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Immigration, l’ampleur du désastre

Les réseaux et les filières en tout genre prospèrent sur le dos d’une administration et d’une justice humanitaristes, avec la complicité d’ONG. Et cela, au détriment des plus pauvres de nos concitoyens.


Il fut une époque, en France, où le patronat organisait l’immigration en fonction de ses besoins, des recruteurs se chargeant de sélectionner dans les pays d’origine des hommes assez vaillants pour travailler dans les mines ou sur les chaînes de l’industrie automobile. Les organisations patronales géraient les accueils, finançaient la Sonacotra, chargée de loger les salariés dans des foyers, et le Service social d’aide aux migrants. L’État était aux abonnés absents et la gauche – alors communiste – manifestait contre une importation de salariés qui tirait les salaires vers le bas. Aujourd’hui, des secteurs professionnels sont en tension (femmes de ménage, aides-soignantes, soutien à la personne, médecins, métiers du bâtiment…), mais l’immigration professionnelle a disparu. Dans les textes, elle existe toujours mais, dans les faits, personne n’y a recours, hormis les grands groupes, surtout américains, pour leurs cadres de haut niveau. Depuis que l’État a pris la main, la France a perdu toute capacité à organiser son immigration. Par défaut, elle est devenue le business de l’économie criminelle, une économie dénuée de tout scrupule et vivant grassement sur le dos de millions de victimes auxquelles elle fait miroiter l’espoir d’une vie meilleure. Les organisations spécialisées de ce secteur lucratif sont les mêmes que celles qui alimentent l’Europe – et la France particulièrement – en produits stupéfiants. Elles tiennent la route de la cocaïne qui, débarquée en Afrique de l’Ouest, est acheminée à travers le Sahara jusqu’au Maroc, puis l’Espagne ou qui, transportée par le Mali, l’Algérie et la Libye, traverse la Méditerranée pour aboutir au sud de l’Italie avec l’aide de la mafia locale. Et elles tiennent celle de l’héroïne, produite en Afghanistan et transportée en Europe de l’Ouest à travers la Turquie, la Grèce et les Balkans. Ces réseaux ont organisé une effroyable loterie dont les gagnants auront été assez riches pour payer un « billet » vingt fois supérieur au prix du billet d’avion sur la même destination (on trouve un Conakry-Paris pour moins de 400 euros) et assez chanceux pour survivre à la traversée du désert, au viol, aux mauvais traitements, au travail forcé et à une navigation incertaine sur des embarcations de fortune. La suite n’a pour eux aucun intérêt.

Pour leurs victimes, le miroir aux alouettes a parfois des allures de mauvais film. Débarquées à Paris, elles plantent leurs tentes de fortune dans des parcs publics ou sous les lignes de métro, noient leur désespoir dans la consommation de crack (vendu par leurs « frères ») ou plongent elles-mêmes, faute de mieux, dans l’économie criminelle. Les compétences de ces migrants ne correspondent pas aux emplois offerts. Victimes chez eux d’une économie corrompue où la richesse produite est captée par la classe dirigeante, ils découvrent ici que personne ne les attendait. Et que leur nombre a fini par créer dans la population une exaspération légitime.

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Dans cette grande chaîne du malheur, les responsabilités sont multiples. Les organisations criminelles, qui maîtrisent les ressources du marketing, ont compris que le point faible des démocraties occidentales résidait dans les bons sentiments, cette conception larmoyante de la solidarité dont les juristes ont fait le lit de l’État de droit européen. Leur cynisme n’a pas de limite : l’image d’un enfant mort sur une plage peut ouvrir la porte à des millions de migrants. Ils ont fait de la Méditerranée le théâtre de leur ignoble chantage, obligeant leurs « clients » à s’entasser dans des embarcations conditionnées pour tomber en panne au milieu de la mer afin d’y être secourues, par application du droit maritime. Évidemment, cette situation absurde aurait cessé si les institutions européennes, chargées désormais de la surveillance de nos frontières extérieures, avaient mis en place les moyens nécessaires à la récupération de ces naufragés volontaires et à leur reconduite dans le port qu’ils avaient quitté. Mais ce n’est pas la conception qu’en ont les fonctionnaires de la Commission, confortablement installés dans leurs bureaux à Bruxelles. Le sauvetage en mer, en dehors de toute délégation publique et de tout contrôle, est assuré par des organisations « humanitaires » en lieu et place d’une institution défaillante. Leur dessein est obscur. Leur mode d’action complique l’intervention des autorités locales et, comble du paradoxe, elles tirent leurs revenus de collectivités locales qui peinent, par ailleurs, à financer les sauveteurs bénévoles de la SNSM. En vertu de quoi, les pays de l’Union sont sommés d’accueillir en priorité ceux qui franchissent les frontières sans y avoir été autorisés, aux dépens de ceux qui, respectueux du droit international, auraient pris la peine d’effectuer une demande de visa ou, se sentant menacés, une demande d’asile. Les complices sont nombreux. Les États incapables de proposer des solutions alternatives le sont aussi, à leur niveau. Les migrations irrégulières cesseraient si elles manquaient leur cible, c’est-à-dire si la totalité de ceux qui avaient tenté l’aventure étaient reconduits à leur point de départ, pour les majeurs dès leur arrivée en Europe, pour les mineurs à leur majorité, pour les malades une fois remis sur pied. Ce n’est pas ce qui se passe. Pire, en France en particulier, tout est mis en œuvre pour que le retour soit rendu compliqué, voire impossible. Dans ces conditions, pourquoi se priver d’une aventure dont on peut tirer avantage ? Il suffit de se mettre dans la peau du « voyageur » pour le comprendre. En demeurant assez longtemps en Europe, il pourra rembourser sa dette et acquérir auprès des siens la reconnaissance de celui qui envoie l’argent. Les pays d’émigration le savent parfaitement. Pour eux, elle constitue une source de revenus, suffisante pour leur éviter de procéder aux réformes sociales rendues nécessaires par les inégalités des richesses. Pourquoi, dans ces conditions, devraient-ils empêcher de partir ceux qui veulent tenter leur chance ? Et pourquoi faudrait-il accepter de les reprendre, lorsque l’on sait que le flot des migrants comprend des indésirables, des enfants des rues dont on ne veut pas s’occuper, des aventuriers et quelques militants de l’islam intégriste ?

En la matière, la politique de la France est celle de l’invisibilisation. On se refuse à placer les nouveaux venus, qualifiés de « réfugiés » par excès de langage, dans des camps du type de ceux gérés par le HCR, car cela conduirait à créer une ville de tentes aussi peuplée que Montreuil ou Argenteuil. Pour le ministère de l’Intérieur, cette situation faciliterait la gestion des flux, mais elle obligerait le gouvernement à avouer l’ampleur du désastre et le coût de son action, aujourd’hui dissimulé dans toute une série de lignes budgétaires. Faute de mieux, l’option choisie vise à proposer aux intéressés de déposer une demande d’asile, même si la plupart n’ont jamais de leur vie participé ni à un conflit ni à une opération politique. La pratique permet de les classer dans une catégorie protégée, celle des demandeurs d’asile, logés, soignés et nourris par l’État. Le mouvement suivant est celui de la dispersion. L’Europe demande que l’on répartisse les migrants entre tous ses pays. Et, dans l’affaire, chacun accuse son voisin de ne pas en faire assez. La France pratique la même politique à son niveau. Il faut disperser les « réfugiés » dans toutes les campagnes pour ne plus les voir dans les squares de la capitale. C’est par ce mécanisme que l’Ouest catholique et charitable a vu s’installer des communautés étrangères incapables de s’y intégrer.

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Arrivé en France depuis un pays où l’accès au droit est limité, le migrant découvre l’ampleur des moyens juridiques qui lui sont offerts pour y demeurer. Les avocats se pressent pour apporter leur aide. Les associations financées par l’État expliquent comment déjouer les pièges de l’administration. L’État lui-même a multiplié les voies de recours et les instances de contrôle. Les juges administratifs sont chargés de vérifier la légalité des actes pris par les préfets, souvent seuls à la manœuvre et lâchés en rase campagne en cas de réaction médiatique. Comme si cela ne suffisait pas, les juges judiciaires ont été introduits dans la chaîne des recours. Un vice de forme suffit à casser une procédure. Et l’intention du magistrat en la matière n’est pas toujours dénuée de parti-pris. Le demandeur d’asile débouté, malgré la souplesse d’un droit d’asile étendu à des causes sans lien avec la convention de Genève, peut faire appel de la décision. Cela lui permet de prolonger son maintien dans un logement pendant une à deux années supplémentaires. Il bénéficie ainsi d’un temps suffisant pour entrer dans l’une des catégories des étrangers non expulsables : conjoint de Française, parent d’enfant français, malade ou faisant semblant de l’être, l’administration n’étant pas habilitée à lire les certificats des médecins. Si par malheur, le « réfugié » n’a pas trouvé une solution à sa mesure, il devra attendre trois années de plus le bénéfice de la circulaire Valls, jamais remise en cause, qui oblige le préfet à régulariser sa situation d’office après cinq années passées en France. Trois ans dans un pays comme le nôtre où le travail au noir est assez développé pour offrir un emploi aux « sans-papiers », avec, en prime, un accès inconditionnel et gratuit à toutes les prestations de santé, ne représentent pas un effort insurmontable. Il suffit juste d’éviter les gares et les transports en commun où la police concentre ses contrôles. On peut même demander, dans la première année, la transformation en permis de conduire français d’un permis passé – ou acheté – dans le pays d’origine. Le marché de l’irrégularité s’est beaucoup développé. En Seine-Saint-Denis, des investisseurs habiles, souvent venus des mêmes pays, achètent des pavillons en grand nombre qu’ils débitent en appartements avec toilettes communes, pour des familles qui n’ont pas accès au logement social faute de carte de séjour et, dans l’économie de la livraison, le titulaire du droit peut s’entourer de « petites mains » qui effectuent le travail à sa place.

En présence de plusieurs associations, élus et avocats, environ 450 migrants installent des tentes sur la place de la République à Paris, 23 novembre 2020. MARTIN BUREAU / AFP

Le malheureux qui n’a pas eu la chance de voir sa situation régularisée prend le risque de faire l’objet d’une OQTF mais, sauf s’il sort de prison, la probabilité qu’il parte est faible, surtout s’il vient d’Afghanistan ou d’un pays africain. Si les détenus sont « cueillis » à la sortie de leur détention, les autres disposent de nombreux moyens d’échapper aux griffes de l’administration. La reconduite est souvent précédée – ce n’est pas obligatoire – par un placement en centre de rétention administratif. La France, dans ce domaine, est la mauvaise élève de l’Europe. Elle a fixé sa durée de rétention à quatre-vingt-dix jours quand la Commission lui demandait deux ans. Elle manque de places et celles qui existent sont souvent inadaptées. Comme la plupart des retenus ont perdu leur passeport et qu’ils ne se souviennent plus de leur pays d’origine, l’administration est contrainte de demander à l’autorité consulaire des laissez-passer que les gouvernements étrangers ne s’empressent guère de délivrer. Ils répondent que notre durée de rétention est trop courte pour mener les investigations nécessaires.

Les Français, dans cette affaire, s’expriment pourtant de manière claire. Ils ne veulent plus de cette immigration massive de jeunes hommes qui, pour la plupart, ne parlent pas français, occupent pendant des années les structures d’hébergement, stationnent le soir dans les centres de toutes les villes de province et agressent parfois les passants. Si les Français se sont mobilisés en masse pour accueillir des familles ukrainiennes, souvent sans l’aide de l’État, la solidarité ne peut être, de leur point de vue, inconditionnelle. Surtout, ils ne comprennent pas pourquoi des enfants victimes de maltraitance ne trouvent plus de place dans les foyers d’aide à l’enfance où vivent des mineurs étrangers isolés, pourquoi les hôtels dans lesquels descendaient jadis les voyageurs de commerce sont pleins de familles venues d’Afrique, pourquoi les SDF dorment l’hiver dans les recoins des portes quand l’État ouvre des places dans des centres de vacances vides. Ils ne comprennent pas comment on peut franchir une frontière en toute illégalité, quand eux-mêmes peinent à obtenir un visa, comment l’État peut réglementer la température intérieure de leur logement et se montrer incapable de faire respecter l’un des grands principes du droit international qui conditionne le franchissement d’une frontière à une autorisation préalable. Et ils savent que chaque étranger ainsi entré fera venir, en toute légalité, une femme épousée au pays, que le couple aura trois enfants en moyenne, qui ne parleront pas français à la maison, générant un besoin en écoles, en logements sociaux et en places d’hôpitaux que la France ne sait plus financer.

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Crise de l’énergie : une occasion rêvée pour la reconstruction de la France

Actuellement, une Commission d’enquête parlementaire prétend chercher «les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France». Malheureusement, les députés en général connaissent mal la question. L’analyse de Jean-Claude Werrebrouck, universitaire et spécialiste de l’économie de l’énergie.


L’empilement des crises planétaires génère une fracturation laissant de plus en plus apparaître ce que l’on croyait disparu ou fossilisé : Etats-nations anciens ou plus récents, voire empires ragaillardis. La mondialisation heureuse reposait pourtant sur la promesse de l’effacement de ces objets cachés sous le grand manteau de l’économie sans frontières. L’Europe s’élargissant vers l’Est, modèle réduit et presque parfait de cette mondialisation, se trouve elle aussi soumise à fracturation et laisse apparaître de vieilles différences que l’on s’efforçait jusqu’alors de masquer. L’Allemagne gommait son histoire tragique en se lovant dans les marchés avec un succès planétaire. S’étant éloignée de la politique de puissance, sa domination devait désormais reposer sur la compétitivité. La France se devait d’abandonner progressivement son logiciel étatiste et devait tenter de rester grande dans une grande Europe devenue immense marché. Plus loin, la Russie n’était plus un empire sans limite, mais un grand magasin de matières premières accroché à l’immense marché.

Le pluriel était inscrit dans les gènes mais l’horizon devenait commun.

Le destin commun de l’Allemagne et de la France ne comportait pas le même niveau de difficultés. Il était aisé pour l’Allemagne d’endosser le libéralisme après le tragique de l’histoire. Il était beaucoup plus difficile pour la France de franchir la même étape alors que sa trajectoire était faite d’un exceptionnel succès économique reposant sur le fordisme classique et ne passant pas par le libéralisme. L’entente franco-allemande que l’on disait indispensable à l’Union européenne reposait ainsi sur une asymétrie de naissance et de destin.

En congruence avec l’évolution générale du monde, le libéralisme allemand devient ordo-libéralisme. Pour la France les choses sont infiniment plus difficiles. Le fordisme classique correspondait à sa culture : la passion de l’égalité, la préférence du plan sur le marché, la place non centrale de la propriété, le goût des grands projets planifiés et des technologies de rupture, le respect des grands serviteurs de l’Etat, etc. Mieux, ce fordisme avec ses gains de productivité élevés la nourrissait : la redistribution renforçait le mythe de l’égalité. La révolution libérale dans sa variante ordo-libérale va devenir un chemin de croix et va engendrer une véritable schizophrénie française.

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L’histoire de l’approche des questions énergétiques constitue le modèle de cette schizophrénie. Lorsqu’éclate la première révolution pétrolière (1973) la France s’appuie encore sur son modèle fordien pour y répondre. D’où le fantastique succès du plan Messmer assurant en quelques années la réduction de la rente pétrolière devenue l’impôt versé aux Etats pétroliers. D’où aussi une compétitivité industrielle enviée par des partenaires qui ne réagissent que beaucoup plus modérément au prélèvement de la rente pétrolière.

La spécificité de la culture française fait ainsi que l’énergie – et en particulier l’électricité – ne saurait devenir une marchandise classique. EDF est un service public dominé par des ingénieurs serviteurs de l’Etat qui se fixent pour objectif d’assurer la distribution de l’électricité dans les conditions d’une efficience maximale. Objectif réalisé de façon spectaculaire : industriels pouvant s’appuyer sur des prix stables et faibles de l’électricité, ménages au pouvoir d’achat renforcé par la maîtrise des coûts de l’énergie, ponction macroéconomique muselée au détriment des accapareurs de la rente pétrolière.

Le grand marché accepté par la France dans le cadre européen chamboule complètement le jeu. Curieusement, la France devenue schizophrène accepte la concurrence sur un service qu’elle assurait dans des conditions d’efficience inégalées dans le monde. Face à cette irrationnelle décision, il faut inventer un marché qui ne peut naître spontanément. Il faut donc tuer le monopole ultra-compétitif en l’obligeant à céder une partie de son électricité à des marchands qui ne connaissent rien du métier et sont largement incapables de produire. Ce sera tout le sens de la loi NOME en 2010 qui va engendrer plusieurs dizaines de fausses entreprises vivant de la spéculation sur des marges entre prix se formant sur des bourses, une subvention garantie d’EDF (ARENH), et des ventes au comptant ou à terme. Il faut aussi subventionner massivement des producteurs alternatifs incapables de produire dans les conditions du monopole. EDF et L’Etat, tous deux équipés d’une lourde bureaucratie indispensable à l’artificialité du marché, tiennent ainsi à bout de bras la question de l’électricité.

Moins de moyens pour EDF, moins de moyens pour l’Etat, sont pour la France la réalité du passage au marché européen de l’électricité. On sait aussi que ce moins de moyens sera justifié par des considérations écologiques dont le fondement reste discuté.

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A plus long terme, l’attrition des moyens d’EDF va entraîner d’autres conséquences : maintien des énergies fossiles et maintien d’une rente pétrolière/gazière qui devait logiquement diminuer ; abandon progressif de la chaîne nucléaire française avec fin des programmes et fin du projet de « boucle nucléaire » se matérialisant dans la filière à neutrons rapides ; compétitivité accrue des partenaires européens, en particulier l’industrie allemande qui voyait d’un mauvais œil les très avantageux coûts du nucléaire français, et qui se réjouit des déboires d’un parc vieillissant et en réduction.  

L’empilement des crises fait renaître le tragique. L’Allemagne libérale devient victime d’une rente pétrolière/gazière qui se trouve renforcée par le mythe des énergies intermittentes. L’impôt prélevée par les rentiers sera durablement très lourd pour une industrie très gourmande en énergie. Le modèle ordo-libéral n’est plus de mise et l’Etat allemand tentera de compenser le prix du gaz par des mesures annonciatrices de déficits budgétaires importants. Sous-compétitivité, inflation, déficit budgétaire deviennent des réalités que l’on pensait disparues. La France devenue stupidement ordo-libérale doit de toute urgence respecter sa vieille culture et cesser sa schizophrénie.

L’affaiblissement durable de l’Allemagne doit devenir une occasion pour la France de redéfinir les règles du jeu.

Le débat sur l’architecture d’un futur marché de l’électricité risque d’être trop long, et déjà il angoisse la BCE qui y voit des risques sur la finance spéculative de la zone euro. Dans ce contexte, l’affaiblissement durable de l’Allemagne doit devenir une occasion pour la France de redéfinir les règles du jeu.

Dans cette perspective, un gouvernement français devenu conscient du grand dérapage de la période 1990-2022 devrait s’affranchir des contraintes que le pays s’est infligé au nom d’idéologies ruineuses. A ce titre il conviendrait :

  • D’envisager toutes mesures utiles avec l’Allemagne pour mettre fin au faux marché de l’électricité.
  • De rétablir les prérogatives d’EDF : en mettant fin à l’ARENH ; en proposant un monopole européen de transport et de distribution permettant d’uniformiser les bases d’une compétitivité commune ; en élargissant l’interconnexion des réseaux aux fins d’une solidarité européenne large et ne passant pas par les marchés.
  • De faciliter la perspective de la « boucle nucléaire » aux fins de l’utilisation productive des déchets.
  • De mettre fin aux bureaucraties, à la spéculation, et à la volatilité des prix et tarifs. Cela passe par le retour rapide d’une maitrise de la finance par le politique.
  • De mettre les questions énergétiques en « économie de guerre » afin de quitter rapidement la dangereuse situation présente. Les expériences passées, même sans guerre réelle, telle le programme américain Apollo du siècle dernier doivent servir de modèle.
  • De mettre à profit ce moment historique pour mettre en place un système énergétique fertilisant la réindustrialisation du pays. Cela passe par le retour d’une planification réelle. Cela passe aussi par la mise en place d’un outil financier qui, cessant de s’orienter vers des créations monétaires à des fins spéculatives, s’oriente vers de la création aux seules fins de la production. De quoi restaurer les conditions sérieuses d’un authentique financement de la reconstruction du pays.

Soulignons hélas, que pour l’essentiel, les débats parlementaires menés au sein de l’actuelle « Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France », révèlent l’ignorance bavarde des députés face aux difficultés réelles du pays.

Les soignants non vaccinés, les surmulots et les chats…

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Les débats parlementaires ont un côté littéraire. Dans la mesure où ils rappellent les Fables de La Fontaine.


La culture serait moribonde en France ? Farce ! Antienne saumâtre de réacs ! Il suffit de se tourner du côté de L’Assemblée nationale pour que cette idée reçue, rebattue par le camp du déclin, soit aussitôt démentie. Tous les jours, en effet, on nous propose au Palais Bourbon de réjouissants spectacles qui perpétuent la tradition de la commedia dell’arte.

Ces derniers temps, c’est même au Grand Siècle que les députés du RN et de LFI ont rendu un hommage appuyé. Soucieux d’égayer les Français, moroses, ces parlementaires ont adapté, non sans talent, la fable de La Fontaine : « Le Chat et un vieux Rat » (Fable 18, Livre III). C’est, du reste, l’Assemblée dans son ensemble qui s’est associée à cette entreprise récréative. Il se murmure même, dans les milieux autorisés, que Fabrice Luchini, à l’heure actuelle sur la scène du Théâtre Montparnasse où il donne « La Fontaine et le Confinement », aurait soufflé cette idée à nos parlementaires.

Jeudi 24 novembre, donc, se tint à l’Assemblée la niche parlementaire de LFI (gent souriquoise de notre fable). On s’en souvient, LFI avait retiré sa proposition d’abolition de la corrida au profit de celle de la réintégration des soignants non vaccinés qui avait, selon les Insoumis, plus de chance d’être adoptée. La France est le dernier pays d’Europe à ne pas avoir réintégré ses soignants non vaccinés, qu’on se le dise. LFI proposait d’assujettir cette réintégration, sur laquelle il convient effectivement de s’interroger alors qu’on manque de personnel soignant, à un protocole sanitaire comportant le port d’un équipement de protection strict et la présentation journalière d’un test Covid négatif.

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Le show put alors commencer : le camp présidentiel multiplia les amendements pour empêcher l’examen de ladite proposition de loi. Comme plusieurs élus ultramarins mobilisés en faveur du texte commençaient à être irrités par ces grossières manœuvres dilatoires, l’élu guadeloupéen, Olivier Serva, finit par lâcher au groupe Renaissance un : « Tu vas la fermer ! », cathartique pour cet homme excédé, jubilatoire pour le public. Bien sûr, cette séance épique, n’accoucha pas même d’une souris mort-née.

Mardi 29 novembre, Mathilde Panot, la présidente des députés LFI, demanda que la proposition de loi soit de nouveau inscrite à l’ordre du jour lors d’une semaine de l’Assemblée réservée aux initiatives parlementaires. C’est alors que les députés RN, sous la houlette de leur patronne, Marine, adoratrice de la gent féline, entrèrent en scène :

J’ai lu, chez un conteur de fables

Qu’un second Rodilard, l’Alexandre des chats,

L’Attila, le fléau des rats,

Rendait ces derniers misérables.

J’ai lu, dis-je en certain auteur,

Que ce chat exterminateur,

Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde.

Marine Le Pen, donc, inscrivit à la niche de son groupe, en date du 12 janvier, la discussion du texte proposé par La France Insoumise. Elle invita à reprendre l’examen du texte là où il s’était arrêté le 24 novembre, plaçant ainsi ses opposants dans une position délicate. « J’ai l’impression que LFI n’est pas ravi de notre proposition, je le regrette » dit-elle à la presse, d’une voix contrite. Un point pour les chats :

Comme il voit que dans leurs tanières

Les souris étaient prisonnières,

Qu’elles n’osaient sortir, qu’il avait beau chercher,

Le galand fait le mort, et du haut d’un plancher

Se pend la tête en bas : la bête scélérate

À de certains cordons se tenait par la patte. […]

La France insoumise ne s’avoue pas, pour autant, défaite par les félins et leur chef madré. LFI refuse, bien évidemment, de « faire le jeu du Rassemblement national ». Piégé par Marine Le Pen, LFI a immédiatement annoncé qu’elle retirait son texte. « Les soignants suspendus n’ont pas vocation à servir les coups de communication du Rassemblement national », a écrit le groupe Insoumis dans un communiqué diffusé mercredi dernier. « Nous condamnons fermement les mensonges visant à faire croire à un accord entre La France Insoumise et Le Rassemblement national : il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais d’accord de notre groupe avec l’extrême droite ».

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De plus, les Insoumis annoncent « qu’ils déposeront une nouvelle proposition de loi co-signée avec les députés ultramarins de tous les groupes politiques qui le souhaitent ». Ils réclament que le texte soit inscrit dans les plus brefs délais à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale qui aura lieu le… 16 janvier. Mélenchon, surmulot d’élite embusqué, est à la manœuvre, conseillant ses troupes dans l’ombre :

Un rat, sans plus, s’abstient d’aller flairer autour :

C’était un vieux routier, il savait plus d’un tour ;

Même il avait perdu sa queue à la bataille. […]

Je soupçonne dessous encor quelque machine. […]

C’était bien dit à lui ; j’approuve sa prudence :

Il était expérimenté

Et savait que la méfiance est mère de la sûreté.

Pour la réintégration de nos soignants, pour l’instant, on repassera ! Sauf si la décision prise par la cour d’appel de Paris actant la réintégration d’une sophrologue de l’Institut Curie fait jurisprudence. Emmanuel Macron, de son côté, ne semble pas prêt à changer d’avis sur le sujet : « Au moment où l’épidémie revient, je ne suis pas persuadé, en tout cas, les comités ne vont pas dans ce sens, qu’il faut réintégrer ces personnels », a -t -il affirmé.

Le chef de l’Etat a décidé, lui, d’aller à l’essentiel. C’est pourquoi, frappant un grand coup, il a annoncé le 8 décembre la gratuité du préservatif à compter du premier janvier. La mesure était initialement destinée aux 18-25 ans. Pourtant, dès le lendemain de cette annonce fracassante, depuis Alicante et avec une audace folle, notre Résistant de la République a précisé : « Cette mesure, vous m’avez demandé de l’étendre aux mineurs. Banco ». Notre Précieux ridicule a conclu par cette phrase : « Sortez couverts, comme disent les grands auteurs ».

France – Maroc : une demi-finale symbolique

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Le football professionnel est toujours l’occasion pour les nations de pratiquer une forme de diplomatie sportive. C’est le cas du Maroc qui a beaucoup investi dans le sport pour donner la meilleure image possible du pays. Ce dernier n’est pas responsable des émeutes en Europe occidentale qui ont suivi les victoires de son équipe. Ces émeutes sont la conséquence, non de conflits internationaux, mais de la haine de soi des Européens. Gabriel Robin interroge le spécialiste en géopolitique du sport, Jean-Baptiste Guégan.


Au terme d’un match âpre, où l’absence d’Adrien Rabiot s’est fait ressentir au milieu de terrain, l’équipe de France est parvenue à se qualifier pour une deuxième finale d’affilée en l’emportant deux buts à zéro contre une courageuse et surprenante équipe du Maroc. Didier Deschamps, homme de tous les records et de tous les succès du football français, de l’unique C1 française avec l’OM en passant par les deux victoires en Coupe du Monde, a de nouveau fait montre de son sens tactique et de la « baraka » qu’on lui prête. Gary Lineker, gloire britannique du ballon rond, avait à l’issue d’une demi-finale malheureuse en 1990, déclaré que le football était un jeu qui se pratiquait à onze et qu’à la fin l’Allemagne gagnait toujours. On peut désormais appliquer cette célèbre sentence à l’équipe de France de Didier Deschamps. Voilà pour le volet sportif.

La géopolitique du football

Le football est toutefois un jeu dont les enjeux excèdent le carré vert sur lequel évoluent les artistes que sont les Griezmann, M’Bappé et autre Messi. Sport planétaire passionnant les foules jusqu’en Chine, les parieurs locaux misant frénétiquement sur les matchs du championnat britannique, le football est un levier de puissance et d’influence pour les différents pays qui y jouent. Songeons au Brésil. Qui ne pense pas au célèbre maillot jaune et à Pelé quand cette nation lusophone d’Amérique-du-Sud est évoquée dans une conversation ? Le Maroc a notamment eu l’occasion, par son parcours exceptionnel – où son équipe nationale aura éliminé les deux grands de la péninsule ibérique pour se hisser à un stade de la compétition inédit tant pour une équipe africaine qu’une équipe arabe (la Turquie musulmane n’ayant pas suscité la même ferveur en 2002) – d’affirmer plus encore le rôle qu’il entend jouer dans le monde de demain.

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De fait, une Coupe du monde est un coup de projecteur inouï, une publicité mondiale que rien, pas même les arts ou les Jeux Olympiques ne permet d’obtenir. Interrogé le 14 décembre, le spécialiste de la géopolitique du sport Jean-Baptiste Guégan n’en dit pas moins : « Le sport, singulièrement le football, est un axe de développement de la diplomatie. Pour le Qatar, c’est un atout immense. Le premier objectif visé était de donner une visibilité à cet Etat que personne ne savait situer sur une carte. Le rachat du PSG, l’organisation des mondiaux de handball ou de football, s’inscrivent dans ce sens. Ils ont fait du « nation branding ». Le second atout du sport est qu’il permet de maîtriser un storytelling national. Le sport c’est rapide, rassembleur et médiatique. Il y a 10 ans, Le Point titrait « Le Qatar rachète la France ». L’image s’est depuis améliorée, même avec l’affaire de corruption, on constate que la couverture médiatique est plus tempérée ».

Touchant toutes les classes sociales en France comme ailleurs, 1998 ayant sorti le football de son image de « sport de beaufs » sous nos latitudes hexagonales, ce sport est donc le miroir des grands équilibres géopolitiques et politiques du temps. Evidemment, une demi-finale France-Maroc ne pouvait échapper à une lecture puis une relecture politique. Sur le plan mondial, le royaume chérifien a pu faire la démonstration d’un pays en plein développement, fort d’une réputation positive qu’incarnait la une du Jérusalem Post, comme nous le confirme Jean-Baptiste Guégan :

« C’est très intéressant car c’est le pays qui a développé la politique publique dans le sport la plus ambitieuse et la plus stable en Afrique. Le centre de formation Mohammed VI est de loin le plus développé de ce continent. La comparaison se fait au détriment de l’Algérie, où la fédération est le siège de nombreux affrontements. Leur diplomatie sportive a vraiment du sens. Ils ont aussi bénéficié des candidatures avortées à l’organisation de la Coupe du Monde, notamment en 2010 et en 2026 où ils ont été coiffés sur le poteau par les Etats-Unis qui avaient menacé de faire exploser la FIFA s’ils n’obtenaient pas la Coupe du monde. Ils ont aussi fait un énorme travail de recherche, de recrutement et de convocation des binationaux. Walid Regragui a su faire cet amalgame après avoir repris le poste de Vahid Halilhodzic qui avait eu des problèmes avec les stars Ziyech et Mazraoui, de Chelsea et du Bayern. Une équipe de foot peut permettre à un Etat de construire de la concorde et de l’unité sociale, la France de Chirac l’avait notamment fait ».

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Et la France dans tout ça ?

Au Maroc, les fêtes spontanées n’ont pas généré de discorde ou de troubles. Mais le Maroc est une monarchie traditionnelle basée sur une population homogène. Les pays d’Europe sont eux, soumis à des divisions sociales et ethnoculturelles de plus en plus profondes. En France comme en Belgique – pas en Espagne ni au Portugal, pays connaissant une immigration moindre -, les rassemblements festifs ont souvent tourné à l’émeute, dévoilant de nouveau les agissements de ces casseurs des cités qui attendent la moindre opportunité pour sévir. Nous aurions tort d’en rendre coupables les nations arabes qui, en réalité, n’ont aucun intérêt à cela. Ce désordre leur est évidemment préjudiciable en termes d’image auprès des populations européennes.

Ce à quoi nous avons assisté, ces lynchages de supporters français à Annecy, ces tirs de mortiers sur les CRS, cette irruption massive de la population des cités et des « migrants » errants de la capitale, est le résultat de quarante ans de renoncement politique. Une civilisation qui ne s’aime pas et qui ne respecte pas son histoire ne peut se faire respecter. Surtout quand elle laisse venir des centaines de milliers d’individus sans leur demander de contrepartie claire et qu’elle laisse se développer, voire encourage, des discours de ressentiment historique. Le socialo-marxisme français a produit de considérables ravages psychologiques, sorte de « mère trop aimante » entrainant une dépendance matérielle et affective comme l’avait défini le psychanalyste Donald Winnicott.

Ce n’est pas le football qui entraine un « choc des civilisations », c’est nous qui le créons en Europe en laissant notre identité s’effacer puisque nous ne la défendons pas réellement. Le roi Hassan II avait d’ailleurs prévenu à l’occasion d’une interview restée célèbre qu’il avait accordée à Anne Sinclair en 1991. Le football n’est que le miroir de nos sociétés. Les émeutiers ne sauraient à eux-seuls résumer toutes les populations vivant en France, loin de là. Ils sont de jeunes hommes issus de diverses nationalités – des drapeaux algériens ou palestiniens ayant été exhibés – qui profitent d’un pays qui a renoncé à garantir l’Ordre public correctement et dont les pouvoirs publics sont aussi dépassés qu’impuissants à faire face.

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Qu’on le veuille ou non, on projette sur le football des représentations politiques. Jean-Baptiste Guégan toujours, l’affirme : « L’objet foot est un creuset de représentations, chacun y met ce qu’il veut. La Gazetta dello Sport a ainsi présenté le match entre la France et le Maroc comme un derby africain. Il y a la question des binationalités qui est saillante avec la mondialisation. En forgeant de l’adhésion, l’équipe nationale crée aussi des modèles d’adhésion de société. On voit la sélection comme l’image de la France ».

Partant de là, les évènements en marge des matchs de cette coupe du monde auront été bien plus révélateurs d’un conflit civil latent que d’un conflit entre nations…  Bien sûr, le discours contre l’Occident se développe dans le monde. Disons qu’il se renouvelle et s’amplifie, trouvant un écho chez nous tant parce qu’il a des soutiens idéologiques puissants dans les droites comme dans les gauches que parce qu’il s’appuie sur des populations revanchardes, parfois jusqu’au fanatisme haineux. Mais le Maroc en tant qu’Etat n’est en l’espèce pas un bon exemple, ce pays déployant une diplomatie sans hostilité à notre égard, au contraire.

Opéra : le coup du destin

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Dans La Force du destin de Verdi, la complexité de l’intrigue est largement compensée par la beauté transcendante des mélodies. A l’Opéra Bastille jusqu’au 30 décembre.


« Melodramma » purement romantique s’il en est, ce joyau de la maturité verdienne s’inscrit, dans la chronologie de ses compositions lyriques, entre Un bal masqué (Un ballo in maschera), millésimé 1859, et l’admirable Don Carlos (1867). C’est l’époque où Verdi, désormais célèbre dans l’Europe entière pour son engagement de longue date en faveur de l’avènement de l’unité italienne, est pressenti par Cavour pour se présenter à la députation au tout premier Parlement national, qui va bientôt proclamer Victor-Emmanuel II roi des Italiens et se donner Rome pour capitale. Les guerres du Risorgimento résonnent comme jamais du prestige du nom de Verdi.

Au milieu de cette effervescence politique, en décembre 1860, le Théâtre impérial de Saint-Pétersbourg demande à Verdi de composer un nouvel opéra. Verdi commence par proposer une adaptation de Ruy Blas, mais le drame de Victor Hugo n’a pas l’heur de plaire au tsar Alexandre II. Aussi Verdi, rétif à dénicher un sujet à sa convenance dans le répertoire moderne et contemporain, tourne-t-il son inspiration vers Don Álvaro o la fuerza del sino, une pièce espagnole écrite un quart de siècle plus tôt par le poète, soldat et diplomate Don Angel de Saavedra, duc de Rivas (1791-1865), drame à une représentation duquel le compositeur se souvenait avoir assisté naguère. S’ensuivent les tractations d’usage ; Verdi, homme décidément très occupé, doit représenter l’Italie toute neuve à l’Exposition internationale de Londres. La production de La Forza del destino est ajournée à l’automne 1862. Fin août, Giuseppe et sa femme Giuseppina Strepponi arrivent à Saint-Pétersbourg. Créé le 10 novembre, l’ouvrage sera considérablement remanié par ses soins pour sa création à Milan, en 1869. Il y ajoute ce magnifique « interlude-sinfonia » qui, dans la présente mise en scène, succède au prologue chanté, « vériste » avant la lettre, par quoi s’amorce le drame.

C’est l’un de ses plus longs opéras. L’intrigue en est passablement tirée par les cheveux. A Piave, son librettiste attitré, Verdi confie l’écriture du livret, à partir d’un canevas, il faut bien le dire, plutôt touffu : d’une invraisemblance échevelée, l’action, de l’Espagne à l’Italie, se combine en des temps et lieux si variés qu’il faut décidément beaucoup de force au destin pour structurer une intrigue assise toute entière sur le caprice du sort.

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Résumons (si c’est Dieu possible !) : à Séville, amants en fuite, Don Alvaro, né de sang Inca, et la noble Leonora sont surpris par le marquis de Calatrava, géniteur de la demoiselle (intransigeant sur le chapitre des mésalliances), qu’Alvaro tue sans le vouloir avec un pistolet qui, dans sa chute, lâche malencontreusement la balle fatale. Les amants maudits se carapatent, se séparent, tandis que Carlo, fils du marquis et frère de Leonora, se lance à leurs trousses pour venger son papa et leur honneur. Passent dix-huit mois. Alvaro croit Leonora morte. Elle s’est déguisée en homme ; dans une auberge, elle recrute des soldats, car la guerre a éclaté entre l’Italie et l’Autriche. Apprenant par la bande qu’Alvaro est vivant et se croyant repoussée par lui, elle trouve refuge au couvent. Passent deux ans de plus. Nous voilà désormais en Italie. Alvaro, engagé comme soldat sous un faux nom, déprime et aspire à rejoindre au Ciel Leonora (car il la croit toujours morte), quand le brave garçon sauve la vie d’un jeune officier – ils se jurent tous deux une amitié éternelle (d’où un des duos les plus fantastiques du répertoire) – mais Alvaro n’a pas reconnu en ce dernier… le funeste Carlo ! Carlo à qui Alvaro, bientôt blessé dans la bataille, confie innocemment son portefeuille (pour le cas où, mauvais sort, il passerait de vie à trépas). Carlo tombe sur… un portrait de Leonora : il identifie alors son ennemi juré, dont il retrouve la trace et qu’il provoque en duel. Des mains amies dénouent leur corps à corps viril. Vivandières et soldats chantent la guerre (cf. le morceau fameux : « rataplan, rataplan »… ). Retour en Espagne : devenu le « Père Raphaël » au monastère où il vit en ermite, Alvaro est retrouvé par son pisteur Carlo, lequel, dans leur duel final, est frappé à mort ; s’ignorant vivants l’une et l’autre, Leonora et Alvaro se font face, mais l’intraitable Carlo choisit d’occire sa sœur avant d’expirer lui-même… Dans la version remaniée de 1869, celle qui est montrée d’ordinaire aujourd’hui, Verdi a renoncé à faire Alvaro se suicider : sa résignation toute chrétienne, porteuse de rédemption, nous préservant ainsi du tas de cadavres promis par ce dénouement ensanglanté. Destins accomplis ! Mais quelle force, tout de même, cet opéra qu’on a dit fort justement « de l’âme et des passions », et dont l’intelligibilité tragique, soutenue par des mélodies à la beauté souveraine, défie l’apparente absurdité diégétique.

Mis en scène en 2011 par Jean-Michel Auvray, cette production, qui en est aujourd’hui à sa troisième reprise, date du mandat de Nicolas Joël, lequel, à la tête de l’Opéra de Paris, infléchissait le choix de ses régisseurs dans le sens d’une esthétique volontiers teintée de littéralité et de classicisme – d’aucuns diraient académique, voire « ringarde». N’empêche. Plus de dix ans après, et quoiqu’en aient jugé alors certains critiques, cette scénographie, assurément, « tient la route ». L’idée maîtresse en est d’avoir transposé l’intrigue dans l’époque même de la composition de La force du destin et de restituer ainsi le contexte politique et social dans lequel s’inscrit une œuvre qui doit beaucoup de son inspiration à la littérature romantique, et tout particulièrement à Schiller. Le réalisme épuré des décors d’Alain Chambon n’est pas sans résonner de cet « air du temps » élégamment allusif dont les vignettes parsèment les séquences, tandis que l’imposante et lustrée statue de cire d’un christ-martyre de dos, encordé, sa nudité vêtue d’un pagne emplit le plateau tel le leitmotiv irrécusable du fatum.

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Pour la première, ce lundi 12 décembre, ce n’est pas sans impatience qu’on attendait Leonora sous les traits et la voix d’Anna Netrebko, – objet des piteuses controverses qu’on sait pour son soutien parfaitement légitime à l’immense chef d’orchestre Valery Gergiev et pour sa proximité supposée avec Vladimir Poutine – et c’est tout à l’honneur de l’Opéra de Paris d’avoir su résister aux pressions qui, sur d’autres scènes, sont soudain venues frapper d’ostracisme l’exceptionnelle soprano native de Russie, mais aussi autrichienne. Souffrante ce soir-à, elle a été remplacée par Anna Pirozzi, laquelle assure exemplairement avec elle l’alternance pour un bon nombre des prochaines représentations. La chanteuse napolitaine fait ici son entrée à l’Opéra de Paris mais on la reverra dès la fin janvier 2023 dans le rôle d’une autre Leonora, celle du Trouvère (Il trovatore)… A ses côtés, le timbre à la fois charnu, articulé et suave de notre baryton national Ludovic Tézier, ovationné à juste titre, immortalise le vengeur hystérique Don Carlo di Vargas. Et quoi de plus réjouissant que de voir l’excellent ténor américain Russell Thomas, Otello idéal car 100% noir de peau, répondre à l’inanité du wokisme en incarnant, Ô séduisante ironie, le rôle de Don Alvaro, ce « latino » métissé de souche Inca si injustement maltraité par le marquis de Calatrava, et de surcroît victime expiatoire in fine d’un drame dont on s’étonne, par les temps qui courent, qu’il n’ait pas encore été mis à l’index.  

Sous la baguette véloce de Jader Bignamini, qui débute également à l’Opéra de Paris, l’orchestre semble parfois un peu étouffé par la puissance du chœur, et l’on se prend à rêver plus appuyés les glissandi du génial duo Carlo/Alvaro, au troisième acte. Reste qu’on ne saurait forcer le destin d’un chef d’œuvre : il s’impose de lui-même.       

La Force du destin/ La Forza del destino. Opéra en 4 actes de Giuseppe Verdi. Livret de Francesco Maria Piave. Direction : Jader Bignamini. Mise en scène : Jean-Claude Auvray. Orchestre et chœurs de l’Opéra de Paris. Avec, en alternance, Anna Netrebko et Anna Pirozzi (Donna Leonora), Ludovic Tézier (Don Carlo di Vargas), Russell Thomas (Don Alvaro), James Creswell (le marquis de Caladrava)…

Soupe de langues

Charlize Theron a tenté de minimiser l’importance de sa langue maternelle, l’afrikaans, associée à l’apartheid. Une minimisation contestée par l’incontestable : la réalité des chiffres.


Dans le concours pour être l’égérie suprême de la bien-pensance hollywoodienne, Charlize Theron est une candidate de taille. Militante des droits des minorités, elle est nommée Messager de la paix des Nations unies en 2008. Huit ans plus tard, elle figure sur la liste des personnes les plus influentes au monde du magazine Time. Entre-temps, elle adopte deux enfants dans son Afrique du Sud natale, dont un garçon qui a ensuite transitionné vers le sexe opposé. Annonçant la nouvelle aux médias en 2019, elle explique qu’il lui aurait déclaré à l’âge de 3 ans qu’il était une fille. Elle l’a élevée en tant que telle et insiste pour que les médias respectent ses pronoms. La vedette des publicités J’adore veut cocher toutes les cases de la respectabilité idéologique. Le 14 novembre, invitée dans le podcast « Smartless », elle déclare que sa langue maternelle, l’afrikaans, est « moribonde », « pas très utile » et « parlée par 44 personnes ». Certes, l’afrikaans, d’origine principalement hollandaise, parlée par les Boers d’Afrique du Sud, est associée au régime de l’apartheid imposé entre 1948 et 1994. On comprend donc que l’ambassadrice de marque des montres Breitling veuille afficher publiquement son mépris pour cette langue. Pourtant, loin d’être en voie de disparition, l’afrikaans est une des 11 langues officielles d’Afrique du Sud, où elle est la troisième la plus parlée avec 14 % de la population, après le zoulou (23 %) et le xhosa (16 %), mais devant l’anglais (10%), même si ce dernier reste la langue dominante en politique et dans les médias. En plus de ses 7 millions de locuteurs dans la république arc-en-ciel, l’afrikaans est parlé aussi en Namibie, au Botswana et au Zimbabwe, ainsi que dans nombre de livres, chansons, films et émissions de télévision. La star la désigne comme un vecteur de la suprématie blanche, alors que 60 % de ses usagers sont des Noirs ou des gens de couleur. Il semble que Mme Theron n’hésite pas à sacrifier la vérité à l’étalage de ses vertus personnelles.

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« Le RN n’est ni extrême, ni de droite » : Entretien avec Jérôme Sainte-Marie

Pour le sondeur et analyste politique, qui forme les cadres du RN, sans en être adhérent, les Insoumis ne croient pas un mot de leurs proclamations antifascistes. Il estime que le parti de Marine Le Pen est l’objet d’une stigmatisation injuste alors qu’il représente une bonne partie des classes populaires, rétives au projet postnational d’Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon, projet qui s’accommode fort bien d’une immigration devenue l’un des enjeux principaux du conflit entre peuple et élites.


Causeur. Alors, il paraît que vous avez rallié le camp du mal ?

Jérôme Sainte-Marie. Je précise immédiatement que je ne suis pas membre du Rassemblement national. À la rentrée, Jordan Bardella a annoncé dans Le Point qu’il y avait un contrat entre le RN et Polling Vox, mon entreprise de sondages, conseil et formation. Le RN m’a délégué la création et la gestion d’une structure de formation pour les adhérents et d’une école des cadres. Des prestations de formation sont assez fréquentes dans notre métier. La différence tient à ce que le projet en question est plus ambitieux que la normale et le client un parti stigmatisé.

C’est donc pour vous un engagement purement professionnel ?

Non, il y a aussi une raison plus personnelle. L’électorat du RN comprend une bonne partie des catégories populaires, et je trouve profondément regrettable que ce vote populaire soit stigmatisé et tenu à l’écart du fonctionnement de nos institutions démocratiques. Si j’ai accepté ce contrat, c’est notamment parce que, pendant le mouvement des Gilets jaunes, j’ai observé cette forme de « diffamation sociale », pour reprendre les mots de Marine Le Pen, à l’égard de catégories entières de la population.

C’est donc une forme de proximité idéologique ?

C’est la conviction qu’un parti présent au second tour de la présidentielle et dans lequel se retrouve une bonne partie – notamment la plus démunie – du peuple français a toute sa place dans les institutions. C’est une forme de protestation contre le statut que les gens de mon milieu social et professionnel accordent à ce parti dont le traitement depuis des années par le monde universitaire et médiatique est un scandale démocratique.

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Avez-vous perdu des amis ou des clients ?

À mon âge, on commence à avoir des amis qui vous ressemblent et se séparer des autres. Excédé par la répulsion à l’égard des Gilets jaunes de beaucoup de gens de mon milieu social, je m’étais déjà séparé d’un certain nombre de personnes. Avec ce contrat, je m’attendais à beaucoup plus de réprobations que ce que j’ai observé. Il y a eu finalement très peu de ruptures et ce sont des gens de la droite modérée qui se sont montrés les plus réticents.

Généralisons le constat. Aujourd’hui, l’effet de masse joue. Au second tour de la présidentielle, Marine Le Pen a été majoritaire dans 18 000 communes sur 35 000. Autrement dit, lorsque vous sortez des métropoles, il y a au moins une personne sur deux qui a voté Le Pen et les autres connaissent dans leur famille ou leur voisinage des gens qui ont voté Le Pen au second tour et ils savent que ce sont des gens « normaux ». À Paris, vous pouvez vivre sans jamais rencontrer une personne qui a voté pour Le Pen – ou qui avoue l’avoir fait. Donc vous pouvez vous enivrer de diabolisation, raconter des histoires en cercle fermé et basculer dans un monde imaginaire. J’ajoute que même dans des milieux où on ne vote pas RN, on est conscient de la dissolution des liens sociaux et de la dégradation générale du pays, ce qui suscite une certaine prudence.

Vous parlez des gens de la droite modérée, mais ce sont la Nupes et les médias qui font étalage de vertu antifasciste.

C’est pour la galerie ! Beaucoup des gens de La France insoumise, que je connais très bien, ne croient pas un mot de ce qu’ils racontent ! C’est aussi bête que cela. Les cadres les plus anciens ont été formés dans les années 1980, la grande époque de l’antifascisme surjoué, selon la formule de Lionel Jospin. Mais leur antifascisme de façade obéit à une nécessité politique de plus en plus vitale. Avec l’affaiblissement réel de la gauche, dissimulé par son unification, c’est le seul lien qui reste entre eux. La plupart de ces petits-bourgeois sont prêts à assumer un rôle de supplétif des classes dominantes, comme l’a montré leur ralliement à Macron entre les deux tours de la présidentielle, et leurs appels répétés aux macronistes pour constituer un front. Par exemple, quand ils protestent parce que LREM n’a pas appelé à voter pour leurs candidats au deuxième tour des législatives, alors qu’eux ont voté pour Macron – ce qui est à moitié faux d’ailleurs, car nombre de leurs électeurs leur ont été insoumis –, ils demandent simplement qu’on leur renvoie l’ascenseur…

Ça, c’est de la cuisine électorale…

Mais il n’y a rien de plus significatif que les échanges électoraux de second tour : le Front populaire en 1936 fut d’abord un accord électoral ! Ensuite, il existe entre macronistes et Insoumis une continuité idéologique, notamment sur l’immigration et l’idée de nation. Depuis 2018, Mélenchon et ses affidés assument un projet postnational, dans une version radicalisée de celui de Macron. Que des députés de la Nupes déclarent tranquillement que la France commence en 1789 constitue la négation de la notion de pays remplacée par un principe de régime.

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C’est sans doute l’une des plus solides convictions de Macron. Pour lui, on dirait que la France, c’est fini.

Gramsci a décrit un bloc historique qui était voué à la construction de l’unité italienne. Je fais le parallèle avec le bloc élitaire autour d’Emmanuel Macron, à une différence majeure près : ce bloc est au service d’un projet postnational parfaitement clair depuis le départ. Emmanuel Macron est cohérent et constant dans sa volonté de dépasser le cadre national qui fait aujourd’hui obstacle au déploiement généralisé du capitalisme, lequel dissout les rapports humains au profit de la marchandise. D’où l’adhésion totale de Macron à l’UE, avec ce thème absurde de la double souveraineté, et, pour ceux qui n’ont pas compris, la substitution du drapeau européen au drapeau national sous l’Arc de Triomphe. Il faut s’appeler Jean-Pierre Chevènement pour parvenir à ne pas le comprendre.

Si l’antifascisme est une mascarade, le RN peut-il être qualifié d’extrême droite ?

Il y a un très bon texte récent de Clémentine Autain qui s’élève contre l’utilisation du terme d’« extrême gauche » pour (dis)qualifier LFI ou la Nupes, car l’extrême gauche, dit-elle, était contre les institutions. Or, si LFI proclame son désir d’une VIe République, ce n’est pas pour évoluer vers une forme de dictature. L’extrême gauche, dans son acception historique, ce sont des partis marxistes-léninistes comme Lutte ouvrière. Or, si la Nupes et LFI sont imprégnées de gauchisme culturel, ils ne sont en réalité que la forme énervée de l’ancien Parti socialiste. L’ennui, c’est qu’après cette dénégation pertinente, Clémentine Autain parle d’« extrême droite » pour le RN. Or, son raisonnement devrait valoir aussi pour le RN qui s’est toujours tenu éloigné de la violence politique et qui, depuis cinquante ans, s’est toujours conformé aux institutions républicaines. Mais pour Autain, ce n’est pas pareil…

Mon analyse est constante : non seulement le RN n’est pas « extrême », puisqu’il ne veut pas changer de régime, mais il n’est pas non plus de « droite » dès lors qu’il refuse de se situer sur le clivage gauche/droite et n’entretient aucun lien électoral ou autre avec la droite. De même, je ne me permettrais pas de décréter qu’Emmanuel Macron est de droite ou de gauche.

Et Jean-Marie Le Pen, est-il d’extrême droite ?

Le Jean-Marie Le Pen des années 1980, qui était plutôt demandeur d’alliances avec la droite comme à Dreux en 1983, représentait une forme de droite extrême ou de droite dure. Mais ce n’était pas l’extrême droite au sens strict, qui renvoie à un imaginaire de coups de force, de complots et de violence. Les composantes d’extrême droite qui ont créé le Front national en 1972 ont justement renoncé, par cet acte même, à la dimension factieuse, extraparlementaire de leur démarche. Or, on a pris l’habitude de déduire du passé de certains frontistes leurs idées politiques actuelles. À ce titre-là, la gauche aurait été dirigée depuis des années par des trotskistes et des maoïstes porteurs d’un projet révolutionnaire, ce qui n’est pas évident au vu des politiques suivies. Bref, le terme d’extrême droite, absolument ridicule pour Marine Le Pen, n’était guère plus pertinent pour Jean-Marie Le Pen en tant que dirigeant du FN. Le vocabulaire politique est suffisamment riche pour trouver des termes, même très péjoratifs, beaucoup plus appropriés.

Marine Le Pen est au croisement de deux axes, élitaire/populaire, droite/gauche. Est-ce pour cela qu’on a du mal à définir le RN ?

Ma thèse du nouvel ordre démocratique part moins d’une analyse des idéologies que d’un constat électoral. Les sociétés bougent beaucoup plus par la base que par le sommet. Christophe Guilluy souligne ainsi que le populisme de la base produit le populisme des représentants, et non l’inverse. On n’est pas dans Baron noir, où des entrepreneurs politiques manipulent tout et décident de mettre des choses dans la tête des gens. Pour la transformation du clivage gauche/droite en autre chose, elle me paraît confirmée et même amplifiée par deux élections présidentielles.

Prenons le cas des familles souverainistes qui, autrefois, menaient des combats communs – qu’elles perdaient le plus souvent. Et quand des souverainistes gagnaient, ils se laissaient dépouiller de cette victoire. Mais durant ces combats, leurs leaders politiques acquéraient un capital politique qu’ils investissaient ensuite à bon prix, soit à droite, soit à gauche, dans des partis et surtout des gouvernements qui étaient tout sauf souverainistes. Ce petit commerce sur lequel se sont faites beaucoup de carrières s’est effondré avec la progression d’un bloc dont l’idéologie est l’européisme intégral, et d’un autre prônant le souverainisme intégral. Les souverainistes sont au pied du mur. On le voit avec l’explosion du chevènementisme finissant, dont nombre d’électeurs ou de cadres moyens ont rallié le RN, tandis que l’élite rejoignait Macron, preuve que le clivage est bien celui-là. J’observe aussi que la gauche reste très minoritaire, malgré le discours en trompe-l’œil de la France insoumise. Pour rester dans mon registre, si la Nupes était un bloc, elle serait avant tout un bloc petit-bourgeois renforcé par des gens issus de l’immigration extra-européenne. Je ne crois pas au retour du clivage gauche/droite. Après, que les forces politiques dominantes – le RN d’un côté et le macronisme de l’autre – adressent des signaux à ce qui reste de la gauche ou à la droite pour récupérer des voix, c’est si j’ose dire le minimum syndical.

Pourquoi l’immigration est-elle devenue un tel enjeu du conflit idéologique entre les deux blocs ? Pourquoi est-elle considérée comme un bien en soi par les élites ?

En sociologie politique, on a toutes sortes de catégorisation des enjeux électoraux ; de proximité/nationaux, conflictuels/consensuels, économiques/culturels… Mais l’immigration est tout cela à la fois, c’est donc un « enjeu total ».

Jusqu’à présent, la plupart des formations politiques n’assumaient pas d’être favorable à l’immigration. C’est pourtant aujourd’hui le cas de la Nupes qui est non seulement promigrants, mais aussi promigration, ce qui est différent. On passe du compassionnel au projet. Ce fait est d’autant plus remarquable que si l’immigration constitue certes un enjeu régalien, elle représente aussi un enjeu social qui a partie liée avec la mondialisation et une forme de concurrence déloyale. De plus, si la France n’avait pas un modèle social très protecteur, le débat sur l’immigration se poserait en des termes radicalement différents. Les partis qui de facto soutiennent l’immigration, y compris illégale, sont les meilleurs agents du capitalisme effréné et de la destruction du modèle social français.

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C’est pour cela que le RN développe sur le sujet un discours à la fois social et culturel. Je n’insiste pas sur le second volet, civilisationnel, qui est bien présent. Quant au premier, si Marine Le Pen fait des scores excellents parmi les gens issus des lycées professionnels et hôteliers, c’est parce que les jeunes qui ont acquis un savoir complexe, par exemple pour travailler dans la restauration, sont concurrencés par le travail illégal et subissent ainsi une forme de prolétarisation via l’immigration.

Jean-Marie Le Pen n’est-il pas coupable d’avoir laissé tracer un signe d’égalité entre la contestation de l’immigration et le racisme ?

Sans doute un peu, historiquement. Mais la société française était bien plus raciste en 1970. Le phénomène majeur de ces dernières décennies, c’est l’effondrement des préjugés racistes, mesuré notamment par le baromètre annuel de la CNCDH. Jean-Marie Le Pen appartient à une époque dont les valeurs et les préjugés étaient très différents des nôtres. Aujourd’hui, son patronyme a le mérite de permettre à celle qui le porte d’être considérée comme crédible sur l’immigration sans avoir besoin de trop en parler.

Que répondre à ceux qui disent que les immigrés viendront toujours parce qu’ils n’ont pas le choix, parce que climat, misère, guerre… Endiguer les flux, c’est compliqué !

La complexité est souvent l’argument de l’impuissance désirée. Prenons maintenant le cas de l’Afghanistan, où j’ai travaillé : les candidats au départ fuient la guerre, mais plus encore un pays dont la population double tous les vingt-cinq ans ! L’immigration de pays lointains est un projet économique personnel qui suppose une prise de risque vital et un investissement financier important, non seulement des migrants mais souvent de toute une communauté qui se cotise pour eux. En Afghanistan, on choisit les personnes parlant anglais, dynamiques, courageuses, dont la mission est de s’installer dans un pays développé pour y faire venir un maximum de gens. C’est donc un projet économique et ce n’est pas leur manquer de respect de le dire. Personne ne s’aventurerait là-dedans sans la perspective de passer, de s’installer et de bientôt être régularisé. Nier cette rationalité relève d’un préjugé condescendant et pour le coup très colonial. C’est pourquoi le choix politique d’empêcher la réalisation d’un tel projet économique, au-delà même du franchissement de la frontière, serait immédiatement efficace, s’il était porté par une volonté crédible.

De plus, leur projet, pour respectable qu’il soit, s’oppose à la volonté des Français…

En effet, quels que soient les sondeurs et les questions qu’ils posent, on obtient le même résultat depuis des années : deux tiers des Français considèrent que l’immigration est une mauvaise chose pour la France. Ce décalage entre ces 66 % et les politiques publiques effectives est un facteur déterminant du conflit peuple/élites. De 1974 à il y a quelques années, l’incapacité des gouvernants à résoudre le chômage fondait la défiance des citoyens. Aujourd’hui, c’est leur incapacité à mener une politique efficace sur la question de l’immigration. Cela explique en grande partie le score extraordinaire du RN, qui avait jusqu’à présent peu de moyens et pratiquement pas d’élus, qui était brocardé par toutes les autorités, morales, médiatiques et autres. On peut même dire que Zemmour, en ne parlant pratiquement que de cela, a réussi un score remarquable de 7 %. Dès le premier tour, quasiment le tiers des Français votent essentiellement sur cette question qui engendre une angoisse existentielle. On peut douter des sondages, pas du résultat des élections : le contrôle de l’immigration est clairement une demande de la base, rejetée par le sommet.

Cette question migratoire est aussi un puissant ferment du mépris social vis-à-vis des « ploucs » de la France périphérique…

Oui, de toute l’évidence, mais cette question garde une part de mystère. Certes, deux tiers des Français considèrent que l’immigration est une mauvaise chose, mais Macron est réélu président, il a une majorité relative à l’Assemblée nationale, tandis que beaucoup de gens votent pour la Nupes qui a un discours promigratoire. On ne peut pas résoudre cette énigme par des formules faciles sur les élites qui vivent dans les métropoles et bénéficient du restaurant à domicile grâce à Uber Eats. Ce n’est pas faux, mais certains effets de l’immigration peuvent être mal vécus par toutes les catégories de la population. D’ailleurs, quand on étudie la sociologie du vote Nupes, il y a bien sûr beaucoup d’électeurs issus de l’immigration extra-européenne, mais il y en a bien davantage qui n’en sont pas issus. Et ceux-là, pour la plupart, vivent dans des quartiers de forte immigration et ne sont pas des possédants, des bourgeois jouisseurs et cyniques. Beaucoup s’en accommodent donc. Est-ce par générosité ? Je crois à l’empreinte du christianisme sur cette question. La gauche aujourd’hui n’a jamais été aussi peu marxiste, elle est imbue d’une forme de christianisme décomposé. Il y a aussi une bonne partie de cette toute petite bourgeoisie – hypothèse plus déplaisante – qui souffre d’une forme de frustration et d’inquiétude perpétuelles. Ils ont souvent des diplômes et se sentent mal reconnus par la société. Ils sont dans une logique de ressentiment et trouvent dans le thème de l’aide aux migrants une façon moralement impeccable de nourrir le procès qu’ils intentent à la société. À l’image des intellectuels petits-bourgeois, faussement révolutionnaires, dont parle Orwell.

Pensez-vous, comme le disent certains, que Macron veut détruire la France par l’immigration ?

Un pouvoir politiquement minoritaire préfère avoir plusieurs oppositions qu’une seule. Un pouvoir socialement minoritaire préfère qu’il y ait plusieurs peuples qu’un seul. De toute évidence, Macron s’accommode d’une immigration de masse. Il partage aussi avec Mélenchon, avec d’autres mots, le culte de la créolisation. L’assimilation grotesque de la Seine-Saint-Denis à la Californie relevait d’une même logique. Tout ce qui relève de la mondialisation, de la transgression des limites, de la mobilité comme projet, tout cela s’insère très bien dans le discours macronien. À l’inverse, la tradition, l’enracinement, la culture française même en tant qu’héritage, la décence commune, enfin, sont vécus comme autant d’obstacles. Une fois encore, la gauche qui confond internationalisme et mondialisme se révèle un excellent adjuvant du cours libéral des choses. On a sur ces thèmes un ressort profond du soutien à Macron au tour décisif de la présidentielle. Macron n’est pas plus de gauche que de droite, mais il existe un gaucho-macronisme concret derrière le rideau de fumée de la prétendue insoumission.

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D’accord, mais comment Macron se situe-t-il personnellement sur ces questions 

Je ne suis pas psychologue, mais avec Macron on dispose de déclarations récurrentes dont on peut déduire une cohérence idéologique. Ainsi, il a tranquillement affirmé que la culture française n’existait pas et a tenu à l’étranger des propos assez définitifs sur le caractère des Français. C’est original, on n’a jamais connu ça pour un chef de l’État. On trouve chez lui une volonté parfaitement assumée de mise aux normes de la nation française par rapport à ce qui est attendu au niveau mondial et européen. Pour y arriver, Macron et ses alliés idéologiques doivent liquider la spécificité française, cette capacité revendicative du peuple. C’est un peuple qui résiste, encore attaché à son fort système de redistribution tout autant qu’à ses valeurs civilisationnelles, un peuple avec un mode de vie singulier et un esprit mordant, un peuple enfin qui a créé des obstacles pour les puissances dominantes, y compris sur la scène internationale. Il est important de réduire la fierté de ce peuple tout autant que son unité. C’est pourquoi le gaucho-macronisme réalise une œuvre redoutable en valorisant la repentance et en prônant l’intersectionnalité. Déconstruit, l’individu est seul, vulnérable, malléable. À la fin, Nuit debout œuvre contre les Gilets jaunes et pour le bloc élitaire. Schéma classique, mais toujours aussi consternant.

L’affaire de l’Ocean Viking marque-t-elle vraiment un tournant ?

Il marque une étape bien réelle dans l’évolution de l’opinion, car on a pu voir au sens strict du terme – c’est très spectaculaire, un bateau – que le gouvernement choisissait une immigration non choisie : il ne s’agit pas de gens qui arrivent aux frontières, mais de gens que l’on va chercher de l’autre côté de la Méditerranée. Le récit selon lequel les gens franchiraient la Méditerranée depuis la Libye ne fonctionne pas. Les embarcations ne sont pas faites pour ça, et personne de sensé ne monterait dedans pour franchir vraiment la Méditerranée. La débandade de l’État à l’arrivée ne pourra que renforcer la lancinante impression de délitement, voire de je-m’en-foutisme des élites, qui taraude l’opinion publique.

LR au milieu du gué

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Eric Ciotti, président du parti Les Républicains depuis le week-end dernier, se retrouve devant deux chemins quant à la direction que le parti doit prendre. L’un compliqué, qui réunirait toutes les droites ; l’autre bien plus aisé mais également pleutre, de se soumettre en petite branche du macronisme. La tâche est ardue, l’avenir (et l’honneur) du parti est en jeu.


Éric Ciotti a été élu président des Républicains, après un scrutin interne qui n’a, c’est le moins que l’on puisse dire, pas vraiment passionné les foules ni les médias. À tort. Car malgré le score catastrophique de sa candidate aux dernières présidentielles, LR pèse encore dans le paysage politique, au point d’être en mesure de faire basculer les votes de l’Assemblée Nationale. Mais de quel côté ? Voilà la question essentielle. Éric Ciotti est maintenant en charge d’un parti bloqué depuis trop longtemps au milieu du gué, qui va devoir faire un choix entre deux lignes diamétralement opposées.

D’une part, celle de Bruno Retailleau, certes arrivé second mais dont les 47% ne peuvent que compter. Bruno Retailleau, qui a eu le courage d’exiger un droit d’inventaire des années Sarkozy et du sarkozysme (nous y reviendrons). Qui pendant cinq ans, alors que l’Assemblée n’était plus qu’une chambre d’enregistrement pour le gouvernement, a été de ceux grâce auxquels le Sénat a continué à faire vivre la démocratie. Qui, contrairement d’ailleurs à Éric Ciotti, ne s’est pas soumis à l’excommunication proférée par la Sainte Gauche et a refusé de condamner bêtement le député RN ayant dit « qu’ils retournent en Afrique » à propos de migrants africains illégaux (propos qui rappelaient simplement aussi bien le bon sens que la loi républicaine). Bruno Retailleau, soutenu entre autres par François-Xavier Bellamy, l’artisan d’une remarquable victoire politique obtenue avec le soutien de toutes les droites européennes, assumant préférer Zemmour à Macron, et par Julien Aubert qui, dès 2017, décrivait avec une lucidité prophétique ce que se révélerait être le macronisme, et a lui aussi refusé en 2022 l’escroquerie du front soi-disant républicain.

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D’autre part, celle de Nicolas Sarkozy, ligne qui, sans avoir sombré dans le gauchisme aussi radicalement que l’a fait ce qui reste du juppéisme, s’est néanmoins totalement soumise au « progressisme » et à Emmanuel Macron. Sarkozy, l’un des artisans majeurs de l’indigne attribution au Qatar de privilèges fiscaux démesurés, ainsi que de la Coupe du Monde, vitrine complaisamment offerte à un pays qui piétine allègrement tous les principes que la France prétend défendre, finance largement l’islamisme quand ce n’est pas le jihadisme, et semble-t-il s’emploie à corrompre les élites européennes. Sarkozy, l’homme de la droite du fric, des promesses non tenues et du référendum piétiné, bref l’incarnation de tout ce qui a fini par dégoûter de LR un grand nombre d’électeurs, et un parfait macroniste.

Concrètement, Éric Ciotti n’a que ces deux alternatives. Tenter un « en même temps » entre des positions à ce point irréconciliables serait l’assurance de ne contenter personne, et signerait à terme l’arrêt de mort de LR.

Car LR ne deviendra pas l’étendard autour duquel se rassemblera la droite : Éric Zemmour et Marine Le Pen ont l’un et l’autre pris trop de coups, et trop souvent, pour que leurs électeurs respectifs se détournent d’eux au profit d’un parti qui (malgré la très grande valeur de beaucoup de ses membres) n’a collectivement pas eu leur courage, alors même que la situation du pays l’aurait nécessité.

Pour autant, balayer LR d’un revers de la main serait une erreur lourde de conséquences : ni le RN ni Reconquête ne peuvent, eux non plus, triompher seuls contre la gauche postmoderne à laquelle – François-Xavier Bellamy le rappelait il y a peu – appartient pleinement le macronisme (déconstruction, négation de l’identité française, repentance, tiers-mondisme, nivellement par le bas de l’école publique, appétit de censure, mépris affiché envers ceux qui « votent mal » : ces marqueurs idéologiques ne trompent pas).

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Reconnaissons-le aussi : la radicalité d’Éric Zemmour a rétabli le droit de dire le réel, victoire idéologique extraordinaire que beaucoup croyaient impossible, mais cette même radicalité peut inquiéter. Qu’elle s’allie à des figures rassurantes de LR serait bienvenu, ces dernières de leur côté y gagnant la crédibilité d’une volonté d’action prête à assumer la radicalité qu’exige l’intensité des menaces.

En résumé, s’il choisit l’union des droites, Éric Ciotti peut aisément faire de son parti l’un des piliers de cette union – il a les qualités personnelles requises – et contribuer à la conduire à la victoire, non par vanité ni par carriérisme, mais parce que c’est la seule chance de préserver ce qui mérite encore de l’être dans tout ce qui faisait la France.

L’alternative, LR n’étant de toute façon plus en mesure de peser seul, consisterait à réduire ce qui fut un grand parti à l’état de satellite du macronisme, ou plus exactement de courant mineur du parti unique dont rêve l’extrême-centre. Ultime trahison, car il s’agirait de mettre fin à toute véritable démocratie : théoriquement souverain, le Peuple ne serait plus en pratique qu’une vague instance consultative, interrogée pour la forme et selon leur bon plaisir par LREM/Renaissance et ses affidés. C’est d’ailleurs exactement ce que préfigure le Conseil National de la Refondation, dont le seul rôle est de substituer une cynique parodie d’agora à un Parlement qui n’a pas l’heur de plaire au « cercle de la Raison » (cercle tellement raisonnable qu’il a conduit le pays au bord de l’abîme….).

L’Art déco, musée imaginaire de l’égyptomanie

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Les éditions Norma publient un « beau livre » : Art déco & égyptomanie. Tout à la fois instructif et délectable au regard.


De bienfaisants alizés soufflent cet hiver sur les vastes territoires où le mouvement Art déco a posé sa marque. La Cité de l’architecture et du patrimoine déploie, à travers la passionnante exposition Art déco, France/Amérique du Nord, les fastes d’un style qui, alimenté par nos plus talentueux créateurs (de l’architecte Jacques Carlu à l’ensemblier Jacques-Emile Ruhlmann, en passant par d’innombrables peintres, sculpteurs, joailliers, décorateurs de cinéma), s’exporta généreusement outre-Atlantique au tournant des années 1920 pour nous revenir en boomerang jusqu’aux prémices de la Seconde Guerre mondiale…

Dans la mouvance de ce revival égypto-maniaque, les éditions Norma, à qui l’on doit déjà le très beau catalogue qui accompagne la manifestation parisienne, publient à présent, sous la direction de l’émérite et fort érudit collectionneur Jean-Michel Humbert, un autre « beau livre » : Art déco & égyptomanie. Tout à la fois instructif et délectable au regard.

DR Collection Maurice Culot

Comment résister au rapprochement de quelques dates ? En 1822, Champollion déchiffre les hiéroglyphes ; en 1912 est mis au jour le buste de Néfertiti ; en 1922 se voit profané le tombeau de Toutankhamon. La découverte de ce trésor réactive l’engouement pour l’Egypte ancienne : elle propage à neuf ses figures revisitées dans l’architecture et la décoration, et jusque dans le théâtre, le cinéma, la publicité… Dans une forme de symbiose remarquable, l’Art déco se réempare de ses icônes, de ses lignes et de ses motifs : disque ailé, sphinx, chorégraphies géométriques – pareillement sur le Vieux continent et en Amérique, tout un réservoir de formes et d’iconographies s’y déverse.

Et ce, aussi bien dans l’art de construire que dans les arts plastiques et industriels : la signature de l’Egypte ancienne paraphe indifféremment, de son chromatisme franc et de sa stylisation épurée, l’ascenseur du Chrysler Building, à New-York ; le temple Rose-Croix de Belém, au Brésil ; la fabrique de cigarettes Carreras, à Londres ; la pharmacie Léon Gros, à Clermont-Ferrand, ou le cinéma Louxor, à Paris ; sans compter les monuments aux morts, les temples maçonniques, les salons de première classe des paquebots, les édifices commémoratifs, le mobilier (Jules Leleu, Pierre Legrain, Marc du Plantier…) et même les parures féminines, de la robe au poudrier…

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Les partitions de musique s’y mettent également, illustrées de harpistes profilés ou de Cléopâtre déhanchée, de félins se glissant sur les rives du Nil dans un saupoudrage de hiéroglyphes. De Saint-Pétersbourg à la Ville Lumière, l’Egyptomanie contamine bien sûr les arts de la scène: dès 1908, les Nuits d’Egypte s’exportent du théâtre Mariinsky vers le Châtelet sous les auspices des fameux Ballets russes ; la musique du compositeur Florent Schmitt, en 1920, accompagne le ballet Antoine et Cléopâtre à l’Opéra de Paris, tandis qu’une Légende du Nil frappée au coin d’un kitch érotisé s’impose aux Folies Bergères, tableau final du programme 1924-1925.

Et que dire du septième art ! Dans le texte savant qu’il lui consacre, Jean-Luc Bovot le reconnaît : « Entre 1920 et 1940 le cinéma mondial a produit 127 films sur l’Egypte ancienne, mais une trentaine seulement possèdent des éléments Art déco ». Et pourtant, les décors de Paul Iribe marquent de leur emprunte quelques films mythiques, tels Les Dix commandements, de Cecil B. DeMille, lequel, en 1934, immortalisera l’actrice Claudette Colbert dans une Cléopatra d’anthologie…  

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Jean–Michel Humbert l’observe judicieusement : « L’Egypte, tout comme la Rome antique, empires protecteurs, nous apparaissent plus proches de notre civilisation occidentale hédonique que le Moyen-âge, revêtu de sa cape sombre, cerné d’enceintes, brodé de mâchicoulis, vêtu d’étoffes trop frustes et trop pesantes ». De cette proximité sensible, l’ouvrage qu’il a dirigé de main de maître – y associant les plumes averties d’un Maurice Culot, d’un Emmanuel Bréon, d’un Mathias Auclair ou d’un Daniel Lançon pour ne citer qu’eux – rend compte à merveille. Pointu mais toujours allègre, son propos se recharge au contact d’une iconographie véritablement… pharaonique ! Si le lecteur en parcourt les pages avec ravissement, c’est qu’en archéologues scrupuleux –  allant de la vaisselle à la bande dessinée, du péplum aux bacchanales estudiantines et autres bals costumés – les auteurs ont investi, à l’enseigne de l’Art déco, le fertile, stimulant, récréatif musée imaginaire de l’égyptomanie.

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Art déco & Egyptomanie. Sous la direction de Jean-Michel Humbert. Textes de Jean-Marcel Humbert, Mathias Auclair, Jean-Luc Bovot, Emmanuel Bréon, Hubert Cavaniol, Isabelle Conte, Maurice Culot, Daniel Lançon, Claire Maingon, Laurence Mouillefarine, WilliamPesson, EugèneWarmenbol. Editions  Norma, Paris, 2022, 304 pages, 320 illustrations, 49 €.

Exposition Égyptomania. La collection Jean-Marcel Humbert.Musée Dauphinois, Grenoble. Jussqu’au 27 novembre 2023.

A lire également : 1925, quand l’Art déco séduit le monde ; Art déco France-Amérique du Nord ; Alfred Janniot monumental. Egalement aux éditions Norma.

Et aussi (en italien), le très beau livre d’Alessandra Anselmi, L’Avana déco : arte, cultura, societa, Gangemi Editore, Italie, 2022.

L'Avana déco. Arte cultura società. Ediz. illustrata

Price: 76,00 €

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France – Maroc : demi-finales ou djihad ?

Israël et Palestine ne participent pas à la Coupe du monde. Mais à travers les victoires de l’équipe du Maroc et l’enthousiasme sur-volté des supporters marocains et, de manière plus générale, des populations arabes, ces deux nations occupent en partie le devant de la scène.


Jusqu’à aujourd’hui, une seule chose unifiait le monde arabo-musulman : la lutte contre l’« entité sioniste ». Chiites et Sunnites pouvaient bien s’étriper, islamistes et laïcs arabes pouvaient bien s’égorger, Irakiens et Kurdes, Alaouites et Frères Musulmans sunnites pouvaient bien se combattre… Tous s’entendaient sur une chose : mettre un point final à l’épopée sioniste en terre sainte, détruire cette épine plantée dans une terre que les musulmans refusent de partager avec quiconque n’est pas musulman.

Il est désormais un autre vecteur d’unification du monde musulman : le football. Juste après qu’Achraf Hakimi eut marqué sur penalty contre l’Espagne au stade Education City de Doha, au Qatar, mardi 6 décembre au soir, une vague d’enthousiasme a soulevé le monde arabe. Un rugissement s’est élevé à Casablanca, au Caire, à Gaza, à Alger, à Riyad, à Sanaa, à Paris, à Turin et même à Madrid. Ce n’est pas le Maroc qui a battu successivement l’Espagne, puis le Portugal et qui va affronter la France. C’est la communauté des supporters arabes. Et sans doute aussi, la communauté des croyants. Ce ne sont pas les Marocains qui soutiennent l’équipe de football du Maroc, c’est la oumma toute entière.

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Cet enthousiasme arabe (et sans doute aussi musulman) donne à l’épopée de l’équipe de football marocaine une dimension géopolitique. Lorsque le Maroc a joué contre l’Espagne, au moins un commentateur de Twitter l’a qualifié de « derby Al-Andalus », faisant référence au fait que les musulmans ont gouverné l’Espagne du VIIIe au XVe siècle. Les joueurs marocains ont aussi arboré un drapeau palestinien au milieu de la célébration mardi 6 décembre. Au moment où le roi du Maroc resserre plus fort que jamais les liens économiques et militaires avec Israel, il y a là le signe d’un désaveu que le roi lui-même ne pourra même pas sanctionner tant la rue arabe souffle et vit avec l’équipe de football du Maroc.

Comme le faisait remarquer le journal Haaretz, « entre les drapeaux palestiniens et les reportages axés sur Israël, deux nations qui ne participent pas réellement au tournoi au Qatar ont néanmoins occupé la Une des journaux mondiaux depuis le début ».

Des violences dans toute l’Europe

Au-delà de la géopolitique, l’épopée footballistique marocaine rappelle à toute l’Europe qu’elle a un problème avec l’immigration musulmane. La victoire du Maroc sur la Belgique a déclenché un cycle de violences dans la capitale Belge. Des voitures ont été incendiées et des Marocains en liesse ont grimpé sur la façade des bâtiments officiels pour décrocher les drapeaux de la Belgique et les remplacer par des drapeaux marocains. Aux Pays Bas, des commissariats ont été attaqués. En Espagne, des violences ont eu lieu et à Lisbonne aussi.

Ce ne sont pas forcément des Marocains qui ont cassé des vitrines sur les Champs Elysées et attaqué les brigades de CRS. Mais les footballeurs marocains ont servi de prétexte à ces guérilléros de banlieue qui, à Paris, à Nice, à Bordeaux, à Lille…. profitent de la moindre occasion pour monter dans la capitale en vêtements de sports et en capuche afin de casser du flic.

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On ne peut pas penser que la demi-finale France-Maroc célèbrera le « vivre ensemble ». Il y a tout lieu de s’inquiéter des violences qui risque d’avoir lieu dans les heures qui suivront le coup de sifflet final de la demi-finale France-Maroc. Et cela quel que soit le résultat.

Nous vivons une époque où le sport ne sert plus de substitut aux humeurs belliqueuses des peuples. Aujourd’hui, le football alimente ces humeurs guerrières. Il n’est pas exclu qu’après la lutte contre l’entité sioniste, le football ne serve de ciment à ce qu’il faut bien appeler un djihad. Un djihad anti-sioniste, mais aussi anti-occidental.

Immigration, l’ampleur du désastre

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Évacuation d'un campement de près d'un millier de migrants le long du canal Saint-Martin à Paris, 4 juin 2018 / LUCAS BARIOULET / AFP

Les réseaux et les filières en tout genre prospèrent sur le dos d’une administration et d’une justice humanitaristes, avec la complicité d’ONG. Et cela, au détriment des plus pauvres de nos concitoyens.


Il fut une époque, en France, où le patronat organisait l’immigration en fonction de ses besoins, des recruteurs se chargeant de sélectionner dans les pays d’origine des hommes assez vaillants pour travailler dans les mines ou sur les chaînes de l’industrie automobile. Les organisations patronales géraient les accueils, finançaient la Sonacotra, chargée de loger les salariés dans des foyers, et le Service social d’aide aux migrants. L’État était aux abonnés absents et la gauche – alors communiste – manifestait contre une importation de salariés qui tirait les salaires vers le bas. Aujourd’hui, des secteurs professionnels sont en tension (femmes de ménage, aides-soignantes, soutien à la personne, médecins, métiers du bâtiment…), mais l’immigration professionnelle a disparu. Dans les textes, elle existe toujours mais, dans les faits, personne n’y a recours, hormis les grands groupes, surtout américains, pour leurs cadres de haut niveau. Depuis que l’État a pris la main, la France a perdu toute capacité à organiser son immigration. Par défaut, elle est devenue le business de l’économie criminelle, une économie dénuée de tout scrupule et vivant grassement sur le dos de millions de victimes auxquelles elle fait miroiter l’espoir d’une vie meilleure. Les organisations spécialisées de ce secteur lucratif sont les mêmes que celles qui alimentent l’Europe – et la France particulièrement – en produits stupéfiants. Elles tiennent la route de la cocaïne qui, débarquée en Afrique de l’Ouest, est acheminée à travers le Sahara jusqu’au Maroc, puis l’Espagne ou qui, transportée par le Mali, l’Algérie et la Libye, traverse la Méditerranée pour aboutir au sud de l’Italie avec l’aide de la mafia locale. Et elles tiennent celle de l’héroïne, produite en Afghanistan et transportée en Europe de l’Ouest à travers la Turquie, la Grèce et les Balkans. Ces réseaux ont organisé une effroyable loterie dont les gagnants auront été assez riches pour payer un « billet » vingt fois supérieur au prix du billet d’avion sur la même destination (on trouve un Conakry-Paris pour moins de 400 euros) et assez chanceux pour survivre à la traversée du désert, au viol, aux mauvais traitements, au travail forcé et à une navigation incertaine sur des embarcations de fortune. La suite n’a pour eux aucun intérêt.

Pour leurs victimes, le miroir aux alouettes a parfois des allures de mauvais film. Débarquées à Paris, elles plantent leurs tentes de fortune dans des parcs publics ou sous les lignes de métro, noient leur désespoir dans la consommation de crack (vendu par leurs « frères ») ou plongent elles-mêmes, faute de mieux, dans l’économie criminelle. Les compétences de ces migrants ne correspondent pas aux emplois offerts. Victimes chez eux d’une économie corrompue où la richesse produite est captée par la classe dirigeante, ils découvrent ici que personne ne les attendait. Et que leur nombre a fini par créer dans la population une exaspération légitime.

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Dans cette grande chaîne du malheur, les responsabilités sont multiples. Les organisations criminelles, qui maîtrisent les ressources du marketing, ont compris que le point faible des démocraties occidentales résidait dans les bons sentiments, cette conception larmoyante de la solidarité dont les juristes ont fait le lit de l’État de droit européen. Leur cynisme n’a pas de limite : l’image d’un enfant mort sur une plage peut ouvrir la porte à des millions de migrants. Ils ont fait de la Méditerranée le théâtre de leur ignoble chantage, obligeant leurs « clients » à s’entasser dans des embarcations conditionnées pour tomber en panne au milieu de la mer afin d’y être secourues, par application du droit maritime. Évidemment, cette situation absurde aurait cessé si les institutions européennes, chargées désormais de la surveillance de nos frontières extérieures, avaient mis en place les moyens nécessaires à la récupération de ces naufragés volontaires et à leur reconduite dans le port qu’ils avaient quitté. Mais ce n’est pas la conception qu’en ont les fonctionnaires de la Commission, confortablement installés dans leurs bureaux à Bruxelles. Le sauvetage en mer, en dehors de toute délégation publique et de tout contrôle, est assuré par des organisations « humanitaires » en lieu et place d’une institution défaillante. Leur dessein est obscur. Leur mode d’action complique l’intervention des autorités locales et, comble du paradoxe, elles tirent leurs revenus de collectivités locales qui peinent, par ailleurs, à financer les sauveteurs bénévoles de la SNSM. En vertu de quoi, les pays de l’Union sont sommés d’accueillir en priorité ceux qui franchissent les frontières sans y avoir été autorisés, aux dépens de ceux qui, respectueux du droit international, auraient pris la peine d’effectuer une demande de visa ou, se sentant menacés, une demande d’asile. Les complices sont nombreux. Les États incapables de proposer des solutions alternatives le sont aussi, à leur niveau. Les migrations irrégulières cesseraient si elles manquaient leur cible, c’est-à-dire si la totalité de ceux qui avaient tenté l’aventure étaient reconduits à leur point de départ, pour les majeurs dès leur arrivée en Europe, pour les mineurs à leur majorité, pour les malades une fois remis sur pied. Ce n’est pas ce qui se passe. Pire, en France en particulier, tout est mis en œuvre pour que le retour soit rendu compliqué, voire impossible. Dans ces conditions, pourquoi se priver d’une aventure dont on peut tirer avantage ? Il suffit de se mettre dans la peau du « voyageur » pour le comprendre. En demeurant assez longtemps en Europe, il pourra rembourser sa dette et acquérir auprès des siens la reconnaissance de celui qui envoie l’argent. Les pays d’émigration le savent parfaitement. Pour eux, elle constitue une source de revenus, suffisante pour leur éviter de procéder aux réformes sociales rendues nécessaires par les inégalités des richesses. Pourquoi, dans ces conditions, devraient-ils empêcher de partir ceux qui veulent tenter leur chance ? Et pourquoi faudrait-il accepter de les reprendre, lorsque l’on sait que le flot des migrants comprend des indésirables, des enfants des rues dont on ne veut pas s’occuper, des aventuriers et quelques militants de l’islam intégriste ?

En la matière, la politique de la France est celle de l’invisibilisation. On se refuse à placer les nouveaux venus, qualifiés de « réfugiés » par excès de langage, dans des camps du type de ceux gérés par le HCR, car cela conduirait à créer une ville de tentes aussi peuplée que Montreuil ou Argenteuil. Pour le ministère de l’Intérieur, cette situation faciliterait la gestion des flux, mais elle obligerait le gouvernement à avouer l’ampleur du désastre et le coût de son action, aujourd’hui dissimulé dans toute une série de lignes budgétaires. Faute de mieux, l’option choisie vise à proposer aux intéressés de déposer une demande d’asile, même si la plupart n’ont jamais de leur vie participé ni à un conflit ni à une opération politique. La pratique permet de les classer dans une catégorie protégée, celle des demandeurs d’asile, logés, soignés et nourris par l’État. Le mouvement suivant est celui de la dispersion. L’Europe demande que l’on répartisse les migrants entre tous ses pays. Et, dans l’affaire, chacun accuse son voisin de ne pas en faire assez. La France pratique la même politique à son niveau. Il faut disperser les « réfugiés » dans toutes les campagnes pour ne plus les voir dans les squares de la capitale. C’est par ce mécanisme que l’Ouest catholique et charitable a vu s’installer des communautés étrangères incapables de s’y intégrer.

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Arrivé en France depuis un pays où l’accès au droit est limité, le migrant découvre l’ampleur des moyens juridiques qui lui sont offerts pour y demeurer. Les avocats se pressent pour apporter leur aide. Les associations financées par l’État expliquent comment déjouer les pièges de l’administration. L’État lui-même a multiplié les voies de recours et les instances de contrôle. Les juges administratifs sont chargés de vérifier la légalité des actes pris par les préfets, souvent seuls à la manœuvre et lâchés en rase campagne en cas de réaction médiatique. Comme si cela ne suffisait pas, les juges judiciaires ont été introduits dans la chaîne des recours. Un vice de forme suffit à casser une procédure. Et l’intention du magistrat en la matière n’est pas toujours dénuée de parti-pris. Le demandeur d’asile débouté, malgré la souplesse d’un droit d’asile étendu à des causes sans lien avec la convention de Genève, peut faire appel de la décision. Cela lui permet de prolonger son maintien dans un logement pendant une à deux années supplémentaires. Il bénéficie ainsi d’un temps suffisant pour entrer dans l’une des catégories des étrangers non expulsables : conjoint de Française, parent d’enfant français, malade ou faisant semblant de l’être, l’administration n’étant pas habilitée à lire les certificats des médecins. Si par malheur, le « réfugié » n’a pas trouvé une solution à sa mesure, il devra attendre trois années de plus le bénéfice de la circulaire Valls, jamais remise en cause, qui oblige le préfet à régulariser sa situation d’office après cinq années passées en France. Trois ans dans un pays comme le nôtre où le travail au noir est assez développé pour offrir un emploi aux « sans-papiers », avec, en prime, un accès inconditionnel et gratuit à toutes les prestations de santé, ne représentent pas un effort insurmontable. Il suffit juste d’éviter les gares et les transports en commun où la police concentre ses contrôles. On peut même demander, dans la première année, la transformation en permis de conduire français d’un permis passé – ou acheté – dans le pays d’origine. Le marché de l’irrégularité s’est beaucoup développé. En Seine-Saint-Denis, des investisseurs habiles, souvent venus des mêmes pays, achètent des pavillons en grand nombre qu’ils débitent en appartements avec toilettes communes, pour des familles qui n’ont pas accès au logement social faute de carte de séjour et, dans l’économie de la livraison, le titulaire du droit peut s’entourer de « petites mains » qui effectuent le travail à sa place.

En présence de plusieurs associations, élus et avocats, environ 450 migrants installent des tentes sur la place de la République à Paris, 23 novembre 2020. MARTIN BUREAU / AFP

Le malheureux qui n’a pas eu la chance de voir sa situation régularisée prend le risque de faire l’objet d’une OQTF mais, sauf s’il sort de prison, la probabilité qu’il parte est faible, surtout s’il vient d’Afghanistan ou d’un pays africain. Si les détenus sont « cueillis » à la sortie de leur détention, les autres disposent de nombreux moyens d’échapper aux griffes de l’administration. La reconduite est souvent précédée – ce n’est pas obligatoire – par un placement en centre de rétention administratif. La France, dans ce domaine, est la mauvaise élève de l’Europe. Elle a fixé sa durée de rétention à quatre-vingt-dix jours quand la Commission lui demandait deux ans. Elle manque de places et celles qui existent sont souvent inadaptées. Comme la plupart des retenus ont perdu leur passeport et qu’ils ne se souviennent plus de leur pays d’origine, l’administration est contrainte de demander à l’autorité consulaire des laissez-passer que les gouvernements étrangers ne s’empressent guère de délivrer. Ils répondent que notre durée de rétention est trop courte pour mener les investigations nécessaires.

Les Français, dans cette affaire, s’expriment pourtant de manière claire. Ils ne veulent plus de cette immigration massive de jeunes hommes qui, pour la plupart, ne parlent pas français, occupent pendant des années les structures d’hébergement, stationnent le soir dans les centres de toutes les villes de province et agressent parfois les passants. Si les Français se sont mobilisés en masse pour accueillir des familles ukrainiennes, souvent sans l’aide de l’État, la solidarité ne peut être, de leur point de vue, inconditionnelle. Surtout, ils ne comprennent pas pourquoi des enfants victimes de maltraitance ne trouvent plus de place dans les foyers d’aide à l’enfance où vivent des mineurs étrangers isolés, pourquoi les hôtels dans lesquels descendaient jadis les voyageurs de commerce sont pleins de familles venues d’Afrique, pourquoi les SDF dorment l’hiver dans les recoins des portes quand l’État ouvre des places dans des centres de vacances vides. Ils ne comprennent pas comment on peut franchir une frontière en toute illégalité, quand eux-mêmes peinent à obtenir un visa, comment l’État peut réglementer la température intérieure de leur logement et se montrer incapable de faire respecter l’un des grands principes du droit international qui conditionne le franchissement d’une frontière à une autorisation préalable. Et ils savent que chaque étranger ainsi entré fera venir, en toute légalité, une femme épousée au pays, que le couple aura trois enfants en moyenne, qui ne parleront pas français à la maison, générant un besoin en écoles, en logements sociaux et en places d’hôpitaux que la France ne sait plus financer.

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Crise de l’énergie : une occasion rêvée pour la reconstruction de la France

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Emmanuel Macron, entouré de Charles Michel, et d'Ursula von de Leyen. ISA HARSIN/SIPA 01064664_000021

Actuellement, une Commission d’enquête parlementaire prétend chercher «les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France». Malheureusement, les députés en général connaissent mal la question. L’analyse de Jean-Claude Werrebrouck, universitaire et spécialiste de l’économie de l’énergie.


L’empilement des crises planétaires génère une fracturation laissant de plus en plus apparaître ce que l’on croyait disparu ou fossilisé : Etats-nations anciens ou plus récents, voire empires ragaillardis. La mondialisation heureuse reposait pourtant sur la promesse de l’effacement de ces objets cachés sous le grand manteau de l’économie sans frontières. L’Europe s’élargissant vers l’Est, modèle réduit et presque parfait de cette mondialisation, se trouve elle aussi soumise à fracturation et laisse apparaître de vieilles différences que l’on s’efforçait jusqu’alors de masquer. L’Allemagne gommait son histoire tragique en se lovant dans les marchés avec un succès planétaire. S’étant éloignée de la politique de puissance, sa domination devait désormais reposer sur la compétitivité. La France se devait d’abandonner progressivement son logiciel étatiste et devait tenter de rester grande dans une grande Europe devenue immense marché. Plus loin, la Russie n’était plus un empire sans limite, mais un grand magasin de matières premières accroché à l’immense marché.

Le pluriel était inscrit dans les gènes mais l’horizon devenait commun.

Le destin commun de l’Allemagne et de la France ne comportait pas le même niveau de difficultés. Il était aisé pour l’Allemagne d’endosser le libéralisme après le tragique de l’histoire. Il était beaucoup plus difficile pour la France de franchir la même étape alors que sa trajectoire était faite d’un exceptionnel succès économique reposant sur le fordisme classique et ne passant pas par le libéralisme. L’entente franco-allemande que l’on disait indispensable à l’Union européenne reposait ainsi sur une asymétrie de naissance et de destin.

En congruence avec l’évolution générale du monde, le libéralisme allemand devient ordo-libéralisme. Pour la France les choses sont infiniment plus difficiles. Le fordisme classique correspondait à sa culture : la passion de l’égalité, la préférence du plan sur le marché, la place non centrale de la propriété, le goût des grands projets planifiés et des technologies de rupture, le respect des grands serviteurs de l’Etat, etc. Mieux, ce fordisme avec ses gains de productivité élevés la nourrissait : la redistribution renforçait le mythe de l’égalité. La révolution libérale dans sa variante ordo-libérale va devenir un chemin de croix et va engendrer une véritable schizophrénie française.

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L’histoire de l’approche des questions énergétiques constitue le modèle de cette schizophrénie. Lorsqu’éclate la première révolution pétrolière (1973) la France s’appuie encore sur son modèle fordien pour y répondre. D’où le fantastique succès du plan Messmer assurant en quelques années la réduction de la rente pétrolière devenue l’impôt versé aux Etats pétroliers. D’où aussi une compétitivité industrielle enviée par des partenaires qui ne réagissent que beaucoup plus modérément au prélèvement de la rente pétrolière.

La spécificité de la culture française fait ainsi que l’énergie – et en particulier l’électricité – ne saurait devenir une marchandise classique. EDF est un service public dominé par des ingénieurs serviteurs de l’Etat qui se fixent pour objectif d’assurer la distribution de l’électricité dans les conditions d’une efficience maximale. Objectif réalisé de façon spectaculaire : industriels pouvant s’appuyer sur des prix stables et faibles de l’électricité, ménages au pouvoir d’achat renforcé par la maîtrise des coûts de l’énergie, ponction macroéconomique muselée au détriment des accapareurs de la rente pétrolière.

Le grand marché accepté par la France dans le cadre européen chamboule complètement le jeu. Curieusement, la France devenue schizophrène accepte la concurrence sur un service qu’elle assurait dans des conditions d’efficience inégalées dans le monde. Face à cette irrationnelle décision, il faut inventer un marché qui ne peut naître spontanément. Il faut donc tuer le monopole ultra-compétitif en l’obligeant à céder une partie de son électricité à des marchands qui ne connaissent rien du métier et sont largement incapables de produire. Ce sera tout le sens de la loi NOME en 2010 qui va engendrer plusieurs dizaines de fausses entreprises vivant de la spéculation sur des marges entre prix se formant sur des bourses, une subvention garantie d’EDF (ARENH), et des ventes au comptant ou à terme. Il faut aussi subventionner massivement des producteurs alternatifs incapables de produire dans les conditions du monopole. EDF et L’Etat, tous deux équipés d’une lourde bureaucratie indispensable à l’artificialité du marché, tiennent ainsi à bout de bras la question de l’électricité.

Moins de moyens pour EDF, moins de moyens pour l’Etat, sont pour la France la réalité du passage au marché européen de l’électricité. On sait aussi que ce moins de moyens sera justifié par des considérations écologiques dont le fondement reste discuté.

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A plus long terme, l’attrition des moyens d’EDF va entraîner d’autres conséquences : maintien des énergies fossiles et maintien d’une rente pétrolière/gazière qui devait logiquement diminuer ; abandon progressif de la chaîne nucléaire française avec fin des programmes et fin du projet de « boucle nucléaire » se matérialisant dans la filière à neutrons rapides ; compétitivité accrue des partenaires européens, en particulier l’industrie allemande qui voyait d’un mauvais œil les très avantageux coûts du nucléaire français, et qui se réjouit des déboires d’un parc vieillissant et en réduction.  

L’empilement des crises fait renaître le tragique. L’Allemagne libérale devient victime d’une rente pétrolière/gazière qui se trouve renforcée par le mythe des énergies intermittentes. L’impôt prélevée par les rentiers sera durablement très lourd pour une industrie très gourmande en énergie. Le modèle ordo-libéral n’est plus de mise et l’Etat allemand tentera de compenser le prix du gaz par des mesures annonciatrices de déficits budgétaires importants. Sous-compétitivité, inflation, déficit budgétaire deviennent des réalités que l’on pensait disparues. La France devenue stupidement ordo-libérale doit de toute urgence respecter sa vieille culture et cesser sa schizophrénie.

L’affaiblissement durable de l’Allemagne doit devenir une occasion pour la France de redéfinir les règles du jeu.

Le débat sur l’architecture d’un futur marché de l’électricité risque d’être trop long, et déjà il angoisse la BCE qui y voit des risques sur la finance spéculative de la zone euro. Dans ce contexte, l’affaiblissement durable de l’Allemagne doit devenir une occasion pour la France de redéfinir les règles du jeu.

Dans cette perspective, un gouvernement français devenu conscient du grand dérapage de la période 1990-2022 devrait s’affranchir des contraintes que le pays s’est infligé au nom d’idéologies ruineuses. A ce titre il conviendrait :

  • D’envisager toutes mesures utiles avec l’Allemagne pour mettre fin au faux marché de l’électricité.
  • De rétablir les prérogatives d’EDF : en mettant fin à l’ARENH ; en proposant un monopole européen de transport et de distribution permettant d’uniformiser les bases d’une compétitivité commune ; en élargissant l’interconnexion des réseaux aux fins d’une solidarité européenne large et ne passant pas par les marchés.
  • De faciliter la perspective de la « boucle nucléaire » aux fins de l’utilisation productive des déchets.
  • De mettre fin aux bureaucraties, à la spéculation, et à la volatilité des prix et tarifs. Cela passe par le retour rapide d’une maitrise de la finance par le politique.
  • De mettre les questions énergétiques en « économie de guerre » afin de quitter rapidement la dangereuse situation présente. Les expériences passées, même sans guerre réelle, telle le programme américain Apollo du siècle dernier doivent servir de modèle.
  • De mettre à profit ce moment historique pour mettre en place un système énergétique fertilisant la réindustrialisation du pays. Cela passe par le retour d’une planification réelle. Cela passe aussi par la mise en place d’un outil financier qui, cessant de s’orienter vers des créations monétaires à des fins spéculatives, s’oriente vers de la création aux seules fins de la production. De quoi restaurer les conditions sérieuses d’un authentique financement de la reconstruction du pays.

Soulignons hélas, que pour l’essentiel, les débats parlementaires menés au sein de l’actuelle « Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France », révèlent l’ignorance bavarde des députés face aux difficultés réelles du pays.

Les soignants non vaccinés, les surmulots et les chats…

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Raquel Garrido, Assemblée nationale, Questions au gouvernement, le 4 octobre 2022 NICOLAS MESSYASZ/SIPA 01091116_000012

Les débats parlementaires ont un côté littéraire. Dans la mesure où ils rappellent les Fables de La Fontaine.


La culture serait moribonde en France ? Farce ! Antienne saumâtre de réacs ! Il suffit de se tourner du côté de L’Assemblée nationale pour que cette idée reçue, rebattue par le camp du déclin, soit aussitôt démentie. Tous les jours, en effet, on nous propose au Palais Bourbon de réjouissants spectacles qui perpétuent la tradition de la commedia dell’arte.

Ces derniers temps, c’est même au Grand Siècle que les députés du RN et de LFI ont rendu un hommage appuyé. Soucieux d’égayer les Français, moroses, ces parlementaires ont adapté, non sans talent, la fable de La Fontaine : « Le Chat et un vieux Rat » (Fable 18, Livre III). C’est, du reste, l’Assemblée dans son ensemble qui s’est associée à cette entreprise récréative. Il se murmure même, dans les milieux autorisés, que Fabrice Luchini, à l’heure actuelle sur la scène du Théâtre Montparnasse où il donne « La Fontaine et le Confinement », aurait soufflé cette idée à nos parlementaires.

Jeudi 24 novembre, donc, se tint à l’Assemblée la niche parlementaire de LFI (gent souriquoise de notre fable). On s’en souvient, LFI avait retiré sa proposition d’abolition de la corrida au profit de celle de la réintégration des soignants non vaccinés qui avait, selon les Insoumis, plus de chance d’être adoptée. La France est le dernier pays d’Europe à ne pas avoir réintégré ses soignants non vaccinés, qu’on se le dise. LFI proposait d’assujettir cette réintégration, sur laquelle il convient effectivement de s’interroger alors qu’on manque de personnel soignant, à un protocole sanitaire comportant le port d’un équipement de protection strict et la présentation journalière d’un test Covid négatif.

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Le show put alors commencer : le camp présidentiel multiplia les amendements pour empêcher l’examen de ladite proposition de loi. Comme plusieurs élus ultramarins mobilisés en faveur du texte commençaient à être irrités par ces grossières manœuvres dilatoires, l’élu guadeloupéen, Olivier Serva, finit par lâcher au groupe Renaissance un : « Tu vas la fermer ! », cathartique pour cet homme excédé, jubilatoire pour le public. Bien sûr, cette séance épique, n’accoucha pas même d’une souris mort-née.

Mardi 29 novembre, Mathilde Panot, la présidente des députés LFI, demanda que la proposition de loi soit de nouveau inscrite à l’ordre du jour lors d’une semaine de l’Assemblée réservée aux initiatives parlementaires. C’est alors que les députés RN, sous la houlette de leur patronne, Marine, adoratrice de la gent féline, entrèrent en scène :

J’ai lu, chez un conteur de fables

Qu’un second Rodilard, l’Alexandre des chats,

L’Attila, le fléau des rats,

Rendait ces derniers misérables.

J’ai lu, dis-je en certain auteur,

Que ce chat exterminateur,

Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde.

Marine Le Pen, donc, inscrivit à la niche de son groupe, en date du 12 janvier, la discussion du texte proposé par La France Insoumise. Elle invita à reprendre l’examen du texte là où il s’était arrêté le 24 novembre, plaçant ainsi ses opposants dans une position délicate. « J’ai l’impression que LFI n’est pas ravi de notre proposition, je le regrette » dit-elle à la presse, d’une voix contrite. Un point pour les chats :

Comme il voit que dans leurs tanières

Les souris étaient prisonnières,

Qu’elles n’osaient sortir, qu’il avait beau chercher,

Le galand fait le mort, et du haut d’un plancher

Se pend la tête en bas : la bête scélérate

À de certains cordons se tenait par la patte. […]

La France insoumise ne s’avoue pas, pour autant, défaite par les félins et leur chef madré. LFI refuse, bien évidemment, de « faire le jeu du Rassemblement national ». Piégé par Marine Le Pen, LFI a immédiatement annoncé qu’elle retirait son texte. « Les soignants suspendus n’ont pas vocation à servir les coups de communication du Rassemblement national », a écrit le groupe Insoumis dans un communiqué diffusé mercredi dernier. « Nous condamnons fermement les mensonges visant à faire croire à un accord entre La France Insoumise et Le Rassemblement national : il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais d’accord de notre groupe avec l’extrême droite ».

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De plus, les Insoumis annoncent « qu’ils déposeront une nouvelle proposition de loi co-signée avec les députés ultramarins de tous les groupes politiques qui le souhaitent ». Ils réclament que le texte soit inscrit dans les plus brefs délais à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale qui aura lieu le… 16 janvier. Mélenchon, surmulot d’élite embusqué, est à la manœuvre, conseillant ses troupes dans l’ombre :

Un rat, sans plus, s’abstient d’aller flairer autour :

C’était un vieux routier, il savait plus d’un tour ;

Même il avait perdu sa queue à la bataille. […]

Je soupçonne dessous encor quelque machine. […]

C’était bien dit à lui ; j’approuve sa prudence :

Il était expérimenté

Et savait que la méfiance est mère de la sûreté.

Pour la réintégration de nos soignants, pour l’instant, on repassera ! Sauf si la décision prise par la cour d’appel de Paris actant la réintégration d’une sophrologue de l’Institut Curie fait jurisprudence. Emmanuel Macron, de son côté, ne semble pas prêt à changer d’avis sur le sujet : « Au moment où l’épidémie revient, je ne suis pas persuadé, en tout cas, les comités ne vont pas dans ce sens, qu’il faut réintégrer ces personnels », a -t -il affirmé.

Le chef de l’Etat a décidé, lui, d’aller à l’essentiel. C’est pourquoi, frappant un grand coup, il a annoncé le 8 décembre la gratuité du préservatif à compter du premier janvier. La mesure était initialement destinée aux 18-25 ans. Pourtant, dès le lendemain de cette annonce fracassante, depuis Alicante et avec une audace folle, notre Résistant de la République a précisé : « Cette mesure, vous m’avez demandé de l’étendre aux mineurs. Banco ». Notre Précieux ridicule a conclu par cette phrase : « Sortez couverts, comme disent les grands auteurs ».

France – Maroc : une demi-finale symbolique

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Supporters célébrant la victoire de la France, le 14 décembre 2022.FREDERIC MUNSCH/SIPA 01097107_000004

Le football professionnel est toujours l’occasion pour les nations de pratiquer une forme de diplomatie sportive. C’est le cas du Maroc qui a beaucoup investi dans le sport pour donner la meilleure image possible du pays. Ce dernier n’est pas responsable des émeutes en Europe occidentale qui ont suivi les victoires de son équipe. Ces émeutes sont la conséquence, non de conflits internationaux, mais de la haine de soi des Européens. Gabriel Robin interroge le spécialiste en géopolitique du sport, Jean-Baptiste Guégan.


Au terme d’un match âpre, où l’absence d’Adrien Rabiot s’est fait ressentir au milieu de terrain, l’équipe de France est parvenue à se qualifier pour une deuxième finale d’affilée en l’emportant deux buts à zéro contre une courageuse et surprenante équipe du Maroc. Didier Deschamps, homme de tous les records et de tous les succès du football français, de l’unique C1 française avec l’OM en passant par les deux victoires en Coupe du Monde, a de nouveau fait montre de son sens tactique et de la « baraka » qu’on lui prête. Gary Lineker, gloire britannique du ballon rond, avait à l’issue d’une demi-finale malheureuse en 1990, déclaré que le football était un jeu qui se pratiquait à onze et qu’à la fin l’Allemagne gagnait toujours. On peut désormais appliquer cette célèbre sentence à l’équipe de France de Didier Deschamps. Voilà pour le volet sportif.

La géopolitique du football

Le football est toutefois un jeu dont les enjeux excèdent le carré vert sur lequel évoluent les artistes que sont les Griezmann, M’Bappé et autre Messi. Sport planétaire passionnant les foules jusqu’en Chine, les parieurs locaux misant frénétiquement sur les matchs du championnat britannique, le football est un levier de puissance et d’influence pour les différents pays qui y jouent. Songeons au Brésil. Qui ne pense pas au célèbre maillot jaune et à Pelé quand cette nation lusophone d’Amérique-du-Sud est évoquée dans une conversation ? Le Maroc a notamment eu l’occasion, par son parcours exceptionnel – où son équipe nationale aura éliminé les deux grands de la péninsule ibérique pour se hisser à un stade de la compétition inédit tant pour une équipe africaine qu’une équipe arabe (la Turquie musulmane n’ayant pas suscité la même ferveur en 2002) – d’affirmer plus encore le rôle qu’il entend jouer dans le monde de demain.

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De fait, une Coupe du monde est un coup de projecteur inouï, une publicité mondiale que rien, pas même les arts ou les Jeux Olympiques ne permet d’obtenir. Interrogé le 14 décembre, le spécialiste de la géopolitique du sport Jean-Baptiste Guégan n’en dit pas moins : « Le sport, singulièrement le football, est un axe de développement de la diplomatie. Pour le Qatar, c’est un atout immense. Le premier objectif visé était de donner une visibilité à cet Etat que personne ne savait situer sur une carte. Le rachat du PSG, l’organisation des mondiaux de handball ou de football, s’inscrivent dans ce sens. Ils ont fait du « nation branding ». Le second atout du sport est qu’il permet de maîtriser un storytelling national. Le sport c’est rapide, rassembleur et médiatique. Il y a 10 ans, Le Point titrait « Le Qatar rachète la France ». L’image s’est depuis améliorée, même avec l’affaire de corruption, on constate que la couverture médiatique est plus tempérée ».

Touchant toutes les classes sociales en France comme ailleurs, 1998 ayant sorti le football de son image de « sport de beaufs » sous nos latitudes hexagonales, ce sport est donc le miroir des grands équilibres géopolitiques et politiques du temps. Evidemment, une demi-finale France-Maroc ne pouvait échapper à une lecture puis une relecture politique. Sur le plan mondial, le royaume chérifien a pu faire la démonstration d’un pays en plein développement, fort d’une réputation positive qu’incarnait la une du Jérusalem Post, comme nous le confirme Jean-Baptiste Guégan :

« C’est très intéressant car c’est le pays qui a développé la politique publique dans le sport la plus ambitieuse et la plus stable en Afrique. Le centre de formation Mohammed VI est de loin le plus développé de ce continent. La comparaison se fait au détriment de l’Algérie, où la fédération est le siège de nombreux affrontements. Leur diplomatie sportive a vraiment du sens. Ils ont aussi bénéficié des candidatures avortées à l’organisation de la Coupe du Monde, notamment en 2010 et en 2026 où ils ont été coiffés sur le poteau par les Etats-Unis qui avaient menacé de faire exploser la FIFA s’ils n’obtenaient pas la Coupe du monde. Ils ont aussi fait un énorme travail de recherche, de recrutement et de convocation des binationaux. Walid Regragui a su faire cet amalgame après avoir repris le poste de Vahid Halilhodzic qui avait eu des problèmes avec les stars Ziyech et Mazraoui, de Chelsea et du Bayern. Une équipe de foot peut permettre à un Etat de construire de la concorde et de l’unité sociale, la France de Chirac l’avait notamment fait ».

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Et la France dans tout ça ?

Au Maroc, les fêtes spontanées n’ont pas généré de discorde ou de troubles. Mais le Maroc est une monarchie traditionnelle basée sur une population homogène. Les pays d’Europe sont eux, soumis à des divisions sociales et ethnoculturelles de plus en plus profondes. En France comme en Belgique – pas en Espagne ni au Portugal, pays connaissant une immigration moindre -, les rassemblements festifs ont souvent tourné à l’émeute, dévoilant de nouveau les agissements de ces casseurs des cités qui attendent la moindre opportunité pour sévir. Nous aurions tort d’en rendre coupables les nations arabes qui, en réalité, n’ont aucun intérêt à cela. Ce désordre leur est évidemment préjudiciable en termes d’image auprès des populations européennes.

Ce à quoi nous avons assisté, ces lynchages de supporters français à Annecy, ces tirs de mortiers sur les CRS, cette irruption massive de la population des cités et des « migrants » errants de la capitale, est le résultat de quarante ans de renoncement politique. Une civilisation qui ne s’aime pas et qui ne respecte pas son histoire ne peut se faire respecter. Surtout quand elle laisse venir des centaines de milliers d’individus sans leur demander de contrepartie claire et qu’elle laisse se développer, voire encourage, des discours de ressentiment historique. Le socialo-marxisme français a produit de considérables ravages psychologiques, sorte de « mère trop aimante » entrainant une dépendance matérielle et affective comme l’avait défini le psychanalyste Donald Winnicott.

Ce n’est pas le football qui entraine un « choc des civilisations », c’est nous qui le créons en Europe en laissant notre identité s’effacer puisque nous ne la défendons pas réellement. Le roi Hassan II avait d’ailleurs prévenu à l’occasion d’une interview restée célèbre qu’il avait accordée à Anne Sinclair en 1991. Le football n’est que le miroir de nos sociétés. Les émeutiers ne sauraient à eux-seuls résumer toutes les populations vivant en France, loin de là. Ils sont de jeunes hommes issus de diverses nationalités – des drapeaux algériens ou palestiniens ayant été exhibés – qui profitent d’un pays qui a renoncé à garantir l’Ordre public correctement et dont les pouvoirs publics sont aussi dépassés qu’impuissants à faire face.

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Qu’on le veuille ou non, on projette sur le football des représentations politiques. Jean-Baptiste Guégan toujours, l’affirme : « L’objet foot est un creuset de représentations, chacun y met ce qu’il veut. La Gazetta dello Sport a ainsi présenté le match entre la France et le Maroc comme un derby africain. Il y a la question des binationalités qui est saillante avec la mondialisation. En forgeant de l’adhésion, l’équipe nationale crée aussi des modèles d’adhésion de société. On voit la sélection comme l’image de la France ».

Partant de là, les évènements en marge des matchs de cette coupe du monde auront été bien plus révélateurs d’un conflit civil latent que d’un conflit entre nations…  Bien sûr, le discours contre l’Occident se développe dans le monde. Disons qu’il se renouvelle et s’amplifie, trouvant un écho chez nous tant parce qu’il a des soutiens idéologiques puissants dans les droites comme dans les gauches que parce qu’il s’appuie sur des populations revanchardes, parfois jusqu’au fanatisme haineux. Mais le Maroc en tant qu’Etat n’est en l’espèce pas un bon exemple, ce pays déployant une diplomatie sans hostilité à notre égard, au contraire.

Opéra : le coup du destin

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La Force du destin, Opéra de Paris, saison 22-23 © Charles Duprat / OnP

Dans La Force du destin de Verdi, la complexité de l’intrigue est largement compensée par la beauté transcendante des mélodies. A l’Opéra Bastille jusqu’au 30 décembre.


« Melodramma » purement romantique s’il en est, ce joyau de la maturité verdienne s’inscrit, dans la chronologie de ses compositions lyriques, entre Un bal masqué (Un ballo in maschera), millésimé 1859, et l’admirable Don Carlos (1867). C’est l’époque où Verdi, désormais célèbre dans l’Europe entière pour son engagement de longue date en faveur de l’avènement de l’unité italienne, est pressenti par Cavour pour se présenter à la députation au tout premier Parlement national, qui va bientôt proclamer Victor-Emmanuel II roi des Italiens et se donner Rome pour capitale. Les guerres du Risorgimento résonnent comme jamais du prestige du nom de Verdi.

Au milieu de cette effervescence politique, en décembre 1860, le Théâtre impérial de Saint-Pétersbourg demande à Verdi de composer un nouvel opéra. Verdi commence par proposer une adaptation de Ruy Blas, mais le drame de Victor Hugo n’a pas l’heur de plaire au tsar Alexandre II. Aussi Verdi, rétif à dénicher un sujet à sa convenance dans le répertoire moderne et contemporain, tourne-t-il son inspiration vers Don Álvaro o la fuerza del sino, une pièce espagnole écrite un quart de siècle plus tôt par le poète, soldat et diplomate Don Angel de Saavedra, duc de Rivas (1791-1865), drame à une représentation duquel le compositeur se souvenait avoir assisté naguère. S’ensuivent les tractations d’usage ; Verdi, homme décidément très occupé, doit représenter l’Italie toute neuve à l’Exposition internationale de Londres. La production de La Forza del destino est ajournée à l’automne 1862. Fin août, Giuseppe et sa femme Giuseppina Strepponi arrivent à Saint-Pétersbourg. Créé le 10 novembre, l’ouvrage sera considérablement remanié par ses soins pour sa création à Milan, en 1869. Il y ajoute ce magnifique « interlude-sinfonia » qui, dans la présente mise en scène, succède au prologue chanté, « vériste » avant la lettre, par quoi s’amorce le drame.

C’est l’un de ses plus longs opéras. L’intrigue en est passablement tirée par les cheveux. A Piave, son librettiste attitré, Verdi confie l’écriture du livret, à partir d’un canevas, il faut bien le dire, plutôt touffu : d’une invraisemblance échevelée, l’action, de l’Espagne à l’Italie, se combine en des temps et lieux si variés qu’il faut décidément beaucoup de force au destin pour structurer une intrigue assise toute entière sur le caprice du sort.

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Résumons (si c’est Dieu possible !) : à Séville, amants en fuite, Don Alvaro, né de sang Inca, et la noble Leonora sont surpris par le marquis de Calatrava, géniteur de la demoiselle (intransigeant sur le chapitre des mésalliances), qu’Alvaro tue sans le vouloir avec un pistolet qui, dans sa chute, lâche malencontreusement la balle fatale. Les amants maudits se carapatent, se séparent, tandis que Carlo, fils du marquis et frère de Leonora, se lance à leurs trousses pour venger son papa et leur honneur. Passent dix-huit mois. Alvaro croit Leonora morte. Elle s’est déguisée en homme ; dans une auberge, elle recrute des soldats, car la guerre a éclaté entre l’Italie et l’Autriche. Apprenant par la bande qu’Alvaro est vivant et se croyant repoussée par lui, elle trouve refuge au couvent. Passent deux ans de plus. Nous voilà désormais en Italie. Alvaro, engagé comme soldat sous un faux nom, déprime et aspire à rejoindre au Ciel Leonora (car il la croit toujours morte), quand le brave garçon sauve la vie d’un jeune officier – ils se jurent tous deux une amitié éternelle (d’où un des duos les plus fantastiques du répertoire) – mais Alvaro n’a pas reconnu en ce dernier… le funeste Carlo ! Carlo à qui Alvaro, bientôt blessé dans la bataille, confie innocemment son portefeuille (pour le cas où, mauvais sort, il passerait de vie à trépas). Carlo tombe sur… un portrait de Leonora : il identifie alors son ennemi juré, dont il retrouve la trace et qu’il provoque en duel. Des mains amies dénouent leur corps à corps viril. Vivandières et soldats chantent la guerre (cf. le morceau fameux : « rataplan, rataplan »… ). Retour en Espagne : devenu le « Père Raphaël » au monastère où il vit en ermite, Alvaro est retrouvé par son pisteur Carlo, lequel, dans leur duel final, est frappé à mort ; s’ignorant vivants l’une et l’autre, Leonora et Alvaro se font face, mais l’intraitable Carlo choisit d’occire sa sœur avant d’expirer lui-même… Dans la version remaniée de 1869, celle qui est montrée d’ordinaire aujourd’hui, Verdi a renoncé à faire Alvaro se suicider : sa résignation toute chrétienne, porteuse de rédemption, nous préservant ainsi du tas de cadavres promis par ce dénouement ensanglanté. Destins accomplis ! Mais quelle force, tout de même, cet opéra qu’on a dit fort justement « de l’âme et des passions », et dont l’intelligibilité tragique, soutenue par des mélodies à la beauté souveraine, défie l’apparente absurdité diégétique.

Mis en scène en 2011 par Jean-Michel Auvray, cette production, qui en est aujourd’hui à sa troisième reprise, date du mandat de Nicolas Joël, lequel, à la tête de l’Opéra de Paris, infléchissait le choix de ses régisseurs dans le sens d’une esthétique volontiers teintée de littéralité et de classicisme – d’aucuns diraient académique, voire « ringarde». N’empêche. Plus de dix ans après, et quoiqu’en aient jugé alors certains critiques, cette scénographie, assurément, « tient la route ». L’idée maîtresse en est d’avoir transposé l’intrigue dans l’époque même de la composition de La force du destin et de restituer ainsi le contexte politique et social dans lequel s’inscrit une œuvre qui doit beaucoup de son inspiration à la littérature romantique, et tout particulièrement à Schiller. Le réalisme épuré des décors d’Alain Chambon n’est pas sans résonner de cet « air du temps » élégamment allusif dont les vignettes parsèment les séquences, tandis que l’imposante et lustrée statue de cire d’un christ-martyre de dos, encordé, sa nudité vêtue d’un pagne emplit le plateau tel le leitmotiv irrécusable du fatum.

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Pour la première, ce lundi 12 décembre, ce n’est pas sans impatience qu’on attendait Leonora sous les traits et la voix d’Anna Netrebko, – objet des piteuses controverses qu’on sait pour son soutien parfaitement légitime à l’immense chef d’orchestre Valery Gergiev et pour sa proximité supposée avec Vladimir Poutine – et c’est tout à l’honneur de l’Opéra de Paris d’avoir su résister aux pressions qui, sur d’autres scènes, sont soudain venues frapper d’ostracisme l’exceptionnelle soprano native de Russie, mais aussi autrichienne. Souffrante ce soir-à, elle a été remplacée par Anna Pirozzi, laquelle assure exemplairement avec elle l’alternance pour un bon nombre des prochaines représentations. La chanteuse napolitaine fait ici son entrée à l’Opéra de Paris mais on la reverra dès la fin janvier 2023 dans le rôle d’une autre Leonora, celle du Trouvère (Il trovatore)… A ses côtés, le timbre à la fois charnu, articulé et suave de notre baryton national Ludovic Tézier, ovationné à juste titre, immortalise le vengeur hystérique Don Carlo di Vargas. Et quoi de plus réjouissant que de voir l’excellent ténor américain Russell Thomas, Otello idéal car 100% noir de peau, répondre à l’inanité du wokisme en incarnant, Ô séduisante ironie, le rôle de Don Alvaro, ce « latino » métissé de souche Inca si injustement maltraité par le marquis de Calatrava, et de surcroît victime expiatoire in fine d’un drame dont on s’étonne, par les temps qui courent, qu’il n’ait pas encore été mis à l’index.  

Sous la baguette véloce de Jader Bignamini, qui débute également à l’Opéra de Paris, l’orchestre semble parfois un peu étouffé par la puissance du chœur, et l’on se prend à rêver plus appuyés les glissandi du génial duo Carlo/Alvaro, au troisième acte. Reste qu’on ne saurait forcer le destin d’un chef d’œuvre : il s’impose de lui-même.       

La Force du destin/ La Forza del destino. Opéra en 4 actes de Giuseppe Verdi. Livret de Francesco Maria Piave. Direction : Jader Bignamini. Mise en scène : Jean-Claude Auvray. Orchestre et chœurs de l’Opéra de Paris. Avec, en alternance, Anna Netrebko et Anna Pirozzi (Donna Leonora), Ludovic Tézier (Don Carlo di Vargas), Russell Thomas (Don Alvaro), James Creswell (le marquis de Caladrava)…

Soupe de langues

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D.R.

Charlize Theron a tenté de minimiser l’importance de sa langue maternelle, l’afrikaans, associée à l’apartheid. Une minimisation contestée par l’incontestable : la réalité des chiffres.


Dans le concours pour être l’égérie suprême de la bien-pensance hollywoodienne, Charlize Theron est une candidate de taille. Militante des droits des minorités, elle est nommée Messager de la paix des Nations unies en 2008. Huit ans plus tard, elle figure sur la liste des personnes les plus influentes au monde du magazine Time. Entre-temps, elle adopte deux enfants dans son Afrique du Sud natale, dont un garçon qui a ensuite transitionné vers le sexe opposé. Annonçant la nouvelle aux médias en 2019, elle explique qu’il lui aurait déclaré à l’âge de 3 ans qu’il était une fille. Elle l’a élevée en tant que telle et insiste pour que les médias respectent ses pronoms. La vedette des publicités J’adore veut cocher toutes les cases de la respectabilité idéologique. Le 14 novembre, invitée dans le podcast « Smartless », elle déclare que sa langue maternelle, l’afrikaans, est « moribonde », « pas très utile » et « parlée par 44 personnes ». Certes, l’afrikaans, d’origine principalement hollandaise, parlée par les Boers d’Afrique du Sud, est associée au régime de l’apartheid imposé entre 1948 et 1994. On comprend donc que l’ambassadrice de marque des montres Breitling veuille afficher publiquement son mépris pour cette langue. Pourtant, loin d’être en voie de disparition, l’afrikaans est une des 11 langues officielles d’Afrique du Sud, où elle est la troisième la plus parlée avec 14 % de la population, après le zoulou (23 %) et le xhosa (16 %), mais devant l’anglais (10%), même si ce dernier reste la langue dominante en politique et dans les médias. En plus de ses 7 millions de locuteurs dans la république arc-en-ciel, l’afrikaans est parlé aussi en Namibie, au Botswana et au Zimbabwe, ainsi que dans nombre de livres, chansons, films et émissions de télévision. La star la désigne comme un vecteur de la suprématie blanche, alors que 60 % de ses usagers sont des Noirs ou des gens de couleur. Il semble que Mme Theron n’hésite pas à sacrifier la vérité à l’étalage de ses vertus personnelles.

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« Le RN n’est ni extrême, ni de droite » : Entretien avec Jérôme Sainte-Marie

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Jérôme Sainte-Marie, sondeur et politologue, président de l’institut Pollingvox © Hannah Assouline.

Pour le sondeur et analyste politique, qui forme les cadres du RN, sans en être adhérent, les Insoumis ne croient pas un mot de leurs proclamations antifascistes. Il estime que le parti de Marine Le Pen est l’objet d’une stigmatisation injuste alors qu’il représente une bonne partie des classes populaires, rétives au projet postnational d’Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon, projet qui s’accommode fort bien d’une immigration devenue l’un des enjeux principaux du conflit entre peuple et élites.


Causeur. Alors, il paraît que vous avez rallié le camp du mal ?

Jérôme Sainte-Marie. Je précise immédiatement que je ne suis pas membre du Rassemblement national. À la rentrée, Jordan Bardella a annoncé dans Le Point qu’il y avait un contrat entre le RN et Polling Vox, mon entreprise de sondages, conseil et formation. Le RN m’a délégué la création et la gestion d’une structure de formation pour les adhérents et d’une école des cadres. Des prestations de formation sont assez fréquentes dans notre métier. La différence tient à ce que le projet en question est plus ambitieux que la normale et le client un parti stigmatisé.

C’est donc pour vous un engagement purement professionnel ?

Non, il y a aussi une raison plus personnelle. L’électorat du RN comprend une bonne partie des catégories populaires, et je trouve profondément regrettable que ce vote populaire soit stigmatisé et tenu à l’écart du fonctionnement de nos institutions démocratiques. Si j’ai accepté ce contrat, c’est notamment parce que, pendant le mouvement des Gilets jaunes, j’ai observé cette forme de « diffamation sociale », pour reprendre les mots de Marine Le Pen, à l’égard de catégories entières de la population.

C’est donc une forme de proximité idéologique ?

C’est la conviction qu’un parti présent au second tour de la présidentielle et dans lequel se retrouve une bonne partie – notamment la plus démunie – du peuple français a toute sa place dans les institutions. C’est une forme de protestation contre le statut que les gens de mon milieu social et professionnel accordent à ce parti dont le traitement depuis des années par le monde universitaire et médiatique est un scandale démocratique.

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Avez-vous perdu des amis ou des clients ?

À mon âge, on commence à avoir des amis qui vous ressemblent et se séparer des autres. Excédé par la répulsion à l’égard des Gilets jaunes de beaucoup de gens de mon milieu social, je m’étais déjà séparé d’un certain nombre de personnes. Avec ce contrat, je m’attendais à beaucoup plus de réprobations que ce que j’ai observé. Il y a eu finalement très peu de ruptures et ce sont des gens de la droite modérée qui se sont montrés les plus réticents.

Généralisons le constat. Aujourd’hui, l’effet de masse joue. Au second tour de la présidentielle, Marine Le Pen a été majoritaire dans 18 000 communes sur 35 000. Autrement dit, lorsque vous sortez des métropoles, il y a au moins une personne sur deux qui a voté Le Pen et les autres connaissent dans leur famille ou leur voisinage des gens qui ont voté Le Pen au second tour et ils savent que ce sont des gens « normaux ». À Paris, vous pouvez vivre sans jamais rencontrer une personne qui a voté pour Le Pen – ou qui avoue l’avoir fait. Donc vous pouvez vous enivrer de diabolisation, raconter des histoires en cercle fermé et basculer dans un monde imaginaire. J’ajoute que même dans des milieux où on ne vote pas RN, on est conscient de la dissolution des liens sociaux et de la dégradation générale du pays, ce qui suscite une certaine prudence.

Vous parlez des gens de la droite modérée, mais ce sont la Nupes et les médias qui font étalage de vertu antifasciste.

C’est pour la galerie ! Beaucoup des gens de La France insoumise, que je connais très bien, ne croient pas un mot de ce qu’ils racontent ! C’est aussi bête que cela. Les cadres les plus anciens ont été formés dans les années 1980, la grande époque de l’antifascisme surjoué, selon la formule de Lionel Jospin. Mais leur antifascisme de façade obéit à une nécessité politique de plus en plus vitale. Avec l’affaiblissement réel de la gauche, dissimulé par son unification, c’est le seul lien qui reste entre eux. La plupart de ces petits-bourgeois sont prêts à assumer un rôle de supplétif des classes dominantes, comme l’a montré leur ralliement à Macron entre les deux tours de la présidentielle, et leurs appels répétés aux macronistes pour constituer un front. Par exemple, quand ils protestent parce que LREM n’a pas appelé à voter pour leurs candidats au deuxième tour des législatives, alors qu’eux ont voté pour Macron – ce qui est à moitié faux d’ailleurs, car nombre de leurs électeurs leur ont été insoumis –, ils demandent simplement qu’on leur renvoie l’ascenseur…

Ça, c’est de la cuisine électorale…

Mais il n’y a rien de plus significatif que les échanges électoraux de second tour : le Front populaire en 1936 fut d’abord un accord électoral ! Ensuite, il existe entre macronistes et Insoumis une continuité idéologique, notamment sur l’immigration et l’idée de nation. Depuis 2018, Mélenchon et ses affidés assument un projet postnational, dans une version radicalisée de celui de Macron. Que des députés de la Nupes déclarent tranquillement que la France commence en 1789 constitue la négation de la notion de pays remplacée par un principe de régime.

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C’est sans doute l’une des plus solides convictions de Macron. Pour lui, on dirait que la France, c’est fini.

Gramsci a décrit un bloc historique qui était voué à la construction de l’unité italienne. Je fais le parallèle avec le bloc élitaire autour d’Emmanuel Macron, à une différence majeure près : ce bloc est au service d’un projet postnational parfaitement clair depuis le départ. Emmanuel Macron est cohérent et constant dans sa volonté de dépasser le cadre national qui fait aujourd’hui obstacle au déploiement généralisé du capitalisme, lequel dissout les rapports humains au profit de la marchandise. D’où l’adhésion totale de Macron à l’UE, avec ce thème absurde de la double souveraineté, et, pour ceux qui n’ont pas compris, la substitution du drapeau européen au drapeau national sous l’Arc de Triomphe. Il faut s’appeler Jean-Pierre Chevènement pour parvenir à ne pas le comprendre.

Si l’antifascisme est une mascarade, le RN peut-il être qualifié d’extrême droite ?

Il y a un très bon texte récent de Clémentine Autain qui s’élève contre l’utilisation du terme d’« extrême gauche » pour (dis)qualifier LFI ou la Nupes, car l’extrême gauche, dit-elle, était contre les institutions. Or, si LFI proclame son désir d’une VIe République, ce n’est pas pour évoluer vers une forme de dictature. L’extrême gauche, dans son acception historique, ce sont des partis marxistes-léninistes comme Lutte ouvrière. Or, si la Nupes et LFI sont imprégnées de gauchisme culturel, ils ne sont en réalité que la forme énervée de l’ancien Parti socialiste. L’ennui, c’est qu’après cette dénégation pertinente, Clémentine Autain parle d’« extrême droite » pour le RN. Or, son raisonnement devrait valoir aussi pour le RN qui s’est toujours tenu éloigné de la violence politique et qui, depuis cinquante ans, s’est toujours conformé aux institutions républicaines. Mais pour Autain, ce n’est pas pareil…

Mon analyse est constante : non seulement le RN n’est pas « extrême », puisqu’il ne veut pas changer de régime, mais il n’est pas non plus de « droite » dès lors qu’il refuse de se situer sur le clivage gauche/droite et n’entretient aucun lien électoral ou autre avec la droite. De même, je ne me permettrais pas de décréter qu’Emmanuel Macron est de droite ou de gauche.

Et Jean-Marie Le Pen, est-il d’extrême droite ?

Le Jean-Marie Le Pen des années 1980, qui était plutôt demandeur d’alliances avec la droite comme à Dreux en 1983, représentait une forme de droite extrême ou de droite dure. Mais ce n’était pas l’extrême droite au sens strict, qui renvoie à un imaginaire de coups de force, de complots et de violence. Les composantes d’extrême droite qui ont créé le Front national en 1972 ont justement renoncé, par cet acte même, à la dimension factieuse, extraparlementaire de leur démarche. Or, on a pris l’habitude de déduire du passé de certains frontistes leurs idées politiques actuelles. À ce titre-là, la gauche aurait été dirigée depuis des années par des trotskistes et des maoïstes porteurs d’un projet révolutionnaire, ce qui n’est pas évident au vu des politiques suivies. Bref, le terme d’extrême droite, absolument ridicule pour Marine Le Pen, n’était guère plus pertinent pour Jean-Marie Le Pen en tant que dirigeant du FN. Le vocabulaire politique est suffisamment riche pour trouver des termes, même très péjoratifs, beaucoup plus appropriés.

Marine Le Pen est au croisement de deux axes, élitaire/populaire, droite/gauche. Est-ce pour cela qu’on a du mal à définir le RN ?

Ma thèse du nouvel ordre démocratique part moins d’une analyse des idéologies que d’un constat électoral. Les sociétés bougent beaucoup plus par la base que par le sommet. Christophe Guilluy souligne ainsi que le populisme de la base produit le populisme des représentants, et non l’inverse. On n’est pas dans Baron noir, où des entrepreneurs politiques manipulent tout et décident de mettre des choses dans la tête des gens. Pour la transformation du clivage gauche/droite en autre chose, elle me paraît confirmée et même amplifiée par deux élections présidentielles.

Prenons le cas des familles souverainistes qui, autrefois, menaient des combats communs – qu’elles perdaient le plus souvent. Et quand des souverainistes gagnaient, ils se laissaient dépouiller de cette victoire. Mais durant ces combats, leurs leaders politiques acquéraient un capital politique qu’ils investissaient ensuite à bon prix, soit à droite, soit à gauche, dans des partis et surtout des gouvernements qui étaient tout sauf souverainistes. Ce petit commerce sur lequel se sont faites beaucoup de carrières s’est effondré avec la progression d’un bloc dont l’idéologie est l’européisme intégral, et d’un autre prônant le souverainisme intégral. Les souverainistes sont au pied du mur. On le voit avec l’explosion du chevènementisme finissant, dont nombre d’électeurs ou de cadres moyens ont rallié le RN, tandis que l’élite rejoignait Macron, preuve que le clivage est bien celui-là. J’observe aussi que la gauche reste très minoritaire, malgré le discours en trompe-l’œil de la France insoumise. Pour rester dans mon registre, si la Nupes était un bloc, elle serait avant tout un bloc petit-bourgeois renforcé par des gens issus de l’immigration extra-européenne. Je ne crois pas au retour du clivage gauche/droite. Après, que les forces politiques dominantes – le RN d’un côté et le macronisme de l’autre – adressent des signaux à ce qui reste de la gauche ou à la droite pour récupérer des voix, c’est si j’ose dire le minimum syndical.

Pourquoi l’immigration est-elle devenue un tel enjeu du conflit idéologique entre les deux blocs ? Pourquoi est-elle considérée comme un bien en soi par les élites ?

En sociologie politique, on a toutes sortes de catégorisation des enjeux électoraux ; de proximité/nationaux, conflictuels/consensuels, économiques/culturels… Mais l’immigration est tout cela à la fois, c’est donc un « enjeu total ».

Jusqu’à présent, la plupart des formations politiques n’assumaient pas d’être favorable à l’immigration. C’est pourtant aujourd’hui le cas de la Nupes qui est non seulement promigrants, mais aussi promigration, ce qui est différent. On passe du compassionnel au projet. Ce fait est d’autant plus remarquable que si l’immigration constitue certes un enjeu régalien, elle représente aussi un enjeu social qui a partie liée avec la mondialisation et une forme de concurrence déloyale. De plus, si la France n’avait pas un modèle social très protecteur, le débat sur l’immigration se poserait en des termes radicalement différents. Les partis qui de facto soutiennent l’immigration, y compris illégale, sont les meilleurs agents du capitalisme effréné et de la destruction du modèle social français.

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C’est pour cela que le RN développe sur le sujet un discours à la fois social et culturel. Je n’insiste pas sur le second volet, civilisationnel, qui est bien présent. Quant au premier, si Marine Le Pen fait des scores excellents parmi les gens issus des lycées professionnels et hôteliers, c’est parce que les jeunes qui ont acquis un savoir complexe, par exemple pour travailler dans la restauration, sont concurrencés par le travail illégal et subissent ainsi une forme de prolétarisation via l’immigration.

Jean-Marie Le Pen n’est-il pas coupable d’avoir laissé tracer un signe d’égalité entre la contestation de l’immigration et le racisme ?

Sans doute un peu, historiquement. Mais la société française était bien plus raciste en 1970. Le phénomène majeur de ces dernières décennies, c’est l’effondrement des préjugés racistes, mesuré notamment par le baromètre annuel de la CNCDH. Jean-Marie Le Pen appartient à une époque dont les valeurs et les préjugés étaient très différents des nôtres. Aujourd’hui, son patronyme a le mérite de permettre à celle qui le porte d’être considérée comme crédible sur l’immigration sans avoir besoin de trop en parler.

Que répondre à ceux qui disent que les immigrés viendront toujours parce qu’ils n’ont pas le choix, parce que climat, misère, guerre… Endiguer les flux, c’est compliqué !

La complexité est souvent l’argument de l’impuissance désirée. Prenons maintenant le cas de l’Afghanistan, où j’ai travaillé : les candidats au départ fuient la guerre, mais plus encore un pays dont la population double tous les vingt-cinq ans ! L’immigration de pays lointains est un projet économique personnel qui suppose une prise de risque vital et un investissement financier important, non seulement des migrants mais souvent de toute une communauté qui se cotise pour eux. En Afghanistan, on choisit les personnes parlant anglais, dynamiques, courageuses, dont la mission est de s’installer dans un pays développé pour y faire venir un maximum de gens. C’est donc un projet économique et ce n’est pas leur manquer de respect de le dire. Personne ne s’aventurerait là-dedans sans la perspective de passer, de s’installer et de bientôt être régularisé. Nier cette rationalité relève d’un préjugé condescendant et pour le coup très colonial. C’est pourquoi le choix politique d’empêcher la réalisation d’un tel projet économique, au-delà même du franchissement de la frontière, serait immédiatement efficace, s’il était porté par une volonté crédible.

De plus, leur projet, pour respectable qu’il soit, s’oppose à la volonté des Français…

En effet, quels que soient les sondeurs et les questions qu’ils posent, on obtient le même résultat depuis des années : deux tiers des Français considèrent que l’immigration est une mauvaise chose pour la France. Ce décalage entre ces 66 % et les politiques publiques effectives est un facteur déterminant du conflit peuple/élites. De 1974 à il y a quelques années, l’incapacité des gouvernants à résoudre le chômage fondait la défiance des citoyens. Aujourd’hui, c’est leur incapacité à mener une politique efficace sur la question de l’immigration. Cela explique en grande partie le score extraordinaire du RN, qui avait jusqu’à présent peu de moyens et pratiquement pas d’élus, qui était brocardé par toutes les autorités, morales, médiatiques et autres. On peut même dire que Zemmour, en ne parlant pratiquement que de cela, a réussi un score remarquable de 7 %. Dès le premier tour, quasiment le tiers des Français votent essentiellement sur cette question qui engendre une angoisse existentielle. On peut douter des sondages, pas du résultat des élections : le contrôle de l’immigration est clairement une demande de la base, rejetée par le sommet.

Cette question migratoire est aussi un puissant ferment du mépris social vis-à-vis des « ploucs » de la France périphérique…

Oui, de toute l’évidence, mais cette question garde une part de mystère. Certes, deux tiers des Français considèrent que l’immigration est une mauvaise chose, mais Macron est réélu président, il a une majorité relative à l’Assemblée nationale, tandis que beaucoup de gens votent pour la Nupes qui a un discours promigratoire. On ne peut pas résoudre cette énigme par des formules faciles sur les élites qui vivent dans les métropoles et bénéficient du restaurant à domicile grâce à Uber Eats. Ce n’est pas faux, mais certains effets de l’immigration peuvent être mal vécus par toutes les catégories de la population. D’ailleurs, quand on étudie la sociologie du vote Nupes, il y a bien sûr beaucoup d’électeurs issus de l’immigration extra-européenne, mais il y en a bien davantage qui n’en sont pas issus. Et ceux-là, pour la plupart, vivent dans des quartiers de forte immigration et ne sont pas des possédants, des bourgeois jouisseurs et cyniques. Beaucoup s’en accommodent donc. Est-ce par générosité ? Je crois à l’empreinte du christianisme sur cette question. La gauche aujourd’hui n’a jamais été aussi peu marxiste, elle est imbue d’une forme de christianisme décomposé. Il y a aussi une bonne partie de cette toute petite bourgeoisie – hypothèse plus déplaisante – qui souffre d’une forme de frustration et d’inquiétude perpétuelles. Ils ont souvent des diplômes et se sentent mal reconnus par la société. Ils sont dans une logique de ressentiment et trouvent dans le thème de l’aide aux migrants une façon moralement impeccable de nourrir le procès qu’ils intentent à la société. À l’image des intellectuels petits-bourgeois, faussement révolutionnaires, dont parle Orwell.

Pensez-vous, comme le disent certains, que Macron veut détruire la France par l’immigration ?

Un pouvoir politiquement minoritaire préfère avoir plusieurs oppositions qu’une seule. Un pouvoir socialement minoritaire préfère qu’il y ait plusieurs peuples qu’un seul. De toute évidence, Macron s’accommode d’une immigration de masse. Il partage aussi avec Mélenchon, avec d’autres mots, le culte de la créolisation. L’assimilation grotesque de la Seine-Saint-Denis à la Californie relevait d’une même logique. Tout ce qui relève de la mondialisation, de la transgression des limites, de la mobilité comme projet, tout cela s’insère très bien dans le discours macronien. À l’inverse, la tradition, l’enracinement, la culture française même en tant qu’héritage, la décence commune, enfin, sont vécus comme autant d’obstacles. Une fois encore, la gauche qui confond internationalisme et mondialisme se révèle un excellent adjuvant du cours libéral des choses. On a sur ces thèmes un ressort profond du soutien à Macron au tour décisif de la présidentielle. Macron n’est pas plus de gauche que de droite, mais il existe un gaucho-macronisme concret derrière le rideau de fumée de la prétendue insoumission.

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D’accord, mais comment Macron se situe-t-il personnellement sur ces questions 

Je ne suis pas psychologue, mais avec Macron on dispose de déclarations récurrentes dont on peut déduire une cohérence idéologique. Ainsi, il a tranquillement affirmé que la culture française n’existait pas et a tenu à l’étranger des propos assez définitifs sur le caractère des Français. C’est original, on n’a jamais connu ça pour un chef de l’État. On trouve chez lui une volonté parfaitement assumée de mise aux normes de la nation française par rapport à ce qui est attendu au niveau mondial et européen. Pour y arriver, Macron et ses alliés idéologiques doivent liquider la spécificité française, cette capacité revendicative du peuple. C’est un peuple qui résiste, encore attaché à son fort système de redistribution tout autant qu’à ses valeurs civilisationnelles, un peuple avec un mode de vie singulier et un esprit mordant, un peuple enfin qui a créé des obstacles pour les puissances dominantes, y compris sur la scène internationale. Il est important de réduire la fierté de ce peuple tout autant que son unité. C’est pourquoi le gaucho-macronisme réalise une œuvre redoutable en valorisant la repentance et en prônant l’intersectionnalité. Déconstruit, l’individu est seul, vulnérable, malléable. À la fin, Nuit debout œuvre contre les Gilets jaunes et pour le bloc élitaire. Schéma classique, mais toujours aussi consternant.

L’affaire de l’Ocean Viking marque-t-elle vraiment un tournant ?

Il marque une étape bien réelle dans l’évolution de l’opinion, car on a pu voir au sens strict du terme – c’est très spectaculaire, un bateau – que le gouvernement choisissait une immigration non choisie : il ne s’agit pas de gens qui arrivent aux frontières, mais de gens que l’on va chercher de l’autre côté de la Méditerranée. Le récit selon lequel les gens franchiraient la Méditerranée depuis la Libye ne fonctionne pas. Les embarcations ne sont pas faites pour ça, et personne de sensé ne monterait dedans pour franchir vraiment la Méditerranée. La débandade de l’État à l’arrivée ne pourra que renforcer la lancinante impression de délitement, voire de je-m’en-foutisme des élites, qui taraude l’opinion publique.

LR au milieu du gué

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Eric Ciotti, le 11/12/22 / © Jacques Witt/SIPA / 01096781_000004

Eric Ciotti, président du parti Les Républicains depuis le week-end dernier, se retrouve devant deux chemins quant à la direction que le parti doit prendre. L’un compliqué, qui réunirait toutes les droites ; l’autre bien plus aisé mais également pleutre, de se soumettre en petite branche du macronisme. La tâche est ardue, l’avenir (et l’honneur) du parti est en jeu.


Éric Ciotti a été élu président des Républicains, après un scrutin interne qui n’a, c’est le moins que l’on puisse dire, pas vraiment passionné les foules ni les médias. À tort. Car malgré le score catastrophique de sa candidate aux dernières présidentielles, LR pèse encore dans le paysage politique, au point d’être en mesure de faire basculer les votes de l’Assemblée Nationale. Mais de quel côté ? Voilà la question essentielle. Éric Ciotti est maintenant en charge d’un parti bloqué depuis trop longtemps au milieu du gué, qui va devoir faire un choix entre deux lignes diamétralement opposées.

D’une part, celle de Bruno Retailleau, certes arrivé second mais dont les 47% ne peuvent que compter. Bruno Retailleau, qui a eu le courage d’exiger un droit d’inventaire des années Sarkozy et du sarkozysme (nous y reviendrons). Qui pendant cinq ans, alors que l’Assemblée n’était plus qu’une chambre d’enregistrement pour le gouvernement, a été de ceux grâce auxquels le Sénat a continué à faire vivre la démocratie. Qui, contrairement d’ailleurs à Éric Ciotti, ne s’est pas soumis à l’excommunication proférée par la Sainte Gauche et a refusé de condamner bêtement le député RN ayant dit « qu’ils retournent en Afrique » à propos de migrants africains illégaux (propos qui rappelaient simplement aussi bien le bon sens que la loi républicaine). Bruno Retailleau, soutenu entre autres par François-Xavier Bellamy, l’artisan d’une remarquable victoire politique obtenue avec le soutien de toutes les droites européennes, assumant préférer Zemmour à Macron, et par Julien Aubert qui, dès 2017, décrivait avec une lucidité prophétique ce que se révélerait être le macronisme, et a lui aussi refusé en 2022 l’escroquerie du front soi-disant républicain.

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D’autre part, celle de Nicolas Sarkozy, ligne qui, sans avoir sombré dans le gauchisme aussi radicalement que l’a fait ce qui reste du juppéisme, s’est néanmoins totalement soumise au « progressisme » et à Emmanuel Macron. Sarkozy, l’un des artisans majeurs de l’indigne attribution au Qatar de privilèges fiscaux démesurés, ainsi que de la Coupe du Monde, vitrine complaisamment offerte à un pays qui piétine allègrement tous les principes que la France prétend défendre, finance largement l’islamisme quand ce n’est pas le jihadisme, et semble-t-il s’emploie à corrompre les élites européennes. Sarkozy, l’homme de la droite du fric, des promesses non tenues et du référendum piétiné, bref l’incarnation de tout ce qui a fini par dégoûter de LR un grand nombre d’électeurs, et un parfait macroniste.

Concrètement, Éric Ciotti n’a que ces deux alternatives. Tenter un « en même temps » entre des positions à ce point irréconciliables serait l’assurance de ne contenter personne, et signerait à terme l’arrêt de mort de LR.

Car LR ne deviendra pas l’étendard autour duquel se rassemblera la droite : Éric Zemmour et Marine Le Pen ont l’un et l’autre pris trop de coups, et trop souvent, pour que leurs électeurs respectifs se détournent d’eux au profit d’un parti qui (malgré la très grande valeur de beaucoup de ses membres) n’a collectivement pas eu leur courage, alors même que la situation du pays l’aurait nécessité.

Pour autant, balayer LR d’un revers de la main serait une erreur lourde de conséquences : ni le RN ni Reconquête ne peuvent, eux non plus, triompher seuls contre la gauche postmoderne à laquelle – François-Xavier Bellamy le rappelait il y a peu – appartient pleinement le macronisme (déconstruction, négation de l’identité française, repentance, tiers-mondisme, nivellement par le bas de l’école publique, appétit de censure, mépris affiché envers ceux qui « votent mal » : ces marqueurs idéologiques ne trompent pas).

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Reconnaissons-le aussi : la radicalité d’Éric Zemmour a rétabli le droit de dire le réel, victoire idéologique extraordinaire que beaucoup croyaient impossible, mais cette même radicalité peut inquiéter. Qu’elle s’allie à des figures rassurantes de LR serait bienvenu, ces dernières de leur côté y gagnant la crédibilité d’une volonté d’action prête à assumer la radicalité qu’exige l’intensité des menaces.

En résumé, s’il choisit l’union des droites, Éric Ciotti peut aisément faire de son parti l’un des piliers de cette union – il a les qualités personnelles requises – et contribuer à la conduire à la victoire, non par vanité ni par carriérisme, mais parce que c’est la seule chance de préserver ce qui mérite encore de l’être dans tout ce qui faisait la France.

L’alternative, LR n’étant de toute façon plus en mesure de peser seul, consisterait à réduire ce qui fut un grand parti à l’état de satellite du macronisme, ou plus exactement de courant mineur du parti unique dont rêve l’extrême-centre. Ultime trahison, car il s’agirait de mettre fin à toute véritable démocratie : théoriquement souverain, le Peuple ne serait plus en pratique qu’une vague instance consultative, interrogée pour la forme et selon leur bon plaisir par LREM/Renaissance et ses affidés. C’est d’ailleurs exactement ce que préfigure le Conseil National de la Refondation, dont le seul rôle est de substituer une cynique parodie d’agora à un Parlement qui n’a pas l’heur de plaire au « cercle de la Raison » (cercle tellement raisonnable qu’il a conduit le pays au bord de l’abîme….).

L’Art déco, musée imaginaire de l’égyptomanie

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DR Collection Maurice Culot

Les éditions Norma publient un « beau livre » : Art déco & égyptomanie. Tout à la fois instructif et délectable au regard.


De bienfaisants alizés soufflent cet hiver sur les vastes territoires où le mouvement Art déco a posé sa marque. La Cité de l’architecture et du patrimoine déploie, à travers la passionnante exposition Art déco, France/Amérique du Nord, les fastes d’un style qui, alimenté par nos plus talentueux créateurs (de l’architecte Jacques Carlu à l’ensemblier Jacques-Emile Ruhlmann, en passant par d’innombrables peintres, sculpteurs, joailliers, décorateurs de cinéma), s’exporta généreusement outre-Atlantique au tournant des années 1920 pour nous revenir en boomerang jusqu’aux prémices de la Seconde Guerre mondiale…

Dans la mouvance de ce revival égypto-maniaque, les éditions Norma, à qui l’on doit déjà le très beau catalogue qui accompagne la manifestation parisienne, publient à présent, sous la direction de l’émérite et fort érudit collectionneur Jean-Michel Humbert, un autre « beau livre » : Art déco & égyptomanie. Tout à la fois instructif et délectable au regard.

DR Collection Maurice Culot

Comment résister au rapprochement de quelques dates ? En 1822, Champollion déchiffre les hiéroglyphes ; en 1912 est mis au jour le buste de Néfertiti ; en 1922 se voit profané le tombeau de Toutankhamon. La découverte de ce trésor réactive l’engouement pour l’Egypte ancienne : elle propage à neuf ses figures revisitées dans l’architecture et la décoration, et jusque dans le théâtre, le cinéma, la publicité… Dans une forme de symbiose remarquable, l’Art déco se réempare de ses icônes, de ses lignes et de ses motifs : disque ailé, sphinx, chorégraphies géométriques – pareillement sur le Vieux continent et en Amérique, tout un réservoir de formes et d’iconographies s’y déverse.

Et ce, aussi bien dans l’art de construire que dans les arts plastiques et industriels : la signature de l’Egypte ancienne paraphe indifféremment, de son chromatisme franc et de sa stylisation épurée, l’ascenseur du Chrysler Building, à New-York ; le temple Rose-Croix de Belém, au Brésil ; la fabrique de cigarettes Carreras, à Londres ; la pharmacie Léon Gros, à Clermont-Ferrand, ou le cinéma Louxor, à Paris ; sans compter les monuments aux morts, les temples maçonniques, les salons de première classe des paquebots, les édifices commémoratifs, le mobilier (Jules Leleu, Pierre Legrain, Marc du Plantier…) et même les parures féminines, de la robe au poudrier…

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Les partitions de musique s’y mettent également, illustrées de harpistes profilés ou de Cléopâtre déhanchée, de félins se glissant sur les rives du Nil dans un saupoudrage de hiéroglyphes. De Saint-Pétersbourg à la Ville Lumière, l’Egyptomanie contamine bien sûr les arts de la scène: dès 1908, les Nuits d’Egypte s’exportent du théâtre Mariinsky vers le Châtelet sous les auspices des fameux Ballets russes ; la musique du compositeur Florent Schmitt, en 1920, accompagne le ballet Antoine et Cléopâtre à l’Opéra de Paris, tandis qu’une Légende du Nil frappée au coin d’un kitch érotisé s’impose aux Folies Bergères, tableau final du programme 1924-1925.

Et que dire du septième art ! Dans le texte savant qu’il lui consacre, Jean-Luc Bovot le reconnaît : « Entre 1920 et 1940 le cinéma mondial a produit 127 films sur l’Egypte ancienne, mais une trentaine seulement possèdent des éléments Art déco ». Et pourtant, les décors de Paul Iribe marquent de leur emprunte quelques films mythiques, tels Les Dix commandements, de Cecil B. DeMille, lequel, en 1934, immortalisera l’actrice Claudette Colbert dans une Cléopatra d’anthologie…  

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Jean–Michel Humbert l’observe judicieusement : « L’Egypte, tout comme la Rome antique, empires protecteurs, nous apparaissent plus proches de notre civilisation occidentale hédonique que le Moyen-âge, revêtu de sa cape sombre, cerné d’enceintes, brodé de mâchicoulis, vêtu d’étoffes trop frustes et trop pesantes ». De cette proximité sensible, l’ouvrage qu’il a dirigé de main de maître – y associant les plumes averties d’un Maurice Culot, d’un Emmanuel Bréon, d’un Mathias Auclair ou d’un Daniel Lançon pour ne citer qu’eux – rend compte à merveille. Pointu mais toujours allègre, son propos se recharge au contact d’une iconographie véritablement… pharaonique ! Si le lecteur en parcourt les pages avec ravissement, c’est qu’en archéologues scrupuleux –  allant de la vaisselle à la bande dessinée, du péplum aux bacchanales estudiantines et autres bals costumés – les auteurs ont investi, à l’enseigne de l’Art déco, le fertile, stimulant, récréatif musée imaginaire de l’égyptomanie.

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Art déco & Egyptomanie. Sous la direction de Jean-Michel Humbert. Textes de Jean-Marcel Humbert, Mathias Auclair, Jean-Luc Bovot, Emmanuel Bréon, Hubert Cavaniol, Isabelle Conte, Maurice Culot, Daniel Lançon, Claire Maingon, Laurence Mouillefarine, WilliamPesson, EugèneWarmenbol. Editions  Norma, Paris, 2022, 304 pages, 320 illustrations, 49 €.

Exposition Égyptomania. La collection Jean-Marcel Humbert.Musée Dauphinois, Grenoble. Jussqu’au 27 novembre 2023.

A lire également : 1925, quand l’Art déco séduit le monde ; Art déco France-Amérique du Nord ; Alfred Janniot monumental. Egalement aux éditions Norma.

Et aussi (en italien), le très beau livre d’Alessandra Anselmi, L’Avana déco : arte, cultura, societa, Gangemi Editore, Italie, 2022.

L'Avana déco. Arte cultura società. Ediz. illustrata

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France – Maroc : demi-finales ou djihad ?

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Des supporters célèbrent la victoire du Maroc, place de la Victoire, Bordeaux, le 10 décembre 2022. Stephane DUPRAT/SIPA // 01096743_000015

Israël et Palestine ne participent pas à la Coupe du monde. Mais à travers les victoires de l’équipe du Maroc et l’enthousiasme sur-volté des supporters marocains et, de manière plus générale, des populations arabes, ces deux nations occupent en partie le devant de la scène.


Jusqu’à aujourd’hui, une seule chose unifiait le monde arabo-musulman : la lutte contre l’« entité sioniste ». Chiites et Sunnites pouvaient bien s’étriper, islamistes et laïcs arabes pouvaient bien s’égorger, Irakiens et Kurdes, Alaouites et Frères Musulmans sunnites pouvaient bien se combattre… Tous s’entendaient sur une chose : mettre un point final à l’épopée sioniste en terre sainte, détruire cette épine plantée dans une terre que les musulmans refusent de partager avec quiconque n’est pas musulman.

Il est désormais un autre vecteur d’unification du monde musulman : le football. Juste après qu’Achraf Hakimi eut marqué sur penalty contre l’Espagne au stade Education City de Doha, au Qatar, mardi 6 décembre au soir, une vague d’enthousiasme a soulevé le monde arabe. Un rugissement s’est élevé à Casablanca, au Caire, à Gaza, à Alger, à Riyad, à Sanaa, à Paris, à Turin et même à Madrid. Ce n’est pas le Maroc qui a battu successivement l’Espagne, puis le Portugal et qui va affronter la France. C’est la communauté des supporters arabes. Et sans doute aussi, la communauté des croyants. Ce ne sont pas les Marocains qui soutiennent l’équipe de football du Maroc, c’est la oumma toute entière.

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Cet enthousiasme arabe (et sans doute aussi musulman) donne à l’épopée de l’équipe de football marocaine une dimension géopolitique. Lorsque le Maroc a joué contre l’Espagne, au moins un commentateur de Twitter l’a qualifié de « derby Al-Andalus », faisant référence au fait que les musulmans ont gouverné l’Espagne du VIIIe au XVe siècle. Les joueurs marocains ont aussi arboré un drapeau palestinien au milieu de la célébration mardi 6 décembre. Au moment où le roi du Maroc resserre plus fort que jamais les liens économiques et militaires avec Israel, il y a là le signe d’un désaveu que le roi lui-même ne pourra même pas sanctionner tant la rue arabe souffle et vit avec l’équipe de football du Maroc.

Comme le faisait remarquer le journal Haaretz, « entre les drapeaux palestiniens et les reportages axés sur Israël, deux nations qui ne participent pas réellement au tournoi au Qatar ont néanmoins occupé la Une des journaux mondiaux depuis le début ».

Des violences dans toute l’Europe

Au-delà de la géopolitique, l’épopée footballistique marocaine rappelle à toute l’Europe qu’elle a un problème avec l’immigration musulmane. La victoire du Maroc sur la Belgique a déclenché un cycle de violences dans la capitale Belge. Des voitures ont été incendiées et des Marocains en liesse ont grimpé sur la façade des bâtiments officiels pour décrocher les drapeaux de la Belgique et les remplacer par des drapeaux marocains. Aux Pays Bas, des commissariats ont été attaqués. En Espagne, des violences ont eu lieu et à Lisbonne aussi.

Ce ne sont pas forcément des Marocains qui ont cassé des vitrines sur les Champs Elysées et attaqué les brigades de CRS. Mais les footballeurs marocains ont servi de prétexte à ces guérilléros de banlieue qui, à Paris, à Nice, à Bordeaux, à Lille…. profitent de la moindre occasion pour monter dans la capitale en vêtements de sports et en capuche afin de casser du flic.

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On ne peut pas penser que la demi-finale France-Maroc célèbrera le « vivre ensemble ». Il y a tout lieu de s’inquiéter des violences qui risque d’avoir lieu dans les heures qui suivront le coup de sifflet final de la demi-finale France-Maroc. Et cela quel que soit le résultat.

Nous vivons une époque où le sport ne sert plus de substitut aux humeurs belliqueuses des peuples. Aujourd’hui, le football alimente ces humeurs guerrières. Il n’est pas exclu qu’après la lutte contre l’entité sioniste, le football ne serve de ciment à ce qu’il faut bien appeler un djihad. Un djihad anti-sioniste, mais aussi anti-occidental.