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Pour Valérie Pécresse, ce n’est pas tous les jours dimanche

Fiasco du Zénith: elle n'est pas coupable...


Pour Valérie Pécresse, ce n’est pas tous les jours dimanche
Patrick Stefanini et Valerie Pécresse à Boissy-Mauvoisin (78), 13 mai 2021 © Jacques Witt/SIPA

Philippe Bilger revient sur le meeting politique raté de la candidate LR dimanche dernier


Depuis le 13 février, je ne cesse de ressentir ma différence d’avec ceux qui accablent Valérie Pécresse à la suite de son discours médiocre au meeting du Zénith – une mauvaise scansion, un abus des formules « téléphonées » et de surcroît un verbe haché par de multiples et intempestives interruptions militantes : pour ma part, je l’exonère d’une grande part de responsabilité dans ce que certains dans son camp ont qualifié de « naufrage ».

Inquiétudes avant les prochains sondages

Une équipe qu’on nous vante comme expérimentée ne projette pas une candidate dont l’oralité publique et l’éloquence n’ont jamais été le fort devant 7 000 personnes, selon des modalités qui ne pouvaient aboutir qu’à un fiasco. On a le droit d’être intelligent et lucide. Ce n’était pas rendre service à Valérie Pécresse que de la laisser aller inéluctablement vers un échec. N’être pas « une oratrice » n’est pas grave si on ne vous contraint pas à faire croire qu’on l’est et à endosser une posture tribunitienne aussi éloignée de vous que possible. Valérie Pécresse a raison : « si vous voulez des orateurs, il y en a plein dans la campagne », mais il est aberrant qu’on l’ait envoyée délibérément dans un piège politique, technique et intellectuel. Ce n’est pas être « machiste » que de mettre en lumière cette faute dont j’espère qu’elle ne payera pas le prix dans les prochains sondages !

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Il est clair que mon adhésion renouvelée à sa cause a souffert le martyre face à ce qu’elle n’a pas su dire, à ce qu’elle a mal dit, avec un insupportable hiatus entre un fond qui se voulait d’autorité et de volontarisme et une tonalité de voix qui, pour cet exercice, laissait gravement à désirer. Je n’ai cessé de mettre l’accent sur le fait que pour Valérie Pécresse, le problème résidait dans la forme, dans l’expression d’un verbe qui ne devenait convaincant que dans le partage citoyen, dans l’empathie médiatique. Une parole « en chambre » en quelque sorte. Pour pratiquement tous les autres candidats, cette difficulté n’existe pas. On n’est pas conduit à se détourner de la substance de leurs propos à cause de l’agacement face à leur formulation.

Un mauvais dimanche

Il n’aurait pas fallu faire passer ce dimanche à Valérie Pécresse et à ceux qui contre vents et marées continuent à penser que sa vision d’une droite à la fois ferme, opératoire et républicaine, aux antipodes de la pratique d’Emmanuel Macron, est la seule qui mérite d’être défendue, avec la possibilité d’une victoire au second tour. Quel terrible manque, d’ailleurs, dans ce discours du 13 février, que l’absence de dénonciation du péché le plus grave du macronisme, une manière de présider qui a poussé à son comble la monarchie régalienne en faisant fi, même à deux mois de l’issue capitale, des règles de bienséance démocratique, attitude que Valérie Pécresse pourfend ailleurs à juste titre.

À la décharge de Valérie Pécresse, on peut faire valoir un certain nombre d’arguments

D’abord ne pas lui imputer de reprendre le vocabulaire d’Éric Zemmour (le « grand remplacement ») alors que, si elle l’a fait, c’était pour stigmatiser ces notions et leur extrémisme. Quel dommage qu’elle n’en ait pas profité pour répliquer à la charge d’Éric Zemmour selon laquelle elle ne serait pas de droite ! Tant de lacunes, tant de faiblesses dans son argumentation : plus qu’irritant !

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Ensuite ce n’est pas de la faute de Valérie Pécresse si elle a gagné lors du Congrès, tout simplement parce que cette manière de débattre moins impérieuse que de bon aloi lui convenait mieux. J’ai l’impression qu’on lui reproche rétrospectivement une victoire dont elle n’aurait pas été digne. De surcroît, peut-on faire l’impasse sur les étranges et inquiétants atermoiements de Nicolas Sarkozy qui veut bien donner des conseils mais apparemment ne pas apporter explicitement son soutien ! En tant que citoyen conscient de ce que l’ancien président pourrait et devrait offrir à la candidate choisie par son camp en matière de légitimité et de crédibilité, je suis troublé, pour ne pas dire plus, par les bruits émanant des coulisses du pouvoir : tractations entre Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, recommandations de Christine Lagarde comme Premier ministre (aux oubliettes, l’arbitrage Tapie !), toute une vie officieuse dans les marges de la transparence républicaine. Il y a des éléments qui nous sont cachés et dont on peut estimer qu’ils créent à notre détriment un déficit démocratique.

Petites ambitions

Enfin ces personnalités, de Christian Estrosi à Eric Woerth et d’autres moins connues profitant de leur migration pour se faire mieux identifier, qui ont rejoint Emmanuel Macron après avoir combattu vigoureusement sa politique, en effaçant ce que son mandat avait de blâmable notamment sur le plan régalien… J’ose espérer que toutes les motivations de ces transfuges ne sont pas putrides mais on ne peut tout de même pas béer d’admiration face à ces opportunismes persuadés d’aller au secours de la victoire. Et ce n’est pas l’impayable Christophe Castaner qui nous convaincra du contraire !

Cela fait beaucoup de pierres jetées dans le jardin de Valérie Pécresse mais rien n’est perdu, en tout cas pas l’honneur. Il est essentiel chez LR de ne demander à notre candidate que ce qu’elle peut donner. Elle a des qualités, des faiblesses émouvantes qui sont des chances. Ceux qui la méprisent, la traitent de haut ont bien tort : je ne le ferai jamais même si je trouve souvent sa dialectique maladroite, ou son autocélébration artificielle. Il faut vite qu’elle retrouve son second souffle. En tirant les leçons de ce qu’elle ne sait pas faire ni être.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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