex, basé sur d’anciens circuits de télécommunication lents et fastidieux (il fallait l’intervention humaine dans le process), et surtout non sécurisés. Aujourd’hui, les banques effectuent des paiements transfrontaliers en moins de cinq minutes avec un suivi de bout en bout.

Arme nucléaire financière

En pratique, si une entreprise allemande achète du gaz naturel russe, elle peut transférer de l’argent de son compte bancaire allemand vers la banque russe de l’entreprise russe en saisissant le numéro de compte du destinataire et le code Swift. La société allemande envoie ensuite un message depuis son compte, via Swift, à la banque russe indiquant qu’un transfert d’argent est parti. Les fonds, arrivés par voie électronique, seront ensuite disponibles pour que la société russe puisse en disposer.

Si la menace d’exclure la Russie de Swift a secoué le monde économique et financier – certains analystes qualifiant cette sanction « d’arme nucléaire financière » – il faut rappeler que cette menace n’est pas une nouveauté. Ces dernières années, à cause de l’aggravation des relations entre Moscou et l’Occident, Bruxelles a régulièrement évoqué le sujet de la déconnexion de la Russie de Swift. C’est en 2014, pour la première fois et à la demande des Britanniques, que le Parlement européen a appelé à déconnecter la Fédération de Russie de Swift dans le cadre d’une résolution adoptée après l’annexion de la Crimée (2). Effectivement, Swift opère depuis la Belgique par une personne morale de droit belge, ce qui signifie que les États-Unis auraient besoin du soutien d’alliés européens pour en expulser la Russie. En d’autres termes, Swift obéit au droit de l’UE et à ses propres membres, pas à Joe Biden ou au Congrès (3).

Si toutefois les États Unis arrivaient à mettre leur menace à exécution, l’impact sur l’économie russe serait significatif, surtout à court terme. La Russie dépend fortement de Swift en raison de ses exportations d’hydrocarbures et de transactions libellées en dollars américains, et son exclusion déclencherait une chute du rouble et provoquerait des sorties massives de capitaux. Selon Harley Balzer, professeur émérite à l’Université de Georgetown aux États-Unis, la sanction aurait « un effet dissuasif » en décourageant certaines banques occidentales de faire des affaires avec la Russie. Mais en même temps, et contrairement au cas iranien (4), si la Russie était déconnectée, les États-Unis et l’Allemagne auraient le plus à perdre car leurs banques sont les utilisateurs Swift qui communiquent le plus fréquemment avec les banques russes.

Déclencher l’exclusion de la Russie et empêcher les transactions entre membres de Swift et entités russes priverait les clients européens de gaz, pétrole et autres matières premières achetés aux Russes.  Cette possibilité est prise très au sérieux par les Américains qui essaient d’identifier des volumes supplémentaires de gaz naturel provenant de diverses régions du monde. Ils sont en pourparlers avec les principaux producteurs de gaz naturel pour appréhender leurs capacités et leur volonté d’augmenter temporairement la production et d’allouer ces volumes aux acheteurs européens. Cette question a notamment été au cœur de la visite de l’Émir du Qatar à Washington début février. Le plan de la Maison Blanche se heurte au fait que les producteurs mondiaux de gaz naturel liquéfié (GNL) produisent déjà à leur maximum (5). Cependant, certains pays comme la Chine disposent d’énormes stocks de GNL et dans le cas d’une crise et donc d’explosion des prix ils seraient tentés d’en vendre une partie sur le marché « spot ».  

Et même si la menace ne se concrétise pas cette fois-ci, les Russes ne veulent plus être à la merci d’un système aussi vital qu’ils ne contrôlent pas. Selon Maria Shagina (6), c’est ainsi que depuis 2014, la Russie se donne les moyens de s’émanciper des institutions financières occidentales. 

Le système chinois CIPS, une alternative crédible ?

En avril 2014, en pleine crise de Crimée, Visa et MasterCard ont suspendu les services à  certaines banques russes et les ont empêchées d’utiliser leurs systèmes de paiement. Le mois suivant, le gouvernement russe a adopté une nouvelle loi introduisant le système national de cartes de paiement, connu sous le nom hautement symbolique de MIR (« Monde » ou “Paix”). Contrôlée par la banque centrale de Russie, le système de cartes fonctionne comme une chambre de compensation pour le traitement des transactions par carte en Russie. 

Depuis, les opérations réalisées avec MIR représentent 24% de toutes les transactions nationales par carte et 73 millions de cartes émises y sont affiliées (7). Cependant, MIR est loin d’être mondial et effectuer des paiements en dehors de la Russie est difficile sauf en Arménie et dans les régions sécessionnistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie. Certaines opérations sont possibles en Turquie, au Kirghizistan, en Ouzbékistan et au Kazakhstan. 

À moyen terme, le gouvernement russe pense remplacer Swift par son équivalent russe SPFS, mis en place par sa banque centrale en 2014. Plus de 400 institutions financières ont rejoint SPFS (la plupart russes), mais les principales banques étrangères opérant en Russie (UniCredit, Deutsche Bank, Raiffeisen Bank) ainsi que les banques russes Tinkoff (une petite banque en ligne) et Vostochny (la banque de l’extrême orient russe) n’ont pas encore adhéré. La banque centrale cherche à porter la part des transferts nationaux effectués via SPFS à 30% d’ici 2023 et, pour encourager les vocations, la banque centrale russe n’a pas hésité à avoir recours à la carotte (ramener les tarifs du système à environ la moitié des frais de Swift) et au bâton. En 2019, la Chambre des comptes a proposé d’obliger toutes les banques opérant en Russie, y compris les filiales de banques étrangères, à se connecter à SPFS. 

En raison des limites du SPFS russe (8), le système de paiement interbancaire transfrontalier chinois CIPS a souvent été proposé comme une alternative plus réaliste pour les banques russes en cas d’exclusion de Swift. Par ailleurs, les experts économiques accordent souvent plus de chances au yuan qu’au rouble pour devenir une monnaie rivale du dollar au niveau international (en raison du poids économique de la Chine). Mais, comme pour SPFS, il reste encore un long chemin à parcourir avant que CIPS puisse remplacer Swift. La part du yuan sur les marchés financiers internationaux est marginale : moins de 2 % des paiements mondiaux, contre 40 % pour le dollar américain, et loin derrière l’euro, la livre sterling et le yen japonais. Et CIPS représente environ 0,3 % de la taille de Swift en volume de transactions et activité. À ce jour, 23 banques russes ont rejoint le CIPS, tandis qu’une seule banque chinoise, Bank of China, est actuellement connectée au SPFS. La question fondamentale est surtout de savoir si le CIPS chinois et le SPFS russe fusionneront ou si CIPS prendra le dessus. Autrement dit, pour échapper aux États-Unis, est-ce que Moscou va se mettre sous tutelle chinoise ?

Les Européens au milieu…

Une autre option a été suggérée par Oleg Deripaska, hommes d’affaires russe frappé par les sanctions américaines en avril 2018. Deripaska a proposé que le gouvernement russe accélère l’introduction du rouble numérique pour les transactions transfrontalières (9), ce qui a été approuvé par la banque centrale en octobre 2020 (le premier prototype devrait être testé en Crimée, isolée par des sanctions internationales). Il n’est pas certain toutefois que l’utilisation de cette monnaie suffise à contourner complètement les sanctions américaines. En effet, depuis mars 2018, l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) a déclaré qu’en matière de sanctions, ils ne font plus de distinction entre les transactions monétaires normales et celles en devises numériques (10).

Dans sa volonté de réduire sa dépendance à l’égard des systèmes de paiement sous influence américaine, la Russie pourrait bénéficier de l’aide d’un allié inattendu, l’Europe, qui tente de s’affirmer face au partenaire américain. On se souvient qu’afin de contourner la réimposition par Washington des sanctions contre l’Iran, l’UE avait lancé un instrument de soutien aux échanges commerciaux (INSTEX) comme alternative à Swift. INSTEX est actuellement confiné au domaine humanitaire (ce qui est autorisé par Washington) et des pays comme la Russie et la Chine ont déjà proposé d’y collaborer. Si on ajoute que l’UE cherche également à réduire sa dépendance à l’égard de Visa et MasterCard, on peut être certain que la Russie observe tout ça avec une grande attention. 

À l’heure où j’écris ces lignes, nul ne sait comment cette nouvelle crise finira mais les États-Unis semblent ne pas comprendre leur adversaire. La Russie est décidée à remporter la bataille de son indépendance financière et il est probable que les menaces réitérées de l’exclure de Swift ne font que la renforcer dans sa détermination.


(1) L’organisation est supervisée par les banques centrales du G10 – Belgique, Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Pays-Bas, Grande-Bretagne, États-Unis, Suisse et Suède – ainsi que par la Banque centrale européenne.

(2) En août 2014, le Royaume-Uni a appelé les dirigeants européens à envisager une telle option et le Premier ministre russe de l’époque, Dmitri Medvedev, avait assimilé cette menace à une déclaration de guerre. Après l’annexion de la Crimée par la Russie, les États-Unis avaient imposé des sanctions économiques affectant l’accès de la Russie aux marchés financiers et limitant leurs capacités d’exporter du matériel militaire. C’est suite à cet épisode qu’Eddie Astanin a été nommé, probablement pour rassurer Moscou.

(3) Rappelons également que la Russie a le deuxième plus grand nombre de participants à Swift.

(4) En mars 2012, Swift a déconnecte les institutions financières iraniennes soumises aux sanctions européennes.

(5) Le gaz naturel liquéfié (GNL) est du gaz naturel qui a été converti sous forme liquide pour faciliter et sécuriser son transport. On estime que le GNL prend 600 fois moins d’espace que le gaz naturel ce qui le rend beaucoup plus facile à expédier et à stocker lorsque le transport par pipeline n’est pas possible. Avec la consommation mondiale d’énergie qui augmente, les experts prévoient que le commerce du GNL va croitre en importance.

(6) Le Dr Maria Shagina est postdoctorante au Centre d’études sur l’Europe de l’Est (CEES) de l’Université de Zurich. Elle est affiliée au Geneva International Sanctions Network et membre de l’European Leadership Network.

(7) Les cartes MIR sont désormais la norme pour les retraités, les employés du secteur public et les autres bénéficiaires de fonds publics.

(8) Les opérations sont limitées aux heures de bureau pendant la semaine, contrairement à SWIFT, qui fonctionne 24h/24 et 7j/7, et SPFS limite la taille des messages à 20 kilo-octets.

(9) Une monnaie numérique est une monnaie réglementée ou non réglementée disponible uniquement sous forme numérique ou électronique. Leurs avantages résident dans les temps de transfert et de transaction rapides.

(10) Le numéro 2 du ministère des Affaires étrangères russe a déjà évoqué la volonté de son gouvernement d’expérimenter le réseau de payement digitale Ripple base sur la technologie de la blockchain. Le processus principal de Ripple est similaire au système Swift pour les transferts internationaux d’argent et de titres.

Une indifférence coupable

Ensauvagement. Alors que la jeune Mila est harcelée, rares sont ceux à prendre sa défense parmi les politiques.


« Quand on est une nana et qu’on se balade sur les quais, tous les 20 mètres, on se fait harceler, et toujours par les mêmes profils il faut le dire ». Ces mots ne viennent pas d’un militant du RN mais de la courageuse Mila. Le 19 février, la féministe aux milliers de menaces de mort se filme sur le quai de La Guillotière, à Lyon. 

Tout en marchant parmi les passants, elle relate sa dernière mésaventure. En se promenant, elle aurait reçu une flopée d’avances : « Viens-là ma belle », « t’as de belles fesses », « on va te baiser le cul ». 

A lire ensuite, Cyril Bennasar: Thaïs d’Escufon: le goût de l’eau

Alors qu’elle énumère ces mots doux, un mufle à la syntaxe de zombie l’aborde, elle l’envoie promener avec sa spontanéité habituelle. Le pauvre éconduit la traite alors de « fils de pute », mime de sortir son membre orphelin, crache à ses pieds et s’empare de son téléphone. Mila est hors d’elle, Mila crie, Mila crie encore et personne ne s’arrête. Il faut attendre qu’un valeureux joggeur vienne se saisir du téléphone pour que Mila soit sauvée. 

“Ce sera de pire en pire si on ne fait rien”

Un des compagnons du cavaleur aurait « frotté son chibre » contre Mila, ce cochon. « Des frottages, des insultes, des mecs qui s’approchent pour te coller, te toucher, c’est notre quotidien. C’est horrible d’en parler avec tellement de banalité, c’est absurde […] Quand je suis emmerdée, ce n’est pas en tant que Mila, ces mecs-là ne m’ont pas reconnue, c’est en tant que femme […] Ce sera de pire en pire si on ne fait rien. Si les gens qui n’ont pas les couilles de dénoncer l’identité de leurs agresseurs, mais on va aller où ? », a-t-elle commenté. S’il y a bien une jeune femme qui en a, justement, c’est Mila. Qu’en pensent les associations féministes ? Silence radio, rien de nouveau. En revanche, l’infortuné en amour a été interpellé puis placé en garde à vue. Mila avait porté plainte suite à sa vidéo. Preuve qu’en avoir, ça finit quand même par payer. 

L’homme éconduit est un réfugié. Cependant, « des vérifications » étaient « en cours » hier, selon Lyon Mag, pour savoir s’il a des papiers ou  non… En attendant, ce trentenaire aux hormones débordantes était déjà pisté pour une histoire de… vol de roulotte. Est-ce en raison de cet émouvant profil que les politiques sont muets ? 

Toujours est-il que hormis Éric Zemmour, Marine Le Pen et Jordan Bardella, ils ne se sont guère bousculés pour soutenir la jeune femme. Le bal des lâches suit son bonhomme de chemin. Macron et Pécresse ont l’esprit bien trop occupé. Le premier par sa réélection, la seconde par sa rhétorique chancelante. Quand Marine Le Pen ou Zemmour seront au second tour, ils appelleront de leurs vœux à « faire barrage ». Si, dès avril, la digue venait à sauter, qu’ils ne viennent pas s’en offusquer…


Pécresse: mieux vaut filer un mauvais coton qu’une mauvaise métaphore!

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Le caractère grotesque de certaines prises de parole récentes de Valérie Pécresse a de quoi dérouter. Qui aurait bien pu sérieusement anticiper que la candidate LR à l’élection présidentielle se lancerait dans une libre métaphore filée sur le thème de «Star Wars»? La faute à la dictature de la com?


Il y a comme un parfum d’Alain Juppé dans la campagne de Valérie Pécresse. En novembre 2016, on se souvient alors du « meilleur d’entre nous » lançant à la fin d’un meeting cette improbable incantation : « J’ai la pêche. Mais avec vous, c’est la super pêche ! ». Malaise dans la salle, accentué par les quelques éphèbes arborant un t-shirt « les jeunes avec Péju » frétillant sur scène pour l’occasion. Comme pour cacher la calvitie achevée de l’homme du moment, la surenchère de jeunisme dictée par des jeunes-vieux conseillers en com’ de 30 ans passés faisait l’effet de l’arrivée d’une grand-mère à une fête d’ados : on la traite avec déférence, mais tout le monde attend son départ. On connaît la suite.

Valérie Pécresse a eu plus de chance, obtenant l’investiture de son parti en vue de la magistrature suprême. Mais le ridicule consommé de ses sorties a déjà de quoi faire déchanter.

Agriculture Pride

Le 15 janvier, au sujet des politiques agricoles et de la détresse durable de la paysannerie en général, elle résumait son ambition en ces termes : « Contre l’agri-bashing, je restaurerai l’agri-fierté »[1]. Mais Valérie Pécresse nous réservait encore une bonne surprise : une métaphore filée sur le thème de « Star Wars »[2], en établissant une analogie entre chaque candidature et le titre d’un des opus de la série… la championne identifiant la sienne au « Retour du jedi ». Malaise, là encore. En l’espèce, ces sorties ne sont pas seulement minables, elles interrogent sur la substance du projet porté par la candidate : comment accorder un quelconque crédit à une vision politique dès lors qu’elle tient en quelques slogans aussi mauvais ?

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Pourtant, Valérie Pécresse n’est pas une idiote. Même les observateurs les moins bien disposés à son endroit sont forcés de le reconnaître. Et s’il est devenu de bon ton de critiquer l’ENA, c’est vite oublier aussi que les grands corps de l’État requièrent de la part de leurs membres une haute technicité administrative et juridique. Le passage par le Conseil d’État de Valérie Pécresse ne laisse pas de doute à ce sujet : la sécheresse juridique de ses quelques 380 conclusions produites entre 1995 et 1998 pour cette instance n’en dissimule pas moins la rigueur de haute volée. On est dès lors pris par un nouveau doute : comment une personne semble-t-il si compétente dans son domaine d’expertise et rodée à la prise de parole publique est-elle capable d’aligner des saillies aussi navrantes ?

La com reine (Leila ?)

Qu’un robinet d’eau tiède comme Valérie Pécresse peine à faire décoller sa campagne, personne ne s’en étonnera vraiment. Elle n’a jamais su faire le « show », comme Nicolas Sarkozy en son temps, et sa victoire surprise aux régionales de 2015 tenait avant tout à la nullité abyssale de son rival, Claude Bartolone. Mais on est sincèrement pris d’angoisse à l’idée qu’elle puisse déblatérer de telles inanités face caméra sans être débranchée par personne. Et là où en direct le « dérapage », comme l’on dit, a pour lui l’alibi de l’improvisation, ces formules prémâchées laissent d’autant plus perplexes qu’on les sait passées au tamis des incessants « brainstormings » d’une équipe de campagne. 

Certes les problèmes éminemment politiques de l’âge de départ à la retraite, de la fiscalité ou encore des politiques agricoles ou énergétiques (encore que cette dernière question se soit étonnement retrouvée récemment sous les projecteurs avec le nucléaire) sont peu à même de déchaîner les foules, en dépit de leur importance. Reste que dans l’organisation pyramidale d’une équipe de campagne que peut encore mettre sur pied un parti « à l’ancienne » comme LR s’affairent une multitude de « pôles de réflexions », produisant des notes en pagaille, elles-mêmes censées se décanter en un programme prétendant répondre à tous les problèmes du pays ; des ronds-points à la stratégie de défense. Or précisément, ici mieux qu’ailleurs, on ne connaît que trop cette injustice : la corrélation entre « l’expertise » d’un programme et sa faculté à gagner la sympathie des électeurs est nulle. 

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Là se situe une part du problème : même de projet politique, chez Valérie Pécresse, il n’y en a point. Le parti se contente de recycler des antiennes de la droite business telles que la suppression des fonctionnaires (lesquels ? comment ?) et la rigueur budgétaire. Bref, c’est le programme d’un comptable, sans vision charnelle du pays ni orientations de société. De ce fait, il n’y a rien qui puisse donner du grain à moudre aux trolls d’internet autrement que par la moquerie. À cet égard, les saillies de Valérie Pécresse sont probablement à lire comme la navrante tentative de contrefeu encouragée par les équipes de com’ face au caractère fade et insubstantiel de la championne. Il n’y a au reste pas l’ombre d’un narratif à broder autour de la vie rangée de cette femme de Neuilly qui tente de dissimuler les crocs de son ambition derrière une solidarité féminine de circonstance face à Jean-Jacques Bourdin. Ça ne coûte rien, mais qui y croit ? Ou quand la marquise de Pompadour tente une Jeanne d’Arc. Tout sonne faux. Ne reçoit pas la visite de l’ange qui veut. Il n’y a rien à aimer chez Valérie Pécresse, mais, et peut-être est-ce pire encore, il n’y a rien à détester non plus.

Cataplasme sur jambe de bois !

Or voilà encore ce que l’on ne peut pas pardonner à un politique, moins aujourd’hui qu’hier : l’inauthenticité. Dès lors que la faculté d’attention du citoyen s’est habituée au format TikTok de 45 secondes, ce sont les « coups de sang » et les formules bien senties qui créent la sympathie ou le rejet. Ne pas avoir d’idées est excusable en politique (dans certains cas, cela peut même être un avantage), et Valérie Pécresse n’est certes pas embarrassée par ce fardeau. Ne pas être « authentique », ne pas être « entier » est en revanche le pire des péchés. C’est tout le drame de ceux qui, comme Valérie Pécresse, ne sont mus par rien, et qui, s’aventurant sur le terrain escarpé des passions humaines, sont incapables de jouer une comédie dont ils n’ont pas même lu le résumé. La candidate peut bien se payer les services de l’acteur Benoît Soles pour travailler sa geste, l’effet cataplasme sur une jambe de bois est garanti. En la matière, et à la différence de la préparation d’un programme, on ne peut pas déléguer à des experts le souci de son « authenticité », précisément par ce que cela ne constitue pas un domaine d’expertise. On pourra faire turbiner tant qu’on voudra des « jeunes » pour lui donner « les codes de la culture web », rien n’y fera si elle continue de les prendre pour un arrêt de la Cour de Cassation à commenter. Sa dernière prestation au Zénith, le 13 février, avait déjà un parfum crépusculaire. Ah ! que ce serait plus simple s’il suffisait de repasser son épreuve de finances publiques pour être présidente


[1] https://twitter.com/vpecresse/status/1482419813469200396

[2] https://www.youtube.com/watch?v=cKxXz4DTn6k

Prof à Trappes, métier à risque

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Le lycée de la Plaine de Neauphle à Trappes, où enseignait Didier Lemaire, février 2021 © SIPA

De la justice à la police, toutes les institutions semblent avoir tiré les leçons de l’assassinat de Samuel Paty. Toutes sauf l’Éducation nationale. À Trappes, dans les Yvelines, le rectorat abandonne avec une consternante lâcheté les professeurs pris pour cible par des élèves ou des parents fanatisés.


Depuis qu’un professeur de philosophie « irresponsable », dixit le préfet des Yvelines (et auteur de cet article) a alerté sur l’emprise de l’idéologie islamiste sur ses élèves à Trappes, on apprend que deux autres enseignants de cette paisible bourgade des Yvelines ont également été menacés. L’une, que nous appellerons « Stéphanie », professeur de sciences de la vie et de la Terre au collège Le Village, a même été exfiltrée, sur les conseils de la police, début février 2021, soit quelques jours avant que le professeur « irresponsable » (déjà accompagné depuis trois mois par la police pour sécuriser ses entrées et sorties du lycée) soit mis en congé et placé sous protection rapprochée. L’autre, que nous appellerons « Hassan », professeur de philosophie au lycée de la Plaine de Neauphle, est en arrêt-maladie. Une de ses élèves lui a lancé pendant son cours : « Sur Allah, je vais le fracasser. »

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Stéphanie avait illustré son cours sur l’évolution, à la case Homo sapiens, évidemment, par une photo de Soprano, rappeur aimé de ses élèves et d’elle-même, qui se trouvait donc à côté d’un singe illustrant les étapes précédentes. Pour cette raison, un parent d’élève, défavorablement connu des services de police, condamné pour vol, trafic de drogue, violence, détention illégale d’armes et qui se déclare par ailleurs hostile à l’enseignement de la théorie de l’évolution, l’a accusée publiquement de racisme. Peu importe, ce qu’elle a enduré pour cela, il faut le taire ! L’administration a fort bien fait de laisser planer le doute sur l’éventuelle maladresse de l’enseignante. Aussitôt qu’un parent d’élève injurie sur un réseau social « l’éducation national (sic) de merde » (dixit le prévenu sur sa page publique Facebook), il y a forcément lieu de se demander quelle faute un enseignant a pu commettre pour heurter les gens. L’image d’un célèbre chanteur, dénommé Soprano, Comorien noir au demeurant, sur une frise représentant l’espèce humaine, ne serait-elle pas insidieusement raciste ? Ne pourrait-elle pas, à juste titre, traumatiser des élèves ? On s’interroge. On demande l’avis de l’inspection. On organise une confrontation dans l’établissement entre l’enseignante et le parent d’élève « offensé ». Même procédure que dans l’affaire Samuel Paty. Et mêmes conclusions. D’après le rectorat, l’entrevue, diligentée par ses soins, aurait permis d’apaiser la situation. Ce n’est pas l’avis des renseignements territoriaux qui demandent à Stéphanie d’aller se cacher. Il faut, en outre, que celle-ci s’y reprenne à deux fois pour obtenir l’aide juridictionnelle que le rectorat lui refuse d’abord. Vraiment, puisqu’on vous dit que la situation est sans gravité. À la rentrée de septembre 2021, pourquoi ne pas se débarrasser de cette encombrante enseignante en la mutant au fin fond d’une province où elle ne connaît personne, à charge pour elle de couvrir ses frais de déménagement et de solder dix années de vie en région parisienne ? En prime, on ne répond pas à la demande du procureur de la République de se porter partie civile. Et le jour de l’audience, on n’envoie évidemment aucun représentant de l’institution. Que vaut l’honneur d’un enseignant ? Dans sa plaidoirie, le procureur pointe l’attitude de l’institution, celle du collège, du rectorat, du ministère. Une première en France. Le 15 novembre 2021, le jugement tombe : le prévenu est condamné pour harcèlement et injure sur personne chargée d’une mission de service public à six mois de prison ferme, 13 500 euros de dommages et intérêts, 850 euros de remboursement de frais de justice, cinq ans d’inéligibilité. Le collège et le rectorat n’adressent aucune excuse à Stéphanie. C’est ce qui s’appelle, après l’assassinat, dans la même académie, de Samuel Paty, « être toujours plus efficace » (dixit le message de la rectrice aux enseignants). On ne change pas une méthode qui a fait ses preuves.

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Même traitement pour le professeur menacé en classe. L’élève, convoquée par le proviseur en présence d’Hassan, n’a droit à aucune sanction administrative. Après tout, il ne faudrait pas qu’elle puisse s’imaginer que les lois de la République s’appliquent n’importe où. L’élève retourne donc en cours. On l’avertit que le professeur pourrait porter plainte. Si elle venait encore à avoir une conduite répréhensible en classe, on l’exclurait trois jours. Quant au professeur, de quoi se plaindrait-il ? L’administration n’a pas vocation à se déplacer pour accompagner les personnels chargés d’une mission de service public lorsqu’ils se rendent au commissariat de police.

Dans ce lycée de Trappes, il ne faudrait pas non plus, lors des sorties scolaires, durant lesquelles des élèves arborent désormais collectivement leur prétendu « signe religieux », « être obnubilé par le port du voile ». Les quelques enseignants encore attachés à la laïcité ne peuvent plus contenir la pression. Ils préfèrent capituler plutôt que provoquer l’esclandre. Comment appliquer des règles quand aucune autorité ne veut sanctionner leurs atteintes ? Pis, quand elle abandonne ou met en cause les serviteurs de la République qui ne renoncent pas à défendre les principes qui fondent notre paix civile ?

Ainsi, dire qu’il y a un problème dans les écoles de Trappes, relèverait, selon le préfet des Yvelines, d’« un jeu dangereux », instigué « au nom de convictions politiques ». Mieux vaut dire qu’il y a un problème avec ceux qui dénoncent l’islamisation de la ville et les traiter de « bulldozer », voire les soupçonner de manipulation et de racisme, quitte à donner raison à ceux qui leur mettent une cible dans le dos. Le garant du respect des lois dans le département l’a rappelé avec autorité : il serait « contre-productif de sembler stigmatiser les 32 000 habitants de cette ville ». Autant de bonnes raisons, en somme, de continuer de « faire dans la dentelle ».

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Surprise: Macron candidat!

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Le président Macron et son épouse Brigitte, Palais de l'Elysée, 11 février 2022 © CELINE BREGAND/SIPA

Le chef de l’État, qui n’a toujours pas déclaré officiellement sa candidature, devrait le faire d’ici à la semaine prochaine. Il tiendra son premier meeting de campagne au Parc Chanot à Marseille le samedi 5 mars, selon plusieurs sources. Mais les Français ont-ils envie de réélire un « premier de cordée » à l’image si profondément écornée ?


Voici la surprise du jour : notre ex-président de la royale république s’est finalement convaincu de briguer un deuxième mandat !

Il semblerait qu’il lui ait tant plu de régner durant cinq ans sur notre petit peuple qu’il se soit décidé à doubler la mise dans un grand sourire. Oui mais, s’est-il préoccupé, au moment d’arrêter son choix, de savoir s’il a plu aussi à notre engeance qu’il fût engoncé soixante mois durant, dans le costume de Jupiter ? Car une décision, pour qu’elle ait au moins l’apparence de la démocratie, se doit d’être également partagée. Or, en l’occurrence, rien n’est moins sûr.

Un candidat cynique

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai constamment prêté l’oreille à tous les échos descendant de l’Olympe élyséen dans notre mangrove et je n’ai jamais trop entendu d’éloges, louanges ou dithyrambes qui lui soient adressées. Mieux encore, c’est pour le moins l’agacement qui régnait dans la foule des êtres sans nom constituant le noyau dur de notre société. Il faut dire qu’il fut très difficile à cette population de déterminer la logique guidant la pensée de son divin hiérarque. Et pourtant, ce ne sont pas les efforts qui manquèrent. Mais comment réagir à un discours onctueux s’émerveillant du courage des harkis en leur temps, ces grands défenseurs de notre République à leur corps supplicié, alors qu’auparavant, en 2020, ce même chef fluctuant (et mergitur ?) rapprochait la guerre d’Algérie de la Shoah et dès 2017, juste avant son élection, traitait la colonisation de crime contre l’humanité  ? Nul n’avait à ce jour, responsable d’une nation, pris l’invraisemblable décision de la suicider au grand jour. Alors que penser de ces caresses faites dernièrement aux Pieds-Noirs, si ce n’est qu’il n’y a pas à ses yeux de votes quantitativement inutiles ! Quel cynisme !

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Rappelons-nous qu’à cette même époque, Emmanuel Macron affirmait qu’il n’existait pas de culture réellement française. Probablement voulait-il faire comprendre que, de ce fait, il ne pouvait y avoir de « grand remplacement » là où le terrain était vide et disponible à la première civilisation venue ! Et qu’en conséquence il n’était pas contestable qu’il inventât une néo-culture officielle en ouvrant grand les grilles du palais présidentiel à des rappeurs insulteurs de notre pays, doigt dressé contre l’honneur d’une Histoire de France bafouée par des haines médiocres. A titre personnel, j’ai vécu comme une infamie ces tristes photographies de famille décomposée qui filtrèrent très rapidement depuis les Antilles jusqu’au cœur de notre capitale, devenue dès lors port d’attache du Rien institutionnalisé, balayant définitivement l’intelligence qui fut mille ans durant, la clé de voûte de notre société. McFly et Carlito y remplaçant Brassens, Ferré, Brel, Ferrat dans notre mémoire. Mais Emmanuel Macron sait-il encore ce qu’est une mémoire pour un peuple ?

J’irai même jusqu’à dire : sait-il ce qu’est un peuple ? Lui qui n’hésite jamais à insulter du plus haut de son  dédain ceux qu’il abhorre pour n’être que ce qu’ils sont, des sortes de gnomes méprisables qui voient les emplois se cumuler de l’autre côté de la rue, mais ne font pas l’effort de la traverser. Ces inutiles qui ne pensent même pas à s’acheter un costume pour ressembler enfin à quelque chose ! Et lorsque ce costume est celui qui représente la police, diantre, voilà-t-il pas que le maître n’hésite pas à la traîner dans la fange ! SA police qu’il  soupçonne ouvertement, à l’instar de la gauche extrême et sans scrupules, de comportements volontairement violents et racistes ! Il faut le faire ! SA police pourtant ! Celle qu’il rémunère petitement à le protéger de l’hydre terroriste ! SA police ! Soyons clairs, il s’agit bien de celle qui demeure le dernier rempart avant un état larvé de guerre civile. SA police qui souffre au quotidien dans sa fonction même. SA police qui meurt, de jour en jour, sous les coups des pires des délinquants, mais encore du terrorisme islamiste. SA police qui trop souvent déroutée et humiliée, se suicide.

Un « premier de cordée » à l’image écornée

Quelle honte vraiment, pour celui qui se targue, dans un hall de gare, de voir tout de suite « les gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien. » Quelle honte pour celui qui n’a manqué aucune occasion de gaiment déraper dans des situations où son image de « premier de cordée » était déjà profondément écornée, voire salie. Car, pour revenir à ces photographies abjectes, probablement croyait-il y voir le peuple de près, mais en fait ne faisait qu’approcher le visage de la délinquance, celle qui est quotidiennement offerte sans mesure à SES policiers ? Je ne reviendrai pas sur le fait que ces clichés ont fait le tour du monde, laissant accroire que c’est ainsi que le président de la France voulait que l’on voit notre pays, ce président qui se targuera même plus tard de gouverner l’Europe et les Européens, jusqu’à donner des leçons à l’Otan (« en mort cérébrale »).

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Ne parlons pas non plus d’une mystérieuse affaire Benalla, enterrée au plus profond des jardins élyséens, ni du nombre de ministres remerciés ou démissionnaires, probablement le record du genre en cinquième république. Sans oublier tous les députés LREM ayant abandonné un parti qui n’en a vraiment jamais été un, touchés de plein fouet par les errements présidentiels, jusqu’à avoir quasiment perdu sa majorité à la Chambre des députés. Et pour le seul plaisir de notre mémoire, rappelons les talents présidentiels de géographe, nous présentant la Guyane comme une île mystérieuse, et la Guadeloupe comme peuplée d’expatriés. Certes, à chaque fois, il sort de sa poche le moulin à mea culpa. Mais le mea culpa permanent est-il autre chose qu’une stratégie enfantine pour échapper à la punition ? Lors, j’ai bien peur que la France soit devenue le pays dont le président est un enfant. Imperator minus abyssum invocat. Tout ceci se retrouvant dans la calamiteuse gestion de la pandémie virale, ordres et contrordres se succédant, affirmations immédiatement contredites se cumulant et plongeant le peuple des vaccinés dans l’angoisse et le rire, cette alternance macronienne bien connue, emblématique de l’éternelle adolescence de son prince. Qu’on sort ?

Un troupeau servile

La question se pose alors dans toute son acuité : que faire qui puisse éclaircir l’avenir de notre nation et empêcher que l’on vive ad libitum les cinq années que l’on vient de vivre ? Une chose très simple :

Comprendre que l’essentiel de cette élection n’est plus dans le succès d’un camp plutôt que d’un autre, mais obligatoirement dans la seule défaite possible : celle d’Emmanuel Macron.

Comprendre qu’en situation exceptionnelle il faut abandonner beaucoup de ses certitudes pour une seule réalité : la fin de règne de notre ex-président.

Comprendre que cela oblige évidemment à formater différemment son esprit sur l’idée qu’une défaite du parti que l’on soutient puisse être une victoire totale pour chacun des 75% d’électeurs qui, au premier tour, ont décidé de voter contre le bilan présidentiel, mais tout autant que celui-ci soit battu.

Comprendre que l’on n’est plus dans le détail de programme mais dans l’essentiel : arrêter la destruction des structures profondes de notre civilisation.

Et peut-être avoir une pensée émue pour tous ceux qui, en mai 2017, dans une situation identique, furent trompés et réduits à devenir des soutiens involontaires de celui qu’ils ne veulent toujours pas aux manettes de notre nation. Servum pecus, les Français ? Bien sûr que non. Ecoutons-les plutôt jusqu’au bout de leur latin : vox populi, vox dei !

Entre déni et refus de comprendre, notre responsabilité dans l’évolution de la Russie

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Le président américain promet des sanctions contre la Russie, Washington, 22 février 2022 © Alex Brandon/AP/SIPA

Comprendre ne signifie pas donner son blanc-seing à Vladimir Poutine. L’analyse de Sébastien Boussois.


On peut sûrement critiquer le président russe Vladimir Poutine comme on peut le faire de nombre de dirigeants sur leur action mais chaque dirigeant a souvent ses raisons que notre raison ignore. Ou veut ignorer. En particulier la nôtre, Occidentaux, dans ce déni total de responsabilité dans ce qui se passe actuellement aux confins de l’Europe et de la Russie, mais aussi dans ce refus de comprendre dans le même temps la stratégie de la Russie depuis des années. C’est ce mélange indigeste qui nous conduit à refuser d’analyser le pourquoi du comment nous en sommes arrivés là.

Dans la crise majeure que traverse l’Ukraine et le monde entier par voie de conséquence, nous sommes pétris de maux de toutes parts depuis que les tensions s’y sont accrues de façon exponentielle ces dernières semaines. Chaque partie en présence les exprime à sa manière au cœur d’une marmite géopolitique portée à ébullition : avant tout par la peur, l’arrogance, la naïveté, le sentiment de supériorité, le mépris aussi.

Des tentatives d’apaisement vaines

Ce parfum réchauffé de guerre froide, l’Amérique ne peut pas y être étrangère. Ce qu’on reproche à la Russie, les Etats-Unis le pratiquent depuis des décennies : protection de son espace, maintien ou agrandissement de sa zone d’influence, ingérence et guerres par procuration. Or, pour les Etats-Unis, le retrait traumatique d’Afghanistan et l’humiliation vécue par Joe Biden, devraient les pousser à la prudence du côté du front de l’est. Incapable de prévoir la chute de Kaboul aussi rapidement, Biden a pourtant des informations en lesquelles personne ne veut croire : il y aura une guerre (volontaire ou par engrenage), et il faut s’y préparer. Le récit policé et digne d’un scénario d’Hollywood, rappelle étrangement l’entrée en guerre contre l’Irak, sur des arguments désormais reconnus aujourd’hui comme totalement fallacieux. Fera-t-on la même erreur contre la Russie ? L’idée même que Moscou envahisse un des pays de sa zone d’influence, cet étranger proche, ce pivot de son glacis géostratégique que représente l’Ukraine est inconcevable et inacceptable. Mais les Etats-Unis ne se sont jamais gênés depuis la fin de la Guerre froide, non ? Ce droit divin dont Washington a hérité à l’issue de la Seconde guerre mondiale, tel le sparadrap du capitaine Haddock, permet de maintenir l’Europe sous cloche. Un vieux continent toujours incapable de se débarrasser de cette tutelle politique américaine et de construire sa propre architecture de sécurité.

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Pour l’Europe donc, la crise ukrainienne est un baromètre et la démonstration de son impuissance sécuritaire, mais aussi de sa dépendance énergétique, avec 40% de ses importations de gaz venant du grand méchant loup russe. Elle se noie au niveau institutionnel, et ressort de l’eau un président Macron qui aura eu le mérite de faire exister celle-ci dans le dialogue et les tentatives d’apaisement dans la région.

Cirque diplomatique

Du côté ukrainien, c’est le grand écart géographique et géostratégique. Le pays est toujours tiraillé entre l’influence russe, dont il ne peut se départir puisqu’il en partage l’essentiel de ses frontières, et ce « désir d’ailleurs », en direction du monde dit-libre, depuis l’humiliation vécue par Kiev après la perte du Donbass et l’annexion de la Crimée en 2014. Certes, puisque son pays est indépendant, le président Zelensky a le choix de ses alliances y compris d’intégrer l’OTAN. Mais pour les Russes, une promesse est une promesse : les Américains ont toujours garanti depuis 1991 à Moscou que Kiev n’y entrerait pas. La réalité est probablement plutôt qu’ils n’en veulent pas, plus qu’ils ne le veulent ou peuvent point ! Il suffit de se souvenir la manière dont les Américains avaient promis à l’époque au président Michaël Gorbatchev qu’il n’y aurait pas d’élargissement à l’est [1] !

Qui sait comment la Russie a vécu tout ce cirque diplomatique et mensonger ? Comprendre à minima ne signifie pas donner son blanc-seing à Vladimir Poutine mais se mettre à la place du dernier acteur majeur de cette histoire qui connait l’humiliation depuis trente ans. C’est le lot des perdants de la grande Histoire, qui reviennent souvent par la petite porte pour se venger violemment comme l’a tristement démontré l’Allemagne en 1939. L’humiliation a toujours été un acteur majeur de la construction de l’histoire.

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Vladimir Poutine a donc régurgité ce sentiment dévorant après la chute du Mur et la fin de la Guerre Froide pendant près de trente ans, et a savamment mis en place depuis plusieurs années, un habile plan de bataille idéologique, politique et diplomatique pour revenir sur le devant de la scène régionale et mondiale. Il y’en avait des raisons et la politique a ses raisons que la raison souvent ignore. L’Occident a nourri de mépris la Russie depuis 1991. L’avancée de l’OTAN en Europe, malgré les promesses de s’arrêter bien avant d’approcher les frontières russes, n’avait pourtant pas effarouché Boris Eltsine qui avait même proposé à l’époque l’intégration de la CEI (Communauté des États Indépendants) à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Par la suite, Vladimir Poutine, lui-même, collaborera au tout début avec l’OTAN, en laissant notamment à Washington la possibilité de jouir de ses bases militaires au Kirghizistan après les attentats du 11 septembre 2001. Puis ce fut la fin des concessions.

Nous sommes prévenus depuis 15 ans

Face à ce front du refus de fer des Occidentaux de négocier avec Moscou pour sa propre sécurité, le président russe finit par tourner le dos aux Occidentaux. Lassé de voir son pays traité comme un pays du tiers-monde, Poutine finira par jeter l’éponge dans un discours resté célèbre lors de la conférence de sécurité de Munich du 10 février 2007. Il y a en effet quinze ans déjà, ce dernier avait développé sa vision du monde et dénonçait déjà dans les mots l’unilatéralisme américain. En ces termes, il expliquait selon lui les limites et les dangers à venir d’un tel monde sans qu’à l’époque on ne prenne cela vraiment en considération comme toujours lorsqu’il s’agit de la voix russe : « J’estime que dans le monde contemporain, le modèle unipolaire est non seulement inadmissible mais également impossible ». Puis de poursuivre à l’époque et nous ramenant désormais à l’actualité maintenant qu’il allie la parole aux actes : « Il me semble évident que l’élargissement de l’OTAN n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé. » [2]

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Face au déclin américain, la montée en puissance de la Chine qui a développé depuis plusieurs années une vision commune solidaire avec la Russie (une « nouvelle ère » de leurs relations), ce monde unipolaire se fissure et par l’équilibre des pouvoirs, devrait assurer plus de stabilité. A priori. Mais les Occidentaux voient l’émergence de tout autre pôle géopolitique majeur comme une menace. Nous avons jeté Moscou dans les mains de Pékin avec nos erreurs ! De l’œuf ou de la poule, qui menace qui finalement ? La compréhension de l’histoire post-1991 au plus vite devrait être le moteur de l’apaisement et du retour à la raison dans cette histoire ukrainienne. Pourvu que les prochains jours voient le dialogue prendre le dessus entre Joe Biden, Vladimir Poutine, Zelensky et l’ « Europe ». En attendant le grand gagnant à l’heure actuelle c’est bien le président russe qui a compris une règle fondamentale de courtoisie et de politique après trois décennies de mépris : le seul moyen pour être respecté dans ce monde, c’est avant tout d’être craint. Et de ce côté-là, c’est un succès total !

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[1] https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2011-3-page-85.htm

[2] https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2007/02/12/m-poutine-denonce-l-unilateralisme-americain_866329_3222.html

Parrainages: vers une crise de régime?

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Conseil Constitutionnel, Paris, mars 2017 © Witt/SIPA Numéro de reportage : 00800792_000018

Parrainer n’est pas soutenir !


Le Pen, Mélenchon, Zemmour : trois grands candidats tangents

Après Eric Zemmour et Nicolas Bay pour son compte, Marine Le Pen a lancé un appel aux maires dans une vidéo lundi. Tous parlent d’une situation indigne. Au-delà des intéressés, le problème inquiète une grande partie de la classe politique qui est consciente que l’absence de candidats représentant des millions d’électeurs entacherait la légitimité de l’élection.

David Lisnard, le maire LR de Cannes, a donné son parrainage à Mélenchon par souci démocratique. François Bayrou a créé un site web pour inciter les maires à donner leur précieuse signature. « Autrefois, on disait : ils bluffent mais ils ne bluffent pas » affirme l’éphémère ministre de la Justice de Macron. « Que serait la situation de la démocratie française et de l’élection présidentielle si des candidats majeurs ne pouvaient pas se présenter à cette élection ? » s’interroge le maire de Pau.

A lire aussi: Gaspard Koenig, un président simple?

Gaspard Koenig, le candidat libéral, estime qu’une telle situation ouvrirait la voie à une crise constitutionnelle, voire à une crise de régime. Même Stanislas Guerrini, le patron de La République En Marche déclare qu’ « il faut évidemment faire cet appel aux maires à pouvoir parrainer tous les candidats, même ceux dont ils ne partagent pas les idées ». Bref, tous rappellent à juste titre la différence entre soutien et parrainage.

Au-delà de leurs désaccords, les politiques partagent donc une même idée de la démocratie ?

On aimerait le croire. Sauf que ce souci démocratique est surtout exprimé par des élus de droite et du centre. Cela n’empêche pas la gauche de dormir. Anne Hidalgo, malgré ses petits 3% dans les sondages (et nous sommes généreux), a déclaré avec arrogance il y a quelques semaines au micro d’Europe 1 :  » Tant pis pour eux [s’ils n’ont pas leurs parrainages] S’ils ne les ont pas, c’est qu’ils ne méritent pas [de] participer ! »

Fabien Roussel, le candidat communiste, n’était pas loin de se féliciter que l’extrême droite n’ait pas ses parrainages : « c’est qu’ils ont un problème ». Et Nathalie Arthaud ne s’est pas franchement émue lundi, au micro de Sud Radio, convaincue que le « système » se débrouillera.

Il y deux explications : La gauche, dans les choux électoraux, ne détesterait pas être débarrassée de rivaux. Et c’est surtout révélateur d’une différence idéologique, d’une différence identitaire: c’est le sectarisme d’un côté contre le pluralisme de l’autre. Si la droite n’est jamais très sûre d’elle-même, la gauche est convaincue d’être le camp du bien, d’être détentrice d’une légitimité morale. Simone de Beauvoir disait: « La vérité est une, seule l’erreur est multiple. Ce n’est pas un hasard si la droite professe le pluralisme. » Ce propos délirant a été repris fièrement repris par le sociologue Geoffroy de Lagasnerie, qui expliquait sur France Inter qu’on devrait carrément censurer les discours de droite.

C’est ainsi que le camp qui se définit par l’amour de l’autre, la générosité, a érigé l’intolérance en principe. Et voilà pourquoi votre gauche est muette !


Cette chronique a été initialement diffusée sur Sud Radio

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy chaque matin à 8h10 sur Sud Radio.

Madame Taubira, on ne fait pas l’union de la gauche sur l’euthanasie!

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Christiane Taubira à la Maison de la radio, Paris, 22 février 2022 © Jacques Witt/SIPA

En décidant de faire de l’euthanasie une des principales mesures de son programme pour la présidentielle, Christiane Taubira révèle à son insu le piètre état de la gauche actuelle.


Christiane Taubira a annoncé qu’elle portera dans son programme présidentiel le « droit de mourir dans la dignité ». Après le droit au « mariage pour tous » durant le quinquennat de François Hollande, l’ancienne garde des Sceaux remet le couvert avec un nouveau « droit ». Christiane Taubira reproche à la loi Leonetti de ne concerner que la fin proche de l’homme. Or, pour sa part, elle désire étendre le « droit à la mort dans la dignité » bien en deçà des derniers moments de l’existence. Cette fois-ci, il s’agira de l’appliquer aux « situations où il peut être insupportable de vivre sans que, médicalement, la fin soit proche ». (entretien au Parisien du 13 février 2022).

Perversion de l’idéal de 1789

Que nous dit cette proposition de la candidate à l’Élysée sur l’état de la gauche française ? D’abord que l’inflation des droits est devenue la maladie infantile du progressisme. Taubira désire inscrire son projet politique dans le prolongement de la geste révolutionnaire de 1789. Selon elle, le droit à l’euthanasie constitue un nouvel article de la Déclaration des droits de l’homme. Mais depuis l’épopée de la Révolution, de l’eau a coulé sous les ponts. L’individualisme, mai 68 et le consumérisme sont passé par là. « C’est mon choix, c’est mon droit » : l’arbitraire a dorénavant force de loi. Les révolutionnaires quasi-spartiates de 1792 auraient hurlé à sa proposition de suicide assisté ! Décidément, la Révolution n’est plus ce qu’elle était et s’est bien amollie !

Les avancées sociétales comme tentatives de diversion 

Seconde leçon de ce « droit à mourir dans la dignité » bien avant que la fin ne soit proche : une grande partie de la gauche a renoncé à voir grand, à lutter pour une justice universelle, à porter un projet d’émancipation collective. Désormais, la gauche ne s’adresse plus qu’à des clientèles très ciblées ou à des minorités soi-disant « discriminées ». Dans le cas du projet de Christiane Taubira, ce sont les personnes désirant abréger leurs jours qui sont invitées au banquet progressiste et à communier aux lendemains létaux qui chantent. Cet émiettement de l’offre politique explique le désamour du peuple pour cette gauche en laquelle il ne reconnaît pas ses aspirations, elle qui sacrifie l’essentiel sur l’autel de guerres picrocholines qui flattent sa bonne conscience d’ouverture d’esprit. 

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D’ailleurs, le goût immodéré de cette gauche pour les combats sociétaux s’explique en partie par son échec dans le domaine de la justice sociale. Comment faire oublier son ralliement au réformisme libéral, sinon en poussant à la roue des avancées les plus osées dans le domaine des « droits » ? C’est la raison pour laquelle Hollande ne transigea jamais avec le « mariage pour tous » : ce dernier lui permettait d’acquérir son brevet de gauchitude à bon marché.

Fantasme de toute-puissance 

Enfin, en plaçant au cœur de son programme le droit de mourir, le progressisme porté par Christiane Taubira trahit sa volonté de tout maîtriser. Avec ce projet sociétal, c’est l’instant de la mort dont l’homme doit pouvoir se rendre maître. C’est là une utopie dangereuse. En effet, une fois la dynamique enclenchée, nul ne sait où elle s’arrêtera et si elle ne s’étendra pas à ceux qui ne souhaitent pas mourir prématurément mais qu’une habile propagande persuadera cependant de le faire.

Une candidature dans l’impasse

Cependant, il n’y a pas que ses adversaires idéologiques à lui reprocher de porter la focale sur des combats sociétaux très clivants. Au sein même du parti socialiste, des voix s’élèvent contre son programme qui divise au lieu de rassembler. Déjà, le Parti radical de Gauche lui a retiré son soutien. Libération faisait état vendredi dernier d’un possible lâchage de Christiane Taubira par la « Primaire populaire », le mouvement citoyen à l’origine du curieux scrutin qui l’a désignée vainqueur. La candidate s’en défend : «La Primaire populaire ne m’a absolument pas contactée, par aucune voie, alors qu’elle sait comment me joindre», a-t-elle expliqué sur BFM TV dimanche. 

Qu’importe le débat sur l’euthanasie, les mauvais sondages et le manque de signatures de parrainage risquent de toute façon d’avoir raison de la pugnacité de cette femme politique aguerrie.

Classes dirigeantes de tous les pays: unissez-vous!

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Ottawa, 19 février 2022 © Cole Burston/AP/SIPA

Comment les élites ont-elles pu faire sécession ?


Récemment interrogé sur le Convoi de la liberté arrivant sur Paris, le très macronien François Bayrou a évoqué une « sécession d’une partie de la population ». Il n’y a pas meilleure illustration de la déconnexion profonde de la classe dirigeante française car, précisément, ce sont nos élites qui en réalité font sécession depuis quarante ans. Cette sécession a pris racine sur le terreau de la méritocratie et de la mondialisation néolibérale des échanges. Elle agit par l’accaparement de l’appareil d’État et de l’appareil médiatique.

Dans sa dystopie rédigée en 1958, Michael Young, engagé à gauche, dépeint la fracture d’une société fondée sur le pouvoir du mérite scolaire. L’auteur décrit le passage d’une société aristocratique où les bien-nés gardaient leur position sociale à une société méritocratique où les diplômes scolaires attribuent les places sociales. M. Young révèle alors le changement profond qu’opère cette méritocratie en distinguant les « méritants », ceux qui méritent leurs positions sociales du fait de leurs efforts et les « non-méritants » ceux qui ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils n’ont pas réussi car, dans un temps de démocratisation scolaire, tout le monde part sur la même ligne. Mécaniquement, une nouvelle classe dirigeante prend alors le pouvoir tout en désarmant les « non-méritants ».

Mondialisation et élite de masse

Ces nouvelles élites sont-elles pour autant supérieurement intelligentes ? À l’évidence non et la crise sanitaire l’a bien montré. Sont-elles persuadées qu’elles méritent leur place sociale et qu’elles ne doivent leur réussite qu’à elles-mêmes par leurs efforts consentis ? Oui, d’où leur ubris, leur démesure.

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La sécession des élites est d’abord le fruit d’un sentiment de supériorité fourni par la méritocratie scolaire. Cette sécession est ensuite démultipliée par l’effacement du sentiment d’appartenir à une communauté de destin au profit d’une mondialisation des échanges dont les « gagnants » ont tiré des bénéfices inédits. La soi-disant supériorité des élites et leur réussite personnelle dans le cadre de la mondialisation furent la rampe de lancement mentale de leur sécession. Or, pour mener une vie durable hors-sol, les « méritants » doivent être suffisamment nombreux pour recréer un écosystème autosuffisant, à leur convenance. C’est précisément ce que la massification scolaire d’après-guerre a pu créer. L’accès massif aux études supérieures a permis de constituer ce qu’Emmanuel Todd appelle une « élite de masse » atteignant une masse critique favorable à sa survie et sa reproduction dans des conditions de vie apatride. Au risque de reprendre une formulation passée dans le langage courant, les élites nous disent de manière plus feutrée : « Nous avons réussi et on vous emmerde ».

Après deux mondialisations des échanges, nous nous retrouvons avec une nouvelle forme aristocratique arrimée sur le processus de la méritocratie, détachée de la communauté de destin qui pourtant leur avait permis de devenir ce qu’ils sont aujourd’hui.

Une internationale dirigeante

Pour conserver sa position dominante, nous assistons à une véritable convergence des luttes sécessionnistes de l’élite mondiale. Classe dirigeante de tous les pays : unissez-vous ! L’union doit d’abord assurer la pérennité de la mondialisation des échanges, système dont l’élite économico-médiatique et les classes moyennes supérieures ont tellement bénéficié. Pour la rendre soutenable à long terme, l’internationale dirigeante doit néanmoins répondre à plusieurs défis : le défi écologique et biologique, le défi des révoltes populaires, le défi des crises économiques et géopolitiques, en s’inspirant des enseignements de la première mondialisation libérale des échanges.

Ces enseignements furent précisément l’objet du colloque Walter Lippmann qui s’est tenu à Paris en 1938. 

Les crises du début du XXe siècle donnèrent lieu à une remise en cause du « laisser-faire » libéral. La formulation d’un nouveau libéralisme, compatible avec la poursuite soutenable de cette mondialisation fut l’objet central de ce colloque. Dans les années 20, le même Lippmann avait déjà entrepris une enquête profonde des effets pervers d’un libéralisme « laisser-fairiste » en compagnie d’un contradicteur prestigieux, John Dewey. Ce débat fut l’occasion d’une mise à plat féconde de ses ressorts anthropologiques et biologiques remarquablement relayés par les travaux récents de Barbara Stiegler. Selon la philosophe, la proposition d’ajustement du libéralisme de Walter Lippmann conserve la forme individualiste avec pour corollaire, la nécessaire intervention de l’État pour donner les règles du jeu aux populations atomisées et dont la complexité d’une grande société mondiale les dépasse. La proposition de John Dewey est plus exigeante, il plaide pour une forme « communautariste » du libéralisme dont les expérimentations radicalement démocratiques fourniraient aux institutions l’élan de leurs réformes.

Fondamentalement, Walter Lippmann propose un « néo-libéralisme » par le haut, orchestré par l’appareil d’État et la « prise en charge » des populations plongées dans la mondialisation. John Dewey propose un libéralisme du bas, guidé par les expérimentations des populations que l’État et ses institutions sont tenus d’entériner. Dans le fond, Lippmann envisage une démocratie relative, orientée par les « experts méritants », Dewey demande une démocratie radicale, émergeant des communautés et identifiée comme réponse des publics face aux adaptations nécessaires. Des publics toujours stimulés par l’originalité des personnes qui les constituent.

Nous vivons depuis plusieurs décennies dans le cadre d’un néolibéralisme lippmannien sans cesse renforcé que les populations tolèrent de moins en moins, d’où les fortes crispations actuelles.

Dissolution du bien commun

La synthèse critique de la méritocratie et du néolibéralisme lippmannien qui a permis la sécession des élites pourrait être contenue dans l’œuvre de philosophie politique du professeur de Harvard, Michael Sandel. Depuis 1982, date de publication de son livre attaquant l’individualisme neutre de John Rawls, Michael Sandel repense les fondements individualistes du libéralisme explorant la forme « communautarienne » que pourrait revêtir un libéralisme soutenable. Au « moi-désengagé» de John Rawls, seule condition de garantir une société juste, distante avec un quelconque bien moral,  Michael Sandel montre que cette posture crée les conditions d’une société individualiste et procédurale non génératrice de bien commun. Autrement dit, le « moi-désengagé » libéral procèderait à la dissolution progressive de ce bien commun dont une communauté de destin a cependant nécessairement besoin pour assurer, entre autres, la défense des libertés fondamentales. La démonstration de Michael Sandel se cristallise dans l’analyse des effets de la méritocratie reprenant à son compte les intuitions de Michael Young. Le libéralisme désengagé a permis aux « méritants » de s’extraire facilement de la communauté qui leur avait permis de devenir ce qu’ils sont. La mondialisation des échanges a fait le reste.

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Le philosophe de Harvard prône alors le retour du sentiment d’appartenance à une communauté de destin dont les élites sont dépourvues. Il réclame l’humilité des gagnants de la mondialisation, sélectionnés par un système méritocratique mondialisé qui a besoin de compétences et de conformisme pour assurer sa bonne marche.

La puissance du questionnement de Michael Sandel nous invite à cette humilité et une éthique de responsabilité des « méritants ». Son questionnement place au cœur des préoccupations la culture d’un bien commun : « Est-ce que je mérite moralement les talents qui m’assurent le succès ? Est-ce de mon fait, si je vis dans une société qui valorise les talents qu’il se trouve que je possède ? Ou est-ce dû à ma chance ? ». Puis il ajoute : « Cet esprit d’humilité est la vertu civique qu’il nous faut aujourd’hui. C’est le début d’un retour en arrière, loin de l’éthique brutale du succès qui nous sépare les uns des autres ».

Les réflexions de John Dewey et de Michael Sandel donnent aujourd’hui le change à un mouvement qui semble pourtant inexorable. Elles nous permettent de ne pas perdre de vue que l’homme s’insère d’abord dans des communautés de vie qui lui ont permis, à des degrés divers, de devenir ce qu’il est. L’atomisation avancée de nos sociétés n’est pas une fatalité. Le retour d’une démocratie vivante ne sera possible que dans un cadre de vie clairement défini et souverain, condition qui garantit la défense des libertés fondamentales.

L’enracinement et le ralentissement des flux mondiaux feront émerger de nouvelles élites, humbles, conscientes de la responsabilité qui leur incombent devant leur communauté de destin. Il s’agit de bâtir une nouvelle ère, de refonder le bien commun, chantier que les jeunes générations ont déjà inauguré sans attendre l’illusoire bienséance de leurs aînés.

La créolisation heureuse ou le nouvel horizon politique de la gauche soumise

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Les élus de gauche Benoit Hamon, Danielle Simonnet, Eric Coquerel et Clementine Autain, Paris, mars 2018 © LEWIS JOLY/SIPA

Si le mot ne l’est pas, le concept de “créolisation” est loin d’être nouveau. Métissage célébré qui crée de l’inattendu pour la gauche, la créolisation est plutôt un joli synonyme de “balkanisation” pour la droite. Mais à ce petit jeu, l’extrême gauche française finira par se faire supplanter par les indigénistes.


En 1997, Alain Minc publia son essai La mondialisation heureuse. Quelques années après l’effondrement de l’URSS, le haut-fonctionnaire était convaincu de l’hégémonie à venir de la démocratie libérale, horizon politique indépassable en ce vaste monde. Point de salut en dehors du libre-échange mondialisé, Occident et pays ateliers y trouveraient chacun leur compte. Telle l’infirmière dans Vol au-dessus d’un nid de coucou, une partie des élites françaises communia à cet enthousiasme candide. Pourtant, on s’en rendrait compte assez vite, cette théorie revenait à organiser une forme de servitude volontaire collective, puisque la mondialisation rimait avec une désindustrialisation aux conséquences délétères. Le créneau électoral de l’anti-globalisation devint même particulièrement porteur et le Covid acheva d’installer cette perception majoritaire dans le débat public.

Quant le think tank Terra Nova impose ses vues à gauche

Comme Alain Minc en son temps, Jean-Luc Mélenchon s’essaye depuis quelques mois, dans un autre registre, à donner une respectabilité à l’idée de « créolisation ». Exhumée de l’œuvre du philosophe martiniquais Edouard Glissant, elle peut être définie ainsi : « un métissage […] qui produit de l’inattendu, […] une façon de se transformer de façon continue sans se perdre. C’est un espace où la dispersion permet de se rassembler, où les chocs de culture, la disharmonie, le désordre, l’interférence deviennent créateurs. » Encore une fois, la gauche démontre sa préférence pour le mouvement au détriment de l’ordre, fait l’éloge de l’anomie et des mouvements centrifuges. Sachons surtout y lire une apologie pure et simple de la société multiculturelle, où le mélange de cultures différentes sur un même territoire se fait au bénéfice de tous, où l’immigré est invité à persévérer dans son être initial, à en faire la promotion dans son pays hôte ; l’exact inverse de l’assimilation, qui veut le transfert des origines et l’appropriation par l’immigré du passé glorieux et millénaire de la France. 

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Si le mot est nouveau, la réalité qu’il désigne est vue et revue. La création de SOS Racisme sous le patronage bienveillant du Parti socialiste mitterrandien en 1984, la stratégie électorale ouvertement multiculturelle et finalement victorieuse du think-tank Terra Nova en 2012 ou encore l’affirmation par Emmanuel Macron qu’il n’existe pas de culture française en 2017 : M. Mélenchon n’est décidément pas le premier à tenter de donner une justification à la balkanisation de la France.

Servitude volontaire

Car, comme chez Alain Minc, il y a de la servitude volontaire dans cette idée de créolisation. Tout comme la mondialisation heureuse portait en son sein la désindustrialisation, la créolisation heureuse porte en elle la fracturation de la communauté nationale. Il n’est en effet plus besoin de démontrer que l’immigration de masse a conduit à l’islamisation de la France, à la constitution d’enclaves étrangères où les représentants de l’État (pompiers, policiers, professeurs) ne s’aventurent que la boule au ventre et, in fine, au terrorisme. S’il est possible d’assimiler des individus à une culture d’accueil – et c’est précisément là que réside la vocation universelle de la France, des masses mues par des cultures différentes ne peuvent cohabiter à égalité sur un même territoire. L’une finit forcément par prendre le dessus sur l’autre : il en va ainsi de Louis XIV qui restaura la primauté du catholicisme sur le protestantisme en révoquant l’édit de Nantes en 1685, des communautés juives d’Afrique du Nord qui vécurent pendant des siècles sous la domination ottomane ou encore des chrétiens d’Orient qui disparaissent aujourd’hui face à l’hégémonie de l’islam. Pire, la créolisation est allée jusqu’à détruire ce beau legs de l’histoire de France qu’est le décret Crémieux, forçant de nombreux Français de confession juive à partir vivre ailleurs.

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Pendant ce temps, les livres de Houellebecq se vendent très bien

Victime d’une manie toute française consistant à vouloir faire coïncider la réalité à des principes abstraits et généreux, M. Mélenchon tente d’inventer un nom chic et intellectualisant pour parer de nobles oripeaux la dissolution de la France. Pour autant, il serait trop facile de réduire cela à un simple aveuglement idéologique. Souvenons-nous en effet de ce que disait M. Mélenchon lui-même en 2010 d’une candidate voilée aux élections régionales : « […] qu’est-ce que porter le voile, si ce n’est s’infliger un stigmate ? » Si cette gauche a troqué une anti-religiosité primaire contre la société multiculturelle, ça n’est pas par crédulité mais bien par soumission. Consciente du fait que l’électorat ouvrier ne vote plus à gauche depuis longtemps, elle s’est trouvée un électorat de substitution dans les banlieues. Comme le disait M. Mélenchon lui-même en 2020, la créolisation – comprendre l’immigration de masse – « n’est ni un projet ni un programme ; c’est un fait qui se constate ». Michel Houellebecq, le plus brillant interprète de notre époque, l’avait bien vu dans Soumission en 2015 : une partie du personnel politique a fait le choix de poser genou à terre devant un nouvel électorat. Eric Coquerel, Clémentine Autain, Danièle Obono, etc. sont faits de ce bois-là. Ils sont aujourd’hui les meilleurs alliés de l’islamisation de la France et de la dissolution de la communauté nationale. C’est en ce sens qu’il faut lire les récentes déclarations de la pasionaria indigéniste Houria Bouteldja à l’égard du fondateur de La France Insoumise, le qualifiant de « butin de guerre » politique nouvellement acquis à ses idées.

Le Président de La France Insoumise (LFI) et candidat à l’élection présidentielle de 2022 Jean-Luc Mélenchon lors de son premier meeting de campagne à Aubin, dans le sud de la France, le 16 mai 2021 © Alain ROBERT/SIPA/SIPA Numéro de reportage : 01019454_000003

On le voit, la créolisation heureuse est donc devenue l’horizon politique incontournable de ce qu’on peut désormais légitimement appeler la gauche soumise. Il y a fort à parier que cette stratégie sera perdante pour elle car la soumission n’augure jamais d’une relation saine et pérenne. Autrement dit, elle se fera vraisemblablement dépasser sur sa gauche par les indigénistes, ceux-ci l’ont d’ailleurs bien compris et ne se privent pas de critiquer aussi lourdement que régulièrement les prises de position de M. Mélenchon.

Nouvelle guerre froide: vers un rideau de fer financier?

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Manifestants à Donesk (Ukraine), après que Vladimir Poutine ait reconnu l’indépendance des territoires séparatistes du Donbass, dans l’est de l’Ukraine © Ryumin/TASS/Sipa USA/SIPA

Dans l’épisode actuel de la longue crise russo-ukrainienne, les États-Unis et ses alliés vont laisser, en cas de guerre, les usages des armes conventionnelles aux deux protagonistes. 


Leur riposte et leur arme de dissuasion est pour l’essentiel économique. Il s’agit des sanctions et d’une série des mesures dont une fait particulièrement parler d’elle : exclure la Russie du système de paiement Swift.

Swift (« prompt », « rapide » en anglais) est l’acronyme anglais de “Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication”. Il s’agit d’un système qui fournit aux institutions financières membres un moyen sécurisé d’échanger entre elles des informations telles que  transferts d’argent de compte en compte. Swift ne déplace pas l’argent lui-même mais sert à la fois de messagerie et d’intermédiaire qui vérifie et communique les informations. Basée en Belgique, Swift est juridiquement une coopérative détenue par des banques et dirigée par un conseil d’administration de 25 membres (1), dont Eddie Astanin, un économiste et fonctionnaire russe nommé en 2015. C’est le cœur du système financier et du commerce mondiaux.  

Avant Swift, les banques utilisaient le télex, basé sur d’anciens circuits de télécommunication lents et fastidieux (il fallait l’intervention humaine dans le process), et surtout non sécurisés. Aujourd’hui, les banques effectuent des paiements transfrontaliers en moins de cinq minutes avec un suivi de bout en bout.

Arme nucléaire financière

En pratique, si une entreprise allemande achète du gaz naturel russe, elle peut transférer de l’argent de son compte bancaire allemand vers la banque russe de l’entreprise russe en saisissant le numéro de compte du destinataire et le code Swift. La société allemande envoie ensuite un message depuis son compte, via Swift, à la banque russe indiquant qu’un transfert d’argent est parti. Les fonds, arrivés par voie électronique, seront ensuite disponibles pour que la société russe puisse en disposer.

Si la menace d’exclure la Russie de Swift a secoué le monde économique et financier – certains analystes qualifiant cette sanction « d’arme nucléaire financière » – il faut rappeler que cette menace n’est pas une nouveauté. Ces dernières années, à cause de l’aggravation des relations entre Moscou et l’Occident, Bruxelles a régulièrement évoqué le sujet de la déconnexion de la Russie de Swift. C’est en 2014, pour la première fois et à la demande des Britanniques, que le Parlement européen a appelé à déconnecter la Fédération de Russie de Swift dans le cadre d’une résolution adoptée après l’annexion de la Crimée (2). Effectivement, Swift opère depuis la Belgique par une personne morale de droit belge, ce qui signifie que les États-Unis auraient besoin du soutien d’alliés européens pour en expulser la Russie. En d’autres termes, Swift obéit au droit de l’UE et à ses propres membres, pas à Joe Biden ou au Congrès (3).

Si toutefois les États Unis arrivaient à mettre leur menace à exécution, l’impact sur l’économie russe serait significatif, surtout à court terme. La Russie dépend fortement de Swift en raison de ses exportations d’hydrocarbures et de transactions libellées en dollars américains, et son exclusion déclencherait une chute du rouble et provoquerait des sorties massives de capitaux. Selon Harley Balzer, professeur émérite à l’Université de Georgetown aux États-Unis, la sanction aurait « un effet dissuasif » en décourageant certaines banques occidentales de faire des affaires avec la Russie. Mais en même temps, et contrairement au cas iranien (4), si la Russie était déconnectée, les États-Unis et l’Allemagne auraient le plus à perdre car leurs banques sont les utilisateurs Swift qui communiquent le plus fréquemment avec les banques russes.

Déclencher l’exclusion de la Russie et empêcher les transactions entre membres de Swift et entités russes priverait les clients européens de gaz, pétrole et autres matières premières achetés aux Russes.  Cette possibilité est prise très au sérieux par les Américains qui essaient d’identifier des volumes supplémentaires de gaz naturel provenant de diverses régions du monde. Ils sont en pourparlers avec les principaux producteurs de gaz naturel pour appréhender leurs capacités et leur volonté d’augmenter temporairement la production et d’allouer ces volumes aux acheteurs européens. Cette question a notamment été au cœur de la visite de l’Émir du Qatar à Washington début février. Le plan de la Maison Blanche se heurte au fait que les producteurs mondiaux de gaz naturel liquéfié (GNL) produisent déjà à leur maximum (5). Cependant, certains pays comme la Chine disposent d’énormes stocks de GNL et dans le cas d’une crise et donc d’explosion des prix ils seraient tentés d’en vendre une partie sur le marché « spot ».  

Et même si la menace ne se concrétise pas cette fois-ci, les Russes ne veulent plus être à la merci d’un système aussi vital qu’ils ne contrôlent pas. Selon Maria Shagina (6), c’est ainsi que depuis 2014, la Russie se donne les moyens de s’émanciper des institutions financières occidentales. 

Le système chinois CIPS, une alternative crédible ?

En avril 2014, en pleine crise de Crimée, Visa et MasterCard ont suspendu les services à  certaines banques russes et les ont empêchées d’utiliser leurs systèmes de paiement. Le mois suivant, le gouvernement russe a adopté une nouvelle loi introduisant le système national de cartes de paiement, connu sous le nom hautement symbolique de MIR (« Monde » ou “Paix”). Contrôlée par la banque centrale de Russie, le système de cartes fonctionne comme une chambre de compensation pour le traitement des transactions par carte en Russie. 

Depuis, les opérations réalisées avec MIR représentent 24% de toutes les transactions nationales par carte et 73 millions de cartes émises y sont affiliées (7). Cependant, MIR est loin d’être mondial et effectuer des paiements en dehors de la Russie est difficile sauf en Arménie et dans les régions sécessionnistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie. Certaines opérations sont possibles en Turquie, au Kirghizistan, en Ouzbékistan et au Kazakhstan. 

À moyen terme, le gouvernement russe pense remplacer Swift par son équivalent russe SPFS, mis en place par sa banque centrale en 2014. Plus de 400 institutions financières ont rejoint SPFS (la plupart russes), mais les principales banques étrangères opérant en Russie (UniCredit, Deutsche Bank, Raiffeisen Bank) ainsi que les banques russes Tinkoff (une petite banque en ligne) et Vostochny (la banque de l’extrême orient russe) n’ont pas encore adhéré. La banque centrale cherche à porter la part des transferts nationaux effectués via SPFS à 30% d’ici 2023 et, pour encourager les vocations, la banque centrale russe n’a pas hésité à avoir recours à la carotte (ramener les tarifs du système à environ la moitié des frais de Swift) et au bâton. En 2019, la Chambre des comptes a proposé d’obliger toutes les banques opérant en Russie, y compris les filiales de banques étrangères, à se connecter à SPFS. 

En raison des limites du SPFS russe (8), le système de paiement interbancaire transfrontalier chinois CIPS a souvent été proposé comme une alternative plus réaliste pour les banques russes en cas d’exclusion de Swift. Par ailleurs, les experts économiques accordent souvent plus de chances au yuan qu’au rouble pour devenir une monnaie rivale du dollar au niveau international (en raison du poids économique de la Chine). Mais, comme pour SPFS, il reste encore un long chemin à parcourir avant que CIPS puisse remplacer Swift. La part du yuan sur les marchés financiers internationaux est marginale : moins de 2 % des paiements mondiaux, contre 40 % pour le dollar américain, et loin derrière l’euro, la livre sterling et le yen japonais. Et CIPS représente environ 0,3 % de la taille de Swift en volume de transactions et activité. À ce jour, 23 banques russes ont rejoint le CIPS, tandis qu’une seule banque chinoise, Bank of China, est actuellement connectée au SPFS. La question fondamentale est surtout de savoir si le CIPS chinois et le SPFS russe fusionneront ou si CIPS prendra le dessus. Autrement dit, pour échapper aux États-Unis, est-ce que Moscou va se mettre sous tutelle chinoise ?

Les Européens au milieu…

Une autre option a été suggérée par Oleg Deripaska, hommes d’affaires russe frappé par les sanctions américaines en avril 2018. Deripaska a proposé que le gouvernement russe accélère l’introduction du rouble numérique pour les transactions transfrontalières (9), ce qui a été approuvé par la banque centrale en octobre 2020 (le premier prototype devrait être testé en Crimée, isolée par des sanctions internationales). Il n’est pas certain toutefois que l’utilisation de cette monnaie suffise à contourner complètement les sanctions américaines. En effet, depuis mars 2018, l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) a déclaré qu’en matière de sanctions, ils ne font plus de distinction entre les transactions monétaires normales et celles en devises numériques (10).

Dans sa volonté de réduire sa dépendance à l’égard des systèmes de paiement sous influence américaine, la Russie pourrait bénéficier de l’aide d’un allié inattendu, l’Europe, qui tente de s’affirmer face au partenaire américain. On se souvient qu’afin de contourner la réimposition par Washington des sanctions contre l’Iran, l’UE avait lancé un instrument de soutien aux échanges commerciaux (INSTEX) comme alternative à Swift. INSTEX est actuellement confiné au domaine humanitaire (ce qui est autorisé par Washington) et des pays comme la Russie et la Chine ont déjà proposé d’y collaborer. Si on ajoute que l’UE cherche également à réduire sa dépendance à l’égard de Visa et MasterCard, on peut être certain que la Russie observe tout ça avec une grande attention. 

À l’heure où j’écris ces lignes, nul ne sait comment cette nouvelle crise finira mais les États-Unis semblent ne pas comprendre leur adversaire. La Russie est décidée à remporter la bataille de son indépendance financière et il est probable que les menaces réitérées de l’exclure de Swift ne font que la renforcer dans sa détermination.


(1) L’organisation est supervisée par les banques centrales du G10 – Belgique, Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Pays-Bas, Grande-Bretagne, États-Unis, Suisse et Suède – ainsi que par la Banque centrale européenne.

(2) En août 2014, le Royaume-Uni a appelé les dirigeants européens à envisager une telle option et le Premier ministre russe de l’époque, Dmitri Medvedev, avait assimilé cette menace à une déclaration de guerre. Après l’annexion de la Crimée par la Russie, les États-Unis avaient imposé des sanctions économiques affectant l’accès de la Russie aux marchés financiers et limitant leurs capacités d’exporter du matériel militaire. C’est suite à cet épisode qu’Eddie Astanin a été nommé, probablement pour rassurer Moscou.

(3) Rappelons également que la Russie a le deuxième plus grand nombre de participants à Swift.

(4) En mars 2012, Swift a déconnecte les institutions financières iraniennes soumises aux sanctions européennes.

(5) Le gaz naturel liquéfié (GNL) est du gaz naturel qui a été converti sous forme liquide pour faciliter et sécuriser son transport. On estime que le GNL prend 600 fois moins d’espace que le gaz naturel ce qui le rend beaucoup plus facile à expédier et à stocker lorsque le transport par pipeline n’est pas possible. Avec la consommation mondiale d’énergie qui augmente, les experts prévoient que le commerce du GNL va croitre en importance.

(6) Le Dr Maria Shagina est postdoctorante au Centre d’études sur l’Europe de l’Est (CEES) de l’Université de Zurich. Elle est affiliée au Geneva International Sanctions Network et membre de l’European Leadership Network.

(7) Les cartes MIR sont désormais la norme pour les retraités, les employés du secteur public et les autres bénéficiaires de fonds publics.

(8) Les opérations sont limitées aux heures de bureau pendant la semaine, contrairement à SWIFT, qui fonctionne 24h/24 et 7j/7, et SPFS limite la taille des messages à 20 kilo-octets.

(9) Une monnaie numérique est une monnaie réglementée ou non réglementée disponible uniquement sous forme numérique ou électronique. Leurs avantages résident dans les temps de transfert et de transaction rapides.

(10) Le numéro 2 du ministère des Affaires étrangères russe a déjà évoqué la volonté de son gouvernement d’expérimenter le réseau de payement digitale Ripple base sur la technologie de la blockchain. Le processus principal de Ripple est similaire au système Swift pour les transferts internationaux d’argent et de titres.

Une indifférence coupable

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D.R.

Ensauvagement. Alors que la jeune Mila est harcelée, rares sont ceux à prendre sa défense parmi les politiques.


« Quand on est une nana et qu’on se balade sur les quais, tous les 20 mètres, on se fait harceler, et toujours par les mêmes profils il faut le dire ». Ces mots ne viennent pas d’un militant du RN mais de la courageuse Mila. Le 19 février, la féministe aux milliers de menaces de mort se filme sur le quai de La Guillotière, à Lyon. 

Tout en marchant parmi les passants, elle relate sa dernière mésaventure. En se promenant, elle aurait reçu une flopée d’avances : « Viens-là ma belle », « t’as de belles fesses », « on va te baiser le cul ». 

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Alors qu’elle énumère ces mots doux, un mufle à la syntaxe de zombie l’aborde, elle l’envoie promener avec sa spontanéité habituelle. Le pauvre éconduit la traite alors de « fils de pute », mime de sortir son membre orphelin, crache à ses pieds et s’empare de son téléphone. Mila est hors d’elle, Mila crie, Mila crie encore et personne ne s’arrête. Il faut attendre qu’un valeureux joggeur vienne se saisir du téléphone pour que Mila soit sauvée. 

“Ce sera de pire en pire si on ne fait rien”

Un des compagnons du cavaleur aurait « frotté son chibre » contre Mila, ce cochon. « Des frottages, des insultes, des mecs qui s’approchent pour te coller, te toucher, c’est notre quotidien. C’est horrible d’en parler avec tellement de banalité, c’est absurde […] Quand je suis emmerdée, ce n’est pas en tant que Mila, ces mecs-là ne m’ont pas reconnue, c’est en tant que femme […] Ce sera de pire en pire si on ne fait rien. Si les gens qui n’ont pas les couilles de dénoncer l’identité de leurs agresseurs, mais on va aller où ? », a-t-elle commenté. S’il y a bien une jeune femme qui en a, justement, c’est Mila. Qu’en pensent les associations féministes ? Silence radio, rien de nouveau. En revanche, l’infortuné en amour a été interpellé puis placé en garde à vue. Mila avait porté plainte suite à sa vidéo. Preuve qu’en avoir, ça finit quand même par payer. 

L’homme éconduit est un réfugié. Cependant, « des vérifications » étaient « en cours » hier, selon Lyon Mag, pour savoir s’il a des papiers ou  non… En attendant, ce trentenaire aux hormones débordantes était déjà pisté pour une histoire de… vol de roulotte. Est-ce en raison de cet émouvant profil que les politiques sont muets ? 

Toujours est-il que hormis Éric Zemmour, Marine Le Pen et Jordan Bardella, ils ne se sont guère bousculés pour soutenir la jeune femme. Le bal des lâches suit son bonhomme de chemin. Macron et Pécresse ont l’esprit bien trop occupé. Le premier par sa réélection, la seconde par sa rhétorique chancelante. Quand Marine Le Pen ou Zemmour seront au second tour, ils appelleront de leurs vœux à « faire barrage ». Si, dès avril, la digue venait à sauter, qu’ils ne viennent pas s’en offusquer…


Pécresse: mieux vaut filer un mauvais coton qu’une mauvaise métaphore!

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Valérie Pécresse prononce un discours à Cannes, 18 février 2022 © SYSPEO/SIPA

Le caractère grotesque de certaines prises de parole récentes de Valérie Pécresse a de quoi dérouter. Qui aurait bien pu sérieusement anticiper que la candidate LR à l’élection présidentielle se lancerait dans une libre métaphore filée sur le thème de «Star Wars»? La faute à la dictature de la com?


Il y a comme un parfum d’Alain Juppé dans la campagne de Valérie Pécresse. En novembre 2016, on se souvient alors du « meilleur d’entre nous » lançant à la fin d’un meeting cette improbable incantation : « J’ai la pêche. Mais avec vous, c’est la super pêche ! ». Malaise dans la salle, accentué par les quelques éphèbes arborant un t-shirt « les jeunes avec Péju » frétillant sur scène pour l’occasion. Comme pour cacher la calvitie achevée de l’homme du moment, la surenchère de jeunisme dictée par des jeunes-vieux conseillers en com’ de 30 ans passés faisait l’effet de l’arrivée d’une grand-mère à une fête d’ados : on la traite avec déférence, mais tout le monde attend son départ. On connaît la suite.

Valérie Pécresse a eu plus de chance, obtenant l’investiture de son parti en vue de la magistrature suprême. Mais le ridicule consommé de ses sorties a déjà de quoi faire déchanter.

Agriculture Pride

Le 15 janvier, au sujet des politiques agricoles et de la détresse durable de la paysannerie en général, elle résumait son ambition en ces termes : « Contre l’agri-bashing, je restaurerai l’agri-fierté »[1]. Mais Valérie Pécresse nous réservait encore une bonne surprise : une métaphore filée sur le thème de « Star Wars »[2], en établissant une analogie entre chaque candidature et le titre d’un des opus de la série… la championne identifiant la sienne au « Retour du jedi ». Malaise, là encore. En l’espèce, ces sorties ne sont pas seulement minables, elles interrogent sur la substance du projet porté par la candidate : comment accorder un quelconque crédit à une vision politique dès lors qu’elle tient en quelques slogans aussi mauvais ?

A lire aussi, Philippe Bilger: Pour Valérie Pécresse, ce n’est pas tous les jours dimanche

Pourtant, Valérie Pécresse n’est pas une idiote. Même les observateurs les moins bien disposés à son endroit sont forcés de le reconnaître. Et s’il est devenu de bon ton de critiquer l’ENA, c’est vite oublier aussi que les grands corps de l’État requièrent de la part de leurs membres une haute technicité administrative et juridique. Le passage par le Conseil d’État de Valérie Pécresse ne laisse pas de doute à ce sujet : la sécheresse juridique de ses quelques 380 conclusions produites entre 1995 et 1998 pour cette instance n’en dissimule pas moins la rigueur de haute volée. On est dès lors pris par un nouveau doute : comment une personne semble-t-il si compétente dans son domaine d’expertise et rodée à la prise de parole publique est-elle capable d’aligner des saillies aussi navrantes ?

La com reine (Leila ?)

Qu’un robinet d’eau tiède comme Valérie Pécresse peine à faire décoller sa campagne, personne ne s’en étonnera vraiment. Elle n’a jamais su faire le « show », comme Nicolas Sarkozy en son temps, et sa victoire surprise aux régionales de 2015 tenait avant tout à la nullité abyssale de son rival, Claude Bartolone. Mais on est sincèrement pris d’angoisse à l’idée qu’elle puisse déblatérer de telles inanités face caméra sans être débranchée par personne. Et là où en direct le « dérapage », comme l’on dit, a pour lui l’alibi de l’improvisation, ces formules prémâchées laissent d’autant plus perplexes qu’on les sait passées au tamis des incessants « brainstormings » d’une équipe de campagne. 

Certes les problèmes éminemment politiques de l’âge de départ à la retraite, de la fiscalité ou encore des politiques agricoles ou énergétiques (encore que cette dernière question se soit étonnement retrouvée récemment sous les projecteurs avec le nucléaire) sont peu à même de déchaîner les foules, en dépit de leur importance. Reste que dans l’organisation pyramidale d’une équipe de campagne que peut encore mettre sur pied un parti « à l’ancienne » comme LR s’affairent une multitude de « pôles de réflexions », produisant des notes en pagaille, elles-mêmes censées se décanter en un programme prétendant répondre à tous les problèmes du pays ; des ronds-points à la stratégie de défense. Or précisément, ici mieux qu’ailleurs, on ne connaît que trop cette injustice : la corrélation entre « l’expertise » d’un programme et sa faculté à gagner la sympathie des électeurs est nulle. 

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Là se situe une part du problème : même de projet politique, chez Valérie Pécresse, il n’y en a point. Le parti se contente de recycler des antiennes de la droite business telles que la suppression des fonctionnaires (lesquels ? comment ?) et la rigueur budgétaire. Bref, c’est le programme d’un comptable, sans vision charnelle du pays ni orientations de société. De ce fait, il n’y a rien qui puisse donner du grain à moudre aux trolls d’internet autrement que par la moquerie. À cet égard, les saillies de Valérie Pécresse sont probablement à lire comme la navrante tentative de contrefeu encouragée par les équipes de com’ face au caractère fade et insubstantiel de la championne. Il n’y a au reste pas l’ombre d’un narratif à broder autour de la vie rangée de cette femme de Neuilly qui tente de dissimuler les crocs de son ambition derrière une solidarité féminine de circonstance face à Jean-Jacques Bourdin. Ça ne coûte rien, mais qui y croit ? Ou quand la marquise de Pompadour tente une Jeanne d’Arc. Tout sonne faux. Ne reçoit pas la visite de l’ange qui veut. Il n’y a rien à aimer chez Valérie Pécresse, mais, et peut-être est-ce pire encore, il n’y a rien à détester non plus.

Cataplasme sur jambe de bois !

Or voilà encore ce que l’on ne peut pas pardonner à un politique, moins aujourd’hui qu’hier : l’inauthenticité. Dès lors que la faculté d’attention du citoyen s’est habituée au format TikTok de 45 secondes, ce sont les « coups de sang » et les formules bien senties qui créent la sympathie ou le rejet. Ne pas avoir d’idées est excusable en politique (dans certains cas, cela peut même être un avantage), et Valérie Pécresse n’est certes pas embarrassée par ce fardeau. Ne pas être « authentique », ne pas être « entier » est en revanche le pire des péchés. C’est tout le drame de ceux qui, comme Valérie Pécresse, ne sont mus par rien, et qui, s’aventurant sur le terrain escarpé des passions humaines, sont incapables de jouer une comédie dont ils n’ont pas même lu le résumé. La candidate peut bien se payer les services de l’acteur Benoît Soles pour travailler sa geste, l’effet cataplasme sur une jambe de bois est garanti. En la matière, et à la différence de la préparation d’un programme, on ne peut pas déléguer à des experts le souci de son « authenticité », précisément par ce que cela ne constitue pas un domaine d’expertise. On pourra faire turbiner tant qu’on voudra des « jeunes » pour lui donner « les codes de la culture web », rien n’y fera si elle continue de les prendre pour un arrêt de la Cour de Cassation à commenter. Sa dernière prestation au Zénith, le 13 février, avait déjà un parfum crépusculaire. Ah ! que ce serait plus simple s’il suffisait de repasser son épreuve de finances publiques pour être présidente


[1] https://twitter.com/vpecresse/status/1482419813469200396

[2] https://www.youtube.com/watch?v=cKxXz4DTn6k