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De plus en plus, France Culture nous fait mourir de rire

France Culture n’est plus qu’une radio dévote relayant pieusement les doctrines wokistes.


De plus en plus, France Culture nous fait mourir de rire
Manifestation à Toulouse le 8 mars 2020 à l'occasion de la journée internationale des droits de la femme. FRED SCHEIBER/SIPA 00949192_000004

Dans son émission « Les pieds sur terre » du 4 octobre 2022, France Culture rend hilarant l’odieux sujet de la « déconstruction » grâce aux témoignages truculents de deux mâles en pleine contrition.


« Le monde est inventé, il faut à présent le raconter. Et commencer ainsi, en lui tirant le portrait, à le remplacer par les éclats de rire qu’il mérite. Ce n’est qu’un début, continuons le constat. »

Philippe Muray. Exorcismes spirituels III.

Sur France Culture, la radio publique censément dédiée aux savoirs, aux arts et à la création, l’émission “Les pieds sur terre” du 4 octobre 2022 a abordé une nouvelle fois le délicat sujet de la « déconstruction » de l’homme occidental, ce monstre viriliste, sexiste et patriarcal. Résumé : « Après #MeToo, Paul et Sébastien entreprennent un parcours de « déconstruction » pour démanteler leurs réflexes patriarcaux. Le premier change radicalement de sexualité jusqu’à y renoncer. Le second met ses 30 ans d’expérience dans la pub pour conquérir le marché du féminisme ». L’émission dure trente minutes. Trente minutes de crétineries, de réflexions débiles, de loufoqueries à s’étrangler de rire. Il n’y a pas de commentaires, uniquement les témoignages désopilants de ces deux hommes « en cours de déconstruction », posés là comme des évidences indiscutables. Je crois de mon devoir de porter à la connaissance des lecteurs de Causeur les progrès de la pensée progressiste en termes de narcissisme frénétique, d’égocentrisme délirant et d’abrutissement généralisé, et de partager avec eux l’aspect comique de cette situation qui s’amplifie. Accessoirement, ce simple exposé des faits pourra servir plus tard aux psychiatres qui étudieront l’étiologie et les symptômes des pathologies issues des différentes branches du wokisme.

Le premier témoignage est celui de Paul, 25 ans. #MeToo lui a permis, dit-il, de rencontrer une femme qui pratique le BDSM[1]. C’était la première fois, avoue-t-il ému, qu’il se laissait déshabiller par une femme. Celle-ci lui a appris plein de jeux coquins égalitaires, avec un juste partage d’utilisation du martinet. Paul a pris conscience à ce moment-là que le partage des tâches domestiques, lui, n’est pas équitable. Plus tard, il en parle avec sa nouvelle copine. Adieu les lanières de cuir et le « bondage », bonjour les réflexions stratosphériques sur l’égalité dans le couple : « Notre couple se construit dans le féminisme puisqu’on considère que le modèle du couple patriarcal ne nous convient pas, ni à elle ni à moi ». Mais, bon, ce n’est pas facile. Malgré ses efforts redoublés, il ne parvient pas à « atteindre une répartition égalitaire ». La vie sexuelle du couple s’étiole. Il n’a plus envie de faire l’amour : « C’est une étape de ma déconstruction car j’ai trop, des rapports sexuels, une image de domination ». Il est dans une « perspective de déconstruction » quotidienne. Il travaille beaucoup là-dessus. Par exemple, il ne veut plus « écarter les jambes dans le métro ». Les résultats sont décevants : « Ça fait quatre ans que j’essaie de faire un travail sur ça mais j’ai le réflexe de m’étaler ». De plus, il ne parvient plus « à regarder des œuvres d’art où les comportements masculins [qu’il] considère comme toxiques sont mis en avant ». Résultat des courses : seul, apathique, dépressif, décérébré, déconstruit et abruti par l’idéologie néo-féministe, Paul se fait chier comme un rat mort, ne s’intéresse plus à rien et passe sa vie sur les sites pornographiques – il est l’incarnation presque caricaturale et risible d’un personnage houellebecquien.

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À peine avons-nous le temps de nous remettre des secousses intercostales provoquées par le témoignage de Paul, qu’apparaît Sébastien, 54 ans, directeur marketing dans une grosse entreprise. Sébastien s’est aperçu sur le tard qu’il était « un homme, hétéro, blanc, bourgeois » et donc qu’il représentait « la classe dans laquelle se retrouve toutes les mécaniques d’oppression ». Communicant en entreprise, Sébastien connaît toutes les ficelles pour faire gober n’importe quoi ; il sait entre autres parler simplement et le plus bêtement possible du machin à faire gober : « Nous, les hommes, par l’éducation, par les rapports qu’on a avec les gens, par la culture, par le cinéma, par la littérature, on a été construit dans une identité, dans des comportements qu’on attend de nous. Donc se déconstruire, c’est exactement ce qu’on a à faire ». Il a par conséquent décidé d’aider ses congénères – tous les « types gentils » et blancs qui ne se rendent même pas compte de leur « situation privilégiée » – à devenir des « alliés » déconstructivistes, et a écrit dans ce but un livre intitulé Le sommet de la pyramide. Déconstruction d’un homme blanc. De nature curieuse et encouragé par les âneries balancées dans le poste par Sébastien, je suis allé voir ça d’un peu plus près. Je n’ai pas été déçu.

L’auteur connaît son public potentiel – pour ne pas le décourager, il promet en quatrième de couverture « un texte court qui se lit en moins d’une heure ». En réalité, ça se lit en moins d’un quart d’heure. Dès les premières lignes on sourit en constatant que ce roublard de Sébastien s’est contenté de s’approprier les maigres « idées » barbotant dans les ouvrages d’Aymeric Caron, Alice Coffin et autres Rokhaya Diallo, et qu’il a réussi l’exploit d’affadir un discours déjà exceptionnellement terne, de le réduire jusqu’à obtenir la substance famélique que voici et qui m’arrache un éclat de rire à chaque phrase : « Tout d’abord, je suis un être humain. En tant que tel, j’ai colonisé une grosse partie de la surface de la terre. Mon espèce a réduit en esclavage les autres espèces sur terre, au service de sa domination. Ensuite, je suis un homme […] je suis né sur le sol d’un ancien empire colonial dont une bonne partie de la richesse passée provient de la traite des esclaves et de la colonisation. Ensuite, je suis Blanc, et j’ai raflé la mise. […] Et, comme je ne veux vraiment pas partager, j’ai mis tout le monde au service de mon hégémonie et en particulier la classe d’êtres humains la plus proche de moi : j’ai asservi les femmes. […] Dès le plus jeune âge, on m’a donné des voitures et des jeux de construction alors que mes sœurs avaient des poupées et de la pâte à modeler ». Etc. Je me tiens les côtes.

Au contraire des tâches domestiques, la bêtise est, semble-t-il, équitablement partagée : après avoir lu les très médiocres réflexions de Sébastien, des féministes lui reprochent de s’être approprié leur travail déconstructiviste. La main sur le cœur, Sébastien dément et précise à la radio : « Je crée un nouveau marché, une nouvelle audience d’hommes qui ont envie qu’on leur explique des trucs et qui n’ont jusqu’à présent pas trouvé les bonnes sources d’information ». Je suis mort de rire, emporté de joie par l’avalanche d’inepties déboulant de mon poste. Je vérifie une fois encore le nom de la station radiophonique capable de proposer un programme aussi absurde, aussi risible, aussi nullissime. Je lis : France Culture.

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France Culture, radio publique anciennement dédiée aux savoirs et aux arts, n’est plus qu’une radio dévote relayant pieusement les doctrines wokistes ; elle est très prisée des actuels et futurs prêtres médiatico-universitaires de cette nouvelle religion. Mona Chollet, Éric Fassin, Lilian Thuram ou Alice Coffin y sont reçus et écoutés comme des penseurs de premier ordre ; les représentants de l’écologisme, du néo-féminisme, de l’antiracisme racialiste et de la théorie du genre y ont table ouverte – plus rares sont leurs contradicteurs. Des « reportages » comme celui décrit ci-dessus – un micro tendu aux hommes qui se déconstruisent, aux couples « percutés » par la vague MeeToo, aux enfants s’interrogeant sur leur genre et à leurs parents colloquant sur la « parentalité positive », aux femmes victimes du patriarcat occidental et écrasées par la « charge mentale » – remplacent régulièrement les débats de fond et, à peu de frais, dispensent la doxa wokisto-progressiste. C’est désolant, mais aussi très souvent désopilant, parce que régulièrement risible. Notre devoir, écrivait Muray, est de ridiculiser cette époque – de nous rire d’elle. De son côté, Cioran considérait que « le rire est un acte de supériorité, une merveilleuse trouvaille qui réduit les choses à leurs justes proportions ». Nous nous rions des hommes « déconstruits », de leurs propos ineptes, de leur prétention à se croire autre chose que ce qu’ils sont devenus, à savoir des moutons wokistes, c’est-à-dire des crétins panurgiques. Nous nous moquons d’eux. Du monde qu’ils nous promettent. Du sérieux grimaçant avec lequel ils décrivent ce nouvel enfer un peu partout, en particulier sur la radio publique transformée en tribune wokiste et, donc, en farce bouffonne. Notre rire est ironique ; nous l’espérons ravageur. Une arme de destruction massive de la bêtise. Enfin, et ce point n’est pas négligeable lorsque nous envisageons d’entretenir une nouvelle relation avec l’un de nos contemporains, c’est par le rire que nous savons à qui nous avons affaire, c’est grâce à lui que nous distinguons l’homme sensé du jeanfoutre décérébré : « Il est vain d’attendre la moindre pensée de quelqu’un qui, devant l’horreur présente, ne rit pas et ne fait pas rire », écrivait encore le génial Muray.


[1] BDSM : Bondage, Discipline, Soumission et Domination, pratiques sexuelles sadomasochistes.




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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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