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Poutine: pour le comprendre, il suffit de l’écouter

Aveuglés par nos préconceptions, et floués par un décor plutôt laid sans les ornements officiels habituels, nous n’avons pas écouté attentivement la longue démonstration de Vladimir Poutine du 21 février.


Lorsque Vladimir Poutine prit la parole, le 21 février, dans une intervention télévisée, en russe bien entendu et non pas dans l’anglais de centre commercial qui a la faveur des décideurs internationaux (que ce soit le président ukrainien ou le secrétaire général de l’OTAN), les réactions des grands médias occidentaux, du Guardian au New York Times en passant par Le Parisien, ont été unanimes quant à la nature de son discours : il était trop long, compliqué, enflammé, passionné, décousu, colérique. L’Élysée, devenu une succursale du docteur Lacan, l’a même qualifié de « paranoïaque ».

Aveuglés par nos préconceptions

On peut se moquer des journalistes et plaindre les politiques, qui n’ont pas la patience d’écouter ou de trouver une bonne traduction. Mais ce qui est impardonnable de la part de personnes formées aux techniques de communication, est de ne pas comprendre que, en rhétorique, une prise de parole vise toujours un résultat déterminé par la personne qui parle. A cet égard, la performance oratoire du président russe, le 21 février, était exemplaire de ce que les médias sont incapables de voir, aveuglés qu’ils sont par leurs préconceptions. Ils sont habitués à un format de prise de parole qui n’a quasiment pas varié au cours de la succession de déclarations publiques de politiques et de porte-paroles qui a rythmé la longue crise ayant mené à la situation actuelle. A chaque fois, le responsable monte sur un podium ou traverse une scène, se place derrière un pupitre avec un logo ou un sceau d’office, et parle debout, costume sobre ou tailleur-pantalon. Le tout est américain et « corporate ». Quand un président américain monte au pupitre, on lui ajoute des drapeaux et des tentures, car du côté de Washington DC on aime bien les passementeries. Tel est le décor de la parole « responsable » attendue par les médias !

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Le décor a floué les observateurs

Or Poutine, qui sait manier le genre quand il le faut, a prononcé son discours de presqu’une heure assis à un bureau plutôt laid, sans les ornements officiels surajoutés dont raffolent les Américains et leurs émules. Un bureau sans prétention, avec trois téléphones loin d’être le dernier cri. Il n’était pas débout. Il ne haranguait pas. Il commentait une situation pour ses compatriotes, en adoptant une posture de pédagogue. Pendant une heure, il a expliqué, mais personne dans les médias occidentaux n’a pris la peine d’écouter attentivement. C’est d’autant plus étonnant que « faire de la pédagogie » est un mantra de la classe politique française. Mais, quand on « pédagogise » en France, le maître est à son pupitre, debout, énonçant ses directives comme un pion – style Castex – ou assis sous les projecteurs et les lambris – style présidentiel. Là, Poutine a « pédagogisé » assis, et dans un décor de DRH des années 80. Donc le commentariat n’a pas pris son effort de pédagogie au sérieux et, leurré par cette mise en scène sans faste, n’a pas compris la logique très claire de son intervention. Car l’intervention de Poutine présentait une argumentation logique : paragraphe par paragraphe, il a expliqué (à sa manière mais là n’est pas la question) les antécédents de la crise, rappelant l’histoire de l’Union Soviétique et de son démantèlement, ensuite l’histoire des accords de l’après-guerre-froide, le changement de régime en Ukraine, en concluant par l’impasse qui en résultait. On peut ne pas être d’accord, mais encore faut-il écouter et comprendre le raisonnement de Poutine. Au lieu de faire cet effort, nos médias et commentateurs s’en sont moqués, se plaignant qu’il leur casse les pieds en déblatérant pendant une heure.

Quelques heures après, Poutine signait un traité d’amitié avec les deux républiques sécessionnistes du Donbass et un jour après il activait ce pacte d’assistance et frappait de manière préemptive l’ancienne république soviétique d’Ukraine, prenant par surprise médias et politiques. C’est le décor qui a floué les observateurs. En rhétorique, nous avons une expression : ce qui est évident est « sub oculos subjectio », une mise sous les yeux. Encore faut-il savoir regarder autre chose que son nombril et écouter autre chose que sa propre voix.

Droite: d’une économie politique, on ne peut plus faire l’économie!

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Une analyse de Bernard Landais, auteur de Réagir au déclin, une économie politique pour la droite française (VA Editions, décembre 2021). 


La plupart des candidats à l’élection présidentielle, de droite comme de gauche, évitent  les débats économiques parce qu’ils pensent qu’ils sont ardus et électoralement improductifs. Répéter en boucle que les Français sont préoccupés de leur pouvoir d’achat est un peu leur minimum syndical… La poussière économique est mise sous le tapis !

Voir les choses en face et clarifier les principes

La première caractéristique de l’économie politique de droite est qu’elle satisfait au principe général de réalité. Face à l’immigration et ses conséquences et à la place de la France dans le monde, le candidat de droite est celui qui regarde la réalité en face ! Or, la réalité économique française de l’époque est celle du déclin, pire même, celle de l’anti-développement, ce qu’Eric Zemmour nomme le « grand déclassement ». Ce constat qui était naguère brocardé par les médias est devenu une évidence que la crise sanitaire n’a fait que révéler et accentuer. 

Au-delà du réalisme, la « vraie droite » se définit par deux caractéristiques claires:

  • Elle est d’abord libérale au sens précis du terme ; un libéral est quelqu’un qui aime sa liberté et celle des autres. Pour résumer mon propos, un vrai libéral ne peut être favorable au passe sanitaire ni étouffer les gens sous toutes sortes de règlements (les emmerder !). C’est d’autant plus crucial qu’une grande partie de notre déclin économique vient de l’affaissement de l’esprit de liberté, pour nos entreprises mais aussi pour notre vie courante. Dans une économie où la prolifération des investissements aléatoires de toutes sortes (industriel, éducatif, d’innovations et de puissance) est la condition primordiale de succès, l’application systématique des pressions et du contrôle administratif prétendant éviter tout risque est tout simplement suicidaire. 
  • Elle est nationale ensuite, car si le salut économique nous vient de la transmission libre de multiples cultures, on ne peut compter sur qui que ce soit d’extérieur pour le faire à la place des Français. L’Europe politique qui s’est mise en place depuis les années 1990 est totalement impuissante face aux défis posés par notre déclin économique et social auquel elle a plutôt contribué. Qui peut imaginer un seul instant que Madame Von der Leyen porte un réel intérêt aux forces vives de l’économie française ou souhaite encourager la transmission de notre culture au profit de notre développement ? Elle fait tout le contraire, en bonne gestionnaire du mondialisme.

Quelles politiques économiques pour contrer le déclin ?

Les politiques économiques à mettre en œuvre dans une perspective de droite sont des « politiques de l’offre généralisées ».

A lire aussi: Le capitalisme vainqueur par KO(VID)

Les politiques de l’offre, popularisées sous Ronald Reagan et Margaret Thatcher dans les années 1980, consistaient en un bouquet de mesures  fiscales et d’incitation au travail. Leurs réformes se sont avérées efficaces. Mais à cette époque, les économies nationales n’étaient pas aussi abîmées en profondeur et les ressorts d’un capitalisme des classes moyennes étaient encore bien tendus. Désormais, il nous faut généraliser la stratégie d’offre et la combiner à une patiente reconstitution des cultures humaines qui nous font défaut. L’une des tâches les plus urgentes est de remettre en place un système éducatif qui rehausse le niveau scolaire mais aussi le goût de la découverte, de la liberté et du risque. Abolir le principe de précaution est la mesure emblématique la plus urgente à prendre ; elle concerne l’ensemble de l’économie et de la société en France. 

En réalité, ce qui se rapproche le plus de la politique idéale de droite fut celle des années De Gaulle et Pompidou car les dirigeants français de cette époque avaient lié la libéralisation de l’économie française (Traité de Rome) à la défense ardente de son indépendance et de sa puissance. La liberté du commerce et le nucléaire civil et militaire furent les deux outils les plus utilisés et les mentalités étaient dans le bon alignement… dans une France rajeunie !

Qui pour la mener ?

Les candidats de droite les mieux placés se saisiront-ils du thème économique ou préféreront-ils enfoncer le clou uniquement sur les questions d’immigration et de sécurité intérieure ? On ne peut faire l’impasse sur le déclassement économique car il y a urgence. 

Mais gageons qu’un mandat présidentiel aussi court que cinq ans est en soi un défi tactique pour quelqu’un qui voudrait réagir à ce déclin de quarante ans. Il sait d’emblée que ça demandera du temps et surtout il ignore ce qu’en savent ou en pensent vraiment les Français qui vont voter en avril. C’est sans doute pour cette raison que le débat relatif au grand déclassement n’a pas encore vraiment débuté, et ne commencera sans doute pas, sauf pour ce qui concerne la réforme scolaire. Il faut tirer le fil un peu plus loin !

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AfricaMuseum: en Belgique, un revers pour les «décoloniaux»

Adepte de la cancel culture, notamment concernant le Roi Léopold II à l’héritage controversé, le Musée royal de l’Afrique centrale est sans doute allé trop loin en présentant l’opération de sauvetage des civils par des para-commandos en 1964 « d’intervention étrangère d’écrasement des rebelles indigènes ». Un tribunal a donné raison récemment aux associations des anciens paras qui estimaient que leur honneur était bafoué. Léger contretemps pour le courant décolonial, mais il devrait rapidement retomber sur ses pattes.


Sept associations d’anciens para-commandos et d’officiers belges ayant servi en Afrique, choqués par une statue sise à l’entrée de l’Africa Museum, ont obtenu mi-février gain de cause devant le Tribunal de 1ère Instance de Bruxelles. Ces paras se sentaient blessés par le texte explicitant la statue représentant un militaire en arme. Le texte disait : « Un para-commando belge à Stanleyville en 1964, lors de l’écrasement des rebelles Simba. L’indépendance formelle du Congo en 1960 est loin d’avoir sonné le glas des interventions étrangères. »

A lire aussi: Les statues, source de discorde

Les sept associations estimaient ce texte explicatif offensant pour l’honneur des anciens paras et contre-historique, étant donné que l’opération dite « Dragon rouge » avait été effectuée à l’époque dans un but essentiellement humanitaire et non pour écraser une rébellion. Le tribunal leur a donné raison, estimant qu’associer l’opération militaire de novembre 1964 à l’écrasement de la rébellion Simba « porte atteinte de manière disproportionnée à la réputation des paracommandos ». L’Etat belge (le musée) a été condamné le 11 février à retirer le texte litigieux sous deux semaines sous peine d’une astreinte de 5 000 euros par jour de retard. Fait important : le tribunal précise la nécessité de nuancer le discours post-colonial « pour remettre la vérité au cœur du propos historique sur la question coloniale ».

Réécriture de l’histoire

Les associations estimaient en effet que « le cartel de statues donne une interprétation de l’histoire qui impute aux para-commandos un comportement qui n’est pas démontré de manière univoque comme le reconnait l’État belge lui-même. Un tel commentaire ne participe pas à une analyse postcoloniale critique et sérieuse ». En outre, « en faisant un usage abusif de sa liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’homme, à savoir, en l’espèce, en présentant au public des informations dont l’exactitude n’a pas été vérifiée rigoureusement sur le plan scientifique, l’État belge viole le droit à la protection de la réputation professionnelle, et dès lors viole l’article 8 de la CEDH ».

Le musée avait toutefois précisé qu’il n’avait pas voulu porter atteinte à l’honneur de ces jeunes paras dont la bonne foi ne pouvait pas à l’époque être mise en doute mais soulignait le « cynisme » des autorités belges de l’époque. « L’honneur et le courage de jeunes gens risquant leur vie pour en sauver d’autres n’ont rien à voir avec le cynisme des autorités qui leur donnaient des ordres », précisait le communiqué de presse du musée daté du 13 octobre 2020 suite à une première mise en demeure. Etrangement dépublié depuis, le communiqué poursuivait : « Les historiens soulignent que l’opération « Dragon rouge » a été reportée d’un jour pour coïncider avec l’opération « Ommegang », qui avait elle-même pris du retard. Il est donc clair que les deux interventions, à savoir la libération des Belges et autres Occidentaux et la répression des rebelles Simba, étaient liées. L’affirmation selon laquelle l’opération « Dragon rouge » était une action purement humanitaire de la Belgique qui n’avait absolument aucun lien avec la répression extrêmement violente et cruelle des rebelles Simba, est maintenant considérée comme étant un mythe persistant plutôt qu’une vérité historique. »

A lire aussi, Jérôme Serri: L’art africain, c’est nous!

Selon plusieurs sources qui nous ont contacté, le processus de décision au sein de l’Africa Museum, lorsqu’il s’agit justement du recul historique nécessaire, ne fait pas l’unanimité et les historiens du musée n’étaient pas tous d’accord par rapport à la légende litigieuse sur la statue.

Ils s’étonnent par exemple que le musée, fidèle à une position progressiste, n’ait pas mentionné la vie des 1 700 otages sauvés et leurs familles dans l’opération militaire. De même « cette présentation tendancieuse soutenue par le ministre de tutelle du musée, par rapport aux décisions d’un gouvernement d’envoyer, à l’époque, des troupes pour des opérations aussi délicates et puis se déjuger 50 ans après ne démontre pas vraiment une dimension d’homme d’Etat », estime un proche du dossier qui souhaite garder l’anonymat. « Les populations civiles congolaises, premières victimes de cette rébellion, apprécieront également la grande attention portée par les responsables du musée sur leur sort, les victimes se comptant en dizaines de milliers, en particulier parmi les classes des cadres et intellectuels dont le Congo avait si cruellement besoin à cette époque. »

Un journaliste congolais s’en félicite

Paradoxalement, c’est en provenance du Congo qu’un journaliste, Nicaise Kibel’Bel Oka, semble prendre parti pour les paras belges. Directeur du journal Les Coulisses et du Centre d’études et recherches géopolitiques de l’est du Congo (CERGEC), M. Kibel’Bel Oka souligne : « Le plus surréaliste dans cette affaire, comme on peut le constater, est que les branches de l’État en Belgique s’empoignent. Les para-commandos belges attaquent l’État belge en justice. Et l’État est condamné par la justice belge. Le ridicule qu’on pouvait éviter. Heureusement que le ridicule ne tue pas. On ne juge pas le passé sans le conceptualiser. Le Musée [d’Afrique centrale] a voulu juger l’histoire et le juge l’a remis à sa place, avec une décision qui respecte l’histoire en la remettant à son vrai endroit et au temps de son déroulement. Cette décision a été accueillie, au-delà de ce qui apparaît comme une victoire, avec une grande joie et un soulagement par les associations des para-commandos belges au moment où certains mouvements antiracistes et anticoloniaux brossant un tableau sombre de la colonisation posent des actes de vandalisme des statues (les déboulonneurs) dans une volonté avérée de réécrire l’histoire coloniale sous l’angle criminel (…) »

A lire ensuite, René ter Steege: Burqa et téléréalité aux Pays-Bas

Dans le contexte décolonial qui règne en Belgique (si on en juge par les débats qui règnent en ce moment au sein de la commission spéciale « Congo – Passé colonial » à la Chambre des représentants), on peut dire que cette mouvance a subi une défaite dans cette affaire mais n’a certainement pas perdu la guerre. Le courant décolonial occupera nos esprits pendant encore de longues années, la prochaine étape étant la restitution des objets d’art africains consciencieusement conservés dans les musées belges. Une problématique à laquelle la France est également confrontée.

Pays-Bas: polémique sur les rapports entre les facs et Israël

Indignation dans la communauté juive aux Pays-Bas, après la «sommation» d’une organisation pro-palestinienne aux universités de dévoiler leurs contacts avec l’État hébreu.


Comme son nom ne l’indique pas, The Rights Forum (TRF) est une organisation néerlandaise vouée à la lutte contre l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Sur un ton péremptoire, début février, son directeur pria les dirigeants des quatorze universités aux Pays-Bas de rendre publics leurs contacts avec des universités israéliennes pendant les dix dernières années. Tout comme leurs relations avec des organisations « qui propagent leur soutien à l’État d’Israel », selon le courriel. Le tout dans le cadre de ses recherches sur les liens de l’enseignement supérieur néerlandais avec « la colonisation illégale dont Israël se rend coupable ».

Tollé universitaire

Les destinataires semblaient prêts à obtempérer, comme les y obligerait une loi sur la transparence dans les institutions publiques qu’invoque The Rights Forum. Mais ils changèrent d’avis après le tollé soulevé par « cette tentative d’intimidation », selon un éditorial indigné dans la revue juive NIW dont le grand journal De Telegraaf se faisait l’écho.

Après moult tergiversations, les dirigeants universitaires conclurent qu’il était urgent de ne rien faire. Dans un communiqué commun, ils affirment regretter que la requête de TRF ait suscité « des sentiments d’inquiétude et d’insécurité parmi les étudiants et le personnel ». Aussi se réservent-ils le droit de ne pas y répondre dans les délais exigés, mais d’éventuellement y réagir « en temps voulu ».

Selon les pro-Israéliens, TRF aurait aussi en ligne de mire des organisations dédiées uniquement à la lutte contre l’antisémitisme. Aussi, les références à des mesures contre les Juifs pendant l’Occupation nazie des Pays-Bas tombent dru sur les réseaux sociaux. Dont: « A quand l’obligation pour les Juifs de porter des étoiles jaunes à l’Université? » Et: « Bientôt le retour à la déclaration obligatoire de descendance aryenne pour le personnel universitaire? »

Calomnies

TRF nie toute velléité antisémite. Soulignant qu’elle compte aussi des Juifs parmi ses membres, l’organisation se plaint du harcèlement de ses collaborateurs après l’éclatement de l’affaire. « Ce sont des étudiants et des travailleurs universitaires qui nous avaient demandé de mener cette enquête, craignant des représailles s’ils le faisaient eux-mêmes. Hélas, les calomnies à notre égard prouvent qu’ils avaient vu juste » déplore l’association. Parmi les dirigeants et membres de The Rights Forum, l’on trouve en effet les noms de Juifs d’une certaine renommée en désaccord avec la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens. Mais également d’anciens ministres, d’ex-diplomates, des juristes de renom et jusqu’à l’ancien Premier ministre chrétien-démocrate Dries van Agt, âgé de 91 ans. Dans un programme de télévision sur la pénible coexistence entre Arabes et Juifs à Amsterdam [1], avec en toile de fond le conflit israélo-palestinien, qui vaut à bien des Juifs d’être agressés, M. van Agt éclata en sanglots, alors qu’il se rappelait sa rencontre avec un agriculteur palestinien en Cisjordanie, dont la fille de trois ans aurait été hospitalisée après avoir bu le lait de chèvres vivant sur des terres empoisonnées par des colons juifs…

Les larmes du vieil homme ont constitué un moment de télévision très fort, mais certains soutiens d’Israël le traitent de menteur, d’antisémite et le pensent sénile.


[1] « Alsof ik Palestina heb gestolen », Comme si j’avais volé la Palestine, documentaire du cinéaste Frans Bromet pour la télévision publique néerlandaise, NPO diffusé 29 novembre 2021.

Les « Juifs de service » contre Eric Zemmour

Yannick Jadot a raison. Mais s’il existe des Juifs de service, ils sont plutôt du côté du CRIF et du grand rabbinat. L’analyse d’Yves Mamou et Philippe Karsenty.


Eric Zemmour n’est pas seulement le cauchemar de Marine Le Pen, de France Inter et de Jean-Michel Aphatie. Il est aussi le monstre qui réveille la nuit certains représentants autoproclamés de la communauté juive : le CRIF, le grand rabbin de France, l’Union des Étudiants Juifs de France et tous les nombreux nigauds qui voient revenir le spectre de la « bête immonde ». Eric Zemmour met aussi en rage un certain nombre de Juifs qui s’imaginent plus intelligents que les autres ; notamment Bernard Henri-Lévy, Alain Minc, Jacques Attali et Serge Klarsfeld qui est allé jusqu’à accuser Eric Zemmour de « promouvoir des thèses bestiales comme les nazis » en première page de L’Humanité, le journal communiste qui a joyeusement collaboré – pour de vrai – avec les nazis jusqu’en 1941. 

Quarante ans de fiction

Mais qu’ont-ils tous à craindre de la percée du candidat Zemmour dans les sondages ? Pourquoi entrent-ils en transe à la perspective de le voir arriver au second tour ? La réponse est simple : ils ont tout simplement peur que la fiction mensongère qu’ils ont aidé à bâtir autour de la Shoah vole en éclats.

Le CRIF va organiser son dîner annuel et y inviter Fabien Roussel (représentant du Parti Communiste qui défend les terroristes arabes qui tuent des juifs depuis des décennies) et Yannick Jadot qui a traité Eric Zemmour de « juif de service » (…) Ce théâtre est une duperie qui ne dupe plus personne

Tout a commencé sous la présidence de François Mitterrand, lorsque les socialistes ont entrepris de favoriser une immigration musulmane de masse dans le but d’élargir leur clientèle électorale. SOS Racisme, la marche des Beurs, les grands concerts rocks antiracistes ont été les outils utilisés pour favoriser l’immigration, puis pour rallier les musulmans au Parti Socialiste. Pour faire taire toute objection à ce basculement démographique, une intense opération de muselage a eu lieu. 

Les éditeurs ont mis sous le boisseau tous les grands auteurs qui auraient aidé les Français à s’interroger sur l’islam (Renan, Condorcet, Levy-Strauss…), les humoristes se sont mis à caricaturer le Français de base en « beauf » raciste et les intellectuels comme BHL ont accusé la France d’être intrinsequement pétainiste. Pierre d’achoppement du système – ou peut-être idiot utile de cette funeste mascarade – le Front National, inexistant à l’époque, a été monté de toutes pièces comme un épouvantail répulsif. Avec la complicité active de Jean-Marie Le Pen jamais avare de « bons mots » à la limite du racisme et de l’antisémitisme, l’antiracisme politique s’est installé au cœur de la vie politique. Depuis quarante ans, quiconque émet le moindre doute quant à l’utilité d’un fort courant migratoire islamique est immédiatement pointé du doigt comme nazi « proche du Front National ».  

A lire aussi: Zemmour, le dernier israélite

Dans ce théâtre, le pouvoir socialiste a délégué aux juifs la touche finale : l’extermination des juifs par les nazis a été exploitée pour faciliter l’immigration musulmane. Les institutions juives se sont empressées de valider l’idée promue par les politiques, les médias et les intellectuels de gauche que les musulmans étaient la cible d’un nouveau nazisme tricolore.  Les Juifs médiatiques de gauche, le CRIF, l’Union des Etudiants Juifs de France ont labellisé l’équation mensongère « immigré musulman = juif persécuté ». 

Les conséquences de ce mensonge ont été dévastatrices pour la France. La droite a été brisée, l’idée même de critique de la politique d’immigration a été criminalisée et la plus petite référence patriotique a été considérée comme raciste. Les Français juifs ont également payé le prix de cette manipulation organisée avec l’assentiment de leurs « élites » : la société française et les médias sont devenus aveugles aux violences commises contre eux par les musulmans, les juifs sont devenus indésirables dans certains quartiers et l’antisémitisme islamique a été minimisé. 

Mais voila qu’ils recommencent

Tout ceci aurait pu être de l’histoire ancienne. Mais voila qu’ils recommencent. Les mêmes BHL, Attali, les mêmes présidents du CRIF, du grand rabbinat et de l’UEJF tentent de nous refaire le coup des « musulmans persécutés comme les juifs l’ont été ». Les voila qui osent clamer à nouveau que toute critique de l’immigration est une forme de racisme et de nazisme. Voilà que le grand rabbin excommunie le juif Eric Zemmour et le traite « d’antisémite » et que le président du CRIF ordonne « pas une voix juive pour Zemmour ». Le même grand rabbin qui – à revers de tout esprit républicain – se permet depuis quelques temps d’appeler des élus locaux français pour s’inquiéter de la montée du vote Zemmour chez leurs administrés.

A lire aussi: Que Jadot dénonce l’antisémitisme là où il grandit plutôt que de le fantasmer là où il s’éteint!

Alors, oui, le CRIF va organiser son dîner annuel et y inviter Fabien Roussel (représentant du Parti Communiste qui défend les terroristes arabes qui tuent des juifs depuis des décennies) et Yannick Jadot qui a traité Eric Zemmour de « juif de service ». Le problème est que ce théâtre est une duperie qui ne dupe plus personne. Il faut aujourd’hui tirer les leçons de quarante ans d’histoire et s’interroger sur la fonction du CRIF. Première évidence, les institutions juives ne représentent pas les intérêts politiques et sociétaux des Français juifs. Les institutions juives sont en réalité, le bras idéologique et électoral du pouvoir auprès des juifs.  Elles ont pour fonction de faire tenir les juifs tranquilles en organisant par exemple des « marches silencieuses » chaque fois qu’un islamiste assassine une fillette ou une grand-mère juive. Elles ont pour fonction de protéger l’immigration musulmane en France.

Le pouvoir politique et le CRIF sont aujourd’hui les seuls à ignorer que leur mystification ne fonctionne plus et que les institutions juives n’ont plus prise sur la communauté juive en France ; la percée des intentions de vote des Français juifs en faveur d’Eric Zemmour en est une des preuves. Cette ignorance n’a en réalité aucune importance, tant la sécession de la communauté juive (un demi million de personnes au bas mot) d’avec ses représentants n’a aucune conséquence au plan politique ou électoral. 

En revanche – seconde évidence -, le modèle État-Crif que le pouvoir politique s’échine à reproduire pour l’appliquer aux musulmans, apparait pour ce qu’il est : un modèle usé. Les musulmans ne sont pas représentables tant ils demeurent divisés en communautés religieuses et nationales d’origine différentes. Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy, Gerald Darmanin aujourd’hui, tous se sont échiné trente ans durant à construire un interlocuteur chez les musulmans. Sans jamais aboutir à rien. Gérald Darmanin a eu beau récemment dissoudre le Conseil Français du Culte Musulman pour promouvoir une nouvelle structure, le Forum pour l’islam de France (Forif), cette nouvelle structure ne représentera jamais les musulmans auprès de l’État et surtout, les messages que l’État tentera de faire passer aux musulmans via le Forif ou toute autre structure, risquent bien de ne jamais trouver une boite aux lettres. 

Poutine face à nos douceurs diplomatiques

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Le président Poutine est un bloc de raideur et de fermeté, lassé par la comédie de l’écoute


Impossible d’analyser la crise internationale grave d’aujourd’hui sans appréhender la psychologie de Vladimir Poutine et celle de ses contradicteurs et du monde civilisé qu’ils représentent.

Poutine, en effet, est d’abord l’irruption, dans un univers qui paraissait avoir refusé les coups de force, d’une personnalité qui n’aime qu’eux et confronte ses adversaires désarmés à cette inconcevable équation d’une relation internationale non civilisée. Qui, au lieu de répudier la violence comme solution, la cultive au contraire et se moque comme d’une guigne du respect des accords, ceux de Minsk en l’occurrence.

Objet International Non Identifiable

Poutine est un objet international non identifiable si on s’obstine à vouloir le faire entrer dans un cadre classique sur ce plan. Le cynisme est sa règle, le chaud et le froid sa politique et, en même temps, il décrète l’indépendance des régions séparatistes pro-russes en Ukraine mais ose soutenir que la Russie n’écarte pas les solutions diplomatiques avec les Occidentaux. Tout et son contraire jusqu’à l’absurde, une aberration qui marche !

C’est à chaque fois la même méthode : il joue, il menace, il promet, feint l’apaisement pour mieux frapper, domine les dialogues parce qu’il n’a aucun scrupule et qu’au nom de la défense des intérêts de la Russie, il se permet tout, libéré de tout contrôle démocratique – une « dictature policée » selon l’expression de Jacques Julliard -, manipule, se sert de ce qui l’arrange dans l’obsession de l’apaisement de la part de ceux qui dialoguent avec lui mais n’en fait qu’à sa tête, persuadé que dans l’espace d’aujourd’hui et avec les douceurs diplomatiques jamais véritablement questionnées, il a toute latitude pour s’ébattre, pour gagner à tout coup.

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Poutine est un professionnel de la dureté face à des amateurs. De la mauvaise foi face à des crédules. Du jusqu’au boutisme face à des adeptes de la mesure. Il est prêt à tout quand les autres ne songent qu’à composer. Comment alors, sans discuter en lui-même l’effort de médiation du président de la République, avoir pu croire un instant à la réussite de ce dernier ? La principale arme d’Emmanuel Macron dans les échanges internationaux étant l’empathie et la séduction, on imagine comme il devait se trouver démuni devant un Poutine totalement insensible à l’égard de ces vertus de l’âme, du cœur et de la bienveillance en général.

On a le droit de s’interroger. Emmanuel Macron a-t-il été naïf mais de bonne foi ou jamais dupe du caractère désespéré de son entreprise ? Nous a-t-il « vendu » des avancées qui n’en étaient pas ou croyait-il sincèrement qu’il allait faire bouger ce bloc de roideur et de fermeté capable un temps de jouer la comédie de l’écoute ?

Ne laissons plus d’opportunités à Poutine !

Pour ma part, je pense qu’Emmanuel Macron est le président le moins fait pour se mouvoir dans une vie internationale qui, avec Poutine, a méprisé l’urbanité et le caractère classique des discussions. Infiniment civilisé, notre président ne pouvait qu’être abusé par la mise en place d’un système qui n’avait pour ambition que de déstabiliser, de troubler, voire d’indigner. Il se colletait avec une brute intelligente et il n’avait à lui offrir que des propositions de bon aloi, des douceurs diplomatiques. Le combat était perdu d’avance.

Toutes proportions historiques gardées, Poutine me fait songer à un passé très ancien où la première question de Chamberlain à Hitler a été de lui demander « s’il aimait la pêche ». Ce gouffre entre l’apparence et la réalité est celui qui, face à Poutine, existe entre celui-ci et les responsables étrangers qui, fascinés mais impuissants, s’obstinent à réfléchir et à agir selon les règles quand l’autre les transgresse avec une volupté efficace. Il se donne tous les droits d’aller trop loin quand, en face, on a plus peur de violer ses principes qu’envie de la victoire, de faire mordre la poussière à l’adversaire. Avec Poutine, on peut craindre le pire parce que le pire est l’extrémisme dont il raffole. Intimider, faire peur, gagner, dominer tous ces pleutres, jouir de sa virilité politique et internationale, mépriser cet Occident affaibli, tant d’opportunités sont données aujourd’hui à Poutine pour se croire le maître de tout !

Ville de Paris: «Tout le monde ferme les yeux sur l’absentéisme»

La Ville de Paris est un paquebot administratif difficile à manœuvrer. Ses 52 000 agents ne sont pas tous logés à la même enseigne et, dans les secteurs les moins bien rémunérés, telles les affaires scolaires et périscolaires, laisser-aller et petits arrangements sont de rigueur pour maintenir la paix sociale. Une anarchie que dénonce même la CGT !


Mastodonte employant plus de 52 000 agents, la Ville de Paris a souvent été sous le feu des critiques en matière de gestion du personnel. En 2018, la Cour des comptes a tiré la sonnette d’alarme. Le régime sur mesure des agents parisiens, dérogatoire aux règles de la fonction publique territoriale, est « illisible, incohérent et d’une complexité excessive », pointaient les magistrats. Il est également ruineux. Riche de 63 corps et 24 statuts d’emplois fonctionnels différents, il occasionne un surcoût annuel de 74 millions d’euros, par rapport au droit administratif commun.

Anarchie chronique

Il ne faut pas imaginer pour autant que tous les fonctionnaires de la Ville de Paris gagnent des fortunes. Les abus se concentrent au sommet, en particulier sur « le nombre et la rémunération des collaborateurs de cabinets des arrondissements » (plus de 230 en 2015 !), relevait la Cour des comptes. Plus bas dans l’échelle, au contraire, les agents de catégorie C sont assez mal payés, à tel point que la Ville a le plus grand mal à les fidéliser dans de nombreux services, des crèches à la voirie. Au fil du temps, un système pernicieux s’est mis en place. Faute de pouvoir – ou de vouloir – augmenter les salaires, la hiérarchie tolère des absences, ferme les yeux sur les retards et s’accommode d’arrangements officieux.

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La direction des affaires scolaires et périscolaires en est une bonne illustration. 190 000 élèves pris en charge, plus de 600 établissements, une direction, trois sous-directions (SRD, SDES, SDPE), une instance de coordination, neuf circonscriptions des affaires scolaires et de la petite enfance déconcentrées (Caspe)… Elle présente toutes les apparences extérieures du monolithe administratif polysiglé, lourd mais robuste. Le témoignage d’un cadre, que Causeur a recueilli, souligne au contraire son usure institutionnelle et son anarchie chronique.

« Dans le secteur où je travaille, explique Nicolas (pseudonyme), l’effectif des agents en charge du périscolaire, animateurs, intervenants divers, gardiens, etc., est composé aux trois quarts de vacataires. C’est une proportion standard, à l’échelle de la Ville. Nous avons le plus grand mal à stabiliser l’effectif. Des candidats, on en trouve… Le problème est qu’ils s’en vont, lorsqu’ils comprennent ce que sont les conditions de travail et le salaire. Ceux qui restent ne sont pas les meilleurs, ni les plus motivés.

Certains viennent quand ils veulent. La hiérarchie intermédiaire n’a ni l’envie, ni les moyens de sanctionner les absences injustifiées. Les encadrants de l’action éducative, idéalement, voudraient ne pas se mêler du tout de la gestion du personnel ! Faute de suivi, les dysfonctionnements se multiplient. En 2019, par exemple, on s’est aperçu à Noël que de très nombreux agents avaient explosé leurs quotas annuels de jours de récupération du temps de travail. Les supérieurs avaient laissé faire. Comme on ne pouvait pas reprendre ces jours, ils ont été donnés. Tout le monde a fermé les yeux. Je connais une gardienne de collège qui n’envoie jamais ses justificatifs d’absence. Depuis des années, elle prend des jours, d’office, sans retenue sur salaire, puisque rien n’est déclaré. Bien entendu, on paye une vacataire pour la remplacer lorsqu’elle ne vient pas. C’est d’ailleurs la gardienne elle-même qui choisit sa remplaçante ! Cela a fini par se voir. La consigne donnée a été d’envoyer un mail officieux à la gardienne. Surtout pas de vague, elle est syndiquée ! Elle n’a pas répondu. Second mail, tout aussi officieux, et toujours pas de réponse. Il a fallu des semaines, pour que la Ville fasse partir un courrier officiel, où il était question de retenue sur salaire.

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Je connais un établissement municipal où, depuis très longtemps, les agents travaillent chaque jour une demi-heure de moins que ce qui est prévu par leur contrat. Ce n’est écrit nulle part, mais c’est accepté. Il y a aussi un dévoiement complet des jours “enfants malades”. Les agents les ont intégrés comme des congés à part entière. On entend des phrases comme : “Il me reste combien de jours enfant malade, au fait ?” ; “Ah, il faut que je prenne mes jours enfant malade…” Quand on en parle à leurs n+1, ils disent de laisser courir. En sept ans, j’ai souvenir seulement de deux rapports pour absences injustifiées, alors que de mon poste, j’ai un regard sur plus de 500 agents. »

Quand même la CGT réclame plus d’encadrement…

Si l’anarchie ambiante pénalise la collectivité, certains agents en profitent pour couler des jours heureux, d’autres se retrouvent avec des collègues arrivés là pour la simple raison que personne n’a eu le courage de refuser leur progression automatique, au bénéfice de l’ancienneté. « Depuis que je travaille à la Ville de Paris, j’ai vu un seul agent se faire virer, poursuit Nicolas. Il avait jeté une chaise sur une collègue animatrice. En creusant son dossier, on s’est aperçu qu’il n’aurait jamais dû accéder à ce poste. Plusieurs rapports indiquaient qu’il ne devait pas monter en grade. Ces questions ont sans doute été abordées en réunion – on en fait tellement ! – mais personne n’a voulu ou su trancher. Les coordinateurs territoriaux de l’action éducative (CTAE), qui sont les supérieurs des animateurs, se réunissent deux fois par semaine. Qu’en sort-il ? Pas grand-chose… » 

À l’appui de ce témoignage, on peut d’ailleurs citer la CGT des animateurs de la Ville de Paris, qui appelait à plus d’ordre dans un tract du 19 février 2018 ! « La CGT animateurs estime urgent de clarifier le rôle et l’autorité de chacun […], il nous paraît indispensable que l’institution mette en place des procédures claires […], nous constatons un flou concernant l’environnement hiérarchique des responsables éducatifs-ville » (ou REV, dénomination officielle des animateurs), écrit le syndicat, qui appelle à « davantage de suivi ». La CGT demandeuse d’ordre et de discipline : voilà où en est la Ville de Paris.

Pour un Bloc populaire: de l’impérieuse nécessité de (re)lire Jérôme Sainte-Marie

Plus que toute autre, la campagne présidentielle de 2022 constitue une sorte d’objet politique non identifié, prenant place dans un contexte à maints égards hors du commun et qui ne ressemble en rien à ce que l’on a pu connaître par le passé.


Le contexte mondial de deux années de pandémie pèse tout d’abord pour beaucoup dans cette impression d’évoluer politiquement dans un univers de joutes parallèles aux confins du réel dans lequel même des chiens-électeurs parviennent à trouver leur place et dont le principal intéressé s’arrange de toute façon pour ne pas avoir à y être vraiment présent ni y rendre des comptes : de toute façon, le « bloc élitaire » qu’il incarne travaille en quelque sorte tout seul pour lui, sans même qu’il ait besoin de mouiller la chemise, aussi bien que ledit bloc œuvrerait tout pareillement pour n’importe quelle autre de ses marionnettes/représentants. Estourbis par des mois de mesures sanitaires, de confinements, de restrictions, de changements profonds dans leurs modes de vie mais aussi et surtout de confiscation du débat public et de la prise de décision publique par quelques personnages ou cabinets de conseils-amis grassement payés -non issus de la représentation nationale et donc hors du champ démocratique – regroupés autour d’un exécutif très resserré lui-même doté d’un parlement croupion et des contrepouvoirs inexistants, les Français ne sont encore pas véritablement remis de tout ce que ces abdications antidémocratiques impliquent concrètement pour le présent et pour l’avenir en termes de gouvernance, de République, de gestion de la vie publique et de l’intérêt autrefois général désormais constamment bradé aux intérêts particuliers. L’ampleur prise et dramatisée à dessein par l’affaire ukrainienne ne fait que renforcer ce climat à la fois étrange et glauque dans lequel on fait tout pour rabaisser les mesures nationales à quelque menu fretin sans grande importance.

Une campagne atypique

Cette « drôle de campagne », à la manière de la drôle de guerre qui finalement n’eut pas vraiment lieu et conduisit à la défaite/abdication de la France (entre autres), se déroule par ailleurs après un quinquennat calamiteux de quelque point de vue qu’on tente de l’analyser. Calamiteux pour tous ceux qui n’étant pas du côté du manche n’en ont pas recueilli les gras et lucratifs bénéfices : ceux du bradage national, de la poursuite des abandons de souveraineté et de la vente du pays à la découpe.

Le raisonnement de Jérôme Sainte-Marie permet par exemple efficacement de répondre à la question que tout le monde se pose : mais qui sont ces éternels 25% de macronistes alors même qu’on en connaît si peu…

Quinquennat notamment marqué au fer rouge par la répression sauvage contre le mouvement social des gilets jaunes, assortie d’un mépris violent, hors du commun, et très véhémentement exprimé, délibérément radicalisé par le pouvoir à l’encontre des opposants, lequel mépris a trouvé à se réaffirmer une nouvelle fois dans la bouche d’Emmanuel Macron à l’encontre cette fois-ci des « non vaccinés », nouvelles incarnations expiatoires mises au rebut du bloc bourgeois par effet d’aubaine, dont il a été déclaré avec toute la violence perverse à laquelle l’on est désormais habitué qu’il convenait de les « emmerder ». Il ne se joue pas ici seulement le petit goût malsain de la transgression narcissique, mais aussi toute la violence assumée, nécessairement assumée, ontologiquement nécessaire, de ce qui caractérise le macronisme en tant que tel et de la manière dont l’analyste et sondeur Jérôme Sainte-Marie le définit : en tant que représentant et quintessence de ce qu’il décrit comme constituant, intrinsèquement, le « bloc élitaire ». La violence que ce-dernier manifeste ne constitue jamais un dérapage (« j’assume ») mais au contraire un marqueur identitaire indispensable à sa propre existence, faite de violence dans le rapport de force, dans le but de perdurer, de rassurer ses membres et de se perpétuer au pouvoir. Notons d’ailleurs que le programme à venir du candidat Macron saison 2 s’annonce d’emblée comme très dur au plan social, ce qui se comprend aisément : des oppositions systématiquement écrasées au besoin par la répression physique ou judiciaire, un parlement dont on n’a cure et qui, s’il basculait plutôt vers la droite dite classique en 2022 ne verrait pas franchement d’inconvénients à une radicalisation du libéralisme élitaire qu’il considère d’ailleurs comme insuffisamment achevé sous Macron 1, et enfin, au plan « psychologique », un goût de la transgression que l’on imagine encore davantage décomplexé s’il était encore possible du fait qu’il n’y aura cette fois-ci pas d’enjeu pour un troisième mandat : on pourrait considérer cela comme une sorte d’open bar de l’absence du surmoi, sachant que les Conseils constitutionnel et d’Etat sont réduits au statut de marionnettes plus ou moins pathétiques et serviles. Voici pour le tableau.

L’auteur de Bloc contre bloc : La dynamique du Macronisme, paru en 2019, poursuivi en 2021 par Bloc populaire. Une subversion électorale inachevée (tous deux publiés aux éditions du Cerf) permet, par la pertinence de ses raisonnements, d’observer in vivo, dans le déroulement des faits politiques récents et dans celui de cette campagne atypique, la confirmation des analyses qu’il a élaborées au fil de ses différents travaux et qui forment une trame d’une rare solidité et cohérence, éminemment opératoires. Si ces ouvrages ont déjà été abondamment commentés et rendus publics et si les expressions « bloc populaire, bloc élitaire » sont en quelque sorte entrées dans le langage politologique courant, parfois d’ailleurs de manière quelque peu schématique en raison même de l’opposition structurelle (bloc contre bloc) qui les caractérise, il semble indispensable d’y revenir dans le moment politique et collectif spécifique que nous traversons, tant cette grille de lecture est efficiente, en dépit des multiples divertissements sans intérêt qui viennent à la fois occuper le devant de la scène médiatique comme l’on irait au cirque ou dans quelque caverne de Platon et qui masquent (sans doute est-ce en partie leur rôle) les enjeux véritables dont cette élection incarne la tectonique fondamentale.

Faux débats

L’on pourrait en effet sans trop se fatiguer commenter à l’infini le spectacle de foire offert, en surface, par une campagne qui, le plus souvent, ne se nourrit que de l’écume des images, du verbe manipulé à l’infini, des éléments de langage, du storytelling et des péripéties burlesques destinées à occuper le devant de la scène : il est toujours loisible de s’amuser de la plongée de l’ancienne gauche vingt-mille lieues sous les mers à l’approche probable du gaz de schiste, de constater la nullité (au sens propre) abyssale dans laquelle le parti socialiste se meurt, on peut toujours se divertir de débats lunaires sur la gastronomie, la viande, le fromage et le foie gras suprématistes, l’on peut commenter jour après jour l’interminable nuit des seconds couteaux de renégats de tout poil quittant un(e) candidat(e) pour en rejoindre un autre en fanfares et trompettes ou plutôt en tambourins et triangles, alimentant ainsi jour après jour la gazette des Filochard et Ribouldingue de la tambouille politicarde la plus vieillotte qui soit (au moins les nostalgiques des temps anciens ne sont-ils pas déçus), l’on peut feindre de se demander si l’actuel locataire de l’Elysée sera bien candidat à sa propre réélection, comme si cela constituait un quelconque événement, et feindre que l’attente de cette annonce soit vraiment formidablement passionnante, apportant quoi que ce soit de nouveau au débat de fond… La vérité qui demeure, et c’est le seul vrai fait important dans toute cette petite mise en scène, c’est que cet indispensable débat sera autant que possible éludé, précisément parce que le bilan du macronisme ne fera pas l’objet d’une quelconque remise en question par le système qui n’a cessé de le promouvoir, d’abord en raison de la lâcheté fourbe de son représentant qui préfère se dérober aussi longtemps que possible à la contradiction de ses adversaires politiques : le réel compte pour rien, son porteur et ses zélateurs arguant de mille fausses excuses exploitées autant que faire se peut (covid, crise ukrainienne montée en sauce, présidence d’une Union européenne qui tombe à pic et autres subterfuges permettant d’abolir le débat public) ; ensuite parce qu’il est dans la nature-même du bloc élitaire incarné en France par Emmanuel Macron de s’imposer par la force, par un faux-semblant de dialogue (souvenons-nous du faux Grand Débat consécutif au mouvement des gilets jaunes, qui ne fut qu’un long monologue logorrhéique imposé par le pouvoir à la gloire du président, qualis artifex) et de se passer, intrinsèquement de toute réelle contradiction. Il est dans la nature-même du bloc élitaire d’escamoter le réel ou, plus précisément, de montrer avec une arrogance assumée, qu’on le fait plier à sa guise, qu’on lui fera dire ce qu’on en souhaite et que, dans le fond, il ne compte pour rien au regard du rouleau compresseur dans le rapport de force que l’on incarne. La question inique de la course aux parrainages, boule puante antidémocratique laissée par le socialiste Hollande, ne fait que renforcer cette ambiance plus générale de déni de démocratie : peu importe que des candidats importants puissent ou non ses présenter sereinement devant le suffrage des électeurs, peu importe d’ailleurs que la masse électorale puisse elle aussi vraiment se déplacer, dès l’instant que le « bloc » autosuffisant de 25% fasse le travail qu’on attend de lui. Il s’agit là d’une forme renouvelée, post-moderne et en quelque sorte post-politique du suffrage censitaire qui ne dérange pas ceux qui en sont à la fois les artisans et les bénéficiaires, étant entendu qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même.

L’objet ici n’est pas de produire une recension détaillée non plus qu’exhaustive des deux ouvrages (complémentaires) de Jérôme Sainte-Marie et nous renvoyons pour cela le lecteur aux très nombreux articles de presse et entretiens qui y ont été consacrés et, surtout, à la lecture passionnante de ces ouvrages eux-mêmes. Notre propos consiste en revanche à montrer comment ces analyses éclairent de manière particulièrement efficace ce qui se joue dans l’élection présidentielle en cours, dans les rapports de force que cette-dernière manifeste et dissimule tout à la fois et dans l’impact et la gravité de la dynamique à l’œuvre pour l’avenir, dans l’hypothèse d’une reconduction du bloc élitaire au pouvoir.

Un bloc bourgeois inquiet pour ses pensions

Le concept de « bloc », ici emprunté à la pensée gramscienne, est une solution qui se constitue de trois composantes, produisant une dynamique spécifique dans le but de prendre le pouvoir : une forme politique, une idéologie et une sociologie. Dans le cas du bloc élitaire actuellement dominant, la forme politique est incarnée par Emmanuel Macron et son cortège En Marche ; l’idéologie portée est celle du progressisme libéral europhile. Quant à la sociologie, elle regroupe principalement les élites (peu visibles, discrètes et soutiens premiers du macronisme), la classe managériale du public comme du privé et les retraités qui voient dans cette solution une garantie fiable quant à la source de leurs pensions. Ce bloc élitaire ou bourgeois (de droite comme de gauche) a ainsi trouvé son unité, représente un quart environ du corps électoral, ce qui est suffisant pour prendre ou garder le pouvoir face à l’émiettement des autres propositions politiques.

Jérôme Sainte-Marie raisonne de manière claire selon une expertise qui est celle de son métier de sondeur et un niveau priorisé d’analyse qui est celui de la classe sociale. C’est un choix méthodologique revendiqué et qui porte ses fruits quant au paysage qu’il parvient à dresser. Ceci permet par exemple efficacement de répondre à la question que tout le monde se pose : mais qui sont ces éternels 25% de macronistes alors même qu’on en connaît si peu… ?

L’élection de 2022 devait logiquement voir surgir, après notamment l’épisode symptomal des gilets jaunes, un bloc populaire soudé. Car ce qui importe dans le rapport de force politique, c’est de conquérir l’hégémonie et de transformer cette hégémonie en fait majoritaire électoral : en l’occurrence, convaincre que les intérêts prioritaires de telle classe sociale représentent les intérêts de l’ensemble de la population. Or, le bloc populaire, constitué de travailleurs pauvres, d’ouvriers, employés, chômeurs, indépendants, n’est jusqu’à présent pas parvenu à s’imposer comme devant être majoritaire en termes de prise de pouvoir politique. Le projet de Marine Le Pen s’inscrit par exemple clairement, et depuis longtemps, dans cette logique populaire. Par comparaison, Eric Zemmour s’emploie, lui, à conserver la ligne élitaire/bourgeoise, à remettre sur le devant de la scène le clivage droite/gauche (avec le serpent de mer d’union des droites) au détriment du clivage élitaire/populaire, et l’on comprend par conséquent bien que dans cette posture, il ne s’agit jamais que de reconduire le bloc élitaire mais sous une autre forme, agrémentée cette fois-ci d’un volet régalien et national fort, certes non négligeable, et auquel on imagine pouvoir raccrocher le wagon populaire sur le seul axe identitaire/civilisationnel, le tout étant assorti d’un programme social extrêmement dur qui nie la dimension de classe sociale populaire ou qui, plus précisément, feint d’en ignorer l’existence en tant que telle ce qui revient à privilégier de facto le bloc bourgeois. Pourquoi pas ? Mais encore faut-il que cela soit clairement assumé. Surtout si l’on se présente en défenseur du peuple français.

Cette architecture des nouveaux rapports de force laisse toutefois subsister à un niveau réticulaire sous-jacent d’autres formes d’oppositions et le clivage droite/gauche que certains cherchent à réactiver ou auquel ils tentent de se raccrocher comme des moules à leur bouchot continue bel et bien d’exister et d’être opérationnel notamment au plan local, ce qui aura probablement sa traduction lors du scrutin législatif.

Pour ce qui concerne la présidentielle, on le comprend, le bloc bourgeois est en parfait ordre de bataille, que son représentant soit ou non encore officiellement déclaré, tandis que le bloc populaire, violemment impacté par l’offensive Zemmour mais aussi rongé par la subsistance des anciens clivages droite/gauche agités en petites poupées ventriloques pour faire survivre les vieux fiefs partisans, peine à s’imposer comme un fait majoritaire alors même qu’il en va de l’avenir de la souveraineté du peuple français : en tant que peuple (y compris dans l’acception sociale du terme), en tant que souverain et en tant que nation. En cas d’absence de véritable front populaire transpartisan et faisant fi des querelles d’égos, il sera bien temps de pleurnicher ensuite pendant cinq ans sur les dégâts que pourra causer tout à loisir, relégitimé, un bloc élitaire plus arrogant et destructeur que jamais. Il n’est pas certain, alors, que le pays, déjà au bord de l’implosion, s’en remette.

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Présidentielle: n’oublions pas l’hôpital!

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Santé publique et hôpital apparaissent paralysés par l’étatisation et les 35 heures. Bien que la France sorte d’une pandémie qui a mis en avant les difficultés du secteur, le sujet de l’hôpital passe pour l’instant dans le débat public largement après les questions liées à la sécurité, à l’immigration ou désormais à l’international – avec la guerre en Ukraine. Pourtant, des changements structurels s’imposent.


La campagne présidentielle de 2022 se déroule sans débat de fond. C’est un paradoxe. Nous sortons du variant Omicron et déjà on prépare les bureaux de vote. Pourtant les sujets de la santé publique et de l’hôpital n’ont quasiment pas été abordés. Serait-ce que les résultats de la France sont satisfaisants? Pas vraiment, si nous les comparons aux meilleures nations, qu’il s’agisse de la pandémie ou de la qualité des soins. Serait-ce que la classe politique refuse de considérer ce qui marche ailleurs en Europe et manque d’audace ? Cette hypothèse mérite qu’on s’y arrête.

Grande Sécu, Tout État et Grand Sparadrap, des programmes dont lambition est au-dessous de lenjeu

La gauche soutient la grande sécu. C’est la mise en place d’un monopole, plus étendu et incontrôlable encore que celui de la CNAM. Le tout sans personne pour évaluer les résultats. Les exemples étrangers indiquent pourtant que la grande sécu conduirait à des résultats détériorés en matière de qualité et de coût des soins en raison de la gravité des dysfonctionnements existants. Des questions formulées par le think tank Terra Nova comme “Combien sommes-nous prêts à dépenser pour notre santé ?”, “à chacun selon ses besoins”, dans une « perspective démocratique” n’apportent aucun début de solution. Car à la fin, ces énoncés nous ramènent toujours à la logique de moyens. Or, la plupart des pays d’Europe démontrent le contraire, ni la réponse à la pandémie ni la qualité des soins ne sont directement corrélées aux dépenses. Les pays européens et singulièrement la France dépensent déjà beaucoup. Il faut faire mieux avec moins. En revanche, l’accent mis à gauche sur une organisation sanitaire au contact des populations est fondé. Reste à bâtir cette organisation régalienne.

Rétrospectivement deux causes principales sont liées aux difficultés de la médecine française, les 35 heures et les ARS

Le tout Etat, c’est le projet technocratique de Valérie Pécresse. Il fait de l’État et de nos deniers l’exécutant et le payeur des réformes alors même qu’il est ruiné, que les structures de soins sont étouffées par la réglementation, comme l’ont montré l’impréparation, l’indéfinition des rôles et l’incapacité à se projeter au contact des populations durant la pandémie. L’autre limite de cette approche est le manque de médecins, d’infirmières et d’aide-soignantes disponibles sur le marché du travail. Nous assistons même au contraire à un reflux. Devant les difficultés rencontrés par ces professions (contraintes extrêmes, faibles salaires nets, formations en panne, bureaucratie…), une partie des soignants font une grève à la Ayn Rand, un mouvement qui touche par ailleurs aussi d’autres couches de la société, c’est ce qu’on appelle the great resignation [1]. Certains démissionnent, d’autres changent de pays, de mode d’exercice ou de durée de travail. Bref il y a de moins en moins d’heures disponibles pour la médecine clinique, pour les soins effectifs. Or, il y aurait un moyen d’ouvrir plus de lits en laissant le choix aux soignants de travailler 39 heures – soit 11,4% d’heures de soins en plus. Et il y a un moyen de sortir l’hôpital de sa crise itérative, en mettant en place un statut d’entreprise publique libérée de la bureaucratie, des statuts et de la paralysie. Pour autant, Valérie Pécresse affiche des intentions qui vont dans le bon sens : “innovation, accès au marché, marché unique européen, simplification…”. Mais si l’État demeure seul aux manettes, ces bonnes intentions s’évanouiront.

Tuyauterie bureaucratique et tensions

Le Grand Sparadrap, c’est le choix de ce quinquennat. Il devrait se poursuivre car il est peu risqué. Ajouter des milliards lors de conférences médiatisées, les voir disparaître dans les tuyauteries bureaucratiques, calme la tension sociale. Compléter les choses de ci de là par touches paramétriques, c’est ce qui a prévalu depuis 40 ans. Ces réformettes ne changent rien. Elles ont l’avantage de n’effrayer ni les syndicats, ni les médecins attachés au statu quo, ni les patients qui sont nombreux à croire encore qu’ils bénéficient du « meilleur système de santé du monde », alors que c’est un lointain passé. Il n’est pas anecdotique de rappeler que pendant la pandémie certains Français sont allés en cure thermale, se sont fait tester plus que de besoin, ont consommé des transports médicaux alors que les moyens de transport collectifs et individuels n’ont jamais été aussi développés, ont été en arrêt maladie au lieu d’être en télétravail et ont consommé au total beaucoup plus de biens médicaux; ces dépenses n’ont pas servi à soigner. En matière de consommation médicale, les prélèvements obligatoires doivent rembourser les soins utiles pour les maladies. Il faut faire ce choix de l’essentiel, or c’est la redistribution qui a prévalu.

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La droite nationale est avant tout étatiste. Pour ses deux candidats, l’Etat doit rester le décideur, le payeur et même le contrôleur du système. En revanche, ils posent la question de la fraude à l’Assurance maladie, qui, combinée aux dépenses inutiles permettrait si on s’y attaquait, ne serait-ce qu’en les réduisant de moitié, de rétablir les comptes et d’investir.

Pour Marine Le Pen, l’Aide Médicale d’État est un puits sans fond qu’il faut supprimer. Le poids financier de cette offre réservée aux clandestins est insoutenable pour un pays dont le système hospitalier est en difficulté. L’AME a dépassé le milliard d’euros de dépenses sans aucune maîtrise de l’Etat. La France n’a plus les moyens d’une telle générosité universelle, qui contribue par ailleurs à attirer toujours plus d’immigrés pour des raisons médicales. Simplement il faut proposer un dispositif pour gérer les urgences médicales de ceux qui sont déjà sur notre sol. Éric Zemmour veut réduire la fraude à l’Assurance maladie. Il veut aussi décharger les médecins des tâches administratives devenues “presque un second temps plein”. Ce sujet, qui concerne aussi les infirmières, est un des moyens permettant de retrouver des heures de soins au chevet des patients. Il faudra une innovation organisationnelle poussée pour y parvenir. Il entend supprimer les Agences Régionales de Santé “devenues des agents comptables peu utiles dans la gestion de la pandémie”. Là, il se démarque du tout Etat, ce qui peut permettre l’avènement d’une réelle autonomie des établissements publics ou privés. Ces objectifs sont ambitieux et certains sont tenables sur un quinquennat. Pour autant, il faudra bien accepter que des tarifs Sécu identiques pour tous et partout seront insoutenables d’un point de vue économique. Et que c’est bien là une cause majeure du départ des soignants de certaines zones.

Mesures marginales et changement structurel

Il y a dans tous ces programmes d’excellentes idées, mais les effets escomptés sont marginaux tant ils évitent tout changement structurel. En santé publique on retient chez Emmanuel Macron la tentative avortée de bâtir une organisation sanitaire. Les brigades d’Edouard Philippe auraient été une pierre fondatrice. Cependant, le changement était profond et les adversaires de tout ce qui est efficace, régional et adaptable trop nombreux. Il faudra y revenir.

Le Premier ministre Jean Castex accompagné du ministre de la Santé, Olivier Veran, au siège de l’ARS, (Agence régionale de santé) Ile-de-France, mobilisée dans la lutte contre la Covid-19. 25 janvier 2021 © Stephane Lemouton-POOL/SIPA Numéro de reportage : 01001468_000014

Rétrospectivement deux causes principales sont liées aux difficultés de la médecine française, les 35 heures et les ARS. D’une part il est impossible de faire fonctionner 24h/24 h une organisation complexe comme un hôpital sauf à avoir à faire face à des coûts insoutenables. D’autre part, le besoin d’un Préfet régional de santé n’est pas fondé mais coute très cher.

Enfin nous avons un devoir de vérité : les ressources humaines et financières pour la santé sont fortement contraintes car les moyens alloués existants sont déjà considérables en France. Comment améliorer l’utilisation de nos ressources? Par l’innovation statutaire, organisationnelle et financière. Deux piliers relèvent de l’État. Dans le système de soins, l’hôpital public gagnera à être libéré des contraintes tutélaires et réglementaires en devenant responsable de sa gestion et de ses missions. Une entreprise publique, obtenant des résultats mesurables, équilibrant son bilan, voilà la solution qui a fait ses preuves ailleurs en Europe. En amont du système de soins, la santé des populations dépend d’une nécessaire organisation sanitaire agile et adaptable. Installée dans les régions, sans coûts fixes élevés mais avec des technologies numériques avancées et un recours gradué aux moyens de cette fonction régalienne, une telle organisation sanitaire doit être rapidement bâtie et entrainée à agir. Débattons des solutions plutôt que de nous affronter sur des principes !


[1] https://hbr.org/2021/09/who-is-driving-the-great-resignation

Depardieu, raccommodeur de destinées

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L’acteur est très convaincant en Maigret, au cinéma aujourd’hui


Aujourd’hui sort en salles “Maigret” de Patrice Leconte avec Gérard Depardieu dans le rôle titre et adapté du roman de Simenon Maigret et la jeune morte paru en 1954. De Jean Gabin à Bruno Crémer, en passant par Jean Richard, Michel Simon, Gino Servi, Vladimir Samoïlov ou dernièrement Rowan Atkinson, les interprètes du commissaire à la pipe formaient déjà un petit bataillon plus qu’intimidant. Néanmoins, ce Maigret relève brillamment le défi en offrant une adaptation d’une telle fidélité à l’esprit du héros de Simenon que la qualifier d’adaptation définitive n’a rien d’excessif.

L’intrigue se situe dans le Paris des années 1950. Maigret enquête sur la mort d’une jeune fille, retrouvée poignardée dans un square, vêtue d’une robe de soirée. Cette jeune fille, rien ne permet de l’identifier et personne ne semble se soucier de sa disparition. Maigret, seul, se penche sur ce destin brisé et part en chasse du coupable. La mise en scène est magistrale : tous les acteurs sont excellents et le rythme, balancé comme le lourd pas du commissaire, nous entraîne dans une rêverie nostalgique d’un Paris festif et menaçant, d’un Paris des ruelles obscures, hantées de jeunes ingénues fragiles et de tontons flingueurs taciturnes, d’un Paris des élégantes et des belles autos. Beaucoup de scènes ont lieu la nuit, les couleurs sombres, annoncées dès l’affiche, nimbent le film d’une atmosphère de réflexion et de recueillement ; et il se pourrait bien que cette enquête nous mène au sein même de notre conscience.

Maigret ne se démode pas. Porté à l’écran quelques mois après sa naissance littéraire, il n’a cessé de renaître sous les avatars successifs évoqués plus haut. Malgré ses quatre-vingt-dix ans, il passionne et rassemble encore les foules, jusqu’à ces dernières années lors du festival Simenon qui se tenait aux Sables d’Olonne ou tout récemment en octobre 2021 à l’Institut catholique d’études supérieures (ICES) de la Roche-sur-Yon qui lui dédiait une conférence. Y prenaient part John Simenon, un de ses fils et son exécuteur testamentaire, aux côtés d’universitaires français mais aussi italien ou iranien, preuve que sa renommée ignore les frontières. Mais d’où vient cet amour non démenti pour un personnage devenu mythique ?

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Tout d’abord de sa méthode. Comme le souligne Jean-Baptiste Baronian dans un essai qu’il lui consacrait en 2019, Maigret « est le seul détective de roman qui ne soit pas une machine à résoudre les problèmes policiers ». Moins mathématique que Sherlock Holmes et plus psychologue encore que le Dupin d’Edgar Poe, Maigret conduit son enquête en s’imprégnant d’une atmosphère. Dans les Mémoires de Maigret, voici comment il décrit sa démarche : « Il s’agit de connaître ». Baronian a raison d’attribuer son succès à son « aptitude à se mettre au diapason des êtres et des choses, à son flair et à ses intuitions. » Il crée ainsi avec le lecteur/spectateur une intimité située au-delà du bien et du mal, un lien sensuel qui lui donne à voir et à percevoir des passions sourdes et des souffrances qui taraudent toute une vie. Autrement dit, la méthode de Maigret se nourrit de l’empathie qu’il témoigne aux individus croisés sur son chemin, à l’instar de la jeune morte du film. Cette compassion simple et généreuse élève le héros à une dimension christique, que Simenon lui-même ne prenait pas la peine de voiler.

Maigret, docteur des âmes

Dans une « Interview sur l’Art du Roman » accordée en 1956 à l’écrivain américain Carvel Collins, Simenon constate que « la société actuelle est sans religion puissante ». Pour autant, selon les théories du philosophe autrichien Eric Voegelin (1901-1985), le propre de la modernité est la tentation politique de faire descendre le paradis terrestre sur terre, menant à une immanentisation du réel et de la vie spirituelle. Réciproquement, on peut se demander si le rôle de Maigret ne consiste pas à réintroduire une forme de religiosité dans la modernité, à savoir l’aspiration au salut.

En effet, il n’est pas anodin que Simenon, dans la même interview, ait parlé de son métier comme d’un « sacerdoce » et confié « vivre comme un moine » en période d’écriture. Il semble que la question du salut l’ait toujours occupé, comme en témoigne sa fascination pour les médecins, figure récurrente dans la série des Maigret en particulier avec la figure du docteur Pardon. Dans les Mémoires de Maigret, l’enquêteur raconte avoir ressenti qu’il pourrait devenir un jour un « raccommodeur de destinées ». Son cœur de métier serait donc de sauver ses contemporains ; sauver les morts en les empêchant de sombrer dans l’oubli et dans l’absurdité d’une existence abolie sans explication ; sauver les coupables en les soumettant à un châtiment rédempteur ; sauver tous les autres en les révélant à eux-mêmes face au crime. Simenon entend-il autre chose lorsqu’il déclare, un brin provocateur, à l’Institut français de New York : « Le romancier parfait devrait être une sorte de Dieu le Père… » ? Ainsi, en suivant sa métaphore, on comprend que Dieu le Père Simenon envoie Dieu le Fils Maigret parmi les protagonistes du roman pour remettre leurs péchés et gagner leur salut. Telle est probablement la réponse à la question posée dans le film au commissaire par une jeune fille, étonnée de son acharnement à élucider l’enquête sur la mort de Louise dont personne n’a cure, et qui lui jette avec véhémence : « A quoi ça sert puisqu’elle est morte ? ». Allons plus loin : le Maigret de Depardieu et Leconte, fourbu dans la nuit parisienne, qui a perdu l’appétit et jusqu’à l’envie de fumer sa pipe légendaire, c’est le Christ au jardin des oliviers, accablé devant l’infatigable propension des hommes au mal. Ici elle s’abat sur une innocente jeune fille, une chétive créature abandonnée de tous de son vivant comme après sa mort. 

Une enquête au blanc, ou quand le trivial mène au salut

Toutefois, chez Simenon, le salut ne se gagne pas en récitant le chapelet mais en ayant recours à l’esthétique du carnaval qui, selon les théories de Mikhail Bakhtine, jouait dans la société médiévale un rôle éminemment cathartique. Nous en retrouvons en effet toutes les composantes : tout d’abord, l’unité de temps et de lieu (Paris en mars) ; ensuite, la présence du roi comme maître de cérémonie (le commissaire Maigret) ; le masque social des personnages, derrière lequel peut se dissimuler le visage du coupable ; l’acmé finale, où il est coutume de brûler un mannequin de paille et qui consiste, chez Maigret, à punir le coupable ; enfin, la coexistence, voire le renversement, des opposés.

Pour ce dernier point, on est frappé des contrastes qui tiraillent le film, ne serait-ce que l’oxymore de « jeune morte », à laquelle répond la vieillesse robuste du commissaire. À cet égard, la victime et Maigret forment un tandem qui crée une tension dramatique immense : elle est faible et diaphane tandis que sa silhouette gargantuesque, sur laquelle s’ouvre le film, représente la force et la bonne chair. La même tension réapparaît lorsqu’il la regarde au cinéma, la toile jouant le rôle d’un miroir inversé. De même, les silences du commissaire sont plus parlants que le murmure vain et inaudible de la haute société rassemblée pour les fiançailles de Jeanine. Coexistent aussi dans le film la fin tragique de la victime, provinciale montée à Paris pour fuir de mauvais traitements, et le retour à la vie d’une autre jeune fille ayant connu un parcours semblable mais que Maigret parvient à sauver. En vrai maître de cérémonie de ce ballet de destinées humaines, Depardieu, tel un trou noir à la densité phénoménale, parvient à maintenir l’unité et la cohésion d’un monde fragmenté et cruel parcouru de la constante oscillation carnavalesque. 

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Cette juxtaposition des contraires est présente dans le nom même du plantureux commissaire, comme dans l’importance accordée au bas de l’être humain qui tranche avec sa fonction spirituelle : sa panse généreuse (lointaine réminiscence de Sancho Panza), son goût pour la nourriture et la boisson, lui qui est très regardant quant au breuvage dont il arrose ses réflexions (il parle d’ « enquête au blanc ou à la bière »). Finalement, cette réalité disparate, pétrie des contradictions de l’âme humaine, donne toute sa force et sa réussite à l’entreprise du commissaire, mais aussi à celle de son auteur.

Thomas Narcejac, dans son analyse de Maigret et la jeune morte, relève que « ce roman nous apprend quelque chose non seulement sur Maigret, mais sur l’art de Simenon (…) la méthode de Maigret consiste à se mettre dans la peau d’autrui (…) non pour voir comment nous agirions à sa place, mais, comme le fait Maigret, pour aspirer à être cet autre (…) ce n’est pas la ressemblance qui l’intéresse, c’est la différence, la singularité d’autrui. Maigret recrée donc, peu à peu, le personnage qu’il poursuit (…) c’est une méthode de création et non d’investigation (…) à travers Maigret, Simenon fait exister des êtres prodigieusement concrets. Maigret n’est là qu’en trompe-l’œil. » En effet, Maigret cherche par tous les moyens à recréer le passé de la jeune morte, ce à quoi il parvient au terme de son enquête. Le génie poétique de Simenon-Maigret tient à ce que ses personnages sont créés à partir de leurs faiblesses et de leurs blessures, qui leur sont ensuite pardonnées. 

Humains trop humains, ils le sont sans nul doute, loin des mannequins qui peuplent les publicités, des personnages-étendards qui incarnent une vertu ou un idéal, loin des superhéros en collants et des acteurs ambassadeurs de l’UNESCO. À notre époque encore engluée dans l’immobilité des confinements, au parfum froid et insipide de la distance sociale, et où le salut s’est réduit au passe sanitaire pour citoyens obéissants, comme il est bon de s’adonner à une vivifiante promenade au bras du commissaire Maigret ! Lui qui, dans Signé Picpus, avouait aimer renifler « l’odeur des passions humaines, des vices, des crimes, des manies, de toute la fermentation des âmes humaines ». Et le spectateur avec lui.

Maigret et la Jeune Morte

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Mikhail Bakhtine, L’art de François Rabelais et la culture populaire du Moyen Age et de la Renaissance, Moscou, Khoudojestvennaïa Litératoura, 1965.

Jean-Baptiste Baronian, Maigret. Docteur es crimes, Bruxelles : les Impressions nouvelles, 2019, pp. 19, 121.

Thomas Narcejac, « Analyse de Maigret et la jeune morte », Combat du 29/7/1954.

Georges Simenon, Signé Picpus, Paris, Gallimard, 1944.

Georges Simenon, « Le Romancier », conférence prononcée à l’Institut français de New York le 20 novembre 1945 et publiée dans The French Review de février 1946.

Georges Simenon, Les mémoires de Maigret, Paris, Presses de la Cité, 1951.

Georges Simenon, « Interview sur l’Art du Roman » accordée à Carvel Collins, The Humanities (revue du MIT, Cambridge), № 23 (1956).

Poutine: pour le comprendre, il suffit de l’écouter

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D.R.

Aveuglés par nos préconceptions, et floués par un décor plutôt laid sans les ornements officiels habituels, nous n’avons pas écouté attentivement la longue démonstration de Vladimir Poutine du 21 février.


Lorsque Vladimir Poutine prit la parole, le 21 février, dans une intervention télévisée, en russe bien entendu et non pas dans l’anglais de centre commercial qui a la faveur des décideurs internationaux (que ce soit le président ukrainien ou le secrétaire général de l’OTAN), les réactions des grands médias occidentaux, du Guardian au New York Times en passant par Le Parisien, ont été unanimes quant à la nature de son discours : il était trop long, compliqué, enflammé, passionné, décousu, colérique. L’Élysée, devenu une succursale du docteur Lacan, l’a même qualifié de « paranoïaque ».

Aveuglés par nos préconceptions

On peut se moquer des journalistes et plaindre les politiques, qui n’ont pas la patience d’écouter ou de trouver une bonne traduction. Mais ce qui est impardonnable de la part de personnes formées aux techniques de communication, est de ne pas comprendre que, en rhétorique, une prise de parole vise toujours un résultat déterminé par la personne qui parle. A cet égard, la performance oratoire du président russe, le 21 février, était exemplaire de ce que les médias sont incapables de voir, aveuglés qu’ils sont par leurs préconceptions. Ils sont habitués à un format de prise de parole qui n’a quasiment pas varié au cours de la succession de déclarations publiques de politiques et de porte-paroles qui a rythmé la longue crise ayant mené à la situation actuelle. A chaque fois, le responsable monte sur un podium ou traverse une scène, se place derrière un pupitre avec un logo ou un sceau d’office, et parle debout, costume sobre ou tailleur-pantalon. Le tout est américain et « corporate ». Quand un président américain monte au pupitre, on lui ajoute des drapeaux et des tentures, car du côté de Washington DC on aime bien les passementeries. Tel est le décor de la parole « responsable » attendue par les médias !

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Le décor a floué les observateurs

Or Poutine, qui sait manier le genre quand il le faut, a prononcé son discours de presqu’une heure assis à un bureau plutôt laid, sans les ornements officiels surajoutés dont raffolent les Américains et leurs émules. Un bureau sans prétention, avec trois téléphones loin d’être le dernier cri. Il n’était pas débout. Il ne haranguait pas. Il commentait une situation pour ses compatriotes, en adoptant une posture de pédagogue. Pendant une heure, il a expliqué, mais personne dans les médias occidentaux n’a pris la peine d’écouter attentivement. C’est d’autant plus étonnant que « faire de la pédagogie » est un mantra de la classe politique française. Mais, quand on « pédagogise » en France, le maître est à son pupitre, debout, énonçant ses directives comme un pion – style Castex – ou assis sous les projecteurs et les lambris – style présidentiel. Là, Poutine a « pédagogisé » assis, et dans un décor de DRH des années 80. Donc le commentariat n’a pas pris son effort de pédagogie au sérieux et, leurré par cette mise en scène sans faste, n’a pas compris la logique très claire de son intervention. Car l’intervention de Poutine présentait une argumentation logique : paragraphe par paragraphe, il a expliqué (à sa manière mais là n’est pas la question) les antécédents de la crise, rappelant l’histoire de l’Union Soviétique et de son démantèlement, ensuite l’histoire des accords de l’après-guerre-froide, le changement de régime en Ukraine, en concluant par l’impasse qui en résultait. On peut ne pas être d’accord, mais encore faut-il écouter et comprendre le raisonnement de Poutine. Au lieu de faire cet effort, nos médias et commentateurs s’en sont moqués, se plaignant qu’il leur casse les pieds en déblatérant pendant une heure.

Quelques heures après, Poutine signait un traité d’amitié avec les deux républiques sécessionnistes du Donbass et un jour après il activait ce pacte d’assistance et frappait de manière préemptive l’ancienne république soviétique d’Ukraine, prenant par surprise médias et politiques. C’est le décor qui a floué les observateurs. En rhétorique, nous avons une expression : ce qui est évident est « sub oculos subjectio », une mise sous les yeux. Encore faut-il savoir regarder autre chose que son nombril et écouter autre chose que sa propre voix.

Droite: d’une économie politique, on ne peut plus faire l’économie!

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Valérie Pécresse devant le MEDEF, Paris, 21 février 2022 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Une analyse de Bernard Landais, auteur de Réagir au déclin, une économie politique pour la droite française (VA Editions, décembre 2021). 


La plupart des candidats à l’élection présidentielle, de droite comme de gauche, évitent  les débats économiques parce qu’ils pensent qu’ils sont ardus et électoralement improductifs. Répéter en boucle que les Français sont préoccupés de leur pouvoir d’achat est un peu leur minimum syndical… La poussière économique est mise sous le tapis !

Voir les choses en face et clarifier les principes

La première caractéristique de l’économie politique de droite est qu’elle satisfait au principe général de réalité. Face à l’immigration et ses conséquences et à la place de la France dans le monde, le candidat de droite est celui qui regarde la réalité en face ! Or, la réalité économique française de l’époque est celle du déclin, pire même, celle de l’anti-développement, ce qu’Eric Zemmour nomme le « grand déclassement ». Ce constat qui était naguère brocardé par les médias est devenu une évidence que la crise sanitaire n’a fait que révéler et accentuer. 

Au-delà du réalisme, la « vraie droite » se définit par deux caractéristiques claires:

  • Elle est d’abord libérale au sens précis du terme ; un libéral est quelqu’un qui aime sa liberté et celle des autres. Pour résumer mon propos, un vrai libéral ne peut être favorable au passe sanitaire ni étouffer les gens sous toutes sortes de règlements (les emmerder !). C’est d’autant plus crucial qu’une grande partie de notre déclin économique vient de l’affaissement de l’esprit de liberté, pour nos entreprises mais aussi pour notre vie courante. Dans une économie où la prolifération des investissements aléatoires de toutes sortes (industriel, éducatif, d’innovations et de puissance) est la condition primordiale de succès, l’application systématique des pressions et du contrôle administratif prétendant éviter tout risque est tout simplement suicidaire. 
  • Elle est nationale ensuite, car si le salut économique nous vient de la transmission libre de multiples cultures, on ne peut compter sur qui que ce soit d’extérieur pour le faire à la place des Français. L’Europe politique qui s’est mise en place depuis les années 1990 est totalement impuissante face aux défis posés par notre déclin économique et social auquel elle a plutôt contribué. Qui peut imaginer un seul instant que Madame Von der Leyen porte un réel intérêt aux forces vives de l’économie française ou souhaite encourager la transmission de notre culture au profit de notre développement ? Elle fait tout le contraire, en bonne gestionnaire du mondialisme.

Quelles politiques économiques pour contrer le déclin ?

Les politiques économiques à mettre en œuvre dans une perspective de droite sont des « politiques de l’offre généralisées ».

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Les politiques de l’offre, popularisées sous Ronald Reagan et Margaret Thatcher dans les années 1980, consistaient en un bouquet de mesures  fiscales et d’incitation au travail. Leurs réformes se sont avérées efficaces. Mais à cette époque, les économies nationales n’étaient pas aussi abîmées en profondeur et les ressorts d’un capitalisme des classes moyennes étaient encore bien tendus. Désormais, il nous faut généraliser la stratégie d’offre et la combiner à une patiente reconstitution des cultures humaines qui nous font défaut. L’une des tâches les plus urgentes est de remettre en place un système éducatif qui rehausse le niveau scolaire mais aussi le goût de la découverte, de la liberté et du risque. Abolir le principe de précaution est la mesure emblématique la plus urgente à prendre ; elle concerne l’ensemble de l’économie et de la société en France. 

En réalité, ce qui se rapproche le plus de la politique idéale de droite fut celle des années De Gaulle et Pompidou car les dirigeants français de cette époque avaient lié la libéralisation de l’économie française (Traité de Rome) à la défense ardente de son indépendance et de sa puissance. La liberté du commerce et le nucléaire civil et militaire furent les deux outils les plus utilisés et les mentalités étaient dans le bon alignement… dans une France rajeunie !

Qui pour la mener ?

Les candidats de droite les mieux placés se saisiront-ils du thème économique ou préféreront-ils enfoncer le clou uniquement sur les questions d’immigration et de sécurité intérieure ? On ne peut faire l’impasse sur le déclassement économique car il y a urgence. 

Mais gageons qu’un mandat présidentiel aussi court que cinq ans est en soi un défi tactique pour quelqu’un qui voudrait réagir à ce déclin de quarante ans. Il sait d’emblée que ça demandera du temps et surtout il ignore ce qu’en savent ou en pensent vraiment les Français qui vont voter en avril. C’est sans doute pour cette raison que le débat relatif au grand déclassement n’a pas encore vraiment débuté, et ne commencera sans doute pas, sauf pour ce qui concerne la réforme scolaire. Il faut tirer le fil un peu plus loin !

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AfricaMuseum: en Belgique, un revers pour les «décoloniaux»

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Le Premier ministre congolais Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, le Premier ministre belge Alexander De Croo et le Secrétaire d'Etat Thomas Dermine, inventaire avant restitutions, AfricaMuseum, Tervuren, Belgique © Shutterstock/SIPA

Adepte de la cancel culture, notamment concernant le Roi Léopold II à l’héritage controversé, le Musée royal de l’Afrique centrale est sans doute allé trop loin en présentant l’opération de sauvetage des civils par des para-commandos en 1964 « d’intervention étrangère d’écrasement des rebelles indigènes ». Un tribunal a donné raison récemment aux associations des anciens paras qui estimaient que leur honneur était bafoué. Léger contretemps pour le courant décolonial, mais il devrait rapidement retomber sur ses pattes.


Sept associations d’anciens para-commandos et d’officiers belges ayant servi en Afrique, choqués par une statue sise à l’entrée de l’Africa Museum, ont obtenu mi-février gain de cause devant le Tribunal de 1ère Instance de Bruxelles. Ces paras se sentaient blessés par le texte explicitant la statue représentant un militaire en arme. Le texte disait : « Un para-commando belge à Stanleyville en 1964, lors de l’écrasement des rebelles Simba. L’indépendance formelle du Congo en 1960 est loin d’avoir sonné le glas des interventions étrangères. »

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Les sept associations estimaient ce texte explicatif offensant pour l’honneur des anciens paras et contre-historique, étant donné que l’opération dite « Dragon rouge » avait été effectuée à l’époque dans un but essentiellement humanitaire et non pour écraser une rébellion. Le tribunal leur a donné raison, estimant qu’associer l’opération militaire de novembre 1964 à l’écrasement de la rébellion Simba « porte atteinte de manière disproportionnée à la réputation des paracommandos ». L’Etat belge (le musée) a été condamné le 11 février à retirer le texte litigieux sous deux semaines sous peine d’une astreinte de 5 000 euros par jour de retard. Fait important : le tribunal précise la nécessité de nuancer le discours post-colonial « pour remettre la vérité au cœur du propos historique sur la question coloniale ».

Réécriture de l’histoire

Les associations estimaient en effet que « le cartel de statues donne une interprétation de l’histoire qui impute aux para-commandos un comportement qui n’est pas démontré de manière univoque comme le reconnait l’État belge lui-même. Un tel commentaire ne participe pas à une analyse postcoloniale critique et sérieuse ». En outre, « en faisant un usage abusif de sa liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’homme, à savoir, en l’espèce, en présentant au public des informations dont l’exactitude n’a pas été vérifiée rigoureusement sur le plan scientifique, l’État belge viole le droit à la protection de la réputation professionnelle, et dès lors viole l’article 8 de la CEDH ».

Le musée avait toutefois précisé qu’il n’avait pas voulu porter atteinte à l’honneur de ces jeunes paras dont la bonne foi ne pouvait pas à l’époque être mise en doute mais soulignait le « cynisme » des autorités belges de l’époque. « L’honneur et le courage de jeunes gens risquant leur vie pour en sauver d’autres n’ont rien à voir avec le cynisme des autorités qui leur donnaient des ordres », précisait le communiqué de presse du musée daté du 13 octobre 2020 suite à une première mise en demeure. Etrangement dépublié depuis, le communiqué poursuivait : « Les historiens soulignent que l’opération « Dragon rouge » a été reportée d’un jour pour coïncider avec l’opération « Ommegang », qui avait elle-même pris du retard. Il est donc clair que les deux interventions, à savoir la libération des Belges et autres Occidentaux et la répression des rebelles Simba, étaient liées. L’affirmation selon laquelle l’opération « Dragon rouge » était une action purement humanitaire de la Belgique qui n’avait absolument aucun lien avec la répression extrêmement violente et cruelle des rebelles Simba, est maintenant considérée comme étant un mythe persistant plutôt qu’une vérité historique. »

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Selon plusieurs sources qui nous ont contacté, le processus de décision au sein de l’Africa Museum, lorsqu’il s’agit justement du recul historique nécessaire, ne fait pas l’unanimité et les historiens du musée n’étaient pas tous d’accord par rapport à la légende litigieuse sur la statue.

Ils s’étonnent par exemple que le musée, fidèle à une position progressiste, n’ait pas mentionné la vie des 1 700 otages sauvés et leurs familles dans l’opération militaire. De même « cette présentation tendancieuse soutenue par le ministre de tutelle du musée, par rapport aux décisions d’un gouvernement d’envoyer, à l’époque, des troupes pour des opérations aussi délicates et puis se déjuger 50 ans après ne démontre pas vraiment une dimension d’homme d’Etat », estime un proche du dossier qui souhaite garder l’anonymat. « Les populations civiles congolaises, premières victimes de cette rébellion, apprécieront également la grande attention portée par les responsables du musée sur leur sort, les victimes se comptant en dizaines de milliers, en particulier parmi les classes des cadres et intellectuels dont le Congo avait si cruellement besoin à cette époque. »

Un journaliste congolais s’en félicite

Paradoxalement, c’est en provenance du Congo qu’un journaliste, Nicaise Kibel’Bel Oka, semble prendre parti pour les paras belges. Directeur du journal Les Coulisses et du Centre d’études et recherches géopolitiques de l’est du Congo (CERGEC), M. Kibel’Bel Oka souligne : « Le plus surréaliste dans cette affaire, comme on peut le constater, est que les branches de l’État en Belgique s’empoignent. Les para-commandos belges attaquent l’État belge en justice. Et l’État est condamné par la justice belge. Le ridicule qu’on pouvait éviter. Heureusement que le ridicule ne tue pas. On ne juge pas le passé sans le conceptualiser. Le Musée [d’Afrique centrale] a voulu juger l’histoire et le juge l’a remis à sa place, avec une décision qui respecte l’histoire en la remettant à son vrai endroit et au temps de son déroulement. Cette décision a été accueillie, au-delà de ce qui apparaît comme une victoire, avec une grande joie et un soulagement par les associations des para-commandos belges au moment où certains mouvements antiracistes et anticoloniaux brossant un tableau sombre de la colonisation posent des actes de vandalisme des statues (les déboulonneurs) dans une volonté avérée de réécrire l’histoire coloniale sous l’angle criminel (…) »

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Dans le contexte décolonial qui règne en Belgique (si on en juge par les débats qui règnent en ce moment au sein de la commission spéciale « Congo – Passé colonial » à la Chambre des représentants), on peut dire que cette mouvance a subi une défaite dans cette affaire mais n’a certainement pas perdu la guerre. Le courant décolonial occupera nos esprits pendant encore de longues années, la prochaine étape étant la restitution des objets d’art africains consciencieusement conservés dans les musées belges. Une problématique à laquelle la France est également confrontée.

Pays-Bas: polémique sur les rapports entre les facs et Israël

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Amsterdam. Image d'illustration Unsplash

Indignation dans la communauté juive aux Pays-Bas, après la «sommation» d’une organisation pro-palestinienne aux universités de dévoiler leurs contacts avec l’État hébreu.


Comme son nom ne l’indique pas, The Rights Forum (TRF) est une organisation néerlandaise vouée à la lutte contre l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Sur un ton péremptoire, début février, son directeur pria les dirigeants des quatorze universités aux Pays-Bas de rendre publics leurs contacts avec des universités israéliennes pendant les dix dernières années. Tout comme leurs relations avec des organisations « qui propagent leur soutien à l’État d’Israel », selon le courriel. Le tout dans le cadre de ses recherches sur les liens de l’enseignement supérieur néerlandais avec « la colonisation illégale dont Israël se rend coupable ».

Tollé universitaire

Les destinataires semblaient prêts à obtempérer, comme les y obligerait une loi sur la transparence dans les institutions publiques qu’invoque The Rights Forum. Mais ils changèrent d’avis après le tollé soulevé par « cette tentative d’intimidation », selon un éditorial indigné dans la revue juive NIW dont le grand journal De Telegraaf se faisait l’écho.

Après moult tergiversations, les dirigeants universitaires conclurent qu’il était urgent de ne rien faire. Dans un communiqué commun, ils affirment regretter que la requête de TRF ait suscité « des sentiments d’inquiétude et d’insécurité parmi les étudiants et le personnel ». Aussi se réservent-ils le droit de ne pas y répondre dans les délais exigés, mais d’éventuellement y réagir « en temps voulu ».

Selon les pro-Israéliens, TRF aurait aussi en ligne de mire des organisations dédiées uniquement à la lutte contre l’antisémitisme. Aussi, les références à des mesures contre les Juifs pendant l’Occupation nazie des Pays-Bas tombent dru sur les réseaux sociaux. Dont: « A quand l’obligation pour les Juifs de porter des étoiles jaunes à l’Université? » Et: « Bientôt le retour à la déclaration obligatoire de descendance aryenne pour le personnel universitaire? »

Calomnies

TRF nie toute velléité antisémite. Soulignant qu’elle compte aussi des Juifs parmi ses membres, l’organisation se plaint du harcèlement de ses collaborateurs après l’éclatement de l’affaire. « Ce sont des étudiants et des travailleurs universitaires qui nous avaient demandé de mener cette enquête, craignant des représailles s’ils le faisaient eux-mêmes. Hélas, les calomnies à notre égard prouvent qu’ils avaient vu juste » déplore l’association. Parmi les dirigeants et membres de The Rights Forum, l’on trouve en effet les noms de Juifs d’une certaine renommée en désaccord avec la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens. Mais également d’anciens ministres, d’ex-diplomates, des juristes de renom et jusqu’à l’ancien Premier ministre chrétien-démocrate Dries van Agt, âgé de 91 ans. Dans un programme de télévision sur la pénible coexistence entre Arabes et Juifs à Amsterdam [1], avec en toile de fond le conflit israélo-palestinien, qui vaut à bien des Juifs d’être agressés, M. van Agt éclata en sanglots, alors qu’il se rappelait sa rencontre avec un agriculteur palestinien en Cisjordanie, dont la fille de trois ans aurait été hospitalisée après avoir bu le lait de chèvres vivant sur des terres empoisonnées par des colons juifs…

Les larmes du vieil homme ont constitué un moment de télévision très fort, mais certains soutiens d’Israël le traitent de menteur, d’antisémite et le pensent sénile.


[1] « Alsof ik Palestina heb gestolen », Comme si j’avais volé la Palestine, documentaire du cinéaste Frans Bromet pour la télévision publique néerlandaise, NPO diffusé 29 novembre 2021.

Les « Juifs de service » contre Eric Zemmour

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© ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Yannick Jadot a raison. Mais s’il existe des Juifs de service, ils sont plutôt du côté du CRIF et du grand rabbinat. L’analyse d’Yves Mamou et Philippe Karsenty.


Eric Zemmour n’est pas seulement le cauchemar de Marine Le Pen, de France Inter et de Jean-Michel Aphatie. Il est aussi le monstre qui réveille la nuit certains représentants autoproclamés de la communauté juive : le CRIF, le grand rabbin de France, l’Union des Étudiants Juifs de France et tous les nombreux nigauds qui voient revenir le spectre de la « bête immonde ». Eric Zemmour met aussi en rage un certain nombre de Juifs qui s’imaginent plus intelligents que les autres ; notamment Bernard Henri-Lévy, Alain Minc, Jacques Attali et Serge Klarsfeld qui est allé jusqu’à accuser Eric Zemmour de « promouvoir des thèses bestiales comme les nazis » en première page de L’Humanité, le journal communiste qui a joyeusement collaboré – pour de vrai – avec les nazis jusqu’en 1941. 

Quarante ans de fiction

Mais qu’ont-ils tous à craindre de la percée du candidat Zemmour dans les sondages ? Pourquoi entrent-ils en transe à la perspective de le voir arriver au second tour ? La réponse est simple : ils ont tout simplement peur que la fiction mensongère qu’ils ont aidé à bâtir autour de la Shoah vole en éclats.

Le CRIF va organiser son dîner annuel et y inviter Fabien Roussel (représentant du Parti Communiste qui défend les terroristes arabes qui tuent des juifs depuis des décennies) et Yannick Jadot qui a traité Eric Zemmour de « juif de service » (…) Ce théâtre est une duperie qui ne dupe plus personne

Tout a commencé sous la présidence de François Mitterrand, lorsque les socialistes ont entrepris de favoriser une immigration musulmane de masse dans le but d’élargir leur clientèle électorale. SOS Racisme, la marche des Beurs, les grands concerts rocks antiracistes ont été les outils utilisés pour favoriser l’immigration, puis pour rallier les musulmans au Parti Socialiste. Pour faire taire toute objection à ce basculement démographique, une intense opération de muselage a eu lieu. 

Les éditeurs ont mis sous le boisseau tous les grands auteurs qui auraient aidé les Français à s’interroger sur l’islam (Renan, Condorcet, Levy-Strauss…), les humoristes se sont mis à caricaturer le Français de base en « beauf » raciste et les intellectuels comme BHL ont accusé la France d’être intrinsequement pétainiste. Pierre d’achoppement du système – ou peut-être idiot utile de cette funeste mascarade – le Front National, inexistant à l’époque, a été monté de toutes pièces comme un épouvantail répulsif. Avec la complicité active de Jean-Marie Le Pen jamais avare de « bons mots » à la limite du racisme et de l’antisémitisme, l’antiracisme politique s’est installé au cœur de la vie politique. Depuis quarante ans, quiconque émet le moindre doute quant à l’utilité d’un fort courant migratoire islamique est immédiatement pointé du doigt comme nazi « proche du Front National ».  

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Dans ce théâtre, le pouvoir socialiste a délégué aux juifs la touche finale : l’extermination des juifs par les nazis a été exploitée pour faciliter l’immigration musulmane. Les institutions juives se sont empressées de valider l’idée promue par les politiques, les médias et les intellectuels de gauche que les musulmans étaient la cible d’un nouveau nazisme tricolore.  Les Juifs médiatiques de gauche, le CRIF, l’Union des Etudiants Juifs de France ont labellisé l’équation mensongère « immigré musulman = juif persécuté ». 

Les conséquences de ce mensonge ont été dévastatrices pour la France. La droite a été brisée, l’idée même de critique de la politique d’immigration a été criminalisée et la plus petite référence patriotique a été considérée comme raciste. Les Français juifs ont également payé le prix de cette manipulation organisée avec l’assentiment de leurs « élites » : la société française et les médias sont devenus aveugles aux violences commises contre eux par les musulmans, les juifs sont devenus indésirables dans certains quartiers et l’antisémitisme islamique a été minimisé. 

Mais voila qu’ils recommencent

Tout ceci aurait pu être de l’histoire ancienne. Mais voila qu’ils recommencent. Les mêmes BHL, Attali, les mêmes présidents du CRIF, du grand rabbinat et de l’UEJF tentent de nous refaire le coup des « musulmans persécutés comme les juifs l’ont été ». Les voila qui osent clamer à nouveau que toute critique de l’immigration est une forme de racisme et de nazisme. Voilà que le grand rabbin excommunie le juif Eric Zemmour et le traite « d’antisémite » et que le président du CRIF ordonne « pas une voix juive pour Zemmour ». Le même grand rabbin qui – à revers de tout esprit républicain – se permet depuis quelques temps d’appeler des élus locaux français pour s’inquiéter de la montée du vote Zemmour chez leurs administrés.

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Alors, oui, le CRIF va organiser son dîner annuel et y inviter Fabien Roussel (représentant du Parti Communiste qui défend les terroristes arabes qui tuent des juifs depuis des décennies) et Yannick Jadot qui a traité Eric Zemmour de « juif de service ». Le problème est que ce théâtre est une duperie qui ne dupe plus personne. Il faut aujourd’hui tirer les leçons de quarante ans d’histoire et s’interroger sur la fonction du CRIF. Première évidence, les institutions juives ne représentent pas les intérêts politiques et sociétaux des Français juifs. Les institutions juives sont en réalité, le bras idéologique et électoral du pouvoir auprès des juifs.  Elles ont pour fonction de faire tenir les juifs tranquilles en organisant par exemple des « marches silencieuses » chaque fois qu’un islamiste assassine une fillette ou une grand-mère juive. Elles ont pour fonction de protéger l’immigration musulmane en France.

Le pouvoir politique et le CRIF sont aujourd’hui les seuls à ignorer que leur mystification ne fonctionne plus et que les institutions juives n’ont plus prise sur la communauté juive en France ; la percée des intentions de vote des Français juifs en faveur d’Eric Zemmour en est une des preuves. Cette ignorance n’a en réalité aucune importance, tant la sécession de la communauté juive (un demi million de personnes au bas mot) d’avec ses représentants n’a aucune conséquence au plan politique ou électoral. 

En revanche – seconde évidence -, le modèle État-Crif que le pouvoir politique s’échine à reproduire pour l’appliquer aux musulmans, apparait pour ce qu’il est : un modèle usé. Les musulmans ne sont pas représentables tant ils demeurent divisés en communautés religieuses et nationales d’origine différentes. Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy, Gerald Darmanin aujourd’hui, tous se sont échiné trente ans durant à construire un interlocuteur chez les musulmans. Sans jamais aboutir à rien. Gérald Darmanin a eu beau récemment dissoudre le Conseil Français du Culte Musulman pour promouvoir une nouvelle structure, le Forum pour l’islam de France (Forif), cette nouvelle structure ne représentera jamais les musulmans auprès de l’État et surtout, les messages que l’État tentera de faire passer aux musulmans via le Forif ou toute autre structure, risquent bien de ne jamais trouver une boite aux lettres. 

Poutine face à nos douceurs diplomatiques

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Manifestation à Londres, 24 février 2022 © Alberto Pezzali/AP/SIPA

Le président Poutine est un bloc de raideur et de fermeté, lassé par la comédie de l’écoute


Impossible d’analyser la crise internationale grave d’aujourd’hui sans appréhender la psychologie de Vladimir Poutine et celle de ses contradicteurs et du monde civilisé qu’ils représentent.

Poutine, en effet, est d’abord l’irruption, dans un univers qui paraissait avoir refusé les coups de force, d’une personnalité qui n’aime qu’eux et confronte ses adversaires désarmés à cette inconcevable équation d’une relation internationale non civilisée. Qui, au lieu de répudier la violence comme solution, la cultive au contraire et se moque comme d’une guigne du respect des accords, ceux de Minsk en l’occurrence.

Objet International Non Identifiable

Poutine est un objet international non identifiable si on s’obstine à vouloir le faire entrer dans un cadre classique sur ce plan. Le cynisme est sa règle, le chaud et le froid sa politique et, en même temps, il décrète l’indépendance des régions séparatistes pro-russes en Ukraine mais ose soutenir que la Russie n’écarte pas les solutions diplomatiques avec les Occidentaux. Tout et son contraire jusqu’à l’absurde, une aberration qui marche !

C’est à chaque fois la même méthode : il joue, il menace, il promet, feint l’apaisement pour mieux frapper, domine les dialogues parce qu’il n’a aucun scrupule et qu’au nom de la défense des intérêts de la Russie, il se permet tout, libéré de tout contrôle démocratique – une « dictature policée » selon l’expression de Jacques Julliard -, manipule, se sert de ce qui l’arrange dans l’obsession de l’apaisement de la part de ceux qui dialoguent avec lui mais n’en fait qu’à sa tête, persuadé que dans l’espace d’aujourd’hui et avec les douceurs diplomatiques jamais véritablement questionnées, il a toute latitude pour s’ébattre, pour gagner à tout coup.

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Poutine est un professionnel de la dureté face à des amateurs. De la mauvaise foi face à des crédules. Du jusqu’au boutisme face à des adeptes de la mesure. Il est prêt à tout quand les autres ne songent qu’à composer. Comment alors, sans discuter en lui-même l’effort de médiation du président de la République, avoir pu croire un instant à la réussite de ce dernier ? La principale arme d’Emmanuel Macron dans les échanges internationaux étant l’empathie et la séduction, on imagine comme il devait se trouver démuni devant un Poutine totalement insensible à l’égard de ces vertus de l’âme, du cœur et de la bienveillance en général.

On a le droit de s’interroger. Emmanuel Macron a-t-il été naïf mais de bonne foi ou jamais dupe du caractère désespéré de son entreprise ? Nous a-t-il « vendu » des avancées qui n’en étaient pas ou croyait-il sincèrement qu’il allait faire bouger ce bloc de roideur et de fermeté capable un temps de jouer la comédie de l’écoute ?

Ne laissons plus d’opportunités à Poutine !

Pour ma part, je pense qu’Emmanuel Macron est le président le moins fait pour se mouvoir dans une vie internationale qui, avec Poutine, a méprisé l’urbanité et le caractère classique des discussions. Infiniment civilisé, notre président ne pouvait qu’être abusé par la mise en place d’un système qui n’avait pour ambition que de déstabiliser, de troubler, voire d’indigner. Il se colletait avec une brute intelligente et il n’avait à lui offrir que des propositions de bon aloi, des douceurs diplomatiques. Le combat était perdu d’avance.

Toutes proportions historiques gardées, Poutine me fait songer à un passé très ancien où la première question de Chamberlain à Hitler a été de lui demander « s’il aimait la pêche ». Ce gouffre entre l’apparence et la réalité est celui qui, face à Poutine, existe entre celui-ci et les responsables étrangers qui, fascinés mais impuissants, s’obstinent à réfléchir et à agir selon les règles quand l’autre les transgresse avec une volupté efficace. Il se donne tous les droits d’aller trop loin quand, en face, on a plus peur de violer ses principes qu’envie de la victoire, de faire mordre la poussière à l’adversaire. Avec Poutine, on peut craindre le pire parce que le pire est l’extrémisme dont il raffole. Intimider, faire peur, gagner, dominer tous ces pleutres, jouir de sa virilité politique et internationale, mépriser cet Occident affaibli, tant d’opportunités sont données aujourd’hui à Poutine pour se croire le maître de tout !

Ville de Paris: «Tout le monde ferme les yeux sur l’absentéisme»

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Anne Hidalgo présente la première promotion de la police municipale de Paris, sur le parvis de l’Hôtel de Ville, 18 octobre 2021. © Louise Meresse / Sipa

La Ville de Paris est un paquebot administratif difficile à manœuvrer. Ses 52 000 agents ne sont pas tous logés à la même enseigne et, dans les secteurs les moins bien rémunérés, telles les affaires scolaires et périscolaires, laisser-aller et petits arrangements sont de rigueur pour maintenir la paix sociale. Une anarchie que dénonce même la CGT !


Mastodonte employant plus de 52 000 agents, la Ville de Paris a souvent été sous le feu des critiques en matière de gestion du personnel. En 2018, la Cour des comptes a tiré la sonnette d’alarme. Le régime sur mesure des agents parisiens, dérogatoire aux règles de la fonction publique territoriale, est « illisible, incohérent et d’une complexité excessive », pointaient les magistrats. Il est également ruineux. Riche de 63 corps et 24 statuts d’emplois fonctionnels différents, il occasionne un surcoût annuel de 74 millions d’euros, par rapport au droit administratif commun.

Anarchie chronique

Il ne faut pas imaginer pour autant que tous les fonctionnaires de la Ville de Paris gagnent des fortunes. Les abus se concentrent au sommet, en particulier sur « le nombre et la rémunération des collaborateurs de cabinets des arrondissements » (plus de 230 en 2015 !), relevait la Cour des comptes. Plus bas dans l’échelle, au contraire, les agents de catégorie C sont assez mal payés, à tel point que la Ville a le plus grand mal à les fidéliser dans de nombreux services, des crèches à la voirie. Au fil du temps, un système pernicieux s’est mis en place. Faute de pouvoir – ou de vouloir – augmenter les salaires, la hiérarchie tolère des absences, ferme les yeux sur les retards et s’accommode d’arrangements officieux.

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La direction des affaires scolaires et périscolaires en est une bonne illustration. 190 000 élèves pris en charge, plus de 600 établissements, une direction, trois sous-directions (SRD, SDES, SDPE), une instance de coordination, neuf circonscriptions des affaires scolaires et de la petite enfance déconcentrées (Caspe)… Elle présente toutes les apparences extérieures du monolithe administratif polysiglé, lourd mais robuste. Le témoignage d’un cadre, que Causeur a recueilli, souligne au contraire son usure institutionnelle et son anarchie chronique.

« Dans le secteur où je travaille, explique Nicolas (pseudonyme), l’effectif des agents en charge du périscolaire, animateurs, intervenants divers, gardiens, etc., est composé aux trois quarts de vacataires. C’est une proportion standard, à l’échelle de la Ville. Nous avons le plus grand mal à stabiliser l’effectif. Des candidats, on en trouve… Le problème est qu’ils s’en vont, lorsqu’ils comprennent ce que sont les conditions de travail et le salaire. Ceux qui restent ne sont pas les meilleurs, ni les plus motivés.

Certains viennent quand ils veulent. La hiérarchie intermédiaire n’a ni l’envie, ni les moyens de sanctionner les absences injustifiées. Les encadrants de l’action éducative, idéalement, voudraient ne pas se mêler du tout de la gestion du personnel ! Faute de suivi, les dysfonctionnements se multiplient. En 2019, par exemple, on s’est aperçu à Noël que de très nombreux agents avaient explosé leurs quotas annuels de jours de récupération du temps de travail. Les supérieurs avaient laissé faire. Comme on ne pouvait pas reprendre ces jours, ils ont été donnés. Tout le monde a fermé les yeux. Je connais une gardienne de collège qui n’envoie jamais ses justificatifs d’absence. Depuis des années, elle prend des jours, d’office, sans retenue sur salaire, puisque rien n’est déclaré. Bien entendu, on paye une vacataire pour la remplacer lorsqu’elle ne vient pas. C’est d’ailleurs la gardienne elle-même qui choisit sa remplaçante ! Cela a fini par se voir. La consigne donnée a été d’envoyer un mail officieux à la gardienne. Surtout pas de vague, elle est syndiquée ! Elle n’a pas répondu. Second mail, tout aussi officieux, et toujours pas de réponse. Il a fallu des semaines, pour que la Ville fasse partir un courrier officiel, où il était question de retenue sur salaire.

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Je connais un établissement municipal où, depuis très longtemps, les agents travaillent chaque jour une demi-heure de moins que ce qui est prévu par leur contrat. Ce n’est écrit nulle part, mais c’est accepté. Il y a aussi un dévoiement complet des jours “enfants malades”. Les agents les ont intégrés comme des congés à part entière. On entend des phrases comme : “Il me reste combien de jours enfant malade, au fait ?” ; “Ah, il faut que je prenne mes jours enfant malade…” Quand on en parle à leurs n+1, ils disent de laisser courir. En sept ans, j’ai souvenir seulement de deux rapports pour absences injustifiées, alors que de mon poste, j’ai un regard sur plus de 500 agents. »

Quand même la CGT réclame plus d’encadrement…

Si l’anarchie ambiante pénalise la collectivité, certains agents en profitent pour couler des jours heureux, d’autres se retrouvent avec des collègues arrivés là pour la simple raison que personne n’a eu le courage de refuser leur progression automatique, au bénéfice de l’ancienneté. « Depuis que je travaille à la Ville de Paris, j’ai vu un seul agent se faire virer, poursuit Nicolas. Il avait jeté une chaise sur une collègue animatrice. En creusant son dossier, on s’est aperçu qu’il n’aurait jamais dû accéder à ce poste. Plusieurs rapports indiquaient qu’il ne devait pas monter en grade. Ces questions ont sans doute été abordées en réunion – on en fait tellement ! – mais personne n’a voulu ou su trancher. Les coordinateurs territoriaux de l’action éducative (CTAE), qui sont les supérieurs des animateurs, se réunissent deux fois par semaine. Qu’en sort-il ? Pas grand-chose… » 

À l’appui de ce témoignage, on peut d’ailleurs citer la CGT des animateurs de la Ville de Paris, qui appelait à plus d’ordre dans un tract du 19 février 2018 ! « La CGT animateurs estime urgent de clarifier le rôle et l’autorité de chacun […], il nous paraît indispensable que l’institution mette en place des procédures claires […], nous constatons un flou concernant l’environnement hiérarchique des responsables éducatifs-ville » (ou REV, dénomination officielle des animateurs), écrit le syndicat, qui appelle à « davantage de suivi ». La CGT demandeuse d’ordre et de discipline : voilà où en est la Ville de Paris.

Pour un Bloc populaire: de l’impérieuse nécessité de (re)lire Jérôme Sainte-Marie

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Jérôme Sainte-Marie © Manuel Braun

Plus que toute autre, la campagne présidentielle de 2022 constitue une sorte d’objet politique non identifié, prenant place dans un contexte à maints égards hors du commun et qui ne ressemble en rien à ce que l’on a pu connaître par le passé.


Le contexte mondial de deux années de pandémie pèse tout d’abord pour beaucoup dans cette impression d’évoluer politiquement dans un univers de joutes parallèles aux confins du réel dans lequel même des chiens-électeurs parviennent à trouver leur place et dont le principal intéressé s’arrange de toute façon pour ne pas avoir à y être vraiment présent ni y rendre des comptes : de toute façon, le « bloc élitaire » qu’il incarne travaille en quelque sorte tout seul pour lui, sans même qu’il ait besoin de mouiller la chemise, aussi bien que ledit bloc œuvrerait tout pareillement pour n’importe quelle autre de ses marionnettes/représentants. Estourbis par des mois de mesures sanitaires, de confinements, de restrictions, de changements profonds dans leurs modes de vie mais aussi et surtout de confiscation du débat public et de la prise de décision publique par quelques personnages ou cabinets de conseils-amis grassement payés -non issus de la représentation nationale et donc hors du champ démocratique – regroupés autour d’un exécutif très resserré lui-même doté d’un parlement croupion et des contrepouvoirs inexistants, les Français ne sont encore pas véritablement remis de tout ce que ces abdications antidémocratiques impliquent concrètement pour le présent et pour l’avenir en termes de gouvernance, de République, de gestion de la vie publique et de l’intérêt autrefois général désormais constamment bradé aux intérêts particuliers. L’ampleur prise et dramatisée à dessein par l’affaire ukrainienne ne fait que renforcer ce climat à la fois étrange et glauque dans lequel on fait tout pour rabaisser les mesures nationales à quelque menu fretin sans grande importance.

Une campagne atypique

Cette « drôle de campagne », à la manière de la drôle de guerre qui finalement n’eut pas vraiment lieu et conduisit à la défaite/abdication de la France (entre autres), se déroule par ailleurs après un quinquennat calamiteux de quelque point de vue qu’on tente de l’analyser. Calamiteux pour tous ceux qui n’étant pas du côté du manche n’en ont pas recueilli les gras et lucratifs bénéfices : ceux du bradage national, de la poursuite des abandons de souveraineté et de la vente du pays à la découpe.

Le raisonnement de Jérôme Sainte-Marie permet par exemple efficacement de répondre à la question que tout le monde se pose : mais qui sont ces éternels 25% de macronistes alors même qu’on en connaît si peu…

Quinquennat notamment marqué au fer rouge par la répression sauvage contre le mouvement social des gilets jaunes, assortie d’un mépris violent, hors du commun, et très véhémentement exprimé, délibérément radicalisé par le pouvoir à l’encontre des opposants, lequel mépris a trouvé à se réaffirmer une nouvelle fois dans la bouche d’Emmanuel Macron à l’encontre cette fois-ci des « non vaccinés », nouvelles incarnations expiatoires mises au rebut du bloc bourgeois par effet d’aubaine, dont il a été déclaré avec toute la violence perverse à laquelle l’on est désormais habitué qu’il convenait de les « emmerder ». Il ne se joue pas ici seulement le petit goût malsain de la transgression narcissique, mais aussi toute la violence assumée, nécessairement assumée, ontologiquement nécessaire, de ce qui caractérise le macronisme en tant que tel et de la manière dont l’analyste et sondeur Jérôme Sainte-Marie le définit : en tant que représentant et quintessence de ce qu’il décrit comme constituant, intrinsèquement, le « bloc élitaire ». La violence que ce-dernier manifeste ne constitue jamais un dérapage (« j’assume ») mais au contraire un marqueur identitaire indispensable à sa propre existence, faite de violence dans le rapport de force, dans le but de perdurer, de rassurer ses membres et de se perpétuer au pouvoir. Notons d’ailleurs que le programme à venir du candidat Macron saison 2 s’annonce d’emblée comme très dur au plan social, ce qui se comprend aisément : des oppositions systématiquement écrasées au besoin par la répression physique ou judiciaire, un parlement dont on n’a cure et qui, s’il basculait plutôt vers la droite dite classique en 2022 ne verrait pas franchement d’inconvénients à une radicalisation du libéralisme élitaire qu’il considère d’ailleurs comme insuffisamment achevé sous Macron 1, et enfin, au plan « psychologique », un goût de la transgression que l’on imagine encore davantage décomplexé s’il était encore possible du fait qu’il n’y aura cette fois-ci pas d’enjeu pour un troisième mandat : on pourrait considérer cela comme une sorte d’open bar de l’absence du surmoi, sachant que les Conseils constitutionnel et d’Etat sont réduits au statut de marionnettes plus ou moins pathétiques et serviles. Voici pour le tableau.

L’auteur de Bloc contre bloc : La dynamique du Macronisme, paru en 2019, poursuivi en 2021 par Bloc populaire. Une subversion électorale inachevée (tous deux publiés aux éditions du Cerf) permet, par la pertinence de ses raisonnements, d’observer in vivo, dans le déroulement des faits politiques récents et dans celui de cette campagne atypique, la confirmation des analyses qu’il a élaborées au fil de ses différents travaux et qui forment une trame d’une rare solidité et cohérence, éminemment opératoires. Si ces ouvrages ont déjà été abondamment commentés et rendus publics et si les expressions « bloc populaire, bloc élitaire » sont en quelque sorte entrées dans le langage politologique courant, parfois d’ailleurs de manière quelque peu schématique en raison même de l’opposition structurelle (bloc contre bloc) qui les caractérise, il semble indispensable d’y revenir dans le moment politique et collectif spécifique que nous traversons, tant cette grille de lecture est efficiente, en dépit des multiples divertissements sans intérêt qui viennent à la fois occuper le devant de la scène médiatique comme l’on irait au cirque ou dans quelque caverne de Platon et qui masquent (sans doute est-ce en partie leur rôle) les enjeux véritables dont cette élection incarne la tectonique fondamentale.

Faux débats

L’on pourrait en effet sans trop se fatiguer commenter à l’infini le spectacle de foire offert, en surface, par une campagne qui, le plus souvent, ne se nourrit que de l’écume des images, du verbe manipulé à l’infini, des éléments de langage, du storytelling et des péripéties burlesques destinées à occuper le devant de la scène : il est toujours loisible de s’amuser de la plongée de l’ancienne gauche vingt-mille lieues sous les mers à l’approche probable du gaz de schiste, de constater la nullité (au sens propre) abyssale dans laquelle le parti socialiste se meurt, on peut toujours se divertir de débats lunaires sur la gastronomie, la viande, le fromage et le foie gras suprématistes, l’on peut commenter jour après jour l’interminable nuit des seconds couteaux de renégats de tout poil quittant un(e) candidat(e) pour en rejoindre un autre en fanfares et trompettes ou plutôt en tambourins et triangles, alimentant ainsi jour après jour la gazette des Filochard et Ribouldingue de la tambouille politicarde la plus vieillotte qui soit (au moins les nostalgiques des temps anciens ne sont-ils pas déçus), l’on peut feindre de se demander si l’actuel locataire de l’Elysée sera bien candidat à sa propre réélection, comme si cela constituait un quelconque événement, et feindre que l’attente de cette annonce soit vraiment formidablement passionnante, apportant quoi que ce soit de nouveau au débat de fond… La vérité qui demeure, et c’est le seul vrai fait important dans toute cette petite mise en scène, c’est que cet indispensable débat sera autant que possible éludé, précisément parce que le bilan du macronisme ne fera pas l’objet d’une quelconque remise en question par le système qui n’a cessé de le promouvoir, d’abord en raison de la lâcheté fourbe de son représentant qui préfère se dérober aussi longtemps que possible à la contradiction de ses adversaires politiques : le réel compte pour rien, son porteur et ses zélateurs arguant de mille fausses excuses exploitées autant que faire se peut (covid, crise ukrainienne montée en sauce, présidence d’une Union européenne qui tombe à pic et autres subterfuges permettant d’abolir le débat public) ; ensuite parce qu’il est dans la nature-même du bloc élitaire incarné en France par Emmanuel Macron de s’imposer par la force, par un faux-semblant de dialogue (souvenons-nous du faux Grand Débat consécutif au mouvement des gilets jaunes, qui ne fut qu’un long monologue logorrhéique imposé par le pouvoir à la gloire du président, qualis artifex) et de se passer, intrinsèquement de toute réelle contradiction. Il est dans la nature-même du bloc élitaire d’escamoter le réel ou, plus précisément, de montrer avec une arrogance assumée, qu’on le fait plier à sa guise, qu’on lui fera dire ce qu’on en souhaite et que, dans le fond, il ne compte pour rien au regard du rouleau compresseur dans le rapport de force que l’on incarne. La question inique de la course aux parrainages, boule puante antidémocratique laissée par le socialiste Hollande, ne fait que renforcer cette ambiance plus générale de déni de démocratie : peu importe que des candidats importants puissent ou non ses présenter sereinement devant le suffrage des électeurs, peu importe d’ailleurs que la masse électorale puisse elle aussi vraiment se déplacer, dès l’instant que le « bloc » autosuffisant de 25% fasse le travail qu’on attend de lui. Il s’agit là d’une forme renouvelée, post-moderne et en quelque sorte post-politique du suffrage censitaire qui ne dérange pas ceux qui en sont à la fois les artisans et les bénéficiaires, étant entendu qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même.

L’objet ici n’est pas de produire une recension détaillée non plus qu’exhaustive des deux ouvrages (complémentaires) de Jérôme Sainte-Marie et nous renvoyons pour cela le lecteur aux très nombreux articles de presse et entretiens qui y ont été consacrés et, surtout, à la lecture passionnante de ces ouvrages eux-mêmes. Notre propos consiste en revanche à montrer comment ces analyses éclairent de manière particulièrement efficace ce qui se joue dans l’élection présidentielle en cours, dans les rapports de force que cette-dernière manifeste et dissimule tout à la fois et dans l’impact et la gravité de la dynamique à l’œuvre pour l’avenir, dans l’hypothèse d’une reconduction du bloc élitaire au pouvoir.

Un bloc bourgeois inquiet pour ses pensions

Le concept de « bloc », ici emprunté à la pensée gramscienne, est une solution qui se constitue de trois composantes, produisant une dynamique spécifique dans le but de prendre le pouvoir : une forme politique, une idéologie et une sociologie. Dans le cas du bloc élitaire actuellement dominant, la forme politique est incarnée par Emmanuel Macron et son cortège En Marche ; l’idéologie portée est celle du progressisme libéral europhile. Quant à la sociologie, elle regroupe principalement les élites (peu visibles, discrètes et soutiens premiers du macronisme), la classe managériale du public comme du privé et les retraités qui voient dans cette solution une garantie fiable quant à la source de leurs pensions. Ce bloc élitaire ou bourgeois (de droite comme de gauche) a ainsi trouvé son unité, représente un quart environ du corps électoral, ce qui est suffisant pour prendre ou garder le pouvoir face à l’émiettement des autres propositions politiques.

Jérôme Sainte-Marie raisonne de manière claire selon une expertise qui est celle de son métier de sondeur et un niveau priorisé d’analyse qui est celui de la classe sociale. C’est un choix méthodologique revendiqué et qui porte ses fruits quant au paysage qu’il parvient à dresser. Ceci permet par exemple efficacement de répondre à la question que tout le monde se pose : mais qui sont ces éternels 25% de macronistes alors même qu’on en connaît si peu… ?

L’élection de 2022 devait logiquement voir surgir, après notamment l’épisode symptomal des gilets jaunes, un bloc populaire soudé. Car ce qui importe dans le rapport de force politique, c’est de conquérir l’hégémonie et de transformer cette hégémonie en fait majoritaire électoral : en l’occurrence, convaincre que les intérêts prioritaires de telle classe sociale représentent les intérêts de l’ensemble de la population. Or, le bloc populaire, constitué de travailleurs pauvres, d’ouvriers, employés, chômeurs, indépendants, n’est jusqu’à présent pas parvenu à s’imposer comme devant être majoritaire en termes de prise de pouvoir politique. Le projet de Marine Le Pen s’inscrit par exemple clairement, et depuis longtemps, dans cette logique populaire. Par comparaison, Eric Zemmour s’emploie, lui, à conserver la ligne élitaire/bourgeoise, à remettre sur le devant de la scène le clivage droite/gauche (avec le serpent de mer d’union des droites) au détriment du clivage élitaire/populaire, et l’on comprend par conséquent bien que dans cette posture, il ne s’agit jamais que de reconduire le bloc élitaire mais sous une autre forme, agrémentée cette fois-ci d’un volet régalien et national fort, certes non négligeable, et auquel on imagine pouvoir raccrocher le wagon populaire sur le seul axe identitaire/civilisationnel, le tout étant assorti d’un programme social extrêmement dur qui nie la dimension de classe sociale populaire ou qui, plus précisément, feint d’en ignorer l’existence en tant que telle ce qui revient à privilégier de facto le bloc bourgeois. Pourquoi pas ? Mais encore faut-il que cela soit clairement assumé. Surtout si l’on se présente en défenseur du peuple français.

Cette architecture des nouveaux rapports de force laisse toutefois subsister à un niveau réticulaire sous-jacent d’autres formes d’oppositions et le clivage droite/gauche que certains cherchent à réactiver ou auquel ils tentent de se raccrocher comme des moules à leur bouchot continue bel et bien d’exister et d’être opérationnel notamment au plan local, ce qui aura probablement sa traduction lors du scrutin législatif.

Pour ce qui concerne la présidentielle, on le comprend, le bloc bourgeois est en parfait ordre de bataille, que son représentant soit ou non encore officiellement déclaré, tandis que le bloc populaire, violemment impacté par l’offensive Zemmour mais aussi rongé par la subsistance des anciens clivages droite/gauche agités en petites poupées ventriloques pour faire survivre les vieux fiefs partisans, peine à s’imposer comme un fait majoritaire alors même qu’il en va de l’avenir de la souveraineté du peuple français : en tant que peuple (y compris dans l’acception sociale du terme), en tant que souverain et en tant que nation. En cas d’absence de véritable front populaire transpartisan et faisant fi des querelles d’égos, il sera bien temps de pleurnicher ensuite pendant cinq ans sur les dégâts que pourra causer tout à loisir, relégitimé, un bloc élitaire plus arrogant et destructeur que jamais. Il n’est pas certain, alors, que le pays, déjà au bord de l’implosion, s’en remette.

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Présidentielle: n’oublions pas l’hôpital!

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31 décembre 2021 à l'hopital de la Timone, Marseille © Daniel Cole/AP/SIPA

Santé publique et hôpital apparaissent paralysés par l’étatisation et les 35 heures. Bien que la France sorte d’une pandémie qui a mis en avant les difficultés du secteur, le sujet de l’hôpital passe pour l’instant dans le débat public largement après les questions liées à la sécurité, à l’immigration ou désormais à l’international – avec la guerre en Ukraine. Pourtant, des changements structurels s’imposent.


La campagne présidentielle de 2022 se déroule sans débat de fond. C’est un paradoxe. Nous sortons du variant Omicron et déjà on prépare les bureaux de vote. Pourtant les sujets de la santé publique et de l’hôpital n’ont quasiment pas été abordés. Serait-ce que les résultats de la France sont satisfaisants? Pas vraiment, si nous les comparons aux meilleures nations, qu’il s’agisse de la pandémie ou de la qualité des soins. Serait-ce que la classe politique refuse de considérer ce qui marche ailleurs en Europe et manque d’audace ? Cette hypothèse mérite qu’on s’y arrête.

Grande Sécu, Tout État et Grand Sparadrap, des programmes dont lambition est au-dessous de lenjeu

La gauche soutient la grande sécu. C’est la mise en place d’un monopole, plus étendu et incontrôlable encore que celui de la CNAM. Le tout sans personne pour évaluer les résultats. Les exemples étrangers indiquent pourtant que la grande sécu conduirait à des résultats détériorés en matière de qualité et de coût des soins en raison de la gravité des dysfonctionnements existants. Des questions formulées par le think tank Terra Nova comme “Combien sommes-nous prêts à dépenser pour notre santé ?”, “à chacun selon ses besoins”, dans une « perspective démocratique” n’apportent aucun début de solution. Car à la fin, ces énoncés nous ramènent toujours à la logique de moyens. Or, la plupart des pays d’Europe démontrent le contraire, ni la réponse à la pandémie ni la qualité des soins ne sont directement corrélées aux dépenses. Les pays européens et singulièrement la France dépensent déjà beaucoup. Il faut faire mieux avec moins. En revanche, l’accent mis à gauche sur une organisation sanitaire au contact des populations est fondé. Reste à bâtir cette organisation régalienne.

Rétrospectivement deux causes principales sont liées aux difficultés de la médecine française, les 35 heures et les ARS

Le tout Etat, c’est le projet technocratique de Valérie Pécresse. Il fait de l’État et de nos deniers l’exécutant et le payeur des réformes alors même qu’il est ruiné, que les structures de soins sont étouffées par la réglementation, comme l’ont montré l’impréparation, l’indéfinition des rôles et l’incapacité à se projeter au contact des populations durant la pandémie. L’autre limite de cette approche est le manque de médecins, d’infirmières et d’aide-soignantes disponibles sur le marché du travail. Nous assistons même au contraire à un reflux. Devant les difficultés rencontrés par ces professions (contraintes extrêmes, faibles salaires nets, formations en panne, bureaucratie…), une partie des soignants font une grève à la Ayn Rand, un mouvement qui touche par ailleurs aussi d’autres couches de la société, c’est ce qu’on appelle the great resignation [1]. Certains démissionnent, d’autres changent de pays, de mode d’exercice ou de durée de travail. Bref il y a de moins en moins d’heures disponibles pour la médecine clinique, pour les soins effectifs. Or, il y aurait un moyen d’ouvrir plus de lits en laissant le choix aux soignants de travailler 39 heures – soit 11,4% d’heures de soins en plus. Et il y a un moyen de sortir l’hôpital de sa crise itérative, en mettant en place un statut d’entreprise publique libérée de la bureaucratie, des statuts et de la paralysie. Pour autant, Valérie Pécresse affiche des intentions qui vont dans le bon sens : “innovation, accès au marché, marché unique européen, simplification…”. Mais si l’État demeure seul aux manettes, ces bonnes intentions s’évanouiront.

Tuyauterie bureaucratique et tensions

Le Grand Sparadrap, c’est le choix de ce quinquennat. Il devrait se poursuivre car il est peu risqué. Ajouter des milliards lors de conférences médiatisées, les voir disparaître dans les tuyauteries bureaucratiques, calme la tension sociale. Compléter les choses de ci de là par touches paramétriques, c’est ce qui a prévalu depuis 40 ans. Ces réformettes ne changent rien. Elles ont l’avantage de n’effrayer ni les syndicats, ni les médecins attachés au statu quo, ni les patients qui sont nombreux à croire encore qu’ils bénéficient du « meilleur système de santé du monde », alors que c’est un lointain passé. Il n’est pas anecdotique de rappeler que pendant la pandémie certains Français sont allés en cure thermale, se sont fait tester plus que de besoin, ont consommé des transports médicaux alors que les moyens de transport collectifs et individuels n’ont jamais été aussi développés, ont été en arrêt maladie au lieu d’être en télétravail et ont consommé au total beaucoup plus de biens médicaux; ces dépenses n’ont pas servi à soigner. En matière de consommation médicale, les prélèvements obligatoires doivent rembourser les soins utiles pour les maladies. Il faut faire ce choix de l’essentiel, or c’est la redistribution qui a prévalu.

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La droite nationale est avant tout étatiste. Pour ses deux candidats, l’Etat doit rester le décideur, le payeur et même le contrôleur du système. En revanche, ils posent la question de la fraude à l’Assurance maladie, qui, combinée aux dépenses inutiles permettrait si on s’y attaquait, ne serait-ce qu’en les réduisant de moitié, de rétablir les comptes et d’investir.

Pour Marine Le Pen, l’Aide Médicale d’État est un puits sans fond qu’il faut supprimer. Le poids financier de cette offre réservée aux clandestins est insoutenable pour un pays dont le système hospitalier est en difficulté. L’AME a dépassé le milliard d’euros de dépenses sans aucune maîtrise de l’Etat. La France n’a plus les moyens d’une telle générosité universelle, qui contribue par ailleurs à attirer toujours plus d’immigrés pour des raisons médicales. Simplement il faut proposer un dispositif pour gérer les urgences médicales de ceux qui sont déjà sur notre sol. Éric Zemmour veut réduire la fraude à l’Assurance maladie. Il veut aussi décharger les médecins des tâches administratives devenues “presque un second temps plein”. Ce sujet, qui concerne aussi les infirmières, est un des moyens permettant de retrouver des heures de soins au chevet des patients. Il faudra une innovation organisationnelle poussée pour y parvenir. Il entend supprimer les Agences Régionales de Santé “devenues des agents comptables peu utiles dans la gestion de la pandémie”. Là, il se démarque du tout Etat, ce qui peut permettre l’avènement d’une réelle autonomie des établissements publics ou privés. Ces objectifs sont ambitieux et certains sont tenables sur un quinquennat. Pour autant, il faudra bien accepter que des tarifs Sécu identiques pour tous et partout seront insoutenables d’un point de vue économique. Et que c’est bien là une cause majeure du départ des soignants de certaines zones.

Mesures marginales et changement structurel

Il y a dans tous ces programmes d’excellentes idées, mais les effets escomptés sont marginaux tant ils évitent tout changement structurel. En santé publique on retient chez Emmanuel Macron la tentative avortée de bâtir une organisation sanitaire. Les brigades d’Edouard Philippe auraient été une pierre fondatrice. Cependant, le changement était profond et les adversaires de tout ce qui est efficace, régional et adaptable trop nombreux. Il faudra y revenir.

Le Premier ministre Jean Castex accompagné du ministre de la Santé, Olivier Veran, au siège de l’ARS, (Agence régionale de santé) Ile-de-France, mobilisée dans la lutte contre la Covid-19. 25 janvier 2021 © Stephane Lemouton-POOL/SIPA Numéro de reportage : 01001468_000014

Rétrospectivement deux causes principales sont liées aux difficultés de la médecine française, les 35 heures et les ARS. D’une part il est impossible de faire fonctionner 24h/24 h une organisation complexe comme un hôpital sauf à avoir à faire face à des coûts insoutenables. D’autre part, le besoin d’un Préfet régional de santé n’est pas fondé mais coute très cher.

Enfin nous avons un devoir de vérité : les ressources humaines et financières pour la santé sont fortement contraintes car les moyens alloués existants sont déjà considérables en France. Comment améliorer l’utilisation de nos ressources? Par l’innovation statutaire, organisationnelle et financière. Deux piliers relèvent de l’État. Dans le système de soins, l’hôpital public gagnera à être libéré des contraintes tutélaires et réglementaires en devenant responsable de sa gestion et de ses missions. Une entreprise publique, obtenant des résultats mesurables, équilibrant son bilan, voilà la solution qui a fait ses preuves ailleurs en Europe. En amont du système de soins, la santé des populations dépend d’une nécessaire organisation sanitaire agile et adaptable. Installée dans les régions, sans coûts fixes élevés mais avec des technologies numériques avancées et un recours gradué aux moyens de cette fonction régalienne, une telle organisation sanitaire doit être rapidement bâtie et entrainée à agir. Débattons des solutions plutôt que de nous affronter sur des principes !


[1] https://hbr.org/2021/09/who-is-driving-the-great-resignation

Depardieu, raccommodeur de destinées

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Gérard Depardieu dans "Maigret" de Patrice Leconte (2022) © CINÉ-@ F COMME FILM et PASCAL CHANTIER – STÉPHANIE BRANCHU

L’acteur est très convaincant en Maigret, au cinéma aujourd’hui


Aujourd’hui sort en salles “Maigret” de Patrice Leconte avec Gérard Depardieu dans le rôle titre et adapté du roman de Simenon Maigret et la jeune morte paru en 1954. De Jean Gabin à Bruno Crémer, en passant par Jean Richard, Michel Simon, Gino Servi, Vladimir Samoïlov ou dernièrement Rowan Atkinson, les interprètes du commissaire à la pipe formaient déjà un petit bataillon plus qu’intimidant. Néanmoins, ce Maigret relève brillamment le défi en offrant une adaptation d’une telle fidélité à l’esprit du héros de Simenon que la qualifier d’adaptation définitive n’a rien d’excessif.

L’intrigue se situe dans le Paris des années 1950. Maigret enquête sur la mort d’une jeune fille, retrouvée poignardée dans un square, vêtue d’une robe de soirée. Cette jeune fille, rien ne permet de l’identifier et personne ne semble se soucier de sa disparition. Maigret, seul, se penche sur ce destin brisé et part en chasse du coupable. La mise en scène est magistrale : tous les acteurs sont excellents et le rythme, balancé comme le lourd pas du commissaire, nous entraîne dans une rêverie nostalgique d’un Paris festif et menaçant, d’un Paris des ruelles obscures, hantées de jeunes ingénues fragiles et de tontons flingueurs taciturnes, d’un Paris des élégantes et des belles autos. Beaucoup de scènes ont lieu la nuit, les couleurs sombres, annoncées dès l’affiche, nimbent le film d’une atmosphère de réflexion et de recueillement ; et il se pourrait bien que cette enquête nous mène au sein même de notre conscience.

Maigret ne se démode pas. Porté à l’écran quelques mois après sa naissance littéraire, il n’a cessé de renaître sous les avatars successifs évoqués plus haut. Malgré ses quatre-vingt-dix ans, il passionne et rassemble encore les foules, jusqu’à ces dernières années lors du festival Simenon qui se tenait aux Sables d’Olonne ou tout récemment en octobre 2021 à l’Institut catholique d’études supérieures (ICES) de la Roche-sur-Yon qui lui dédiait une conférence. Y prenaient part John Simenon, un de ses fils et son exécuteur testamentaire, aux côtés d’universitaires français mais aussi italien ou iranien, preuve que sa renommée ignore les frontières. Mais d’où vient cet amour non démenti pour un personnage devenu mythique ?

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Tout d’abord de sa méthode. Comme le souligne Jean-Baptiste Baronian dans un essai qu’il lui consacrait en 2019, Maigret « est le seul détective de roman qui ne soit pas une machine à résoudre les problèmes policiers ». Moins mathématique que Sherlock Holmes et plus psychologue encore que le Dupin d’Edgar Poe, Maigret conduit son enquête en s’imprégnant d’une atmosphère. Dans les Mémoires de Maigret, voici comment il décrit sa démarche : « Il s’agit de connaître ». Baronian a raison d’attribuer son succès à son « aptitude à se mettre au diapason des êtres et des choses, à son flair et à ses intuitions. » Il crée ainsi avec le lecteur/spectateur une intimité située au-delà du bien et du mal, un lien sensuel qui lui donne à voir et à percevoir des passions sourdes et des souffrances qui taraudent toute une vie. Autrement dit, la méthode de Maigret se nourrit de l’empathie qu’il témoigne aux individus croisés sur son chemin, à l’instar de la jeune morte du film. Cette compassion simple et généreuse élève le héros à une dimension christique, que Simenon lui-même ne prenait pas la peine de voiler.

Maigret, docteur des âmes

Dans une « Interview sur l’Art du Roman » accordée en 1956 à l’écrivain américain Carvel Collins, Simenon constate que « la société actuelle est sans religion puissante ». Pour autant, selon les théories du philosophe autrichien Eric Voegelin (1901-1985), le propre de la modernité est la tentation politique de faire descendre le paradis terrestre sur terre, menant à une immanentisation du réel et de la vie spirituelle. Réciproquement, on peut se demander si le rôle de Maigret ne consiste pas à réintroduire une forme de religiosité dans la modernité, à savoir l’aspiration au salut.

En effet, il n’est pas anodin que Simenon, dans la même interview, ait parlé de son métier comme d’un « sacerdoce » et confié « vivre comme un moine » en période d’écriture. Il semble que la question du salut l’ait toujours occupé, comme en témoigne sa fascination pour les médecins, figure récurrente dans la série des Maigret en particulier avec la figure du docteur Pardon. Dans les Mémoires de Maigret, l’enquêteur raconte avoir ressenti qu’il pourrait devenir un jour un « raccommodeur de destinées ». Son cœur de métier serait donc de sauver ses contemporains ; sauver les morts en les empêchant de sombrer dans l’oubli et dans l’absurdité d’une existence abolie sans explication ; sauver les coupables en les soumettant à un châtiment rédempteur ; sauver tous les autres en les révélant à eux-mêmes face au crime. Simenon entend-il autre chose lorsqu’il déclare, un brin provocateur, à l’Institut français de New York : « Le romancier parfait devrait être une sorte de Dieu le Père… » ? Ainsi, en suivant sa métaphore, on comprend que Dieu le Père Simenon envoie Dieu le Fils Maigret parmi les protagonistes du roman pour remettre leurs péchés et gagner leur salut. Telle est probablement la réponse à la question posée dans le film au commissaire par une jeune fille, étonnée de son acharnement à élucider l’enquête sur la mort de Louise dont personne n’a cure, et qui lui jette avec véhémence : « A quoi ça sert puisqu’elle est morte ? ». Allons plus loin : le Maigret de Depardieu et Leconte, fourbu dans la nuit parisienne, qui a perdu l’appétit et jusqu’à l’envie de fumer sa pipe légendaire, c’est le Christ au jardin des oliviers, accablé devant l’infatigable propension des hommes au mal. Ici elle s’abat sur une innocente jeune fille, une chétive créature abandonnée de tous de son vivant comme après sa mort. 

Une enquête au blanc, ou quand le trivial mène au salut

Toutefois, chez Simenon, le salut ne se gagne pas en récitant le chapelet mais en ayant recours à l’esthétique du carnaval qui, selon les théories de Mikhail Bakhtine, jouait dans la société médiévale un rôle éminemment cathartique. Nous en retrouvons en effet toutes les composantes : tout d’abord, l’unité de temps et de lieu (Paris en mars) ; ensuite, la présence du roi comme maître de cérémonie (le commissaire Maigret) ; le masque social des personnages, derrière lequel peut se dissimuler le visage du coupable ; l’acmé finale, où il est coutume de brûler un mannequin de paille et qui consiste, chez Maigret, à punir le coupable ; enfin, la coexistence, voire le renversement, des opposés.

Pour ce dernier point, on est frappé des contrastes qui tiraillent le film, ne serait-ce que l’oxymore de « jeune morte », à laquelle répond la vieillesse robuste du commissaire. À cet égard, la victime et Maigret forment un tandem qui crée une tension dramatique immense : elle est faible et diaphane tandis que sa silhouette gargantuesque, sur laquelle s’ouvre le film, représente la force et la bonne chair. La même tension réapparaît lorsqu’il la regarde au cinéma, la toile jouant le rôle d’un miroir inversé. De même, les silences du commissaire sont plus parlants que le murmure vain et inaudible de la haute société rassemblée pour les fiançailles de Jeanine. Coexistent aussi dans le film la fin tragique de la victime, provinciale montée à Paris pour fuir de mauvais traitements, et le retour à la vie d’une autre jeune fille ayant connu un parcours semblable mais que Maigret parvient à sauver. En vrai maître de cérémonie de ce ballet de destinées humaines, Depardieu, tel un trou noir à la densité phénoménale, parvient à maintenir l’unité et la cohésion d’un monde fragmenté et cruel parcouru de la constante oscillation carnavalesque. 

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Cette juxtaposition des contraires est présente dans le nom même du plantureux commissaire, comme dans l’importance accordée au bas de l’être humain qui tranche avec sa fonction spirituelle : sa panse généreuse (lointaine réminiscence de Sancho Panza), son goût pour la nourriture et la boisson, lui qui est très regardant quant au breuvage dont il arrose ses réflexions (il parle d’ « enquête au blanc ou à la bière »). Finalement, cette réalité disparate, pétrie des contradictions de l’âme humaine, donne toute sa force et sa réussite à l’entreprise du commissaire, mais aussi à celle de son auteur.

Thomas Narcejac, dans son analyse de Maigret et la jeune morte, relève que « ce roman nous apprend quelque chose non seulement sur Maigret, mais sur l’art de Simenon (…) la méthode de Maigret consiste à se mettre dans la peau d’autrui (…) non pour voir comment nous agirions à sa place, mais, comme le fait Maigret, pour aspirer à être cet autre (…) ce n’est pas la ressemblance qui l’intéresse, c’est la différence, la singularité d’autrui. Maigret recrée donc, peu à peu, le personnage qu’il poursuit (…) c’est une méthode de création et non d’investigation (…) à travers Maigret, Simenon fait exister des êtres prodigieusement concrets. Maigret n’est là qu’en trompe-l’œil. » En effet, Maigret cherche par tous les moyens à recréer le passé de la jeune morte, ce à quoi il parvient au terme de son enquête. Le génie poétique de Simenon-Maigret tient à ce que ses personnages sont créés à partir de leurs faiblesses et de leurs blessures, qui leur sont ensuite pardonnées. 

Humains trop humains, ils le sont sans nul doute, loin des mannequins qui peuplent les publicités, des personnages-étendards qui incarnent une vertu ou un idéal, loin des superhéros en collants et des acteurs ambassadeurs de l’UNESCO. À notre époque encore engluée dans l’immobilité des confinements, au parfum froid et insipide de la distance sociale, et où le salut s’est réduit au passe sanitaire pour citoyens obéissants, comme il est bon de s’adonner à une vivifiante promenade au bras du commissaire Maigret ! Lui qui, dans Signé Picpus, avouait aimer renifler « l’odeur des passions humaines, des vices, des crimes, des manies, de toute la fermentation des âmes humaines ». Et le spectateur avec lui.

Maigret et la Jeune Morte

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Mikhail Bakhtine, L’art de François Rabelais et la culture populaire du Moyen Age et de la Renaissance, Moscou, Khoudojestvennaïa Litératoura, 1965.

Jean-Baptiste Baronian, Maigret. Docteur es crimes, Bruxelles : les Impressions nouvelles, 2019, pp. 19, 121.

Thomas Narcejac, « Analyse de Maigret et la jeune morte », Combat du 29/7/1954.

Georges Simenon, Signé Picpus, Paris, Gallimard, 1944.

Georges Simenon, « Le Romancier », conférence prononcée à l’Institut français de New York le 20 novembre 1945 et publiée dans The French Review de février 1946.

Georges Simenon, Les mémoires de Maigret, Paris, Presses de la Cité, 1951.

Georges Simenon, « Interview sur l’Art du Roman » accordée à Carvel Collins, The Humanities (revue du MIT, Cambridge), № 23 (1956).