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L’économisme et le transhumanisme: plus préoccupants qu’une réforme des retraites!

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Veuillez rendre l’âme (à qui elle appartient).


Qu’est-ce qu’une révolution ? Pour le commun comme pour le professeur au Collège de France en passant par la figure centrale de notre temps, à savoir le journaliste, c’est en somme un mouvement social qui dégénère. On nous l’a appris à l’école et, plus encore, à l’université. On nous le répète à la télé, où professeurs de gauche, éditorialistes de gauche, politiciens de gauche et humoristes de gauche « débattent » afin de savoir si la France devrait être plus ou beaucoup plus à gauche. Nous ne pensons pas cela par hasard : depuis plus d’un siècle, partout en Occident et singulièrement en France, les intellectuels et les historiens en premier lieu l’affirment. 89 ? Le pain manquait. Les jacqueries ? À cause de la famine. À Rome aussi, et même en Grèce, déjà, la lutte des classes était la mèche qui déclenchait des révolutions. Les guerres ? Pareil. Pas plus que les hommes les évènements ne font l’histoire ; pour comprendre cette dernière, il ne faut regarder que l’économie, les structures de l’économie, la répartition du capital. Bien sûr, l’influence du socialisme et du marxisme est ici décisive. Mais celle du libéralisme l’est aussi. Leurs finalités divergent, mais ces trois écoles partagent les mêmes postulats anthropo-philosophiques: elles réduisent l’homme à ses conditions d’existence, et son salut passe par son émancipation. Le fait religieux, la politique, tout n’est que prétexte. L’histoire du monde n’est en vérité que celle du social.

Une analyse globale du monde

C’est là l’unique grille de lecture des élites. La brutalisation de la société française ? La faute à la précarité. Le djihadisme ? C’est à cause de « l’apartheid » territorial et économique dont les jeunes sont victimes. Le féminisme nous explique que les femmes sont d’abord dominées – elles doivent donc se libérer, car nul ne désire être esclave – économiquement. L’immigration africaine massive, d’une ampleur inédite, qui s’abat sur l’Europe ? Encore l’économie, puisqu’il est entendu que l’Afrique est « pillée » par l’Occident. Le « climat » ? L’économie aussi, qui détruit les biotopes. L’économie, l’économie, l’économie… C’est rassurant, l’économie. Il suffit au Pouvoir de lâcher des thunes, d’abandonner une réforme pour « apaiser » la société, retrouver la concorde.

Les gilets jaunes – oui, encore eux, toujours eux, du moins ceux de novembre, dont j’étais et que je salue fraternellement une nouvelle fois – avaient des revendications politiques et sociales. Les premières – RIC, proportionnelle, vrais débats sur l’immigration et « la construction européenne » – furent rapidement évacuées par les commentateurs : elles étaient au mieux « démagogiques », au pire « factieuses ». En fait, assénaient les observateurs, il s’agissait bien d’un mouvement social. Il fallait discuter du maximum des prix. En lâchant du lest sur ce dernier point, en aidant les gueux illettrés à payer leur loyer, leurs pleins de gasoil et leurs clopes, le Pouvoir allait « sortir de la crise » – la « crise » est d’ailleurs toujours économique, bien sûr – « le pouvoir d’achat » sera toujours « la première préoccupation des Français ». Mélenchon avait, lui, bien compris qu’il ne s’agissait pas d’un simple mouvement social, et c’est pourquoi il avait, dans un premier temps, non seulement refusé de soutenir les gilets jaunes mais les avait en plus insultés. Cependant, alors qu’elle observait ces hordes de « souchiens » en train de manifester, chaque week-end, dans les beaux quartiers de Paris, la gauche – la médiatique, la politique, la culturelle – entreprit de reprendre à son compte ce mouvement d’autant plus beau qu’il était spontané. Et, bien sûr, armée comme elle l’était, elle parvint à s’imposer en tête des cortèges, où personne ne l’avait invitée. Dès décembre, les drapeaux de nos vieilles provinces cédèrent la place au rouge ; les pancartes réclamant le RIC et refusant le Pacte de Marrakech furent remplacées par d’autres, stupides imitations de celles, débiles, de 68 ; les antifas, ces petits bourgeois intouchables – intouchables parce que petits bourgeois –, firent le ménage parmi les manifestants, suivis par de molles cohortes de fonctionnaires socialo-communistes à la retraite. Les gilets jaunes sont morts ainsi, du fait de cette « récupération » à la fois permise, elle, et même encouragée par un Système qui avait, évidemment, tout intérêt à affronter l’adversaire social, qu’il connaît bien, qu’il sait calmer, plutôt que celui, totalement inédit, qui incarnait une idée infiniment plus grande, à savoir celle de la continuation, c’est-à-dire celle des siècles justement.

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Entendons-nous bien : ce n’est pas rien, un mouvement social. Nos mouvements sociaux s’inscrivent d’ailleurs dans une tradition propre à notre civilisation. On peut faire leur généalogie philosophique. Il ne pourrait pas y avoir de communisme sans socialisme et de socialisme sans libéralisme, qui est la matrice de la ou plutôt de notre modernité. Et le libéralisme est un enfant – contrefait – du christianisme – on pourrait le définir comme un libre arbitre sans Dieu, c’est-à-dire sans morale. (Il n’y a pas de mouvement authentiquement social en dehors de la civilisation chrétienne. Il y a eu, et il y aura toujours, pour sûr, des socialistes arabes, des communistes hindous ou taoïstes, des partageux attachés à toutes des religions, mais il s’agit d’individus, de groupes tout au plus. C’est d’abord en cela que le socialo-communisme est une arnaque, un mensonge éhonté, lui qui affirme que, partout à travers le monde – orgueilleuse échelle qu’il partage avec le libéralisme –, et faisant fi de tous les déterminismes – la religion étant bien sûr le premier – les hommes sont animés par les mêmes passions, désirent les mêmes choses, sont faits du même bois et poursuivent le même idéal. D’ailleurs, les hommes, ça n’existe pas : il y a un Homme, et c’est le même à Paris, Berlin, Bamako, Djakarta, Manille, Alger, Montevideo. La célèbre formule de Maistre est renversée : notre modernité nie les nationalités, et avec elles les cultures, les identités, les idéaux, mœurs et coutumes qui y sont liés.)

La réforme des retraites n’est pas le sujet qui devrait mobiliser prioritairement les Français

Soit, c’est donc important, le social. La réforme des retraites, qui occupe l’intégralité de notre vie politique et, plus encore, médiatique depuis deux mois, est inique, en effet, et il est donc sain de s’y opposer comme le font, dans la rue, tant de Français et, selon les sondages, l’immense majorité de nos compatriotes. Au reste, ce n’est certainement pas le plus important. D’un modèle économique, on peut toujours sortir ; même les pays qui ont hélas connu la dictature communiste – et tout prouve que le communisme est forcément dictatorial –, dont les fondements ont été constamment violentés par les soviets, sont parvenus, après la chute de l’URSS, à reprendre le fil de leur histoire – non sans d’inguérissables blessures, certes, tant le communisme a, partout, méthodiquement détruit, et pour se jeter ensuite, malheureusement, dans les bras de l’Amérique et ses « valeurs » – la mondialisation n’est jamais que l’autre nom de l’américanisation du monde, son alignement sur le modèle américain. L’économie ne modifie pas l’essence des nations. L’immigration et le transhumanisme, eux, le font, et ils sont justement en train de le faire en ce moment en Occident.

Que la gauche se « mobilise », comme elle aime à dire – elle qui n’est que « lutte », « combat », « mobilisation », « engagement » – contre la réforme des retraites, c’est logique. Que la droite, ce zombie idéologique, tortille des fesses, c’est dans sa nature. Mais que l’extrême droite, c’est-à-dire les patriotes, le fasse aussi, et aussi massivement, voilà qui dépasse l’entendement. Des patriotes qui le font par calcul, dans l’espoir de provoquer le chaos, je peux l’entendre, car il est certain que seul un événement pourra sauver la France, et l’Europe – il ne faut rien attendre des urnes, bourrées par le Système. La majorité des patriotes arpentent sincèrement les rues, cela dit. Bill Gates, Elon Musk, Jeff Bezos, tous les milliardaires-laborantins qui s’amusent actuellement avec les peuples, les hommes, les femmes, la biologie, cela n’intéresse pas les droitards. Et l’immigration ? Oh, oui, ils en parlent, ils en ont même plein la bouche, mais lorsqu’il s’agit de manifester contre elle, de risquer de prendre une tarte ou à tout le moins une bombe lacrymo, il n’y a (presque) plus personne. C’est pitié, révoltant que de voir tant des nôtres défiler contre la loi portée par Dussopt et Borne.

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J’écris moi-même beaucoup, notamment ici, sur l’immigration. Parce que je pense qu’à court terme, elle est bien sûr la principale menace qui plane sur la France et, plus largement, l’Occident – malgré sa vaillante résistance, même l’Europe de l’Est commence, sur les injonctions de l’Union européenne, Soros et Netflix, à « s’ouvrir » aux inépuisables richesses de la « diversité ». L’islamisme est une menace mortelle, et plus il gagne de terrain, plus nos élites se vautrent dans le déni, n’hésitant pas, par exemple, à accabler l’extrême droite après chaque attentat islamiste. Par-delà l’idéologie, c’est la démographie qui tranche : si rien ne change en la matière, d’ici deux générations tout au plus, l’Europe de l’Ouest sera majoritairement peuplée de musulmans. Et mon petit doigt me dit que, après s’être servis de notre fameux Etat de droit, c’est-à-dire de juges abusant systématiquement de leur pouvoir, et de la « convergence des luttes » prônée par les gauchistes, les islamistes imposeront un droit fort différent de celui que nous connaissons et jetteront les gauchistes dans la Seine – comme ils l’ont fait partout où cette alliance a déjà eu lieu, par exemple en Iran. Mais à moyen et long termes, le transhumanisme est un danger infiniment plus grave. Les deux phénomènes sont d’ailleurs liés ; immigration africaine massive et continue et transhumanisme s’inscrivent tous deux dans la même conception de l’Homme réduit à de la matière humaine. La « convergence des luttes », qui fait rire au premier abord, consacre en fait cette dialectique mortifère. Elle peut également être stratégique : nul doute que certains progressistes utilisent l’islam, son orgueil et sa violence ataviques, comme un bélier pour briser tout ce qui, chez nous, en nous, s’oppose au pathétique individualisme dont ils sont les champions.

Résistance du bon sens

Selon les sondages, donc, au moins 70% des Français s’opposent à la réforme des retraites. C’est exactement la même proportion de Français qui, quand on les interroge sur ce point, réclament un arrêt total de l’immigration non-européenne, l’expulsion des clandestins et des délinquants étrangers. Dans le premier cas, on le voit bien, le Pouvoir « l’entend » à tout le moins ; dans le second, on ne le constate qu’un peu, et seulement dans les urnes et Twitter, et ce même Pouvoir s’en désole en brodant sur les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire. Et il est certain que, si on demandait aux Français leur avis sur les lois dites sociétales, et sur la « transition de genre », c’est-à-dire le changement de sexe, et sur l’interruption médicale de grossesse (IMG), et même sur l’euthanasie, du moins celle des adolescents, et sur l’intelligence artificielle (IA), dont les récents progrès ont peu intéressé les « sachants » alors même que l’IA nous fait entrer dans rien de moins qu’une nouvelle ère, un paradigme parfaitement nouveau et terrifiant, une immense majorité d’entre eux s’opposerait aussi frontalement. Le Progrès est toujours une avant-garde ; quoiqu’il en dise, il est donc par définition fâché avec la démocratie. Face à la résistance du bon sens, c’est-à-dire des principes moraux les plus élémentaires, il s’embarrasse d’ailleurs de moins en moins de ce que pensent « les autres », qui sont au reste un « enfer » selon l’affreuse formule de l’un de leurs maîtres à penser, Sartre – c’est à se demander, d’ailleurs, si l’on se place sur un autre plan, celui de la psychologie, si l’hystérie progressiste – et le féminisme en particulier – ne cherche pas, dans l’islam, un sauveur à travers la virilité qu’il manifeste et assume et qui, seule, peut justement calmer l’hystérie – Charcot et Freud ne diront pas le contraire.

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Bien sûr, la gauche a bien manigancé. Ultra-minoritaire dans le peuple mais hégémonique au sommet, elle a bâti un sidérant appareil juridique afin de punir la simple critique des préceptes qu’elle impose avec la sévérité d’une professeure de maths « célibattante » militant à la Ligue des droits de l’homme ! Elle étend sans cesse l’acception des mots dont elle habille le débat public. Refuser l’immigration ? Du racisme. Etre contre le mariage gay ? De l’homophobie. Des lois toujours plus dures viennent frapper ceux qui sentent bien que le Progrès nous mène d’abord à la dépossession, ensuite à la disparition, enfin au néant. Je n’ignore pas cela, mais j’aimerais que les patriotes se bougent – ce qui n’est pas évident quand on se dit de droite et qu’on cultive, médiocrement, un individualisme qui n’a au fond rien à envier à celui de nos adversaires politiques – davantage contre chacune de ces lois scélérates, à l’instar de celle, en cours, sur l’euthanasie ou celle, passée complétement inaperçue alors qu’elle est purement criminelle, sur l’IMG. Où sont les appels ? Les manifestes ? Les marches ?

Dieu fasse que, bientôt, enfin, des millions, des dizaines de millions de Français et d’Européens manifestent dans les rues de tout le continent pour reprendre la civilisation qu’on leur a volée et cette âme que d’aucuns, qui ne savent du reste faire que cela, vendent par pans entiers.

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Me Hervé Temime: respect!

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L’avocat est mort à l’âge de 65 ans. Il avait été hospitalisé, le 24 février, après avoir éprouvé une douleur au cœur lors des obsèques de Pierre Haïk. Le souvenir de Philippe Bilger.


Les meilleurs partent et laissent la Justice et la morale orphelines. Jean-Louis Pelletier il y a quelques mois, Pierre Haïk il y a peu puis Hervé Temime le 10 avril, l’émotion née du décès du deuxième n’ayant pas été sans incidence sur la mort du dernier. Je n’ai jamais appartenu au premier cercle des amis en quelque sorte historiques d’Hervé Temime, qu’une complicité des origines, de la durée des fraternités professionnelles et humaines, des expériences et des bonheurs partagés réunissait. Pour ceux qui comme moi avaient été liés à lui principalement grâce à une même passion pour les joutes judiciaires et l’art de la conviction et du verbe, il n’était jamais dans l’exhibitionnisme du sentiment mais en même temps, quand il était sûr de votre attachement, son amitié à lui, roide mais si solide, ne vous manquait jamais. Ce n’était pas lui qui aurait, quand on avait besoin de son aura et de son talent, fait passer avant, des opportunités de carrière et des frilosités clientélistes. Il était immédiatement présent et acceptait même de n’être pas le premier de cordée.

Intelligence et profondeur

Quand poursuivi par Philippe Courroye pour certains extraits du Mur des cons j’ai eu l’honneur d’être défendu par deux cracks du barreau, François Saint-Pierre principalement et Hervé Temime en brillant complément, ce dernier n’a pas hésité une seconde à assumer ce rôle. Et le tribunal correctionnel de Lyon, grâce à eux deux, m’a relaxé.

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Le 22 novembre 2013, il a été le premier avocat – et ce choix était indiscutable – à se soumettre à mon questionnement (« Bilger les soumet à la question« , vidéo ci-dessous) et a été confirmé alors ce que je savais de lui, l’admiration que j’éprouvais pour son esprit, son intelligence, sa profondeur, la qualité de son argumentation d’une honnêteté scrupuleuse et d’une justesse absolue.


J’aimais chez lui, fond et forme confondus, la maîtrise de son indignation jamais libérée de manière insultante, la finesse de ses analyses et de ses dénonciations qui par exemple ne le conduisaient jamais à s’abandonner à la facilité de condamnations globales, que ce soit à l’encontre de la magistrature ou pour d’autres causes qui lui tenaient à cœur. En particulier le respect de la présomption d’innocence et la détestation des médiatisations vulgaires seulement inspirées par le narcissisme. Paradoxalement, quelques années plus tard, une étrange preuve de son amitié m’a été donnée quand lors d’un procès criminel à Paris, pour une affaire gravissime, il a interrompu trop vite sa plaidoirie et qu’il m’a avoué après que notre lien personnel l’avait gêné. Son client avait été condamné alors qu’il plaidait l’acquittement. En appel, à Créteil, on m’a dit qu’il avait été éblouissant durant trois heures et il avait obtenu ce que la cour d’assises lui avait refusé à Paris. Entre ces moments forts, je me souviens de rencontres où un jour il m’a demandé mon avis sur un dossier qui le préoccupait. Je me rappelle aussi quelques trop rares dîners où il demeurait le même que dans son existence judiciaire, chaleureux, enthousiaste, lucide, sans complaisance mais jamais gangrené par ce vice qui atteint les familiers de la chose criminelle et de la Justice pénale en général: le relativisme, la désinvolture, presque le cynisme.

Un ténor du barreau, un vrai

J’évoque des dîners « trop rares » parce que la vie amicale est ainsi faite, pour une nature comme la mienne, que mon empressement, mon impatience à cultiver, à fréquenter certains êtres que j’ai élus paradoxalement les éloignaient de moi. Comme si leur pudeur se rétractait à proportion de mon envie relationnelle. Hervé Temime était à mon égard clairement de ceux-là. Ce n’était pas pour rien que je sentais cette dilection à la fois professionnelle et humaine. Me touchait, au-delà de tout, la certitude, chez Hervé Temime, d’une rectitude morale, d’une intégrité non négociable qui le plaçaient au plus haut degré de mon admiration judiciaire car j’ai toujours considéré qu’il n’existe pas de très grand avocat sans l’obligation à respecter d’une indépassable exemplarité. Hervé Temime devenu avocat si jeune, si précocement, dans l’arbitrage à faire sans cesse entre ce qu’on doit et ce qu’on peut, n’a jamais trahi, ne s’est jamais trahi.

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J’ai perçu comme une véritable offense à l’égard des compétences et des talents irréprochables – les siens, oui – la propension médiatique à mélanger le bon grain avec l’ivraie et à qualifier de ténor n’importe quel conseil venu subrepticement dans la lumière ou totalement dénué, sinon de talent, du moins de moralité. Le terme qui me vient le plus naturellement du monde pour célébrer Hervé Temime qui va tant manquer et à tant de gens si différents les uns des autres, qui va priver une institution de son rayonnement à la fois exaltant et critique, est celui de respect. Henri Leclerc, Thierry Herzog, Jacqueline Laffont, Eric Dupond-Moretti (s’il revient vers ce pour quoi il est fait) demeurent heureusement, en matière pénale, mais nul doute qu’une immense place est vide à leur côté. Mon cher Hervé, la tragédie de ta disparition m’autorise les élans du cœur: je vais te regretter infiniment.

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Gauche côtelette contre gauche quinoa

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Réélu triomphalement à la tête du PCF, lundi 10 avril, lors du 39e congrès du parti à Marseille, avec 80,4% des voix, Fabien Roussel fait grincer beaucoup de dents à gauche.


Comme beaucoup de Français, Roussel en a soupé de la Nupes. Il y a désormais la gauche Roussel et la gauche Mélenchon. Et ce n’est pas le grand amour. 

Revenons d’abord sur la tambouille politique actuelle : Fabien Roussel appelle à un nouveau Front Populaire, ce qui revient à débrancher la Nupes qu’il a jugé dépassée dans un entretien publié dans L’Express. À Marseille, où se tenait le grand congrès du PCF, aux cadres qui jugeaient dans Le Monde irresponsable de jeter la Nupes avec l’eau du bain, il a répondu: « Il ne s’agit pas de jeter le bébé avec l’eau du bain, mais il faut quand même bien changer l’eau de temps en temps ! » Dans le même temps, le Sécrétaire national du PC tend la main à Bernard Cazeneuve ; il dispute donc le leadership de Jean-Luc Mélenchon à gauche. Crime de lèse-majesté !

La Nupes, tu l’aimes ou tu la quittes

Derrière toutes ces bisbilles tactiques et politiciennes, il y a de vraies divergences de fond. Quelques phrases du discours de Roussel, notamment, ont particulièrement agacé les Insoumis : « Ils ont mis la France sur le Bon Coin, ils ont signé des traités de libre-échange à tour de bras, ils ont transformé nos frontières en passoires, ouvert la France aux quatre vents, aux marchands et à la finance (…) ils ont laissé filer nos usines et ils reviennent aujourd’hui la bouche en cœur en nous parlant de souveraineté, souveraineté, souveraineté… »

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La mélenchosphère s’étrangle sur son thème préféré : voilà l’extrême droite ! « Rouges-bruns no pasaran » , tweete par exemple le documentariste David Dufresne. «Quitter la Nupes pour le RN, j’étais pas prêt », s’agace un autre. En somme, Fabien Roussel, c’est le coco-facho !

Mais pourquoi donc son plaidoyer pour la souveraineté choque-t-il tant les Insoumis? 

Même s’il s’adresse en théorie à Emmanuel Macron et à la droite, ces accusations d’avoir bradé la France et son industrie valent très largement pour toute la gauche post-mitterrandienne, laquelle s’est jetée à corps perdu dans la mondialisation financière. C’est sous le pouvoir de cette gauche que la grande braderie s’est en grande partie tenue. Elle a effectivement laissé filer nos usines à l’étranger.

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D’après les soutiens de Fabien Roussel, par ailleurs, ce qu’il a voulu dénoncer dans son discours, c’est la libre-circulation des marchandises, bien sûr. Mais, le véritable enjeu de la discorde à gauche, c’est évidemment la question migratoire, la libre circulation des personnes. Roussel, c’est aussi la gauche du bulldozer de Vitry. Souvenez-vous, en 1980, quand Paul Mercieca, le maire communiste de cette commune, avait participé au saccage d’un foyer de travailleurs maliens pour protester contre l’immigration massive. En somme, alors que Jean-Luc Mélenchon drague le vote musulman, Fabien Roussel entend parler aux classes populaires de souche, au peuple old school (comme l’appelle Michel Onfray) que la gauche a abandonné au RN car il n’était pas assez multiculti, pas assez progressiste, pas assez moderne… Fabien Roussel pourrait donc demain disputer à Marine Le Pen cette France des sous-préfectures. Il ne lui reste plus qu’à abandonner le mot communisme ; d’abord, parce qu’il est tâché de sang ; ensuite parce que les Français veulent réguler le capitalisme, mais pas rompre avec lui. Pour le reste, il a raison. La gauche côtelette a bien plus d’avenir que la gauche quinoa.

«Ce qu’a fait Joris Hébrard, c’est tout ce que mon parti combat et dénonce»

Concurrence de Reconquête, réforme des retraites, euthanasie, ramadan pendant les matchs de foot… Causeur s’est entretenu avec Pierre-Romain Thionnet, le nouveau chef du mouvement de jeunesse du Rassemblement national.


Causeur. Votre mouvement politique est opposé à la réforme des retraites du gouvernement. Demander aux Français de travailler deux petites années de plus, est-ce leur demander un effort insurmontable ?
Pierre-Romain Thionnet. Ce sont deux petites années de plus qui se rajoutent aux effets de la réforme de Marisol Touraine et auxquelles viendront se rajouter deux petites années de plus dans cinq ans, puis très certainement deux supplémentaires dans 10 ans ! C’est une logique sans fin, qui consiste à repousser l’âge de départ à la retraite alors qu’il y a d’autres leviers qui ne sont pas utilisés… Nous ne résolvons pas en profondeur et de manière structurelle les problèmes de l’équilibre du système des retraites.

Quels leviers, exactement ?
Je sais qu’il y a une petite musique journalistique qui tend à affirmer que le RN n’aurait pas assez pris la parole sur ce sujet des retraites. Pourtant, pendant des mois, les députés du parti auquel j’appartiens n’ont eu de cesse de parler de la natalité française, de la productivité ou de la réindustrialisation. Les réponses structurelles au déséquilibre temporaire des retraites sont à aller chercher-là.

Le RN en parle peut-être, mais cela n’est pas repris dans le débat public.
Je crois tout de même que nous avons été entendus. Il suffisait de voir les cheveux de Sandrine Rousseau se dresser sur sa tête, parce qu’on avait osé parler de la natalité et, en effet, osé parler des femmes et des enfants ! La gauche ne supporte pas qu’on mette ces sujets sur la table. Elle a diabolisé et fascisé ce débat, alors qu’il est fondamental pour tout retour à l’équilibre de notre système des retraites. La députée EELV a quand même enjoint notre groupe parlementaire à « lâcher nos utérus » en plein hémicycle ! Puis, Mathilde Panot de LFI est montée au créneau. Et enfin, Fabien Roussel du PCF a cru malin de pétainiser le débat en le ramenant à « Travail, Famille, Patrie »…

Si vous êtes militant au RN plutôt qu’à « Reconquête ! », est-ce parce que ces questions sociales vous intéressent davantage que les questions identitaires ou sociétales ?
« Reconquête ! » prétend avoir le monopole sur les questions immigration et identité. Mais c’est oublier un peu vite que le Front national a mis ces sujets-là en avant depuis 50 ans ! Éric Zemmour a peut-être employé un mot différent pendant la campagne présidentielle – le grand remplacement – mais sur les programmes proposés, il n’y avait pas de différence majeure. Alors, quelle est la plus-value réelle de Zemmour et de « Reconquête ! » sur ces questions ? Fondamentalement, il emploie des mots différents pour des propositions identiques aux nôtres. Maintenant, oui : il y a la question du social qu’il a largement négligée, et probablement s’en mord-il un peu les doigts maintenant. Dans le même temps, on peut lire à présent çà et là que Jordan Bardella aurait une ligne plus identitaire que Marine Le Pen. En réalité, selon moi, identité et social, ce ne sont pas deux lignes avec des curseurs où plus on mettrait d’identité, moins il y aurait de social. C’est ce qu’a bien compris Marine et qui fait la force du RN. Surtout, la stratégie d’« union des droites » se construit seulement face à la gauche, alors que mon adversaire principal et celui du RN est Emmanuel Macron et son monde, le macronisme.

Vous dites que vous voulez nous sortir du modèle libéral-macroniste. Par quoi le grand-remplacez-vous ? Et que doit faire notre pays quant à ses engagements européens ?
Il y a une tendance qui consiste à dire qu’en France, il n’y aurait pas vraiment de libéralisme, qu’il n’existerait pas vraiment. Pardon, mais il me semble que dans les décisions politiques de tous les derniers mandats présidentiels, de gauche comme de droite, on retrouve quand même cette notion. Emmanuel Macron est une forme nouvelle du libéralisme, et ne pas le voir et le combattre comme tel est une erreur politique et intellectuelle. Disons en tout cas que la priorité est systématiquement donnée à l’économisme, aux lois du marché, et qu’il n’est jamais question de remettre en cause le modèle de libre échange mondial. Il n’y a de petites remises en causes que lorsque surviennent des crises extérieures terribles auxquelles on est obligé de s’adapter – le Covid, la guerre en Ukraine, des chaines de valeurs mondiales qui sont perturbées en approvisionnement… Mais à chaque fois, la France ne fait que subir ou s’adapter.
Au RN, nous proposons de revenir à une forme de protectionnisme, qui prendrait tout son sens dans un grand nombre de secteurs de notre économie. En y ajoutant la question écologique du localisme, nous offrons un tout cohérent permettant de contrebalancer le modèle du libre-échangisme actuel. Ce dernier a déjà sérieusement pris du plomb dans l’aile, les crises extérieures ont montré à nos dirigeants que le système était défaillant. Et des contre-modèles émergent, regardez la Chine, qui est en train de donner naissance à une bimondialisation. Cette crise de la mondialisation libérale va se poursuivre d’elle-même, les Français seront obligés de s’y adapter, donc il faudrait mieux l’anticiper, la préparer plutôt que de la subir.

A lire aussi, Céline Pina: Mélenchon/Le Pen, un match déjà plié ?

Attendez. Selon vous, le libéralisme, c’est la mondialisation ?
Non. Le fait d’échanger avec le lointain, je ne crois pas que le libéralisme l’ait inventé. La particularité de la mondialisation telle qu’on la connait depuis les années 80, c’est le fait que les échanges soient déterritorialisés, qu’il y ait un monde parallèle qui se construise au-dessus des États politiques… C’est ce qu’on appelle la deuxième mondialisation.
Il y a un grand sujet avec la mondialisation, avec la délocalisation de nos industries, que certains résument et caricaturent en menant seulement une croisade antimilliardaires, avec comme bouc-émissaire Bernard Arnault. Je ne fais pas partie de cet antilibéralisme-là ! En revanche, à l’occasion de la crise et de l’inflation, nos députés ont proposé une taxation exceptionnelle des superprofits des grands groupes énergéticiens ou de transport, profits qui n’ont pas été réalisés par le mérite mais parce qu’il y avait des profiteurs de guerre, tout simplement. En France, on l’a seulement appliqué sur une partie des bénéfices de Total. Évidemment, la Nupes n’a pas suivi nos propositions, parce que ce sont nos députés qui les avaient proposées !

Jordan Bardella et Pierre-Romain Thionnet D.R.

Vous avez pris la direction du Rassemblement national pour la jeunesse fin 2022. Quel est votre parcours et quels sont vos objectifs ?
Je viens des montagnes du Jura, en Franche-Comté, où j’ai eu une enfance liée au ski nordique et au biathlon, le sport local, que j’ai pratiqué à haut niveau jusqu’à mes 22 ans. J’ai passé un Bac ES en section sport, puis j’ai fait une licence d’histoire par correspondance pour poursuivre mon entrainement. J’ai ensuite fait deux années de master à Paris, en me spécialisant en histoire militaire et stratégie militaire. Concernant la politique, en arrivant dans la capitale, en 2014, j’étais curieux de tout et participais notamment chaque semaine aux conférences du Cercle Aristote, le lundi, où j’ai rencontré beaucoup de monde. En 2015 s’est créée à Assas la Cocarde Étudiante, j’ai vite rejoint la branche de la Sorbonne avant de devenir officieusement puis officiellement le secrétaire général du mouvement national de 2016 jusqu’en mars 2022. Très vite, je me suis occupé du cercle de conférences, des communiqués, j’ai écrit des articles à droite à gauche. C’est en 2018 que je fais véritablement connaissance avec Jordan Bardella, dont je deviens l’assistant au parlement européen. Je travaille avec lui depuis trois ans, et c’est lui qui m’a proposé de reprendre le mouvement des jeunes au RN. Ma première décision est d’abandonner le nom « Génération Nation », qui ne prenait pas. Nous avons trois objectifs : restructurer le mouvement à l’échelle nationale. Depuis août, le tiers des nouveaux adhérents du RN a moins de 30 ans ! Cela fait beaucoup de monde. Jordan Bardella a donc décidé de faire du mouvement de jeunesse une priorité politique. Le deuxième objectif consiste à bien intégrer ces nouveaux adhérents, tout un travail est déployé au niveau départemental. Enfin, le plus important, c’est la formation, on propose deux fois par mois un forum national pour les jeunes, on a un cercle de conférences internes, et il y a aussi le lancement du Campus Héméra, inauguré par Jordan Bardella et le politologue Jerôme Sainte-Marie, lequel s’adresse à tous les militants, mais où les jeunes ont bien sûr toute leur place.

Le mois dernier, la couverture du magazine L’Incorrect a fait beaucoup jaser, chez les LR, parce qu’on vous y voit, à côté du président des jeunes LR, Guilhem Carayon, et de celui de « Génération Z », Stanislas Rigault, couper le cordon sanitaire à droite, chose que les anciens LR ont toujours refusé de faire. Il a été écrit çà et là que vous étiez tous les trois amis dans la vie, est-ce vrai ? Pensez-vous que Carayon s’est fait piéger avec cette couverture ?
Avant de vous répondre, une petite parenthèse, je précise bien évidemment qu’aux trois objectifs donnés dans la question précédente, il y a bien sûr aussi, dans mes missions au RNJ, cet aspect de concurrence : capter les forces militantes des partis politiques concurrents, même si les choses se font plutôt naturellement derrière la force dominante que nous représentons. Les gens imaginent des ponts seulement entre « Reconquête ! » et le RN, mais les ralliements se font plutôt du côté des jeunes LR, en ce moment… Quant à ceux qui sont partis du RN pour « Reconquête ! », ils sont souvent partis avec des mots assez durs, donc ils ne reviennent pas forcément. Fin de la parenthèse !
Amis, c’est peut-être un mot un peu fort, mais je m’entends très bien avec eux, même si je ne les vois pas toutes les semaines, et même si on ne se donne pas non plus des nouvelles tous les quatre matins. Je connais bien Stanislas Rigault, il avait lancé L’Étudiant libre, au début c’était d’ailleurs la Cocarde qui invitait L’Étudiant libre pour aider ce journal à l’occasion de nos conférences, on faisait un peu leur publicité, on a un peu aidé à les lancer… Quant à Guilhem Carayon, c’était mon adversaire à l’Université, puisqu’il était le représentant de l’UNI à la Sorbonne. Mais c’était une rivalité plutôt sympathique. Personne n’a été « piégé » : le débat à trois était assumé. Simplement la rédaction de L’Incorrect a choisi de nous mettre en couverture, avec la photo où nous apparaissions comme les plus complices. Si j’avais été dans la rédaction de L’Incorrect, j’aurais fait pareil !


Reste que l’union des droites, c’est en contradiction totale avec la ligne de Marine Le Pen… Vous a-t-on reproché cet entretien en interne ?
Non, pas reproché, mais j’ai pu voir quelques tweets qui se demandaient si c’était notre ligne… Telle que la une de L’Incorrect est présentée, peut-être que c’est en contradiction avec la ligne du parti, mais, de toute façon, en lisant le long échange publié, il est clair que je prends mes distances avec cette stratégie de l’union des droites, et même avec le fait que le clivage gauche / droite soit le clivage politique central en France. Je critique tout ça dans l’entretien, donc s’il pouvait y avoir des doutes avec la couverture, il n’y en a plus tout dans les colonnes ! Une fois que les gens ont lu l’article, ils ont bien vu également que sur la question des retraites ou du social, j’étais bien en opposition avec les deux autres, et qu’il n’y avait donc pas d’ambiguïté. En revanche, oui, j’ai pu dire et je peux redire qu’on appartient au même camp, ce que j’appelle le camp national. Sur la défense de l’identité de la France, et l’opposition à la politique migratoire, oui: on a les mêmes positions. Et ce sont des questions fondamentales.

Sur l’agit prop, nous avons l’impression que la « Génération Z » fait souvent plus parler d’elle que le RN !
C’est peut-être parce que lorsqu’on n’a pas la parole sur la place publique (peu de présence médiatique, pas de représentation à l’Assemblée), il faut faire plus d’actions coup de poing dans la rue et sur les réseaux sociaux pour attirer la presse. Le mouvement de jeunesse du RN a peut-être le luxe de ne pas avoir à trop le faire ; peut-être que si nous n’avions pas ou très peu de députés à l’Assemblée, et moins de présence sur les plateaux télés, nous chercherions à faire la même chose. Mais ce n’est pas ce qu’on me demande, et je ne pense pas que ce soit notre intérêt.
On s’attache actuellement plutôt à la formation et à la structuration du mouvement de jeunesse, comme je l’évoquais, ce qui n’était pas forcément la priorité ces dernières années.

Quelle position le RN entend-il défendre, concernant les projets d’Emmanuel Macron sur l’euthanasie ?
On attend déjà de voir le projet, car avec Emmanuel Macron on ne sait jamais. Jordan Bardella va défendre la ligne d’une troisième voie française, c’est à dire le développement des soins palliatifs. Quand on regarde les enquêtes d’opinion, et qu’on y pose aux Français la question « Préférez-vous souffrir ou avoir le droit de mourir rapidement sans souffrir ? », forcément les sondeurs parviennent facilement à affirmer que les Français sont pour l’euthanasie. Mais, si on demandait aux Français s’ils préfèrent ne pas souffrir et vivre le plus longtemps possible, je pense que c’est évidemment cette offre-là qu’ils choisiraient.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Les grosses ficelles macroniennes ne fonctionnent plus, la rue ne se taira pas de sitôt

Votre député, Joris Hébrard, renonce à son mandat suite à la polémique de l’inauguration d’une mosquée. Pourquoi n’a-t-il pas été immédiatement exclu du groupe RN ?
Je ne sais pas quelles sont les conditions exactes du départ du député. Ce qu’a fait ce député, c’est tout ce que mon parti combat et dénonce. Dès que Marine Le Pen a eu vent de cette inauguration, elle a fait savoir son total désaccord avec l’initiative du député, et a annoncé que les instances du parti seraient convoquées. C’est ce qu’a dit Jordan Bardella aussi, et le bureau exécutif a ensuite prononcé un blâme. Cette décision me convenait. Chez nous, c’est l’étape juste avant l’exclusion. Mais il y avait aussi les propos de son chef de cabinet qui m’avaient encore davantage choqué ; il expliquait qu’il fallait se faire à tout ça, que la France changeait de visage… En l’occurrence, lui n’étant pas membre du RN, on ne pouvait le sanctionner.

À propos des instructions données par la FFF aux arbitres sur le ramadan, vous avez écrit : « La soumission, ça commence par accepter des petits gestes de bienveillance et de partage comme une toute petite gorgée d’eau. Il ne faut rien céder. » Laisser une minute à des croyants pour boire, ça ne peut pas être un petit accommodement raisonnable, selon vous ?
Non, je pense que c’est mettre le doigt dans un dangereux engrenage. Et concernant l’islamisme et le voile, ce n’est pas la première étape, puisqu’il a déjà été question du voile pour certains matchs, puisque nous avons des associations communautaristes qui revendiquent le droit de le porter dans les compétitions internationales, que les burkinis font régulièrement leur apparition autour de nos piscines municipales etc. C’est la petite gorgée d’eau dans le cas qui nous occupe ces jours-ci, pour le voile c’est le « petit bout de tissu qui ne change rien », mais c’est toujours cette argumentation très dangereuse, et cette même religion qui entend qu’on modifie les règles sportives juste pour elle. Je pense qu’il faut être très ferme là-dessus et ne pas se laisser avoir par la relativisation. Il faut tuer tout ça dans l’œuf. La FFF est courageuse, mais je note qu’on n’entend pas le gouvernement, évidemment.

Vous avez sûrement du entendre parler du recrutement parallèle de la Cocarde étudiante, sur le canal raciste Telegram FRdeter. En tant qu’ancien de la Cocarde, reconnaissez-vous ces dérives ?
J’ai vu le thread Twitter dont vous parlez, et j’ai vu qu’en effet un membre de la Cocarde, lycéen à Lyon, était concerné. J’ai immédiatement envoyé au responsable de la Cocarde l’information. De manière générale, sur ce groupe-là, je pense que c’est typiquement ce qui doit être critiqué et dénoncé ; ces listes de diffusion et ces propos sont totalement nuisibles pour notre combat. En regardant la teneur des échanges en question, ça n’a aucun sens, sauf si ces militants veulent donner l’impression que tous nos jeunes partagent ces idées ! En réalité, ce sont des gens chez eux devant leurs ordinateurs, qui ne militent absolument pas, et qui se permettent de dire les choses les plus terribles. J’imagine que selon eux le RN est un parti de traitres ou de gauchistes. Je me sens éloigné de tout ça, ces militants sont nuisibles à la cause qu’on défend.

Il y a dans votre bureau un portrait d’Antonio Gramsci, ou de Georges Sorel. Les médias disent de vous que vous êtes la bibliothèque de Jordan Bardella. Quelles lectures lui conseillez-vous, et ce statut d’intellectuel ne vous isole-t-il pas un peu au RN ?
J’adore parler de certains auteurs, des livres, c’est vrai. Après, on me désigne seulement comme le « bouquiniste », une noble profession ! Mais, je rappelle que j’ai été candidat aux élections législatives, aux régionales, et que durant toutes mes années étudiantes j’ai distribué et collé un nombre incalculable de tracts et affiches, donc j’aime aussi le terrain. Antonio Gramsci ou Georges Sorel font partie de ces références portées par la Nouvelle Droite, même si il y a aussi des auteurs de gauche qui remettent Gramsci au gout du jour. Parfois, une mauvaise lecture de Gramsci oppose totalement les idées et la politique, et on pense alors qu’il faudrait simplement l’emporter sur le terrain des idées et que le combat politique se gagnerait automatiquement par la suite. Ce n’est pas exactement ce qu’il dit.
Pour ma part, je reste curieux, je ne peux pas me prétendre d’une doctrine particulière, comme les militants d’Action française qui ont pour eux la doctrine maurrassienne pur jus, par exemple. Disons que je préfère piocher dans les différentes écoles ; cela a longtemps été parmi les auteurs souverainistes, la référence du gaullisme étant absolument formatrice. Ensuite sont donc venus les apports de la Nouvelle Droite, avec la critique de la mondialisation libérale, mais aussi la possibilité de parler de l’écologie en la reliant à la civilisation européenne… Et après, enfin, des auteurs plus liés au droit et la politique, comme Carl Schmitt ou Julien Freund sur la conflictualité du politique, la nécessité de faire primer le rôle du politique sur le juridique ou l’économique…


Les auteurs remercient Alix Fortin pour la retranscription des échanges.

Mélenchon/Le Pen, un match déjà plié?

Faute d’alternative possible, nous sommes dans une impasse politique. Incapables de se coaliser, le RN et LFI se neutralisent l’un l’autre et sont les meilleurs alliés du président de la République. Tant que le plafond de verre tient. Mais la présidente du RN a le vent dans les voiles.


La dispersion des voix aux extrêmes du spectre politique rend impossible la formation d’une coalition d’alternance ; même si le soutien au pouvoir en place s’amenuise, les oppositions sont réduites au rôle de minorité de blocage. Dans cette configuration, le RN a longtemps été diabolisé, tandis que LFI a été épargnée au nom de son appartenance à la gauche. Pourtant, dans son ensemble, la gauche s’est montrée incapable de tirer profit d’une conjoncture qui aurait dû lui être favorable. Depuis que pèse sur elle l’ombre de Mélenchon, son image ne cesse de se dégrader. En octobre 2022, et pour la première fois, un parti de gauche est vu comme plus dangereux pour la démocratie que le RN. Selon le sondage « Fractures françaises » Ipsos/Fondation Jean-Jaurès, 57 % des Français déclarent LFI dangereuse pour la démocratie contre 54 % qui désignent le RN.

Dans ce même sondage, qui interroge sur la vision de société que prônent les partis, le RN fait quasiment jeu égal avec les formations politiques dites de gouvernement. Ainsi 32 % des Français adhèrent au modèle de société que le RN propose quand la proportion s’élève à 33 % pour LR, 34 % pour LREM, 33 % pour EELV et 32 % pour le PS. Seule LFI décroche, sa vision de société n’étant jugée positive que par 24 % des citoyens. De la même manière, si 53 % des sondés jugent la forme d’opposition de LFI trop radicale, ils ne sont que 29 % à dire la même chose du RN. Et quand on les interroge sur l’attitude des partis d’opposition à l’Assemblée nationale, le RN arrive en tête de la respectabilité avec 35 % de satisfaits, alors que LFI est bonne dernière avec 24 %. La stratégie de dédiabolisation du RN qui passe par la maîtrise du comportement de ses députés et le contrôle des prises de parole paie visiblement plus que le choix du chaos et de la violence verbale qui caractérisent les élus de LFI. Ainsi, lors du vote de la motion de censure sur la réforme des retraites, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, a sorti la sulfateuse et vidé son chargeur verbal sur chacun des groupes de l’opposition au palais Bourbon, mais n’a pu reprocher à l’extrême droite que son silence, la qualifiant de « mime Marceau ».Un reproche un peu léger quand on sonne les grandes orgues du fascisme à la moindre élection pour disqualifier le vote RN.

Le Pen vs Mélenchon : deux personnages clivants

Ces constats sont encore renforcés par le sondage IFOP/Fiducial pour Sud Radio du 3 mars 2023, qui interroge les Français sur l’image comparée de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen. Le différentiel entre les deux est très marqué : 10 à 15 points les séparent sur chacune des questions, et toujours en faveur de Marine Le Pen. Cependant, les deux dirigeants sont quasiment à égalité sur un point, l’inquiétude qu’ils suscitent dans l’opinion (Marine Le Pen inquiète 37 % des Français, Jean-Luc Mélenchon, 35 %). En revanche, quand il s’agit de savoir qui défend le mieux les intérêts de la France, la leader du RN est créditée de 38 % d’opinions favorables alors que le chef de la France insoumise est à 17 %. Il en va de même pour l’attachement aux valeurs démocratiques (33 % contre 21 %), la capacité à rassembler les Français (30 % pour l’une, 18 % pour l’autre), la compétence (31 et 18 %), le fait de porter une vision pour le pays (35 et 17 %)… Quant à savoir qui incarne le mieux l’opposition à Emmanuel Macron, Marine Le Pen plie encore le match par 41 points contre 23 à son adversaire.

Même la fièvre sociale qui met une partie de la population dans la rue ne sert pas la gauche. Selon le sondage IFOP publié dimanche 26 mars dans le JDD, si les législatives avaient lieu maintenant, seul le RN tirerait son épingle du jeu, passant de 21 à 26 % des voix. Il est le seul parti à enregistrer une évolution positive notable. Renaissance suivrait le chemin exactement inverse, passant de 27 à 22 %. Ce que Renaissance perd, le RN l’engrange. Côté Mélenchon, en revanche, rien ne bouge, LFI reste à 11 %. Quant aux autres formations politiques, elles stagnent. On comprend que dans ces conditions, envisager une dissolution serait suicidaire pour le pouvoir.

Le RN en pôle et en gain d’influence

La dynamique politique est donc incontestablement favorable au RN. Pour autant, le plafond de verre est encore solide. Ainsi le RN est renvoyé à la xénophobie pour 52 % des Français, même si ce résultat est en baisse de huit points par rapport à 2016. En dépit de la dédiabolisation, 70 % des Français considèrent qu’il appartient à l’extrême droite (ils étaient 77 % à penser cela en 2016). Si Marine Le Pen progresse sur tous les items, une majorité de Français continuent à penser que ni elle ni Jean-Luc Mélenchon n’ont la stature d’un président de la République (pour 56 % d’entre eux) ou les compétences nécessaires pour diriger le pays (51 %).

Reste à savoir si la dynamique politique observée va prendre de l’ampleur au point de rebattre les cartes pour 2027. Le blocage actuel et l’absence de perspectives politiques qu’il révèle pourraient-ils donner l’envie aux Français de renverser la table, le RN étant la seule alternative qu’ils n’ont pas essayée ? Irait-on vers une tentative à la danoise (laisser faire le boulot en matière d’immigration à l’extrême droite, puis redonner le pouvoir aux partis traditionnels sans toucher aux lois adoptées) ou le cordon sanitaire va-t-il tenir encore même si le pouvoir est réduit à l’impuissance ? Comme dans un « match point », la balle est sur le filet et nul ne sait encore quand elle va retomber, ni de quel côté. Reste que, d’élection en élection, force est de constater que le RN ne cesse de gagner en influence et en électeurs. Et si la question n’était plus « si » mais « quand » ?

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Darmanin a bien raison de s’interroger sur les subventions accordées à la Ligue des Droits de l’Homme

Pourquoi Gérald Darmanin s’en prend-il à la vénérable Ligue des Droits de l’Homme? L’analyse d’Elisabeth Lévy.


Pourquoi Gérald Darmanin s’en prend-il à la vénérable Ligue des Droits de l’Homme (LDH) ? Peut-être parce qu’elle n’est pas si vénérable que ça !
Lors de ses auditions par les sénateurs et les députés sur le maintien de l’ordre, le ministre de l’Intérieur a critiqué l’action de la LDH. Depuis quelques temps, cette dernière envoie des observateurs dans les manifestations. Ce sont des « observateurs autoproclamés des pratiques policières », a tonné le sénateur LR François Bonhomme. Tout le monde a le droit d’observer, certes, a rappelé Gérald Darmanin, mais ces observateurs n’ont bien entendu aucun statut officiel.
La LDH a aussi attaqué l’interdiction des manifestations non déclarées pour la soirée du 1er au 2 avril, alors même que toutes les manifestations similaires avaient dégénéré en violences précédemment. Concernant Sainte-Soline, l’association est allée jusqu’à attaquer l’arrêté interdisant de transporter des armes. Et, surtout, elle a été à l’origine d’un énorme bidonnage, prétendant que les forces de l’ordre avaient sciemment empêché les secours d’arriver près de la méga bassine pour aider les blessés…

A ne pas manquer, notre nouveau magazine: Retraites, déficits… Fantasmes du peuple, mensonges des élites: Emportés par la foule

Interrogé sur les fonds publics alloués à la LDH, M. Darmanin a osé répondre que la question pouvait se poser. Depuis, toutes les nuances de gauche y vont de leur protestation ; nous assistons à un festival de glapissements sur la liberté d’expression assassinée. Le patron de la LDH, Patrick Baudouin, se demande carrément si nous vivons encore en démocratie.

Les Droits de l’Homme, ça devrait rassembler tout le monde

Oui, mais comme le Port Salut, les Droits de l’Homme, il ne suffit pas que cela soit écrit dessus ! Alors qu’elle est née dans le combat contre l’antisémitisme avec l’affaire Dreyfus, la LDH s’est associée un siècle plus tard au CCIF – organisme dissout depuis – pour persécuter judiciairement l’historien Georges Bensoussan, dont le crime était d’avoir évoqué l’antisémitisme des banlieues sur France culture ! Le seul racisme qui intéresse la LDH, c’est celui des blancs, le seul antisémitisme celui des « fachos ». Le plus triste, c’est que toutes les grandes boutiques antiracistes ont suivi le même chemin vers le racialisme (SOS Racisme, le MRAP, la LICRA…).

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Quand la faiblesse de la police sidère les citoyens, que des policiers sont blessés quotidiennement, sur la page d’accueil de la LDH, que lit-on ? #stopviolencespolicières !

Un nouvel adhérent prestigieux

Derrière le droit évidemment légitime de critiquer la police quand elle transgresse la loi, se cache ainsi une vision très sommaire du monde dominants/dominés, qui est imprégnée par l’idéologie Black Lives Matter, très efficace chez les lecteurs de Télérama. C’est donc une trahison de l’universalisme des Droits de l’Homme au profit d’une vision essentialisée des rapports sociaux. En clair, la LDH n’est plus une association qui se préoccupe des droits de l’homme, mais une officine gauchiste voire islamo-gauchiste parmi d’autres ! D’ailleurs, ils viennent de recruter Edwy Plenel, les veinards.
Bien sûr, la liberté de la LDH est sacrée et je me battrai pour qu’elle puisse continuer de défendre ses idées déplorables. Mais pas avec mes impôts, tout de même ! Nous en avons marre de financer toutes les lubies idéologico-politiques de l’époque. Pour les bonnes œuvres de gauche, j’ai déjà France Inter !

Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio. Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio, juste après le journal de 8 heures.

Car Ferry

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Une chaudière qui a rendu l’âme, ni chauffage ni eau chaude, trois mois de loyer de retard, un mioche à élever dans un clapier pourri, ton ancien mec sans le sou qui te harcèle, une succession de tiers-temps sous-payés: Natacha frise le « cas social ». Elle poinçonne au mur des cartes postales de Naples ou de Florence, et chantonne en italien: « j’ai besoin de toi, tu as besoin de moi » – elle a d’ailleurs appelé son fils Enzo. Mais, décidément bien seule et bien paumée, malgré la proximité de sa mère, la pauvre fille s’en sort pas. Comme elle a cru bon de piquer dans la caisse du café où elle est parvenue à être engagée comme serveuse, elle se fait virer.

Natacha rencontre Walid

On pourrait être à Calais (même si, en réalité, le film a été tourné à Boulogne-sur-Mer): paupérisée, la zone est pleine de ces campements régulièrement démantelés par les CRS pour se reconstituer 200 mètres plus loin. Traqués, soudoyés par les passeurs, des hordes de migrants – Maghrébins, Maliens, Irakiens, Afghans, Soudanais, Syriens… – tentent de traverser la Manche. On se planque dans la soute d’un camion, et advienne que pourra… La route de Natacha croise celle de Walid, un sans-papier irakien désespérant de réunir le pactole qui lui permettra, la chance aidant, de rejoindre clandestinement son frère en Angleterre.

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Toute fauchée qu’elle soit, Natacha a tout de même encore une voiture, pourvue d’un grand coffre. Une idée lui vient: faire le taxi. A prix cassé. Walid prend sa commission, mais fournit le client. Deal conclu, c’est parti pour l’engrenage. Malgré les gros risques encourus de part et d’autre, tout se déroule sans encombre. Natacha prend soin de garder le secret auprès de sa mère secourable, brave retraitée qui prend soin de son petit-fils Enzo quand sa fille instable perd le contrôle. Mais la filière est aux mains d’une mafia locale d’immigrés sans scrupules. L’entreprise Natacha – Walid fait concurrence au réseau bien en place. Si Natacha a pu changer sa chaudière, s’offrir une TV grand écran et régler ses impayés en multipliant les convoyages, elle et Walid commencent à être inquiétés par la petite bande des passeurs « qualifiés », leur chef Ahmet en tête, très menaçant. Mais comment s’arrêter ?

Une histoire qui finit mal

Intéressant, Le prix du passage l’est à plusieurs titres. D’abord en vertu de sa qualité dramaturgique: tout au long du film, le spectateur ne cesse d’anticiper l’instant – inéluctable –  où la combine de Natacha va trouver sa limite et sa résolution, à ses dépens. Jusqu’au dénouement, et de façon parfois inattendue, les péripéties en diffèrent indéfiniment la promesse: le spectateur le sait, ça va mal finir pour Natacha et Walid. Ce qui, combiné à des ellipses bien dosées (la case « prison », par exemple), assure à l’intrigue une certaine tension. Appréciable également, le fait que l’action ne soit, pour une fois, jamais surlignée de manière lourdingue par une musique ou un bruitage  de basses lancinantes, ces poncifs trop habituels de l’actuel cinéma hexagonal : pour une fois, pas de pathos lacrymogène sur l’humaine condition.

Cinéma français, catégorie « amour interracial »

Ensuite, il faut reconnaître un sacré talent à Alice Isaaz pour camper cette jeune femme ordinaire à tous les sens du mot, dans un contre-emploi superbement maîtrisé dont son partenaire, le comédien franco-tunisien Adam Bessa, dans le rôle du migrant roublard au grand cœur, assure quant à lui la réplique de manière crédible. En outre, intelligemment co-écrit par Sophie Gueyden et Pierre Chosson, le scénario se garde à bon escient de tomber dans le mauvais cliché de la romance inter-ethnique.

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Enfin et surtout, et quoiqu’on puisse penser du « happy end » improbable qui fixera, in fine, les deux protagonistes sur les points de chute respectifs dont ils avaient chacun longuement rêvé – elle en vacances en Sicile, lui réfugié en Angleterre avec sa fratrie –  Le prix du passage ne fait nullement l’impasse, ni sur le spectacle de ces campements périurbains qui polluent le territoire, ni sur la précarité économique des autochtones « de souche », paupérisés par un chômage endémique, ni sur la réalité sordide de l’infect trafic humain qui prospère en toute impunité dans cette « jungle » et fait, de ces milliers de pauvres hères réduits à se morfondre dans le cul-de-sac calaisien des Hauts-de-France, une population d’otages rançonnés par leurs propres compatriotes –  flibustiers et négriers de notre temps.

Le prix du passage. Film de Thierry Binisti. Avec Alice Isaaz, Adam Bessa. France, couleur, 1h40. En salles le 12 avril 2023.

Tunisie, l’arroseur arrosé

La Tunisie, terre d’émigration, n’apprécie pas d’être un éden pour immigrés. Les propos de son président qualifiant l’immigration subsaharienne de « plan criminel » sont soutenus par une bonne partie de la population. Ce pays en crise nous rappelle ainsi le vieux racisme des Arabes contre les Noirs ; inconcevable pour nos bien-pensants.


On nous dit depuis des années que l’immigration est une chance. On oublie de nous dire une chance de quoi. Une réponse surprenante à cette question vient d’être apportée par la Tunisie où la présence de quelques dizaines de milliers d’immigrés africains a suffi à réveiller le vieux racisme des Arabes contre les Noirs. Pire, elle a offert à la théorie du grand remplacement une occasion en or de s’exporter au-delà des frontières de l’Europe. C’est à croire que l’immigration est une chance pour la circulation des idées « nauséabondes » ! Moment historique qu’il convient de célébrer : l’homme blanc n’est plus au centre du monde, il a perdu le privilège insigne qui faisait de lui la matrice de tous les péchés de l’humanité ! Le mythe du bon sauvage, si cher à notre intelligentsia parisienne, vient de voler en éclats. Juste pour cela, j’ai envie de dire, avec malice et ironie : « shoukran tounesse ! » (« Merci la Tunisie ! »)

Passages à l’acte racistes

Le 21 février, le président Kaïs Saïed a ouvertement dénoncé un « plan criminel », ourdi depuis une vingtaine d’années, dont le but serait de dissoudre l’identité arabo-islamique de la Tunisie pour en faire un « pays africain ». Kaïs Saïed est allé plus loin en associant les flux migratoires en provenance d’Afrique noire à la « violence et aux crimes ».Tout de suite, des exactions ont été signalées en différents points du pays à l’encontre des Noirs qu’ils soient étrangers ou tunisiens. Plusieurs pays d’Afrique, dont la Côte d’Ivoire et la Guinée (Conakry), ont dépêché des avions pour organiser le rapatriement des ressortissants tentés par le retour.

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Bien entendu, il n’y a aucune raison de se réjouir de la xénophobie et du passage à l’acte des racistes, en Tunisie ou ailleurs. Mais il n’est pas inutile de faire preuve d’une certaine malice pour noter que la Tunisie, terre d’émigration vers l’Europe et la France en particulier, commence à souffrir dans sa chair ce que la France subit depuis des décennies. Devant le surgissement de l’autre, une partie de la population prend peur et se raidit, quitte à commettre l’impardonnable. Après avoir exigé de la France qu’elle ouvre ses frontières, le peuple tunisien se retrouve lui-même dans la position du « beauf » et du « déplorable » craignant d’être dépossédé de son pays. C’est l’arroseur arrosé. Les propos de Kaïs Saïed s’inscrivent en effet dans une musique de fond qui monte depuis des années, attribuant aux immigrés noirs la pénurie de riz et la rareté des emplois. Les réseaux sociaux grouillent d’applaudissements au discours présidentiel et d’une dénonciation acerbe des immigrés subsahariens, une critique largement infondée car ces derniers ne sont pas spécialement concernés par la criminalité ni par un quelconque trouble à l’ordre public. Ils dérangent tout simplement parce qu’ils sont différents, parce qu’ils ne sont pas musulmans et parce qu’ils sont noirs…

Un terreau propice

On ne peut excuser le racisme, mais on se doit d’en comprendre les ressorts. Qu’est-ce qui pousse une partie de l’opinion publique tunisienne à fustiger la présence de quelque 20 000 immigrés africains sur son sol ? Soit une goutte d’eau dans une population de 12 millions d’habitants, assurée de sa suprématie numérique absolue à court et à moyen terme.

Il faut bien commencer à admettre que l’on a affaire à un peuple maltraité, un peuple qui souffre et quand on souffre on peut dire et faire n’importe quoi. Le peuple tunisien sort à peine de la crise du Covid, qui a accentué sa clochardisation en le privant des revenus touristiques. À cela s’ajoutent l’inflation, causée par la guerre en Ukraine dit-on, et les pénuries alimentaires à répétition : riz, lait et semoule. Une clochardisation latente qui avance depuis 2011, l’année de la révolution, qui a débarrassé les Tunisiens de l’oppression politique sans les délivrer pour autant de la misère économique. Bien au contraire. Le pays s’appauvrit à vue d’œil et l’Europe ne fait pas grand-chose pour l’aider alors qu’il s’agit de la seule démocratie du monde arabe, de l’unique transition démocratique réussie au sud de la Méditerranée. Combien de Syrie faudrait-il à l’Europe pour qu’elle comprenne enfin que les Tunisiens ont accompli une prouesse digne d’être encouragée par tous les moyens ?

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Alors, quand deux lumpenprolétariats se rencontrent, l’hostilité survient bien avant la coopération. Quand on a faim, on se crispe sur son bout de pain dur. Il fallait être bien naïf pour croire que les classes populaires tunisiennes allaient accueillir à bras ouverts les immigrés subsahariens. Entre damnés de la terre, on se donne des coups de coude et non des coups de main. Et puis, il y a l’inavouable préjugé des Arabes contre les Noirs. Inavouable en Europe, inavouable dans la bouche de Christiane Taubira ou Rokhaya Diallo, mais parfaitement assumé par l’homme de la rue. La Tunisie, comme le Maroc et l’Algérie, a été un pays d’esclavage où le Noir a été constamment stigmatisé. Il existe une « question noire » en Tunisie. Représentant près de 10 % de la population, les Noirs tunisiens (musulmans et enracinés depuis des lustres) font l’objet à ce jour de remarques vexantes, voire d’une discrimination décomplexée. L’un d’eux, Sami Merzoug, s’est levé dans les années 1960 pour exiger l’égalité et la dignité. Il a été persécuté avant de finir en détention dans un hôpital psychiatrique, comme s’il fallait être fou pour lutter contre le racisme dans la Tunisie de Bourguiba.

Le péché est pardonné

Conscient du séisme qu’il a provoqué, le président tunisien a déclaré le 8 mars dernier : « Je suis africain et je suis fier de l’être. » Il a repoussé toute accusation de racisme, précisant qu’il n’avait d’autre ambition que de garantir le respect de la « légalité », à savoir la lutte contre la seule immigration clandestine. En tout cas, le discours semble prendre au sein des pays africains qui ont réagi avec moins de virulence aux propos du président tunisien que SOS Racisme en France… Le président de la Cedeao, Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, ne peut pas croire que « le président de la Tunisie, le pays de Bourguiba, soit xénophobe ou raciste ». Alléluia !

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Aussi est-il fort probable que les déclarations du président soient vite oubliées au sein du continent noir. Il restera alors à SOS Racisme et aux ONG dites humanitaires de poursuivre les bourreaux des migrants subsahariens : j’ai nommé les passeurs tunisiens, les mafieux libyens, les trafiquants bédouins du Sinaï, entre autres négriers qui fouettent, volent et violent les hommes et les femmes à la peau foncée, dont le seul péché est de vouloir aller en Europe… Il n’est pas interdit de rêver.

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Afrique et Russie: les liaisons dangereuses

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La relation entre la France et le continent africain s’est dégradée ces dernières années. S’il convient évidemment de faire notre autocritique, il apparait aussi que nos intérêts sont ciblés par des puissances ambitieuses, à l’image de la Russie qui reste fidèle à la « doctrine Jdanov ». Analyse.


Dans de multiples discours publics, Vladimir Poutine ou Sergeï Lavrov ont pointé du doigt les anciennes puissances coloniales occidentales en reprenant le classique discours anti-impérialiste qui avait cours sous l’ex-URSS, rejoignant même un genre d’air du temps tiers-mondiste qui a probablement fait mouche dans une partie de l’opinion de gauche sous nos latitudes et aux Etats-Unis : « Le monde occidental est raciste et colonialiste. L’Occident est puissant parce qu’il a pillé l’Asie et l’Afrique ».

Pour aussi fausse que soit cette thèse, elle n’en reste pas moins redoutablement efficace pour séduire les minorités agissantes en Afrique. Ces idées sont notamment relayées par des influenceurs panafricanistes souvent venus d’Europe, à l’image de Nathalie Yamb d’origine camerouno-suisse ou bien encore de Kémi Seba, Franco-béninois né à Strasbourg et qu’on ne présente plus. Ce dernier a récemment été le sujet d’une enquête approfondie du média Jeune Afrique dans laquelle nous apprenons que la société paramilitaire privée Wagner aurait directement financé le fondateur de la Tribu Ka et actuel leader d’Urgences panafricanistes. Répondant au nom de « Projet Kémi », cette opération de Wagner aurait été suivie de virements d’argent pour un montant total de 440 000 euros entre mai 2018 et juillet 2019.

Kémi Séba, ambassadeur de Russie en Afrique francophone ?

Invité dernièrement par Yves Thréard à répondre à un long entretien pour la chaîne LCP, Kémi Séba déclarait à propos d’une éventuelle candidature pour la prochaine présidentielle au Bénin que cela était « du domaine du possible ». Déprogrammé par LCP, l’entretien a toutefois été largement diffusé sur les réseaux sociaux. L’homme s’y défend de liens trop appuyés avec Moscou : « La Russie, moi ce qui m’intéresse c’est la manière dont elle dérange l’Occident. Je suis plus proche de Cuba ou de l’Iran ». Pas sûr que ces propos soient de nature à rassurer… Il y expliquait aussi, cynique, que le conflit ukrainien était « une guerre interethnique entre la Russie et les cousins européens ».

Médiatique et complaisamment relayé par une partie de la sphère alternative française, le charismatique Kémi Séba n’est pourtant que l’arbre cachant une forêt de renoncements nationaux et d’influences exogènes en Afrique. Si le Mali a énormément fait parler ces dernières années, la France ayant sauvé cette importante pièce de la submersion djihadiste à la demande des autorités en mobilisant d’importantes ressources pour son opération Barkhane, avant d’en être chassée; d’autres pays ont été investis par Wagner et divers groupes mercenaires privés originaires de Russie.

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Le cas de la République centrafricaine est aussi source de grandes préoccupations à Paris et chez ses voisins. Dans la nuit du 5 au 6 mars, il y a tout juste un mois, un entrepôt situé à Bangui appartenant au groupe Castel, bien connu chez nous avec les cavistes Nicolas et particulièrement bien implanté en Afrique, était la cible d’un incendie criminel. France 24 a depuis publié une enquête établissant qu’il y avait de fortes chances que l’opération ait été menée par des membres du groupe Wagner qui ont pris appui dans le pays et veulent supplanter le groupe français pour installer leur marque de bières « Africa Ti l’Or ». Vitali Perfilev, chef du groupe Wagner à Bangui, a multiplié ces derniers mois les attaques verbales contre le groupe girondin qu’il accuse de financer le « terrorisme et la guerre ».

À l’image de Kémi Séba qui fait mine de se détacher des intérêts russes dans ses interventions les plus récentes, comme s’il craignait d’avoir signé un pacte avec le diable, des dirigeants africains commencent à montrer des signes de fébrilité. Faustin-Archange Touadéra, président centrafricain, a voulu rencontrer l’administration américaine en février ainsi qu’Emmanuel Macron à Libreville lors de sa venue au One Forrest Summit. Craint-il d’être bientôt débordé par les mercenaires de Wagner qui entendent tenir les principales routes commerciales et intérêts économiques d’un pays francophone devenu leur laboratoire ? L’exemple centrafricain devrait être médité par d’autres pays africains où Wagner essaye de s’implanter…

Madagascar: l’ombre russe sur Siteny

Importantissime dans l’Océan Indien, Madagascar est aussi dans leur collimateur. Siteny Randrianasoloniaiko qui se présente à l’élection présidentielle malgache à l’automne prochain est ainsi compté parmi les relations étroites de Marius Vizer, patron de la Fédération internationale de judo et intime de Vladimir Poutine, affirme ainsi le média Africa Intelligence. Marius Vizer possède de nombreux actifs à Madagascar, notamment la compagnie Mining Times spécialisée dans l’exploitation de pierres précieuses. Dernièrement, monsieur Randrianasoloniaiko s’est opposé au développement d’une mine d’ilmenite par la société australienne Base Resources alors que l’ambassade russe s’intéresse grandement aux ressources de l’île… Il faudra surveiller de près d’éventuelles manœuvres de déstabilisation de ce proche voisin, alors qu’Andry Rajoelina briguera un nouveau mandat faisant face notamment à Hajo Andrianainarivelo.

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Le Tchad pourrait aussi faire les frais des ambitions russes en Afrique. Les services de renseignements américains ont ainsi averti de l’existence d’un complot visant à l’assassinat du président Mahamat Idriss Déby par Wagner, comme l’a récemment indiqué le New York Times. Trois autres officiels de haut rang seraient aussi visés, la Russie apportant son soutien à des rebelles tchadiens actuellement réfugiés… à Bangui. Ces informations auraient été jugées crédibles par les services de renseignements européens qui avaient été bien mal inspirés avant que ne soit décidée « l’opération spéciale » en Ukraine.

Vers une nouvelle crise migratoire ?

Les précédents récents doivent nous inciter à la plus grande prudence. La géographie fait souvent l’histoire. Un simple coup d’œil sur la carte tchadienne permet de mesurer le danger, ce pays partageant une longue frontière avec la Libye qui est un point de passage des flux migratoires clandestins. Au milieu du mois de mars, le ministre italien de la défense Guido Crosetto accusait Wagner d’instrumentaliser et de provoquer de nouvelles migrations illégales vers l’Europe dans l’optique de déstabiliser les pays européens soutenant l’Ukraine : « L’augmentation exponentielle du phénomène migratoire en provenance des côtes africaines fait aussi partie, dans une mesure non négligeable, d’une stratégie claire de guerre hybride que le groupe Wagner (…) met en œuvre en utilisant son poids significatif dans plusieurs pays africains ».

La France doit prendre la pleine mesure des enjeux du continent africain et renouer avec l’intelligence diplomatique qui était la sienne dans ce continent où elle conserve de fortes attaches. La situation n’est pas irrémédiable, mais il faut agir… promptement et fortement.

Occident, Etat, immigration: lucide Pierre Brochand

Dans le Journal du Dimanche, l’ancien boss de la DGSE a livré sans complexe ses réflexions sur l’immigration et son intégration chaotique.


Je veux parler de Pierre Brochand. Non pas que son frère Bernard, ancien maire de Cannes, ait été sans valeur mais Pierre Brochand, dans le monde du politiquement correct, après un texte retentissant dans Le Figaro, jette une pierre éclatante de vérité et d’intelligence dans une double page que le Journal du Dimanche lui a consacrée sous la signature de Catherine Nay. Tout serait à retenir dans la vision si cruellement lucide que celui qui a occupé des postes prestigieux – ancien directeur de la DGSE, ex-ambassadeur en Hongrie et en Israël notamment – a de notre pays et de ses trois vagues d’immigration successives dont la dernière, déclenchée par les « printemps arabes », a peuplé la France de 25 fois plus de musulmans que dans les années 1960.

Ligotés dans notre État de droit

« L’islam étant une civilisation totale, fière, guerrière, offensive, militante, qui a très mal vécu d’être humiliée par l’Occident depuis deux siècles », nous avons été assez « stupides » pour reconstituer sous le même toit métropolitain deux communautés dont l’une sortie de « l’antagonisme colonial » constitue « une immigration à tendance victimaire, revendicative, portée autant au ressentiment qu’à l’ingratitude et qui se présente en créancière d’un passé qui ne passe pas ».

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Pierre Brochand, là où il pense et dénonce, ne laisse rien indemne: il a constaté « les conséquences terribles du retrait américain au Sud-Vietnam » et les horreurs totalitaires des Khmers rouges au Cambodge. Représentant permanent adjoint de la France à l’ONU, il relève que l’Occident est minoritaire et « combien les autres nous regardent avec autant d’envie que de ressentiment ». La personnalité qu’est Pierre Brochand, qui a beaucoup vu, vécu et agi, n’en est que plus crédible quand il formule cette remarque désabusée mais si pertinente : « Le chantage au racisme est commode. Après, on ne peut plus rien dire ».

Une parole trop rare

Il est encore plus convaincant – et je me place modestement dans son sillage pour avoir souligné les graves faiblesses de notre État de droit – quand il déplore que « nous soyons ligotés par notre État de droit », amputé de sa souveraineté nécessaire par « nos cinq cours suprêmes qui, se mettant au service des droits individuels, condamnent de fait la puissance publique à l’impuissance ». Cette parole forte qui évidemment rappelle que « la nation est un cercle de confiance que l’immigration sape » est plus que jamais nécessaire quand tant de pensées « mondialisantes » blessant les identités collectives visent à dissoudre l’âme des peuples.

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Ce serait se leurrer de croire que Pierre Brochand, parce que sa réflexion, ses expériences et son verbe sont profonds et multiples, représente une majorité et que le combat est gagné contre tous les délitements. Le salut, pour l’instant, vient d’interventions solitaires, respectables et qui n’ont peur de rien. Elles peuvent donner l’impression de briser des murs d’incompréhension et de mensonges mais la lutte est plus que jamais en cours. J’ai éprouvé humblement ce sentiment quand j’ai offert au congrès du Syndicat Alliance ma vérité sur la police et que je lui ai fait du bien en même temps que je libérais mon envie de défendre un corps la plupart du temps exemplaire et décrié par des ennemis de la République et des suppôts de la violence.

Pierre Brochand, en soulignant que l’État devrait avoir un rôle capital, et pas seulement « celui d’agence de distribution de droits et de prestations », fait en définitive peser la responsabilité sur les politiques « qui ont construit eux-mêmes leur propre illégitimité faute de courage, le décalage entre les promesses et les résultats étant à la source de leur impopularité et de la colère des Français ». Il nous faudrait dans l’action une multiplication de ces êtres qui n’ont pas peur de leur ombre et n’hésitent jamais à servir plus qu’à se servir. Une denrée rare, mais des Pierre Brochand donnent de l’espoir.

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L’économisme et le transhumanisme: plus préoccupants qu’une réforme des retraites!

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Veuillez rendre l’âme (à qui elle appartient).


Qu’est-ce qu’une révolution ? Pour le commun comme pour le professeur au Collège de France en passant par la figure centrale de notre temps, à savoir le journaliste, c’est en somme un mouvement social qui dégénère. On nous l’a appris à l’école et, plus encore, à l’université. On nous le répète à la télé, où professeurs de gauche, éditorialistes de gauche, politiciens de gauche et humoristes de gauche « débattent » afin de savoir si la France devrait être plus ou beaucoup plus à gauche. Nous ne pensons pas cela par hasard : depuis plus d’un siècle, partout en Occident et singulièrement en France, les intellectuels et les historiens en premier lieu l’affirment. 89 ? Le pain manquait. Les jacqueries ? À cause de la famine. À Rome aussi, et même en Grèce, déjà, la lutte des classes était la mèche qui déclenchait des révolutions. Les guerres ? Pareil. Pas plus que les hommes les évènements ne font l’histoire ; pour comprendre cette dernière, il ne faut regarder que l’économie, les structures de l’économie, la répartition du capital. Bien sûr, l’influence du socialisme et du marxisme est ici décisive. Mais celle du libéralisme l’est aussi. Leurs finalités divergent, mais ces trois écoles partagent les mêmes postulats anthropo-philosophiques: elles réduisent l’homme à ses conditions d’existence, et son salut passe par son émancipation. Le fait religieux, la politique, tout n’est que prétexte. L’histoire du monde n’est en vérité que celle du social.

Une analyse globale du monde

C’est là l’unique grille de lecture des élites. La brutalisation de la société française ? La faute à la précarité. Le djihadisme ? C’est à cause de « l’apartheid » territorial et économique dont les jeunes sont victimes. Le féminisme nous explique que les femmes sont d’abord dominées – elles doivent donc se libérer, car nul ne désire être esclave – économiquement. L’immigration africaine massive, d’une ampleur inédite, qui s’abat sur l’Europe ? Encore l’économie, puisqu’il est entendu que l’Afrique est « pillée » par l’Occident. Le « climat » ? L’économie aussi, qui détruit les biotopes. L’économie, l’économie, l’économie… C’est rassurant, l’économie. Il suffit au Pouvoir de lâcher des thunes, d’abandonner une réforme pour « apaiser » la société, retrouver la concorde.

Les gilets jaunes – oui, encore eux, toujours eux, du moins ceux de novembre, dont j’étais et que je salue fraternellement une nouvelle fois – avaient des revendications politiques et sociales. Les premières – RIC, proportionnelle, vrais débats sur l’immigration et « la construction européenne » – furent rapidement évacuées par les commentateurs : elles étaient au mieux « démagogiques », au pire « factieuses ». En fait, assénaient les observateurs, il s’agissait bien d’un mouvement social. Il fallait discuter du maximum des prix. En lâchant du lest sur ce dernier point, en aidant les gueux illettrés à payer leur loyer, leurs pleins de gasoil et leurs clopes, le Pouvoir allait « sortir de la crise » – la « crise » est d’ailleurs toujours économique, bien sûr – « le pouvoir d’achat » sera toujours « la première préoccupation des Français ». Mélenchon avait, lui, bien compris qu’il ne s’agissait pas d’un simple mouvement social, et c’est pourquoi il avait, dans un premier temps, non seulement refusé de soutenir les gilets jaunes mais les avait en plus insultés. Cependant, alors qu’elle observait ces hordes de « souchiens » en train de manifester, chaque week-end, dans les beaux quartiers de Paris, la gauche – la médiatique, la politique, la culturelle – entreprit de reprendre à son compte ce mouvement d’autant plus beau qu’il était spontané. Et, bien sûr, armée comme elle l’était, elle parvint à s’imposer en tête des cortèges, où personne ne l’avait invitée. Dès décembre, les drapeaux de nos vieilles provinces cédèrent la place au rouge ; les pancartes réclamant le RIC et refusant le Pacte de Marrakech furent remplacées par d’autres, stupides imitations de celles, débiles, de 68 ; les antifas, ces petits bourgeois intouchables – intouchables parce que petits bourgeois –, firent le ménage parmi les manifestants, suivis par de molles cohortes de fonctionnaires socialo-communistes à la retraite. Les gilets jaunes sont morts ainsi, du fait de cette « récupération » à la fois permise, elle, et même encouragée par un Système qui avait, évidemment, tout intérêt à affronter l’adversaire social, qu’il connaît bien, qu’il sait calmer, plutôt que celui, totalement inédit, qui incarnait une idée infiniment plus grande, à savoir celle de la continuation, c’est-à-dire celle des siècles justement.

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Entendons-nous bien : ce n’est pas rien, un mouvement social. Nos mouvements sociaux s’inscrivent d’ailleurs dans une tradition propre à notre civilisation. On peut faire leur généalogie philosophique. Il ne pourrait pas y avoir de communisme sans socialisme et de socialisme sans libéralisme, qui est la matrice de la ou plutôt de notre modernité. Et le libéralisme est un enfant – contrefait – du christianisme – on pourrait le définir comme un libre arbitre sans Dieu, c’est-à-dire sans morale. (Il n’y a pas de mouvement authentiquement social en dehors de la civilisation chrétienne. Il y a eu, et il y aura toujours, pour sûr, des socialistes arabes, des communistes hindous ou taoïstes, des partageux attachés à toutes des religions, mais il s’agit d’individus, de groupes tout au plus. C’est d’abord en cela que le socialo-communisme est une arnaque, un mensonge éhonté, lui qui affirme que, partout à travers le monde – orgueilleuse échelle qu’il partage avec le libéralisme –, et faisant fi de tous les déterminismes – la religion étant bien sûr le premier – les hommes sont animés par les mêmes passions, désirent les mêmes choses, sont faits du même bois et poursuivent le même idéal. D’ailleurs, les hommes, ça n’existe pas : il y a un Homme, et c’est le même à Paris, Berlin, Bamako, Djakarta, Manille, Alger, Montevideo. La célèbre formule de Maistre est renversée : notre modernité nie les nationalités, et avec elles les cultures, les identités, les idéaux, mœurs et coutumes qui y sont liés.)

La réforme des retraites n’est pas le sujet qui devrait mobiliser prioritairement les Français

Soit, c’est donc important, le social. La réforme des retraites, qui occupe l’intégralité de notre vie politique et, plus encore, médiatique depuis deux mois, est inique, en effet, et il est donc sain de s’y opposer comme le font, dans la rue, tant de Français et, selon les sondages, l’immense majorité de nos compatriotes. Au reste, ce n’est certainement pas le plus important. D’un modèle économique, on peut toujours sortir ; même les pays qui ont hélas connu la dictature communiste – et tout prouve que le communisme est forcément dictatorial –, dont les fondements ont été constamment violentés par les soviets, sont parvenus, après la chute de l’URSS, à reprendre le fil de leur histoire – non sans d’inguérissables blessures, certes, tant le communisme a, partout, méthodiquement détruit, et pour se jeter ensuite, malheureusement, dans les bras de l’Amérique et ses « valeurs » – la mondialisation n’est jamais que l’autre nom de l’américanisation du monde, son alignement sur le modèle américain. L’économie ne modifie pas l’essence des nations. L’immigration et le transhumanisme, eux, le font, et ils sont justement en train de le faire en ce moment en Occident.

Que la gauche se « mobilise », comme elle aime à dire – elle qui n’est que « lutte », « combat », « mobilisation », « engagement » – contre la réforme des retraites, c’est logique. Que la droite, ce zombie idéologique, tortille des fesses, c’est dans sa nature. Mais que l’extrême droite, c’est-à-dire les patriotes, le fasse aussi, et aussi massivement, voilà qui dépasse l’entendement. Des patriotes qui le font par calcul, dans l’espoir de provoquer le chaos, je peux l’entendre, car il est certain que seul un événement pourra sauver la France, et l’Europe – il ne faut rien attendre des urnes, bourrées par le Système. La majorité des patriotes arpentent sincèrement les rues, cela dit. Bill Gates, Elon Musk, Jeff Bezos, tous les milliardaires-laborantins qui s’amusent actuellement avec les peuples, les hommes, les femmes, la biologie, cela n’intéresse pas les droitards. Et l’immigration ? Oh, oui, ils en parlent, ils en ont même plein la bouche, mais lorsqu’il s’agit de manifester contre elle, de risquer de prendre une tarte ou à tout le moins une bombe lacrymo, il n’y a (presque) plus personne. C’est pitié, révoltant que de voir tant des nôtres défiler contre la loi portée par Dussopt et Borne.

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J’écris moi-même beaucoup, notamment ici, sur l’immigration. Parce que je pense qu’à court terme, elle est bien sûr la principale menace qui plane sur la France et, plus largement, l’Occident – malgré sa vaillante résistance, même l’Europe de l’Est commence, sur les injonctions de l’Union européenne, Soros et Netflix, à « s’ouvrir » aux inépuisables richesses de la « diversité ». L’islamisme est une menace mortelle, et plus il gagne de terrain, plus nos élites se vautrent dans le déni, n’hésitant pas, par exemple, à accabler l’extrême droite après chaque attentat islamiste. Par-delà l’idéologie, c’est la démographie qui tranche : si rien ne change en la matière, d’ici deux générations tout au plus, l’Europe de l’Ouest sera majoritairement peuplée de musulmans. Et mon petit doigt me dit que, après s’être servis de notre fameux Etat de droit, c’est-à-dire de juges abusant systématiquement de leur pouvoir, et de la « convergence des luttes » prônée par les gauchistes, les islamistes imposeront un droit fort différent de celui que nous connaissons et jetteront les gauchistes dans la Seine – comme ils l’ont fait partout où cette alliance a déjà eu lieu, par exemple en Iran. Mais à moyen et long termes, le transhumanisme est un danger infiniment plus grave. Les deux phénomènes sont d’ailleurs liés ; immigration africaine massive et continue et transhumanisme s’inscrivent tous deux dans la même conception de l’Homme réduit à de la matière humaine. La « convergence des luttes », qui fait rire au premier abord, consacre en fait cette dialectique mortifère. Elle peut également être stratégique : nul doute que certains progressistes utilisent l’islam, son orgueil et sa violence ataviques, comme un bélier pour briser tout ce qui, chez nous, en nous, s’oppose au pathétique individualisme dont ils sont les champions.

Résistance du bon sens

Selon les sondages, donc, au moins 70% des Français s’opposent à la réforme des retraites. C’est exactement la même proportion de Français qui, quand on les interroge sur ce point, réclament un arrêt total de l’immigration non-européenne, l’expulsion des clandestins et des délinquants étrangers. Dans le premier cas, on le voit bien, le Pouvoir « l’entend » à tout le moins ; dans le second, on ne le constate qu’un peu, et seulement dans les urnes et Twitter, et ce même Pouvoir s’en désole en brodant sur les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire. Et il est certain que, si on demandait aux Français leur avis sur les lois dites sociétales, et sur la « transition de genre », c’est-à-dire le changement de sexe, et sur l’interruption médicale de grossesse (IMG), et même sur l’euthanasie, du moins celle des adolescents, et sur l’intelligence artificielle (IA), dont les récents progrès ont peu intéressé les « sachants » alors même que l’IA nous fait entrer dans rien de moins qu’une nouvelle ère, un paradigme parfaitement nouveau et terrifiant, une immense majorité d’entre eux s’opposerait aussi frontalement. Le Progrès est toujours une avant-garde ; quoiqu’il en dise, il est donc par définition fâché avec la démocratie. Face à la résistance du bon sens, c’est-à-dire des principes moraux les plus élémentaires, il s’embarrasse d’ailleurs de moins en moins de ce que pensent « les autres », qui sont au reste un « enfer » selon l’affreuse formule de l’un de leurs maîtres à penser, Sartre – c’est à se demander, d’ailleurs, si l’on se place sur un autre plan, celui de la psychologie, si l’hystérie progressiste – et le féminisme en particulier – ne cherche pas, dans l’islam, un sauveur à travers la virilité qu’il manifeste et assume et qui, seule, peut justement calmer l’hystérie – Charcot et Freud ne diront pas le contraire.

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Bien sûr, la gauche a bien manigancé. Ultra-minoritaire dans le peuple mais hégémonique au sommet, elle a bâti un sidérant appareil juridique afin de punir la simple critique des préceptes qu’elle impose avec la sévérité d’une professeure de maths « célibattante » militant à la Ligue des droits de l’homme ! Elle étend sans cesse l’acception des mots dont elle habille le débat public. Refuser l’immigration ? Du racisme. Etre contre le mariage gay ? De l’homophobie. Des lois toujours plus dures viennent frapper ceux qui sentent bien que le Progrès nous mène d’abord à la dépossession, ensuite à la disparition, enfin au néant. Je n’ignore pas cela, mais j’aimerais que les patriotes se bougent – ce qui n’est pas évident quand on se dit de droite et qu’on cultive, médiocrement, un individualisme qui n’a au fond rien à envier à celui de nos adversaires politiques – davantage contre chacune de ces lois scélérates, à l’instar de celle, en cours, sur l’euthanasie ou celle, passée complétement inaperçue alors qu’elle est purement criminelle, sur l’IMG. Où sont les appels ? Les manifestes ? Les marches ?

Dieu fasse que, bientôt, enfin, des millions, des dizaines de millions de Français et d’Européens manifestent dans les rues de tout le continent pour reprendre la civilisation qu’on leur a volée et cette âme que d’aucuns, qui ne savent du reste faire que cela, vendent par pans entiers.

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Me Hervé Temime: respect!

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Maitre Hervé Temime (1957-2023), dans son bureau à Paris, en 2011 © NIVIERE/SIPA

L’avocat est mort à l’âge de 65 ans. Il avait été hospitalisé, le 24 février, après avoir éprouvé une douleur au cœur lors des obsèques de Pierre Haïk. Le souvenir de Philippe Bilger.


Les meilleurs partent et laissent la Justice et la morale orphelines. Jean-Louis Pelletier il y a quelques mois, Pierre Haïk il y a peu puis Hervé Temime le 10 avril, l’émotion née du décès du deuxième n’ayant pas été sans incidence sur la mort du dernier. Je n’ai jamais appartenu au premier cercle des amis en quelque sorte historiques d’Hervé Temime, qu’une complicité des origines, de la durée des fraternités professionnelles et humaines, des expériences et des bonheurs partagés réunissait. Pour ceux qui comme moi avaient été liés à lui principalement grâce à une même passion pour les joutes judiciaires et l’art de la conviction et du verbe, il n’était jamais dans l’exhibitionnisme du sentiment mais en même temps, quand il était sûr de votre attachement, son amitié à lui, roide mais si solide, ne vous manquait jamais. Ce n’était pas lui qui aurait, quand on avait besoin de son aura et de son talent, fait passer avant, des opportunités de carrière et des frilosités clientélistes. Il était immédiatement présent et acceptait même de n’être pas le premier de cordée.

Intelligence et profondeur

Quand poursuivi par Philippe Courroye pour certains extraits du Mur des cons j’ai eu l’honneur d’être défendu par deux cracks du barreau, François Saint-Pierre principalement et Hervé Temime en brillant complément, ce dernier n’a pas hésité une seconde à assumer ce rôle. Et le tribunal correctionnel de Lyon, grâce à eux deux, m’a relaxé.

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Le 22 novembre 2013, il a été le premier avocat – et ce choix était indiscutable – à se soumettre à mon questionnement (« Bilger les soumet à la question« , vidéo ci-dessous) et a été confirmé alors ce que je savais de lui, l’admiration que j’éprouvais pour son esprit, son intelligence, sa profondeur, la qualité de son argumentation d’une honnêteté scrupuleuse et d’une justesse absolue.


J’aimais chez lui, fond et forme confondus, la maîtrise de son indignation jamais libérée de manière insultante, la finesse de ses analyses et de ses dénonciations qui par exemple ne le conduisaient jamais à s’abandonner à la facilité de condamnations globales, que ce soit à l’encontre de la magistrature ou pour d’autres causes qui lui tenaient à cœur. En particulier le respect de la présomption d’innocence et la détestation des médiatisations vulgaires seulement inspirées par le narcissisme. Paradoxalement, quelques années plus tard, une étrange preuve de son amitié m’a été donnée quand lors d’un procès criminel à Paris, pour une affaire gravissime, il a interrompu trop vite sa plaidoirie et qu’il m’a avoué après que notre lien personnel l’avait gêné. Son client avait été condamné alors qu’il plaidait l’acquittement. En appel, à Créteil, on m’a dit qu’il avait été éblouissant durant trois heures et il avait obtenu ce que la cour d’assises lui avait refusé à Paris. Entre ces moments forts, je me souviens de rencontres où un jour il m’a demandé mon avis sur un dossier qui le préoccupait. Je me rappelle aussi quelques trop rares dîners où il demeurait le même que dans son existence judiciaire, chaleureux, enthousiaste, lucide, sans complaisance mais jamais gangrené par ce vice qui atteint les familiers de la chose criminelle et de la Justice pénale en général: le relativisme, la désinvolture, presque le cynisme.

Un ténor du barreau, un vrai

J’évoque des dîners « trop rares » parce que la vie amicale est ainsi faite, pour une nature comme la mienne, que mon empressement, mon impatience à cultiver, à fréquenter certains êtres que j’ai élus paradoxalement les éloignaient de moi. Comme si leur pudeur se rétractait à proportion de mon envie relationnelle. Hervé Temime était à mon égard clairement de ceux-là. Ce n’était pas pour rien que je sentais cette dilection à la fois professionnelle et humaine. Me touchait, au-delà de tout, la certitude, chez Hervé Temime, d’une rectitude morale, d’une intégrité non négociable qui le plaçaient au plus haut degré de mon admiration judiciaire car j’ai toujours considéré qu’il n’existe pas de très grand avocat sans l’obligation à respecter d’une indépassable exemplarité. Hervé Temime devenu avocat si jeune, si précocement, dans l’arbitrage à faire sans cesse entre ce qu’on doit et ce qu’on peut, n’a jamais trahi, ne s’est jamais trahi.

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J’ai perçu comme une véritable offense à l’égard des compétences et des talents irréprochables – les siens, oui – la propension médiatique à mélanger le bon grain avec l’ivraie et à qualifier de ténor n’importe quel conseil venu subrepticement dans la lumière ou totalement dénué, sinon de talent, du moins de moralité. Le terme qui me vient le plus naturellement du monde pour célébrer Hervé Temime qui va tant manquer et à tant de gens si différents les uns des autres, qui va priver une institution de son rayonnement à la fois exaltant et critique, est celui de respect. Henri Leclerc, Thierry Herzog, Jacqueline Laffont, Eric Dupond-Moretti (s’il revient vers ce pour quoi il est fait) demeurent heureusement, en matière pénale, mais nul doute qu’une immense place est vide à leur côté. Mon cher Hervé, la tragédie de ta disparition m’autorise les élans du cœur: je vais te regretter infiniment.

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Gauche côtelette contre gauche quinoa

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Le communiste Fabien Roussel, Paris, 23 mars 2023 © Chang Martin/SIPA

Réélu triomphalement à la tête du PCF, lundi 10 avril, lors du 39e congrès du parti à Marseille, avec 80,4% des voix, Fabien Roussel fait grincer beaucoup de dents à gauche.


Comme beaucoup de Français, Roussel en a soupé de la Nupes. Il y a désormais la gauche Roussel et la gauche Mélenchon. Et ce n’est pas le grand amour. 

Revenons d’abord sur la tambouille politique actuelle : Fabien Roussel appelle à un nouveau Front Populaire, ce qui revient à débrancher la Nupes qu’il a jugé dépassée dans un entretien publié dans L’Express. À Marseille, où se tenait le grand congrès du PCF, aux cadres qui jugeaient dans Le Monde irresponsable de jeter la Nupes avec l’eau du bain, il a répondu: « Il ne s’agit pas de jeter le bébé avec l’eau du bain, mais il faut quand même bien changer l’eau de temps en temps ! » Dans le même temps, le Sécrétaire national du PC tend la main à Bernard Cazeneuve ; il dispute donc le leadership de Jean-Luc Mélenchon à gauche. Crime de lèse-majesté !

La Nupes, tu l’aimes ou tu la quittes

Derrière toutes ces bisbilles tactiques et politiciennes, il y a de vraies divergences de fond. Quelques phrases du discours de Roussel, notamment, ont particulièrement agacé les Insoumis : « Ils ont mis la France sur le Bon Coin, ils ont signé des traités de libre-échange à tour de bras, ils ont transformé nos frontières en passoires, ouvert la France aux quatre vents, aux marchands et à la finance (…) ils ont laissé filer nos usines et ils reviennent aujourd’hui la bouche en cœur en nous parlant de souveraineté, souveraineté, souveraineté… »

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La mélenchosphère s’étrangle sur son thème préféré : voilà l’extrême droite ! « Rouges-bruns no pasaran » , tweete par exemple le documentariste David Dufresne. «Quitter la Nupes pour le RN, j’étais pas prêt », s’agace un autre. En somme, Fabien Roussel, c’est le coco-facho !

Mais pourquoi donc son plaidoyer pour la souveraineté choque-t-il tant les Insoumis? 

Même s’il s’adresse en théorie à Emmanuel Macron et à la droite, ces accusations d’avoir bradé la France et son industrie valent très largement pour toute la gauche post-mitterrandienne, laquelle s’est jetée à corps perdu dans la mondialisation financière. C’est sous le pouvoir de cette gauche que la grande braderie s’est en grande partie tenue. Elle a effectivement laissé filer nos usines à l’étranger.

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D’après les soutiens de Fabien Roussel, par ailleurs, ce qu’il a voulu dénoncer dans son discours, c’est la libre-circulation des marchandises, bien sûr. Mais, le véritable enjeu de la discorde à gauche, c’est évidemment la question migratoire, la libre circulation des personnes. Roussel, c’est aussi la gauche du bulldozer de Vitry. Souvenez-vous, en 1980, quand Paul Mercieca, le maire communiste de cette commune, avait participé au saccage d’un foyer de travailleurs maliens pour protester contre l’immigration massive. En somme, alors que Jean-Luc Mélenchon drague le vote musulman, Fabien Roussel entend parler aux classes populaires de souche, au peuple old school (comme l’appelle Michel Onfray) que la gauche a abandonné au RN car il n’était pas assez multiculti, pas assez progressiste, pas assez moderne… Fabien Roussel pourrait donc demain disputer à Marine Le Pen cette France des sous-préfectures. Il ne lui reste plus qu’à abandonner le mot communisme ; d’abord, parce qu’il est tâché de sang ; ensuite parce que les Français veulent réguler le capitalisme, mais pas rompre avec lui. Pour le reste, il a raison. La gauche côtelette a bien plus d’avenir que la gauche quinoa.

«Ce qu’a fait Joris Hébrard, c’est tout ce que mon parti combat et dénonce»

Pierre-Romain Thionnet D.R.

Concurrence de Reconquête, réforme des retraites, euthanasie, ramadan pendant les matchs de foot… Causeur s’est entretenu avec Pierre-Romain Thionnet, le nouveau chef du mouvement de jeunesse du Rassemblement national.


Causeur. Votre mouvement politique est opposé à la réforme des retraites du gouvernement. Demander aux Français de travailler deux petites années de plus, est-ce leur demander un effort insurmontable ?
Pierre-Romain Thionnet. Ce sont deux petites années de plus qui se rajoutent aux effets de la réforme de Marisol Touraine et auxquelles viendront se rajouter deux petites années de plus dans cinq ans, puis très certainement deux supplémentaires dans 10 ans ! C’est une logique sans fin, qui consiste à repousser l’âge de départ à la retraite alors qu’il y a d’autres leviers qui ne sont pas utilisés… Nous ne résolvons pas en profondeur et de manière structurelle les problèmes de l’équilibre du système des retraites.

Quels leviers, exactement ?
Je sais qu’il y a une petite musique journalistique qui tend à affirmer que le RN n’aurait pas assez pris la parole sur ce sujet des retraites. Pourtant, pendant des mois, les députés du parti auquel j’appartiens n’ont eu de cesse de parler de la natalité française, de la productivité ou de la réindustrialisation. Les réponses structurelles au déséquilibre temporaire des retraites sont à aller chercher-là.

Le RN en parle peut-être, mais cela n’est pas repris dans le débat public.
Je crois tout de même que nous avons été entendus. Il suffisait de voir les cheveux de Sandrine Rousseau se dresser sur sa tête, parce qu’on avait osé parler de la natalité et, en effet, osé parler des femmes et des enfants ! La gauche ne supporte pas qu’on mette ces sujets sur la table. Elle a diabolisé et fascisé ce débat, alors qu’il est fondamental pour tout retour à l’équilibre de notre système des retraites. La députée EELV a quand même enjoint notre groupe parlementaire à « lâcher nos utérus » en plein hémicycle ! Puis, Mathilde Panot de LFI est montée au créneau. Et enfin, Fabien Roussel du PCF a cru malin de pétainiser le débat en le ramenant à « Travail, Famille, Patrie »…

Si vous êtes militant au RN plutôt qu’à « Reconquête ! », est-ce parce que ces questions sociales vous intéressent davantage que les questions identitaires ou sociétales ?
« Reconquête ! » prétend avoir le monopole sur les questions immigration et identité. Mais c’est oublier un peu vite que le Front national a mis ces sujets-là en avant depuis 50 ans ! Éric Zemmour a peut-être employé un mot différent pendant la campagne présidentielle – le grand remplacement – mais sur les programmes proposés, il n’y avait pas de différence majeure. Alors, quelle est la plus-value réelle de Zemmour et de « Reconquête ! » sur ces questions ? Fondamentalement, il emploie des mots différents pour des propositions identiques aux nôtres. Maintenant, oui : il y a la question du social qu’il a largement négligée, et probablement s’en mord-il un peu les doigts maintenant. Dans le même temps, on peut lire à présent çà et là que Jordan Bardella aurait une ligne plus identitaire que Marine Le Pen. En réalité, selon moi, identité et social, ce ne sont pas deux lignes avec des curseurs où plus on mettrait d’identité, moins il y aurait de social. C’est ce qu’a bien compris Marine et qui fait la force du RN. Surtout, la stratégie d’« union des droites » se construit seulement face à la gauche, alors que mon adversaire principal et celui du RN est Emmanuel Macron et son monde, le macronisme.

Vous dites que vous voulez nous sortir du modèle libéral-macroniste. Par quoi le grand-remplacez-vous ? Et que doit faire notre pays quant à ses engagements européens ?
Il y a une tendance qui consiste à dire qu’en France, il n’y aurait pas vraiment de libéralisme, qu’il n’existerait pas vraiment. Pardon, mais il me semble que dans les décisions politiques de tous les derniers mandats présidentiels, de gauche comme de droite, on retrouve quand même cette notion. Emmanuel Macron est une forme nouvelle du libéralisme, et ne pas le voir et le combattre comme tel est une erreur politique et intellectuelle. Disons en tout cas que la priorité est systématiquement donnée à l’économisme, aux lois du marché, et qu’il n’est jamais question de remettre en cause le modèle de libre échange mondial. Il n’y a de petites remises en causes que lorsque surviennent des crises extérieures terribles auxquelles on est obligé de s’adapter – le Covid, la guerre en Ukraine, des chaines de valeurs mondiales qui sont perturbées en approvisionnement… Mais à chaque fois, la France ne fait que subir ou s’adapter.
Au RN, nous proposons de revenir à une forme de protectionnisme, qui prendrait tout son sens dans un grand nombre de secteurs de notre économie. En y ajoutant la question écologique du localisme, nous offrons un tout cohérent permettant de contrebalancer le modèle du libre-échangisme actuel. Ce dernier a déjà sérieusement pris du plomb dans l’aile, les crises extérieures ont montré à nos dirigeants que le système était défaillant. Et des contre-modèles émergent, regardez la Chine, qui est en train de donner naissance à une bimondialisation. Cette crise de la mondialisation libérale va se poursuivre d’elle-même, les Français seront obligés de s’y adapter, donc il faudrait mieux l’anticiper, la préparer plutôt que de la subir.

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Attendez. Selon vous, le libéralisme, c’est la mondialisation ?
Non. Le fait d’échanger avec le lointain, je ne crois pas que le libéralisme l’ait inventé. La particularité de la mondialisation telle qu’on la connait depuis les années 80, c’est le fait que les échanges soient déterritorialisés, qu’il y ait un monde parallèle qui se construise au-dessus des États politiques… C’est ce qu’on appelle la deuxième mondialisation.
Il y a un grand sujet avec la mondialisation, avec la délocalisation de nos industries, que certains résument et caricaturent en menant seulement une croisade antimilliardaires, avec comme bouc-émissaire Bernard Arnault. Je ne fais pas partie de cet antilibéralisme-là ! En revanche, à l’occasion de la crise et de l’inflation, nos députés ont proposé une taxation exceptionnelle des superprofits des grands groupes énergéticiens ou de transport, profits qui n’ont pas été réalisés par le mérite mais parce qu’il y avait des profiteurs de guerre, tout simplement. En France, on l’a seulement appliqué sur une partie des bénéfices de Total. Évidemment, la Nupes n’a pas suivi nos propositions, parce que ce sont nos députés qui les avaient proposées !

Jordan Bardella et Pierre-Romain Thionnet D.R.

Vous avez pris la direction du Rassemblement national pour la jeunesse fin 2022. Quel est votre parcours et quels sont vos objectifs ?
Je viens des montagnes du Jura, en Franche-Comté, où j’ai eu une enfance liée au ski nordique et au biathlon, le sport local, que j’ai pratiqué à haut niveau jusqu’à mes 22 ans. J’ai passé un Bac ES en section sport, puis j’ai fait une licence d’histoire par correspondance pour poursuivre mon entrainement. J’ai ensuite fait deux années de master à Paris, en me spécialisant en histoire militaire et stratégie militaire. Concernant la politique, en arrivant dans la capitale, en 2014, j’étais curieux de tout et participais notamment chaque semaine aux conférences du Cercle Aristote, le lundi, où j’ai rencontré beaucoup de monde. En 2015 s’est créée à Assas la Cocarde Étudiante, j’ai vite rejoint la branche de la Sorbonne avant de devenir officieusement puis officiellement le secrétaire général du mouvement national de 2016 jusqu’en mars 2022. Très vite, je me suis occupé du cercle de conférences, des communiqués, j’ai écrit des articles à droite à gauche. C’est en 2018 que je fais véritablement connaissance avec Jordan Bardella, dont je deviens l’assistant au parlement européen. Je travaille avec lui depuis trois ans, et c’est lui qui m’a proposé de reprendre le mouvement des jeunes au RN. Ma première décision est d’abandonner le nom « Génération Nation », qui ne prenait pas. Nous avons trois objectifs : restructurer le mouvement à l’échelle nationale. Depuis août, le tiers des nouveaux adhérents du RN a moins de 30 ans ! Cela fait beaucoup de monde. Jordan Bardella a donc décidé de faire du mouvement de jeunesse une priorité politique. Le deuxième objectif consiste à bien intégrer ces nouveaux adhérents, tout un travail est déployé au niveau départemental. Enfin, le plus important, c’est la formation, on propose deux fois par mois un forum national pour les jeunes, on a un cercle de conférences internes, et il y a aussi le lancement du Campus Héméra, inauguré par Jordan Bardella et le politologue Jerôme Sainte-Marie, lequel s’adresse à tous les militants, mais où les jeunes ont bien sûr toute leur place.

Le mois dernier, la couverture du magazine L’Incorrect a fait beaucoup jaser, chez les LR, parce qu’on vous y voit, à côté du président des jeunes LR, Guilhem Carayon, et de celui de « Génération Z », Stanislas Rigault, couper le cordon sanitaire à droite, chose que les anciens LR ont toujours refusé de faire. Il a été écrit çà et là que vous étiez tous les trois amis dans la vie, est-ce vrai ? Pensez-vous que Carayon s’est fait piéger avec cette couverture ?
Avant de vous répondre, une petite parenthèse, je précise bien évidemment qu’aux trois objectifs donnés dans la question précédente, il y a bien sûr aussi, dans mes missions au RNJ, cet aspect de concurrence : capter les forces militantes des partis politiques concurrents, même si les choses se font plutôt naturellement derrière la force dominante que nous représentons. Les gens imaginent des ponts seulement entre « Reconquête ! » et le RN, mais les ralliements se font plutôt du côté des jeunes LR, en ce moment… Quant à ceux qui sont partis du RN pour « Reconquête ! », ils sont souvent partis avec des mots assez durs, donc ils ne reviennent pas forcément. Fin de la parenthèse !
Amis, c’est peut-être un mot un peu fort, mais je m’entends très bien avec eux, même si je ne les vois pas toutes les semaines, et même si on ne se donne pas non plus des nouvelles tous les quatre matins. Je connais bien Stanislas Rigault, il avait lancé L’Étudiant libre, au début c’était d’ailleurs la Cocarde qui invitait L’Étudiant libre pour aider ce journal à l’occasion de nos conférences, on faisait un peu leur publicité, on a un peu aidé à les lancer… Quant à Guilhem Carayon, c’était mon adversaire à l’Université, puisqu’il était le représentant de l’UNI à la Sorbonne. Mais c’était une rivalité plutôt sympathique. Personne n’a été « piégé » : le débat à trois était assumé. Simplement la rédaction de L’Incorrect a choisi de nous mettre en couverture, avec la photo où nous apparaissions comme les plus complices. Si j’avais été dans la rédaction de L’Incorrect, j’aurais fait pareil !


Reste que l’union des droites, c’est en contradiction totale avec la ligne de Marine Le Pen… Vous a-t-on reproché cet entretien en interne ?
Non, pas reproché, mais j’ai pu voir quelques tweets qui se demandaient si c’était notre ligne… Telle que la une de L’Incorrect est présentée, peut-être que c’est en contradiction avec la ligne du parti, mais, de toute façon, en lisant le long échange publié, il est clair que je prends mes distances avec cette stratégie de l’union des droites, et même avec le fait que le clivage gauche / droite soit le clivage politique central en France. Je critique tout ça dans l’entretien, donc s’il pouvait y avoir des doutes avec la couverture, il n’y en a plus tout dans les colonnes ! Une fois que les gens ont lu l’article, ils ont bien vu également que sur la question des retraites ou du social, j’étais bien en opposition avec les deux autres, et qu’il n’y avait donc pas d’ambiguïté. En revanche, oui, j’ai pu dire et je peux redire qu’on appartient au même camp, ce que j’appelle le camp national. Sur la défense de l’identité de la France, et l’opposition à la politique migratoire, oui: on a les mêmes positions. Et ce sont des questions fondamentales.

Sur l’agit prop, nous avons l’impression que la « Génération Z » fait souvent plus parler d’elle que le RN !
C’est peut-être parce que lorsqu’on n’a pas la parole sur la place publique (peu de présence médiatique, pas de représentation à l’Assemblée), il faut faire plus d’actions coup de poing dans la rue et sur les réseaux sociaux pour attirer la presse. Le mouvement de jeunesse du RN a peut-être le luxe de ne pas avoir à trop le faire ; peut-être que si nous n’avions pas ou très peu de députés à l’Assemblée, et moins de présence sur les plateaux télés, nous chercherions à faire la même chose. Mais ce n’est pas ce qu’on me demande, et je ne pense pas que ce soit notre intérêt.
On s’attache actuellement plutôt à la formation et à la structuration du mouvement de jeunesse, comme je l’évoquais, ce qui n’était pas forcément la priorité ces dernières années.

Quelle position le RN entend-il défendre, concernant les projets d’Emmanuel Macron sur l’euthanasie ?
On attend déjà de voir le projet, car avec Emmanuel Macron on ne sait jamais. Jordan Bardella va défendre la ligne d’une troisième voie française, c’est à dire le développement des soins palliatifs. Quand on regarde les enquêtes d’opinion, et qu’on y pose aux Français la question « Préférez-vous souffrir ou avoir le droit de mourir rapidement sans souffrir ? », forcément les sondeurs parviennent facilement à affirmer que les Français sont pour l’euthanasie. Mais, si on demandait aux Français s’ils préfèrent ne pas souffrir et vivre le plus longtemps possible, je pense que c’est évidemment cette offre-là qu’ils choisiraient.

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Votre député, Joris Hébrard, renonce à son mandat suite à la polémique de l’inauguration d’une mosquée. Pourquoi n’a-t-il pas été immédiatement exclu du groupe RN ?
Je ne sais pas quelles sont les conditions exactes du départ du député. Ce qu’a fait ce député, c’est tout ce que mon parti combat et dénonce. Dès que Marine Le Pen a eu vent de cette inauguration, elle a fait savoir son total désaccord avec l’initiative du député, et a annoncé que les instances du parti seraient convoquées. C’est ce qu’a dit Jordan Bardella aussi, et le bureau exécutif a ensuite prononcé un blâme. Cette décision me convenait. Chez nous, c’est l’étape juste avant l’exclusion. Mais il y avait aussi les propos de son chef de cabinet qui m’avaient encore davantage choqué ; il expliquait qu’il fallait se faire à tout ça, que la France changeait de visage… En l’occurrence, lui n’étant pas membre du RN, on ne pouvait le sanctionner.

À propos des instructions données par la FFF aux arbitres sur le ramadan, vous avez écrit : « La soumission, ça commence par accepter des petits gestes de bienveillance et de partage comme une toute petite gorgée d’eau. Il ne faut rien céder. » Laisser une minute à des croyants pour boire, ça ne peut pas être un petit accommodement raisonnable, selon vous ?
Non, je pense que c’est mettre le doigt dans un dangereux engrenage. Et concernant l’islamisme et le voile, ce n’est pas la première étape, puisqu’il a déjà été question du voile pour certains matchs, puisque nous avons des associations communautaristes qui revendiquent le droit de le porter dans les compétitions internationales, que les burkinis font régulièrement leur apparition autour de nos piscines municipales etc. C’est la petite gorgée d’eau dans le cas qui nous occupe ces jours-ci, pour le voile c’est le « petit bout de tissu qui ne change rien », mais c’est toujours cette argumentation très dangereuse, et cette même religion qui entend qu’on modifie les règles sportives juste pour elle. Je pense qu’il faut être très ferme là-dessus et ne pas se laisser avoir par la relativisation. Il faut tuer tout ça dans l’œuf. La FFF est courageuse, mais je note qu’on n’entend pas le gouvernement, évidemment.

Vous avez sûrement du entendre parler du recrutement parallèle de la Cocarde étudiante, sur le canal raciste Telegram FRdeter. En tant qu’ancien de la Cocarde, reconnaissez-vous ces dérives ?
J’ai vu le thread Twitter dont vous parlez, et j’ai vu qu’en effet un membre de la Cocarde, lycéen à Lyon, était concerné. J’ai immédiatement envoyé au responsable de la Cocarde l’information. De manière générale, sur ce groupe-là, je pense que c’est typiquement ce qui doit être critiqué et dénoncé ; ces listes de diffusion et ces propos sont totalement nuisibles pour notre combat. En regardant la teneur des échanges en question, ça n’a aucun sens, sauf si ces militants veulent donner l’impression que tous nos jeunes partagent ces idées ! En réalité, ce sont des gens chez eux devant leurs ordinateurs, qui ne militent absolument pas, et qui se permettent de dire les choses les plus terribles. J’imagine que selon eux le RN est un parti de traitres ou de gauchistes. Je me sens éloigné de tout ça, ces militants sont nuisibles à la cause qu’on défend.

Il y a dans votre bureau un portrait d’Antonio Gramsci, ou de Georges Sorel. Les médias disent de vous que vous êtes la bibliothèque de Jordan Bardella. Quelles lectures lui conseillez-vous, et ce statut d’intellectuel ne vous isole-t-il pas un peu au RN ?
J’adore parler de certains auteurs, des livres, c’est vrai. Après, on me désigne seulement comme le « bouquiniste », une noble profession ! Mais, je rappelle que j’ai été candidat aux élections législatives, aux régionales, et que durant toutes mes années étudiantes j’ai distribué et collé un nombre incalculable de tracts et affiches, donc j’aime aussi le terrain. Antonio Gramsci ou Georges Sorel font partie de ces références portées par la Nouvelle Droite, même si il y a aussi des auteurs de gauche qui remettent Gramsci au gout du jour. Parfois, une mauvaise lecture de Gramsci oppose totalement les idées et la politique, et on pense alors qu’il faudrait simplement l’emporter sur le terrain des idées et que le combat politique se gagnerait automatiquement par la suite. Ce n’est pas exactement ce qu’il dit.
Pour ma part, je reste curieux, je ne peux pas me prétendre d’une doctrine particulière, comme les militants d’Action française qui ont pour eux la doctrine maurrassienne pur jus, par exemple. Disons que je préfère piocher dans les différentes écoles ; cela a longtemps été parmi les auteurs souverainistes, la référence du gaullisme étant absolument formatrice. Ensuite sont donc venus les apports de la Nouvelle Droite, avec la critique de la mondialisation libérale, mais aussi la possibilité de parler de l’écologie en la reliant à la civilisation européenne… Et après, enfin, des auteurs plus liés au droit et la politique, comme Carl Schmitt ou Julien Freund sur la conflictualité du politique, la nécessité de faire primer le rôle du politique sur le juridique ou l’économique…


Les auteurs remercient Alix Fortin pour la retranscription des échanges.

Mélenchon/Le Pen, un match déjà plié?

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Marine Lepen et Jean-Luc Mélenchon sur le plateau de "l'Emission politique", le 17 mai 2018 © CHAMUSSY/SIPA

Faute d’alternative possible, nous sommes dans une impasse politique. Incapables de se coaliser, le RN et LFI se neutralisent l’un l’autre et sont les meilleurs alliés du président de la République. Tant que le plafond de verre tient. Mais la présidente du RN a le vent dans les voiles.


La dispersion des voix aux extrêmes du spectre politique rend impossible la formation d’une coalition d’alternance ; même si le soutien au pouvoir en place s’amenuise, les oppositions sont réduites au rôle de minorité de blocage. Dans cette configuration, le RN a longtemps été diabolisé, tandis que LFI a été épargnée au nom de son appartenance à la gauche. Pourtant, dans son ensemble, la gauche s’est montrée incapable de tirer profit d’une conjoncture qui aurait dû lui être favorable. Depuis que pèse sur elle l’ombre de Mélenchon, son image ne cesse de se dégrader. En octobre 2022, et pour la première fois, un parti de gauche est vu comme plus dangereux pour la démocratie que le RN. Selon le sondage « Fractures françaises » Ipsos/Fondation Jean-Jaurès, 57 % des Français déclarent LFI dangereuse pour la démocratie contre 54 % qui désignent le RN.

Dans ce même sondage, qui interroge sur la vision de société que prônent les partis, le RN fait quasiment jeu égal avec les formations politiques dites de gouvernement. Ainsi 32 % des Français adhèrent au modèle de société que le RN propose quand la proportion s’élève à 33 % pour LR, 34 % pour LREM, 33 % pour EELV et 32 % pour le PS. Seule LFI décroche, sa vision de société n’étant jugée positive que par 24 % des citoyens. De la même manière, si 53 % des sondés jugent la forme d’opposition de LFI trop radicale, ils ne sont que 29 % à dire la même chose du RN. Et quand on les interroge sur l’attitude des partis d’opposition à l’Assemblée nationale, le RN arrive en tête de la respectabilité avec 35 % de satisfaits, alors que LFI est bonne dernière avec 24 %. La stratégie de dédiabolisation du RN qui passe par la maîtrise du comportement de ses députés et le contrôle des prises de parole paie visiblement plus que le choix du chaos et de la violence verbale qui caractérisent les élus de LFI. Ainsi, lors du vote de la motion de censure sur la réforme des retraites, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, a sorti la sulfateuse et vidé son chargeur verbal sur chacun des groupes de l’opposition au palais Bourbon, mais n’a pu reprocher à l’extrême droite que son silence, la qualifiant de « mime Marceau ».Un reproche un peu léger quand on sonne les grandes orgues du fascisme à la moindre élection pour disqualifier le vote RN.

Le Pen vs Mélenchon : deux personnages clivants

Ces constats sont encore renforcés par le sondage IFOP/Fiducial pour Sud Radio du 3 mars 2023, qui interroge les Français sur l’image comparée de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen. Le différentiel entre les deux est très marqué : 10 à 15 points les séparent sur chacune des questions, et toujours en faveur de Marine Le Pen. Cependant, les deux dirigeants sont quasiment à égalité sur un point, l’inquiétude qu’ils suscitent dans l’opinion (Marine Le Pen inquiète 37 % des Français, Jean-Luc Mélenchon, 35 %). En revanche, quand il s’agit de savoir qui défend le mieux les intérêts de la France, la leader du RN est créditée de 38 % d’opinions favorables alors que le chef de la France insoumise est à 17 %. Il en va de même pour l’attachement aux valeurs démocratiques (33 % contre 21 %), la capacité à rassembler les Français (30 % pour l’une, 18 % pour l’autre), la compétence (31 et 18 %), le fait de porter une vision pour le pays (35 et 17 %)… Quant à savoir qui incarne le mieux l’opposition à Emmanuel Macron, Marine Le Pen plie encore le match par 41 points contre 23 à son adversaire.

Même la fièvre sociale qui met une partie de la population dans la rue ne sert pas la gauche. Selon le sondage IFOP publié dimanche 26 mars dans le JDD, si les législatives avaient lieu maintenant, seul le RN tirerait son épingle du jeu, passant de 21 à 26 % des voix. Il est le seul parti à enregistrer une évolution positive notable. Renaissance suivrait le chemin exactement inverse, passant de 27 à 22 %. Ce que Renaissance perd, le RN l’engrange. Côté Mélenchon, en revanche, rien ne bouge, LFI reste à 11 %. Quant aux autres formations politiques, elles stagnent. On comprend que dans ces conditions, envisager une dissolution serait suicidaire pour le pouvoir.

Le RN en pôle et en gain d’influence

La dynamique politique est donc incontestablement favorable au RN. Pour autant, le plafond de verre est encore solide. Ainsi le RN est renvoyé à la xénophobie pour 52 % des Français, même si ce résultat est en baisse de huit points par rapport à 2016. En dépit de la dédiabolisation, 70 % des Français considèrent qu’il appartient à l’extrême droite (ils étaient 77 % à penser cela en 2016). Si Marine Le Pen progresse sur tous les items, une majorité de Français continuent à penser que ni elle ni Jean-Luc Mélenchon n’ont la stature d’un président de la République (pour 56 % d’entre eux) ou les compétences nécessaires pour diriger le pays (51 %).

Reste à savoir si la dynamique politique observée va prendre de l’ampleur au point de rebattre les cartes pour 2027. Le blocage actuel et l’absence de perspectives politiques qu’il révèle pourraient-ils donner l’envie aux Français de renverser la table, le RN étant la seule alternative qu’ils n’ont pas essayée ? Irait-on vers une tentative à la danoise (laisser faire le boulot en matière d’immigration à l’extrême droite, puis redonner le pouvoir aux partis traditionnels sans toucher aux lois adoptées) ou le cordon sanitaire va-t-il tenir encore même si le pouvoir est réduit à l’impuissance ? Comme dans un « match point », la balle est sur le filet et nul ne sait encore quand elle va retomber, ni de quel côté. Reste que, d’élection en élection, force est de constater que le RN ne cesse de gagner en influence et en électeurs. Et si la question n’était plus « si » mais « quand » ?

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Darmanin a bien raison de s’interroger sur les subventions accordées à la Ligue des Droits de l’Homme

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D.R.

Pourquoi Gérald Darmanin s’en prend-il à la vénérable Ligue des Droits de l’Homme? L’analyse d’Elisabeth Lévy.


Pourquoi Gérald Darmanin s’en prend-il à la vénérable Ligue des Droits de l’Homme (LDH) ? Peut-être parce qu’elle n’est pas si vénérable que ça !
Lors de ses auditions par les sénateurs et les députés sur le maintien de l’ordre, le ministre de l’Intérieur a critiqué l’action de la LDH. Depuis quelques temps, cette dernière envoie des observateurs dans les manifestations. Ce sont des « observateurs autoproclamés des pratiques policières », a tonné le sénateur LR François Bonhomme. Tout le monde a le droit d’observer, certes, a rappelé Gérald Darmanin, mais ces observateurs n’ont bien entendu aucun statut officiel.
La LDH a aussi attaqué l’interdiction des manifestations non déclarées pour la soirée du 1er au 2 avril, alors même que toutes les manifestations similaires avaient dégénéré en violences précédemment. Concernant Sainte-Soline, l’association est allée jusqu’à attaquer l’arrêté interdisant de transporter des armes. Et, surtout, elle a été à l’origine d’un énorme bidonnage, prétendant que les forces de l’ordre avaient sciemment empêché les secours d’arriver près de la méga bassine pour aider les blessés…

A ne pas manquer, notre nouveau magazine: Retraites, déficits… Fantasmes du peuple, mensonges des élites: Emportés par la foule

Interrogé sur les fonds publics alloués à la LDH, M. Darmanin a osé répondre que la question pouvait se poser. Depuis, toutes les nuances de gauche y vont de leur protestation ; nous assistons à un festival de glapissements sur la liberté d’expression assassinée. Le patron de la LDH, Patrick Baudouin, se demande carrément si nous vivons encore en démocratie.

Les Droits de l’Homme, ça devrait rassembler tout le monde

Oui, mais comme le Port Salut, les Droits de l’Homme, il ne suffit pas que cela soit écrit dessus ! Alors qu’elle est née dans le combat contre l’antisémitisme avec l’affaire Dreyfus, la LDH s’est associée un siècle plus tard au CCIF – organisme dissout depuis – pour persécuter judiciairement l’historien Georges Bensoussan, dont le crime était d’avoir évoqué l’antisémitisme des banlieues sur France culture ! Le seul racisme qui intéresse la LDH, c’est celui des blancs, le seul antisémitisme celui des « fachos ». Le plus triste, c’est que toutes les grandes boutiques antiracistes ont suivi le même chemin vers le racialisme (SOS Racisme, le MRAP, la LICRA…).

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Quand la faiblesse de la police sidère les citoyens, que des policiers sont blessés quotidiennement, sur la page d’accueil de la LDH, que lit-on ? #stopviolencespolicières !

Un nouvel adhérent prestigieux

Derrière le droit évidemment légitime de critiquer la police quand elle transgresse la loi, se cache ainsi une vision très sommaire du monde dominants/dominés, qui est imprégnée par l’idéologie Black Lives Matter, très efficace chez les lecteurs de Télérama. C’est donc une trahison de l’universalisme des Droits de l’Homme au profit d’une vision essentialisée des rapports sociaux. En clair, la LDH n’est plus une association qui se préoccupe des droits de l’homme, mais une officine gauchiste voire islamo-gauchiste parmi d’autres ! D’ailleurs, ils viennent de recruter Edwy Plenel, les veinards.
Bien sûr, la liberté de la LDH est sacrée et je me battrai pour qu’elle puisse continuer de défendre ses idées déplorables. Mais pas avec mes impôts, tout de même ! Nous en avons marre de financer toutes les lubies idéologico-politiques de l’époque. Pour les bonnes œuvres de gauche, j’ai déjà France Inter !

Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio. Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio, juste après le journal de 8 heures.

Car Ferry

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"Le prix du passage" de Thierry Binisti © TS Productions (Karl Colonnier) / Diaphana

Une chaudière qui a rendu l’âme, ni chauffage ni eau chaude, trois mois de loyer de retard, un mioche à élever dans un clapier pourri, ton ancien mec sans le sou qui te harcèle, une succession de tiers-temps sous-payés: Natacha frise le « cas social ». Elle poinçonne au mur des cartes postales de Naples ou de Florence, et chantonne en italien: « j’ai besoin de toi, tu as besoin de moi » – elle a d’ailleurs appelé son fils Enzo. Mais, décidément bien seule et bien paumée, malgré la proximité de sa mère, la pauvre fille s’en sort pas. Comme elle a cru bon de piquer dans la caisse du café où elle est parvenue à être engagée comme serveuse, elle se fait virer.

Natacha rencontre Walid

On pourrait être à Calais (même si, en réalité, le film a été tourné à Boulogne-sur-Mer): paupérisée, la zone est pleine de ces campements régulièrement démantelés par les CRS pour se reconstituer 200 mètres plus loin. Traqués, soudoyés par les passeurs, des hordes de migrants – Maghrébins, Maliens, Irakiens, Afghans, Soudanais, Syriens… – tentent de traverser la Manche. On se planque dans la soute d’un camion, et advienne que pourra… La route de Natacha croise celle de Walid, un sans-papier irakien désespérant de réunir le pactole qui lui permettra, la chance aidant, de rejoindre clandestinement son frère en Angleterre.

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Toute fauchée qu’elle soit, Natacha a tout de même encore une voiture, pourvue d’un grand coffre. Une idée lui vient: faire le taxi. A prix cassé. Walid prend sa commission, mais fournit le client. Deal conclu, c’est parti pour l’engrenage. Malgré les gros risques encourus de part et d’autre, tout se déroule sans encombre. Natacha prend soin de garder le secret auprès de sa mère secourable, brave retraitée qui prend soin de son petit-fils Enzo quand sa fille instable perd le contrôle. Mais la filière est aux mains d’une mafia locale d’immigrés sans scrupules. L’entreprise Natacha – Walid fait concurrence au réseau bien en place. Si Natacha a pu changer sa chaudière, s’offrir une TV grand écran et régler ses impayés en multipliant les convoyages, elle et Walid commencent à être inquiétés par la petite bande des passeurs « qualifiés », leur chef Ahmet en tête, très menaçant. Mais comment s’arrêter ?

Une histoire qui finit mal

Intéressant, Le prix du passage l’est à plusieurs titres. D’abord en vertu de sa qualité dramaturgique: tout au long du film, le spectateur ne cesse d’anticiper l’instant – inéluctable –  où la combine de Natacha va trouver sa limite et sa résolution, à ses dépens. Jusqu’au dénouement, et de façon parfois inattendue, les péripéties en diffèrent indéfiniment la promesse: le spectateur le sait, ça va mal finir pour Natacha et Walid. Ce qui, combiné à des ellipses bien dosées (la case « prison », par exemple), assure à l’intrigue une certaine tension. Appréciable également, le fait que l’action ne soit, pour une fois, jamais surlignée de manière lourdingue par une musique ou un bruitage  de basses lancinantes, ces poncifs trop habituels de l’actuel cinéma hexagonal : pour une fois, pas de pathos lacrymogène sur l’humaine condition.

Cinéma français, catégorie « amour interracial »

Ensuite, il faut reconnaître un sacré talent à Alice Isaaz pour camper cette jeune femme ordinaire à tous les sens du mot, dans un contre-emploi superbement maîtrisé dont son partenaire, le comédien franco-tunisien Adam Bessa, dans le rôle du migrant roublard au grand cœur, assure quant à lui la réplique de manière crédible. En outre, intelligemment co-écrit par Sophie Gueyden et Pierre Chosson, le scénario se garde à bon escient de tomber dans le mauvais cliché de la romance inter-ethnique.

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Enfin et surtout, et quoiqu’on puisse penser du « happy end » improbable qui fixera, in fine, les deux protagonistes sur les points de chute respectifs dont ils avaient chacun longuement rêvé – elle en vacances en Sicile, lui réfugié en Angleterre avec sa fratrie –  Le prix du passage ne fait nullement l’impasse, ni sur le spectacle de ces campements périurbains qui polluent le territoire, ni sur la précarité économique des autochtones « de souche », paupérisés par un chômage endémique, ni sur la réalité sordide de l’infect trafic humain qui prospère en toute impunité dans cette « jungle » et fait, de ces milliers de pauvres hères réduits à se morfondre dans le cul-de-sac calaisien des Hauts-de-France, une population d’otages rançonnés par leurs propres compatriotes –  flibustiers et négriers de notre temps.

Le prix du passage. Film de Thierry Binisti. Avec Alice Isaaz, Adam Bessa. France, couleur, 1h40. En salles le 12 avril 2023.

Tunisie, l’arroseur arrosé

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Des migrants subsahariens arrivent à l’aéroport de Tunis-Carthage pour prendre un vol de rapatriement, 7 mars 2023 © HAMMI MOHAMMED/SIPA

La Tunisie, terre d’émigration, n’apprécie pas d’être un éden pour immigrés. Les propos de son président qualifiant l’immigration subsaharienne de « plan criminel » sont soutenus par une bonne partie de la population. Ce pays en crise nous rappelle ainsi le vieux racisme des Arabes contre les Noirs ; inconcevable pour nos bien-pensants.


On nous dit depuis des années que l’immigration est une chance. On oublie de nous dire une chance de quoi. Une réponse surprenante à cette question vient d’être apportée par la Tunisie où la présence de quelques dizaines de milliers d’immigrés africains a suffi à réveiller le vieux racisme des Arabes contre les Noirs. Pire, elle a offert à la théorie du grand remplacement une occasion en or de s’exporter au-delà des frontières de l’Europe. C’est à croire que l’immigration est une chance pour la circulation des idées « nauséabondes » ! Moment historique qu’il convient de célébrer : l’homme blanc n’est plus au centre du monde, il a perdu le privilège insigne qui faisait de lui la matrice de tous les péchés de l’humanité ! Le mythe du bon sauvage, si cher à notre intelligentsia parisienne, vient de voler en éclats. Juste pour cela, j’ai envie de dire, avec malice et ironie : « shoukran tounesse ! » (« Merci la Tunisie ! »)

Passages à l’acte racistes

Le 21 février, le président Kaïs Saïed a ouvertement dénoncé un « plan criminel », ourdi depuis une vingtaine d’années, dont le but serait de dissoudre l’identité arabo-islamique de la Tunisie pour en faire un « pays africain ». Kaïs Saïed est allé plus loin en associant les flux migratoires en provenance d’Afrique noire à la « violence et aux crimes ».Tout de suite, des exactions ont été signalées en différents points du pays à l’encontre des Noirs qu’ils soient étrangers ou tunisiens. Plusieurs pays d’Afrique, dont la Côte d’Ivoire et la Guinée (Conakry), ont dépêché des avions pour organiser le rapatriement des ressortissants tentés par le retour.

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Bien entendu, il n’y a aucune raison de se réjouir de la xénophobie et du passage à l’acte des racistes, en Tunisie ou ailleurs. Mais il n’est pas inutile de faire preuve d’une certaine malice pour noter que la Tunisie, terre d’émigration vers l’Europe et la France en particulier, commence à souffrir dans sa chair ce que la France subit depuis des décennies. Devant le surgissement de l’autre, une partie de la population prend peur et se raidit, quitte à commettre l’impardonnable. Après avoir exigé de la France qu’elle ouvre ses frontières, le peuple tunisien se retrouve lui-même dans la position du « beauf » et du « déplorable » craignant d’être dépossédé de son pays. C’est l’arroseur arrosé. Les propos de Kaïs Saïed s’inscrivent en effet dans une musique de fond qui monte depuis des années, attribuant aux immigrés noirs la pénurie de riz et la rareté des emplois. Les réseaux sociaux grouillent d’applaudissements au discours présidentiel et d’une dénonciation acerbe des immigrés subsahariens, une critique largement infondée car ces derniers ne sont pas spécialement concernés par la criminalité ni par un quelconque trouble à l’ordre public. Ils dérangent tout simplement parce qu’ils sont différents, parce qu’ils ne sont pas musulmans et parce qu’ils sont noirs…

Un terreau propice

On ne peut excuser le racisme, mais on se doit d’en comprendre les ressorts. Qu’est-ce qui pousse une partie de l’opinion publique tunisienne à fustiger la présence de quelque 20 000 immigrés africains sur son sol ? Soit une goutte d’eau dans une population de 12 millions d’habitants, assurée de sa suprématie numérique absolue à court et à moyen terme.

Il faut bien commencer à admettre que l’on a affaire à un peuple maltraité, un peuple qui souffre et quand on souffre on peut dire et faire n’importe quoi. Le peuple tunisien sort à peine de la crise du Covid, qui a accentué sa clochardisation en le privant des revenus touristiques. À cela s’ajoutent l’inflation, causée par la guerre en Ukraine dit-on, et les pénuries alimentaires à répétition : riz, lait et semoule. Une clochardisation latente qui avance depuis 2011, l’année de la révolution, qui a débarrassé les Tunisiens de l’oppression politique sans les délivrer pour autant de la misère économique. Bien au contraire. Le pays s’appauvrit à vue d’œil et l’Europe ne fait pas grand-chose pour l’aider alors qu’il s’agit de la seule démocratie du monde arabe, de l’unique transition démocratique réussie au sud de la Méditerranée. Combien de Syrie faudrait-il à l’Europe pour qu’elle comprenne enfin que les Tunisiens ont accompli une prouesse digne d’être encouragée par tous les moyens ?

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Alors, quand deux lumpenprolétariats se rencontrent, l’hostilité survient bien avant la coopération. Quand on a faim, on se crispe sur son bout de pain dur. Il fallait être bien naïf pour croire que les classes populaires tunisiennes allaient accueillir à bras ouverts les immigrés subsahariens. Entre damnés de la terre, on se donne des coups de coude et non des coups de main. Et puis, il y a l’inavouable préjugé des Arabes contre les Noirs. Inavouable en Europe, inavouable dans la bouche de Christiane Taubira ou Rokhaya Diallo, mais parfaitement assumé par l’homme de la rue. La Tunisie, comme le Maroc et l’Algérie, a été un pays d’esclavage où le Noir a été constamment stigmatisé. Il existe une « question noire » en Tunisie. Représentant près de 10 % de la population, les Noirs tunisiens (musulmans et enracinés depuis des lustres) font l’objet à ce jour de remarques vexantes, voire d’une discrimination décomplexée. L’un d’eux, Sami Merzoug, s’est levé dans les années 1960 pour exiger l’égalité et la dignité. Il a été persécuté avant de finir en détention dans un hôpital psychiatrique, comme s’il fallait être fou pour lutter contre le racisme dans la Tunisie de Bourguiba.

Le péché est pardonné

Conscient du séisme qu’il a provoqué, le président tunisien a déclaré le 8 mars dernier : « Je suis africain et je suis fier de l’être. » Il a repoussé toute accusation de racisme, précisant qu’il n’avait d’autre ambition que de garantir le respect de la « légalité », à savoir la lutte contre la seule immigration clandestine. En tout cas, le discours semble prendre au sein des pays africains qui ont réagi avec moins de virulence aux propos du président tunisien que SOS Racisme en France… Le président de la Cedeao, Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, ne peut pas croire que « le président de la Tunisie, le pays de Bourguiba, soit xénophobe ou raciste ». Alléluia !

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Aussi est-il fort probable que les déclarations du président soient vite oubliées au sein du continent noir. Il restera alors à SOS Racisme et aux ONG dites humanitaires de poursuivre les bourreaux des migrants subsahariens : j’ai nommé les passeurs tunisiens, les mafieux libyens, les trafiquants bédouins du Sinaï, entre autres négriers qui fouettent, volent et violent les hommes et les femmes à la peau foncée, dont le seul péché est de vouloir aller en Europe… Il n’est pas interdit de rêver.

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Afrique et Russie: les liaisons dangereuses

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Le ministre des Affaires étrangères malien, Abdoulaye Diop, accueille son homologue russe, Sergueï Lavrov à Bamako en février 2023 © AP/SIPA

La relation entre la France et le continent africain s’est dégradée ces dernières années. S’il convient évidemment de faire notre autocritique, il apparait aussi que nos intérêts sont ciblés par des puissances ambitieuses, à l’image de la Russie qui reste fidèle à la « doctrine Jdanov ». Analyse.


Dans de multiples discours publics, Vladimir Poutine ou Sergeï Lavrov ont pointé du doigt les anciennes puissances coloniales occidentales en reprenant le classique discours anti-impérialiste qui avait cours sous l’ex-URSS, rejoignant même un genre d’air du temps tiers-mondiste qui a probablement fait mouche dans une partie de l’opinion de gauche sous nos latitudes et aux Etats-Unis : « Le monde occidental est raciste et colonialiste. L’Occident est puissant parce qu’il a pillé l’Asie et l’Afrique ».

Pour aussi fausse que soit cette thèse, elle n’en reste pas moins redoutablement efficace pour séduire les minorités agissantes en Afrique. Ces idées sont notamment relayées par des influenceurs panafricanistes souvent venus d’Europe, à l’image de Nathalie Yamb d’origine camerouno-suisse ou bien encore de Kémi Seba, Franco-béninois né à Strasbourg et qu’on ne présente plus. Ce dernier a récemment été le sujet d’une enquête approfondie du média Jeune Afrique dans laquelle nous apprenons que la société paramilitaire privée Wagner aurait directement financé le fondateur de la Tribu Ka et actuel leader d’Urgences panafricanistes. Répondant au nom de « Projet Kémi », cette opération de Wagner aurait été suivie de virements d’argent pour un montant total de 440 000 euros entre mai 2018 et juillet 2019.

Kémi Séba, ambassadeur de Russie en Afrique francophone ?

Invité dernièrement par Yves Thréard à répondre à un long entretien pour la chaîne LCP, Kémi Séba déclarait à propos d’une éventuelle candidature pour la prochaine présidentielle au Bénin que cela était « du domaine du possible ». Déprogrammé par LCP, l’entretien a toutefois été largement diffusé sur les réseaux sociaux. L’homme s’y défend de liens trop appuyés avec Moscou : « La Russie, moi ce qui m’intéresse c’est la manière dont elle dérange l’Occident. Je suis plus proche de Cuba ou de l’Iran ». Pas sûr que ces propos soient de nature à rassurer… Il y expliquait aussi, cynique, que le conflit ukrainien était « une guerre interethnique entre la Russie et les cousins européens ».

Médiatique et complaisamment relayé par une partie de la sphère alternative française, le charismatique Kémi Séba n’est pourtant que l’arbre cachant une forêt de renoncements nationaux et d’influences exogènes en Afrique. Si le Mali a énormément fait parler ces dernières années, la France ayant sauvé cette importante pièce de la submersion djihadiste à la demande des autorités en mobilisant d’importantes ressources pour son opération Barkhane, avant d’en être chassée; d’autres pays ont été investis par Wagner et divers groupes mercenaires privés originaires de Russie.

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Le cas de la République centrafricaine est aussi source de grandes préoccupations à Paris et chez ses voisins. Dans la nuit du 5 au 6 mars, il y a tout juste un mois, un entrepôt situé à Bangui appartenant au groupe Castel, bien connu chez nous avec les cavistes Nicolas et particulièrement bien implanté en Afrique, était la cible d’un incendie criminel. France 24 a depuis publié une enquête établissant qu’il y avait de fortes chances que l’opération ait été menée par des membres du groupe Wagner qui ont pris appui dans le pays et veulent supplanter le groupe français pour installer leur marque de bières « Africa Ti l’Or ». Vitali Perfilev, chef du groupe Wagner à Bangui, a multiplié ces derniers mois les attaques verbales contre le groupe girondin qu’il accuse de financer le « terrorisme et la guerre ».

À l’image de Kémi Séba qui fait mine de se détacher des intérêts russes dans ses interventions les plus récentes, comme s’il craignait d’avoir signé un pacte avec le diable, des dirigeants africains commencent à montrer des signes de fébrilité. Faustin-Archange Touadéra, président centrafricain, a voulu rencontrer l’administration américaine en février ainsi qu’Emmanuel Macron à Libreville lors de sa venue au One Forrest Summit. Craint-il d’être bientôt débordé par les mercenaires de Wagner qui entendent tenir les principales routes commerciales et intérêts économiques d’un pays francophone devenu leur laboratoire ? L’exemple centrafricain devrait être médité par d’autres pays africains où Wagner essaye de s’implanter…

Madagascar: l’ombre russe sur Siteny

Importantissime dans l’Océan Indien, Madagascar est aussi dans leur collimateur. Siteny Randrianasoloniaiko qui se présente à l’élection présidentielle malgache à l’automne prochain est ainsi compté parmi les relations étroites de Marius Vizer, patron de la Fédération internationale de judo et intime de Vladimir Poutine, affirme ainsi le média Africa Intelligence. Marius Vizer possède de nombreux actifs à Madagascar, notamment la compagnie Mining Times spécialisée dans l’exploitation de pierres précieuses. Dernièrement, monsieur Randrianasoloniaiko s’est opposé au développement d’une mine d’ilmenite par la société australienne Base Resources alors que l’ambassade russe s’intéresse grandement aux ressources de l’île… Il faudra surveiller de près d’éventuelles manœuvres de déstabilisation de ce proche voisin, alors qu’Andry Rajoelina briguera un nouveau mandat faisant face notamment à Hajo Andrianainarivelo.

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Le Tchad pourrait aussi faire les frais des ambitions russes en Afrique. Les services de renseignements américains ont ainsi averti de l’existence d’un complot visant à l’assassinat du président Mahamat Idriss Déby par Wagner, comme l’a récemment indiqué le New York Times. Trois autres officiels de haut rang seraient aussi visés, la Russie apportant son soutien à des rebelles tchadiens actuellement réfugiés… à Bangui. Ces informations auraient été jugées crédibles par les services de renseignements européens qui avaient été bien mal inspirés avant que ne soit décidée « l’opération spéciale » en Ukraine.

Vers une nouvelle crise migratoire ?

Les précédents récents doivent nous inciter à la plus grande prudence. La géographie fait souvent l’histoire. Un simple coup d’œil sur la carte tchadienne permet de mesurer le danger, ce pays partageant une longue frontière avec la Libye qui est un point de passage des flux migratoires clandestins. Au milieu du mois de mars, le ministre italien de la défense Guido Crosetto accusait Wagner d’instrumentaliser et de provoquer de nouvelles migrations illégales vers l’Europe dans l’optique de déstabiliser les pays européens soutenant l’Ukraine : « L’augmentation exponentielle du phénomène migratoire en provenance des côtes africaines fait aussi partie, dans une mesure non négligeable, d’une stratégie claire de guerre hybride que le groupe Wagner (…) met en œuvre en utilisant son poids significatif dans plusieurs pays africains ».

La France doit prendre la pleine mesure des enjeux du continent africain et renouer avec l’intelligence diplomatique qui était la sienne dans ce continent où elle conserve de fortes attaches. La situation n’est pas irrémédiable, mais il faut agir… promptement et fortement.

Occident, Etat, immigration: lucide Pierre Brochand

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Pierre Brochand, ancien ambassadeur et directeur général de la DGSE © capture d'écran Twitter David Lisnard

Dans le Journal du Dimanche, l’ancien boss de la DGSE a livré sans complexe ses réflexions sur l’immigration et son intégration chaotique.


Je veux parler de Pierre Brochand. Non pas que son frère Bernard, ancien maire de Cannes, ait été sans valeur mais Pierre Brochand, dans le monde du politiquement correct, après un texte retentissant dans Le Figaro, jette une pierre éclatante de vérité et d’intelligence dans une double page que le Journal du Dimanche lui a consacrée sous la signature de Catherine Nay. Tout serait à retenir dans la vision si cruellement lucide que celui qui a occupé des postes prestigieux – ancien directeur de la DGSE, ex-ambassadeur en Hongrie et en Israël notamment – a de notre pays et de ses trois vagues d’immigration successives dont la dernière, déclenchée par les « printemps arabes », a peuplé la France de 25 fois plus de musulmans que dans les années 1960.

Ligotés dans notre État de droit

« L’islam étant une civilisation totale, fière, guerrière, offensive, militante, qui a très mal vécu d’être humiliée par l’Occident depuis deux siècles », nous avons été assez « stupides » pour reconstituer sous le même toit métropolitain deux communautés dont l’une sortie de « l’antagonisme colonial » constitue « une immigration à tendance victimaire, revendicative, portée autant au ressentiment qu’à l’ingratitude et qui se présente en créancière d’un passé qui ne passe pas ».

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Pierre Brochand, là où il pense et dénonce, ne laisse rien indemne: il a constaté « les conséquences terribles du retrait américain au Sud-Vietnam » et les horreurs totalitaires des Khmers rouges au Cambodge. Représentant permanent adjoint de la France à l’ONU, il relève que l’Occident est minoritaire et « combien les autres nous regardent avec autant d’envie que de ressentiment ». La personnalité qu’est Pierre Brochand, qui a beaucoup vu, vécu et agi, n’en est que plus crédible quand il formule cette remarque désabusée mais si pertinente : « Le chantage au racisme est commode. Après, on ne peut plus rien dire ».

Une parole trop rare

Il est encore plus convaincant – et je me place modestement dans son sillage pour avoir souligné les graves faiblesses de notre État de droit – quand il déplore que « nous soyons ligotés par notre État de droit », amputé de sa souveraineté nécessaire par « nos cinq cours suprêmes qui, se mettant au service des droits individuels, condamnent de fait la puissance publique à l’impuissance ». Cette parole forte qui évidemment rappelle que « la nation est un cercle de confiance que l’immigration sape » est plus que jamais nécessaire quand tant de pensées « mondialisantes » blessant les identités collectives visent à dissoudre l’âme des peuples.

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Ce serait se leurrer de croire que Pierre Brochand, parce que sa réflexion, ses expériences et son verbe sont profonds et multiples, représente une majorité et que le combat est gagné contre tous les délitements. Le salut, pour l’instant, vient d’interventions solitaires, respectables et qui n’ont peur de rien. Elles peuvent donner l’impression de briser des murs d’incompréhension et de mensonges mais la lutte est plus que jamais en cours. J’ai éprouvé humblement ce sentiment quand j’ai offert au congrès du Syndicat Alliance ma vérité sur la police et que je lui ai fait du bien en même temps que je libérais mon envie de défendre un corps la plupart du temps exemplaire et décrié par des ennemis de la République et des suppôts de la violence.

Pierre Brochand, en soulignant que l’État devrait avoir un rôle capital, et pas seulement « celui d’agence de distribution de droits et de prestations », fait en définitive peser la responsabilité sur les politiques « qui ont construit eux-mêmes leur propre illégitimité faute de courage, le décalage entre les promesses et les résultats étant à la source de leur impopularité et de la colère des Français ». Il nous faudrait dans l’action une multiplication de ces êtres qui n’ont pas peur de leur ombre et n’hésitent jamais à servir plus qu’à se servir. Une denrée rare, mais des Pierre Brochand donnent de l’espoir.

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