Fanatique de break dance, Kim Sohee est une lycéenne coréenne. Adolescente pleine d’allant quoiqu’un peu renfermée, elle vit chez ses parents, dans un milieu social tout ce qu’il y a de simple. Elle se voit recrutée en stage de fin d’études, via son école, dans un centre d’appels de Korea Telecom. Open space, horaires extensibles, chantage à la prime-qui-ne-vient-jamais, pression constante sur les objectifs à atteindre, culte de la performance – jamais suffisante, toujours inaccessible, les managers reportant leur propre stress sur leurs équipes : l’enfer sur terre. Quoique bien noté par la hiérarchie, le jeune manager de Kim Sohee se suicide ; l’affaire est vite étouffée. Kim Sohee, de plus en plus perdue, finit par s’ouvrir les veines. Ses parents affolés la récupèrent à l’hôpital. Pour eux, l’enjeu de la réussite de leur fille prime sur le reste: et c’est reparti pour le stage. Mais les choses vont de mal en pis pour Kim Sohee. Jusqu’au dénouement fatal, qu’on pressentait.
Dans une seconde partie, c’est Yoo-Jin, une femme inspecteur de police qui, éprouvée par la mort de sa propre mère, prend la relève de feu Kim Sohee, pour enquêter sur les circonstances et les raisons de la mort de la jeune fille. Elle affrontera sa propre hiérarchie pour combattre le déni qu’oppose le corps social tout entier à l’élucidation de cette tragédie, le Ministère de l’éducation se défaussant sur la direction de l’école, le staff du centre d’appel sur leurs chefs, etc.
Tout, dans ce film, est dans la manière. Quasiment pas de musique. De longs plans qui fouillent la réalité, comme au scanner. Des dialogues millimétrés, des séquences dépouillées de tout artifice, un découpage attentif à la maîtrise scrupuleuse du tempo, une construction qui confine à l’abstraction. Implacable, About Kim Sohee est admirablement porté par les deux protagonistes qui structurent ce diptyque : Kim Si-eun, actrice débutante, dont le rôle presque mutique exige une intériorisation subtile et délicate ; mais surtout Doona Bae, qui campe l’enquêtrice : elle interprétait déjà une policière dans A Girl at my Door, le film précédent de Judy Jung. C’est une star en Corée du Sud. La respiration du second volet de l’intrigue doit beaucoup à l’intensité de ce regard, à la fois scrutateur et compassionnel.
About Kim Sohee. Film de July Jung. Corée du Sud, couleur, 2022. Durée : 2h15. En salles le 5 avril 2023.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !