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Prof à Trappes, métier à risque

Dans la ville, ce sont ceux qui dénoncent l'islamisation qui ont des problèmes


Prof à Trappes, métier à risque
Le lycée de la Plaine de Neauphle à Trappes, où enseignait Didier Lemaire, février 2021 © SIPA

De la justice à la police, toutes les institutions semblent avoir tiré les leçons de l’assassinat de Samuel Paty. Toutes sauf l’Éducation nationale. À Trappes, dans les Yvelines, le rectorat abandonne avec une consternante lâcheté les professeurs pris pour cible par des élèves ou des parents fanatisés.


Depuis qu’un professeur de philosophie « irresponsable », dixit le préfet des Yvelines (et auteur de cet article) a alerté sur l’emprise de l’idéologie islamiste sur ses élèves à Trappes, on apprend que deux autres enseignants de cette paisible bourgade des Yvelines ont également été menacés. L’une, que nous appellerons « Stéphanie », professeur de sciences de la vie et de la Terre au collège Le Village, a même été exfiltrée, sur les conseils de la police, début février 2021, soit quelques jours avant que le professeur « irresponsable » (déjà accompagné depuis trois mois par la police pour sécuriser ses entrées et sorties du lycée) soit mis en congé et placé sous protection rapprochée. L’autre, que nous appellerons « Hassan », professeur de philosophie au lycée de la Plaine de Neauphle, est en arrêt-maladie. Une de ses élèves lui a lancé pendant son cours : « Sur Allah, je vais le fracasser. »

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Stéphanie avait illustré son cours sur l’évolution, à la case Homo sapiens, évidemment, par une photo de Soprano, rappeur aimé de ses élèves et d’elle-même, qui se trouvait donc à côté d’un singe illustrant les étapes précédentes. Pour cette raison, un parent d’élève, défavorablement connu des services de police, condamné pour vol, trafic de drogue, violence, détention illégale d’armes et qui se déclare par ailleurs hostile à l’enseignement de la théorie de l’évolution, l’a accusée publiquement de racisme. Peu importe, ce qu’elle a enduré pour cela, il faut le taire ! L’administration a fort bien fait de laisser planer le doute sur l’éventuelle maladresse de l’enseignante. Aussitôt qu’un parent d’élève injurie sur un réseau social « l’éducation national (sic) de merde » (dixit le prévenu sur sa page publique Facebook), il y a forcément lieu de se demander quelle faute un enseignant a pu commettre pour heurter les gens. L’image d’un célèbre chanteur, dénommé Soprano, Comorien noir au demeurant, sur une frise représentant l’espèce humaine, ne serait-elle pas insidieusement raciste ? Ne pourrait-elle pas, à juste titre, traumatiser des élèves ? On s’interroge. On demande l’avis de l’inspection. On organise une confrontation dans l’établissement entre l’enseignante et le parent d’élève « offensé ». Même procédure que dans l’affaire Samuel Paty. Et mêmes conclusions. D’après le rectorat, l’entrevue, diligentée par ses soins, aurait permis d’apaiser la situation. Ce n’est pas l’avis des renseignements territoriaux qui demandent à Stéphanie d’aller se cacher. Il faut, en outre, que celle-ci s’y reprenne à deux fois pour obtenir l’aide juridictionnelle que le rectorat lui refuse d’abord. Vraiment, puisqu’on vous dit que la situation est sans gravité. À la rentrée de septembre 2021, pourquoi ne pas se débarrasser de cette encombrante enseignante en la mutant au fin fond d’une province où elle ne connaît personne, à charge pour elle de couvrir ses frais de déménagement et de solder dix années de vie en région parisienne ? En prime, on ne répond pas à la demande du procureur de la République de se porter partie civile. Et le jour de l’audience, on n’envoie évidemment aucun représentant de l’institution. Que vaut l’honneur d’un enseignant ? Dans sa plaidoirie, le procureur pointe l’attitude de l’institution, celle du collège, du rectorat, du ministère. Une première en France. Le 15 novembre 2021, le jugement tombe : le prévenu est condamné pour harcèlement et injure sur personne chargée d’une mission de service public à six mois de prison ferme, 13 500 euros de dommages et intérêts, 850 euros de remboursement de frais de justice, cinq ans d’inéligibilité. Le collège et le rectorat n’adressent aucune excuse à Stéphanie. C’est ce qui s’appelle, après l’assassinat, dans la même académie, de Samuel Paty, « être toujours plus efficace » (dixit le message de la rectrice aux enseignants). On ne change pas une méthode qui a fait ses preuves.

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Même traitement pour le professeur menacé en classe. L’élève, convoquée par le proviseur en présence d’Hassan, n’a droit à aucune sanction administrative. Après tout, il ne faudrait pas qu’elle puisse s’imaginer que les lois de la République s’appliquent n’importe où. L’élève retourne donc en cours. On l’avertit que le professeur pourrait porter plainte. Si elle venait encore à avoir une conduite répréhensible en classe, on l’exclurait trois jours. Quant au professeur, de quoi se plaindrait-il ? L’administration n’a pas vocation à se déplacer pour accompagner les personnels chargés d’une mission de service public lorsqu’ils se rendent au commissariat de police.

Dans ce lycée de Trappes, il ne faudrait pas non plus, lors des sorties scolaires, durant lesquelles des élèves arborent désormais collectivement leur prétendu « signe religieux », « être obnubilé par le port du voile ». Les quelques enseignants encore attachés à la laïcité ne peuvent plus contenir la pression. Ils préfèrent capituler plutôt que provoquer l’esclandre. Comment appliquer des règles quand aucune autorité ne veut sanctionner leurs atteintes ? Pis, quand elle abandonne ou met en cause les serviteurs de la République qui ne renoncent pas à défendre les principes qui fondent notre paix civile ?

Ainsi, dire qu’il y a un problème dans les écoles de Trappes, relèverait, selon le préfet des Yvelines, d’« un jeu dangereux », instigué « au nom de convictions politiques ». Mieux vaut dire qu’il y a un problème avec ceux qui dénoncent l’islamisation de la ville et les traiter de « bulldozer », voire les soupçonner de manipulation et de racisme, quitte à donner raison à ceux qui leur mettent une cible dans le dos. Le garant du respect des lois dans le département l’a rappelé avec autorité : il serait « contre-productif de sembler stigmatiser les 32 000 habitants de cette ville ». Autant de bonnes raisons, en somme, de continuer de « faire dans la dentelle ».

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Février 2022 - Causeur #98

Article extrait du Magazine Causeur




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Didier Lemaire a enseigné la philosophie à Trappes, dans les Yvelines, pendant près de vingt ans. Après avoir dénoncé l’islamisation de la ville, il a publié aux éditions Robert Laffont "Lettre d’un hussard de la République" et fondé l’association Défense des serviteurs de la République.

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