Il est encore temps de voir le couple Depardieu/Ardant dans « Les Volets verts » de Jean Becker au cinéma juste pour la beauté du geste
Avec ces deux-là, nous irions n’importe où. À Châteauroux, en char à voile ou en Intercités, à la nage ou en pédalo. Avec eux, le transport amoureux s’effectue toujours en première classe.
Entre le chef-d’œuvre et le nanar, la pellicule est souvent mince…
Pourtant, nous freinions des quatre fers avant d’entrer dans ce cinéma Arlequin de la rue de Rennes. L’affiche passablement décolorée ne nous emballait pas vraiment, la fin août n’est guère propice à l’enthousiasme visuel. Et puis la rentrée de septembre est si laide avec toutes ses injonctions énergétiques et ses rues éventrées. Dans la capitale, le bruit des travaux, d’une régularité à faire pâlir les horaires de la SNCF, ne souffrant d’aucun retard, d’aucun répit, d’aucune compassion, nous contraignit à nous réfugier dans cette salle climatisée et calfeutrée. Seul moyen d’échapper à l’excavation permanente et à la chaleur poisseuse. Pour voir quoi ? Du théâtre filmé, forcément poussif, à prétention didactique, une de ces vieilleries produites à la va-vite avec deux têtes d’affiche destinée à un public à forte majorité enseignante, un scénario bouclé par feu Dabadie et une énième adaptation de Simenon, avec un décor de brasserie molletonnée pour faire clin d’œil, une Mercedes dite Heckflosse dans un Paris reconstitué à l’économie circulant sur un filet de gaz pour faire rupin,en somme, une forme de pantouflage bourgeois qui peut virer à la catastrophe. Entre le chef-d’œuvre et le nanar, la pellicule est souvent mince.
Tout me poussait donc à rester chez moi et à descendre cette liqueur de myrte ramenée de Balagne en ne pensant à rien, la meilleure manière de ne pas être déçu par une morne existence. Sauf que revoir ce couple-là n’est jamais une opération bénigne. On croit sortir indemne. On est trop malin pour se faire piéger. Pas moi. Pas nous. On connaît tous leurs trucs, respiration fatiguée d’un côté qui donne du poids à sa parole et cette voix tentatrice si souvent entendue et malgré tout, emplie de mystères, de l’autre. Ce serait si simple de croire à leur caricature pour mieux se protéger de leur incandescence. Car, avec eux, on se brûle l’esprit. On entre dans une salle, fringant et détaché, presque blasé, comme si nous pouvions être imperméables à leur duo. Innocents et prétentieux que nous sommes.
Ces deux-là n’ont pas d’équivalent dans le cinéma français
Dans quelques minutes, nous allons être terrassés par leur jeu souple et intense, fragile et aérien, juste et direct, sans ornementation, sans graisse, sans glaise artistique, sans instrumentalisation, sans tous les effets néfastes appris dans les cours de comédie. Á l’épure. Au talent. Sans gants. Sans précaution. Gérard Depardieu et Fanny Ardant vont opérer à cœur ouvert. Ils ne pratiquent pas une chirurgie déambulatoire. Vous ressortirez effectivement au bout de deux heures, mais les séquelles dureront longtemps, votre mémoire travaillera sur les boulevards, elle moulinera, elle se souviendra d’une jeunesse en fuite et la mélancolie, ce noble sentiment, vous étreindra à un carrefour devant une foule ignorante et stupéfaite. Leur radicalité jouissive, d’une élégance d’argile, vous cueillera en plein milieu de l’après-midi.
Vous aurez les larmes aux yeux. Un peu K.O, un peu désemparé, un peu agacé aussi d’être aussi secoué par ce « petit » film, un de plus dans leur longue filmographie et aussi « un peu menteur » comme le chantait Christophe. Tant pis ou tant mieux. Le souffle court et les souvenirs en vrac, vous tenterez d’avancer. Ces deux-là auront mis la pagaille dans votre tête.
Mais vous serez heureux de les avoir revus parce qu’ils donnent une attraction rieuse, une complicité écorchée, une intelligence sacrée aux choses de l’amour. Les écrivains sont désarmés devant tant de simplicité, jamais ils ne réussiront à retranscrire cette fusion-là sur la page blanche. Elle est probablement trop puissante pour être figée dans l’écrit. Vous aurez envie de dire aux autres, à vos amis ou aux inconnus que ces deux acteurs-là n’ont pas d’équivalent dans le cinéma français. Qu’à l’évidence, ils surclassent la concurrence, qu’ils mettent en mouvement et en musique l’insoutenable douleur d’un amour suspendu. Lui, tassé, ogre repu et triste, capable d’éclats majestueux, et elle, le charme inaltérable, le regard enflammé et ce sourire, large et dévorant, happant la vie comme une messagère antique.
« Les Volets verts » de Jean Becker, dans les salles actuellement.
Le départ de Boris Johnson de Downing Street mardi matin, au lendemain de l’élection de Liz Truss par les militants conservateurs, est l’occasion de jeter un regard sur le véritable bilan d’un Premier ministre qui n’aura pas terminé son mandat, mais profondément marqué le pays, en le faisant sortir de l’Union européenne.
BoJo aura surpris tout le monde depuis trois ans, jusqu’à son départ du 10 Downing Street mardi, qu’il a conclu par un discours animé et enthousiaste, comme il les aime. Son épouse Carrie et tous ses ministres étaient dans la cour pour l’écouter et l’applaudir, ainsi qu’une centaine de journalistes du monde entier.
L’ancien Premier ministre et maire de Londres s’est avant tout félicité des accomplissements durant ces trois années et demie à la tête du gouvernement. Il a rappelé qu’il avait dirigé « l’équipe qui a fait le Brexit, l’équipe qui a distribué le vaccin le plus rapidement en Europe ! » Il s’est vanté de sa gestion de la vaccination : «n’oublions pas que 70% de toute la population a eu une dose en six mois, plus vite qu’aucun autre pays. Nous sommes un gouvernement à votre service, voilà ce que fut ce gouvernement conservateur ».
Il s’est aussi félicité d’avoir dirigé«l’équipe qui a organisé avec promptitude les premières livraisons d’armes aux forces armées héroïques de l’Ukraine, une action qui a peut-être servi à changer le cours de la plus grande guerre en Europe depuis 80 ans ». Cette accumulation de réussites pourrait paraître quelque peu prétentieuse, si l’on observe la crise sociale en cours et l’inflation à 11% sur un an. Pourtant, Boris Johnson a bel et bien souligné l’essentiel de son bilan. D’abord, l’aboutissement du Brexit, ce pour quoi les Britanniques l’ont élu avant tout. Son prédécesseur Theresa May avait repoussé la date de sortie de l’Union européenne à trois reprises. Après son élection le 12 décembre 2019, BoJo a signé un accord avec l’UE le 24 janvier 2020. Puis, il y a la gestion de la crise du coronavirus et la distribution des vaccins. Les Britanniques ont pu abandonner les mesures restrictives plusieurs mois avant la France et bien d’autres pays européens et la reprise tant redoutée de la pandémie ne s’est pas produite.
Un bilan plein de paradoxes
Pour autant, il est difficile de se féliciter d’un mandat dont le tenant avait pourtant annoncé qu’il serait le plus fantastique de tous. La dette a considérablement augmenté pendant la crise du coronavirus, en passant de 1 890 milliards de livres en 2019 à 2 383 milliards en 2021, selon l’ONS (Office for National Statistics). Elle représente aujourd’hui 102,8% du PIB, contre seulement 84% en 2019, et les chiffres de 2022 ne devraient sans doute pas être meilleurs. La crise du Covid-19 pourrait tout justifier et en effet, Boris Johnson a mis en place le système d’aides le plus important d’Europe. Pour autant, aucune baisse de dépenses ne peut être signalée pour l’instant et la nationalisation programmée du réseau ferroviaire ne devrait pas y aider. D’autre part, la crise du NHS (National Health Service) n’a pas non plus été atténuée, bien que BoJo se soit félicité que « nous aurons 50 000 infirmières en plus, d’ici la fin de cette législature et 40 nouveaux hôpitaux d’ici la fin de la décennie. » L’ancien chef de la fonction publique, lord Robert Kerslake est amer sur bilan de l’ancien Premier ministre en la matière : « Je ne suis pas d’accord avec Boris Johnson, lorsqu’il prétend avoir résolu le problème de la sécurité sociale [social care], il y a encore de nombreux enjeux à soulever » a-t-il regretté sur Sky News, mardi matin.
Il est vrai qu’en l’espace de trois ans, il est bien difficile de mener à bien de telles réformes. Certainement qu’avec moins d’extravagance, BoJo aurait-il pu les poursuivre jusqu’à la fin de son mandat.
Un mandat gâché ?
La question que tous les journalistes et commentateurs se posent depuis bientôt quelques mois porte sur la réussite de Johnson. Il avait en principe tout pour réussir : une des plus grandes majorités de l’histoire à la Chambre des communes : 357 sièges sur 650, soit une majorité de 71, peu de divisions au sein du parti, un parti travailliste (Labour) très affaibli, un chômage très bas… Cela lui a sans aucun doute servi pour faire voter le Brexit, mais non pas pour mener des réformes significatives. À la place, de nombreux scandales, mettant au grand jour une certaine insouciance du personnage, ont empêché d’aborder les sujets de fond. Le « Partygate » est le plus important.
La crédibilité et le manque de transparence du personnage dans cette affaire auront pris un coup, du moins chez les parlementaires, qui ont fini par se rebeller – après lui avoir pourtant accordé la confiance – et par provoquer de nouvelles élections internes au mois de juillet. Ce départ en disgrâce n’a pas du tout paru l’émouvoir durant son discours hier. Il s’est contenté de souligner que « le bâton sera transmis dans ce qui s’est étonnamment transformé en une course de relais. Ils ont changé les règles à mi-chemin, mais ne nous préoccupons pas de cela maintenant », a-t-il simplement regretté.
Un avenir incertain pour Liz Truss
C’est un poste assez ingrat que Johnson laisse à son successeur, Liz Truss. Dans son discours, BoJo a tenu à lui apporter son entier soutien : « Je sais que le gouvernement conservateur plein de compassion de Liz Truss fera tout ce qu’il peut pour aider les personnes à traverser cette crise. Ce pays l’endurera et nous gagnerons » a-t-il promis, optimiste. Après une longue campagne de six semaines, où les Conservateurs se sont divisés, et alors que la Grande-Bretagne est en pleine crise sociale, l’ancienne secrétaire d’État aux Affaires étrangères ne doit pas s’attendre à une sinécure. D’ailleurs, elle fait mine de s’y préparer depuis le mois de juillet, en se faisant l’héritière directe de Margaret Thatcher, prête à des baisses d’impôts drastiques et favorable aux entreprises. Mais en parallèle, elle a promis un grand plan de relance de plusieurs dizaines de milliards de livres. N’est-ce pas là un premier reniement avec les politiques de Maggie ?
Enfin, et ce sera peut-être le plus dur, elle devra gouverner avec l’ombre de Boris Johnson, qui laisse incontestablement un vide derrière lui. Interrogée par Sky News, l’ancienne conseillère de Boris Johnson, Jo Tanner, s’interroge sur son avenir : « Que va-t-il faire ensuite ? Il a promis de soutenir le gouvernement, mais il va être très difficile pour quelqu’un qui a toujours eu l’habitude de donner son avis de ne plus le faire! » D’autant que Liz Truss n’a pas un charisme comparable et qu’elle devra désormais unifier son parti autour d’elle, en particulier les nombreux soutiens de l’ancien chancelier, Rishi Sunak. Les trois prochaines années s’annoncent donc remplies de défis et exigeront un leader irréprochable et déterminé.
Les éditions L’échappée rééditent un livre d’Henri Minczeles sur le mouvement de travailleurs juifs né dans l’Empire russe.
Une vieille blague juive qu’on racontait dans ma famille parlait de deux navires se croisant en Méditerranée, le premier faisant route vers Israël et le second en repartant en direction de l’Europe. Quand ils passaient l’un en face de l’autre, les passagers se faisaient mutuellement le même signe du doigt sur le front : “Vous êtes fous !” L’histoire nous a enseignés depuis qui étaient les “fous”, car les optimistes ont trop souvent fini à Auschwitz. J’ai repensé à cette blague en lisant le livre d’Henri Minczeles consacré au Bund, que les éditions L’échappée viennent de rééditer.
Le Bund, mouvement juif ouvrier, est né en 1897, la même année que le premier Congrès sioniste. “Premier parti politique juif, socialiste, marxiste et laïque”, le Bund a réussi à fédérer des dizaines de milliers de militants juifs en Pologne, Lituanie et Russie, tout en suscitant l’opposition des partis sionistes – toutes tendances confondues – des Juifs orthodoxes et des communistes (qui l’accusaient de séparatisme et de “nationalisme petit-bourgeois”). L’histoire de ce mouvement est à la fois celle d’une réussite phénoménale et d’un échec tragique.
Le livre pionnier de Minczeles décrit l’essor spectaculaire du Bund dans la Russie tsariste, sa lutte acharnée pour défendre les droits des ouvriers juifs exploités, dont l’éthos socialiste restait profondément empreint de culture juive laïcisée, comme en témoigne l’hymne du mouvement (rédigée par l’écrivain An-ski), dont le refrain “Ciel et terre nous écouteront” était une citation du prophète Isaïe. Comme l’écrit l’auteur, “le parti ouvrier juif avait insufflé une religion nouvelle, celle du travailleur juif. En 1903, l’Union générale des ouvriers juifs de Russie, de Pologne et de Lituanie comptait 30 000 membres”.
Minczeles s’attarde notamment sur la période de la Révolution et de la guerre. La position idéologique du Bund est décriée tant par les sionistes que par les socialistes russes. Lénine lui-même consacre une série d’articles à la question, sous le titre “Le prolétariat juif a-t-il besoin d’un parti politique indépendant ?” Sa réponse est sans équivoque : “tout séparatisme juif est une forme de nationalisme réactionnaire”. Avec une ironie mordante, Plekhanov dit la même chose : “Les bundistes sont des sionistes qui ont le mal de mer”. Face à ces attaques, le Bund maintient sa position envers et contre tous, revendiquant sa position de représentant du prolétariat juif au sein du parti ouvrier social-démocrate de Russie.
L’Histoire avec sa grande hache n’a pas épargné le Bund. Comme le relatait l’ancien ministre israélien de la Défense Moshé Arens, dans son livre consacré au ghetto de Varsovie, “les partisans du Bund plaçaient leurs espoirs dans leurs camarades socialistes polonais, en escomptant qu’un jour tout s’arrangerait dans la future Pologne socialiste. Alors que les partis sionistes pressaient les Juifs de quitter le pays pour immigrer en Palestine, le Bund lança un appel au Doïkayt (“vivre ici et maintenant”).Sur ce point comme sur d’autres, l’attitude du Bund (et des autres mouvements non sionistes) s’avéra suicidaire.
Il est bien entendu facile de “réécrire” l’histoire quand on en connaît la fin. Mais il n’en demeure pas moins que le choix des militants bundistes fut une erreur tragique, erreur qui se perpétua jusque dans la Pologne de l’après-guerre. En effet, relate Minczeles à la fin de son livre, les accusations de crime rituel et les pogroms se multiplièrent en 1946. Le tristement fameux pogrom de Kielce ne fut pas le seul, les actes antijuifs se multipliant à travers toute la Pologne, contraignant le Bund à reformer des groupes d’autodéfense, comme dans la Russie tsariste. C’est ainsi que fut écrit, dans le sang et les larmes, l’ultime chapitre de l’histoire de ce mouvement juif révolutionnaire qui avait cru en un monde meilleur…
À LFI, la démocratie interne, Jean-Luc Mélenchon ne connait pas! Si on ajoute à ce constat son refus du jeu électoral et ses appels répétés au soulèvement populaire, on peut se demander pourquoi les journalistes continuent à faire preuve d’une telle indulgence envers lui.
Il paraît qu’on entre dans une nouvelle ère et qu’on va manger chaud – enfin, justement pas. Que c’en est fini de cette abondance dont tant de gens n’avaient pas conscience, les nigauds. Heureusement, dans ce tourbillon de nouveautés déprimantes, certaines choses ne changent pas. Nous avons eu notre pitance d’âneries proférées par Sandrine Rousseau dans son combat contre le mâle blanc, coupable de tous les maux de l’humanité (et surtout de la planète) depuis le Paléolithique. En plus d’avoir inventé le colonialisme, le racisme, la transphobie, la machine à vapeur et la civilisation, ce salaud se réserve la cuisson des côtelettes au barbecue, activité érigée en symbole de virilité. Je n’ai toujours pas compris en quoi il est condamnable d’afficher sa virilité quand des femmes de ma connaissance dépensent des sommes folles pour upgrader leur féminité. Mais je m’égare.
Autre manifestation d’immuabilité, la rengaine entonnée par les gramophones « progressistes » dès que quelque chose leur déplaît : c’est l’extrême droite !, ce qui pour eux, est synonyme de facho. Du reste, on me pardonnera de prendre quelques libertés avec la science politique pour employer les termes (extrême droite/facho/populiste) comme ils le sont dans le débat public, c’est-à-dire sans la moindre rigueur. D’un côté, les salauds, de l’autre les gens fréquentables et les ânes sont bien gardés. On se moque du Planning familial et de son « homme enceint » : l’extrême droite ! On critique Éric Dupond-Moretti pour les amusettes télévisées de Fresnes : l’extrême droite ! Des twittos se payent la tête de l’aimable Sandrine : l’extrême droite, vous dis-je ! Extrême droitus, extrême droita, extrême droitum !
Le Premier ministre ne déroge pas à la règle. Interrogée par Le Parisien sur la respectabilité nouvelle du RN à l’Assemblée (alors qu’on sait bien que, le soir, ils chantent des chants nazis), elle répond : « Avec ou sans cravate, l’extrême droite reste l’extrême droite. » Le même jour, les macronistas Olivia Grégoire et Marlène Schiappa (ainsi que Rachida Dati) se précipitaient à Valence pour dialoguer avec les Insoumis. « Je vous respecte ! » lançait Schiappa aux groupies mélenchonistes. Imaginez le concert de bécasses et bécassons outrés si elle déclarait la même chose au congrès du RN ! Bien sûr, cela n’arrivera pas, car aucun élu ou ministre ne se commettra chez les nauséabonds.
Sauf que les fachos ne sont pas là où on le croit. Aujourd’hui, celui qui coche toutes les cases s’appelle Jean-Luc Mélenchon.
Contrairement à ce que croit Mme Borne, l’extrême droite c’est aussi et peut-être d’abord une affaire de style. Il peut appeler ça le bruit et la fureur pour faire chic, mais Mélenchon pratique abondamment l’éructation, l’invective, la disqualification de l’adversaire, la bouc-émissarisation (des riches). Comme méthode de gouvernement, le mélenchonisme, c’est la loi du chef plus le culte de la personnalité. Ne pouvant pas, heureusement, l’appliquer à la France, il fait régner la terreur dans son parti, qu’il se vante de diriger à coups de téléphone portable. À LFI, la démocratie interne, connais pas !, au point que même Clémentine Autain semble en avoir ras-la-casquette des oukases et foucades du chef. Au chapitre théorique, si on peut dire, il y a la haine du capitalisme, largement surjouée par nos amateurs de Grand Soir au petit pied. N’oublions pas que, douze ans après avoir tonné « celui qui ne veut pas rompre avec le capitalisme n’a pas sa place au Parti socialiste », Mitterrand, Dieu-le-Père du Panthéon mélenchonien, prenait le tournant de la rigueur. En réalité, chez Mélenchon, cet anticapitalisme d’opérette cache surtout une haine de la liberté. Il rêve de surveiller et punir : les patrons, les pollueurs, les policiers et beaucoup d’autres à l’exception des voyous. La violence qui débecte les Insoumis, c’est celle des forces de l’ordre, seules légitimes à l’exercer. Le délirant « la police tue » de notre petit Timonier m’avait fait penser à ce texte où Pasolini lance aux jeunes contestataires des années 1970, très fiers d’affronter la police fasciste, que les enfants du peuple sont du côté des uniformes. J’ajouterai à l’attention des rebellocrates d’aujourd’hui que les vrais fachos se trouvent dans leurs rangs.
Encore plus caractéristique des régimes fascistoïdes, le refus du jeu électoral, en tout cas quand ils perdent. À Valence, Mélenchon n’a cessé de brailler qu’il avait gagné les législatives, comme il prétend avoir gagné la présidentielle. Il sait que c’est faux, enfin on le suppose. Peu importe, il aurait dû. Donc, il a le droit de débiter en tranches cet énorme mensonge. Et pour réparer le scandale des urnes, il appelle le peuple à prendre le pouvoir dans la rue – vraiment ça ne vous rappelle rien ? D’accord, il n’a aucune chance d’y parvenir. N’empêche, l’entendre hurler au soulèvement et dénoncer les profiteurs, ça fait peur aux enfants, et pas qu’à eux. Enfin, je passerai charitablement sur l’antisémitisme dont je ne crois pas que Mélenchon et les autres soient directement coupables. Ils se contentent de regarder ailleurs pour ne pas voir celui qui sévit chez certains de leurs électeurs, voire à l’occasion de le flatter en cognant sur Israël, éternel objet de leur ressentiment quand maintes dictatures trouvent grâce à leurs yeux. Sans parler de leurs risettes au déplorable Corbyn.
Le mystère, c’est que la plupart des journalistes continuent à faire preuve envers Mélenchon d’une indulgence énamourée, teintée d’admiration pour l’immense stratège qu’ils voient en lui. Jamais ils ne lui rappellent ses sorties de routes, ses mensonges ou ses déboires judiciaires. À en croire un confrère qui a un temps couvert LFI, même les journalistes ont peur de ce grand démocrate. On se demande pourquoi.
[1] Soyons honnête, le pouvoir personnel, c’est aussi vrai au RN et ça le serait sans doute à LR s’ils avaient un chef…
« Se déplacer en char à voile » : la blague de l’entraîneur Christophe Galtier permet à un tas de journalistes et politiques vertueux de montrer leur belle âme depuis 24 heures. Un billet de Céline Pina.
Des affreux, qui se moquent éperdument de voir la planète brûler et contribuent à son agonie en se déplaçant en jet privé par pur caprice ! Voilà comment une partie des politiques et de la presse font des gorges chaudes de la réaction de l’entraîneur du PSG, Christophe Galtier et de Kylian Mbappé quand un journaliste leur fait part de la proposition du directeur de TGV-Intercités, Alain Krakovitch, d’organiser leurs déplacements en train.
Leçons de morale
Il faut reconnaître que les gloussements de pré-ado de Kylian Mbappé, comme l’ironie arrogante dont a fait preuve l’entraîneur, n’ont pas servi leur cause. Mais sur le fond, on a peine à penser que la SNCF, qui sait à peine gérer les départs en vacances sans que les gares ne se transforment en gigantesque capharnaüm, serait capable de gérer la quasi-émeute que ne manquerait pas de déclencher le passage des stars du PSG. On imagine le coût qu’entraînerait la sécurisation des voies, des quais comme des trains, la quantité de personnel mobilisé, la quantité de forces de sécurité nécessaires, les aménagements et les contrôles à réaliser. Il n’est pas sûr qu’à la fin le remède ne soit pas pire que le mal.
Certes, le joueur et son coach auraient peut-être gagné à expliquer les contraintes, risques et coûts qu’impliquerait le choix de ce mode de déplacement plutôt que de faire le choix du mépris et de l’ironie déplacée. Mais, il faut bien reconnaître que toutes ces leçons de morale qui ne s’embarrassent pas d’une réflexion minimale sur la réalité des conditions matérielles de déplacement sont pénibles. D’autant que nous avons déjà eu droit à la même comédie où pour exhiber sa vertu, il ne faut pas hésiter à s’exonérer du réel. Rappelez-vous, c’était lors de l’élection de François Hollande. Celui-ci avait annoncé que son gouvernement ne se déplacerait qu’en train. Sauf que les impératifs de protection du gouvernement avaient tellement renchéri et compliqué les déplacements que cette promesse purement démagogique ne fut évidemment jamais tenue !
On peut aussi s’indigner sur autre chose…
Et pourtant, il y a de quoi s’indigner réellement au sujet du football.
La Coupe du monde au Qatar est une honte, et on ne peut qu’être sidéré par tous ces gens prêts à fermer les yeux sur les 7000 ouvriers qui sont morts à cause de conditions de travail proches de l’esclavagisme pour construire des stades où viendront s’installer quelques privilégiés. Mais visiblement cela ne devrait pas gâcher la « fête du football ». On pourrait aussi s’étrangler d’indignation en voyant que le PSG est entre les mains des Qataris. Ceux-ci sont les financiers des Frères musulmans, le mouvement islamiste allié des nazis en leur temps et qui n’a pas renié ses fondamentaux totalitaires. Des Qataris qui jouent un rôle plus que trouble dans le financement du terrorisme international. Mais que vaut le sang versé face aux nouveaux jeux du cirque que représente le football ? Visiblement, pas grand chose.
Certaines de nos grandes consciences se consolent vite des violences qu’elles connaissent pourtant parfaitement et gageons qu’elles twitteront avec enthousiasme les résultats des matchs de ce Mondial de la honte… Pourtant, là, l’indignation aurait le mérite de s’appuyer sur la connaissance des réalités et l’analyse des faits.
Huit jours après le lancement de leur offensive dans la région de Kherson, malgré la rareté des informations disponibles, le cumul d’éléments rendus public par différents acteurs des deux parties permet d’avancer que le bilan des forces ukrainiennes est positif.
Les forces russes résistent, mais les Ukrainiens arrivent à avancer notamment dans leur effort lancé au sud de Kryvyï Rih. Dans ce secteur au Nord Est de Kherson, les forces ukrainiennes pourraient prochainement couper en deux les forces russes opérant sur la rive droite du Dniepr.
S’appuyant sur plusieurs vidéos diffusées sur les médias sociaux (notamment les images d’un soldat en train de hisser le drapeau ukrainien sur le toit de l’hôpital de la ville), les chercheurs de l’ISW (Institut for the Study of War, un think-tank américain dirigé par l’historien militaire Kimberly Kagan) avancent que les forces ukrainiennes ont pris la ville de Vysokopillya le dimanche 4 septembre. Autres indications de l’avance des forces ukrainiennes : les forces russes avaient lancé des frappes aériennes sur Bezimenne et Sukhyi Stavok, deux villages à environ six et dix kilomètres au sud-est de la tête de pont ukrainienne sur la rivière Inhulets (qui rejoint le Dniepr quelques 30 km à l’est de la ville de Kherson). Cela veut dire que ces deux villages sont soit disputés soit pris par les Ukrainiens. Des images géolocalisées et des informations rendues publiques par des blogueurs russes spécialisés dans les questions militaires indiquent que des combats faisaient rage ces derniers jours autour de Kostromka (un village situé entre Bezimenne et Sukhyi Stavok). On peut en tirer prudemment la conclusion que les forces ukrainiennes ont progressé dans ce secteur. Autre indice de l’avance de l’offensive : les forces ukrainiennes ont capturé un système russe EW (guerre électronique) dont la mission est de perturber et empêcher l’utilisation des drones. Ce genre de matériel se trouve normalement derrière les lignes de contact, et il aurait été impossible de le capturer sans percer les défenses russes. La destruction des batteries de défense aérienne dans la région par des munitions HARM (missile rapide contre émissions) de production américaine facilite l’utilisation des drones et avions de chasse ukrainiens, et des vidéos de frappes menées dans la région par des Bayraktar témoignent d’une plus grande liberté d’action de ces systèmes qui ont beaucoup souffert ces deniers mois de l’efficacité croissante des contre-mesures russes.
September 5 sitrep:
— Ukraine widens Kherson offensive; — Zelenskyy hints at more fronts; — Russia strikes Ukrainian fuel supply; — New tank repair plants commissioned in Russia; — UK expands Ukrainian soldier training programhttps://t.co/ypJkP050Ykpic.twitter.com/AaixCQc9F2
L’armée ukrainienne continue également à cibler les lignes de communication terrestres (notamment les ponts et pontons sur le Dniepr et l’Inhulets), les dépôts de munitions et centres de commandement russes dans le centre de la région de Kherson. Des images géolocalisées ont montré des convois militaires russes attendant de traverser le fleuve Dniepr depuis la rive gauche (est/sud), ce qui semble indiquer que la stratégie ukrainienne visant à asphyxier les Russes opérant sur la rive droite du Dniepr porte ses fruits. Ces longues queues de camions et véhicules blindés sont aussi autant de cibles pour l’artillerie longue portée, les partisans et l’aviation (avec et sans pilote) de l’Ukraine.
Les forces russes continuent de prendre des mesures pour rétablir des passages sur les rivières et maintenir leurs lignes de communication. Des vidéos postées par le responsable russe de la région de Kherson montrent un ponton construit le long du pont d’Antonivka, endommagé par des frappes ukrainiennes. Des images satellite ont également montré trois pontons et ferries russes en activité à l’ouest de Nova Kakhovka, un autre endroit où le pont a été endommagé par les forces ukrainiennes.
Les blogueurs russes expliquent que les forces russes défendant Kherson créent des « zones de mort », permettant aux forces ukrainiennes d’avancer près de la tête de pont, avant de les éliminer par des tirs de l’artillerie. Ces affirmations circulent depuis le début de l’offensive ukrainienne avec parfois des chiffres de pertes en hommes (on parle de 1200 tués ukrainiens) et en matériel. Aucune information ne vient corroborer pour l’instant une telle hécatombe ukrainienne et l’unité supposée mise hors d’état de combattre – la 128e brigade d’assaut de montagne – continue, selon des vidéos géolocalisées postées d’avancer. En revanche, l’ensemble des informations laissent pourtant croire que sur certains points les forces ukrainiennes avancent lentement et surtout maintiennent la pression sur leurs adversaires avec comme objectif d’accroitre les difficultés logistiques russes.
Ainsi, le moins qu’on puisse dire est que l’offensive ukrainienne n’a pas été mise en échec, que les forces de Kiev n’ont subi ni catastrophe ni revers importants. Une semaine après le lancement de l’opération, l’Ukraine maintient toujours l’initiative (les Russes réagissent) et semble avoir les moyens pour continuer sa pression en attendant les effets de la fatigue, de l’usure et les problèmes logistiques des forces russes. Il est bien entendu impossible d’affirmer que « tout se passe selon le plan initial ». Et on peut même parier que ce n’est pas le cas (ce genre d’opérations militaires si compliquées se déroulant rarement selon le plan prévu), mais la logique derrière reste aussi intacte qu’implacable : les forces russes sur la rive droite du Dniepr sont adossées à un formidable obstacle (le fleuve) avec peu de points de passages, et l’Ukraine a les moyens pour bien exploiter cette faiblesse stratégique.
Quand je vous ai vu écroulé de rire après la vanne pitoyable de Galtier sur le retour du PSG de Nantes en jet privé, « on va quand même pas faire ça en char à voile », finalement, ce qui couvait depuis quelques mois a explosé. J’ai piqué une colère.
Rigolez, mon grand, rigolez. C’est d’autant plus dommage que d’habitude, vous êtes très loin d’être antipathique et qu’en plus vous êtes un grand footballeur. Je veux juste vous informer d’un truc qui j’espère vous fera rigoler aussi. Après tout, le monde est si drôle quand on vit dans un univers parallèle où, entre le pognon et le spectacle permanent, on a l’impression d’être des dieux : on appelle ça l’hubris, on peut aussi appeler ça, plus simplement, un manque de décence. Ça vous fera peut-être moins rigoler quand je ne serai plus tout seul dans mon petit costume à le dire mais qu’on va commencer à être beaucoup, notamment et surtout chez les amateurs de foot.
J’ai dû regarder avec passion toutes les Coupes du monde depuis 1978, même si pour celle-là, dans l’Argentine de Videla et du plan Condor, mon père déjà, paix à son âme, l’avait suivie d’un œil plutôt amer… Je me souviens encore de l’angoisse du staff de l’équipe de France et des médias parce que ce punk de Rocheteau avait parlé de déployer une banderole contre les galonnés tortionnaires qui assistaient au match d’ouverture France-Italie. Rocheteau avait renoncé, mais lui, au moins, il avait essayé.
Donc, vous allez jouer au Qatar. Les estimations basses disent que sept mille travailleurs philippins sont morts dans la construction des stades. Gaffe quand même à ne pas vous faire un claquage en évitant les ossements sous les pelouses.
Vous n’aurez pas trop chaud, les stades ouverts seront climatisés à 22-°24° alors qu’il fera 40° dehors. J’espère que ceux qui regarderont vos matchs à la télé chez eux pourront voir vos exploits sans coupure de courant et en mettant trois ou quatre petites laines. Oh ! vous n’êtes pas tout seul au bal des hypocrites, vous ne battrez jamais Daikin, le leader de la climatisation. Il va rafraichir les stades et prendre l’oseille, mais il ne veut pas que son nom apparaisse dans les pubs. Hypocrites et, tout de même, accessibles à la honte ou à la peur de perdre des clients!
On dit que Constantinople, à la veille de sa chute, discutait du sexe des anges. On dira de notre civilisation que juste avant l’effondrement, elle jouait au football dans un charnier climatisé, pour faire plaisir à des dictateurs islamistes richissimes. Les dictateurs islamistes pauvres, eux, on les bombarde et les islamistes de chez nous, on a tendance à vouloir les confondre avec tous les musulmans, mais c’est une autre histoire… Donc je ne vous regarderai pas, Kylian, ni aucune autre équipe et même, quand la France jouera – je souhaite qu’elle aille le plus loin possible, ce sera peut-être une chance que certains prennent conscience de l’horreur -, j’irai au cinéma ou je me repasserai « Coup de tête », de Jean-Jacques Annaud, avec Patrick Dewaere, un sacré film sur l’instrumentalisation du foot. Je me permets de vous le conseiller. Allez, j’arrête là et comme on dit, que la fête commence! Enfin, plutôt, que votre fête commence.
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Macron ne comprend rien à la France. Le pourquoi de cette incompréhension nous est expliqué par Marcel Gauchet, philosophe, historien et fin observateur de la vie politique, dans un grand entretien avec Elisabeth Lévy et Jonathan Siksou. Les macronistes, surdiplômés, répètent les leçons qu’ils ont apprises dans les grandes écoles et qui les emprisonnent dans une bulle d’irréalité. Le résultat est un divorce entre, d’un côté, les élites qui ont répudié le cadre national et, de l’autre, un peuple atomisé – d’où la crise sans fin que vit la France.
À la crise politique de notre époque correspond une crise esthétique. Notre monde s’enlaidit. C’est le sujet de notre dossier, présenté par Elisabeth Lévy et Jonathan Siksou qui constatent que, partout en France, la laideur gagne du terrain, non seulement dans nos villes et nos campagnes, mais dans toutes les composantes de nos vies, de la langue à la mode, de la publicité à l’art. Au nom de l’inclusivité, de l’égalitarisme et du fonctionnalisme, nous avons banni la beauté. Pour Alain Finkielkraut, se confiant à Jonathan Siksou, l’enlaidissement du monde est accéléré par une dévaluation généralisée du regard et du savoir : au nom du relativisme général, plus rien n’est beau. L’historien Pierre Vermeren nous propose un abécédaire de la laideur contemporaine, de A comme antenne-relais à Z comme zone industrielle. Pour Renaud Camus, la profusion signalétique est un des facteurs les plus agissants de l’enlaidissement de l’espace sensible : faut-il y voir encore une manifestation du terrible « remplacisme global », le remplacement de tout par son signe, son nom, son double, sa contre-façon ? Publicitaire, Pierre Berville analyse la tendance actuelle de la publicité consistant à imposer les défauts de l’ordinaire : au lieu de nous faire rêver, elle nous tend un miroir. Blanche de Mérimée défend la minceur contre ceux qui l’accuse de représenter un « idéal de beauté suprémaciste blanc ». Et Philippe Bilger voit dans la beauté, outre sa part de subjectivité, des critères culturels transmis de génération en génération.
Dans son éditorial de septembre, Elisabeth Lévy nous révèle que les fachos ne sont pas là où l’on croit. « Aujourd’hui, celui qui coche toutes les cases s’appelle Jean-Luc Mélenchon. »
Il se proclame le grand vainqueur des élections quand il perd ; il rêve de punir les patrons, les pollueurs et les policiers – mais pas les voyous ; et il bénéficie d’une indulgence imméritée de la part des médias. Céline Pina analyse les réactions en France qui ont suivi la tentative d’assassinat de Salman Rushdie et trouve qu’elles montrent une fois de plus qu’on a du mal à nommer le mal islamiste. Quant aux « représentants officiels » de la communauté musulmane, ils ont brillé par leur silence. Pourquoi Jean-Luc Mélenchon et LFI flattent-ils l’islam ? L’Observatoire de l’immigration et de la démographie explique, chiffres et cartes à l’appui, que c’est une pure stratégie électoraliste, l’islam étant la principale religion des immigrés. Ce pari, gagnant dans les urnes pour le leader d’extrême gauche, est une bombe pour la France de demain. Pour Olivier Marleix, député d’Eure-et-Loir et président du groupe LR à l’Assemblée nationale, l’échec des Républicains est la conséquence notamment de leur incapacité à répondre à la mondialisation. Mais il m’explique comment, dans la nouvelle configuration parlementaire, entre le RN et la Macronie, ils peuvent incarner une opposition crédible en contraignant la politique du gouvernement dans le bon sens. Pourquoi de nombreux secteurs connaissent aujourd’hui une pénurie de main-d’œuvre ? Selon les analyses du pôle Corporate et Climat social de l’IFOP, dont le directeur Romain Bendavid se confie à Gil Mihaely, c’est parce que les Français privilégient désormais leur qualité de vie à leur carrière professionnelle et n’ont plus peur de démissionner. L’Allemagne n’est plus le moteur économique de l’Europe, selon Jean-Luc Gréau. Déficit commercial, abandon du nucléaire et dépendance au gaz russe plongent nos voisins dans un marasme qu’ils n’ont pas connu depuis longtemps. Le 5 septembre 1972, 11 athlètes israéliens étaient assassinés lors des JO de Munich. Cinquante ans après, les Palestiniens, toujours instrumentalisés par les bonnes âmes, n’ont pas renoncé au terrorisme. Marc Benveniste nous rappelle que, pour arriver à la paix, André Chouraqui (1917-2007) avait proposé d’unir les territoires et de séparer les peuples. Une voie encore inexplorée.
Notre rubrique « Culture et humeurs » commence par la mort. Évoquant sa rébellion paisible, sa nostalgie douce, sa tendre férocité, Frédéric Ferney rend hommage à Sempé, décédé cet été à 89 ans. Alors qu’une proposition de loi anti-corrida se prépare, menaçant de mort la tauromachie en France, Yannis Ezziadi imagine ce que l’interdiction de cet art signifierait sentimentalement, culturellement et socialement pour les aficionados qui peuplent une partie du sud du pays. Elisabeth Lévy et Martin Pimentel ont rencontré Christine Kelly, la journaliste star de CNews, ancienne membre du CSA. Son dernier essai, Libertés sans expression, qui prend la forme d’une autobiographie, fait une large place aux thèmes de l’identité et de la liberté d’expression. Jérôme Leroy salue la publication d’un volume rassemblant l’essentiel des écrits de Jean-René Huguenin, disparu à 26 ans en 1962, qui donne à ce classique souterrain de la littérature française sa véritable dimension. Pour s’élever intellectuellement et triompher de soi-même, Elisabeth Lévy nous recommande la lecture de L’Art du triomphe, de Jean-Sébastien Hongre et Luis de Miranda. Un projet de démolition-reconstruction menace la synagogue Copernic, unique exemple à Paris de lieu de culte Art déco, déchaînant les passions. Jonathan Siksou nous explique que, derrière cette polémique patrimoniale, se trouvent deux visions opposées de la vie cultuelle juive. Jean Chauvet nous recommande de préférer les classiques de Douglas Sirk, réédités actuellement en salle, à la production contemporaine, et Marsault nous donne des conseils pour accentuer notre charme personnel.
Décidément, dans le désert de laideur qu’est le monde d’aujourd’hui, Causeur reste une oasis de beauté.
L’État juif est une auberge espagnole : on y trouve des citoyens juifs religieux, des Juifs qui sont athées et des citoyens qui ne sont pas juifs. Parmi ces derniers, Fidaa Kiwan est une antisioniste virulente. Ce n’est pas de l’humour juif, c’est de l’idéologie. Quand elle vivait à Haïfa, où elle possédait un café, cette citoyenne avait refusé de servir un soldat portant l’uniforme de son pays. En France, elle aurait été sanctionnée au titre de l’article L121-11 du Code de la consommation : « Est interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime [1] ». En Israël, elle est devenue célèbre. Malgré BDS [2], le passeport israélien n’est pas boycotté, même aux Émirats arabes unis et même quand sa titulaire n’éprouve qu’aversion pour les autorités qui le lui ont délivré. Fidaa Kiwan y est donc partie en vacances en mars 2021, à l’invitation d’une sienne connaissance palestinienne, a-t-elle déclaré. En fait d’invitation, il semble que son « ami » Yassin Ibrahim Nagiar l’avait embauchée comme courtière en cocaïne, pour un salaire mensuel équivalant à 14 500€ [3]. Autant dire que dans ces circonstances, la commerçante ne pratiquerait le refus de vente vis-à-vis d’aucun chaland, fût-il un cosmonaute en kippa.
Les droits de l’homme universels ne plaisent pas à tous les dieux
On peut difficilement être plus éloigné de la démocratie israélienne que les Émirats. Outre une application assez littérale de la charia [4], ils s’honorent d’une législation sur le trafic de drogue qui est l’une des plus sévères au monde. Fidaa sur sa tête avait un pot de cocaïne. Un flic infiltré s’est fait passer pour un client et hop ! Flagrant délit. Adieu, veau, vaches… Cochon c’était déjà fait : le pays est strictement halal. Israël est un État de droit : il a donc tenté de sortir sa citoyenne des geôles aboudabiennes. Celle-ci s’y est opposée : ses convictions politiques lui interdisaient de devoir quoique ce soit à la racaille sioniste. La sanction est tombée en mai 2022 : peine capitale. Mourir pour ses idées, d’accord, mais de mort len-en-te… l’idéologue s’est finalement jetée à genoux devant l’État juif pour ne pas mourir debout, égorgée par les soldats d’Allah. Elle a consenti à ce que les Israéliens et leur ministre de la Coopération régionale arabe, Essawi Freij, interviennent auprès du gouvernement émirati pour lui sauver la mise. Fin juin 2022, la peine de mort de la citoyenne israélienne antisioniste a été commuée en une perpétuité de 25 ans minimum. On ne sait pas quel rôle la diplomatie a joué dans cette mansuétude, mais on peut imaginer qu’elle a pesé de tout le poids des Accords d’Abraham. En août, la cour d’appel de Dubaï a statué que tous les recours étaient désormais forclos. Que croyez-vous qu’il arriva ? C’est Israël que la famille de la trafiquante accusa de n’en avoir pas fait assez pour la sauver [5]. Par apartheid : what else ?
Netflix contre Zemmour: le wokisme de salon plus fort que le souverainisme hémiplégique. Une analyse d’Olivier Jouis
Place du Trocadéro, 27 mars 2022, ce devait être le point d’orgue d’une campagne marathon au cours de laquelle Éric Zemmour avait sillonné toute la France. Conçu comme une démonstration de force à l’intention des électeurs encore hésitants, ce rassemblement impressionnant fera néanmoins un bide auprès des médias et sonnera le tocsin de la vague Reconquête.
A moins de cinq semaines du premier tour de l’élection présidentielle, la presse, aux aguets, scrutait le moindre faux pas. Elle ne retiendra que les quelques secondes d’une séquence maladroite et fort regrettable, dont elle fera ses choux gras. « Macron assassin », scandé à plusieurs reprises par une partie du public. Éric Zemmour, mi-amusé, mi-goguenard, prétendra ne pas avoir entendu depuis le pupitre où il s’exprimait.
14 ans plus tôt, autre campagne, autre lieu, John McCain, pugnace candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de 2008, eut lui, l’instinct de contredire sur le champ et sans détour, les propos désobligeants de l’une de ses partisanes à l’endroit de son adversaire démocrate, Barack Obama.
Mauvaise foi ou surdité passagère, ces quelques secondes d’égarement, qui auraient pu, au contraire, faire rentrer Éric Zemmour dans le costume présidentiel, s’il avait eu le réflexe de « demander de vous arrêter » à quelques brebis égarées, ont instillé le doute dans mon soutien, pourtant indéfectible jusqu’à cet épisode malheureux. Macron était un adversaire à combattre, un Narcisse à renvoyer dans les bras de maman, un Thénardier bradeur de France, un agent illuminé et zélé du wokisme, un obligé des grandes fortunes… mais en aucun cas un assassin. L’affrontement politique, même rude, n’interdit pas la retenue ni l’usage d’une certaine urbanité républicaine. Un dérapage c’est sûr, une absence peut être. Mais assurément, un rendez-vous manqué entre Éric Zemmour et son destin.
À gauche, les soutiens de Montebourg mal à l’aise sur les OQTF
Trois mois plus tôt, le 7 décembre 2021, à Villepinte, Éric Zemmour frappe très fort pour son premier meeting de campagne. On s’était habitué à la figure familière du brillant polémiste qui n’avait peur de croiser le fer avec personne mais on ne savait pas que, derrière le journaliste se cachait aussi un brillant orateur, capable de galvaniser les foules. L’homme de droite fait un discours rassembleur et suscite l’intérêt au-delà de son camp, chez certains souverainistes de l’Autre Rive, chez les républicains de gauche.
Face à la pauvreté de l’offre politique de ce début de campagne présidentielle, il apparaît comme un recours possible. A gauche, Arnaud Montebourg venait de jeter l’éponge, crucifié par ses « amis » qui rendent inaudibles ses propositions sur l’exécution des OQTF, et plombent ses sondages, malgré un début de campagne courageux et combatif. Quant au PS, à peine sa candidate désignée que celle-ci était déjà contestée par l’hypothèse Christiane Taubira. A droite, Marine Le Pen fait campagne dans son salon en soignant ses chats tandis que les primaires LR accouchent d’une Valérie Pécresse ni charismatique ni assez rassembleuse pour le rôle qu’elle ambitionne. Macron, sur son Olympe, contemple le jeu politique, persuadé d’enjamber allègrement cette contingence démocratique dans son agenda.
Surprise politique de cette fin d’année 2021, « Reconquête » affole les sondeurs qui placent régulièrement Éric Zemmour sur les marches du podium des finalistes de cette présidentielle, parfois même au second tour. Les militants et les dons affluent de manière spectaculaire et le cap des 100 000 adhérents est dépassé fin janvier. « Reconquête » est jeune et bien doté financièrement tandis qu’en creux, le RN et ses dettes, qu’il peine à rembourser auprès des banques russes, fait pâle figure.
Les meetings, scénarisés au millimètre, s’enchaînent à un rythme effréné, parfois plusieurs par semaine, aux quatre coins du pays. Éric Zemmour est sur tous les fronts médiatiques, les journaux, les matinales et les télés en continu s’arrachent ce « bon client », jamais avare d’une punchline bien sentie, et toujours volontaire pour un débat. Des porte-paroles sont désignés pour prendre le relai de la pensée zemmourienne et répondre aux multiples sollicitations : Philippe de Villiers, un temps hésitant car ancien grand brûlé du macronisme, rejoint finalement la campagne avec un enthousiasme de jeune homme, tandis que Jean Messiha, parti avec fracas du RN quelques mois plus tôt, investit les plateaux des émissions de divertissement pour croiser le fer, avec courage et gourmandise, avec les Belattar de tout poil.
La stratégie « gagnante » de Marine Le Pen
Face à la drague à peine voilée de « Reconquête » auprès des élus RN, Marine Le Pen sort de sa torpeur et sort ses griffes : elle menace d’excommunier tous les félons qui seraient tentés de quitter le navire, en leur rappelant le sort d’intouchables proscrits auxquels les mégrétistes furent condamnés, il y a 20 ans. Cela n’impressionne ni Gilbert Collard, ni Nicolas Bay qui larguent les amarres. Quant aux LR, sidérés par le culot de l’ancien journaliste qui ne connaît aucune retenue, ils assistent muets et prostrés au braconnage sans ménagement de leurs terres électorales. Guillaume Peltier, déjà vieux routard de la droite mais jeune vice-président du parti héritier du gaullisme, franchit le Rubicon et déclare sa flamme à « Reconquête ». Des messages de sympathie discrets sont envoyés par des députés LR, inquiets pour leur propre sort aux futures élections législatives. Malgré tous ses efforts, Peltier ne ramènera aucun poids lourd LR dans ses filets. L’union des droites, théorisée par Éric Zemmour, commence donc modestement car la digue instituée par François Mitterrand et consolidée par Jacques Chirac, tient toujours bon. Les castors ont de la ressource.
Depuis 30 ans qu’il pratique les leaders politiques, Éric Zemmour les connaît tous personnellement. Il a accouché les esprits, il connaît les arrière-cuisines de la droite et de la gauche, ce qu’ils pensent tous vraiment de la situation du pays, dans le secret du confessionnal des off, des confidences et des petits secrets distillés à l’oreille du talentueux journaliste politique du Figaro.
Fin connaisseur de la droite française et admirateur de Mitterrand (pour lequel il reconnaît avoir voté en 1981), Éric Zemmour s’est fixé une mission : il sera l’homme qui réunira la droite, toutes les droites. Non seulement les deux pôles bonapartiste et orléaniste, déjà réunis sous la bannière de l’UMP depuis 2002, mais également en abolissant le cordon sanitaire tenu fermement par Chirac, c’est-à-dire en tendant la main au RN. Ce projet d’union des droites, qui n’était que périphérique au début de sa campagne, deviendra progressivement central dans tous ses discours, à partir du mois de février. Ce sera sa boussole, ce sera son mantra qu’il martèlera à chacune de ses interventions. Pure tactique politique, l’union des droites, se confondra progressivement avec l’offre politique pour fusionner et ne bientôt plus faire qu’un. L’électeur reste dubitatif car il attend des solutions tangibles à ses problèmes : l’union des droites, c’est peut-être une bonne stratégie mais est-ce suffisant pour boucler la fin du mois?
Invité à assister au meeting de Chambéry, le 25 février, j’alerte Éric Zemmour sur le vide que la tactique de l’union des droites risque de créer autour de lui. “Il faut envoyer des signaux aux souverainistes de l’autre rive sinon nous allons nous faire corneriser dans un coin de l’échiquier politique. On ne peut pas se dire patriote et être hémiplégique”. Il faut lancer des ponts et éviter de trop cliver. “D’accord avec toi, mais une partie de la gauche se cache encore derrière son petit doigt sur l’immigration. Nous leur parlerons, c’est nécessaire, mais pas avant le second tour” me répond-il. A moins de deux mois du premier tour, il se voyait déjà qualifié pour le second. Au lendemain de l’invasion de l’Ukraine, il me semblait que cet objectif était désormais hors de portée car le cygne noir russe, véritable surprise stratégique de cette élection présidentielle, venait de rebattre complètement la valeur de nos cartes dans cette campagne.
Sommé par les médias de se positionner sur ce conflit inattendu, Éric Zemmour refuse d’accueillir les réfugiés ukrainiens sur le sol français et semble les mettre au même plan que les migrants économiques venus d’Afrique. Mais si les Français sont majoritairement convaincus que l’immigration sans contrôle ni conditions de ces dernières décennies est à la source de nombreux problèmes, notamment sécuritaires, qui se posent aujourd’hui, ils ne peuvent néanmoins être insensibles aux conséquences humaines d’une vraie guerre qui a lieu sur le sol européen. On reprochera à Éric Zemmour son manque d’empathie et il persistera, mettant en avant sa cohérence. On ne défend pas les intérêts de la France, sur le long terme, en cédant à ses propres émotions immédiates. Certes, mais l’électeur est avant tout un être d’émotion et d’insoutenable légèreté, que la raison électorale ne peut ignorer.
Des clivages qui finissent par interpeler, y compris ses soutiens
Tel le bon élève appliqué et studieux qu’il fut, assis au premier rang, certain d’avoir raison contre les cancres et les maîtres-flatteurs de l’électeur, il continuera dans sa logique, au grand dam de ses conseillers politiques. Ils lui reprochent sinon un manque d’humanité face au tragique de l’Histoire du moins un manque de plasticité pour lui éviter la relégation près du radiateur, au fond de la classe, à bouder au milieu des quelques visionnaires qui ont eu raison avant tous, mais qui n’ont pas réussi à convaincre les électeurs sur le moment, à l’image d’un Chevènement, vingt années auparavant. Les commentateurs politiques interpréteront sa rigidité comme un soutien tacite à l’aventurisme poutinien, et ils s’empresseront de le faire glisser imperceptiblement dans la case extrême-droite de l’échiquier politique de cette élection présidentielle. Curieusement, il ne s’en défendra pas et semblera même s’en délecter, peut-être par esprit bravache mais probablement aussi parce qu’il est convaincu que cette étiquette d’extrême droite qu’on lui colle est désormais caduque dans l’esprit des Français.
Dans la même veine, le député RN Gilbert Collard, fraîchement rallié à « Reconquête », lui souffle à l’oreille que Marine Le Pen aurait fait sa mue et serait devenue une femme politique de gauche comme les autres, une version banlieue Ouest d’Arlette Laguiller, qu’on sort de la naphtaline une fois tous les cinq ans, pour les grand rendez-vous électoraux. Elle l’ignore elle-même encore, mais Éric Zemmour va la dessiller rapidement en lui offrant, sur un plateau, le positionnement “modéré” derrière lequel elle court depuis des années et qui va la propulser au second tour. Il y a donc un espace vacant à droite qu’il convient d’occuper, et Éric Zemmour va s’y employer en en faisant des tonnes pour le mériter, quitte à cliver franchement, quitte à faire douter une grande partie de ses sympathisants de la première heure, quitte à brouiller les signaux envoyés aux souverainistes issus de la gauche républicaine.
“Islam = islamisme”, pour de nombreux sympathisants l’équation ne semble pas digne d’Éric Zemmour. Le trait est bien trop épais pour le contradicteur érudit et subtil qu’il est à la ville. On se prend à douter de la stratégie suivie car la formule, sans nuance, interpelle. Elle aliène d’emblée tous les Français de confession musulmane qui auraient pu être séduits par le vote « Reconquête ». Pour d’autres, elle porte les germes de la division et potentiellement de la guerre civile. Qui souhaite vraiment soutenir cette équation devant ses propres amis d’enfance, ses collègues ou ses voisins musulmans? L’islam a bon dos. Certes, dans certains quartiers, la multiplication des commerces ethniques et des antennes paraboliques donnent souvent au visiteur l’impression de se sentir plus dans une wilaya du bled qu’en banlieue parisienne. Mais c’est plutôt la politique immigration incontrôlée qui y entasse des populations qui ne veulent pas s’assimiler qui ouvre la voie à l’islamisme. La ficelle prend l’épaisseur d’une corde. 6 millions de français de confession musulmane apporteront leur soutien à Jean-Luc Mélenchon au premier tour et aux législatives alors qu’Éric Zemmour leur tendait pourtant une main fraternelle au mois de décembre, lors de son discours de Villepinte.
Expatrié moi-même, et dans un pays aux traditions conservatrices, je sais ce que le respect des coutumes locales impose au résident que je suis, et que je respecte bien volontiers. Et c’est pour cette même raison que je mesure l’abîme qui sépare le reste du monde des pays européens, dits “ouverts et tolérants”, mais qui n’exigent rien des nouveaux arrivants. Ainsi, quand « Reconquête » m’a proposé l’investiture pour être candidat aux élections législatives, dans une circonscription des Français de l’Etranger, j’ai d’abord été honoré puis, saisi d’un doute. Serai-je capable de défendre toutes nos positions devant les électeurs de ma circonscription, dont certains binationaux sont de confession musulmane? Clairement, il m’est apparu qu’être candidat c’était m’exposer, à court terme, à la “corvée de bois” et, à long terme, à endosser le costume peu enviable de François Pignon de service dans les dîners.
J’ai accompagné Éric Zemmour dans son aventure politique et il restera pour moi celui qui a eu l’intuition, celui qui a osé dire, celui qui a voulu briser le consensus. Et cela emporte le reste, les maladresses, les erreurs et l’amertume de l’échec. Face à la pauvreté des offres politiques des autres candidats en lice, avec l’islamo-guévarisme surjoué de l’un, la paresse et l’indigence programmatique des autres, Éric Zemmour a su créer une dynamique intellectuelle rafraîchissante qui cassait les mythes ânonnés de façon péremptoire par une gauche hégémonique sur le plan des idées, depuis des décennies. Oser contester son magistère moral constituait en soi une démarche courageuse et donc une nourriture intellectuelle roborative pour moi.
Une autre déconstruction est possible
Certes Éric Zemmour n’est pas Jacques Derrida, mais sa démarche de déconstruction du dogme m’est apparu révolutionnaire en ces temps de conformisme woke. Elle questionne la validité d’une pensée normative, celle de la diversité-chance-pour-la-France, mantra exploité jusqu’à l’os par la gauche depuis 40 ans. La droite ne l’a jamais sérieusement contesté, terrorisée par l’idée de déplaire aux maîtres-censeurs du camp d’en-face. Mais l’équipement de la pensée zemmourienne serait insuffisant si on ne s’en tenait qu’à la contestation de l’idéologie du vivre-ensemble. Il propose également un réarmement conceptuel. Français de confession juive aux ancêtres berbères, cela fait de lui un avocat idéal pour défendre la conception républicaine de la citoyenneté. Quand il s’exprime, c’est le citoyen qui parle (« un homme sans étiquette » dirait Régis Debray). On ne voit que ce qu’il dit et on oublie d’où il vient, à l’image de tous ces “Français de sang mêlé » et néanmoins illustres qui font briller l’esprit français, ici et ailleurs. De Marc Chagall à François Cheng, de Romain Gary à Georges Charpak, de Charles Aznavour à MC Solaar…
Alors que la gauche essentialise et exalte les identités, en flattant les communautarismes, qu’ils soient d’origine ethnique, de sexe, d’orientation sexuelle ou de religion, Éric Zemmour parle de son amour inconditionnel pour la France. Alors qu’il fait l’éloge des devoirs du citoyen, la gauche se complait à flatter les minorités qui ne raisonnent plus qu’en termes de créances dont la société serait débitrice envers eux. En parlant plus aux communautés qu’au citoyen, elle encourage le ressentiment et les contentieux entre oppresseurs (qui s’ignorent) et victimes (professionnelles) quand Éric Zemmour rêve d’une société apaisée où chacun s’élève selon ses mérites et sans passe-droit. Tandis que la gauche rêve d’une rédemption de l’homme blanc hétérosexuel face à l’Autre, de préférence venu des rives sud de la méditerranée, que l’on accueille sans conditions (et qui n’en demandait pas tant), Éric Zemmour propose de restaurer la nation, de ne pas renier notre héritage et de redonner confiance à ceux qui doutent de la viabilité sans heurts de l’Arche de Noé que l’on nous propose en creux. Dans une démarche biblique (et bien peu laïque), qui rappelle la Cène, la gauche enjoint à la génuflexion excusatoire et expiatoire tandis qu’Éric Zemmour parle de ce qui fait la République, de la supériorité de l’intérêt général sur les intérêts particuliers, de l’assimilation des diversités, du refus de toute demande d’exonération, et enfin de porter un regard honnête sur notre Histoire.
Rétrospectivement, aucun candidat ne soutenait la comparaison avec le programme d’Éric Zemmour. Et on se dit quel dommage car il y avait assez de profondeur pour convaincre bien au-delà de son camp. Entre la République des singularités victimaires que nous promet la Nupes et la République du ruissellement et de l’entre-soi de Macron, il y aura toujours un espace pour refonder une République sociale et entrepreneuse, protectrice car confiante en ses propres forces, fraternelle car maître de son destin, patriote car fière de son histoire. Lendemain de défaite, honneur aux vaincus car ce fut pour une juste cause. La promesse de l’aube sera t’elle tenue? On peut en douter. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les thèmes inscrits à l’agenda politique de cette rentrée. Tous les ingrédients de l’ennuyeuse homélie pénitente wokiste, à peine dissimulée et directement importée d’Hollywood y figurent en bonne place : pèlerinage d’excuses repentantes à Alger, désignation d’un ambassadeur aux droits LGBT, publicité pour l’homme enceint au Planning familial, retour du débat sur le vote des étrangers… Pour les Français, le réveil post-élections a le gout pâteux de la gueule de bois car leur réalité percute la fiction : scotchés devant Netflix, en état d’hypnose dans leur salon, totalement maraboutés par les géniales séries américaines, ces dernières distillent un puissant parfum de militantisme benêt, dégoulinant de bons sentiments mais redoutablement efficace. Black Lives Matter, surenchères victimaires, segmentation des genres, compétition entre sexes, il semble que ce ne soit pas « Reconquête » qui ait perdu les élections, mais bien plus Netflix et Sandrine Rousseau qui les aient effectivement gagnées.
Il est encore temps de voir le couple Depardieu/Ardant dans « Les Volets verts » de Jean Becker au cinéma juste pour la beauté du geste
Avec ces deux-là, nous irions n’importe où. À Châteauroux, en char à voile ou en Intercités, à la nage ou en pédalo. Avec eux, le transport amoureux s’effectue toujours en première classe.
Entre le chef-d’œuvre et le nanar, la pellicule est souvent mince…
Pourtant, nous freinions des quatre fers avant d’entrer dans ce cinéma Arlequin de la rue de Rennes. L’affiche passablement décolorée ne nous emballait pas vraiment, la fin août n’est guère propice à l’enthousiasme visuel. Et puis la rentrée de septembre est si laide avec toutes ses injonctions énergétiques et ses rues éventrées. Dans la capitale, le bruit des travaux, d’une régularité à faire pâlir les horaires de la SNCF, ne souffrant d’aucun retard, d’aucun répit, d’aucune compassion, nous contraignit à nous réfugier dans cette salle climatisée et calfeutrée. Seul moyen d’échapper à l’excavation permanente et à la chaleur poisseuse. Pour voir quoi ? Du théâtre filmé, forcément poussif, à prétention didactique, une de ces vieilleries produites à la va-vite avec deux têtes d’affiche destinée à un public à forte majorité enseignante, un scénario bouclé par feu Dabadie et une énième adaptation de Simenon, avec un décor de brasserie molletonnée pour faire clin d’œil, une Mercedes dite Heckflosse dans un Paris reconstitué à l’économie circulant sur un filet de gaz pour faire rupin,en somme, une forme de pantouflage bourgeois qui peut virer à la catastrophe. Entre le chef-d’œuvre et le nanar, la pellicule est souvent mince.
Tout me poussait donc à rester chez moi et à descendre cette liqueur de myrte ramenée de Balagne en ne pensant à rien, la meilleure manière de ne pas être déçu par une morne existence. Sauf que revoir ce couple-là n’est jamais une opération bénigne. On croit sortir indemne. On est trop malin pour se faire piéger. Pas moi. Pas nous. On connaît tous leurs trucs, respiration fatiguée d’un côté qui donne du poids à sa parole et cette voix tentatrice si souvent entendue et malgré tout, emplie de mystères, de l’autre. Ce serait si simple de croire à leur caricature pour mieux se protéger de leur incandescence. Car, avec eux, on se brûle l’esprit. On entre dans une salle, fringant et détaché, presque blasé, comme si nous pouvions être imperméables à leur duo. Innocents et prétentieux que nous sommes.
Ces deux-là n’ont pas d’équivalent dans le cinéma français
Dans quelques minutes, nous allons être terrassés par leur jeu souple et intense, fragile et aérien, juste et direct, sans ornementation, sans graisse, sans glaise artistique, sans instrumentalisation, sans tous les effets néfastes appris dans les cours de comédie. Á l’épure. Au talent. Sans gants. Sans précaution. Gérard Depardieu et Fanny Ardant vont opérer à cœur ouvert. Ils ne pratiquent pas une chirurgie déambulatoire. Vous ressortirez effectivement au bout de deux heures, mais les séquelles dureront longtemps, votre mémoire travaillera sur les boulevards, elle moulinera, elle se souviendra d’une jeunesse en fuite et la mélancolie, ce noble sentiment, vous étreindra à un carrefour devant une foule ignorante et stupéfaite. Leur radicalité jouissive, d’une élégance d’argile, vous cueillera en plein milieu de l’après-midi.
Vous aurez les larmes aux yeux. Un peu K.O, un peu désemparé, un peu agacé aussi d’être aussi secoué par ce « petit » film, un de plus dans leur longue filmographie et aussi « un peu menteur » comme le chantait Christophe. Tant pis ou tant mieux. Le souffle court et les souvenirs en vrac, vous tenterez d’avancer. Ces deux-là auront mis la pagaille dans votre tête.
Mais vous serez heureux de les avoir revus parce qu’ils donnent une attraction rieuse, une complicité écorchée, une intelligence sacrée aux choses de l’amour. Les écrivains sont désarmés devant tant de simplicité, jamais ils ne réussiront à retranscrire cette fusion-là sur la page blanche. Elle est probablement trop puissante pour être figée dans l’écrit. Vous aurez envie de dire aux autres, à vos amis ou aux inconnus que ces deux acteurs-là n’ont pas d’équivalent dans le cinéma français. Qu’à l’évidence, ils surclassent la concurrence, qu’ils mettent en mouvement et en musique l’insoutenable douleur d’un amour suspendu. Lui, tassé, ogre repu et triste, capable d’éclats majestueux, et elle, le charme inaltérable, le regard enflammé et ce sourire, large et dévorant, happant la vie comme une messagère antique.
« Les Volets verts » de Jean Becker, dans les salles actuellement.
Le départ de Boris Johnson de Downing Street mardi matin, au lendemain de l’élection de Liz Truss par les militants conservateurs, est l’occasion de jeter un regard sur le véritable bilan d’un Premier ministre qui n’aura pas terminé son mandat, mais profondément marqué le pays, en le faisant sortir de l’Union européenne.
BoJo aura surpris tout le monde depuis trois ans, jusqu’à son départ du 10 Downing Street mardi, qu’il a conclu par un discours animé et enthousiaste, comme il les aime. Son épouse Carrie et tous ses ministres étaient dans la cour pour l’écouter et l’applaudir, ainsi qu’une centaine de journalistes du monde entier.
L’ancien Premier ministre et maire de Londres s’est avant tout félicité des accomplissements durant ces trois années et demie à la tête du gouvernement. Il a rappelé qu’il avait dirigé « l’équipe qui a fait le Brexit, l’équipe qui a distribué le vaccin le plus rapidement en Europe ! » Il s’est vanté de sa gestion de la vaccination : «n’oublions pas que 70% de toute la population a eu une dose en six mois, plus vite qu’aucun autre pays. Nous sommes un gouvernement à votre service, voilà ce que fut ce gouvernement conservateur ».
Il s’est aussi félicité d’avoir dirigé«l’équipe qui a organisé avec promptitude les premières livraisons d’armes aux forces armées héroïques de l’Ukraine, une action qui a peut-être servi à changer le cours de la plus grande guerre en Europe depuis 80 ans ». Cette accumulation de réussites pourrait paraître quelque peu prétentieuse, si l’on observe la crise sociale en cours et l’inflation à 11% sur un an. Pourtant, Boris Johnson a bel et bien souligné l’essentiel de son bilan. D’abord, l’aboutissement du Brexit, ce pour quoi les Britanniques l’ont élu avant tout. Son prédécesseur Theresa May avait repoussé la date de sortie de l’Union européenne à trois reprises. Après son élection le 12 décembre 2019, BoJo a signé un accord avec l’UE le 24 janvier 2020. Puis, il y a la gestion de la crise du coronavirus et la distribution des vaccins. Les Britanniques ont pu abandonner les mesures restrictives plusieurs mois avant la France et bien d’autres pays européens et la reprise tant redoutée de la pandémie ne s’est pas produite.
Un bilan plein de paradoxes
Pour autant, il est difficile de se féliciter d’un mandat dont le tenant avait pourtant annoncé qu’il serait le plus fantastique de tous. La dette a considérablement augmenté pendant la crise du coronavirus, en passant de 1 890 milliards de livres en 2019 à 2 383 milliards en 2021, selon l’ONS (Office for National Statistics). Elle représente aujourd’hui 102,8% du PIB, contre seulement 84% en 2019, et les chiffres de 2022 ne devraient sans doute pas être meilleurs. La crise du Covid-19 pourrait tout justifier et en effet, Boris Johnson a mis en place le système d’aides le plus important d’Europe. Pour autant, aucune baisse de dépenses ne peut être signalée pour l’instant et la nationalisation programmée du réseau ferroviaire ne devrait pas y aider. D’autre part, la crise du NHS (National Health Service) n’a pas non plus été atténuée, bien que BoJo se soit félicité que « nous aurons 50 000 infirmières en plus, d’ici la fin de cette législature et 40 nouveaux hôpitaux d’ici la fin de la décennie. » L’ancien chef de la fonction publique, lord Robert Kerslake est amer sur bilan de l’ancien Premier ministre en la matière : « Je ne suis pas d’accord avec Boris Johnson, lorsqu’il prétend avoir résolu le problème de la sécurité sociale [social care], il y a encore de nombreux enjeux à soulever » a-t-il regretté sur Sky News, mardi matin.
Il est vrai qu’en l’espace de trois ans, il est bien difficile de mener à bien de telles réformes. Certainement qu’avec moins d’extravagance, BoJo aurait-il pu les poursuivre jusqu’à la fin de son mandat.
Un mandat gâché ?
La question que tous les journalistes et commentateurs se posent depuis bientôt quelques mois porte sur la réussite de Johnson. Il avait en principe tout pour réussir : une des plus grandes majorités de l’histoire à la Chambre des communes : 357 sièges sur 650, soit une majorité de 71, peu de divisions au sein du parti, un parti travailliste (Labour) très affaibli, un chômage très bas… Cela lui a sans aucun doute servi pour faire voter le Brexit, mais non pas pour mener des réformes significatives. À la place, de nombreux scandales, mettant au grand jour une certaine insouciance du personnage, ont empêché d’aborder les sujets de fond. Le « Partygate » est le plus important.
La crédibilité et le manque de transparence du personnage dans cette affaire auront pris un coup, du moins chez les parlementaires, qui ont fini par se rebeller – après lui avoir pourtant accordé la confiance – et par provoquer de nouvelles élections internes au mois de juillet. Ce départ en disgrâce n’a pas du tout paru l’émouvoir durant son discours hier. Il s’est contenté de souligner que « le bâton sera transmis dans ce qui s’est étonnamment transformé en une course de relais. Ils ont changé les règles à mi-chemin, mais ne nous préoccupons pas de cela maintenant », a-t-il simplement regretté.
Un avenir incertain pour Liz Truss
C’est un poste assez ingrat que Johnson laisse à son successeur, Liz Truss. Dans son discours, BoJo a tenu à lui apporter son entier soutien : « Je sais que le gouvernement conservateur plein de compassion de Liz Truss fera tout ce qu’il peut pour aider les personnes à traverser cette crise. Ce pays l’endurera et nous gagnerons » a-t-il promis, optimiste. Après une longue campagne de six semaines, où les Conservateurs se sont divisés, et alors que la Grande-Bretagne est en pleine crise sociale, l’ancienne secrétaire d’État aux Affaires étrangères ne doit pas s’attendre à une sinécure. D’ailleurs, elle fait mine de s’y préparer depuis le mois de juillet, en se faisant l’héritière directe de Margaret Thatcher, prête à des baisses d’impôts drastiques et favorable aux entreprises. Mais en parallèle, elle a promis un grand plan de relance de plusieurs dizaines de milliards de livres. N’est-ce pas là un premier reniement avec les politiques de Maggie ?
Enfin, et ce sera peut-être le plus dur, elle devra gouverner avec l’ombre de Boris Johnson, qui laisse incontestablement un vide derrière lui. Interrogée par Sky News, l’ancienne conseillère de Boris Johnson, Jo Tanner, s’interroge sur son avenir : « Que va-t-il faire ensuite ? Il a promis de soutenir le gouvernement, mais il va être très difficile pour quelqu’un qui a toujours eu l’habitude de donner son avis de ne plus le faire! » D’autant que Liz Truss n’a pas un charisme comparable et qu’elle devra désormais unifier son parti autour d’elle, en particulier les nombreux soutiens de l’ancien chancelier, Rishi Sunak. Les trois prochaines années s’annoncent donc remplies de défis et exigeront un leader irréprochable et déterminé.
Les éditions L’échappée rééditent un livre d’Henri Minczeles sur le mouvement de travailleurs juifs né dans l’Empire russe.
Une vieille blague juive qu’on racontait dans ma famille parlait de deux navires se croisant en Méditerranée, le premier faisant route vers Israël et le second en repartant en direction de l’Europe. Quand ils passaient l’un en face de l’autre, les passagers se faisaient mutuellement le même signe du doigt sur le front : “Vous êtes fous !” L’histoire nous a enseignés depuis qui étaient les “fous”, car les optimistes ont trop souvent fini à Auschwitz. J’ai repensé à cette blague en lisant le livre d’Henri Minczeles consacré au Bund, que les éditions L’échappée viennent de rééditer.
Le Bund, mouvement juif ouvrier, est né en 1897, la même année que le premier Congrès sioniste. “Premier parti politique juif, socialiste, marxiste et laïque”, le Bund a réussi à fédérer des dizaines de milliers de militants juifs en Pologne, Lituanie et Russie, tout en suscitant l’opposition des partis sionistes – toutes tendances confondues – des Juifs orthodoxes et des communistes (qui l’accusaient de séparatisme et de “nationalisme petit-bourgeois”). L’histoire de ce mouvement est à la fois celle d’une réussite phénoménale et d’un échec tragique.
Le livre pionnier de Minczeles décrit l’essor spectaculaire du Bund dans la Russie tsariste, sa lutte acharnée pour défendre les droits des ouvriers juifs exploités, dont l’éthos socialiste restait profondément empreint de culture juive laïcisée, comme en témoigne l’hymne du mouvement (rédigée par l’écrivain An-ski), dont le refrain “Ciel et terre nous écouteront” était une citation du prophète Isaïe. Comme l’écrit l’auteur, “le parti ouvrier juif avait insufflé une religion nouvelle, celle du travailleur juif. En 1903, l’Union générale des ouvriers juifs de Russie, de Pologne et de Lituanie comptait 30 000 membres”.
Minczeles s’attarde notamment sur la période de la Révolution et de la guerre. La position idéologique du Bund est décriée tant par les sionistes que par les socialistes russes. Lénine lui-même consacre une série d’articles à la question, sous le titre “Le prolétariat juif a-t-il besoin d’un parti politique indépendant ?” Sa réponse est sans équivoque : “tout séparatisme juif est une forme de nationalisme réactionnaire”. Avec une ironie mordante, Plekhanov dit la même chose : “Les bundistes sont des sionistes qui ont le mal de mer”. Face à ces attaques, le Bund maintient sa position envers et contre tous, revendiquant sa position de représentant du prolétariat juif au sein du parti ouvrier social-démocrate de Russie.
L’Histoire avec sa grande hache n’a pas épargné le Bund. Comme le relatait l’ancien ministre israélien de la Défense Moshé Arens, dans son livre consacré au ghetto de Varsovie, “les partisans du Bund plaçaient leurs espoirs dans leurs camarades socialistes polonais, en escomptant qu’un jour tout s’arrangerait dans la future Pologne socialiste. Alors que les partis sionistes pressaient les Juifs de quitter le pays pour immigrer en Palestine, le Bund lança un appel au Doïkayt (“vivre ici et maintenant”).Sur ce point comme sur d’autres, l’attitude du Bund (et des autres mouvements non sionistes) s’avéra suicidaire.
Il est bien entendu facile de “réécrire” l’histoire quand on en connaît la fin. Mais il n’en demeure pas moins que le choix des militants bundistes fut une erreur tragique, erreur qui se perpétua jusque dans la Pologne de l’après-guerre. En effet, relate Minczeles à la fin de son livre, les accusations de crime rituel et les pogroms se multiplièrent en 1946. Le tristement fameux pogrom de Kielce ne fut pas le seul, les actes antijuifs se multipliant à travers toute la Pologne, contraignant le Bund à reformer des groupes d’autodéfense, comme dans la Russie tsariste. C’est ainsi que fut écrit, dans le sang et les larmes, l’ultime chapitre de l’histoire de ce mouvement juif révolutionnaire qui avait cru en un monde meilleur…
Jean-Luc Mélenchon lors de la perquisition des locaux de la France Insoumise, Paris,16 octobre 2018, capture d'écran Quotidien / TMC
À LFI, la démocratie interne, Jean-Luc Mélenchon ne connait pas! Si on ajoute à ce constat son refus du jeu électoral et ses appels répétés au soulèvement populaire, on peut se demander pourquoi les journalistes continuent à faire preuve d’une telle indulgence envers lui.
Il paraît qu’on entre dans une nouvelle ère et qu’on va manger chaud – enfin, justement pas. Que c’en est fini de cette abondance dont tant de gens n’avaient pas conscience, les nigauds. Heureusement, dans ce tourbillon de nouveautés déprimantes, certaines choses ne changent pas. Nous avons eu notre pitance d’âneries proférées par Sandrine Rousseau dans son combat contre le mâle blanc, coupable de tous les maux de l’humanité (et surtout de la planète) depuis le Paléolithique. En plus d’avoir inventé le colonialisme, le racisme, la transphobie, la machine à vapeur et la civilisation, ce salaud se réserve la cuisson des côtelettes au barbecue, activité érigée en symbole de virilité. Je n’ai toujours pas compris en quoi il est condamnable d’afficher sa virilité quand des femmes de ma connaissance dépensent des sommes folles pour upgrader leur féminité. Mais je m’égare.
Autre manifestation d’immuabilité, la rengaine entonnée par les gramophones « progressistes » dès que quelque chose leur déplaît : c’est l’extrême droite !, ce qui pour eux, est synonyme de facho. Du reste, on me pardonnera de prendre quelques libertés avec la science politique pour employer les termes (extrême droite/facho/populiste) comme ils le sont dans le débat public, c’est-à-dire sans la moindre rigueur. D’un côté, les salauds, de l’autre les gens fréquentables et les ânes sont bien gardés. On se moque du Planning familial et de son « homme enceint » : l’extrême droite ! On critique Éric Dupond-Moretti pour les amusettes télévisées de Fresnes : l’extrême droite ! Des twittos se payent la tête de l’aimable Sandrine : l’extrême droite, vous dis-je ! Extrême droitus, extrême droita, extrême droitum !
Le Premier ministre ne déroge pas à la règle. Interrogée par Le Parisien sur la respectabilité nouvelle du RN à l’Assemblée (alors qu’on sait bien que, le soir, ils chantent des chants nazis), elle répond : « Avec ou sans cravate, l’extrême droite reste l’extrême droite. » Le même jour, les macronistas Olivia Grégoire et Marlène Schiappa (ainsi que Rachida Dati) se précipitaient à Valence pour dialoguer avec les Insoumis. « Je vous respecte ! » lançait Schiappa aux groupies mélenchonistes. Imaginez le concert de bécasses et bécassons outrés si elle déclarait la même chose au congrès du RN ! Bien sûr, cela n’arrivera pas, car aucun élu ou ministre ne se commettra chez les nauséabonds.
Sauf que les fachos ne sont pas là où on le croit. Aujourd’hui, celui qui coche toutes les cases s’appelle Jean-Luc Mélenchon.
Contrairement à ce que croit Mme Borne, l’extrême droite c’est aussi et peut-être d’abord une affaire de style. Il peut appeler ça le bruit et la fureur pour faire chic, mais Mélenchon pratique abondamment l’éructation, l’invective, la disqualification de l’adversaire, la bouc-émissarisation (des riches). Comme méthode de gouvernement, le mélenchonisme, c’est la loi du chef plus le culte de la personnalité. Ne pouvant pas, heureusement, l’appliquer à la France, il fait régner la terreur dans son parti, qu’il se vante de diriger à coups de téléphone portable. À LFI, la démocratie interne, connais pas !, au point que même Clémentine Autain semble en avoir ras-la-casquette des oukases et foucades du chef. Au chapitre théorique, si on peut dire, il y a la haine du capitalisme, largement surjouée par nos amateurs de Grand Soir au petit pied. N’oublions pas que, douze ans après avoir tonné « celui qui ne veut pas rompre avec le capitalisme n’a pas sa place au Parti socialiste », Mitterrand, Dieu-le-Père du Panthéon mélenchonien, prenait le tournant de la rigueur. En réalité, chez Mélenchon, cet anticapitalisme d’opérette cache surtout une haine de la liberté. Il rêve de surveiller et punir : les patrons, les pollueurs, les policiers et beaucoup d’autres à l’exception des voyous. La violence qui débecte les Insoumis, c’est celle des forces de l’ordre, seules légitimes à l’exercer. Le délirant « la police tue » de notre petit Timonier m’avait fait penser à ce texte où Pasolini lance aux jeunes contestataires des années 1970, très fiers d’affronter la police fasciste, que les enfants du peuple sont du côté des uniformes. J’ajouterai à l’attention des rebellocrates d’aujourd’hui que les vrais fachos se trouvent dans leurs rangs.
Encore plus caractéristique des régimes fascistoïdes, le refus du jeu électoral, en tout cas quand ils perdent. À Valence, Mélenchon n’a cessé de brailler qu’il avait gagné les législatives, comme il prétend avoir gagné la présidentielle. Il sait que c’est faux, enfin on le suppose. Peu importe, il aurait dû. Donc, il a le droit de débiter en tranches cet énorme mensonge. Et pour réparer le scandale des urnes, il appelle le peuple à prendre le pouvoir dans la rue – vraiment ça ne vous rappelle rien ? D’accord, il n’a aucune chance d’y parvenir. N’empêche, l’entendre hurler au soulèvement et dénoncer les profiteurs, ça fait peur aux enfants, et pas qu’à eux. Enfin, je passerai charitablement sur l’antisémitisme dont je ne crois pas que Mélenchon et les autres soient directement coupables. Ils se contentent de regarder ailleurs pour ne pas voir celui qui sévit chez certains de leurs électeurs, voire à l’occasion de le flatter en cognant sur Israël, éternel objet de leur ressentiment quand maintes dictatures trouvent grâce à leurs yeux. Sans parler de leurs risettes au déplorable Corbyn.
Le mystère, c’est que la plupart des journalistes continuent à faire preuve envers Mélenchon d’une indulgence énamourée, teintée d’admiration pour l’immense stratège qu’ils voient en lui. Jamais ils ne lui rappellent ses sorties de routes, ses mensonges ou ses déboires judiciaires. À en croire un confrère qui a un temps couvert LFI, même les journalistes ont peur de ce grand démocrate. On se demande pourquoi.
[1] Soyons honnête, le pouvoir personnel, c’est aussi vrai au RN et ça le serait sans doute à LR s’ils avaient un chef…
« Se déplacer en char à voile » : la blague de l’entraîneur Christophe Galtier permet à un tas de journalistes et politiques vertueux de montrer leur belle âme depuis 24 heures. Un billet de Céline Pina.
Des affreux, qui se moquent éperdument de voir la planète brûler et contribuent à son agonie en se déplaçant en jet privé par pur caprice ! Voilà comment une partie des politiques et de la presse font des gorges chaudes de la réaction de l’entraîneur du PSG, Christophe Galtier et de Kylian Mbappé quand un journaliste leur fait part de la proposition du directeur de TGV-Intercités, Alain Krakovitch, d’organiser leurs déplacements en train.
Leçons de morale
Il faut reconnaître que les gloussements de pré-ado de Kylian Mbappé, comme l’ironie arrogante dont a fait preuve l’entraîneur, n’ont pas servi leur cause. Mais sur le fond, on a peine à penser que la SNCF, qui sait à peine gérer les départs en vacances sans que les gares ne se transforment en gigantesque capharnaüm, serait capable de gérer la quasi-émeute que ne manquerait pas de déclencher le passage des stars du PSG. On imagine le coût qu’entraînerait la sécurisation des voies, des quais comme des trains, la quantité de personnel mobilisé, la quantité de forces de sécurité nécessaires, les aménagements et les contrôles à réaliser. Il n’est pas sûr qu’à la fin le remède ne soit pas pire que le mal.
Certes, le joueur et son coach auraient peut-être gagné à expliquer les contraintes, risques et coûts qu’impliquerait le choix de ce mode de déplacement plutôt que de faire le choix du mépris et de l’ironie déplacée. Mais, il faut bien reconnaître que toutes ces leçons de morale qui ne s’embarrassent pas d’une réflexion minimale sur la réalité des conditions matérielles de déplacement sont pénibles. D’autant que nous avons déjà eu droit à la même comédie où pour exhiber sa vertu, il ne faut pas hésiter à s’exonérer du réel. Rappelez-vous, c’était lors de l’élection de François Hollande. Celui-ci avait annoncé que son gouvernement ne se déplacerait qu’en train. Sauf que les impératifs de protection du gouvernement avaient tellement renchéri et compliqué les déplacements que cette promesse purement démagogique ne fut évidemment jamais tenue !
On peut aussi s’indigner sur autre chose…
Et pourtant, il y a de quoi s’indigner réellement au sujet du football.
La Coupe du monde au Qatar est une honte, et on ne peut qu’être sidéré par tous ces gens prêts à fermer les yeux sur les 7000 ouvriers qui sont morts à cause de conditions de travail proches de l’esclavagisme pour construire des stades où viendront s’installer quelques privilégiés. Mais visiblement cela ne devrait pas gâcher la « fête du football ». On pourrait aussi s’étrangler d’indignation en voyant que le PSG est entre les mains des Qataris. Ceux-ci sont les financiers des Frères musulmans, le mouvement islamiste allié des nazis en leur temps et qui n’a pas renié ses fondamentaux totalitaires. Des Qataris qui jouent un rôle plus que trouble dans le financement du terrorisme international. Mais que vaut le sang versé face aux nouveaux jeux du cirque que représente le football ? Visiblement, pas grand chose.
Certaines de nos grandes consciences se consolent vite des violences qu’elles connaissent pourtant parfaitement et gageons qu’elles twitteront avec enthousiasme les résultats des matchs de ce Mondial de la honte… Pourtant, là, l’indignation aurait le mérite de s’appuyer sur la connaissance des réalités et l’analyse des faits.
Huit jours après le lancement de leur offensive dans la région de Kherson, malgré la rareté des informations disponibles, le cumul d’éléments rendus public par différents acteurs des deux parties permet d’avancer que le bilan des forces ukrainiennes est positif.
Les forces russes résistent, mais les Ukrainiens arrivent à avancer notamment dans leur effort lancé au sud de Kryvyï Rih. Dans ce secteur au Nord Est de Kherson, les forces ukrainiennes pourraient prochainement couper en deux les forces russes opérant sur la rive droite du Dniepr.
S’appuyant sur plusieurs vidéos diffusées sur les médias sociaux (notamment les images d’un soldat en train de hisser le drapeau ukrainien sur le toit de l’hôpital de la ville), les chercheurs de l’ISW (Institut for the Study of War, un think-tank américain dirigé par l’historien militaire Kimberly Kagan) avancent que les forces ukrainiennes ont pris la ville de Vysokopillya le dimanche 4 septembre. Autres indications de l’avance des forces ukrainiennes : les forces russes avaient lancé des frappes aériennes sur Bezimenne et Sukhyi Stavok, deux villages à environ six et dix kilomètres au sud-est de la tête de pont ukrainienne sur la rivière Inhulets (qui rejoint le Dniepr quelques 30 km à l’est de la ville de Kherson). Cela veut dire que ces deux villages sont soit disputés soit pris par les Ukrainiens. Des images géolocalisées et des informations rendues publiques par des blogueurs russes spécialisés dans les questions militaires indiquent que des combats faisaient rage ces derniers jours autour de Kostromka (un village situé entre Bezimenne et Sukhyi Stavok). On peut en tirer prudemment la conclusion que les forces ukrainiennes ont progressé dans ce secteur. Autre indice de l’avance de l’offensive : les forces ukrainiennes ont capturé un système russe EW (guerre électronique) dont la mission est de perturber et empêcher l’utilisation des drones. Ce genre de matériel se trouve normalement derrière les lignes de contact, et il aurait été impossible de le capturer sans percer les défenses russes. La destruction des batteries de défense aérienne dans la région par des munitions HARM (missile rapide contre émissions) de production américaine facilite l’utilisation des drones et avions de chasse ukrainiens, et des vidéos de frappes menées dans la région par des Bayraktar témoignent d’une plus grande liberté d’action de ces systèmes qui ont beaucoup souffert ces deniers mois de l’efficacité croissante des contre-mesures russes.
September 5 sitrep:
— Ukraine widens Kherson offensive; — Zelenskyy hints at more fronts; — Russia strikes Ukrainian fuel supply; — New tank repair plants commissioned in Russia; — UK expands Ukrainian soldier training programhttps://t.co/ypJkP050Ykpic.twitter.com/AaixCQc9F2
L’armée ukrainienne continue également à cibler les lignes de communication terrestres (notamment les ponts et pontons sur le Dniepr et l’Inhulets), les dépôts de munitions et centres de commandement russes dans le centre de la région de Kherson. Des images géolocalisées ont montré des convois militaires russes attendant de traverser le fleuve Dniepr depuis la rive gauche (est/sud), ce qui semble indiquer que la stratégie ukrainienne visant à asphyxier les Russes opérant sur la rive droite du Dniepr porte ses fruits. Ces longues queues de camions et véhicules blindés sont aussi autant de cibles pour l’artillerie longue portée, les partisans et l’aviation (avec et sans pilote) de l’Ukraine.
Les forces russes continuent de prendre des mesures pour rétablir des passages sur les rivières et maintenir leurs lignes de communication. Des vidéos postées par le responsable russe de la région de Kherson montrent un ponton construit le long du pont d’Antonivka, endommagé par des frappes ukrainiennes. Des images satellite ont également montré trois pontons et ferries russes en activité à l’ouest de Nova Kakhovka, un autre endroit où le pont a été endommagé par les forces ukrainiennes.
Les blogueurs russes expliquent que les forces russes défendant Kherson créent des « zones de mort », permettant aux forces ukrainiennes d’avancer près de la tête de pont, avant de les éliminer par des tirs de l’artillerie. Ces affirmations circulent depuis le début de l’offensive ukrainienne avec parfois des chiffres de pertes en hommes (on parle de 1200 tués ukrainiens) et en matériel. Aucune information ne vient corroborer pour l’instant une telle hécatombe ukrainienne et l’unité supposée mise hors d’état de combattre – la 128e brigade d’assaut de montagne – continue, selon des vidéos géolocalisées postées d’avancer. En revanche, l’ensemble des informations laissent pourtant croire que sur certains points les forces ukrainiennes avancent lentement et surtout maintiennent la pression sur leurs adversaires avec comme objectif d’accroitre les difficultés logistiques russes.
Ainsi, le moins qu’on puisse dire est que l’offensive ukrainienne n’a pas été mise en échec, que les forces de Kiev n’ont subi ni catastrophe ni revers importants. Une semaine après le lancement de l’opération, l’Ukraine maintient toujours l’initiative (les Russes réagissent) et semble avoir les moyens pour continuer sa pression en attendant les effets de la fatigue, de l’usure et les problèmes logistiques des forces russes. Il est bien entendu impossible d’affirmer que « tout se passe selon le plan initial ». Et on peut même parier que ce n’est pas le cas (ce genre d’opérations militaires si compliquées se déroulant rarement selon le plan prévu), mais la logique derrière reste aussi intacte qu’implacable : les forces russes sur la rive droite du Dniepr sont adossées à un formidable obstacle (le fleuve) avec peu de points de passages, et l’Ukraine a les moyens pour bien exploiter cette faiblesse stratégique.
Quand je vous ai vu écroulé de rire après la vanne pitoyable de Galtier sur le retour du PSG de Nantes en jet privé, « on va quand même pas faire ça en char à voile », finalement, ce qui couvait depuis quelques mois a explosé. J’ai piqué une colère.
Rigolez, mon grand, rigolez. C’est d’autant plus dommage que d’habitude, vous êtes très loin d’être antipathique et qu’en plus vous êtes un grand footballeur. Je veux juste vous informer d’un truc qui j’espère vous fera rigoler aussi. Après tout, le monde est si drôle quand on vit dans un univers parallèle où, entre le pognon et le spectacle permanent, on a l’impression d’être des dieux : on appelle ça l’hubris, on peut aussi appeler ça, plus simplement, un manque de décence. Ça vous fera peut-être moins rigoler quand je ne serai plus tout seul dans mon petit costume à le dire mais qu’on va commencer à être beaucoup, notamment et surtout chez les amateurs de foot.
J’ai dû regarder avec passion toutes les Coupes du monde depuis 1978, même si pour celle-là, dans l’Argentine de Videla et du plan Condor, mon père déjà, paix à son âme, l’avait suivie d’un œil plutôt amer… Je me souviens encore de l’angoisse du staff de l’équipe de France et des médias parce que ce punk de Rocheteau avait parlé de déployer une banderole contre les galonnés tortionnaires qui assistaient au match d’ouverture France-Italie. Rocheteau avait renoncé, mais lui, au moins, il avait essayé.
Donc, vous allez jouer au Qatar. Les estimations basses disent que sept mille travailleurs philippins sont morts dans la construction des stades. Gaffe quand même à ne pas vous faire un claquage en évitant les ossements sous les pelouses.
Vous n’aurez pas trop chaud, les stades ouverts seront climatisés à 22-°24° alors qu’il fera 40° dehors. J’espère que ceux qui regarderont vos matchs à la télé chez eux pourront voir vos exploits sans coupure de courant et en mettant trois ou quatre petites laines. Oh ! vous n’êtes pas tout seul au bal des hypocrites, vous ne battrez jamais Daikin, le leader de la climatisation. Il va rafraichir les stades et prendre l’oseille, mais il ne veut pas que son nom apparaisse dans les pubs. Hypocrites et, tout de même, accessibles à la honte ou à la peur de perdre des clients!
On dit que Constantinople, à la veille de sa chute, discutait du sexe des anges. On dira de notre civilisation que juste avant l’effondrement, elle jouait au football dans un charnier climatisé, pour faire plaisir à des dictateurs islamistes richissimes. Les dictateurs islamistes pauvres, eux, on les bombarde et les islamistes de chez nous, on a tendance à vouloir les confondre avec tous les musulmans, mais c’est une autre histoire… Donc je ne vous regarderai pas, Kylian, ni aucune autre équipe et même, quand la France jouera – je souhaite qu’elle aille le plus loin possible, ce sera peut-être une chance que certains prennent conscience de l’horreur -, j’irai au cinéma ou je me repasserai « Coup de tête », de Jean-Jacques Annaud, avec Patrick Dewaere, un sacré film sur l’instrumentalisation du foot. Je me permets de vous le conseiller. Allez, j’arrête là et comme on dit, que la fête commence! Enfin, plutôt, que votre fête commence.
Découvrez le sommaire de notre numéro de septembre
Macron ne comprend rien à la France. Le pourquoi de cette incompréhension nous est expliqué par Marcel Gauchet, philosophe, historien et fin observateur de la vie politique, dans un grand entretien avec Elisabeth Lévy et Jonathan Siksou. Les macronistes, surdiplômés, répètent les leçons qu’ils ont apprises dans les grandes écoles et qui les emprisonnent dans une bulle d’irréalité. Le résultat est un divorce entre, d’un côté, les élites qui ont répudié le cadre national et, de l’autre, un peuple atomisé – d’où la crise sans fin que vit la France.
À la crise politique de notre époque correspond une crise esthétique. Notre monde s’enlaidit. C’est le sujet de notre dossier, présenté par Elisabeth Lévy et Jonathan Siksou qui constatent que, partout en France, la laideur gagne du terrain, non seulement dans nos villes et nos campagnes, mais dans toutes les composantes de nos vies, de la langue à la mode, de la publicité à l’art. Au nom de l’inclusivité, de l’égalitarisme et du fonctionnalisme, nous avons banni la beauté. Pour Alain Finkielkraut, se confiant à Jonathan Siksou, l’enlaidissement du monde est accéléré par une dévaluation généralisée du regard et du savoir : au nom du relativisme général, plus rien n’est beau. L’historien Pierre Vermeren nous propose un abécédaire de la laideur contemporaine, de A comme antenne-relais à Z comme zone industrielle. Pour Renaud Camus, la profusion signalétique est un des facteurs les plus agissants de l’enlaidissement de l’espace sensible : faut-il y voir encore une manifestation du terrible « remplacisme global », le remplacement de tout par son signe, son nom, son double, sa contre-façon ? Publicitaire, Pierre Berville analyse la tendance actuelle de la publicité consistant à imposer les défauts de l’ordinaire : au lieu de nous faire rêver, elle nous tend un miroir. Blanche de Mérimée défend la minceur contre ceux qui l’accuse de représenter un « idéal de beauté suprémaciste blanc ». Et Philippe Bilger voit dans la beauté, outre sa part de subjectivité, des critères culturels transmis de génération en génération.
Dans son éditorial de septembre, Elisabeth Lévy nous révèle que les fachos ne sont pas là où l’on croit. « Aujourd’hui, celui qui coche toutes les cases s’appelle Jean-Luc Mélenchon. »
Il se proclame le grand vainqueur des élections quand il perd ; il rêve de punir les patrons, les pollueurs et les policiers – mais pas les voyous ; et il bénéficie d’une indulgence imméritée de la part des médias. Céline Pina analyse les réactions en France qui ont suivi la tentative d’assassinat de Salman Rushdie et trouve qu’elles montrent une fois de plus qu’on a du mal à nommer le mal islamiste. Quant aux « représentants officiels » de la communauté musulmane, ils ont brillé par leur silence. Pourquoi Jean-Luc Mélenchon et LFI flattent-ils l’islam ? L’Observatoire de l’immigration et de la démographie explique, chiffres et cartes à l’appui, que c’est une pure stratégie électoraliste, l’islam étant la principale religion des immigrés. Ce pari, gagnant dans les urnes pour le leader d’extrême gauche, est une bombe pour la France de demain. Pour Olivier Marleix, député d’Eure-et-Loir et président du groupe LR à l’Assemblée nationale, l’échec des Républicains est la conséquence notamment de leur incapacité à répondre à la mondialisation. Mais il m’explique comment, dans la nouvelle configuration parlementaire, entre le RN et la Macronie, ils peuvent incarner une opposition crédible en contraignant la politique du gouvernement dans le bon sens. Pourquoi de nombreux secteurs connaissent aujourd’hui une pénurie de main-d’œuvre ? Selon les analyses du pôle Corporate et Climat social de l’IFOP, dont le directeur Romain Bendavid se confie à Gil Mihaely, c’est parce que les Français privilégient désormais leur qualité de vie à leur carrière professionnelle et n’ont plus peur de démissionner. L’Allemagne n’est plus le moteur économique de l’Europe, selon Jean-Luc Gréau. Déficit commercial, abandon du nucléaire et dépendance au gaz russe plongent nos voisins dans un marasme qu’ils n’ont pas connu depuis longtemps. Le 5 septembre 1972, 11 athlètes israéliens étaient assassinés lors des JO de Munich. Cinquante ans après, les Palestiniens, toujours instrumentalisés par les bonnes âmes, n’ont pas renoncé au terrorisme. Marc Benveniste nous rappelle que, pour arriver à la paix, André Chouraqui (1917-2007) avait proposé d’unir les territoires et de séparer les peuples. Une voie encore inexplorée.
Notre rubrique « Culture et humeurs » commence par la mort. Évoquant sa rébellion paisible, sa nostalgie douce, sa tendre férocité, Frédéric Ferney rend hommage à Sempé, décédé cet été à 89 ans. Alors qu’une proposition de loi anti-corrida se prépare, menaçant de mort la tauromachie en France, Yannis Ezziadi imagine ce que l’interdiction de cet art signifierait sentimentalement, culturellement et socialement pour les aficionados qui peuplent une partie du sud du pays. Elisabeth Lévy et Martin Pimentel ont rencontré Christine Kelly, la journaliste star de CNews, ancienne membre du CSA. Son dernier essai, Libertés sans expression, qui prend la forme d’une autobiographie, fait une large place aux thèmes de l’identité et de la liberté d’expression. Jérôme Leroy salue la publication d’un volume rassemblant l’essentiel des écrits de Jean-René Huguenin, disparu à 26 ans en 1962, qui donne à ce classique souterrain de la littérature française sa véritable dimension. Pour s’élever intellectuellement et triompher de soi-même, Elisabeth Lévy nous recommande la lecture de L’Art du triomphe, de Jean-Sébastien Hongre et Luis de Miranda. Un projet de démolition-reconstruction menace la synagogue Copernic, unique exemple à Paris de lieu de culte Art déco, déchaînant les passions. Jonathan Siksou nous explique que, derrière cette polémique patrimoniale, se trouvent deux visions opposées de la vie cultuelle juive. Jean Chauvet nous recommande de préférer les classiques de Douglas Sirk, réédités actuellement en salle, à la production contemporaine, et Marsault nous donne des conseils pour accentuer notre charme personnel.
Décidément, dans le désert de laideur qu’est le monde d’aujourd’hui, Causeur reste une oasis de beauté.
L’État juif est une auberge espagnole : on y trouve des citoyens juifs religieux, des Juifs qui sont athées et des citoyens qui ne sont pas juifs. Parmi ces derniers, Fidaa Kiwan est une antisioniste virulente. Ce n’est pas de l’humour juif, c’est de l’idéologie. Quand elle vivait à Haïfa, où elle possédait un café, cette citoyenne avait refusé de servir un soldat portant l’uniforme de son pays. En France, elle aurait été sanctionnée au titre de l’article L121-11 du Code de la consommation : « Est interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime [1] ». En Israël, elle est devenue célèbre. Malgré BDS [2], le passeport israélien n’est pas boycotté, même aux Émirats arabes unis et même quand sa titulaire n’éprouve qu’aversion pour les autorités qui le lui ont délivré. Fidaa Kiwan y est donc partie en vacances en mars 2021, à l’invitation d’une sienne connaissance palestinienne, a-t-elle déclaré. En fait d’invitation, il semble que son « ami » Yassin Ibrahim Nagiar l’avait embauchée comme courtière en cocaïne, pour un salaire mensuel équivalant à 14 500€ [3]. Autant dire que dans ces circonstances, la commerçante ne pratiquerait le refus de vente vis-à-vis d’aucun chaland, fût-il un cosmonaute en kippa.
Les droits de l’homme universels ne plaisent pas à tous les dieux
On peut difficilement être plus éloigné de la démocratie israélienne que les Émirats. Outre une application assez littérale de la charia [4], ils s’honorent d’une législation sur le trafic de drogue qui est l’une des plus sévères au monde. Fidaa sur sa tête avait un pot de cocaïne. Un flic infiltré s’est fait passer pour un client et hop ! Flagrant délit. Adieu, veau, vaches… Cochon c’était déjà fait : le pays est strictement halal. Israël est un État de droit : il a donc tenté de sortir sa citoyenne des geôles aboudabiennes. Celle-ci s’y est opposée : ses convictions politiques lui interdisaient de devoir quoique ce soit à la racaille sioniste. La sanction est tombée en mai 2022 : peine capitale. Mourir pour ses idées, d’accord, mais de mort len-en-te… l’idéologue s’est finalement jetée à genoux devant l’État juif pour ne pas mourir debout, égorgée par les soldats d’Allah. Elle a consenti à ce que les Israéliens et leur ministre de la Coopération régionale arabe, Essawi Freij, interviennent auprès du gouvernement émirati pour lui sauver la mise. Fin juin 2022, la peine de mort de la citoyenne israélienne antisioniste a été commuée en une perpétuité de 25 ans minimum. On ne sait pas quel rôle la diplomatie a joué dans cette mansuétude, mais on peut imaginer qu’elle a pesé de tout le poids des Accords d’Abraham. En août, la cour d’appel de Dubaï a statué que tous les recours étaient désormais forclos. Que croyez-vous qu’il arriva ? C’est Israël que la famille de la trafiquante accusa de n’en avoir pas fait assez pour la sauver [5]. Par apartheid : what else ?
Netflix contre Zemmour: le wokisme de salon plus fort que le souverainisme hémiplégique. Une analyse d’Olivier Jouis
Place du Trocadéro, 27 mars 2022, ce devait être le point d’orgue d’une campagne marathon au cours de laquelle Éric Zemmour avait sillonné toute la France. Conçu comme une démonstration de force à l’intention des électeurs encore hésitants, ce rassemblement impressionnant fera néanmoins un bide auprès des médias et sonnera le tocsin de la vague Reconquête.
A moins de cinq semaines du premier tour de l’élection présidentielle, la presse, aux aguets, scrutait le moindre faux pas. Elle ne retiendra que les quelques secondes d’une séquence maladroite et fort regrettable, dont elle fera ses choux gras. « Macron assassin », scandé à plusieurs reprises par une partie du public. Éric Zemmour, mi-amusé, mi-goguenard, prétendra ne pas avoir entendu depuis le pupitre où il s’exprimait.
14 ans plus tôt, autre campagne, autre lieu, John McCain, pugnace candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de 2008, eut lui, l’instinct de contredire sur le champ et sans détour, les propos désobligeants de l’une de ses partisanes à l’endroit de son adversaire démocrate, Barack Obama.
Mauvaise foi ou surdité passagère, ces quelques secondes d’égarement, qui auraient pu, au contraire, faire rentrer Éric Zemmour dans le costume présidentiel, s’il avait eu le réflexe de « demander de vous arrêter » à quelques brebis égarées, ont instillé le doute dans mon soutien, pourtant indéfectible jusqu’à cet épisode malheureux. Macron était un adversaire à combattre, un Narcisse à renvoyer dans les bras de maman, un Thénardier bradeur de France, un agent illuminé et zélé du wokisme, un obligé des grandes fortunes… mais en aucun cas un assassin. L’affrontement politique, même rude, n’interdit pas la retenue ni l’usage d’une certaine urbanité républicaine. Un dérapage c’est sûr, une absence peut être. Mais assurément, un rendez-vous manqué entre Éric Zemmour et son destin.
À gauche, les soutiens de Montebourg mal à l’aise sur les OQTF
Trois mois plus tôt, le 7 décembre 2021, à Villepinte, Éric Zemmour frappe très fort pour son premier meeting de campagne. On s’était habitué à la figure familière du brillant polémiste qui n’avait peur de croiser le fer avec personne mais on ne savait pas que, derrière le journaliste se cachait aussi un brillant orateur, capable de galvaniser les foules. L’homme de droite fait un discours rassembleur et suscite l’intérêt au-delà de son camp, chez certains souverainistes de l’Autre Rive, chez les républicains de gauche.
Face à la pauvreté de l’offre politique de ce début de campagne présidentielle, il apparaît comme un recours possible. A gauche, Arnaud Montebourg venait de jeter l’éponge, crucifié par ses « amis » qui rendent inaudibles ses propositions sur l’exécution des OQTF, et plombent ses sondages, malgré un début de campagne courageux et combatif. Quant au PS, à peine sa candidate désignée que celle-ci était déjà contestée par l’hypothèse Christiane Taubira. A droite, Marine Le Pen fait campagne dans son salon en soignant ses chats tandis que les primaires LR accouchent d’une Valérie Pécresse ni charismatique ni assez rassembleuse pour le rôle qu’elle ambitionne. Macron, sur son Olympe, contemple le jeu politique, persuadé d’enjamber allègrement cette contingence démocratique dans son agenda.
Surprise politique de cette fin d’année 2021, « Reconquête » affole les sondeurs qui placent régulièrement Éric Zemmour sur les marches du podium des finalistes de cette présidentielle, parfois même au second tour. Les militants et les dons affluent de manière spectaculaire et le cap des 100 000 adhérents est dépassé fin janvier. « Reconquête » est jeune et bien doté financièrement tandis qu’en creux, le RN et ses dettes, qu’il peine à rembourser auprès des banques russes, fait pâle figure.
Les meetings, scénarisés au millimètre, s’enchaînent à un rythme effréné, parfois plusieurs par semaine, aux quatre coins du pays. Éric Zemmour est sur tous les fronts médiatiques, les journaux, les matinales et les télés en continu s’arrachent ce « bon client », jamais avare d’une punchline bien sentie, et toujours volontaire pour un débat. Des porte-paroles sont désignés pour prendre le relai de la pensée zemmourienne et répondre aux multiples sollicitations : Philippe de Villiers, un temps hésitant car ancien grand brûlé du macronisme, rejoint finalement la campagne avec un enthousiasme de jeune homme, tandis que Jean Messiha, parti avec fracas du RN quelques mois plus tôt, investit les plateaux des émissions de divertissement pour croiser le fer, avec courage et gourmandise, avec les Belattar de tout poil.
La stratégie « gagnante » de Marine Le Pen
Face à la drague à peine voilée de « Reconquête » auprès des élus RN, Marine Le Pen sort de sa torpeur et sort ses griffes : elle menace d’excommunier tous les félons qui seraient tentés de quitter le navire, en leur rappelant le sort d’intouchables proscrits auxquels les mégrétistes furent condamnés, il y a 20 ans. Cela n’impressionne ni Gilbert Collard, ni Nicolas Bay qui larguent les amarres. Quant aux LR, sidérés par le culot de l’ancien journaliste qui ne connaît aucune retenue, ils assistent muets et prostrés au braconnage sans ménagement de leurs terres électorales. Guillaume Peltier, déjà vieux routard de la droite mais jeune vice-président du parti héritier du gaullisme, franchit le Rubicon et déclare sa flamme à « Reconquête ». Des messages de sympathie discrets sont envoyés par des députés LR, inquiets pour leur propre sort aux futures élections législatives. Malgré tous ses efforts, Peltier ne ramènera aucun poids lourd LR dans ses filets. L’union des droites, théorisée par Éric Zemmour, commence donc modestement car la digue instituée par François Mitterrand et consolidée par Jacques Chirac, tient toujours bon. Les castors ont de la ressource.
Depuis 30 ans qu’il pratique les leaders politiques, Éric Zemmour les connaît tous personnellement. Il a accouché les esprits, il connaît les arrière-cuisines de la droite et de la gauche, ce qu’ils pensent tous vraiment de la situation du pays, dans le secret du confessionnal des off, des confidences et des petits secrets distillés à l’oreille du talentueux journaliste politique du Figaro.
Fin connaisseur de la droite française et admirateur de Mitterrand (pour lequel il reconnaît avoir voté en 1981), Éric Zemmour s’est fixé une mission : il sera l’homme qui réunira la droite, toutes les droites. Non seulement les deux pôles bonapartiste et orléaniste, déjà réunis sous la bannière de l’UMP depuis 2002, mais également en abolissant le cordon sanitaire tenu fermement par Chirac, c’est-à-dire en tendant la main au RN. Ce projet d’union des droites, qui n’était que périphérique au début de sa campagne, deviendra progressivement central dans tous ses discours, à partir du mois de février. Ce sera sa boussole, ce sera son mantra qu’il martèlera à chacune de ses interventions. Pure tactique politique, l’union des droites, se confondra progressivement avec l’offre politique pour fusionner et ne bientôt plus faire qu’un. L’électeur reste dubitatif car il attend des solutions tangibles à ses problèmes : l’union des droites, c’est peut-être une bonne stratégie mais est-ce suffisant pour boucler la fin du mois?
Invité à assister au meeting de Chambéry, le 25 février, j’alerte Éric Zemmour sur le vide que la tactique de l’union des droites risque de créer autour de lui. “Il faut envoyer des signaux aux souverainistes de l’autre rive sinon nous allons nous faire corneriser dans un coin de l’échiquier politique. On ne peut pas se dire patriote et être hémiplégique”. Il faut lancer des ponts et éviter de trop cliver. “D’accord avec toi, mais une partie de la gauche se cache encore derrière son petit doigt sur l’immigration. Nous leur parlerons, c’est nécessaire, mais pas avant le second tour” me répond-il. A moins de deux mois du premier tour, il se voyait déjà qualifié pour le second. Au lendemain de l’invasion de l’Ukraine, il me semblait que cet objectif était désormais hors de portée car le cygne noir russe, véritable surprise stratégique de cette élection présidentielle, venait de rebattre complètement la valeur de nos cartes dans cette campagne.
Sommé par les médias de se positionner sur ce conflit inattendu, Éric Zemmour refuse d’accueillir les réfugiés ukrainiens sur le sol français et semble les mettre au même plan que les migrants économiques venus d’Afrique. Mais si les Français sont majoritairement convaincus que l’immigration sans contrôle ni conditions de ces dernières décennies est à la source de nombreux problèmes, notamment sécuritaires, qui se posent aujourd’hui, ils ne peuvent néanmoins être insensibles aux conséquences humaines d’une vraie guerre qui a lieu sur le sol européen. On reprochera à Éric Zemmour son manque d’empathie et il persistera, mettant en avant sa cohérence. On ne défend pas les intérêts de la France, sur le long terme, en cédant à ses propres émotions immédiates. Certes, mais l’électeur est avant tout un être d’émotion et d’insoutenable légèreté, que la raison électorale ne peut ignorer.
Des clivages qui finissent par interpeler, y compris ses soutiens
Tel le bon élève appliqué et studieux qu’il fut, assis au premier rang, certain d’avoir raison contre les cancres et les maîtres-flatteurs de l’électeur, il continuera dans sa logique, au grand dam de ses conseillers politiques. Ils lui reprochent sinon un manque d’humanité face au tragique de l’Histoire du moins un manque de plasticité pour lui éviter la relégation près du radiateur, au fond de la classe, à bouder au milieu des quelques visionnaires qui ont eu raison avant tous, mais qui n’ont pas réussi à convaincre les électeurs sur le moment, à l’image d’un Chevènement, vingt années auparavant. Les commentateurs politiques interpréteront sa rigidité comme un soutien tacite à l’aventurisme poutinien, et ils s’empresseront de le faire glisser imperceptiblement dans la case extrême-droite de l’échiquier politique de cette élection présidentielle. Curieusement, il ne s’en défendra pas et semblera même s’en délecter, peut-être par esprit bravache mais probablement aussi parce qu’il est convaincu que cette étiquette d’extrême droite qu’on lui colle est désormais caduque dans l’esprit des Français.
Dans la même veine, le député RN Gilbert Collard, fraîchement rallié à « Reconquête », lui souffle à l’oreille que Marine Le Pen aurait fait sa mue et serait devenue une femme politique de gauche comme les autres, une version banlieue Ouest d’Arlette Laguiller, qu’on sort de la naphtaline une fois tous les cinq ans, pour les grand rendez-vous électoraux. Elle l’ignore elle-même encore, mais Éric Zemmour va la dessiller rapidement en lui offrant, sur un plateau, le positionnement “modéré” derrière lequel elle court depuis des années et qui va la propulser au second tour. Il y a donc un espace vacant à droite qu’il convient d’occuper, et Éric Zemmour va s’y employer en en faisant des tonnes pour le mériter, quitte à cliver franchement, quitte à faire douter une grande partie de ses sympathisants de la première heure, quitte à brouiller les signaux envoyés aux souverainistes issus de la gauche républicaine.
“Islam = islamisme”, pour de nombreux sympathisants l’équation ne semble pas digne d’Éric Zemmour. Le trait est bien trop épais pour le contradicteur érudit et subtil qu’il est à la ville. On se prend à douter de la stratégie suivie car la formule, sans nuance, interpelle. Elle aliène d’emblée tous les Français de confession musulmane qui auraient pu être séduits par le vote « Reconquête ». Pour d’autres, elle porte les germes de la division et potentiellement de la guerre civile. Qui souhaite vraiment soutenir cette équation devant ses propres amis d’enfance, ses collègues ou ses voisins musulmans? L’islam a bon dos. Certes, dans certains quartiers, la multiplication des commerces ethniques et des antennes paraboliques donnent souvent au visiteur l’impression de se sentir plus dans une wilaya du bled qu’en banlieue parisienne. Mais c’est plutôt la politique immigration incontrôlée qui y entasse des populations qui ne veulent pas s’assimiler qui ouvre la voie à l’islamisme. La ficelle prend l’épaisseur d’une corde. 6 millions de français de confession musulmane apporteront leur soutien à Jean-Luc Mélenchon au premier tour et aux législatives alors qu’Éric Zemmour leur tendait pourtant une main fraternelle au mois de décembre, lors de son discours de Villepinte.
Expatrié moi-même, et dans un pays aux traditions conservatrices, je sais ce que le respect des coutumes locales impose au résident que je suis, et que je respecte bien volontiers. Et c’est pour cette même raison que je mesure l’abîme qui sépare le reste du monde des pays européens, dits “ouverts et tolérants”, mais qui n’exigent rien des nouveaux arrivants. Ainsi, quand « Reconquête » m’a proposé l’investiture pour être candidat aux élections législatives, dans une circonscription des Français de l’Etranger, j’ai d’abord été honoré puis, saisi d’un doute. Serai-je capable de défendre toutes nos positions devant les électeurs de ma circonscription, dont certains binationaux sont de confession musulmane? Clairement, il m’est apparu qu’être candidat c’était m’exposer, à court terme, à la “corvée de bois” et, à long terme, à endosser le costume peu enviable de François Pignon de service dans les dîners.
J’ai accompagné Éric Zemmour dans son aventure politique et il restera pour moi celui qui a eu l’intuition, celui qui a osé dire, celui qui a voulu briser le consensus. Et cela emporte le reste, les maladresses, les erreurs et l’amertume de l’échec. Face à la pauvreté des offres politiques des autres candidats en lice, avec l’islamo-guévarisme surjoué de l’un, la paresse et l’indigence programmatique des autres, Éric Zemmour a su créer une dynamique intellectuelle rafraîchissante qui cassait les mythes ânonnés de façon péremptoire par une gauche hégémonique sur le plan des idées, depuis des décennies. Oser contester son magistère moral constituait en soi une démarche courageuse et donc une nourriture intellectuelle roborative pour moi.
Une autre déconstruction est possible
Certes Éric Zemmour n’est pas Jacques Derrida, mais sa démarche de déconstruction du dogme m’est apparu révolutionnaire en ces temps de conformisme woke. Elle questionne la validité d’une pensée normative, celle de la diversité-chance-pour-la-France, mantra exploité jusqu’à l’os par la gauche depuis 40 ans. La droite ne l’a jamais sérieusement contesté, terrorisée par l’idée de déplaire aux maîtres-censeurs du camp d’en-face. Mais l’équipement de la pensée zemmourienne serait insuffisant si on ne s’en tenait qu’à la contestation de l’idéologie du vivre-ensemble. Il propose également un réarmement conceptuel. Français de confession juive aux ancêtres berbères, cela fait de lui un avocat idéal pour défendre la conception républicaine de la citoyenneté. Quand il s’exprime, c’est le citoyen qui parle (« un homme sans étiquette » dirait Régis Debray). On ne voit que ce qu’il dit et on oublie d’où il vient, à l’image de tous ces “Français de sang mêlé » et néanmoins illustres qui font briller l’esprit français, ici et ailleurs. De Marc Chagall à François Cheng, de Romain Gary à Georges Charpak, de Charles Aznavour à MC Solaar…
Alors que la gauche essentialise et exalte les identités, en flattant les communautarismes, qu’ils soient d’origine ethnique, de sexe, d’orientation sexuelle ou de religion, Éric Zemmour parle de son amour inconditionnel pour la France. Alors qu’il fait l’éloge des devoirs du citoyen, la gauche se complait à flatter les minorités qui ne raisonnent plus qu’en termes de créances dont la société serait débitrice envers eux. En parlant plus aux communautés qu’au citoyen, elle encourage le ressentiment et les contentieux entre oppresseurs (qui s’ignorent) et victimes (professionnelles) quand Éric Zemmour rêve d’une société apaisée où chacun s’élève selon ses mérites et sans passe-droit. Tandis que la gauche rêve d’une rédemption de l’homme blanc hétérosexuel face à l’Autre, de préférence venu des rives sud de la méditerranée, que l’on accueille sans conditions (et qui n’en demandait pas tant), Éric Zemmour propose de restaurer la nation, de ne pas renier notre héritage et de redonner confiance à ceux qui doutent de la viabilité sans heurts de l’Arche de Noé que l’on nous propose en creux. Dans une démarche biblique (et bien peu laïque), qui rappelle la Cène, la gauche enjoint à la génuflexion excusatoire et expiatoire tandis qu’Éric Zemmour parle de ce qui fait la République, de la supériorité de l’intérêt général sur les intérêts particuliers, de l’assimilation des diversités, du refus de toute demande d’exonération, et enfin de porter un regard honnête sur notre Histoire.
Rétrospectivement, aucun candidat ne soutenait la comparaison avec le programme d’Éric Zemmour. Et on se dit quel dommage car il y avait assez de profondeur pour convaincre bien au-delà de son camp. Entre la République des singularités victimaires que nous promet la Nupes et la République du ruissellement et de l’entre-soi de Macron, il y aura toujours un espace pour refonder une République sociale et entrepreneuse, protectrice car confiante en ses propres forces, fraternelle car maître de son destin, patriote car fière de son histoire. Lendemain de défaite, honneur aux vaincus car ce fut pour une juste cause. La promesse de l’aube sera t’elle tenue? On peut en douter. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les thèmes inscrits à l’agenda politique de cette rentrée. Tous les ingrédients de l’ennuyeuse homélie pénitente wokiste, à peine dissimulée et directement importée d’Hollywood y figurent en bonne place : pèlerinage d’excuses repentantes à Alger, désignation d’un ambassadeur aux droits LGBT, publicité pour l’homme enceint au Planning familial, retour du débat sur le vote des étrangers… Pour les Français, le réveil post-élections a le gout pâteux de la gueule de bois car leur réalité percute la fiction : scotchés devant Netflix, en état d’hypnose dans leur salon, totalement maraboutés par les géniales séries américaines, ces dernières distillent un puissant parfum de militantisme benêt, dégoulinant de bons sentiments mais redoutablement efficace. Black Lives Matter, surenchères victimaires, segmentation des genres, compétition entre sexes, il semble que ce ne soit pas « Reconquête » qui ait perdu les élections, mais bien plus Netflix et Sandrine Rousseau qui les aient effectivement gagnées.