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Le bilan contrasté de BoJo

Boris Johnson passe le flambeau à Liz Truss


Le bilan contrasté de BoJo
Boris Johnson prononce un discours lors de son départ le 6 septembre 2022 à Londres © Hugo Philpott/UPI/Shutterstock/SIPA

Le départ de Boris Johnson de Downing Street mardi matin, au lendemain de l’élection de Liz Truss par les militants conservateurs, est l’occasion de jeter un regard sur le véritable bilan d’un Premier ministre qui n’aura pas terminé son mandat, mais profondément marqué le pays, en le faisant sortir de l’Union européenne.


BoJo aura surpris tout le monde depuis trois ans, jusqu’à son départ du 10 Downing Street mardi, qu’il a conclu par un discours animé et enthousiaste, comme il les aime. Son épouse Carrie et tous ses ministres étaient dans la cour pour l’écouter et l’applaudir, ainsi qu’une centaine de journalistes du monde entier.

L’ancien Premier ministre et maire de Londres s’est avant tout félicité des accomplissements durant ces trois années et demie à la tête du gouvernement. Il a rappelé qu’il avait dirigé « l’équipe qui a fait le Brexit, l’équipe qui a distribué le vaccin le plus rapidement en Europe ! » Il s’est vanté de sa gestion de la vaccination : « n’oublions pas que 70% de toute la population a eu une dose en six mois, plus vite qu’aucun autre pays. Nous sommes un gouvernement à votre service, voilà ce que fut ce gouvernement conservateur ».

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Il s’est aussi félicité d’avoir dirigé « l’équipe qui a organisé avec promptitude les premières livraisons d’armes aux forces armées héroïques de l’Ukraine, une action qui a peut-être servi à changer le cours de la plus grande guerre en Europe depuis 80 ans ». Cette accumulation de réussites pourrait paraître quelque peu prétentieuse, si l’on observe la crise sociale en cours et l’inflation à 11% sur un an. Pourtant, Boris Johnson a bel et bien souligné l’essentiel de son bilan. D’abord, l’aboutissement du Brexit, ce pour quoi les Britanniques l’ont élu avant tout. Son prédécesseur Theresa May avait repoussé la date de sortie de l’Union européenne à trois reprises. Après son élection le 12 décembre 2019, BoJo a signé un accord avec l’UE le 24 janvier 2020. Puis, il y a la gestion de la crise du coronavirus et la distribution des vaccins. Les Britanniques ont pu abandonner les mesures restrictives plusieurs mois avant la France et bien d’autres pays européens et la reprise tant redoutée de la pandémie ne s’est pas produite.

Un bilan plein de paradoxes

Pour autant, il est difficile de se féliciter d’un mandat dont le tenant avait pourtant annoncé qu’il serait le plus fantastique de tous. La dette a considérablement augmenté pendant la crise du coronavirus, en passant de 1 890 milliards de livres en 2019 à 2 383 milliards en 2021, selon l’ONS (Office for National Statistics). Elle représente aujourd’hui 102,8% du PIB, contre seulement 84% en 2019, et les chiffres de 2022 ne devraient sans doute pas être meilleurs. La crise du Covid-19 pourrait tout justifier et en effet, Boris Johnson a mis en place le système d’aides le plus important d’Europe. Pour autant, aucune baisse de dépenses ne peut être signalée pour l’instant et la nationalisation programmée du réseau ferroviaire ne devrait pas y aider. D’autre part, la crise du NHS (National Health Service) n’a pas non plus été atténuée, bien que BoJo se soit félicité que « nous aurons 50 000 infirmières en plus, d’ici la fin de cette législature et 40 nouveaux hôpitaux d’ici la fin de la décennie. » L’ancien chef de la fonction publique, lord Robert Kerslake est amer sur bilan de l’ancien Premier ministre en la matière : « Je ne suis pas d’accord avec Boris Johnson, lorsqu’il prétend avoir résolu le problème de la sécurité sociale [social care], il y a encore de nombreux enjeux à soulever » a-t-il regretté sur Sky News, mardi matin.

Il est vrai qu’en l’espace de trois ans, il est bien difficile de mener à bien de telles réformes. Certainement qu’avec moins d’extravagance, BoJo aurait-il pu les poursuivre jusqu’à la fin de son mandat. 

Un mandat gâché ?

La question que tous les journalistes et commentateurs se posent depuis bientôt quelques mois porte sur la réussite de Johnson. Il avait en principe tout pour réussir : une des plus grandes majorités de l’histoire à la Chambre des communes : 357 sièges sur 650, soit une majorité de 71, peu de divisions au sein du parti, un parti travailliste (Labour) très affaibli, un chômage très bas… Cela lui a sans aucun doute servi pour faire voter le Brexit, mais non pas pour mener des réformes significatives. À la place, de nombreux scandales, mettant au grand jour une certaine insouciance du personnage, ont empêché d’aborder les sujets de fond. Le « Partygate » est le plus important.

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La crédibilité et le manque de transparence du personnage dans cette affaire auront pris un coup, du moins chez les parlementaires, qui ont fini par se rebeller – après lui avoir pourtant accordé la confiance – et par provoquer de nouvelles élections internes au mois de juillet. Ce départ en disgrâce n’a pas du tout paru l’émouvoir durant son discours hier. Il s’est contenté de souligner que « le bâton sera transmis dans ce qui s’est étonnamment transformé en une course de relais. Ils ont changé les règles à mi-chemin, mais ne nous préoccupons pas de cela maintenant », a-t-il simplement regretté.

Un avenir incertain pour Liz Truss

C’est un poste assez ingrat que Johnson laisse à son successeur, Liz Truss. Dans son discours, BoJo a tenu à lui apporter son entier soutien : « Je sais que le gouvernement conservateur plein de compassion de Liz Truss fera tout ce qu’il peut pour aider les personnes à traverser cette crise. Ce pays l’endurera et nous gagnerons » a-t-il promis, optimiste. Après une longue campagne de six semaines, où les Conservateurs se sont divisés, et alors que la Grande-Bretagne est en pleine crise sociale, l’ancienne secrétaire d’État aux Affaires étrangères ne doit pas s’attendre à une sinécure. D’ailleurs, elle fait mine de s’y préparer depuis le mois de juillet, en se faisant l’héritière directe de Margaret Thatcher, prête à des baisses d’impôts drastiques et favorable aux entreprises. Mais en parallèle, elle a promis un grand plan de relance de plusieurs dizaines de milliards de livres. N’est-ce pas là un premier reniement avec les politiques de Maggie ? 

Enfin, et ce sera peut-être le plus dur, elle devra gouverner avec l’ombre de Boris Johnson, qui laisse incontestablement un vide derrière lui. Interrogée par Sky News, l’ancienne conseillère de Boris Johnson, Jo Tanner, s’interroge sur son avenir : « Que va-t-il faire ensuite ? Il a promis de soutenir le gouvernement, mais il va être très difficile pour quelqu’un qui a toujours eu l’habitude de donner son avis de ne plus le faire ! » D’autant que Liz Truss n’a pas un charisme comparable et qu’elle devra désormais unifier son parti autour d’elle, en particulier les nombreux soutiens de l’ancien chancelier, Rishi Sunak. Les trois prochaines années s’annoncent donc remplies de défis et exigeront un leader irréprochable et déterminé.




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Journaliste franco-britannique

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