Accueil Site Page 706

Ursula, au nom de la grand-mère

0

Une chance déshonnête semble protéger Ursula von der Leyen de ses impairs et la pousse dans les plus hautes sphères du pouvoir en dépit de son parcours déficient.


On ne connaissait pas grand-chose d’elle avant que la guerre en Ukraine n’éclate. L’arrivée de ce petit bout de femme au sourire discret à la tête de la Commission européenne au moment même où Christine Lagarde débarquait à la Banque centrale européenne ressemblait fort à un arrangement franco-allemand pour garder le contrôle sur la politique de Bruxelles. Quand une autre « guerre » a commencé, sanitaire celle-là, Ursula von der Leyen est restée parfaitement en retrait, laissant à Emmanuel Macron et Angela Merkel toute leur la place, notamment pour négocier le plan de relance à 750 milliards d’euro pour les pays de l’UE. La seule fois que la présidente de la Commission européenne a fait parler d’elle, ce fut là l’occasion du fameux scandale de «sofagate», lorsque durant sa visite en Turquie en avril 2021 le puissant président turc Recep Tayyip Erdogan l’a contrainte à s’asseoir sur un canapé, laissant les deux fauteuils de son luxueux cabinet à lui-même et au chef du Conseil européen, Charles Michel. Et puis, une fois les violentes vagues de la pandémie passées, la presse a révélé une autre affaire concernant madame Von der Leyen ; l’affaire des SMS, ceux que la responsable politique échangea secrètement avec le patron de Pfizer Albert Burla, au moment même où Bruxelles négociait avec les géants pharmaceutiques les conditions de livraison des vaccins aux pays européens. Malgré les demandes insistantes de la médiatrice de l’Union européenne Emilie O’Reily, qui a ouvert l’enquête sur le sujet, et celles des journalistes, le contenu de ces textos n’a jamais été révélé et ce, sous prétexte que les messages n’avaient pas été conservés. C’est ainsi que fonctionne le plus haut appareil administratif du pouvoir européen. Quand on pense au sort réservé à l’ancien président américain Donald Trump suite aux fuites dans la presse de sa conversation téléphonique avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelenski (procédure de l’impeachment), ou encore aux récentes fouilles des archives présidentielles du même Trump à son domicile en Floride, on peut dire qu’Ursula, elle, est bénie. Surtout que la femme politique allemande avait déjà utilisé la technique de l’effacement des traces écrites à son départ du ministère de la Défense en 2019. Quant à Pfizer, on connaît la réussite de son vaccin en Europe : 70% des parts du marché, des résultats records de 81,3 milliards de dollars de chiffre d’affaire en 2021.

A lire aussi: Pour qui se prend donc Ursula von der Leyen?

Par ailleurs, le lien de proximité avec l’entreprise pharmaceutique américaine n’est pas le seul point d’attache de von der Leyen avec le plus puissant pays du monde. C’est aussi et d’abord l’histoire familiale. L’arrière-grand-père paternel de l’actuelle patronne de l’Europe, Carl Albrecht, s’était marié avec Mary Ladson Robertson, issue de d’une riche famille de sudistes, propriétaires d’esclaves et de plantations en Caroline du Sud. Une parfaite alliance de deux aristocraties, « obstinément convaincues de leur droit à gouverner », comme le rappelle, citant Thomas Mann, l’écrivain anglais Ben Judah dans son papier consacré à notre héroïne.

A ses racines américaines, elle tient beaucoup ; ainsi, pendant ses études à Londres elle est Rose Ladson, nom de jeune fille de son arrière-grand-mère. La légende veut que c’était pour cacher son identité de fille d’Ernest Albrecht, homme politique et membre du parti chrétien-démocrate ; et l’on se rappelle que dans les années 70, la droite allemande dut faire face aux groupuscules d’extrême gauche du pays qui souvent pratiquaient le kidnapping. Ensuite, Ursula passe quatre ans aux États-Unis, cette fois en tant que femme de son mari qui enseigne à l’université de Stanford, et mère d’une famille nombreuse. Le couple a sept enfants. C’est d’ailleurs à son retour d’Amérique que von der Leyen, diplômée en gynécologie, décide de se lancer en politique, dans le fief de son papa en Basse-Saxe d’abord. Puis, elle intègre le premier gouvernement de Merkel en 2005 qu’elle ne quittera plus jusqu’à sa nomination à son poste actuel en 2019.  

Ursula von der Leyen est arrivée aux responsabilités suprêmes de l’Union européenne avec la réputation d’un des ministres les moins compétents selon les enquêtes d’opinion de son pays, et chargée d’un passif de plusieurs affaires médiatiques dont elle s’est toujours sortie indemne. La suppression des SMS de son téléphone de ministre de la Défense allemand lui a permis d’échapper au scandale autour des consultants externes que son cabinet avait généreusement sollicités sans respecter les procédures d’appels d’offres : 200 millions d’euros en une seule année entre 2015 et 2016. D’autre part, lorsque quelques années auparavant, le site VroniPlag Wiki l’avait accusée de plagiat dans la rédaction de sa thèse de médecine lors de ses études universitaires, il n’y eut pas davantage de conséquences. Et pourtant, une bonne moitié de son œuvre de soixante deux pages avait été empruntée sans mentionner les sources. Dans un pays où les titres et les distinctions sont sacrés, des affaires pareilles poussent à la démission, pratiquement au même moment, trois autres ministres allemands.

A lire aussi: Dette climatique, le nouveau fardeau de l’homme blanc?

Même issue quand la presse allemande découvre, citant la porte-parole de l’université de Stanford, que la femme politique n’a jamais suivi de programme dans ce prestigieux établissement, ce que pourtant revendique son CV. Elle se justifie en disant avoir utilisé le terme « auditeur libre » conformément à la définition de ce mot par Wikipédia allemand. Cela a suffi pour calmer ses détracteurs. Ursula est décidément bénie.

C’est donc une personnalité politique au parcours médiocre et aux pratiques troublantes qui est tombée dans les bras du président ukrainien quelques jours après le début de l’agression russe contre l’Ukraine. Qui s’est présentée comme chef de file européen de la lutte contre le machiavélique leader russe Vladimir Poutine. Qui a agi au nom de 450 millions d’habitants du continent plongés huit mois plus tard dans la plus grave crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale. Qui a signé, toujours au nom de l’Europe, des accords stratégiques avec Joe Biden comme ceux sur le transfert des données numériques ou le gaz de schiste américain ; provoquant ainsi un énième tollé de l’opinion publique à son égard. « Mais pour qui roule von der Leyen ? » a titré La Tribune, le 10 octobre 2022. Les gouvernements des pays d’Europe, impuissants face au nouveau contexte géopolitique, tombent les uns après les autres. La présidente de la Commission européenne, cette femme politique au sourire discret et aux innombrables scandales médiatiques, ignore, quant à elle, les soucis d’une pression électorale. Il n’y a pas à dire : Ursula est bénie par la grâce dont elle seule connaît le secret

Coupe du monde au Qatar: le yin et le off

1

Un quotidien pakistanais pro-taliban révèle la stratégie du Qatar pour inciter les participants à la Coupe du monde de la FIFA à se convertir à l’islam.


Pas besoin de réussir pour persévérer, mais ça aide

Le Qatar a lancé ses chaînes sports en 2012. Trois chaînes, un multiplex (BeIn Sports Max) de 7 chaînes, un réseau international piloté depuis Paris, 14 millions d’abonnés : un succès commercial !

Ceux qui craignaient que cette initiative masque une volonté de prosélytisme ont été traités d’islamophobes, peine-à-jouir de surcroît.

À leur décharge, aucun bilan de la réussite du subliminal business n’a été publié.

Coupe du monde de foot au Qatar : coup d’envoi le 20 novembre 2022

L’empreinte carbone de la construction des huit stades (dont l’un est en forme de sumama, la kippa musulmane) et, surtout, la quantité industrielle d’air conditionné indispensable dans ce climat aride, a plus indigné les wokes français que l’absence de droits de l’homme dans le traitement des esclaves/ouvriers, pour que chacun des ouvrages (tous pourvus d’espaces de prière et d’ablutions) soit opérationnel dans les délais.

Les mêmes wokes qui, au quotidien, communiquent en novlangue charia-compatible (intersectionnalité oblige), se seraient trouvés fort dépourvus si les objectifs officiels du Markaz Zayyuf Qatar Lil Da’wa Elal-Islam (le Centre d’accueil qatari pour convertir les peuples à l’islam) eussent été connus. Heureusement pour leur sensibilité exacerbée, la stratégie du Centre d’Accueil est réservée aux perso-arabophones.

A lire aussi: Faut-il suivre la coupe du monde au Qatar?

Un quotidien pakistanais a vendu la mèche

Ladite mèche aurait dû faire exploser d’indignation les Occidentaux, mais la langue officielle au Pakistan étant l’ourdou, nul ne la parle chez les Kouffars.

Ceux qui veulent savoir ce qui se passe sur les chaînes qataries peuvent consulter le site MEMRI, l’Institut de recherche sur les médias du Moyen-Orient, mais si les prosélytes réussissent mieux cachés, leurs idiots utiles vivent encore plus heureux ignorants.

Nous ne résistons pas au plaisir de gâcher leur sieste avec quelques extraits choisis de l’article du Roznama Ummat.

« Profitant de cette occasion en or [la première Coupe du monde de la FIFA organisée dans un pays arabo-musulman], les responsables qataris se sont parfaitement préparés à « sensibiliser » les spectateurs à l’islam, tandis que d’excellentes dispositions ont également été prises pour promouvoir la culture arabe. Des panneaux ont été installés à proximité des aéroports, des hôtels, des autoroutes et des stades. Ils sont couverts de hadiths [dictons et traditions] courts mais concis du prophète Mahomet. […] Les responsables qataris ont formé une équipe de 2000 prédicateurs de la Da’wa. Il y en a de toutes les couleurs, races et langues ; imprégnés des techniques médiatiques modernes, pragmatiques et prévoyants, ils entreront dans le domaine de la Da’wa […] Ils délivreront le message de haq [vérité] aux spectateurs venus du monde entier […] Dix véhicules seront déployés pour le travail de da’wa et dix camps spéciaux seront installés pour ses objectifs ».

La da’wa est l’invitation faite aux non-musulmans à écouter le message de l’islam. C’est une technique de prosélytisme religieux qu’utilisent différents courants musulmans pour étendre leur zone de chalandise. Ne pas confondre avec Dawa, désordre. Quoique…

« Un effort a été fait pour mettre en avant la culture locale, régionale, arabe et islamique dans les huit stades spectaculaires que le Qatar a édifiés. Pendant que les spectateurs profiteront des matchs à la FIFA Qatar, ils écouteront aussi l’appel de l’islam ».

A lire aussi: Ubu à l’ONU

Fais dodo, supporter mon p’tit frère

Pour ceux qui aiment écouter une histoire avant de s’endormir, un autre centre culturel, celui du Cheikh Abdulla Bin Zaid Al Mahmoud, leur a concocté un « Islam pour les nuls » à sa sauce. Cette berceuse publiée en arabe, en anglais, français, italien, russe, portugais et allemand, a été réalisée par « les plus grands penseurs et savants islamiques du monde. Son nom est : Fahm-ul-Islam [Comprendre l’Islam]. Le livre sera distribué gratuitement à tous les spectateurs ».

Le stade Ustad Sumama a été inauguré le 22 octobre 2021. L’émir du Qatar et le président de la FIFA étaient présents. Ce n’est pas le match du tournoi qui a fait la fierté de l’hôte : « Le point important est que la récitation du chapitre Al-Rahman [du Coran] par des enfants a eu lieu lors de la cérémonie d’inauguration ».

Ce n’est pas une histoire à dormir debout, c’est une des innombrables offensives de l’islam, parfaitement légitimes et codifiées, pour conquérir le monde, avant de passer aux galaxies environnantes.

« L’important c’est de participer » ? Oui, mais il faut quand même savoir à quoi on participe !


[1] S. Galal, «Translation in the Arab Homeland: Reality and Challenge», Higher Council for Culture, Cairo, 1999, cité dans UNDP – Arab Human Development Report, 2002, p. 78.

La gratuité, ça paie

L’aumône pour la connaissance : Wikipédia, la commisération lui fait gagner des millions.


Cet automne, toute consultation de la fameuse encyclopédie gratuite, Wikipédia, créée il y a vingt ans, a été interrompue par une bannière au ton aussi culpabilisateur qu’alarmiste, comme si son avenir était en jeu : « 98 % des personnes qui consultent ne donnent pas. Nous vous prions de nous aider à préserver Wikipédia. S’il vous plaît. » Quel internaute attaché à l’accès à une connaissance libre et gratuite pourrait-il résister à cet appel et ne pas cliquer sur le bouton pour faire un don immédiat ne serait-ce que de 2 euros ? Les apparences sont trompeuses : Wikipédia n’est pas du tout menacé de disparition. En réalité, grâce au succès de sa campagne mondiale de « fundraising », il déborde de cash. L’entité qui récolte les fonds est une ONG, la Wikimedia Foundation, créée en 2003 et dont le siège social est aujourd’hui à San Francisco. Chaque année, des dizaines de millions de dollars sont donnés, de sorte que, à la fin de l’année 2021, les actifs de l’organisation se montaient à plus de 231 millions de dollars. Les revenus annuels – 162 millions de dollars en 2021 – dépassent les coûts de fonctionnement non seulement de la fondation, mais aussi de Wikipédia, car l’encyclopédie en ligne est gérée par une communauté de volontaires qui ne bénéficient pas de cette manne. L’ONG a pu investir 100 millions dans un autre fonds, le Wikimedia Endowment, et a aujourd’hui 550 salariés, dont un grand nombre sont employés dans la levée et la gestion de fonds, un système bien circulaire. Comment vérifier ces faits ? Ils se trouvent dans l’article sur l’ONG dans… Wikipédia.

A lire aussi: Confessions intimes, pour quoi faire?

Gad Elmaleh contre les turpitudes de l’Eglise…

0

Reste un peu de Gad Elmaleh, un film sur la beauté et la pureté du catholicisme, loin des terribles actualités qui entachent cette religion.


Bien sûr, Gad Elmaleh n’a jamais prétendu, avec son actualité récente, son film Reste un peu, ses divers entretiens, se poser en militant de la foi chrétienne pour faire oublier les trop nombreuses turpitudes de la base ou de la hiérarchie de l’Église catholique, parfois si tardivement avouées.

Il n’empêche.

Je considère qu’il lui a fallu du courage, dans le monde d’aujourd’hui, avec les ricanements qui n’ont pas manqué de la part de certains médias – par exemple les Inrocks ou Télérama, Diam’s, c’était tellement mieux ! -, pour faire part d’une forme de conversion, imprégnée d’une infinie tolérance pour les autres religions aux pratiques non dévoyées, et de son amour pour la Vierge Marie. Comme Gad Elmaleh l’a lui-même déclaré, «ce n’est pas sexy d’être catholique».

J’ai hâte de voir son film. Les extraits m’ont plu. L’atmosphère à la fois tendre, familiale, grave et drôle à la fois, semble, tel un objet cinématographique non identifiable (OCNI), un défi à tous les préjugés.

A lire aussi: Warner Bros s’oppose à l’inquisition woke d’Emma Watson

Lisant les réponses de Gad Elmaleh aux questions qui lui ont été posées par des journalistes manifestant parfois un étonnement offensant, comme si l’adhésion au catholicisme était une tare, je me suis surtout réjoui de voir une personnalité artistique, un comique très apprécié par le public nombreux qui assiste à ses spectacles, relier une conception éthique, respectueuse et ouverte de l’existence pour une fois non pas à une laïcité belliqueuse mais à la foi, au catholicisme.

C’est sans doute le facteur le plus décisif dans la révélation de cette mue de Gad Elmaleh, probablement moquée par un certain nombre de ses confrères ou consoeurs. Il n’en a cure à l’évidence puisque sa réputation et la liberté qu’il incarne, du léger au grave, lui garantissent le seul crédit qui a du sens : celui du public qu’il émeut, qui rit et l’applaudit.

Je reprends mon propos initial. Si Gad Elmaleh ne veut pas, par sa révolution intime, se donner un rôle qui n’est pas le sien, je ne peux m’empêcher cependant de me féliciter qu’il instille de la pureté, de l’espérance et de la lumière dans une putridité catholique venant des inadmissibles transgressions de ceux qui auraient dû, plus que que tous les autres, honorer la confiance dont ils étaient investis par leur serment et leur choix de vie.

Oui, Gad Elmaleh fait du bien.

Reste un peu, de Gad Elmaleh, en salle, 1h33, comédie.

Le Mur des cons

Price: 18,90 €

48 used & new available from 2,57 €

Libres propos d'un inclassable

Price: 12,50 €

9 used & new available from 4,96 €

72 Heures (Roman judiciaire mais pas que…)

Price: 5,99 €

1 used & new available from 5,99 €

Projet de loi contre la corrida : « C’est une volonté d’anonymation de notre culture ». Entretien avec le député RN, Emmanuel Taché de la Pagerie

Le député de la 16e circonscription des Bouches-du-Rhône, où se situe la Camargue, nous explique pourquoi il est essentiel d’infliger une défaite retentissante au projet de loi d’Aymeric Caron visant l’abolition de la corrida. Le texte en question est encore un symptôme de l’incompréhension profonde du monde rural chez un grand nombre de politiques parisiens et urbains.


CAUSEUR. La commission des lois a déjà donné un avis défavorable à ce projet de loi. Le débat là-dessus ce jeudi garde-t-il encore quelque importance ?

Emmanuel Taché de la Pagerie. Oui, car la commission des lois ne donne qu’une orientation de ce qui peut se passer dans l’hémicycle. Encore faut-il qu’il y ait le nombre suffisant de parlementaires pour rejeter le texte d’Aymeric Caron. Et même si ce texte était rejeté, rien n’empêcherait, à l’avenir, monsieur Caron de présenter tous les ans, tout le long de la mandature, absolument le même texte. En tant que député de Camargue, je défends les intérêts des citoyens que je représente. Je suis allé voir Éric Dupont-Moretti pour lui demander de mobiliser la majorité présidentielle contre ce projet de loi : j’ai l’impression que le message a été entendu.

C’est un vote libre, mais est-ce qu’il y a quand même une division politique ?

Non, il n’y a pas de division politique au sens des partis politiques. Il y a effectivement des gens qui sont farouchement pour et d’autres farouchement contre. Ce que je vois autour de ce sujet, c’est qu’il y a une réelle méconnaissance de la part de mes collègues du monde taurin et de la réalité agricole, économique et même sociale. Je vois dans les écoles taurines des enfants qui, plutôt que de faire le guet ou de vendre de la drogue dans certaines cités d’Arles, font de la course camarguaise, deviennent toreros. Ça les extrait d’un milieu où il y a de la violence et ça leur permet une assimilation, une cohésion nationale. Les jeunes gens intègrent la vie en société. Dans une circonscription comme la mienne, la corrida est essentielle au maillage social.

A lire aussi: Viva corrida !

Dans les corridas, il y a les grands exploitants terriens, les grands propriétaires terriens, les grandes familles. Mais aussi des ouvriers, des employés, des jeunes. Les gens boivent de la bière, fument des cigarettes dans les arènes. Il n’y a pas de CRS dehors pour séparer les gens, ce n’est pas un match de foot qui aurait été mal arbitré. C’est une discipline qui ne créé aucune violence. Il y a de la bonne humeur et de la cohésion.

Il reste la question de la souffrance animale…

Certes, la mise à mort peut paraitre cruelle, mais je rappelle qu’il y a 900 taureaux qui passent dans les arènes et 3 millions d’animaux tués chaque jour dans des abattoirs. Le taureau est un animal sauvage, on ne le tue pas n’importe comment. Quand on plante l’épée dans la colonne de l’animal, c’est pour qu’il meurt tout de suite sans souffrance.

Si les gens qui sont préoccupés par le bien-être animal devraient se pencher en priorité sur la question de l’élevage industriel, quelle peut être la motivation d’un Aymeric Caron qui semble obsédé surtout par la question de la corrida ?

Il y a d’abord une véritable méconnaissance : l’élevage du taureau est une agriculture extensible. Un taureau vit a minima 4 ans sur un hectare à lui tout seul, sans intervention humaine. Si ce n’est des besoins de soins vétérinaires ou d’eau en période de sécheresse. En termes de bien-être animal, on est au maximum. Mais la volonté de Monsieur Caron, c’est de détruire des schémas de cohésion sociale qui existent depuis des siècles. La corrida, telle qu’on la connait, existe depuis l’impératrice Eugénie. Mais la culture taurine existe depuis plus longtemps : sur notre territoire, elle a mille ans. Après la corrida, ça sera la chasse à courre, la chasse, la pêche. Ces gens veulent nous expliquer que, depuis des siècles, nous sommes dans l’erreur. Que depuis des siècles des traditions sont transmises dans l’erreur. Je ne connais rien qui soit plus vertueux que la chasse dans la préservation des espèces et des paysages. On est dans ce délire wokiste où tout se vaut. Ces gens ne s’en prendraient jamais à des traditions du bout du monde mais s’en prennent à ce qui fait la colonne vertébrale de nos territoires. C’est une volonté d’« anonymation » de notre culture.

On parle d’une division entre ruralité et la vie urbaine. Cela se confirme ?

C’est clairement ça. Si l’on doit grossir le trait, les opposants à la corrida se présentent comme des « sachants » : ils pensent pour les autres, ils aimeraient même pouvoir respirer pour les autres. Et nous, nous sommes des sauvages, des barbares et des ploucs qui ne savons pas comment vivre la vie. Alors que ce n’est pas vrai. Toutes nos organisations, tous nos rites, toutes nos traditions le montrent.

Qu’est-ce qui empêche ces personnes de comprendre la relation millénaire entre l’homme et les animaux ?

Ce sont des gens qui remettent en cause tout ce qui fait société depuis l’ère néolithique. Ils trouveront toujours des perspectives pour dire que ce qui existe ne devrait pas exister : l’agriculture, la domestication… Ce sont eux qui sont inadaptés. Sortis de leurs grandes villes, quel est le monde qui s’offre à eux ? Ça voudrait dire quoi ? Que notre schéma global est vicié et dans l’erreur ?

Est-ce que ce genre de mépris pour la campagne et ceux qui y habitent peut provoquer d’autres révoltes à l’instar des gilets jaunes ?

Non, je ne crois pas. Les Français sont tellement à bout de tout qu’ils n’ont plus la force de se révolter. Je le vois bien en circonscription, les gens sont plus occupés à savoir comment ils vont payer leurs factures et remplir leur frigo. Monsieur Macron a tout à fait réussi son pari. Il a réussi à complétement anesthésier tout un peuple.

A lire aussi: Lettre d’un jeune Matador français

Est-ce que le même mépris pour les « petites gens » et leurs traditions qui s’exprime à travers ces condamnations des crèches dans les mairies ?

Je trouve que c’est ubuesque que le Conseil d’État mette son nez dans ce genre de chose. Je crois que les maires sont libres de d’installer des crèches, certes pour la tradition mais aussi pour la mise en valeur du travail des artisans santonniers qui est très important notamment en Province où se trouve ma circonscription. Certes, Noël est une fête chrétienne et l’État est laïc, mais la France est d’essence chrétienne. C’est malheureux que les élus se soucient des crèches dans les mairies plutôt que des mosquées clandestines dans certains quartiers, qui ne tiennent pas des propos de paix et d’amour.

Une minorité n’a pas à imposer un schéma sous prétexte d’un hygiénisme intellectuel.

En ce qui concerne les incendies qui ont ravagé le Sud de la France cet été, certains commentateurs ont pointé le fait que les écologistes se battent pour la préservation de la végétation aux dépens de la forêt.

Cette approche prétendument « écologique » est une véritable hérésie, puisque le non-entretien de la végétation limite l’accès des pompiers qui essaient de combattre le feu. N’importe quel forestier le sait. Il s’agit toujours de la même méconnaissance totale du monde rural. Il y a une rupture profonde entre Paris et la province. Au niveau de la politique nationale, nos réalités sont totalement gommées.

Craignez-vous que la catastrophe sécheresse/incendies se répète l’été prochain ?

Bien sûr. J’ai été entendu cette semaine à Arles par des enquêteurs du ministère de la Transition écologique et du ministère de l’Agriculture. Je leur ai dit qu’il n’était pas question que 2023 ressemble à 2022 et que les services de l’État osent me dire qui faut qu’il pleuve pour que les choses s’arrangent. L’eau, on en a – c’est une question de captation et de redistribution. En Camargue, c’est la première année où, avec un taux de sel de 5g/litre, on a eu des bêtes qui se sont empoisonnées en buvant dans une flaque, et où mes riziculteurs commencent à faire de la culture hors-sol de tomates pour survivre. Et si on n’a plus d’élevage de taureaux, la Camargue telle qu’on la connait n’existera plus. La Camargue, comme la lagune de Venise, est une création entièrement humaine. Sans l’intervention de ces animaux, tout sera bouleversé.

Quel serait votre message d’espoir pour tous ces citoyens ruraux qui sont à bout ?

Allez voter ! Prenez votre destin en main. Je crois que tout tient grâce à la démocratie. Et il faut remettre sur la sellette que la liberté est la règle. Que ce soit pour la corrida, la chasse ou d’autres pratiques. Une minorité n’a pas à imposer un schéma sous prétexte d’un hygiénisme intellectuel.

Re-migration vers l’Afrique : le bras de fer entre Londres et les ONG concerne toute l’Europe

0

Et si les accords de re-migration comme celui conclu entre le Royaume Uni et le Rwanda constituaient la solution pour lutter contre l’afflux de migrants illégaux en Europe? Tribune d’Alain Destexhe, sénateur honoraire belge.


En avril dernier, le Royaume Uni et le Rwanda ont conclu un accord de coopération en vue de déporter toute personne entrée sur le territoire britannique de manière illégalevers le Rwanda où leurs demandes d’asile seront analysées. On sait que ces clandestins sont presque tous des migrants économiques et non des réfugiés politiques au sens de la Convention de Genève de 1951.

Cependant, en suspendant en urgence l’expulsion d’un Irakien prévue le 12 juin, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui définit le cadre de la politique migratoire européenne, a empêché le premier avion affrété par le gouvernement britannique de décoller vers le Rwanda : une grande victoire pour les ONG et tous les activistes qui veulent abolir les frontières. L’affaire est actuellement à l’examen devant la Haute Cour de justice de Londres. Prétexte évoqué ? Le Rwanda ne serait pas « un pays sûr », un  argument à la fois faux et méprisant.

Faux,  parce le Rwanda est au contraire un des pays les plus sûrs d’Afrique – voire du monde – comme le montrent plusieurs classements internationaux. Il suffit de discuter avec des Rwandais ou des étrangers qui y vivent pour le constater : à certains égards, on se sent plus en sécurité à Kigali que dans certaines villes européennes ou américaines ! S’y promener seul le soir est certainement moins dangereux que dans certains quartiers de Bruxelles ou de Paris.

A lire aussi: L’administration Biden nous emmène vers un conflit dévastateur avec la Russie

Méprisant, aussi, car ces ONG « humanitaires » dénient au fond à l’Afrique la possibilité même des respecter les règles et normes internationales dont elles se sont érigées en défenseuses, et véhiculent  ainsi l’image d’un continent qui ne serait qu’un océan de misère et de chaos, et donc d’Africains qui seraient incapables de se gérer eux-mêmes selon des « normes civilisées ». On ne peut ici que constater l’ironie de cette vision néocolonialiste voire raciste,  par ceux qui, par ailleurs, entendent décoloniser les mentalités occidentales.

Le Rwanda a déjà prouvé qu’il est parfaitement capable d’accueillir, dans de bonnes conditions, des migrants, soit pour la période traitement de leur dossier, soit  pour s’y établir s’ils fuient réellement la répression ou l’insécurité. De plus, le pays  leur offre la possibilité de travailler dès leur arrivée s’ils le souhaitent, et donc de s’intégrer. Bien entendu, ils ne seront pas non plus assignés à résidence. Libres à eux de retourner dans leur pays d’origine s’ils le souhaitent, ou de se rendre dans un pays tiers prêt à les accepter.

En les envoyant au Rwanda ou ailleurs en Afrique, l’Europe enverrait un signal clair que les portes du  continent sont fermées aux clandestins, ce qui limiterait le nombre de candidats au départ (et donc les décès en Méditerranée ou dans la Manche), comme les activités criminelles des passeurs. En réalité, cette politique serait beaucoup plus « humanitaire » que les discours hypocrites des ONG du même nom qui, selon la formule de Bossuet, « se plaignent des conséquences dont ils chérissent les causes ».

Quel est l’intérêt du Rwanda dans cette affaire ? Certains diront qu’il est purement financier, ce pays devant recevoir 120 millions de livres du gouvernement britannique, mais on peut aussi l’envisager à travers la  vision qu’il a de son histoire et de son développement.

Le pays des milles collines a connu en 1994 le génocide des Tutsis, l’un des rares génocides incontestables du XXème siècle, une tragédie qui continue à marquer la société rwandaise. De plus, beaucoup de Rwandais, à commencer par le président Paul Kagamé, ont été réfugiés, ce qui les rend plus sensibles que d’autres au drame des migrants. Pour se développer, le « petit » Rwanda (dont la superficie est semblable à celle de la Belgique), qui n’a guère de matières premières, a choisi un positionnement original en se faisant le champion de l’Afrique et de la coopération internationale.

Cette stratégie se décline de multiples façons, allant de la promotion des investissements à la création d’une compagnie aérienne fiable avec un réseau international étendu (Rwandair), en passant par l’accueil de grandes conférences internationales, l’envoi de casques bleus sur les terrains de crise, ou encore le développement d’un tourisme qualitatif. Sur la scène internationale, le Rwanda apporte une contribution active à la résolution de problèmes globaux. En février dernier, il a par exemple été le fer de lance d’un accord international de lutte contre les déchets plastiques, ambition qu’il avait été l’un des premiers au monde à appliquer en interdisant les sacs plastiques dès 2008.

L’accord avec le Royaume Uni s’inscrit donc dans ce cadre singulier qui combine une détermination à développer l’économie locale, la mémoire vive du génocide de 1994, ainsi qu’une volonté de coopération au niveau international pour contribuer à résoudre les problèmes les plus urgents de notre époque. Sur la scène internationale, ce pays occupe une place disproportionnée par rapport à sa taille et sa population. En comparaison de la plupart des pays africains, et n’en déplaise aux ONG autoproclamées des « droits de l’homme », le Rwanda est un modèle de stabilité et de développement. Pour ceux qui doutent des succès de Kigali, il leur est suggéré de jeter un coup œil sur les indicateurs internationaux ou de faire un détour par les pays voisins.

A lire aussi: Trump ou Biden: qui a gagné l’élection de 2020?

Dans cette affaire, une fois de plus, l’opaque et politisée CEDH a encore frappé. David Cameron puis  Teresa May en 2016 avaient envisagé de s’en retirer, un projet qui semble, hélas, abandonné depuis le Brexit. Pourtant, plus encore que le carcan de l’Union européenne, la  jurisprudence de la CEDH (sur les clandestins comme sur le regroupement familial) constitue le principal obstacle à l’arrêt de l’immigration incontrôlée vers l’Europe. Ne nous y trompons pas : si cet accord se concrétisait, il pourrait être copié par d’autres pays africains et européens, comme le Danemark l’envisage à présent.

Le bras de fer en cours à Londres risque de déboucher sur une nouvelle défaite en rase campagne des gouvernements face aux ONG. Mais, avec un peu de courage politique, il pourrait ouvrir la voie à une solution au problème migratoire.

Immigration et intégration: avant qu'il ne soit trop tard...

Price: 16,16 €

5 used & new available from

Croquis de famille

Pourquoi faut-il (re)lire l’œuvre enchanteresse du critique et écrivain François Bott, disparu le 22 septembre dernier ?


Nous étions au printemps, il y a sept ans, peut-être. La famille au grand complet de Service Littéraire s’était réunie sous l’invitation du condottiere François Cérésa dans un restaurant du VIIème arrondissement, derrière la basilique Sainte-Clotilde. L’ombre de Druon veillait sur cette assemblée disparate et indisciplinée. François tentait de mener à l’épée ses chroniqueurs insoumis, avec la faconde du playboy poulbot et cet air canaille dont il ne se départait jamais. Le verbe haut et la camaraderie à la boutonnière. C’est l’image que je me fais d’un écrivain racé et rieur qui se moque des affèteries progressistes. Les dernières traces de l’esprit français avaient trouvé refuge dans la rue même où mourut la Comtesse de Ségur en 1874. Les tables se formèrent dans le chahut et l’allégresse. Tout le monde respectait la règle tacite, ne pas parler littérature sous peine d’exclusion. Quelle atroce faute de goût de raconter les misères de l’écriture et les affres de la création en s’empiffrant de charcuterie, d’égrener le nom d’écrivains célèbres pour parader ou de s’inventer des parentèles imaginaires pour exister socialement. Nous n’étions pas à l’école, ni à la Maison de la Radio. Un examen ne clôturait pas la soirée. Cette manie des bons et mauvais points est la cause principale de notre déclassement culturel. Nous savions nous tenir. La lecture est une occupation trop intime pour l’exposer en pâture, pour la déflorer à la hussarde, pour s’en servir de strapontin mondain. La conversation filait sur des sujets autrement plus capitaux, le championnat de France de fromage de tête venait d’annoncer son podium, Arnaud Guillon hésitait entre acquérir, avant l’été, un cabriolet Peugeot 504 et un Duetto coda longa, ce qui le plongeait dans un abîme de perplexité ; tout le monde s’accordait sur l’essentiel, la cupidité des éditeurs, la laideur des périphéries, la police des opinions et regrettait les standards de la chanson italienne.

Adriano Celentano fut cité à plusieurs reprises au cours du repas, avec une forme d’émotion adolescente et d’érotisme perlant. Tout le monde ne pensait plus à écrire un chef d’œuvre nobelisé mais à enfourcher une Vespa et à visiter les plages de Rimini sous un soleil cajoleur à la recherche d’un amour fugace. Le hasard du placement tient du mystère et un peu de la mystique gastronomique. Certains soirs, des tablées impromptues scellent des amitiés merveilleuses et éphémères qui, longtemps après, propagent le venin de la mélancolie. En face de moi, Roland Jaccard taquinait le juge Lambert sur des questions de procédure ; à ma droite, Gérald Sibleyras, dramaturge vedette et Sylvie Perez, fine plume évoquaient le crachin londonien ; tout le monde se marrait ; tout le monde était heureux de trinquer ensemble.

A lire aussi: «Travaillez pendant que vous avez encore de la lumière»

Et puis, en bout de table, l’homme à la pipe était là, calme et précis, l’allure d’un officier de marine, des manières de seigneur bourguignon, jamais un mot de trop, l’élégance n’aime pas les éclats de voix, à l’image de ses critiques limpides et fluides, secouées par cette onde nostalgique dont nous recherchons la vague comme les surfeurs attentifs de la Côte basque, il imposait sa stature de commandeur des lettres, sans bomber le torse, sans capter l’auditoire par des références surnuméraires, sans lever le doigt comme un bon élève. Nous savions qui il était, nous l’avions tous lu, ça suffisait à notre bonheur.

A côté d’un Renaud Matignon au tempérament plus éruptif, François Bott fut un prescripteur léger quand l’école avait déjà failli à notre éducation littéraire. Ces deux-là chassaient les camarillas et les fausses valeurs, ils n’écrivaient pas à l’encre plombée. Ils élevaient notre niveau de lecture, nous apprenaient à repérer les dissidents et à affermir notre goût, à exiger des écrivains un style et un élan salvateur. « Né en 1935, François Bott avait dirigé les pages littéraires de L’Express, puis Le Monde des livres après avoir fondé Le Magazine littéraire», comme l’indiquait la notice biographique sur la couverture de ses livres republiés dans la collection la petite vermillon. En souvenir de ce dîner où nous n’avions échangé que quelques réflexions anodines, j’ai relu, hier soir, ses croquis littéraires réunis dans Il nous est arrivé d’être jeunes. De courts textes véloces qui accélèrent d’Aragon à Roger Vailland en passant par Vialatte ou Louis Nucéra où l’art du critique se fait didactique sans être pesant, instructif sans être alarmiste, respectueux sans être dupe. J’ai pris une leçon d’écriture par la concision du propos et le sens de la formule flibustière. Bott balance, canonne, bombarde sans les effets habituels. D’une combinaison inusitée, il croque un écrivain en une seule phrase et capture l’essence même d’une plume. De Cioran, il écrit qu’« il aimait le vélo et les marquises des Lumières ». C’est admirable et perspicace. De Morand, il confesse que « la géographie était sa religion ». De René de Obaldia, farceur disparu en début d’année 2022, il le décrit comme un « humoriste noir et rose, le néant le met de bonne humeur ». Il place très haut Charles Trenet dans son panthéon personnel et se félicite de la reparution des romans de Jean Freustié. Et il s’interroge, à propos d’Aragon, sur le style : «Ne serait-il que l’art de se faire pardonner diverses vilenies, par exemple, cette façon d’ignorer, de couvrir, sinon de légitimer le goulag et la dictature stalinienne ?» Aujourd’hui, il semble que ce soit l’absence de style qui légitime les pires âneries et renoncements.

François Bott, Il nous est arrivé d’être jeunes, La Table Ronde, 272 pages, 8,10€.

Il nous est arrivé d'être jeunes: Croquis littéraires, d'Aragon à Stefan Zweig

Price: 8,10 €

16 used & new available from 2,52 €

Écrivains en robe de chambre: Histoires littéraires

Price: 8,70 €

13 used & new available from 3,99 €

Un hiver au Vésinet (Vermillon)

Price: 9,99 €

1 used & new available from 9,99 €

Gare au loup !

C’est plus écologique d’être plongé dans le noir, la sécurité n’est plus à la mode.


Les maires de nombreuses communes en France ont décidé de suivre le bon exemple de ceux de Chambéry et de Rennes, socialistes, ou de Bordeaux, écologiste, en adoptant le plan de sobriété énergétique et en coupant leur éclairage public de minuit à six heures du matin. Tant pis pour les badauds qui déambulent à l’aveuglette ! En plus de réduire la facture d’électricité, éteindre les lampadaires donne aux communes un bon point écolo. Mais quid des habitants confrontés à notre peur primordiale : le noir et le monstre qui s’y cache ? À Guengat, dans le Finistère, où les lampadaires seront désormais éteints à partir de 21 h 30, des piétons et des étudiants ont été interrogés par nos confrères de France Bleu. Aude, 23 ans, souligne que « ça pose question, en termes de sécurité. Surtout pour les jeunes femmes. » En effet, depuis longtemps, les féministes accusent nos villes d’être des espaces « genrés », conçus pour les hommes, notamment à travers un éclairage nocturne inadéquat qui décourage la circulation des femmes. Il y a deux ans, le Conseil économique social et environnemental (CESE) adoptait une résolution appelant les autorités publiques à « agir sur l’éclairage » dans les villes pour réduire la sensation d’insécurité chez les femmes. Le gouvernement nous dit que « chaque geste compte » et qu’il faut se résigner à ne plus vivre comme avant. Pourtant, ce sentiment d’insécurité, renforcé par le fait que ni la police ni les caméras de vidéosurveillance ne peuvent faire leur travail dans le noir, représente bien un retour à la ville du Moyen Âge, tout particulièrement pour les femmes. Certes, l’écologie est un combat louable, ainsi que la sobriété énergétique, mais aucun thuriféraire de ces causes ne semble relever le fait qu’elles sont désormais en contradiction flagrante avec #MeToo.

A lire aussi: Verts et pas mûrs

Mythe et mythes de la Guerre d’Espagne: les raisons d’une polémique

La publication en français d’un livre présentant une nouvelle approche de la Guerre d’Espagne vient de montrer que les questions d’historiographie se transforment trop souvent en questions de politique contemporaine. Le gouvernement espagnol et l’intelligentsia française de gauche ont dénoncé l’auteur de ce livre, Pío Moa, comme un dangereux révisionniste. Le spécialiste américain de la Guerre d’Espagne, Stanley Payne, vient de publier un article un article qui répond à ces critiques. Le texte est ici traduit en français et présenté par Arnaud Imatz.


La publication d’un long entretien avec Pío Moa, auteur de Les mythes de la Guerre d’Espagne, dans le Figaro Histoire de juillet 2022, et la mise en ligne d’une vidéo vue par plus d’1.300.000 internautes ont soulevé l’indignation de nombre de journalistes et universitaires admirateurs du Front populaire espagnol. Le 22 août, Le Figaro a publié la réponse virulente d’un proche du gouvernement socialiste, président de l’Association pour la récupération de la mémoire historique, Emilio Silva. Plus de cent historiens français se sont dit par ailleurs « consternés » et ont publié une lettre ouverte, à laquelle plusieurs médias complaisants envers la gauche radicale ont fait largement écho. Le 13 novembre dernier, le quotidien madrilène El País a consacré à son tour une page à la polémique française sur la traduction du livre de Moa. Le sujet semble d’autant plus sensible en Espagne que le gouvernement vient de faire adopter une « loi de mémoire démocratique » qui prétend censurer et pénaliser les opinions trop éloignées de la doxa officielle. Signe des temps, la Poste espagnole vient d’imprimer un timbre avec une faucille et un marteau aux couleurs de la République du Front populaire pour célébrer les cent ans de la fondation du PCE.  

Dans l’article qui suit, publié simultanément aux États-Unis, dans la revue culturelle Chronicles, l’historien Stanley Payne, l’un des plus prestigieux spécialistes mondiaux de la République et de la Guerre d’Espagne, reconnu pour son honnêteté, sa rigueur et sa pondération, auteur de plus de trente livres dont La guerre d’Espagne. L’histoire face à la confusion mémorielle (Le Cerf, 2010), répond aux censeurs de Moa et remet les pendules à l’heure.  


À la fin du vingtième siècle, tous les grands mythes politiques ou religions séculières étaient plus ou moins discrédités. Un seul allait néanmoins survivre en Europe sous sa forme classique et même connaitre un renouveau majeur. Le mythe de la République espagnole et de la Guerre civile, sous la vieille bannière du Front populaire de la «démocratie républicaine», a bel et bien été ressuscité par la dernière génération de la gauche espagnole. Au cours des dernières années, il est devenu le «nouveau» mythe fondateur de l’Espagne, dont l’objectif est de radicaliser l’actuelle monarchie constitutionnelle ou de la remplacer par une autre république extrémiste de style latino-américain.  

La révolution espagnole de 1936-1939 a été la seule révolution collectiviste de masse, violente, qui s’est déroulée dans un pays d’Europe occidentale au XXe siècle. Elle a échoué pour diverses raisons, mais essentiellement parce que les modérés et les conservateurs espagnols se sont rebellés de manière préventive avant que la domination des institutions par le processus révolutionnaire ne soit achevée. Les révolutionnaires se sont vus dès lors confrontés à un véritable dilemme : essayer de mener une révolution de masse violente tout en menant une guerre civile à grande échelle, ce qui s’est avéré au-dessus de leurs capacités.  

La révolution espagnole est également unique dans l’histoire européenne en ce qu’elle a été d’abord impulsée par des socialistes et des anarchistes, et que c’est seulement pendant la guerre civile que le communisme est passé au premier plan. Les dirigeants soviétiques ont compris, dès le début, qu’une nouvelle révolution en Europe occidentale devait être camouflée en «démocratie républicaine» pour être acceptable et acceptée par l’opinion publique internationale. Moins d’un an plus tôt, le Komintern avait modifié son approche révolutionnaire, qui avait conduit à des résultats si désastreux en Allemagne, en faveur d’une nouvelle alliance de type «Front populaire» qui puisse instrumentaliser la démocratie occidentale au nom de l’«antifascisme», nouveau motif-clé de la propagande. La présentation du conflit espagnol comme un combat entre «la démocratie et le fascisme» était un stratagème qui devait connaitre un succès considérable, notamment au sein de l’intelligentsia occidentale alors de plus en plus favorable à la lutte contre Hitler et Mussolini.  

A lire aussi: « Le silence est une nouvelle façon de brûler les livres »

Pour diverses raisons complexes, l’histoire de l’Espagne a toujours été l’une des plus difficiles à comprendre de tous les pays occidentaux. Ses singularités marquées et ses courants et contre-courants apparents ont naturellement déconcerté les étrangers, ce qui a contribué à donner au modèle du Front populaire espagnol une forme mythique largement acceptée pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette forme a été ensuite modifiée pour présenter le conflit espagnol comme le «début» ou le «premier round» de la Seconde Guerre mondiale, un saut imaginatif tout aussi extrême.  

Lorsque j’ai commencé à étudier l’histoire de l’Espagne, dans les années 1950, j’ai réalisé que les aspects les plus extrêmes du mythe étaient exagérés, mais j’ai néanmoins accepté l’interprétation standard de la «République espagnole démocratique» et de sa gauche au moins semi-démocratique.  Il n’existait pas alors de littérature scientifique sérieuse prouvant le contraire. De plus, mes deux premiers livres sur les affaires espagnoles qui traitaient des forces-clés de la droite, la Phalange fasciste (1961), et l’armée (1967), avaient été accueillis avec enthousiasme par la critique, plus particulièrement par celle des auteurs de gauche.  

Je n’avais pas eu jusque-là l’idée d’enquêter sur les révolutionnaires et c’est Jack Greene, historien américaniste de l’Université Johns Hopkins, qui m’a suggéré de le faire. En plein «boom de l’histoire» des années 1960, il était chargé d’éditer une série de dix volumes sur «Les révolutions dans le monde moderne». Green m’a donc invité à rédiger l’étude sur l’Espagne et, après réflexion, j’ai accepté.  Les recherches que j’ai menées sur la gauche espagnole entre 1966 et 1968 ont constitué, je crois, «un avant et un après» dans la compréhension de l’histoire espagnole récente. J’ai été particulièrement surpris de constater que la gauche espagnole n’était pas nourrie de réformistes maladroits et bien intentionnés, telle qu’elle était censée l’zêtre selon le mythe, mais au contraire de personnes autoritaires, très déterminées, dont les sectateurs révolutionnaires s’étaient consacrés, avec une violence toujours plus grande, à l’attaque directe des institutions.  

Ces recherches ont finalement donné naissance à The Spanish Revolution (1970), une étude de la gauche révolutionnaire espagnole, de ses origines à sa défaite finale en 1939. Certaines interprétations ont dû être révisées depuis, après l’ouverture de nouvelles archives, en particulier celles de l’ancienne Union soviétique, mais ce livre reste à ce jour la seule étude publiée dans le monde en un seul volume sur l’ensemble du processus révolutionnaire en Espagne.  Le «Book World» du Washington Post le désigna comme l’un des cinquante livres les plus remarquables de l’année 1970 et, la censure espagnole s’étant relâchée, deux traductions espagnoles différentes furent publiées au cours de la décennie suivante. Les commentateurs de gauche, qui avaient salué mes deux premiers principaux livres sur l’Espagne, se montrèrent en revanche souvent cinglants à l’égard de The Spanish Revolution, ouvrage qui avait osé mettre à nu le mythe jusque-là bien établi.  

A lire aussi: Dernières recherches historiques sur la rafle du Vel d’hiv

Les années 1970 ont été une décennie de transformations spectaculaires en Espagne, le pays ayant pris alors une initiative tout à fait à contre-courant. Au plus fort de la phase finale de l’expansion communiste dans le cadre de la guerre froide, l’Espagne a procédé à un surprenant changement de régime en faveur de la démocratie libérale, initiant ainsi la dernière grande vague de démocratisation du XXe siècle. Celle-ci allait durer, non seulement en Espagne mais dans le monde, jusque dans les années 1990. La censure prit fin dans la Péninsule et il s’en suivit un intérêt décuplé pour l’histoire contemporaine. Le nouvel esprit semblait vouloir enterrer le passé, tout au moins en ce qui concerne la politique partisane, pour laisser l’histoire aux universitaires.  

C’était du moins ce qu’il semblait être.  Mais en réalité, à cette époque la génération «nouvelle gauche» des années soixante avait déjà commencé à investir les universités espagnoles. Elle l’avait même fait sous un régime franquiste de plus en plus tolérant, et elle allait rapidement étendre sa domination dans la majorité du système universitaire en pleine expansion.    

Par ailleurs, les milieux politiques modérés et conservateurs se montraient étonnamment peu intéressés par la culture et l’histoire récente, vivant dans la crainte perpétuelle d’être traités de «franquistes». La conséquence a été que dans les dernières années du XXe siècle, la domination de la gauche sur les médias, la culture et l’éducation est devenue encore plus complète en Espagne que dans beaucoup d’autres pays occidentaux. Plusieurs sujets et plusieurs thèmes sont devenus tabous, même si la liberté d’expression fondamentale a continué d’exister dans l’ensemble du pays, à l’exception partielle des universités.  

Il en est résulté un véritable dilemme, illustré notamment par la carrière de Javier Tusell, principal historien politique espagnol de la fin du vingtième siècle. Ce dernier a publié en trente-cinq ans une bonne vingtaine de livres, tous de grande qualité et la plupart basés sur des recherches d’archives originales, mais, soucieux de conserver sa liberté de pensée et d’interprétation critique tout en restant dans les bonnes grâces de ses collègues, il a préféré se consacrer essentiellement à des études sur la droite espagnole sans jamais entreprendre la moindre étude critique importante sur l’un des aspects de la gauche. À partir des années 1990, la conformité historiographique au mythe de la République et de la Guerre civile a été presque complète.  

C’est précisément dans cette situation de stagnation intellectuelle qu’est soudainement apparu, en 1999, l’ouvrage d’un auteur totalement inconnu, Pío Moa, Los orígenes de la Guerra Civil española. Il ne s’agissait pas d’un universitaire, mais d’un chercheur indépendant, le genre de personne beaucoup plus rare en Espagne que dans le monde anglophone. Moa était un marxiste repenti qui avait commencé sa vie d’adulte comme membre actif du FRAP, une organisation terroriste révolutionnaire des années 1970 qui avait combattu bec et ongles la démocratisation de l’Espagne. Puis, dans les années suivantes, il s’était consacré à une longue étude sur l’histoire de son pays. Au bout de deux décennies, Moa était parvenu à des conclusions qui allaient à l’encontre de ses premières convictions, mais aussi des mythes conventionnels sur la vie politique espagnole contemporaine.  

A lire aussi: Quel souvenir pour la guerre d’Indochine ?  

Son premier livre s’attaquait directement non pas aux mythes de la guerre civile elle-même, mais aux idées reçues sur son contexte. Il exposait et analysait les «origines» du conflit en 1933-34, lorsque la gauche avait d’abord cherché à imposer un système exclusiviste puis, ayant échoué, s’était tournée vers de multiples insurrections révolutionnaires, dont le point culminant avait été le violent assaut de masse socialiste de 1934. Cet ouvrage le plus important et le plus original de l’historiographie espagnole récente, a été rapidement suivi de deux autres : Los personajes de la República vistos por ellos mismos (Les dirigeants de la République décrits par eux-mêmes) (2000), qui est un portrait révélateur des principaux dirigeants de gauche vus au travers des descriptions originales et acerbes qu’ils ont faites d’eux-mêmes, et El derrumbe de la Segunda República y la guerra civil (L’effondrement de la Seconde République et la guerre civile) (2001), qui traite en détail de l’apogée du processus révolutionnaire de la République et du début de la guerre. Les lecteurs espagnols ont réagi avec enthousiasme devant ces livres, d’autant plus que Moa a fait preuve non seulement d’audace et d’originalité analytiques, mais aussi d’un talent littéraire inhabituel, qui tranche avec l’expression lourde et maladroite de tant d’historiens espagnols.  

Le corps professoral de gauche s’est indigné, et son chœur de dénonciation, apparemment unanime, a intimidé quiconque aurait pu oser dire un mot en faveur de Moa. Ce qui est remarquable dans le déluge d’injures qu’il a reçu, c’est qu’il n’y a pratiquement pas eu de débat ou de critique sérieuse sur les interprétations et les réalités factuelles soulignées par l’auteur. Bien au contraire, la critique s’est concentrée, dans un style typiquement espagnol, sur des attaques ad hominem. Ces critiques outrancières ont mis surtout l’accent sur le manque de titres universitaires de Moa, insistant le plus souvent sur le fait que seul un «professeur» pouvait produire un travail historique valable. Un argument d’autant plus absurde que la plupart des professeurs d’histoire espagnols ne sont guère que des bureaucrates opportunistes qui ne produisent que de maigres publications historiques, et souvent même aucune.  

Le point culminant des premiers travaux de Moa a été atteint en 2003, lorsqu’une grande maison d’édition, La Esfera de los Libros, a publié son livre Los mitos de la Guerra Civil (récemment publié en France par les Éditions de l’Artilleur sous le titre Les mythes de la Guerre d’Espagne). Dans la Péninsule, ce livre a été la sensation éditoriale de l’année dans le domaine de la non-fiction, se vendant à plus de 150 000 exemplaires (et même finalement à 300 000). Ce succès indiquait une soif des lecteurs espagnols pour une histoire critique désireuse de briser le tabou mythique. Comme les médias et les publications universitaires de l’establishment l’ont généralement ignoré, Álvaro Delgado-Gal, l’astucieux rédacteur en chef de Revista de Libros, principale revue de critique de livres du pays, a décidé de rompre le boycott du silence en demandant à un historien non espagnol de critiquer le livre. Il m’a invité à entreprendre cette tâche et j’ai répondu avec empressement. Mon compte rendu a mis en évidence les questions-clés sur lesquelles Moa a proposé des analyses tranchantes et de nouvelles interprétations significatives fondées sur des données convaincantes. Si plusieurs d’entre elles pouvaient être remises en question, la responsabilité des universitaires sérieux était de débattre et/ou de réfuter les points litigieux plutôt que d’imposer une censure à priori. Ma conclusion était que le livre, même imparfait, était une contribution majeure au débat sur la guerre civile. On a alors demandé à Santos Juliá, parfois considéré comme le principal historien socialiste dans ce domaine, de répondre, mais il s’est contenté de répéter qu’il était inacceptable de parler de Moa et a même menacé de m’expulser de la confrérie des historiens professionnels pour avoir osé suggérer que le sujet méritait un débat honnête.  

Los mitos de la Guerra civil (Les mythes de la guerre d’Espagne) n’est pas une histoire générale de plus, mais une étude des personnalités et des questions-clés qui, selon l’interprétation gauchiste standard, ont été mythifiées, diabolisées ou simplement déformées. Ce livre consacre des chapitres entiers à dix des principales figures, et offre des discussions incisives qui s’écartent souvent des récits habituels. La partie principale traite de dix-sept questions ou aspects-clés, tels que l’effet de «l’armement des masses», la création du «premier pont aérien de l’histoire», «la plus grande persécution religieuse de l’histoire», plusieurs des plus grandes atrocités ou atrocités présumées, l’envoi de la réserve d’or nationale espagnole à Moscou, le caractère et le rôle des Brigades internationales, plusieurs des batailles les plus importantes, l’intervention et la non-intervention étrangères, et les politiques et rôles des deux leaders décisifs, Juan Negrín et Francisco Franco. L’ouvrage se termine par un examen de la place de la guerre civile dans l’histoire de l’Espagne et dans son historiographie.  

Cet ouvrage est unique en ce qu’il adopte une approche thématique et axée sur les principaux problèmes et qu’il remet en cause résolument les mythes dominants. En raison de sa force interprétative, l’effet a été inévitablement polémique, bien que chacune des analyses aient été soigneusement raisonnées et présentées dans la prose typiquement lucide et souvent éloquente de Moa. Il a dès lors occupé une position unique – celle de l’historien le plus lu de son pays – mais condamné à un ostracisme permanent par le système universitaire public et les médias de l’establishment. Dans d’autres pays, des historiens non universitaires atteignent parfois des positions vénérables, le plus souvent parce qu’ils produisent avant tout des œuvrettes conformistes sur le passé national. En revanche, Moa est devenu à lui seul une sorte de mouvement unipersonnel qui s’est dressé contre l’establishment espagnol de gauche pour offrir des explications et des interprétations indépendantes sur les principaux problèmes historiques. Et cela a conduit presque inévitablement à une approche de plus en plus polémique, à une entreprise solitaire nécessitant une endurance personnelle et un courage moral impressionnants. 

A lire aussi: L’histoire à la tête du client…

Le progrès des connaissances historiques se fait principalement de deux manières : la première, qui est la voie habituelle, est celle de la nouvelle recherche primaire ; la seconde, moins fréquente, mais plus stimulante intellectuellement, est celle du réexamen et de la nouvelle analyse des travaux antérieurs. Seule une petite partie de la production de Moa est basée sur la recherche primaire, car la plus grande partie porte sur le réexamen de matériaux existants qui ont été soit ignorés, soit délibérément déformés dans les études et travaux précédents.  

Moa est un spécialiste et un écrivain prolifique qui, au cours des deux dernières décennies, a produit de nombreux ouvrages traitant de thèmes historiques plus larges, notamment son impressionnant La Reconquista y España (2018). Il est aussi l’auteur de deux romans et de plusieurs essais sur divers thèmes. Il est probablement exact de dire qu’il a joué un rôle plus important dans la vie culturelle et intellectuelle de son pays que n’importe quel autre universitaire indépendant d’Europe ou d’ailleurs, même s’il restera toujours un historien maudit pour l’establishment culturel aveugle de son pays. Cela dit, il reste encore une petite poignée de professeurs dans les universités espagnoles qui font un travail sérieux, indépendant et objectif, et qui apportent des contributions majeures, mais ils doivent faire très attention à éviter les approches les plus controversées.  

Dans mes propres travaux, j’ai abordé nombre de ces sujets à peu près au moment même où Moa commençait à publier. Mon objectif initial était d’utiliser les nouveaux documents provenant des archives soviétiques, afin de clarifier les politiques soviétique et communiste en Espagne, lesquelles avaient toujours suscité la controverse. Après six ans de recherche, j’ai publié The Spanish Civil Warthe Soviet Union and Communism (2003), à la suite de quoi j’ai suivi le précepte énoncé par José Ortega y Gasset, en 1938, selon lequel la chose la plus importante à savoir sur la guerre d’Espagne est «comment elle a commencé». Cela a débouché d’abord sur The Collapse of the Spanish Republic 1933-1936, que l’Université de Yale a publié en 2006. D’autres études sur divers aspects ont suivi, le point d’orgue étant The Spanish Civil War, conçu comme un résumé analytique pour les nouveaux lecteurs, qui a été publié en 2012 comme l’une des «Cambridge Essential Histories». Mon autre travail de conclusion dans ce domaine a été un effort pour replacer la révolution et la guerre civile espagnoles dans leur contexte historique approprié. Il ne s’agissait pas de la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle l’Espagne n’était pas belligérante, mais plutôt des guerres civiles révolutionnaires européennes de l’époque. J’en ai donné un résumé dans Civil War in Europe 1905-1949 (2011).  

En ce début du XXIe siècle, la politisation de l’histoire a joué en Espagne un rôle plus grand que dans n’importe quel autre pays occidental. Nulle part ailleurs, du moins à l’exclusion de la Russie en 2022, le gouvernement n’a proposé des lois de censure nationale spécifiques régissant la discussion et l’interprétation de l’histoire récente. La première loi socialiste espagnole de 2006, la «Loi sur la mémoire historique», n’allait pas plus loin que des subventions d’État pour le prosélytisme de certaines versions approuvées ; mais la nouvelle loi de 2022, la «Loi de mémoire démocratique», de nature stalinienne (voire poutinienne) prévoit des peines d’emprisonnement et de fortes amendes. Une fois de plus, comme en tant d’autres occasions depuis 1821, la gauche espagnole cherche à prendre la tête de la radicalisation politique au sein des pays occidentaux.  

Les mythes de la guerre d'Espagne 1936-1939

Price: 60,37 €

6 used & new available from 41,94 €

La Guerre d'Espagne

Price: 40,00 €

15 used & new available from 19,07 €

France cherche cerveaux

A force d’exporter ses bac+7 et d’importer des bac-5, notre pays connait un appauvrissement intellectuel inédit.


La grande misère de la recherche en France explique en partie une autre réalité tout aussi inquiétante : la fuite de ses cerveaux les plus brillants. Si la qualité de nos formations de haut niveau permet aux meilleurs étudiants et aux entrepreneurs les plus capables d’émigrer dans les pays les plus innovants et les plus créatifs, force est de constater que leur départ n’est pas compensé. En somme, nous laissons partir les potentiels les plus performants et importons essentiellement des populations sans qualification.

Les raisons de la fuite des cerveaux sont multiples, mais leur dénominateur commun est l’incapacité de notre pays à créer un environnement à la fois sécurisant et dynamique pour ces esprits créatifs. Ces hauts potentiels ne trouvent pas en France les conditions de travail et de rémunération qui leur paraissent acceptables et se plaignent souvent d’une bureaucratie étouffante et tatillonne. Symptôme d’une perte d’attractivité du territoire, la défection des premiers de cordée impacte le rayonnement de la France. Et ce d’autant plus qu’elle est à sens unique. L’émigration de chercheurs, d’ingénieurs ou de créateurs d’entreprises de haute technologie français, essentiellement aux États-Unis et en Grande-Bretagne ne s’accompagne pas d’un mouvement inverse en direction de la France de jeunes surdiplômés. En dix ans, entre 2009 et 2018, 1,3 million de Français souvent très diplômés sont partis ; 1,8 million d’étrangers sont arrivés, essentiellement de pays pauvres, hors OCDE. La plupart n’ont aucun diplôme (40 %) ou simplement un diplôme de l’enseignement secondaire (39 %).

A lire aussi: Métiers en tension : pourquoi l’immigration ?

Ces premiers de corvée sont certes très utiles et soulagent souvent les secteurs en tension, mais ils ne constituent pas le vivier de créativité et d’excellence qui seul peut aider une grande nation à maîtriser son avenir. François Bayrou a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme en 2020. Le commissaire au Plan avait réagi très vivement à l’annonce de l’échec de l’Institut Pasteur dans sa tentative de fabrication d’un vaccin contre le Covid. Il notait alors avec amertume que le PDG de la société Moderna, Stéphane Bancel (prépa « Ginette » à Versailles, Centrale Paris, université du Minnesota, Harvard), qui avait mis au point le vaccin à ARN messager aux États-Unis, était français. Interviewé à l’époque sur France Inter, le commissaire au Plan déplorait que « nos chercheurs les plus brillants soient aspirés par le système américain ». Même son de cloche du côté du médaillé Fields et ancien député LREM, Cédric Villani. Il constatait au moment de remettre son rapport sur l’intelligence artificielle en 2018 « qu’en France, des disciplines telles que les mathématiques, l’informatique ou la physique théorique étaient plutôt jusqu’alors épargnées par la fuite des cerveaux. Ce n’est plus le cas. » Or ce type de départ est un signe fort de déclin. La puissance et l’influence d’un pays se mesurent à la capacité d’attirer les talents extérieurs, mais aussi de conserver les siens. Le départ des hauts potentiels et l’arrivée en masse de populations peu instruites augurent rarement de lendemains qui chantent.

Ces biens essentiels

Price: 6,63 €

12 used & new available from

Ursula, au nom de la grand-mère

0
Ursula von der Leyen, le 16/11/22 en Indonésie / Pavel Bednyakov/SPUTNIK/SIPA / 01094397_000002

Une chance déshonnête semble protéger Ursula von der Leyen de ses impairs et la pousse dans les plus hautes sphères du pouvoir en dépit de son parcours déficient.


On ne connaissait pas grand-chose d’elle avant que la guerre en Ukraine n’éclate. L’arrivée de ce petit bout de femme au sourire discret à la tête de la Commission européenne au moment même où Christine Lagarde débarquait à la Banque centrale européenne ressemblait fort à un arrangement franco-allemand pour garder le contrôle sur la politique de Bruxelles. Quand une autre « guerre » a commencé, sanitaire celle-là, Ursula von der Leyen est restée parfaitement en retrait, laissant à Emmanuel Macron et Angela Merkel toute leur la place, notamment pour négocier le plan de relance à 750 milliards d’euro pour les pays de l’UE. La seule fois que la présidente de la Commission européenne a fait parler d’elle, ce fut là l’occasion du fameux scandale de «sofagate», lorsque durant sa visite en Turquie en avril 2021 le puissant président turc Recep Tayyip Erdogan l’a contrainte à s’asseoir sur un canapé, laissant les deux fauteuils de son luxueux cabinet à lui-même et au chef du Conseil européen, Charles Michel. Et puis, une fois les violentes vagues de la pandémie passées, la presse a révélé une autre affaire concernant madame Von der Leyen ; l’affaire des SMS, ceux que la responsable politique échangea secrètement avec le patron de Pfizer Albert Burla, au moment même où Bruxelles négociait avec les géants pharmaceutiques les conditions de livraison des vaccins aux pays européens. Malgré les demandes insistantes de la médiatrice de l’Union européenne Emilie O’Reily, qui a ouvert l’enquête sur le sujet, et celles des journalistes, le contenu de ces textos n’a jamais été révélé et ce, sous prétexte que les messages n’avaient pas été conservés. C’est ainsi que fonctionne le plus haut appareil administratif du pouvoir européen. Quand on pense au sort réservé à l’ancien président américain Donald Trump suite aux fuites dans la presse de sa conversation téléphonique avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelenski (procédure de l’impeachment), ou encore aux récentes fouilles des archives présidentielles du même Trump à son domicile en Floride, on peut dire qu’Ursula, elle, est bénie. Surtout que la femme politique allemande avait déjà utilisé la technique de l’effacement des traces écrites à son départ du ministère de la Défense en 2019. Quant à Pfizer, on connaît la réussite de son vaccin en Europe : 70% des parts du marché, des résultats records de 81,3 milliards de dollars de chiffre d’affaire en 2021.

A lire aussi: Pour qui se prend donc Ursula von der Leyen?

Par ailleurs, le lien de proximité avec l’entreprise pharmaceutique américaine n’est pas le seul point d’attache de von der Leyen avec le plus puissant pays du monde. C’est aussi et d’abord l’histoire familiale. L’arrière-grand-père paternel de l’actuelle patronne de l’Europe, Carl Albrecht, s’était marié avec Mary Ladson Robertson, issue de d’une riche famille de sudistes, propriétaires d’esclaves et de plantations en Caroline du Sud. Une parfaite alliance de deux aristocraties, « obstinément convaincues de leur droit à gouverner », comme le rappelle, citant Thomas Mann, l’écrivain anglais Ben Judah dans son papier consacré à notre héroïne.

A ses racines américaines, elle tient beaucoup ; ainsi, pendant ses études à Londres elle est Rose Ladson, nom de jeune fille de son arrière-grand-mère. La légende veut que c’était pour cacher son identité de fille d’Ernest Albrecht, homme politique et membre du parti chrétien-démocrate ; et l’on se rappelle que dans les années 70, la droite allemande dut faire face aux groupuscules d’extrême gauche du pays qui souvent pratiquaient le kidnapping. Ensuite, Ursula passe quatre ans aux États-Unis, cette fois en tant que femme de son mari qui enseigne à l’université de Stanford, et mère d’une famille nombreuse. Le couple a sept enfants. C’est d’ailleurs à son retour d’Amérique que von der Leyen, diplômée en gynécologie, décide de se lancer en politique, dans le fief de son papa en Basse-Saxe d’abord. Puis, elle intègre le premier gouvernement de Merkel en 2005 qu’elle ne quittera plus jusqu’à sa nomination à son poste actuel en 2019.  

Ursula von der Leyen est arrivée aux responsabilités suprêmes de l’Union européenne avec la réputation d’un des ministres les moins compétents selon les enquêtes d’opinion de son pays, et chargée d’un passif de plusieurs affaires médiatiques dont elle s’est toujours sortie indemne. La suppression des SMS de son téléphone de ministre de la Défense allemand lui a permis d’échapper au scandale autour des consultants externes que son cabinet avait généreusement sollicités sans respecter les procédures d’appels d’offres : 200 millions d’euros en une seule année entre 2015 et 2016. D’autre part, lorsque quelques années auparavant, le site VroniPlag Wiki l’avait accusée de plagiat dans la rédaction de sa thèse de médecine lors de ses études universitaires, il n’y eut pas davantage de conséquences. Et pourtant, une bonne moitié de son œuvre de soixante deux pages avait été empruntée sans mentionner les sources. Dans un pays où les titres et les distinctions sont sacrés, des affaires pareilles poussent à la démission, pratiquement au même moment, trois autres ministres allemands.

A lire aussi: Dette climatique, le nouveau fardeau de l’homme blanc?

Même issue quand la presse allemande découvre, citant la porte-parole de l’université de Stanford, que la femme politique n’a jamais suivi de programme dans ce prestigieux établissement, ce que pourtant revendique son CV. Elle se justifie en disant avoir utilisé le terme « auditeur libre » conformément à la définition de ce mot par Wikipédia allemand. Cela a suffi pour calmer ses détracteurs. Ursula est décidément bénie.

C’est donc une personnalité politique au parcours médiocre et aux pratiques troublantes qui est tombée dans les bras du président ukrainien quelques jours après le début de l’agression russe contre l’Ukraine. Qui s’est présentée comme chef de file européen de la lutte contre le machiavélique leader russe Vladimir Poutine. Qui a agi au nom de 450 millions d’habitants du continent plongés huit mois plus tard dans la plus grave crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale. Qui a signé, toujours au nom de l’Europe, des accords stratégiques avec Joe Biden comme ceux sur le transfert des données numériques ou le gaz de schiste américain ; provoquant ainsi un énième tollé de l’opinion publique à son égard. « Mais pour qui roule von der Leyen ? » a titré La Tribune, le 10 octobre 2022. Les gouvernements des pays d’Europe, impuissants face au nouveau contexte géopolitique, tombent les uns après les autres. La présidente de la Commission européenne, cette femme politique au sourire discret et aux innombrables scandales médiatiques, ignore, quant à elle, les soucis d’une pression électorale. Il n’y a pas à dire : Ursula est bénie par la grâce dont elle seule connaît le secret

Coupe du monde au Qatar: le yin et le off

1
Mascotte officielle de la Coupe du monde 2022, lors de la cérémonie d'ouverture, le 20/11/22 / PHOTO: CHINE NOUVELLE/SIPA / 01094779_000002

Un quotidien pakistanais pro-taliban révèle la stratégie du Qatar pour inciter les participants à la Coupe du monde de la FIFA à se convertir à l’islam.


Pas besoin de réussir pour persévérer, mais ça aide

Le Qatar a lancé ses chaînes sports en 2012. Trois chaînes, un multiplex (BeIn Sports Max) de 7 chaînes, un réseau international piloté depuis Paris, 14 millions d’abonnés : un succès commercial !

Ceux qui craignaient que cette initiative masque une volonté de prosélytisme ont été traités d’islamophobes, peine-à-jouir de surcroît.

À leur décharge, aucun bilan de la réussite du subliminal business n’a été publié.

Coupe du monde de foot au Qatar : coup d’envoi le 20 novembre 2022

L’empreinte carbone de la construction des huit stades (dont l’un est en forme de sumama, la kippa musulmane) et, surtout, la quantité industrielle d’air conditionné indispensable dans ce climat aride, a plus indigné les wokes français que l’absence de droits de l’homme dans le traitement des esclaves/ouvriers, pour que chacun des ouvrages (tous pourvus d’espaces de prière et d’ablutions) soit opérationnel dans les délais.

Les mêmes wokes qui, au quotidien, communiquent en novlangue charia-compatible (intersectionnalité oblige), se seraient trouvés fort dépourvus si les objectifs officiels du Markaz Zayyuf Qatar Lil Da’wa Elal-Islam (le Centre d’accueil qatari pour convertir les peuples à l’islam) eussent été connus. Heureusement pour leur sensibilité exacerbée, la stratégie du Centre d’Accueil est réservée aux perso-arabophones.

A lire aussi: Faut-il suivre la coupe du monde au Qatar?

Un quotidien pakistanais a vendu la mèche

Ladite mèche aurait dû faire exploser d’indignation les Occidentaux, mais la langue officielle au Pakistan étant l’ourdou, nul ne la parle chez les Kouffars.

Ceux qui veulent savoir ce qui se passe sur les chaînes qataries peuvent consulter le site MEMRI, l’Institut de recherche sur les médias du Moyen-Orient, mais si les prosélytes réussissent mieux cachés, leurs idiots utiles vivent encore plus heureux ignorants.

Nous ne résistons pas au plaisir de gâcher leur sieste avec quelques extraits choisis de l’article du Roznama Ummat.

« Profitant de cette occasion en or [la première Coupe du monde de la FIFA organisée dans un pays arabo-musulman], les responsables qataris se sont parfaitement préparés à « sensibiliser » les spectateurs à l’islam, tandis que d’excellentes dispositions ont également été prises pour promouvoir la culture arabe. Des panneaux ont été installés à proximité des aéroports, des hôtels, des autoroutes et des stades. Ils sont couverts de hadiths [dictons et traditions] courts mais concis du prophète Mahomet. […] Les responsables qataris ont formé une équipe de 2000 prédicateurs de la Da’wa. Il y en a de toutes les couleurs, races et langues ; imprégnés des techniques médiatiques modernes, pragmatiques et prévoyants, ils entreront dans le domaine de la Da’wa […] Ils délivreront le message de haq [vérité] aux spectateurs venus du monde entier […] Dix véhicules seront déployés pour le travail de da’wa et dix camps spéciaux seront installés pour ses objectifs ».

La da’wa est l’invitation faite aux non-musulmans à écouter le message de l’islam. C’est une technique de prosélytisme religieux qu’utilisent différents courants musulmans pour étendre leur zone de chalandise. Ne pas confondre avec Dawa, désordre. Quoique…

« Un effort a été fait pour mettre en avant la culture locale, régionale, arabe et islamique dans les huit stades spectaculaires que le Qatar a édifiés. Pendant que les spectateurs profiteront des matchs à la FIFA Qatar, ils écouteront aussi l’appel de l’islam ».

A lire aussi: Ubu à l’ONU

Fais dodo, supporter mon p’tit frère

Pour ceux qui aiment écouter une histoire avant de s’endormir, un autre centre culturel, celui du Cheikh Abdulla Bin Zaid Al Mahmoud, leur a concocté un « Islam pour les nuls » à sa sauce. Cette berceuse publiée en arabe, en anglais, français, italien, russe, portugais et allemand, a été réalisée par « les plus grands penseurs et savants islamiques du monde. Son nom est : Fahm-ul-Islam [Comprendre l’Islam]. Le livre sera distribué gratuitement à tous les spectateurs ».

Le stade Ustad Sumama a été inauguré le 22 octobre 2021. L’émir du Qatar et le président de la FIFA étaient présents. Ce n’est pas le match du tournoi qui a fait la fierté de l’hôte : « Le point important est que la récitation du chapitre Al-Rahman [du Coran] par des enfants a eu lieu lors de la cérémonie d’inauguration ».

Ce n’est pas une histoire à dormir debout, c’est une des innombrables offensives de l’islam, parfaitement légitimes et codifiées, pour conquérir le monde, avant de passer aux galaxies environnantes.

« L’important c’est de participer » ? Oui, mais il faut quand même savoir à quoi on participe !


[1] S. Galal, «Translation in the Arab Homeland: Reality and Challenge», Higher Council for Culture, Cairo, 1999, cité dans UNDP – Arab Human Development Report, 2002, p. 78.

La gratuité, ça paie

0
Wikimedia Foundation / D.R

L’aumône pour la connaissance : Wikipédia, la commisération lui fait gagner des millions.


Cet automne, toute consultation de la fameuse encyclopédie gratuite, Wikipédia, créée il y a vingt ans, a été interrompue par une bannière au ton aussi culpabilisateur qu’alarmiste, comme si son avenir était en jeu : « 98 % des personnes qui consultent ne donnent pas. Nous vous prions de nous aider à préserver Wikipédia. S’il vous plaît. » Quel internaute attaché à l’accès à une connaissance libre et gratuite pourrait-il résister à cet appel et ne pas cliquer sur le bouton pour faire un don immédiat ne serait-ce que de 2 euros ? Les apparences sont trompeuses : Wikipédia n’est pas du tout menacé de disparition. En réalité, grâce au succès de sa campagne mondiale de « fundraising », il déborde de cash. L’entité qui récolte les fonds est une ONG, la Wikimedia Foundation, créée en 2003 et dont le siège social est aujourd’hui à San Francisco. Chaque année, des dizaines de millions de dollars sont donnés, de sorte que, à la fin de l’année 2021, les actifs de l’organisation se montaient à plus de 231 millions de dollars. Les revenus annuels – 162 millions de dollars en 2021 – dépassent les coûts de fonctionnement non seulement de la fondation, mais aussi de Wikipédia, car l’encyclopédie en ligne est gérée par une communauté de volontaires qui ne bénéficient pas de cette manne. L’ONG a pu investir 100 millions dans un autre fonds, le Wikimedia Endowment, et a aujourd’hui 550 salariés, dont un grand nombre sont employés dans la levée et la gestion de fonds, un système bien circulaire. Comment vérifier ces faits ? Ils se trouvent dans l’article sur l’ONG dans… Wikipédia.

A lire aussi: Confessions intimes, pour quoi faire?

Gad Elmaleh contre les turpitudes de l’Eglise…

0
Gad Elmaleh, le 08/11/22 / PHOTO: MPP/SIPA / 01093684_000009

Reste un peu de Gad Elmaleh, un film sur la beauté et la pureté du catholicisme, loin des terribles actualités qui entachent cette religion.


Bien sûr, Gad Elmaleh n’a jamais prétendu, avec son actualité récente, son film Reste un peu, ses divers entretiens, se poser en militant de la foi chrétienne pour faire oublier les trop nombreuses turpitudes de la base ou de la hiérarchie de l’Église catholique, parfois si tardivement avouées.

Il n’empêche.

Je considère qu’il lui a fallu du courage, dans le monde d’aujourd’hui, avec les ricanements qui n’ont pas manqué de la part de certains médias – par exemple les Inrocks ou Télérama, Diam’s, c’était tellement mieux ! -, pour faire part d’une forme de conversion, imprégnée d’une infinie tolérance pour les autres religions aux pratiques non dévoyées, et de son amour pour la Vierge Marie. Comme Gad Elmaleh l’a lui-même déclaré, «ce n’est pas sexy d’être catholique».

J’ai hâte de voir son film. Les extraits m’ont plu. L’atmosphère à la fois tendre, familiale, grave et drôle à la fois, semble, tel un objet cinématographique non identifiable (OCNI), un défi à tous les préjugés.

A lire aussi: Warner Bros s’oppose à l’inquisition woke d’Emma Watson

Lisant les réponses de Gad Elmaleh aux questions qui lui ont été posées par des journalistes manifestant parfois un étonnement offensant, comme si l’adhésion au catholicisme était une tare, je me suis surtout réjoui de voir une personnalité artistique, un comique très apprécié par le public nombreux qui assiste à ses spectacles, relier une conception éthique, respectueuse et ouverte de l’existence pour une fois non pas à une laïcité belliqueuse mais à la foi, au catholicisme.

C’est sans doute le facteur le plus décisif dans la révélation de cette mue de Gad Elmaleh, probablement moquée par un certain nombre de ses confrères ou consoeurs. Il n’en a cure à l’évidence puisque sa réputation et la liberté qu’il incarne, du léger au grave, lui garantissent le seul crédit qui a du sens : celui du public qu’il émeut, qui rit et l’applaudit.

Je reprends mon propos initial. Si Gad Elmaleh ne veut pas, par sa révolution intime, se donner un rôle qui n’est pas le sien, je ne peux m’empêcher cependant de me féliciter qu’il instille de la pureté, de l’espérance et de la lumière dans une putridité catholique venant des inadmissibles transgressions de ceux qui auraient dû, plus que que tous les autres, honorer la confiance dont ils étaient investis par leur serment et leur choix de vie.

Oui, Gad Elmaleh fait du bien.

Reste un peu, de Gad Elmaleh, en salle, 1h33, comédie.

Le Mur des cons

Price: 18,90 €

48 used & new available from 2,57 €

Libres propos d'un inclassable

Price: 12,50 €

9 used & new available from 4,96 €

72 Heures (Roman judiciaire mais pas que…)

Price: 5,99 €

1 used & new available from 5,99 €

Projet de loi contre la corrida : « C’est une volonté d’anonymation de notre culture ». Entretien avec le député RN, Emmanuel Taché de la Pagerie

0
© Manuel da Costa

Le député de la 16e circonscription des Bouches-du-Rhône, où se situe la Camargue, nous explique pourquoi il est essentiel d’infliger une défaite retentissante au projet de loi d’Aymeric Caron visant l’abolition de la corrida. Le texte en question est encore un symptôme de l’incompréhension profonde du monde rural chez un grand nombre de politiques parisiens et urbains.


CAUSEUR. La commission des lois a déjà donné un avis défavorable à ce projet de loi. Le débat là-dessus ce jeudi garde-t-il encore quelque importance ?

Emmanuel Taché de la Pagerie. Oui, car la commission des lois ne donne qu’une orientation de ce qui peut se passer dans l’hémicycle. Encore faut-il qu’il y ait le nombre suffisant de parlementaires pour rejeter le texte d’Aymeric Caron. Et même si ce texte était rejeté, rien n’empêcherait, à l’avenir, monsieur Caron de présenter tous les ans, tout le long de la mandature, absolument le même texte. En tant que député de Camargue, je défends les intérêts des citoyens que je représente. Je suis allé voir Éric Dupont-Moretti pour lui demander de mobiliser la majorité présidentielle contre ce projet de loi : j’ai l’impression que le message a été entendu.

C’est un vote libre, mais est-ce qu’il y a quand même une division politique ?

Non, il n’y a pas de division politique au sens des partis politiques. Il y a effectivement des gens qui sont farouchement pour et d’autres farouchement contre. Ce que je vois autour de ce sujet, c’est qu’il y a une réelle méconnaissance de la part de mes collègues du monde taurin et de la réalité agricole, économique et même sociale. Je vois dans les écoles taurines des enfants qui, plutôt que de faire le guet ou de vendre de la drogue dans certaines cités d’Arles, font de la course camarguaise, deviennent toreros. Ça les extrait d’un milieu où il y a de la violence et ça leur permet une assimilation, une cohésion nationale. Les jeunes gens intègrent la vie en société. Dans une circonscription comme la mienne, la corrida est essentielle au maillage social.

A lire aussi: Viva corrida !

Dans les corridas, il y a les grands exploitants terriens, les grands propriétaires terriens, les grandes familles. Mais aussi des ouvriers, des employés, des jeunes. Les gens boivent de la bière, fument des cigarettes dans les arènes. Il n’y a pas de CRS dehors pour séparer les gens, ce n’est pas un match de foot qui aurait été mal arbitré. C’est une discipline qui ne créé aucune violence. Il y a de la bonne humeur et de la cohésion.

Il reste la question de la souffrance animale…

Certes, la mise à mort peut paraitre cruelle, mais je rappelle qu’il y a 900 taureaux qui passent dans les arènes et 3 millions d’animaux tués chaque jour dans des abattoirs. Le taureau est un animal sauvage, on ne le tue pas n’importe comment. Quand on plante l’épée dans la colonne de l’animal, c’est pour qu’il meurt tout de suite sans souffrance.

Si les gens qui sont préoccupés par le bien-être animal devraient se pencher en priorité sur la question de l’élevage industriel, quelle peut être la motivation d’un Aymeric Caron qui semble obsédé surtout par la question de la corrida ?

Il y a d’abord une véritable méconnaissance : l’élevage du taureau est une agriculture extensible. Un taureau vit a minima 4 ans sur un hectare à lui tout seul, sans intervention humaine. Si ce n’est des besoins de soins vétérinaires ou d’eau en période de sécheresse. En termes de bien-être animal, on est au maximum. Mais la volonté de Monsieur Caron, c’est de détruire des schémas de cohésion sociale qui existent depuis des siècles. La corrida, telle qu’on la connait, existe depuis l’impératrice Eugénie. Mais la culture taurine existe depuis plus longtemps : sur notre territoire, elle a mille ans. Après la corrida, ça sera la chasse à courre, la chasse, la pêche. Ces gens veulent nous expliquer que, depuis des siècles, nous sommes dans l’erreur. Que depuis des siècles des traditions sont transmises dans l’erreur. Je ne connais rien qui soit plus vertueux que la chasse dans la préservation des espèces et des paysages. On est dans ce délire wokiste où tout se vaut. Ces gens ne s’en prendraient jamais à des traditions du bout du monde mais s’en prennent à ce qui fait la colonne vertébrale de nos territoires. C’est une volonté d’« anonymation » de notre culture.

On parle d’une division entre ruralité et la vie urbaine. Cela se confirme ?

C’est clairement ça. Si l’on doit grossir le trait, les opposants à la corrida se présentent comme des « sachants » : ils pensent pour les autres, ils aimeraient même pouvoir respirer pour les autres. Et nous, nous sommes des sauvages, des barbares et des ploucs qui ne savons pas comment vivre la vie. Alors que ce n’est pas vrai. Toutes nos organisations, tous nos rites, toutes nos traditions le montrent.

Qu’est-ce qui empêche ces personnes de comprendre la relation millénaire entre l’homme et les animaux ?

Ce sont des gens qui remettent en cause tout ce qui fait société depuis l’ère néolithique. Ils trouveront toujours des perspectives pour dire que ce qui existe ne devrait pas exister : l’agriculture, la domestication… Ce sont eux qui sont inadaptés. Sortis de leurs grandes villes, quel est le monde qui s’offre à eux ? Ça voudrait dire quoi ? Que notre schéma global est vicié et dans l’erreur ?

Est-ce que ce genre de mépris pour la campagne et ceux qui y habitent peut provoquer d’autres révoltes à l’instar des gilets jaunes ?

Non, je ne crois pas. Les Français sont tellement à bout de tout qu’ils n’ont plus la force de se révolter. Je le vois bien en circonscription, les gens sont plus occupés à savoir comment ils vont payer leurs factures et remplir leur frigo. Monsieur Macron a tout à fait réussi son pari. Il a réussi à complétement anesthésier tout un peuple.

A lire aussi: Lettre d’un jeune Matador français

Est-ce que le même mépris pour les « petites gens » et leurs traditions qui s’exprime à travers ces condamnations des crèches dans les mairies ?

Je trouve que c’est ubuesque que le Conseil d’État mette son nez dans ce genre de chose. Je crois que les maires sont libres de d’installer des crèches, certes pour la tradition mais aussi pour la mise en valeur du travail des artisans santonniers qui est très important notamment en Province où se trouve ma circonscription. Certes, Noël est une fête chrétienne et l’État est laïc, mais la France est d’essence chrétienne. C’est malheureux que les élus se soucient des crèches dans les mairies plutôt que des mosquées clandestines dans certains quartiers, qui ne tiennent pas des propos de paix et d’amour.

Une minorité n’a pas à imposer un schéma sous prétexte d’un hygiénisme intellectuel.

En ce qui concerne les incendies qui ont ravagé le Sud de la France cet été, certains commentateurs ont pointé le fait que les écologistes se battent pour la préservation de la végétation aux dépens de la forêt.

Cette approche prétendument « écologique » est une véritable hérésie, puisque le non-entretien de la végétation limite l’accès des pompiers qui essaient de combattre le feu. N’importe quel forestier le sait. Il s’agit toujours de la même méconnaissance totale du monde rural. Il y a une rupture profonde entre Paris et la province. Au niveau de la politique nationale, nos réalités sont totalement gommées.

Craignez-vous que la catastrophe sécheresse/incendies se répète l’été prochain ?

Bien sûr. J’ai été entendu cette semaine à Arles par des enquêteurs du ministère de la Transition écologique et du ministère de l’Agriculture. Je leur ai dit qu’il n’était pas question que 2023 ressemble à 2022 et que les services de l’État osent me dire qui faut qu’il pleuve pour que les choses s’arrangent. L’eau, on en a – c’est une question de captation et de redistribution. En Camargue, c’est la première année où, avec un taux de sel de 5g/litre, on a eu des bêtes qui se sont empoisonnées en buvant dans une flaque, et où mes riziculteurs commencent à faire de la culture hors-sol de tomates pour survivre. Et si on n’a plus d’élevage de taureaux, la Camargue telle qu’on la connait n’existera plus. La Camargue, comme la lagune de Venise, est une création entièrement humaine. Sans l’intervention de ces animaux, tout sera bouleversé.

Quel serait votre message d’espoir pour tous ces citoyens ruraux qui sont à bout ?

Allez voter ! Prenez votre destin en main. Je crois que tout tient grâce à la démocratie. Et il faut remettre sur la sellette que la liberté est la règle. Que ce soit pour la corrida, la chasse ou d’autres pratiques. Une minorité n’a pas à imposer un schéma sous prétexte d’un hygiénisme intellectuel.

Re-migration vers l’Afrique : le bras de fer entre Londres et les ONG concerne toute l’Europe

0
Paul Kagame, président du Rwanda, à la COP27, à Charm el-Cheikh, Egypte, le 8 novembre 2022. Peter Dejong/AP/SIPA AP22738063_000061

Et si les accords de re-migration comme celui conclu entre le Royaume Uni et le Rwanda constituaient la solution pour lutter contre l’afflux de migrants illégaux en Europe? Tribune d’Alain Destexhe, sénateur honoraire belge.


En avril dernier, le Royaume Uni et le Rwanda ont conclu un accord de coopération en vue de déporter toute personne entrée sur le territoire britannique de manière illégalevers le Rwanda où leurs demandes d’asile seront analysées. On sait que ces clandestins sont presque tous des migrants économiques et non des réfugiés politiques au sens de la Convention de Genève de 1951.

Cependant, en suspendant en urgence l’expulsion d’un Irakien prévue le 12 juin, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui définit le cadre de la politique migratoire européenne, a empêché le premier avion affrété par le gouvernement britannique de décoller vers le Rwanda : une grande victoire pour les ONG et tous les activistes qui veulent abolir les frontières. L’affaire est actuellement à l’examen devant la Haute Cour de justice de Londres. Prétexte évoqué ? Le Rwanda ne serait pas « un pays sûr », un  argument à la fois faux et méprisant.

Faux,  parce le Rwanda est au contraire un des pays les plus sûrs d’Afrique – voire du monde – comme le montrent plusieurs classements internationaux. Il suffit de discuter avec des Rwandais ou des étrangers qui y vivent pour le constater : à certains égards, on se sent plus en sécurité à Kigali que dans certaines villes européennes ou américaines ! S’y promener seul le soir est certainement moins dangereux que dans certains quartiers de Bruxelles ou de Paris.

A lire aussi: L’administration Biden nous emmène vers un conflit dévastateur avec la Russie

Méprisant, aussi, car ces ONG « humanitaires » dénient au fond à l’Afrique la possibilité même des respecter les règles et normes internationales dont elles se sont érigées en défenseuses, et véhiculent  ainsi l’image d’un continent qui ne serait qu’un océan de misère et de chaos, et donc d’Africains qui seraient incapables de se gérer eux-mêmes selon des « normes civilisées ». On ne peut ici que constater l’ironie de cette vision néocolonialiste voire raciste,  par ceux qui, par ailleurs, entendent décoloniser les mentalités occidentales.

Le Rwanda a déjà prouvé qu’il est parfaitement capable d’accueillir, dans de bonnes conditions, des migrants, soit pour la période traitement de leur dossier, soit  pour s’y établir s’ils fuient réellement la répression ou l’insécurité. De plus, le pays  leur offre la possibilité de travailler dès leur arrivée s’ils le souhaitent, et donc de s’intégrer. Bien entendu, ils ne seront pas non plus assignés à résidence. Libres à eux de retourner dans leur pays d’origine s’ils le souhaitent, ou de se rendre dans un pays tiers prêt à les accepter.

En les envoyant au Rwanda ou ailleurs en Afrique, l’Europe enverrait un signal clair que les portes du  continent sont fermées aux clandestins, ce qui limiterait le nombre de candidats au départ (et donc les décès en Méditerranée ou dans la Manche), comme les activités criminelles des passeurs. En réalité, cette politique serait beaucoup plus « humanitaire » que les discours hypocrites des ONG du même nom qui, selon la formule de Bossuet, « se plaignent des conséquences dont ils chérissent les causes ».

Quel est l’intérêt du Rwanda dans cette affaire ? Certains diront qu’il est purement financier, ce pays devant recevoir 120 millions de livres du gouvernement britannique, mais on peut aussi l’envisager à travers la  vision qu’il a de son histoire et de son développement.

Le pays des milles collines a connu en 1994 le génocide des Tutsis, l’un des rares génocides incontestables du XXème siècle, une tragédie qui continue à marquer la société rwandaise. De plus, beaucoup de Rwandais, à commencer par le président Paul Kagamé, ont été réfugiés, ce qui les rend plus sensibles que d’autres au drame des migrants. Pour se développer, le « petit » Rwanda (dont la superficie est semblable à celle de la Belgique), qui n’a guère de matières premières, a choisi un positionnement original en se faisant le champion de l’Afrique et de la coopération internationale.

Cette stratégie se décline de multiples façons, allant de la promotion des investissements à la création d’une compagnie aérienne fiable avec un réseau international étendu (Rwandair), en passant par l’accueil de grandes conférences internationales, l’envoi de casques bleus sur les terrains de crise, ou encore le développement d’un tourisme qualitatif. Sur la scène internationale, le Rwanda apporte une contribution active à la résolution de problèmes globaux. En février dernier, il a par exemple été le fer de lance d’un accord international de lutte contre les déchets plastiques, ambition qu’il avait été l’un des premiers au monde à appliquer en interdisant les sacs plastiques dès 2008.

L’accord avec le Royaume Uni s’inscrit donc dans ce cadre singulier qui combine une détermination à développer l’économie locale, la mémoire vive du génocide de 1994, ainsi qu’une volonté de coopération au niveau international pour contribuer à résoudre les problèmes les plus urgents de notre époque. Sur la scène internationale, ce pays occupe une place disproportionnée par rapport à sa taille et sa population. En comparaison de la plupart des pays africains, et n’en déplaise aux ONG autoproclamées des « droits de l’homme », le Rwanda est un modèle de stabilité et de développement. Pour ceux qui doutent des succès de Kigali, il leur est suggéré de jeter un coup œil sur les indicateurs internationaux ou de faire un détour par les pays voisins.

A lire aussi: Trump ou Biden: qui a gagné l’élection de 2020?

Dans cette affaire, une fois de plus, l’opaque et politisée CEDH a encore frappé. David Cameron puis  Teresa May en 2016 avaient envisagé de s’en retirer, un projet qui semble, hélas, abandonné depuis le Brexit. Pourtant, plus encore que le carcan de l’Union européenne, la  jurisprudence de la CEDH (sur les clandestins comme sur le regroupement familial) constitue le principal obstacle à l’arrêt de l’immigration incontrôlée vers l’Europe. Ne nous y trompons pas : si cet accord se concrétisait, il pourrait être copié par d’autres pays africains et européens, comme le Danemark l’envisage à présent.

Le bras de fer en cours à Londres risque de déboucher sur une nouvelle défaite en rase campagne des gouvernements face aux ONG. Mais, avec un peu de courage politique, il pourrait ouvrir la voie à une solution au problème migratoire.

Immigration et intégration: avant qu'il ne soit trop tard...

Price: 16,16 €

5 used & new available from

Croquis de famille

1
François Bott, le 26/09/2011 / BALTEL/SIPA / 00625285_000006

Pourquoi faut-il (re)lire l’œuvre enchanteresse du critique et écrivain François Bott, disparu le 22 septembre dernier ?


Nous étions au printemps, il y a sept ans, peut-être. La famille au grand complet de Service Littéraire s’était réunie sous l’invitation du condottiere François Cérésa dans un restaurant du VIIème arrondissement, derrière la basilique Sainte-Clotilde. L’ombre de Druon veillait sur cette assemblée disparate et indisciplinée. François tentait de mener à l’épée ses chroniqueurs insoumis, avec la faconde du playboy poulbot et cet air canaille dont il ne se départait jamais. Le verbe haut et la camaraderie à la boutonnière. C’est l’image que je me fais d’un écrivain racé et rieur qui se moque des affèteries progressistes. Les dernières traces de l’esprit français avaient trouvé refuge dans la rue même où mourut la Comtesse de Ségur en 1874. Les tables se formèrent dans le chahut et l’allégresse. Tout le monde respectait la règle tacite, ne pas parler littérature sous peine d’exclusion. Quelle atroce faute de goût de raconter les misères de l’écriture et les affres de la création en s’empiffrant de charcuterie, d’égrener le nom d’écrivains célèbres pour parader ou de s’inventer des parentèles imaginaires pour exister socialement. Nous n’étions pas à l’école, ni à la Maison de la Radio. Un examen ne clôturait pas la soirée. Cette manie des bons et mauvais points est la cause principale de notre déclassement culturel. Nous savions nous tenir. La lecture est une occupation trop intime pour l’exposer en pâture, pour la déflorer à la hussarde, pour s’en servir de strapontin mondain. La conversation filait sur des sujets autrement plus capitaux, le championnat de France de fromage de tête venait d’annoncer son podium, Arnaud Guillon hésitait entre acquérir, avant l’été, un cabriolet Peugeot 504 et un Duetto coda longa, ce qui le plongeait dans un abîme de perplexité ; tout le monde s’accordait sur l’essentiel, la cupidité des éditeurs, la laideur des périphéries, la police des opinions et regrettait les standards de la chanson italienne.

Adriano Celentano fut cité à plusieurs reprises au cours du repas, avec une forme d’émotion adolescente et d’érotisme perlant. Tout le monde ne pensait plus à écrire un chef d’œuvre nobelisé mais à enfourcher une Vespa et à visiter les plages de Rimini sous un soleil cajoleur à la recherche d’un amour fugace. Le hasard du placement tient du mystère et un peu de la mystique gastronomique. Certains soirs, des tablées impromptues scellent des amitiés merveilleuses et éphémères qui, longtemps après, propagent le venin de la mélancolie. En face de moi, Roland Jaccard taquinait le juge Lambert sur des questions de procédure ; à ma droite, Gérald Sibleyras, dramaturge vedette et Sylvie Perez, fine plume évoquaient le crachin londonien ; tout le monde se marrait ; tout le monde était heureux de trinquer ensemble.

A lire aussi: «Travaillez pendant que vous avez encore de la lumière»

Et puis, en bout de table, l’homme à la pipe était là, calme et précis, l’allure d’un officier de marine, des manières de seigneur bourguignon, jamais un mot de trop, l’élégance n’aime pas les éclats de voix, à l’image de ses critiques limpides et fluides, secouées par cette onde nostalgique dont nous recherchons la vague comme les surfeurs attentifs de la Côte basque, il imposait sa stature de commandeur des lettres, sans bomber le torse, sans capter l’auditoire par des références surnuméraires, sans lever le doigt comme un bon élève. Nous savions qui il était, nous l’avions tous lu, ça suffisait à notre bonheur.

A côté d’un Renaud Matignon au tempérament plus éruptif, François Bott fut un prescripteur léger quand l’école avait déjà failli à notre éducation littéraire. Ces deux-là chassaient les camarillas et les fausses valeurs, ils n’écrivaient pas à l’encre plombée. Ils élevaient notre niveau de lecture, nous apprenaient à repérer les dissidents et à affermir notre goût, à exiger des écrivains un style et un élan salvateur. « Né en 1935, François Bott avait dirigé les pages littéraires de L’Express, puis Le Monde des livres après avoir fondé Le Magazine littéraire», comme l’indiquait la notice biographique sur la couverture de ses livres republiés dans la collection la petite vermillon. En souvenir de ce dîner où nous n’avions échangé que quelques réflexions anodines, j’ai relu, hier soir, ses croquis littéraires réunis dans Il nous est arrivé d’être jeunes. De courts textes véloces qui accélèrent d’Aragon à Roger Vailland en passant par Vialatte ou Louis Nucéra où l’art du critique se fait didactique sans être pesant, instructif sans être alarmiste, respectueux sans être dupe. J’ai pris une leçon d’écriture par la concision du propos et le sens de la formule flibustière. Bott balance, canonne, bombarde sans les effets habituels. D’une combinaison inusitée, il croque un écrivain en une seule phrase et capture l’essence même d’une plume. De Cioran, il écrit qu’« il aimait le vélo et les marquises des Lumières ». C’est admirable et perspicace. De Morand, il confesse que « la géographie était sa religion ». De René de Obaldia, farceur disparu en début d’année 2022, il le décrit comme un « humoriste noir et rose, le néant le met de bonne humeur ». Il place très haut Charles Trenet dans son panthéon personnel et se félicite de la reparution des romans de Jean Freustié. Et il s’interroge, à propos d’Aragon, sur le style : «Ne serait-il que l’art de se faire pardonner diverses vilenies, par exemple, cette façon d’ignorer, de couvrir, sinon de légitimer le goulag et la dictature stalinienne ?» Aujourd’hui, il semble que ce soit l’absence de style qui légitime les pires âneries et renoncements.

François Bott, Il nous est arrivé d’être jeunes, La Table Ronde, 272 pages, 8,10€.

Il nous est arrivé d'être jeunes: Croquis littéraires, d'Aragon à Stefan Zweig

Price: 8,10 €

16 used & new available from 2,52 €

Écrivains en robe de chambre: Histoires littéraires

Price: 8,70 €

13 used & new available from 3,99 €

Un hiver au Vésinet (Vermillon)

Price: 9,99 €

1 used & new available from 9,99 €

Gare au loup !

0
D.R

C’est plus écologique d’être plongé dans le noir, la sécurité n’est plus à la mode.


Les maires de nombreuses communes en France ont décidé de suivre le bon exemple de ceux de Chambéry et de Rennes, socialistes, ou de Bordeaux, écologiste, en adoptant le plan de sobriété énergétique et en coupant leur éclairage public de minuit à six heures du matin. Tant pis pour les badauds qui déambulent à l’aveuglette ! En plus de réduire la facture d’électricité, éteindre les lampadaires donne aux communes un bon point écolo. Mais quid des habitants confrontés à notre peur primordiale : le noir et le monstre qui s’y cache ? À Guengat, dans le Finistère, où les lampadaires seront désormais éteints à partir de 21 h 30, des piétons et des étudiants ont été interrogés par nos confrères de France Bleu. Aude, 23 ans, souligne que « ça pose question, en termes de sécurité. Surtout pour les jeunes femmes. » En effet, depuis longtemps, les féministes accusent nos villes d’être des espaces « genrés », conçus pour les hommes, notamment à travers un éclairage nocturne inadéquat qui décourage la circulation des femmes. Il y a deux ans, le Conseil économique social et environnemental (CESE) adoptait une résolution appelant les autorités publiques à « agir sur l’éclairage » dans les villes pour réduire la sensation d’insécurité chez les femmes. Le gouvernement nous dit que « chaque geste compte » et qu’il faut se résigner à ne plus vivre comme avant. Pourtant, ce sentiment d’insécurité, renforcé par le fait que ni la police ni les caméras de vidéosurveillance ne peuvent faire leur travail dans le noir, représente bien un retour à la ville du Moyen Âge, tout particulièrement pour les femmes. Certes, l’écologie est un combat louable, ainsi que la sobriété énergétique, mais aucun thuriféraire de ces causes ne semble relever le fait qu’elles sont désormais en contradiction flagrante avec #MeToo.

A lire aussi: Verts et pas mûrs

Mythe et mythes de la Guerre d’Espagne: les raisons d’une polémique

0
Des manifestants brandissent des drapeaux de la République espagnole et soviétiques lors d'une marche pour commémorer les morts de la Guerre d'Espagne, Madrid le 14 avril 2021 Manu Fernandez/AP/SIPA AP22558188_000001

La publication en français d’un livre présentant une nouvelle approche de la Guerre d’Espagne vient de montrer que les questions d’historiographie se transforment trop souvent en questions de politique contemporaine. Le gouvernement espagnol et l’intelligentsia française de gauche ont dénoncé l’auteur de ce livre, Pío Moa, comme un dangereux révisionniste. Le spécialiste américain de la Guerre d’Espagne, Stanley Payne, vient de publier un article un article qui répond à ces critiques. Le texte est ici traduit en français et présenté par Arnaud Imatz.


La publication d’un long entretien avec Pío Moa, auteur de Les mythes de la Guerre d’Espagne, dans le Figaro Histoire de juillet 2022, et la mise en ligne d’une vidéo vue par plus d’1.300.000 internautes ont soulevé l’indignation de nombre de journalistes et universitaires admirateurs du Front populaire espagnol. Le 22 août, Le Figaro a publié la réponse virulente d’un proche du gouvernement socialiste, président de l’Association pour la récupération de la mémoire historique, Emilio Silva. Plus de cent historiens français se sont dit par ailleurs « consternés » et ont publié une lettre ouverte, à laquelle plusieurs médias complaisants envers la gauche radicale ont fait largement écho. Le 13 novembre dernier, le quotidien madrilène El País a consacré à son tour une page à la polémique française sur la traduction du livre de Moa. Le sujet semble d’autant plus sensible en Espagne que le gouvernement vient de faire adopter une « loi de mémoire démocratique » qui prétend censurer et pénaliser les opinions trop éloignées de la doxa officielle. Signe des temps, la Poste espagnole vient d’imprimer un timbre avec une faucille et un marteau aux couleurs de la République du Front populaire pour célébrer les cent ans de la fondation du PCE.  

Dans l’article qui suit, publié simultanément aux États-Unis, dans la revue culturelle Chronicles, l’historien Stanley Payne, l’un des plus prestigieux spécialistes mondiaux de la République et de la Guerre d’Espagne, reconnu pour son honnêteté, sa rigueur et sa pondération, auteur de plus de trente livres dont La guerre d’Espagne. L’histoire face à la confusion mémorielle (Le Cerf, 2010), répond aux censeurs de Moa et remet les pendules à l’heure.  


À la fin du vingtième siècle, tous les grands mythes politiques ou religions séculières étaient plus ou moins discrédités. Un seul allait néanmoins survivre en Europe sous sa forme classique et même connaitre un renouveau majeur. Le mythe de la République espagnole et de la Guerre civile, sous la vieille bannière du Front populaire de la «démocratie républicaine», a bel et bien été ressuscité par la dernière génération de la gauche espagnole. Au cours des dernières années, il est devenu le «nouveau» mythe fondateur de l’Espagne, dont l’objectif est de radicaliser l’actuelle monarchie constitutionnelle ou de la remplacer par une autre république extrémiste de style latino-américain.  

La révolution espagnole de 1936-1939 a été la seule révolution collectiviste de masse, violente, qui s’est déroulée dans un pays d’Europe occidentale au XXe siècle. Elle a échoué pour diverses raisons, mais essentiellement parce que les modérés et les conservateurs espagnols se sont rebellés de manière préventive avant que la domination des institutions par le processus révolutionnaire ne soit achevée. Les révolutionnaires se sont vus dès lors confrontés à un véritable dilemme : essayer de mener une révolution de masse violente tout en menant une guerre civile à grande échelle, ce qui s’est avéré au-dessus de leurs capacités.  

La révolution espagnole est également unique dans l’histoire européenne en ce qu’elle a été d’abord impulsée par des socialistes et des anarchistes, et que c’est seulement pendant la guerre civile que le communisme est passé au premier plan. Les dirigeants soviétiques ont compris, dès le début, qu’une nouvelle révolution en Europe occidentale devait être camouflée en «démocratie républicaine» pour être acceptable et acceptée par l’opinion publique internationale. Moins d’un an plus tôt, le Komintern avait modifié son approche révolutionnaire, qui avait conduit à des résultats si désastreux en Allemagne, en faveur d’une nouvelle alliance de type «Front populaire» qui puisse instrumentaliser la démocratie occidentale au nom de l’«antifascisme», nouveau motif-clé de la propagande. La présentation du conflit espagnol comme un combat entre «la démocratie et le fascisme» était un stratagème qui devait connaitre un succès considérable, notamment au sein de l’intelligentsia occidentale alors de plus en plus favorable à la lutte contre Hitler et Mussolini.  

A lire aussi: « Le silence est une nouvelle façon de brûler les livres »

Pour diverses raisons complexes, l’histoire de l’Espagne a toujours été l’une des plus difficiles à comprendre de tous les pays occidentaux. Ses singularités marquées et ses courants et contre-courants apparents ont naturellement déconcerté les étrangers, ce qui a contribué à donner au modèle du Front populaire espagnol une forme mythique largement acceptée pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette forme a été ensuite modifiée pour présenter le conflit espagnol comme le «début» ou le «premier round» de la Seconde Guerre mondiale, un saut imaginatif tout aussi extrême.  

Lorsque j’ai commencé à étudier l’histoire de l’Espagne, dans les années 1950, j’ai réalisé que les aspects les plus extrêmes du mythe étaient exagérés, mais j’ai néanmoins accepté l’interprétation standard de la «République espagnole démocratique» et de sa gauche au moins semi-démocratique.  Il n’existait pas alors de littérature scientifique sérieuse prouvant le contraire. De plus, mes deux premiers livres sur les affaires espagnoles qui traitaient des forces-clés de la droite, la Phalange fasciste (1961), et l’armée (1967), avaient été accueillis avec enthousiasme par la critique, plus particulièrement par celle des auteurs de gauche.  

Je n’avais pas eu jusque-là l’idée d’enquêter sur les révolutionnaires et c’est Jack Greene, historien américaniste de l’Université Johns Hopkins, qui m’a suggéré de le faire. En plein «boom de l’histoire» des années 1960, il était chargé d’éditer une série de dix volumes sur «Les révolutions dans le monde moderne». Green m’a donc invité à rédiger l’étude sur l’Espagne et, après réflexion, j’ai accepté.  Les recherches que j’ai menées sur la gauche espagnole entre 1966 et 1968 ont constitué, je crois, «un avant et un après» dans la compréhension de l’histoire espagnole récente. J’ai été particulièrement surpris de constater que la gauche espagnole n’était pas nourrie de réformistes maladroits et bien intentionnés, telle qu’elle était censée l’zêtre selon le mythe, mais au contraire de personnes autoritaires, très déterminées, dont les sectateurs révolutionnaires s’étaient consacrés, avec une violence toujours plus grande, à l’attaque directe des institutions.  

Ces recherches ont finalement donné naissance à The Spanish Revolution (1970), une étude de la gauche révolutionnaire espagnole, de ses origines à sa défaite finale en 1939. Certaines interprétations ont dû être révisées depuis, après l’ouverture de nouvelles archives, en particulier celles de l’ancienne Union soviétique, mais ce livre reste à ce jour la seule étude publiée dans le monde en un seul volume sur l’ensemble du processus révolutionnaire en Espagne.  Le «Book World» du Washington Post le désigna comme l’un des cinquante livres les plus remarquables de l’année 1970 et, la censure espagnole s’étant relâchée, deux traductions espagnoles différentes furent publiées au cours de la décennie suivante. Les commentateurs de gauche, qui avaient salué mes deux premiers principaux livres sur l’Espagne, se montrèrent en revanche souvent cinglants à l’égard de The Spanish Revolution, ouvrage qui avait osé mettre à nu le mythe jusque-là bien établi.  

A lire aussi: Dernières recherches historiques sur la rafle du Vel d’hiv

Les années 1970 ont été une décennie de transformations spectaculaires en Espagne, le pays ayant pris alors une initiative tout à fait à contre-courant. Au plus fort de la phase finale de l’expansion communiste dans le cadre de la guerre froide, l’Espagne a procédé à un surprenant changement de régime en faveur de la démocratie libérale, initiant ainsi la dernière grande vague de démocratisation du XXe siècle. Celle-ci allait durer, non seulement en Espagne mais dans le monde, jusque dans les années 1990. La censure prit fin dans la Péninsule et il s’en suivit un intérêt décuplé pour l’histoire contemporaine. Le nouvel esprit semblait vouloir enterrer le passé, tout au moins en ce qui concerne la politique partisane, pour laisser l’histoire aux universitaires.  

C’était du moins ce qu’il semblait être.  Mais en réalité, à cette époque la génération «nouvelle gauche» des années soixante avait déjà commencé à investir les universités espagnoles. Elle l’avait même fait sous un régime franquiste de plus en plus tolérant, et elle allait rapidement étendre sa domination dans la majorité du système universitaire en pleine expansion.    

Par ailleurs, les milieux politiques modérés et conservateurs se montraient étonnamment peu intéressés par la culture et l’histoire récente, vivant dans la crainte perpétuelle d’être traités de «franquistes». La conséquence a été que dans les dernières années du XXe siècle, la domination de la gauche sur les médias, la culture et l’éducation est devenue encore plus complète en Espagne que dans beaucoup d’autres pays occidentaux. Plusieurs sujets et plusieurs thèmes sont devenus tabous, même si la liberté d’expression fondamentale a continué d’exister dans l’ensemble du pays, à l’exception partielle des universités.  

Il en est résulté un véritable dilemme, illustré notamment par la carrière de Javier Tusell, principal historien politique espagnol de la fin du vingtième siècle. Ce dernier a publié en trente-cinq ans une bonne vingtaine de livres, tous de grande qualité et la plupart basés sur des recherches d’archives originales, mais, soucieux de conserver sa liberté de pensée et d’interprétation critique tout en restant dans les bonnes grâces de ses collègues, il a préféré se consacrer essentiellement à des études sur la droite espagnole sans jamais entreprendre la moindre étude critique importante sur l’un des aspects de la gauche. À partir des années 1990, la conformité historiographique au mythe de la République et de la Guerre civile a été presque complète.  

C’est précisément dans cette situation de stagnation intellectuelle qu’est soudainement apparu, en 1999, l’ouvrage d’un auteur totalement inconnu, Pío Moa, Los orígenes de la Guerra Civil española. Il ne s’agissait pas d’un universitaire, mais d’un chercheur indépendant, le genre de personne beaucoup plus rare en Espagne que dans le monde anglophone. Moa était un marxiste repenti qui avait commencé sa vie d’adulte comme membre actif du FRAP, une organisation terroriste révolutionnaire des années 1970 qui avait combattu bec et ongles la démocratisation de l’Espagne. Puis, dans les années suivantes, il s’était consacré à une longue étude sur l’histoire de son pays. Au bout de deux décennies, Moa était parvenu à des conclusions qui allaient à l’encontre de ses premières convictions, mais aussi des mythes conventionnels sur la vie politique espagnole contemporaine.  

A lire aussi: Quel souvenir pour la guerre d’Indochine ?  

Son premier livre s’attaquait directement non pas aux mythes de la guerre civile elle-même, mais aux idées reçues sur son contexte. Il exposait et analysait les «origines» du conflit en 1933-34, lorsque la gauche avait d’abord cherché à imposer un système exclusiviste puis, ayant échoué, s’était tournée vers de multiples insurrections révolutionnaires, dont le point culminant avait été le violent assaut de masse socialiste de 1934. Cet ouvrage le plus important et le plus original de l’historiographie espagnole récente, a été rapidement suivi de deux autres : Los personajes de la República vistos por ellos mismos (Les dirigeants de la République décrits par eux-mêmes) (2000), qui est un portrait révélateur des principaux dirigeants de gauche vus au travers des descriptions originales et acerbes qu’ils ont faites d’eux-mêmes, et El derrumbe de la Segunda República y la guerra civil (L’effondrement de la Seconde République et la guerre civile) (2001), qui traite en détail de l’apogée du processus révolutionnaire de la République et du début de la guerre. Les lecteurs espagnols ont réagi avec enthousiasme devant ces livres, d’autant plus que Moa a fait preuve non seulement d’audace et d’originalité analytiques, mais aussi d’un talent littéraire inhabituel, qui tranche avec l’expression lourde et maladroite de tant d’historiens espagnols.  

Le corps professoral de gauche s’est indigné, et son chœur de dénonciation, apparemment unanime, a intimidé quiconque aurait pu oser dire un mot en faveur de Moa. Ce qui est remarquable dans le déluge d’injures qu’il a reçu, c’est qu’il n’y a pratiquement pas eu de débat ou de critique sérieuse sur les interprétations et les réalités factuelles soulignées par l’auteur. Bien au contraire, la critique s’est concentrée, dans un style typiquement espagnol, sur des attaques ad hominem. Ces critiques outrancières ont mis surtout l’accent sur le manque de titres universitaires de Moa, insistant le plus souvent sur le fait que seul un «professeur» pouvait produire un travail historique valable. Un argument d’autant plus absurde que la plupart des professeurs d’histoire espagnols ne sont guère que des bureaucrates opportunistes qui ne produisent que de maigres publications historiques, et souvent même aucune.  

Le point culminant des premiers travaux de Moa a été atteint en 2003, lorsqu’une grande maison d’édition, La Esfera de los Libros, a publié son livre Los mitos de la Guerra Civil (récemment publié en France par les Éditions de l’Artilleur sous le titre Les mythes de la Guerre d’Espagne). Dans la Péninsule, ce livre a été la sensation éditoriale de l’année dans le domaine de la non-fiction, se vendant à plus de 150 000 exemplaires (et même finalement à 300 000). Ce succès indiquait une soif des lecteurs espagnols pour une histoire critique désireuse de briser le tabou mythique. Comme les médias et les publications universitaires de l’establishment l’ont généralement ignoré, Álvaro Delgado-Gal, l’astucieux rédacteur en chef de Revista de Libros, principale revue de critique de livres du pays, a décidé de rompre le boycott du silence en demandant à un historien non espagnol de critiquer le livre. Il m’a invité à entreprendre cette tâche et j’ai répondu avec empressement. Mon compte rendu a mis en évidence les questions-clés sur lesquelles Moa a proposé des analyses tranchantes et de nouvelles interprétations significatives fondées sur des données convaincantes. Si plusieurs d’entre elles pouvaient être remises en question, la responsabilité des universitaires sérieux était de débattre et/ou de réfuter les points litigieux plutôt que d’imposer une censure à priori. Ma conclusion était que le livre, même imparfait, était une contribution majeure au débat sur la guerre civile. On a alors demandé à Santos Juliá, parfois considéré comme le principal historien socialiste dans ce domaine, de répondre, mais il s’est contenté de répéter qu’il était inacceptable de parler de Moa et a même menacé de m’expulser de la confrérie des historiens professionnels pour avoir osé suggérer que le sujet méritait un débat honnête.  

Los mitos de la Guerra civil (Les mythes de la guerre d’Espagne) n’est pas une histoire générale de plus, mais une étude des personnalités et des questions-clés qui, selon l’interprétation gauchiste standard, ont été mythifiées, diabolisées ou simplement déformées. Ce livre consacre des chapitres entiers à dix des principales figures, et offre des discussions incisives qui s’écartent souvent des récits habituels. La partie principale traite de dix-sept questions ou aspects-clés, tels que l’effet de «l’armement des masses», la création du «premier pont aérien de l’histoire», «la plus grande persécution religieuse de l’histoire», plusieurs des plus grandes atrocités ou atrocités présumées, l’envoi de la réserve d’or nationale espagnole à Moscou, le caractère et le rôle des Brigades internationales, plusieurs des batailles les plus importantes, l’intervention et la non-intervention étrangères, et les politiques et rôles des deux leaders décisifs, Juan Negrín et Francisco Franco. L’ouvrage se termine par un examen de la place de la guerre civile dans l’histoire de l’Espagne et dans son historiographie.  

Cet ouvrage est unique en ce qu’il adopte une approche thématique et axée sur les principaux problèmes et qu’il remet en cause résolument les mythes dominants. En raison de sa force interprétative, l’effet a été inévitablement polémique, bien que chacune des analyses aient été soigneusement raisonnées et présentées dans la prose typiquement lucide et souvent éloquente de Moa. Il a dès lors occupé une position unique – celle de l’historien le plus lu de son pays – mais condamné à un ostracisme permanent par le système universitaire public et les médias de l’establishment. Dans d’autres pays, des historiens non universitaires atteignent parfois des positions vénérables, le plus souvent parce qu’ils produisent avant tout des œuvrettes conformistes sur le passé national. En revanche, Moa est devenu à lui seul une sorte de mouvement unipersonnel qui s’est dressé contre l’establishment espagnol de gauche pour offrir des explications et des interprétations indépendantes sur les principaux problèmes historiques. Et cela a conduit presque inévitablement à une approche de plus en plus polémique, à une entreprise solitaire nécessitant une endurance personnelle et un courage moral impressionnants. 

A lire aussi: L’histoire à la tête du client…

Le progrès des connaissances historiques se fait principalement de deux manières : la première, qui est la voie habituelle, est celle de la nouvelle recherche primaire ; la seconde, moins fréquente, mais plus stimulante intellectuellement, est celle du réexamen et de la nouvelle analyse des travaux antérieurs. Seule une petite partie de la production de Moa est basée sur la recherche primaire, car la plus grande partie porte sur le réexamen de matériaux existants qui ont été soit ignorés, soit délibérément déformés dans les études et travaux précédents.  

Moa est un spécialiste et un écrivain prolifique qui, au cours des deux dernières décennies, a produit de nombreux ouvrages traitant de thèmes historiques plus larges, notamment son impressionnant La Reconquista y España (2018). Il est aussi l’auteur de deux romans et de plusieurs essais sur divers thèmes. Il est probablement exact de dire qu’il a joué un rôle plus important dans la vie culturelle et intellectuelle de son pays que n’importe quel autre universitaire indépendant d’Europe ou d’ailleurs, même s’il restera toujours un historien maudit pour l’establishment culturel aveugle de son pays. Cela dit, il reste encore une petite poignée de professeurs dans les universités espagnoles qui font un travail sérieux, indépendant et objectif, et qui apportent des contributions majeures, mais ils doivent faire très attention à éviter les approches les plus controversées.  

Dans mes propres travaux, j’ai abordé nombre de ces sujets à peu près au moment même où Moa commençait à publier. Mon objectif initial était d’utiliser les nouveaux documents provenant des archives soviétiques, afin de clarifier les politiques soviétique et communiste en Espagne, lesquelles avaient toujours suscité la controverse. Après six ans de recherche, j’ai publié The Spanish Civil Warthe Soviet Union and Communism (2003), à la suite de quoi j’ai suivi le précepte énoncé par José Ortega y Gasset, en 1938, selon lequel la chose la plus importante à savoir sur la guerre d’Espagne est «comment elle a commencé». Cela a débouché d’abord sur The Collapse of the Spanish Republic 1933-1936, que l’Université de Yale a publié en 2006. D’autres études sur divers aspects ont suivi, le point d’orgue étant The Spanish Civil War, conçu comme un résumé analytique pour les nouveaux lecteurs, qui a été publié en 2012 comme l’une des «Cambridge Essential Histories». Mon autre travail de conclusion dans ce domaine a été un effort pour replacer la révolution et la guerre civile espagnoles dans leur contexte historique approprié. Il ne s’agissait pas de la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle l’Espagne n’était pas belligérante, mais plutôt des guerres civiles révolutionnaires européennes de l’époque. J’en ai donné un résumé dans Civil War in Europe 1905-1949 (2011).  

En ce début du XXIe siècle, la politisation de l’histoire a joué en Espagne un rôle plus grand que dans n’importe quel autre pays occidental. Nulle part ailleurs, du moins à l’exclusion de la Russie en 2022, le gouvernement n’a proposé des lois de censure nationale spécifiques régissant la discussion et l’interprétation de l’histoire récente. La première loi socialiste espagnole de 2006, la «Loi sur la mémoire historique», n’allait pas plus loin que des subventions d’État pour le prosélytisme de certaines versions approuvées ; mais la nouvelle loi de 2022, la «Loi de mémoire démocratique», de nature stalinienne (voire poutinienne) prévoit des peines d’emprisonnement et de fortes amendes. Une fois de plus, comme en tant d’autres occasions depuis 1821, la gauche espagnole cherche à prendre la tête de la radicalisation politique au sein des pays occidentaux.  

Les mythes de la guerre d'Espagne 1936-1939

Price: 60,37 €

6 used & new available from 41,94 €

La Guerre d'Espagne

Price: 40,00 €

15 used & new available from 19,07 €

France cherche cerveaux

0

A force d’exporter ses bac+7 et d’importer des bac-5, notre pays connait un appauvrissement intellectuel inédit.


La grande misère de la recherche en France explique en partie une autre réalité tout aussi inquiétante : la fuite de ses cerveaux les plus brillants. Si la qualité de nos formations de haut niveau permet aux meilleurs étudiants et aux entrepreneurs les plus capables d’émigrer dans les pays les plus innovants et les plus créatifs, force est de constater que leur départ n’est pas compensé. En somme, nous laissons partir les potentiels les plus performants et importons essentiellement des populations sans qualification.

Les raisons de la fuite des cerveaux sont multiples, mais leur dénominateur commun est l’incapacité de notre pays à créer un environnement à la fois sécurisant et dynamique pour ces esprits créatifs. Ces hauts potentiels ne trouvent pas en France les conditions de travail et de rémunération qui leur paraissent acceptables et se plaignent souvent d’une bureaucratie étouffante et tatillonne. Symptôme d’une perte d’attractivité du territoire, la défection des premiers de cordée impacte le rayonnement de la France. Et ce d’autant plus qu’elle est à sens unique. L’émigration de chercheurs, d’ingénieurs ou de créateurs d’entreprises de haute technologie français, essentiellement aux États-Unis et en Grande-Bretagne ne s’accompagne pas d’un mouvement inverse en direction de la France de jeunes surdiplômés. En dix ans, entre 2009 et 2018, 1,3 million de Français souvent très diplômés sont partis ; 1,8 million d’étrangers sont arrivés, essentiellement de pays pauvres, hors OCDE. La plupart n’ont aucun diplôme (40 %) ou simplement un diplôme de l’enseignement secondaire (39 %).

A lire aussi: Métiers en tension : pourquoi l’immigration ?

Ces premiers de corvée sont certes très utiles et soulagent souvent les secteurs en tension, mais ils ne constituent pas le vivier de créativité et d’excellence qui seul peut aider une grande nation à maîtriser son avenir. François Bayrou a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme en 2020. Le commissaire au Plan avait réagi très vivement à l’annonce de l’échec de l’Institut Pasteur dans sa tentative de fabrication d’un vaccin contre le Covid. Il notait alors avec amertume que le PDG de la société Moderna, Stéphane Bancel (prépa « Ginette » à Versailles, Centrale Paris, université du Minnesota, Harvard), qui avait mis au point le vaccin à ARN messager aux États-Unis, était français. Interviewé à l’époque sur France Inter, le commissaire au Plan déplorait que « nos chercheurs les plus brillants soient aspirés par le système américain ». Même son de cloche du côté du médaillé Fields et ancien député LREM, Cédric Villani. Il constatait au moment de remettre son rapport sur l’intelligence artificielle en 2018 « qu’en France, des disciplines telles que les mathématiques, l’informatique ou la physique théorique étaient plutôt jusqu’alors épargnées par la fuite des cerveaux. Ce n’est plus le cas. » Or ce type de départ est un signe fort de déclin. La puissance et l’influence d’un pays se mesurent à la capacité d’attirer les talents extérieurs, mais aussi de conserver les siens. Le départ des hauts potentiels et l’arrivée en masse de populations peu instruites augurent rarement de lendemains qui chantent.

Ces biens essentiels

Price: 6,63 €

12 used & new available from