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Tes excuses, c’est à moi que tu les dois!

Yannis Ezziadi, dieudonniste repenti, raconte dans cette lettre ouverte les ravages de la sphère «Soral-Dieudonné», et s’insurge contre les excuses de son ancien gourou.


« […] L’affaire Merah n’est qu’un FAIT DIVERS ! Par contre la communauté organisée Judeo-sioniste elle à un vrai pouvoir ! Quand on vois que BHL declanche se qu’il a declancher alors qu’il n’est rien du tout, quand on vois que Dieudonné est INTERDIT de media (et en plus pas par la loi car il a gagné la quasi totalité de ses proces …) La il y en à qui merite un soutient ! Quand on vois que lorsque un juif est agressé c’est forcement un crime antisemite et que lorsque un arabe est agressé par un juif on etouffe l’affaire ... »[1]
Yannis Ezziadi, 19 septembre 2012 à 12 h 49.

Voilà le genre de message que j’envoyais dans les années 2010, lorsque j’étais fan de Dieudonné. Celui-ci, j’ai 21 ans quand je l’écris. Il est destiné à ma cousine qui me demandait pourquoi je publiais sur ma page Facebook des messages de soutien à Dieudonné. Je ne sais pas à quelle manifestation je faisais allusion. Peu importe. On voit bien le délire dans lequel je me trouvais. Et je n’étais pas seul ! Parmi mes amis de jeunesse, connus au lycée, les Dieudonnistes étaient légion ! Comment ai-je connu cet humoriste ? Dans le vidéo-club de mon village. Le type qui le tenait louait les DVD de Dieudonné (qui n’était pas encore le directeur de « conscience » dégueulasse qu’il deviendrait). Mon Dieu qu’il était drôle, il faut le dire. Un acteur, un vrai acteur, avec un incroyable talent comique. Je me délectais, hilare, de ses seuls en scène.

Yannis Ezziadi. Photo de Guillaume Brunet-Lentz.

Purée conspirationniste

Et puis, petit à petit, ce fut la dérive de Dieudonné. Dérive dans laquelle il entraîna son public, moi y compris. La cuvette était pleine de ses fans, attirés par ses spectacles à pisser de rire. Il ne lui restait plus qu’à tirer la chasse pour les entraîner dans ses égouts nauséabonds où des merdes immondes les attendaient avec impatience. L’humoriste se transforma en gourou conspirationniste. Il désigna le responsable de son malheur et des nôtres : la communauté organisée. Les juifs, en l’occurrence. Les « sionistes » comme il disait, comme il répétait en boucle jusqu’à en faire un écran de fumée pour cacher son vrai projet. Voilà pourquoi il ne faut pas trop s’attarder sur son obsession du « peuple élu ». L’antisémitisme de Dieudonné n’est qu’un point de détail de son histoire. Il n’est peut-être même pas sincère. Il a choisi cela comme il aurait pu choisir autre chose, populiste qu’il est. Non ! Son grand crime, c’est son crime contre la vérité : son complotisme. Des années durant, ce gros pourri a bourré des millions de crânes vides de sa purée conspirationniste. Et avec quel succès ! C’est excitant, il faut dire, de penser que des groupes secrets et puissants (judéo-maçoniques, pédo-satanistes, qu’importe) dirigent le monde sans qu’on s’en aperçoive. Plusieurs heures par jour, j’étais pendu à ses interminables vidéos sur YouTube. Ses sketchs mêmes étaient complotistes. Dans l’un d’eux, portant sur l’attentat de Mohammed Merah, il disait : « C’est vrai que c’est une affaire où on ne sait pas grand-chose. On sait que Toulouse, ça existe ça ! Mais le reste, non, zéro. On ne sait pas. Ça pue à plein nez. » Là aussi ! Là encore ! On nous cachait la vérité. L’affaire Merah était sûrement un coup monté. Et nous – les abrutis que nous étions ! –, nous plongions dans la piscine du scepticisme, du doute, et en ressortions pleins de théories complotistes et merdeusement fumeuses. Dans le même sketch, Dieudonné disait : « Al-Qaïda, c’est une boîte assez sérieuse. C’est une boîte américaine ! » Tout, je vous dis ! Tout était complot. Heureusement, Dieudonné nous présenta nos sauveurs. Les révélateurs de la Vérité. Ils s’appelaient notamment Alain Soral, Robert Faurisson, Thierry Meyssan ou encore Blanrue. Voilà les excréments dont je vous parlais, ceux qui nous attendaient impatiemment dans les égouts de notre gourou de comique. Sans lui, je ne les aurais jamais connus. Merci Dieudo ! Des centaines d’heures passées à regarder ce malade de Soral sur son canapé rouge. Je crois bien qu’en fait, je ne comprenais rien à ce qu’il racontait. Pendu à ses lèvres, hypnotisé, je ne captais qu’une chose : on était manipulés par une élite satanique qui maquillait la vérité. La vérité que lui seul connaissait et révélait. Je comprenais que je ne pouvais plus croire en rien, que je devais douter de tout, y compris de ce que je voyais, y compris des faits. J’étais persuadé que ce type était brillant et, surtout, qu’il était un rebelle, un insoumis à la communauté organisée judéo-pédo-satano-maçonnique qui dirigeait le monde. Si Soral s’était tué en moto, j’aurais été persuadé que c’était un coup de la communauté organisée, bien maquillé en accident. Petit à petit, Dieudonné nous menait dans un bunker blindé, cent pieds sous terre, bien à l’abri de la vérité. L’enfoiré ! Ses vidéos faisaient des millions de vues, ne l’oublions pas. La secte se formait, grossissait. En tournant le dos aux faits (faux et truqués), nous étions persuadés d’accéder à la vérité vraie. Celle qu’on nous cache. Tonton Faurisson, lui, s’occupait de nous démontrer l’inexistence des chambres à gaz. Lorsque je revois aujourd’hui ses démonstrations, qu’est-ce que je les trouve connes. Mais à l’époque, ça m’excitait. « Moi, vous ne me niquerez pas comme ça ! » pensais-je alors. Et que Dieudonné ne nous fasse pas croire aujourd’hui que Faurisson, c’était juste pour la provocation. Car ça, à la limite, je pourrais encore l’accepter. Mais non ! Lors de la mort du vieux négationniste mielleux que cette bande d’escrocs appelle « Le Professeur », Dieudonné a écrit : « Robert Faurisson nous a quittés, je perds un ami, un homme exceptionnel qui m’a beaucoup inspiré. Je sais que la soif de vérité à laquelle il était enchaîné est à présent apaisée, elle aura fait de sa vie une œuvre incomparable. Dans un monde normal, ta place serait au Panthéon. Nous ne t’oublierons pas Robert. Tu es le seul homme pour qui je vais m’imposer un devoir de mémoire. » Voilà ce que Dieudonné dit de Faurisson à ses fans en 2018, il y a cinq ans à peine ! Il leur laisse entendre que la vérité se trouve du côté du vieux menteur. Et pas dans un sketch ! Qu’il ne vienne pas se cacher sous la « gesticulation artistique ». Tout comme lorsqu’en 2013, il remet une « Quenelle d’or » au criminel Bachar Al-Assad. Ça aussi c’était artistique ?

Face à l’épidémie, un premier front

Il faut rendre à Marc-Édouard Nabe – antisioniste assumé – la primeur de ce combat contre le complotisme dangereux et épidémique de cette brochette d’ordures. Il fut bien le seul à voir et à dire le vrai danger. En janvier 2014, chez Taddeï – dans « Ce soir ou jamais » –, il venait annoncer la parution de son nouveau livre, Les Porcs, consacré à la démolition idéologique de cette bande de racailles. Près de 1 000 pages, qui précédèrent Les Porcs 2, 1 000 pages encore. Nabe y raconte d’ailleurs comment il s’est tiré du Zénith lorsque Dieudonné fit monter Faurisson sur scène, refusant de se faire prendre en otage et de se mêler à leur délire conspi. Plus que Les Porcs, Nabe consacra dans sa revue Patience un long récit à sa visite d’Auschwitz dans lequel il démolit les thèses négationnistes. Alors Dieudonné ! Nabe… il fait partie de la communauté organisée ? C’est un sioniste hystérique ? Que réponds-tu à cela ?

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Pendant dix ans Dieudonné et sa bande d’enflures ont pourri le cerveau de générations entières. Ils sont coupables de propagation du conspirationnisme en bande organisée. Coupables ! Aujourd’hui, leurs éléments de langage sont enracinés dans la bouche des esprits faibles. Jusque ces jours-ci, lorsque les réseaux sociaux s’enflamment au sujet de l’affaire Palmade. Derrière chaque tweet de con, c’est Dieudonné ou Soral que je crois entendre encore. L’AVC de l’humoriste qui serait un coup monté pour protéger un réseau pédocriminel de l’élite décadente : c’est du Dieudo bien glaireux tout craché ! D’ailleurs, aujourd’hui, dans ses vidéos, Soral soutient Karl Zéro (le nouveau Dieudo ?) et ses thèses pédo-conspis. Tous unis dans le complot !

La chaîne YouTube de Dieudonné, supprimée par Google en juin 2020. D.R.

Excuse-toi auprès des bonnes personnes…

Alors quand j’apprends il y a quelques mois que Dieudonné présente ses excuses, et qu’elles sont adressées la communauté juive… je garde sa bouillie complotiste en travers de la gorge. C’est une blague ? Est-ce bien pour cela qu’il devait s’excuser ? « Je tiens également à demander pardon à toutes celles et ceux que j’ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques. Je pense notamment à mes compatriotes de la communauté juive (tiens, elle n’est plus organisée ? Ravi de l’apprendre !) avec lesquels je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère. » Mais ce n’est pas auprès de la communauté juive que tu dois t’excuser « Dieudo ». Si tu as blessé des gens par tes « blagues » sur la Shoah, ils s’en remettront. Ce n’est pas auprès d’eux que tu dois t’excuser en priorité, non, c’est auprès de moi. T’excuser de m’avoir manipulé durant des années. De nous avoir tous manipulés, nous qui te suivions aveuglément. De nous avoir menti. D’avoir transformé des centaines de milliers de personnes (si ce n’est des millions) en zombis conspirationnistes s’abreuvant à ta grosse mamelle empoisonnée. Moi j’en suis sorti. Mais combien y sont restés enfermés ? Combien ne ressortiront jamais les pieds des sables mouvants du mensonge et du doute dans lesquels tu les as attirés ? Ils sont embourbés jusqu’au coup par ta faute. Regarde-les s’enfoncer dans la boue de ta dégueulasserie. Combien ne retrouveront jamais le chemin de la vérité ? Regarde tes fans qui aujourd’hui te lâchent parce que tu as présenté tes excuses. Lis les commentaires sur tes dernières vidéos YouTube, celles où tu attaques Soral notamment. Une grande partie de tes admirateurs (d’hier !) t’accuse maintenant d’avoir baissé ton froc face à la puissance de la communauté organisée. Tu les regardes ces commentaires, au bas de tes vidéos ? Tiens, en voilà quelques-uns : « Dieudonné a fait une demande de pardon. C’est le conseil qui lui a été donné peut-être par l’Alliance. Cette demande est faite à contrecœur. Il sait peut-être des choses que nous ne savons pas ??? », « Tu deviens immonde dieudo… là tu perds des fans… ils t’ont retournés…[sic] », « Dieudonné nous met une quenelle inversée », « J’ai connu Alain Soral grâce à vous Mr Mbala Mbala, mais vu la bassesse de cette réponse je soutiens Alain car encore une fois il a raison. » Là encore, ils pensent que tes excuses c’est du bidon, que c’est un coup monté. Tu as créé des monstres. Ils vont maintenant te déchiqueter. Excuse-toi auprès d’eux si tu en as le courage. Excuse-toi aussi de tout le fric que tu as gagné en les caressant dans le sens du complot. Essaie de les faire revenir vers le chemin de la vérité. Ça, ça aurait de la gueule. Mais tu n’y arriverais pas. Cette horde de débiles conspis que tu as formée est incurable, il est trop tard, le mal est ancré en eux, c’est trop profond. Ramène-les avec toi au Cameroun ! Ne nous laisse pas ta merde sur les bras. Ce serait trop facile. Excuse-toi aussi auprès des juifs, oui. Mais pas auprès de ceux que tu as pu heurter par tes « Shoananas ». Auprès de ceux qui se sont fait agresser ! Tu le sais, Dieudo, que ton discours en a motivé des agressions… Excuse-toi aussi auprès des agresseurs à qui tu as bourré la tête de saloperies. Le pire, c’est que dans cette histoire, tu ne t’en tires pas si mal mon salaud. Même Élisabeth Lévy et Goldnadel semblent te pardonner. J’ai voulu leur ressortir tes vidéos les plus immondes de mensonge et de manipulation conspirationniste, mais elles sont quasiment introuvables. YouTube les a supprimées. Putain ! Grâce à tes ennemis, grâce à tes censeurs, les preuves les plus accablantes de ta monstruosité minable ont disparu. Dans quelques années, les négationnistes de ton horreur pourront réviser l’histoire de ta saloperie. Bravo la censure ! De Dieudonné, maintenant, il ne reste presque plus que ses excuses et ses vidéos contre Soral. Mais tu peux être certain d’une chose, c’est que moi je n’oublierai pas. Jamais. Tu es un minable petit businessman du complot. Un profiteur de la bêtise. Pour ton orgueil, pour ton portefeuille, pour ton désir de pouvoir, tu n’as pas hésité à manipuler des foules entières et à les rendre dangereuses. Tu es un voyou de populiste Dieudonné, un dangereux voyou de populiste. Un criminel de la pensée. Tu pars, mais ton mal reste. Je ne l’oublierai jamais, crois-moi. J’en fais même un devoir de mémoire.


[1] Les fautes sont d’origine….

Génération Dieudonné, génération intoxiquée

Malgré ses excuses, Dieudonné laisse derrière lui tout un héritage complotiste. Nous lui consacrons un grand dossier dans le nouveau numéro du magazine.


Le 10 janvier, nos confrères d’Israël Magazine publiaient une lettre ouverte, très inattendue, de Dieudonné Mbala Mbala, en forme de repentance : « Je demande […] pardon à toutes celles et ceux que j’ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques, y écrit-il. Je pense notamment à mes compatriotes de la communauté juive, avec lesquels je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère. »

Une nouvelle provocation ? À Causeur, certains, dont la patronne, ont considéré qu’il fallait se montrer magnanime. On se fichait que ces excuses fussent ou non sincères, l’important était qu’elles eussent été formulées publiquement. Après tout, un antisémite de moins, c’était toujours ça de gagné.

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Cette indulgence a mis très en colère notre ami et auteur Yannis Ezziadi, qui n’a pas oublié que, dans sa jeunesse, Dieudonné lui avait retourné le cerveau en lui proposant une explication simple, séduisante et totalement fausse du monde. Or, si lui a eu la chance et l’intelligence de s’extraire de cette fange conspirationniste, beaucoup continuent à s’y vautrer, convaincus que le monde est dirigé par des forces occultes, qu’elles soient judéo-maçonniques ou pédo-sataniques. Le problème, selon lui, n’est pas la sincérité de Dieudonné, mais son héritage, toujours vivace, qu’il faut inlassablement démonter et dénoncer, comme on s’emploie à le faire dans ce dossier. Dieudonné est peut-être rangé des voitures, mais le dieudonnisme, cette entreprise d’acclimatation du complotisme et de l’antisémitisme rendue possible par un artiste diablement doué, continue de faire des ravages chez d’innombrables enfants de la génération internet qui n’ont pas tous l’excuse de la jeunesse. En présentant ses excuses, l’humoriste a peut-être sauvé son âme. Mais il n’a pas rendu le monde meilleur.

Mais si, c’est une crise démocratique!

Pour Emmanuel Macron, notre pays n’est pas bloqué. À l’étranger, la singularité de la France interroge, charme ou étonne. Le Conseil constitutionnel se prononce demain sur la réforme des retraites.


Faut-il que le président de la République en ait voulu à Laurent Berger pour avoir éprouvé le besoin, de Chine, de le contredire en affirmant qu’il n’y avait pas de crise démocratique en France ! Le secrétaire général de la CFDT avait souligné, suite à la rencontre avortée avec la Première ministre, « qu’après la crise sociale, il y avait une crise démocratique »… Quelle mouche a donc piqué Emmanuel Macron pour contester ce que la plupart des citoyens ressentent et qui est probablement à la source de ce malaise palpable et diffus à la fois, qui débilite les Français et leur fait perdre tout espoir en même temps qu’il rend notre nation incompréhensible pour les étrangers ? Comment le président peut-il seulement répondre, à cette évidence formulée par Laurent Berger, que notre pays « n’est pas bloqué » et tirer de cette matérialité à peu près exacte, même si la répétition des journées de manifestations a dérangé une pluralité d’activités essentielles, une sorte de contentement parce que la France, dans son esprit collectif et pour chacun, ne serait pas « en crise démocratique » ?

Propos déroutants d’un de Gaulle au tout petit pied

Ce propos aberrant, sur lequel on n’a pas assez insisté, est d’autant plus important qu’il me semble avoir précédé des séquences, notamment sur le plan international, qui, sans lui manquer de respect, ont fait apparaître des dérèglements tant dans ses analyses que dans son verbe. En particulier par sa complaisance, au pire moment, à l’égard de la Chine, concernant Taïwan et le rôle de l’Europe et des États-Unis. Il y a dans ce mimétisme pervers du de Gaulle au tout petit pied, ce qui est une contradiction dans les termes pour un authentique gaulliste.

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On peut admettre que la loi sur les retraites (on attend avec une vive impatience la décision du Conseil constitutionnel qui décevra sans doute tous les opposants à la réforme) participe évidemment – dans l’hostilité majoritaire qu’elle a suscitée, l’union sans faille et unique de l’intersyndicale et la perception populaire que ce n’était pas, sinon le bon projet équitable, en tout cas le bon moment – d’une crise sociale. Le report à 64 ans de l’âge de la retraite, la condition des classes d’âge, la pénibilité de certains métiers, le sort des femmes, s’ajoutant aux imprécisions, approximations et fluctuations gouvernementales, relèvent de thématiques d’égalité ou d’inégalité, d’espérance de vie, de pouvoir d’achat et de travail des seniors qui se rapportent au cœur des luttes syndicales. Mais une fois qu’on a énoncé la réalité de cette crise sociale, comment ne pas aller plus loin qu’elle, à partir d’éléments divers et signifiants, en évoquant une crise démocratique ?

Même si Laurent Berger, en affirmant l’existence de cette dernière, ne la faisait pas débuter avec la réélection légitime mais frustrante sur le plan républicain du président, avec les péripéties politiques qui ont suivi, la majorité relative qui a affaibli le pouvoir et l’étrange sentiment d’un Emmanuel Macron désorienté, déstabilisé, paraissant avoir perdu la main, on a le droit de ne pas la rapporter exclusivement à la problématique, au contentieux et aux fortes oppositions sur le projet de loi.

Comment qualifier autrement que de crise démocratique une vie parlementaire chahutée, éclatée, en discorde permanente, où LFI, par son comportement collectif et par contraste, donne un lustre formel au Rassemblement national, où les débats relèvent de la foire d’empoigne, où la rue donne parfois des exemples de tenue à l’Assemblée nationale, où des militants n’ont pas compris qu’ils étaient devenus députés, où LR se préfère dans un statut ambigu quoique inconfortable à celui d’opposant sans équivoque, où on dégaine des 49.3 à foison ?

Quand l’exceptionnel devient la règle

Comment nommer autrement cette période où les dérogations deviennent la règle, où les processus exceptionnels pour forcer le vote constituent l’ordinaire, où sans aucun scrupule la Première ministre, les ministres, arguant de la constitutionnalité des procédés, en détournent l’esprit et où un projet de loi jugé capital est traité avec une arrogance telle qu’il n’est qu’à prendre ou à laisser, où les oppositions non seulement se voient déniées dans le fond mais sont enjointes de s’opposer selon certaines modalités ?

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Comment définir autrement cette parenthèse où une intersyndicale n’est pas reçue puis, ayant démontré sa force, son union et son amplitude, n’est plus méprisée, avec un président prêt à l’accueillir sur le tard et avec une Première ministre faisant ce qu’elle peut pour « sauver les meubles », s’efforçant à de l’émancipation et désireuse de ne pas « humilier les syndicats » ? Comment user d’un autre terme que de crise démocratique quand la mise en œuvre finale d’un 49.3 a multiplié les manifestations, les résistances, parfois malheureusement violentes, à cause de la prise de conscience d’un déficit scandaleux sur le plan parlementaire ? Et du fait que le légal n’est pas toujours légitime quand il est tordu ?

Place de la Nation, Paris, 28 mars 2023 © J.E.E/SIPA

Invoquer le processus démocratique dans ces conditions agite plus un chiffon rouge qu’il n’apaise. La crise démocratique a en effet suivi la crise sociale et l’a étouffée en l’intégrant, tant la France est aujourd’hui dans un état où les citoyens doutent de ceux qui les dirigent, parfois les détestent, où on attend, on espère, on méprise, on éructe, où l’aspiration mortifère à la révolution revient, où la paix civile n’est même plus désirée, où le président n’est plus correctement accueilli nulle part, en France comme à l’étranger. Comment Emmanuel Macron peut-il prétendre qu’il n’y a pas de crise démocratique alors que le pays est pire qu’à l’arrêt dans ses tréfonds ?

France inter, très sensible à la «cause transgenre»

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Sur France Inter, chaque matin, Claude Askolovitch anime une revue de presse tout ce qu’il y a de plus orientée à gauche. Ces derniers temps, le journaliste est transporté par l’idéologie trans. Nous l’avons écouté…


Le journaliste y rapporte, généralement, les informations qu’il juge être les plus intéressantes, et qu’il récolte dans quelques journaux triés sur le volet. Il est rarissime qu’il ne cite pas un article du Monde et un, deux ou trois articles de Libération, sa source privilégiée d’informations. S’il lui arrive de citer Le Figaro, c’est, deux fois sur trois, pour lui porter la contradiction. Mediapart, L’Obs, Télérama et la presse régionale parviennent à attirer régulièrement son œil gauche ; en revanche, Valeurs actuelles, Causeur ou L’Incorrect ne trouvent aucune grâce à ses yeux, pas même à son œil droit.

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France inter, radio transactiviste?

Claude Askolovitch, journaliste woke et monoculaire, est très sensible à la « cause transgenre ». Sa revue de presse du 23 mars commençait par un article du Berry Républicain relatant une naissance, la première du genre dans le département du Cher. Suivant la mode actuelle du culcullapralinisme infantilisant, Askolovitch ne parle pas de « père » et de « mère » mais de « papa » et de « maman » – en l’occurrence de « Matteo le papa qui était une femme » et de « Victoire la maman qui était un homme ». Matteo « au fin collier de barbe » et Victoire « au balayage blond » ont interrompu leur transition et « c’est Matteo, le papa, qui a accouché en février dernier d’une petite fille », raconte le journaliste avec des trémolos dans la voix et sans se rendre compte, visiblement, de ce qu’il dit. Homme de gauche atteint d’un « Bien incurable » (Muray), Askolovitch rapporte les plus grandes folies des hommes comme s’il s’agissait des plus grands progrès et comme si cela allait de soi. Heureux les simples d’esprit…

Un sportif de mauvais genre

Le 9 avril, rebelote. Cette fois, c’est le magazine de L’Équipe qui est mis à l’honneur. Le journal sportif, qui semble avoir fait sienne l’idéologie woke, titre un de ses articles : « Halba Diouf, athlète transgenre privée de compétitions: “Je suis une femme, il faut dealer avec ça” ». Claude Askolovitch rebondit sur cette surprenante information en parlant comme il pense, cahin-caha : « Halba Diouf, 21 ans, est une femme croyante et transgenre, une brindille musclée qui a porté le voile, qui ne le porte plus mais y reviendra peut-être car elle ne choisit jamais la facilité (sic)… Et puis qui court à pied, vite, très vite, à Aix-en-Provence, dans un groupe qui l’a connu jeune homme d’enveloppe (resic) et qui l’a retrouvée avec amitié, jeune femme de vérité (et sic de der) après ses traitements. » En clair, M. Diouf, coureur à pied, a décidé un beau jour qu’il était une femme et a voulu par conséquent participer aux courses réservées aux femmes – « Je ne m’identifie pas en tant qu’homme, donc je ne vois pas pourquoi je courrais avec eux », a déclaré l’athlète en ajoutant mensongèrement: « Les femmes trans ne menacent personne. On n’a jamais dominé le sport féminin. » La Fédération internationale d’athlétisme venant d’interdire ce mélange des genres, Claude Askolovitch pleurniche et jette dans le plus grand désordre le fruit de la maigrelette réflexion que lui inspire cette décision: « Sans précautions humaines ou scientifiques, on a décidé que le soupçon d’être encore des hommes, donc trop forts, devait balayer ces femmes – alors Halba s’expose à nous contre la haine que ses pareilles attirent et contre l’indifférence de ceux qui n’ont jamais eu à se battre pour vivre. » Snif !

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Comme Halba Diouf, Claude Askolovitch feint d’ignorer les conséquences de la présence de femmes trans dans le sport féminin. Il existe pourtant un site américain, shewon.org, qui répertorie les noms des dizaines et dizaines de sportives cisgenres battues par des femmes transgenres, ainsi que les places ou les médailles qu’elles auraient obtenues si elles n’avaient pas été confrontées à ces concurrents déloyaux. Dernièrement, la championne américaine de natation universitaire Riley Gaines a été agressée par des activistes transgenres et n’a dû son salut qu’à la présence de policiers ayant le plus grand mal à repousser une horde hystérique et d’une violence inouïe. Son tort ? Avoir dénoncé la présence du sportif transgenre Lia Thomas, aux mensurations extravagantes comparées à celles des femmes, et sa victoire écrasante lors des dernières compétitions universitaires féminines alors qu’il n’avait jamais remporté une seule compétition masculine, ainsi que le fait qu’elle a été obligée de se dévêtir devant lui dans les vestiaires. Riley Gaines est aujourd’hui sous protection policière. De son côté, à 25 ans, la coureuse cycliste Hannah Arensman, « humiliée et en colère », a décidé d’arrêter la compétition après avoir dû s’incliner pour la 3ème place devant une coureuse transgenre aux derniers championnats américains de cyclo-cross – et avoir battu toutefois un autre athlète transgenre qui devait être une sacrée brêle dans les compétitions pour hommes. À chaque fois que des femmes sportives dites cisgenres ont montré leur déception voire leur colère devant ce qu’elles considèrent être une injustice (et c’en est une, évidemment), les associations LGBT les plus radicales ont usé de violences verbales ou physiques. Ces pratiques intransigeantes et brutales ne restent malheureusement pas cantonnées au sport.

La transphobie n’est pas (encore) un délit !

Claude Askolovich fulmine contre ceux qui dénoncent l’activisme doctrinaire trans. Les transactivistes eux-mêmes ne ménagent pas leurs efforts pour imposer leur idéologie et menacer les femmes qui osent la remettre en question. Après Caroline Eliacheff et Céline Masson, les auteurs de La fabrique de l’enfant-transgenre, ce sont les « femellistes » Dora Moutot et Marguerite Stern qui paient un lourd tribut à leur combat incessant contre l’intrusion et l’emprise sectaires de l’idéologie transgenriste dans les médias, les écoles, le sport, etc. On n’est jamais aussi bien trahi que par les siens, surtout à gauche. Ces féministes de toujours sont aujourd’hui accusées d’être des TERF (féministes excluant les femmes trans des luttes féministes) par certaines associations LGBT et par Libération qui considère qu’il existe une « passerelle idéologique » entre ces « féministes antitrans » et l’extrême-droite. Dora Moutot et Marguerite Stern se voient régulièrement menacées sur les réseaux sociaux par de courageux anonymes – aucune Caroline de Haas ou Sandrine Rousseau ne viennent à leur secours. Selon Libé, ces deux féministes sont transphobes. Des  associations LGBT poursuivent Dora Moutot pour transphobie. La notion de transphobie sert les mêmes desseins que celle d’islamophobie: dénoncer « l’intolérance » et la « haine » supposées de ceux qui ont l’outrecuidance de questionner une idéologie ou une religion pour les empêcher de parler coûte que coûte. Le colloque organisé par le Comité Laïcité République Pays de la Loire – Cinq ans après MeToo, où en est le féminisme ? – auquel devait participer Marguerite Stern, a dû être reporté à cause des menaces de certaines associations et de Mme Ségolène Amiot, députée LFI qui n’a pas hésité pas à tweeter: « Madame Sterne (sic), la transphobie et l’islmamophobie (sic) ne sont pas des opinions mais des délits, alors oui je demande l’annulation d’un colloque qui en fait la promotion ! » Cette élue parlementaire d’extrême gauche semble ignorer que la transphobie et l’islamophobie ne sont pas des délits et qu’en France la liberté d’opinion est assurée par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen [1]. Décidément, LFI a de plus en plus de mal avec le pluralisme d’opinion et la liberté d’expression.

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Claude Askolovitch, pro-voile, pro-immigration, défenseur de Mehdi Meklat et auteur d’un essai intitulé Nos mal-aimés : ces musulmans dont la France ne veut pas, est un petit soldat du progressisme woke et, bien qu’il s’en défende, de l’islamo-gauchisme. Il partage cette paradoxale particularité avec de nombreux représentants politiques d’extrême gauche et la majorité des journalistes du service public. Cette bizarrerie, qui consiste à prendre fait et cause en même temps pour tout ce qui relève du wokisme (en particulier l’idéologie du genre) et pour une religion qui est à l’exact opposé des avancées dites sociétales ou progressistes espérées par le camp du Bien, amuse beaucoup les patients Frères musulmans très désireux de nous voir nous écrouler sur nous-mêmes avant que de parachever le travail de remplacement d’une civilisation qu’ils jugent décadente par une autre qu’il juge essentielle, irrépressible et supérieure à toutes les autres. Comme tout bon journaliste france-intérien bien-pensant, ouvert à l’autre, diversitaire et tolérant, Claude Askolovitch défend tout à la fois les athlètes transgenres et les femmes, la possibilité de changer de sexe comme on veut et le voile islamique, les « minorités » LGBT et l’immigration massive et musulmane, le « vivre ensemble » et le multiculturalisme – et ne s’aperçoit pas que chacune de ces équations est une contradiction dans les termes et dans les faits. Voulant dénoncer un récent entretien de Marie-Jo Bonnet et Nicole Athea donné au Figaro à propos de leur essai [2], le journaliste twitte dans un français approximatif : « Ce qui monte autour des personnes transgenres, cette obsession à démontrer un lobby qui prendrait la société, cette envie d’éradication, sont fascinants. Cette invention de monstres qu’il faudrait circonscrire, isoler, exclure, puis éliminer est un déjà vu. » Derrière cette pénible verbosité, on devine une énième évocation de ces « heures sombres »… qui n’ont d’autre utilité que d’interdire le débat et de dissimuler – de plus en plus mal, il est vrai – l’absence d’une véritable réflexion sur ces phénomènes.

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[1] Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

[2] Marie-Jo Bonnet et Nicole Athea, Quand les filles deviennent des garçons, Éditions Odile Jacob.

Qui est disposé à mourir pour Taïwan — ou pour l’Ukraine?

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Notre chroniqueur, choqué par l’unanimité des réactions après les propos d’Emmanuel Macron sur Taïwan, rappelle quelques vérités indispensables: la politique des blocs nous mène au désastre.


Savez-vous ce que sont les boomers ? Des gens, aujourd’hui sexa ou septuagénaires, qui ont une mémoire personnelle de la guerre d’Algérie, et une mémoire collective de celle du Vietnam. Ils ont vu, comme moi, leur père rentrer de 18 mois de crapahutage dans le bled, amaigri et taciturne, le regard lointain, plongé dans quelques horreurs indicibles. Ils ont vu, comme moi, de jeunes Américains brûler leur passeport, ou revenir à l’horizontale au cimetière d’Arlington — et des petites filles nues, à moitié brûlées au napalm, courir sur des routes bordées de rizières. Ils sont les derniers à avoir une certaine vision directe de la guerre.

Ils ont également un souvenir assez vif de Khrouchtchev tapant sur son pupitre, à l’ONU, à grands coups de semelle, le 12 octobre 1960.

Ajoutons qu’ils ont eu des grands-pères qui avaient participé directement à la Deuxième guerre, et parfois, comme moi, à la Première, heureux gagnants de deux guerres mondiales. Et qui leur racontaient, en les faisant sauter sur leurs genoux cagneux, ce que c’est qu’une vague de gaz moutarde dans des tranchées.

Alors, quand Macron — que j’encadre mal, par ailleurs — affirme dans une interview aux Echos qu’aujourd’hui, « le temps est militaire » et que nous, Européens, « devons nous réveiller, notre priorité n’est pas de nous adapter à l’agenda des autres dans toutes les régions du monde », un bon nombre de ceux qui savent dans leur mémoire intime, voire dans leur chair, ce qu’est une guerre, lui donnent raison.

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Tollé dans le Landerneau diplomatique. Nous sommes retombés dans une logique (est-elle bien logique ?) de blocs où si vous n’adhérez pas à 110% à l’OTAN, vous êtes pro-russes. La grande idée de De Gaulle était de ne pas s’aligner aveuglément sur la logique de la guerre froide. Il a, l’un des premiers, reconnu la Chine de Mao — et la France, du coup, n’a jamais reconnu Taïwan comme un Etat : c’est une parcelle de Chine en sécession, aubaine pour les Américains qui disposent ainsi d’un gigantesque porte-avions terrestre juste en face de l’ennemi d’aujourd’hui. Cuba hier, Taïwan aujourd’hui. Les Grands font mumuse sur notre dos.

Etes-vous disposés à mourir pour Taïwan — ou à envoyer vos enfants y mourir ? C’est ainsi que se pose la question. Tous les partisans d’une aide militaire à l’Ukraine ont tous dépassé l’âge où ils pourraient aller s’opposer directement à Wagner — des poètes, ceux-là. Biden va-t-en guerre du haut de sa sénescence. C’est bien pratique, pour un vieillard, de décider que ses petits-enfants iront se faire casser la gueule sur des champs de bataille lointains. L’Irak ou l’Afghanistan n’ont pas suffi.

Quant à l’idée de sanctions économiques contre la Chine, elle est encore plus grotesque que les sanctions contre la Russie — qui nous ont plus appauvris qu’elles n’ont contrarié le Kremlin. Sanctionner la Chine, c’est s’exposer, dans les dix jours, à ne plus rien avoir à se mettre sur le dos, ni dans les carcasses de nos voitures en construction. Sans parler du reste. La mondialisation nous a mis à la merci des petits grands hommes jaunes, et, accessoirement, des moujiks.

Nous avons d’autres soucis que de suivre les Américains dans leur désir de réactiver la guerre froide en la réchauffant çà et là. L’opinion publique américaine est-elle par ailleurs favorable à récupérer des boys dans des caisses ? Ça m’étonnerait : les politiciens sont cette espèce méprisable qui prend des décisions qui ne l’engagent pas personnellement. Et si nous devions dessiner une priorité, ce serait de dénoncer l’extra-territorialité du dollar et de la justice américaine, qui se croit tout permis.

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Nous avons bien d’autres soucis. Il faut réindustrialiser le pays : pensez que le redémarrage du parc nucléaire va engloutir tout ce que nous avons d’ingénieurs fraîchement formés, et que pour le reste, l’habile politique éducative, qui consiste à former des élites qui se barrent à l’étranger dès qu’elles ont bouclé leur cursus chez nous à nos frais amène une carence de techniciens et de concepteurs de haut rang. Il faut donner à manger à un peuple qui en est aujourd’hui réduit à voler dans les supermarchés la viande qu’il ne peut plus s’offrir — et vous voudriez dépenser « un pognon de dingue » à construire des chars pour les offrir aux uns ou aux autres ?

Bien sûr que Macron, en jouant sur l’écho lointain du Général, en rappelant indirectement que le moment le plus glorieux des années Chirac fut le discours de Villepin aux Nations Unies refusant que la France s’engage dans la farce irakienne, fait du pied à la droite française, dont il a besoin dans les quatre ans à venir ! Bien sûr qu’il est, fondamentalement, un mondialiste heureux, au service de grandes sociétés ! Bien sûr que le déficit de la balance des comptes française fait le bonheur des banques, puisque nous ne pouvons plus frapper monnaie : et nous savons les liens affectifs de Macron avec le système bancaire. Tout cela est vrai — mais l’idée que nous serions forcés, par « solidarité » avec des gens qui nous méprisent, de mettre un pied dans la mer de Chine me bouleverse, moi qui ai vu, quand j’étais enfant, ce qu’est un revenant de guerre.

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De la susceptibilité à «l’offense»

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Dans notre société du caprice, «Je suis susceptible» se transforme peu à peu, sournoisement, en «Je suis offensé». Analyse d’une petite révolution sociale.


Toutes les évolutions au sein d’une société ne sont pas égales en importance et en conséquences : il y a celles, plutôt légères, qui modifient en surface, améliorent un défaut, corrigent une mauvaise habitude — elles sont souhaitables et garantissent que le groupe humain, sans se renier ni apostasier l’ensemble, a conscience qu’il est perfectible. Et il y a les évolutions dont les conséquences retentissent pour des siècles, principalement parce qu’elles bouleversent non seulement la surface mais aussi le cœur du groupe. Le wokisme, qui a bruyamment et invraisemblablement débarqué dans nos existences il y a quelques années, est à ce jour le dernier jalon en date de la révolution anthropologique commencée par l’individualisme philosophique.

Une révolution sémantique

Parmi les révolutions sémantiques — qui provoqueront des révolutions sociales et humaines si nous les laissons se diffuser plus longtemps — du wokisme, il y a la transformation du « Je suis susceptible » en « Je suis offensé ». C’est un retournement complet, pas seulement des mots mais aussi des relations humaines. Jusqu’à présent, la susceptibilité était un défaut que les concernés devaient corriger non seulement pour s’améliorer mais aussi pour améliorer leurs relations avec le monde extérieur. Être susceptible était une tare sociale, quelque chose qui vous handicapait, dégradait vos relations avec les autres, c’était un problème qui parasitait votre existence comme le font d’autres inflammations des émotions, par exemple la jalousie, l’égoïsme, l’arrogance, etc., qui toutes vous interdisent de reconnaître votre perfectibilité et vous conduisent à attendre des autres qu’ils changent leur comportement afin que vous n’ayez pas à le faire vous-mêmes.

Comme dans l’enfer stalinien, l’enfer woke impose une autocensure permanente, exerce une pression qui contraint l’expression de la parole et la diffusion des opinions contraires

Dans une société correctement établie, c’est-à-dire établie à partir de l’idée maîtresse que nous sommes tous le Bien commun des autres et que cela nous impose d’être toujours à la hauteur de cette charge qui, si elle nous pèse parfois, organise également notre bonheur, ce sont les susceptibles qui par définition avaient le devoir légitime de corriger ce défaut. Depuis le wokisme, ce n’est plus à ceux-là de se corriger: c’est aux autres de veiller constamment à ne pas échauffer cette susceptibilité !

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Le susceptible n’est plus coupable de détériorer ses relations avec les autres — et donc d’abîmer l’équilibre sociale : ce sont les autres qui sont coupables d’échauffer cette susceptibilité. Et les nouveaux convertis du wokisme, parfaitement à l’aise avec cette idée que l’individualisme leur avait déjà mis dans la tête sous la forme d’un germe dangereux, se convainquent en effet qu’ils n’ont plus aucun effort de correction à faire, plus aucun effort de perfectibilité, puisque ce n’est pas eux le problème mais les autres : qu’ils ne sont pas susceptibles, mais offensés. En niant qu’ils sont le problème, ils font que les autres le soient et se dégagent ainsi de toute responsabilité dans la dégradation d’un tissu social déjà fragilisé et contre lequel ils portent le coup final.

Bande d’incapables

Car il faut essayer d’imaginer ce que serait une société humaine dans laquelle le wokisme aurait entièrement vaincu, et avec lui son armée d’offensés incapables de la moindre interaction sociale non-conflictuelle. Et justement nous avons une « chance », c’est qu’une telle société existe déjà sous forme de laboratoires locaux. Dans un documentaire qui fait froid dans le dos, nous découvrons l’enfer d’une micro-société où précisément le wokisme règne en maître. Il s’agit de l’université d’Evergreen, installée sur la côte ouest des États-Unis. Là-bas, les féministes aux cheveux fluos, les « racisés » anti-blancs, les trans-identitaires sont organisés en armée qui intimide le reste du groupe, y compris les professeurs obligés, à cause de la pression sociale et du laxisme de la direction, de laisser se propager la terreur woke. Là-bas, chaque mot que l’on prononce, même le plus insignifiant, doit être pesé car il est susceptible d’offenser quelqu’un pour un motif ou un autre. Comme dans l’enfer stalinien, l’enfer woke impose une autocensure permanente, exerce une pression qui contraint l’expression de la parole et évidemment la diffusion des opinions contraires. Plus proche de nous, Sciences-Po. Récemment, une femme, professeur de danse dans cette institution, a été emportée dans un conflit surréaliste par l’action concertée de plusieurs élèves « offensés » par le contenu de son discours : en l’espèce, l’objet du délit consistait pour le professeur à continuer d’appeler hommes les hommes et femmes les femmes. C’en était trop pour cette jeunesse acquise à l’idéologie transgenriste, déconstructionniste, qui ne tolère pas qu’un discours aussi offensant et rétrograde soit tenu devant des esprits si sensibles. Le professeur a dû quitter ses fonctions.  

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Grâce à ces exemples de micro-sociétés wokes, nous n’avons même plus besoin de faire l’effort d’imaginer les dégâts de l’idéologie du caprice : il suffit de regarder l’état déplorable dans lequel elle emprisonne les populations qui n’ont pas su se prémunir contre sa folie. Face au risque de contagion, nous autres qui sommes encore lucides avons désormais un devoir social qui est celui de ne jamais flatter la posture victimaire de gens qui transforment leurs défauts en droit à la pleurniche. Notre devoir social et humain est d’aider les susceptibles à ne plus l’être autant, précisément en n’accordant pas d’importance particulière à leurs caprices, c’est-à-dire en leur faisant comprendre qu’ils n’obtiendront rien de nous en nous prenant en otage émotionnellement. Chacun doit comprendre que c’est à la sueur de son front, que c’est grâce à ses efforts, sa persévérance, sa détermination que l’on obtient quelque chose dans ce monde, non en se décrétant « offensé » tous les matins dans l’espoir d’être dédommagé pour cela.

Le wokisme, qui est un assistanat mental qui pousse à toutes les paresses sociales, intellectuelles et humaines, doit être combattu avec toute l’énergie nécessaire. Il vaut mieux être « le salaud » de quelques-uns aujourd’hui plutôt que le bourreau de tous les autres demain.

Dessine-moi un canon

Des dessins pour l’Ukraine en classe de maternelle, ou comment créer la prochaine génération d’anxieux anti-Russes.


Voilà qui devrait intéresser les « parents vigilants » et confirmer que l’école déroge à ses missions premières en se livrant à une propagande de tous les instants. Une collègue évoque dans une conversation les dessins pour l’Ukraine que son fils a été amené à faire en dernière année de maternelle. Premier point : la mère et professeur qu’elle est, tout comme deux autres collègues présentes, ne semblent pas s’étonner le moins du monde que l’école se mêle de la géopolitique du moment, a fortiori avec des enfants de cinq ans. Il est significatif que des professeurs laissent passer ce genre d’information sans réagir, sans même voir où est le problème. Tous les esprits, y compris ceux qui sont censés former au jugement critique, semblent prêts pour le grand endoctrinement: l’inertie intellectuelle lui offre un boulevard.

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Second point : que va-t-il rester dans la tête de ces enfants ? Il ne s’agit pas de leur cacher la réalité de la guerre ni de leur proposer une vision idyllique du monde, mais pourquoi les immerger dans l’actualité, sans recul aucun, là où les contes leur révéleraient le mal et la violence d’une façon autrement efficace et adaptée, par le filtre protecteur de la fiction ? Si l’école, dès les plus petites classes, s’emploie ad nauseam à entretenir les enfants de guerre et de crise climatique, rien d’étonnant à ce qu’ils développent des troubles de l’anxiété à l’âge où l’on devrait pouvoir prétendre à une forme d’innocence et de légèreté. L’objectif est moins, d’ailleurs, d’expliquer cette guerre entre l’Ukraine et la Russie (conflit dont les enjeux peuvent échapper même aux adultes) que de prendre parti: certes, c’est l’Ukraine qui est agressée dans cette histoire, certes Poutine est détestable à bien des égards, mais une vision manichéenne et simpliste amènera forcément de jeunes enfants à considérer définitivement le Russe comme un méchant ontologique. Pour le coup, cette discrimination-là ne semble pas poser de problème au sein de l’Éducation nationale.

Daniel Riolo: «La majorité des amis du Deschamps de 98 s’est éloignée de lui»

Dix ans après Racaille football club, Daniel Riolo publie Chaos football club, avec Abdelkrim Branine, journaliste et par ailleurs auteur d’un roman, Le Petit Sultan. Derrière les grands succès internationaux du football français de ces dernières années, les deux auteurs décrivent un milieu qui ressemble de plus en plus à celui du banditisme. Avec une grande gueule toujours jubilatoire, Riolo anime l’After Foot, sur RMC Sport. Il a répondu à nos questions.


Causeur. Vous décrivez un paysage du football français apocalyptique ! Il y a dix ans, nous nous remettions tout juste de Knysna (la fameuse affaire des joueurs restés dans le bus lors de la Coupe du monde 2010, NDLR) et Deschamps prenait ses fonctions. Depuis, l’équipe de France est redevenue une sélection majeure. Vous dénoncez les derniers scandales qui émaillent notre football national, mais n’est-ce pas faire peu de cas du fantastique chemin parcouru en dix ans ?

Daniel Riolo. L’Équipe de France a totalement chamboulé son image. Il y a dix ans, les Bleus étaient mal aimés et la cicatrice Knysna a mis longtemps à se refermer. Deschamps est incontestablement le grand artisan de ce redressement. À partir du moment où la catastrophe du barrage face à l’Ukraine en 2013 a été évitée, tout est allé dans le bon sens. Mais même si le volet sportif est excellent, nous n’avons pas été épargnés par les affaires pour autant. Le cas Benzema, et l’affaire de la sex tape de Valbuena, ont failli provoquer une crise profonde juste avant l’Euro 2016. Une crise qui s’est transformée en problème sociétal. Benzema et les Bleus, c’est devenu un problème de société qui s’est accentué lors du dernier Mondial après son éviction[1].

Après le succès au Mondial 2018, la FFF a sombré dans un marasme sans fin. Pendant que les joueurs brillaient, en coulisse c’était la débandade. Les gens à la FFF ont visiblement plus fêté la victoire que les Bleus. On s’est cru tout permis. L’audit lancé en octobre dernier est la fin du processus de délitement de la FFF. Deschamps est un excellent meneur d’hommes, mais a-t-on le droit de douter de sa moralité ? Il a couvert et soutenu Le Graët, un président poussé dehors. L’autoritarisme, le système mafieux mis en place, on devrait quand même avoir le droit d’en parler. Gagner la Coupe du Monde ne donne pas tous les droits. D’autant que ce sont les joueurs qui ont gagné. Le Graët n’a rien gagné. Et il ne voulait même pas de Deschamps en 2012.

Est-on à l’abri qu’un joueur de l’équipe de France finisse par prendre une balle perdue, un de ces jours ? Un joueur, je ne sais pas. Mais une personne « liée » au foot, ça peut arriver.

A l’époque, les M’Vila, Nasri ou Menez scandalisaient par leur attitude, notamment lors de l’Euro 2012. N’a-t-on pas fait de beaux progrès avec la génération Mbappé, beaucoup plus lisse, beaucoup plus présentable ?

Absolument. Pour autant, cette équipe de France n’est pas forcément lisse. Et ne pas être lisse n’est pas un compliment à mes yeux, si c’est pour être un sale gamin irrespectueux de tout. La génération Mbappé est en « mode US ». Professionnelle, carrée, droite, elle est composée de jeunes qui sont vite partis à l’étranger. Des joueurs qui ont vite quitté la France. En partant, ils ont été confrontés à une exigence et à un professionnalisme qu’on a toujours beaucoup de mal à mettre en place dans nos clubs.

Vous montrez un Deschamps machiavélique, mouillé dans quelques affaires durant sa carrière de joueur. Il vous attaque par ailleurs en justice pour diffamation. On pourrait vous rétorquer que c’est peut-être le prix à payer pour se constituer un tel palmarès…

Ah bon ? Alors quels sont les entraîneurs qui ont poussé à ce point le concept de « la fin justifie les moyens » ? Ancelotti ? Zidane ? Klopp ? Low ? Del Bosque ? Flick ? Luis Enrique ? Lippi ? Heynckes ? Guardiola ? Je n’ai pas oublié grand monde dans les vainqueurs de Coupe d’Europe ou du Monde des vingt dernières années, non ? Deschamps ne supporte pas quand on rappelle qu’il était sur le Phocea et qu’il a couvert tous les agissements de Tapie à l’OM[2]. C’est vieux tout ça. Bernes, son grand ami et agent non officiel, a tout reconnu et a longtemps fait dans la rédemption. Deschamps, non. J’ai beaucoup de respect pour Bernes d’ailleurs. Les deux étaient au courant de ce qu’il se passait à Knysna. Ont-ils œuvré pour aider ? Non, ils ont regardé, pour mieux prendre la place derrière. Aujourd’hui, la grande majorité de « ses amis » de France 98 se sont éloignés de lui. Nous, on sait comment il fonctionne, sa volonté de museler les médias, d’entretenir les courtisans. Il dit ne jamais écouter ce qu’il se dit. C’est faux. Il sait tout, entend tout et n’oublie rien. Deschamps est un excellent meneur d’hommes, un grand manager. Il sait comment gagner. Qu’on nous laisse juste le droit de ne pas aimer l’homme et ses valeurs. C’est fou d’être attaqué pour ça. On a le droit d’aimer ou de ne pas aimer Napoléon, De Gaulle, Mitterrand, de commenter leur action, mais pas Deschamps ? Il s’estime au-dessus des grandes figures historiques ? Il pense qu’on s’acharne sur lui, alors que mine de rien on vient de lui faire un sacré compliment là !

Durant l’été 2022, le milieu du foot a été secoué par l’affaire Pogba, sordide histoire de chantage opposant une fratrie, avec en arrière-fond des accusations folkloriques de maraboutage… On s’aperçoit que des joueurs majeurs peuvent se faire racketter par un entourage de frères et d’amis peu scrupuleux. Les armes à feu circulent allègrement dans l’entourage des joueurs, des agents également. Evidemment, on aura du mal à faire pleurer dans les chaumières avec ces problèmes de millionnaires. Est-on à l’abri qu’un joueur de l’équipe de France finisse par prendre une balle perdue, un de ces jours ?

Un joueur, je ne sais pas. Mais une personne « liée » au foot, ça peut arriver. Récemment une personne enquêtant sur un dossier chaud du milieu nous confiait être convaincu que ça allait mal tourner et que ça arriverait ! Nous, dans notre livre, le millionnaire qui doit faire pleurer ou pas, on s’en fout, effectivement : on raconte juste l’affaire Pogba. On évoque aussi le drame que vit Kanté, millionnaire sous pression d’un entourage néfaste. De plus en plus de joueurs vivent sous pression. Ils sont obligés de payer une protection qui s’avère être souvent plus dangereuse que la menace. 

Vous présentez également une présidence de la FFF complètement opaque, avec des réseaux autour de Noël Le Graët, notamment bretons et socialistes. Vous montrez aussi comment Mbappé s’est retrouvé embrigadé, via sa mère, dans le soutien à la candidate socialiste de la mairie de Bondy. Il n’y a plus que les stars du football qui s’intéressent au vieux Parti Socialiste, ma parole !

(rires) Oui, on n’y avait pas pensé, tiens ! Pour Le Graët, ça a été sa protection pendant des années. Le PS et les francs-maçons. Pour la mère de Kylian Mnappé, ce sont les vieux amis de Bondy. Mais Mbappé a évolué, et comme les jeunes socialistes, il est devenu macroniste !

Il n’était pourtant pas très réceptif aux mamours du président Macron, après la finale de décembre au Qatar… On vous a collé l’étiquette du journaliste sportif plutôt de droite. Cela vous convient-il ?

Je réponds pour moi, car je ne connais pas les opinions de mon co-auteur Abdelkrim. C’est drôle le « plutôt » de droite. Cette tradition française à flipper de dire ça ! Mon Dieu, ça fout encore les jetons de le dire, surtout quand on est journaliste… Alors oui, je suis de droite. Normal, je viens d’un milieu ouvrier. Et je n’ai jamais cru aux balivernes de la gauche française. J’ai grandi sous Mitterrand, l’homme d’extrême-droite qui a fait croire qu’il était de gauche. Généralement quand on tape sur De Gaulle, à mes yeux, on est suspect. Gaulliste donc. J’ai toujours été fasciné par la Résistance, les compagnons de la Libération. Kessel, Druon, Malraux… Et même si en Sicile, dans mon village, tout le monde était communiste (fort heureusement le PCI n’avait rien à voir avec le PCF), moi, j’étais différent. Une sorte d’OVNI. Je suis d’une droite imaginaire car je ne l’ai jamais vraiment vue. Déçu par Chirac, j’ai cru en Sarko en 2007 grâce à Henri Guaino, mais deux jours plus tard, j’ai vomi sur le yacht de Bolloré : ça bougeait trop. Et puis, les marqueurs changent vite. Face aux dangereux coupeurs de tête LFistes, je trouve sympa la future gauche de Cazeneuve, c’est vous dire… Finalement, je suis persuadé qu’une grande majorité de Français voient les choses de la même façon que moi. Mais les « boutiques politiques » empêchent ce grand courant de s’exprimer.

Vous décrivez dans le bouquin un milieu de jeunes joueurs pas du tout insensibles aux thèmes antisémites et homophobes… Pouvez-vous revenir sur l’histoire de ce formateur reçu à Troyes pour faire de la prévention contre l’homophobie ?

Oh c’est très simple. Il s’est fait virer[3] par les jeunes du centre de formation et a terminé dans sa voiture en larmes. La mentalité « quartier » se nourrit culturellement aux excès du rap, et se retrouve chez les jeunes des centres de formation. En grande majorité, ils viennent de là. Les formateurs font plus de social que de foot quasiment ! Après, il y a comme un paradoxe ; en groupe, c’est un cauchemar ; individuellement, quand ils doivent répondre à des questions, ces jeunes sont plus ouverts et ne sont pas insensibles au dialogue. Ils sont demandeurs pour beaucoup d’un échange. Mais le chemin est compliqué car le culture ghetto fait des ravages.

Le modèle économique des clubs français dépend largement de la vente des joueurs dans les autres championnats, lesquels dépendent des droits TV. Vous montrez aussi que malgré la passion qu’il suscite dans presque tous les pays du monde, le football n’a pas une solidité économique aussi forte que le football américain. Je me demande pour ma part s’il n’y a pas un risque de non-renouvellement du public. Le football est devenu rare sur les télés « gratuites ». Quand j’avais 10 ans, je négociais le mercredi soir pour pouvoir regarder la Champions League et le dimanche pour regarder Téléfoot plutôt que d’aller à la messe. N’y a-t-il pas un risque que les jeunes générations, happées par d’autres supports (Netflix) se détournent du football et échappent au « virus » que l’on contracte souvent autour de 10/12 ans ? A terme, le football ne pourrait-il pas devenir un sport « ringard », comme l’est devenu le vélo ?

Je partage votre constat. Et d’ailleurs, beaucoup de dirigeants le partagent. À tel point que certains d’entre eux veulent inventer un nouveau football à travers de nouvelles compétitions comme la Super Ligue[4]. La réponse de l’UEFA et de la FIFA est aussi de créer de nouvelles compétitions. C’est la preuve que tout le monde flippe d’un recul du foot, et estime nécessaire de le relancer. Le débat porte aujourd’hui sur le comment et avec qui, mais oui le foot est à un tournant.

Entre la joueuse Diallo, qui entretient une relation à distance avec une jeune femme en se faisant passer pour un homme et en trafiquant sa voix sur une application, des jeunes joueurs recrutés par des agents dans des soirées où circulent des gaz hilarants, un Le Graet torché des 9 h du matin faisant régner la terreur dans les bureaux de la FFF, on a parfois l’impression d’avoir à faire à un asile de fous ! Pourtant, tous les soirs, vous êtes au micro dans l’After, pour commenter l’actualité du ballon rond. La lassitude ne vous menace-t-elle pas ? 

La lassitude, tous les ans j’en parle. Je l’envisage, j’en ai peur, je m’inquiète. C’est mon sujet de juin généralement… Et puis je pars en vacances. Et quand je reviens à la radio, je suis content. Ma peur disparaît et je repars. Le foot régénère. L’été dernier, c’était l’affaire Pogba, le livre qui se préparait. Il se passe toujours un truc. Et puis, imaginez les journalistes politiques ou autres. Eux aussi, ce n’est pas toujours très beau ou propre ; et ils ne dépriment pas, ils avancent. L’After est une bénédiction depuis 17 ans. Je bosse avec des gens super, une bande incroyable. On a des boss qui nous soutiennent et ce n’est pas toujours simple. Alors être lassé ? Se plaindre ? Non franchement, ça serait indécent.

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[1] Il suffit de faire un tour sur les pages Facebook de L’Equipe ou de RMC Sport pour observer un clivage très largement ethnique entre les pro-Benzema et les pro-Giroud, ndlr.

[2] Alors que Marseille s’apprête à disputer la finale de la Ligue des Champions 1993 mais aussi un anonyme match de championnat contre Valenciennes, Bernard Tapie a l’idée, sur son bateau, d’organiser une tentative de corruption sur plusieurs joueurs valenciennois. Didier Deschamps est ce jour-là sur le bateau, sur lequel venait d’être tourné un numéro de Téléfoot, grand-messe du football français à l’époque, ndlr.

[3] Aux cris de « Qu’est-ce que tu fous ici toi, casse-toi, sale pédé », ndlr.

[4] Une sorte de championnat « fermé », réservé aux très gros clubs, sans relégation possible, sur le modèle de la NBA, qu’une quinzaine de clubs européens ont tenté de lancer au printemps 2021, provoquant la colère de presque tous les amateurs de football, ndlr.

En Espagne, la loi sur le consentement sexuel provoque un scandale judiciaire et une polémique gouvernementale

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Des violeurs voient leur peine réduite dans le pays, suite à une loi idéologique promulguée par Podemos (extrême gauche).


Ce devait être l’une des lois-phares de la législature qui s’achèvera à la fin de l’année 2023 en Espagne. Ce devait également être un texte fondamental pour la gauche « radicale » d’Unidas Podemos, qui fait partie du gouvernement de coalition avec les socialistes outre-Pyrénées – notamment pour la ministre de l’Égalité, Irene Montero. C’est pourtant un échec lourd de conséquences dont se serait bien passé l’exécutif à la veille d’un cycle électoral qui débutera par le scrutin municipal et régional du 28 mai prochain.

Le grand moment d’Irene Montero

Adoptée de manière définitive au Congrès des députés (chambre basse du Parlement espagnol) en septembre 2022, la Loi organique de Garantie intégrale de la Liberté sexuelle constituait à l’origine un succès pour Irene Montero. Son groupe parlementaire (qui avait besoin d’exister au sein d’une alliance gouvernementale où son agenda se réduisait comme peau de chagrin) défendait bec et ongles cette réforme du code pénal en matière de protection des femmes. Elle était connue depuis un moment dans les médias de notre voisin ibérique comme la loi du « seul un oui est un oui » (ley del sólo sí es sí). En effet, elle cherchait à accorder une importance renouvelée au consentement explicite des citoyennes espagnoles dans le domaine des relations sexuelles.

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Le texte faisait suite à un immense scandale judiciaire, celui de la « Meute de Pampelune » (Manada de Pamplona). Le 7 juillet 2016, durant les fêtes de la Saint-Firmin, dans la capitale de la Navarre, une jeune fille de dix-huit ans était violée par cinq hommes. Ces derniers ont d’abord été condamnés pour abus sexuel par deux tribunaux régionaux avant que, face au tollé médiatique et social, la Cour suprême ne requalifie les faits en viol en juin 2019. La distinction entre ces crimes et délits alors prévus par le code pénal espagnol se fondait notamment sur l’existence ou non de violence physique et d’intimidation envers les victimes.

Manifestation après la remise en liberté de la « meute de Pampelune », 22/06/2018. Sur la pancarte de la manifestante, nous pouvons lire : « Les magistrats et les violeurs sont les enfants sains du patriarcat ». Photo: Lito Lizana / SOPA Images/SIPA

Un contenu sujet à débat

Comme beaucoup d’Espagnols, Irene Montero s’était dite outrée par les deux premiers jugements et avait promis de réformer la loi si elle parvenait au pouvoir. C’était donc chose faite en septembre 2022 avec la ley del sólo sí es sí. Cette dernière prévoyait, entre autres, que les pouvoirs publics devraient renforcer le soutien aux victimes et établir des mesures de protection spécifiques pour les enfants de femmes agressées. Elle inscrivait comme délit le harcèlement de rue, accroissait les poursuites contre les proxénètes, consolidait les peines contre un certain nombre d’actes violents contre les femmes… et supprimait la distinction entre abus et agression sexuelle afin de ne retenir que cette dernière. Un système progressif était dans le même temps mis en œuvre en matière de condamnations, en fonction de la gravité des actes reprochés.

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Dès la présentation de sa première version, le projet de loi a suscité de nombreuses critiques de la part des membres socialistes du gouvernement – en particulier du ministre de la Justice de l’époque, Juan Carlos Campo, et du titulaire du portefeuille de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska. Le texte était très mal rédigé et il ne s’en dégageait aucun professionnalisme mais Unidas Podemos ne voulait rien céder. Par ailleurs, le Conseil général du Pouvoir judiciaire (équivalent de notre Conseil supérieur de la magistrature) s’inquiétait de l’esprit de la loi ainsi proposée. En effet, elle inversait la charge de la preuve dans le domaine du consentement sexuel: c’était désormais à l’homme de prouver que ce dernier avait été formulé explicitement avant l’acte si une plainte était déposée.

Par ailleurs, la fusion des délits d’abus et d’agression risquait d’entraîner, en l’absence de dispositions transitoires, un abaissement généralisé des peines déjà prononcées dans ce type d’affaires. De nombreux dirigeants, spécialistes de droit et associations juridiques ont tiré la sonnette d’alarme à ce sujet. Refusant de les écouter, Irene Montero n’a pas modifié les passages mis en cause et a réussi à faire voter son texte.

Des répercussions catastrophiques

Pourtant, les terribles conséquences attendues se sont bel et bien produites. Dès l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, les tribunaux espagnols ont été saisis par des personnes condamnées pour abus ou agression sexuelle et ont, dans une grande partie des cas, statué en faveur d’une réduction de peine… voire d’une libération pure et simple. Début mars 2023, le Conseil général du pouvoir Judiciaire estimait à 721 le nombre de détenus ayant bénéficié de la mauvaise rédaction du texte – dont 74 avaient pu sortir de prison.

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Les représentants d’Unidas Podemos n’ont pas tardé à éreinter les décisions prises par les magistrats. Irene Montero est allée jusqu’à expliquer qu’il s’agissait de manifestations de machisme et de la conséquence d’une mauvaise formation des juges. La gauche « radicale », toutefois, a fini par accepter l’idée d’une réforme de la loi. Ce changement (pourtant déclaré urgent par le chef de cabinet, Pedro Sánchez) n’a toujours pas été voté, au 12 avril 2023. Unidas Podemos reproche aux socialistes de négocier le texte corrigé avec l’opposition de droite, qui avait émis son désaccord avec la loi Montero. Tout cela accentue les tensions au sein de la coalition au pouvoir.

Ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour le camp gouvernemental à l’approche des élections et augure de futures déconvenues juridiques. La fameuse « loi Trans », adoptée en février dernier et accusée par certains secteurs idéologiques de dégrader la condition féminine (notamment en raison de l’autodétermination de genre qu’elle fait sienne), pourrait connaître le même sort.

Grand retour d’Adrien Quatennens: la poutre et la paille

À gauche, c’est le festival des tartuffes. Après la réintégration, au sein de la Nupes, d’Adrien Quatennens (LFI), lequel avait giflé sa compagne, on surjoue l’indignation, malgré l’autocritique publique du député qui parle de ses progrès comme le ferait un alcoolique repenti… L’analyse de Céline Pina.


Jamais la conjoncture n’a été aussi favorable à la gauche, le gouvernement ayant réussi l’exploit d’apparaitre comme un détricoteur des protections sociales des Français sans avoir montré une quelconque capacité à redresser économiquement le pays, ni même obtenu des résultats probants en matière de réindustrialisation. Le tout en offrant des perspectives tellement sombres pour l’avenir que les Français deviennent incapables de se projeter. Oui mais voilà, la Nupes, inféodée à Jean-Luc Mélenchon, n’a plus d’autre identité que celle d’excités pétris de ressentiment et avides de violence, se comportant comme un troupeau de petits commissaires du peuple à la belle époque du stalinisme ! Sous la houlette d’un chef incapable de se contrôler, elle n’offre aucune perspective sociale et se noie dans des histoires de cornecul, bien loin des préoccupations des Français.

Fin de purgatoire

Ainsi avons-nous droit à l’épisode du retour à l’Assemblée nationale du fils prodigue, Adrien Quatennens et au concours d’indignation stérile dont notre monde politique est coutumier. Condamné pour violences conjugales, le député Insoumis réintègre les rangs de LFI, donc de la Nupes, après un bref purgatoire chez les non-inscrits. Faute de pouvoir faire autre chose que de mettre en scène une indignation vertueuse, leurs postes ayant été en partie sauvés par l’accord électoral passé avec Mélenchon, le PS et les écologistes, qui jugent ce retour scandaleux, se contentent d’en faire des gorges chaudes – d’une manière d’autant plus démonstrative qu’ils savent pertinemment qu’ils devront avaler cette couleuvre sans la mâcher.

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Le fait est que le retour d’Adrien Quatennens est tout à fait légal. La question qui peut se poser ici est la légitimité de ce retour dans la mesure où LFI, Verts et PS essaient de surfer sur la vague Me Too, pour engranger les voix des femmes, selon la stratégie Terra Nova. Celle-ci pariait déjà, en 2012, sur l’instrumentalisation d’électorats minoritaires aux intérêts divergents pour se faire élire. C’est ainsi qu’il fallait investir non sur une démarche d’émancipation et de projet, risquant de faire comprendre aux publics cibles que leurs intérêts étaient loin d’être convergents, mais sur une logique de victimisation, les unissant contre un ennemi commun. Dans leurs représentations, les femmes sont ainsi transformées en bébés phoques, les hommes en prédateurs par nature et les islamistes, en victimes du racisme et de la phobie religieuse. L’idée n’est pas d’offrir une perspective politique, mais de désigner un ennemi, la société, vers laquelle orienter la haine que l’on suscite et alimente pour en faire un moteur de prise de pouvoir. Une stratégie qui en général détruit les écosystèmes politiques où elle est appliquée et n’offre un avenir qu’aux oligarques qui la maitrisent, tout en envoyant dans le mur les catégories sociales que l’on réussit à séduire.

Bal des faux-culs

Et le bal des faux-culs touche tous les échelons de la représentation nationale. Aurore Bergé a ainsi déposé l’autre jour une proposition de loi « pour créer une peine complémentaire d’inéligibilité pour celles et ceux qui auraient été condamnés pour faits de violences conjugales ou de violences intrafamiliales ». Quel assaut de pureté chez Renaissance ! Mais visiblement toutes les violences commises ne méritent pas le même traitement. On se souvient du député M’jid El Guerrab, qui faillit tuer un homme à coups de casque ; eh bien le groupe d’Aurore Bergé n’avait rien trouvé de mieux à faire que de continuer à le soutenir, textos d’Emmanuel Macron à l’appui. Il avait certes été exilé dans un autre groupe parlementaire mais il n’a jamais perdu le soutien en sous-main de LREM. L’homme finira même par être nommé au sein d’une commission d’enquête sur les violences liées à l’extrême droite… L’exemplarité en politique ne concernerait donc que la sphère des violences conjugales ? Le reste, violences envers un adversaire politique, appel à la haine, désignation de cibles comme les policiers à la vindicte populaire, détournement d’argent, consommation de cocaïne, maltraitance de ses collaborateurs, c’est autorisé ? Ainsi pendant que tout le monde se focalise sur Adrien Quatennens, une question bien plus essentielle n’est jamais abordée, celle de l’irresponsabilité politique de représentants qui, pour préserver leur petit pouvoir et leurs avantages, ont sacrifié l’intérêt général à leur intérêt personnel ou partisan (l’un nourrissant l’autre). Le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France en est un bon exemple. Voilà ce que l’on peut lire dès l’introduction: « Cette histoire est celle de choix politiques et de débats de société tronqués. C’est la volonté d’imposer une opinion sans en partager et même en mesurer les conséquences ». Ces choix désastreux, faits pour des raisons d’accords électoraux, ont abimé notre capacité industrielle et fragilisé la nation, mais aucun des responsables politiques concernés n’aura à rendre de compte dessus. Il y a là un vrai problème démocratique, mais s’exciter sur l’affaire Quatennens est tellement plus facile que de réfléchir à la notion d’intérêt général et en retrouver le chemin. Cela permet de se tailler un costume de vertu en désignant un méchant qui joue le rôle de la copine moche: il n’existe que pour mettre en valeur la pureté morale de ceux qui le montrent du doigt.

Je sais qu’aujourd’hui il est très mal vu de considérer qu’une gifle dans le cadre d’un divorce n’est pas passible du tribunal de Nuremberg et ne signifie pas forcément que la femme est une femme battue et l’homme, un monstre. D’ailleurs quand une femme se rebiffe et gifle, elle n’a pas à rendre de comptes et ne se voit pas définie par la gifle donnée jusqu’à la fin de ses jours. On a tous connu des ruptures difficiles et, au moins dans son entourage, des séparations houleuses où les passions sont exacerbées. Dans une affaire familiale, Adrien Quatennens a été condamné. Il aurait pu choisir de retrouver une certaine légitimité morale en remettant en jeu son mandat. Cela n’a pas été son choix. Pour le reste son retour dans le groupe LFI n’a rien de l’affaire du siècle.

Les VSS, sujet porteur

En politique, le puritanisme et les leçons de morale n’ont pas vocation à tenter d’élever les hommes, ils visent surtout à diaboliser l’adversaire et à lustrer sa propre image. Les violences faites aux femmes sont un sujet porteur dans l’opinion, mais fondamentalement, la gauche actuelle se moque de la liberté et de l’indépendance des femmes. Elle investit la question des violences en niant une partie du fond culturel sur lequel ces violences sont appuyées. Elle réussit l’exploit de dénoncer le blantriarcat, patriarcat blanc et de soutenir le port du voile en le présentant comme une liberté, niant la situation d’infériorité des femmes dans les pays arabo-musulmans et le fait que cette infériorisation est de plus en plus marquée en France. La multiplication des voiles – comme le fait que celui-ci devienne le symbole de la bonne musulmane – ne les dérange absolument pas. Or le voile est un signe sexiste, qui fait de la femme un être inférieur et marque le refus d’accorder aux femmes la même dignité humaine que les hommes. Il n’y a pas pire atteinte à l’égalité qui est le fondement de notre contrat social. Eh bien cela passe crème.

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Alors oui, le retour d’Adrien Quatennens interroge sur l’hypocrisie de LFI, sur le fait que le chef, Jean-Luc Mélenchon, soit un autocrate qui impose ses choix et se moque de ses partenaires, sur le fait qu’à gauche la question des violences faites aux femmes est une imposture, mais rien de neuf sous le soleil finalement. Et comme de toute façon l’électorat LFI est celui du ressentiment et de la frustration, son rapport à la morale n’est pas une exigence d’éthique personnelle, mais un moyen d’instruire des procès tous azimuts envers ce qui n’est pas eux. À ce titre l’affaire Quatennens est certes gênante, mais pas rédhibitoire. Quant à l’avenir d’Adrien Quatennens, il n’est pas plombé. Winston Churchill disait : « On ne peut être tué qu’une seule fois au combat, mais plusieurs fois en politique. »


Elisabeth Lévy: « Quatennens n’est pas le symbole des violences conjugales »

Tes excuses, c’est à moi que tu les dois!

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Elie et Dieudonné, duo comique iconique des années 1990 © D.R.

Yannis Ezziadi, dieudonniste repenti, raconte dans cette lettre ouverte les ravages de la sphère «Soral-Dieudonné», et s’insurge contre les excuses de son ancien gourou.


« […] L’affaire Merah n’est qu’un FAIT DIVERS ! Par contre la communauté organisée Judeo-sioniste elle à un vrai pouvoir ! Quand on vois que BHL declanche se qu’il a declancher alors qu’il n’est rien du tout, quand on vois que Dieudonné est INTERDIT de media (et en plus pas par la loi car il a gagné la quasi totalité de ses proces …) La il y en à qui merite un soutient ! Quand on vois que lorsque un juif est agressé c’est forcement un crime antisemite et que lorsque un arabe est agressé par un juif on etouffe l’affaire ... »[1]
Yannis Ezziadi, 19 septembre 2012 à 12 h 49.

Voilà le genre de message que j’envoyais dans les années 2010, lorsque j’étais fan de Dieudonné. Celui-ci, j’ai 21 ans quand je l’écris. Il est destiné à ma cousine qui me demandait pourquoi je publiais sur ma page Facebook des messages de soutien à Dieudonné. Je ne sais pas à quelle manifestation je faisais allusion. Peu importe. On voit bien le délire dans lequel je me trouvais. Et je n’étais pas seul ! Parmi mes amis de jeunesse, connus au lycée, les Dieudonnistes étaient légion ! Comment ai-je connu cet humoriste ? Dans le vidéo-club de mon village. Le type qui le tenait louait les DVD de Dieudonné (qui n’était pas encore le directeur de « conscience » dégueulasse qu’il deviendrait). Mon Dieu qu’il était drôle, il faut le dire. Un acteur, un vrai acteur, avec un incroyable talent comique. Je me délectais, hilare, de ses seuls en scène.

Yannis Ezziadi. Photo de Guillaume Brunet-Lentz.

Purée conspirationniste

Et puis, petit à petit, ce fut la dérive de Dieudonné. Dérive dans laquelle il entraîna son public, moi y compris. La cuvette était pleine de ses fans, attirés par ses spectacles à pisser de rire. Il ne lui restait plus qu’à tirer la chasse pour les entraîner dans ses égouts nauséabonds où des merdes immondes les attendaient avec impatience. L’humoriste se transforma en gourou conspirationniste. Il désigna le responsable de son malheur et des nôtres : la communauté organisée. Les juifs, en l’occurrence. Les « sionistes » comme il disait, comme il répétait en boucle jusqu’à en faire un écran de fumée pour cacher son vrai projet. Voilà pourquoi il ne faut pas trop s’attarder sur son obsession du « peuple élu ». L’antisémitisme de Dieudonné n’est qu’un point de détail de son histoire. Il n’est peut-être même pas sincère. Il a choisi cela comme il aurait pu choisir autre chose, populiste qu’il est. Non ! Son grand crime, c’est son crime contre la vérité : son complotisme. Des années durant, ce gros pourri a bourré des millions de crânes vides de sa purée conspirationniste. Et avec quel succès ! C’est excitant, il faut dire, de penser que des groupes secrets et puissants (judéo-maçoniques, pédo-satanistes, qu’importe) dirigent le monde sans qu’on s’en aperçoive. Plusieurs heures par jour, j’étais pendu à ses interminables vidéos sur YouTube. Ses sketchs mêmes étaient complotistes. Dans l’un d’eux, portant sur l’attentat de Mohammed Merah, il disait : « C’est vrai que c’est une affaire où on ne sait pas grand-chose. On sait que Toulouse, ça existe ça ! Mais le reste, non, zéro. On ne sait pas. Ça pue à plein nez. » Là aussi ! Là encore ! On nous cachait la vérité. L’affaire Merah était sûrement un coup monté. Et nous – les abrutis que nous étions ! –, nous plongions dans la piscine du scepticisme, du doute, et en ressortions pleins de théories complotistes et merdeusement fumeuses. Dans le même sketch, Dieudonné disait : « Al-Qaïda, c’est une boîte assez sérieuse. C’est une boîte américaine ! » Tout, je vous dis ! Tout était complot. Heureusement, Dieudonné nous présenta nos sauveurs. Les révélateurs de la Vérité. Ils s’appelaient notamment Alain Soral, Robert Faurisson, Thierry Meyssan ou encore Blanrue. Voilà les excréments dont je vous parlais, ceux qui nous attendaient impatiemment dans les égouts de notre gourou de comique. Sans lui, je ne les aurais jamais connus. Merci Dieudo ! Des centaines d’heures passées à regarder ce malade de Soral sur son canapé rouge. Je crois bien qu’en fait, je ne comprenais rien à ce qu’il racontait. Pendu à ses lèvres, hypnotisé, je ne captais qu’une chose : on était manipulés par une élite satanique qui maquillait la vérité. La vérité que lui seul connaissait et révélait. Je comprenais que je ne pouvais plus croire en rien, que je devais douter de tout, y compris de ce que je voyais, y compris des faits. J’étais persuadé que ce type était brillant et, surtout, qu’il était un rebelle, un insoumis à la communauté organisée judéo-pédo-satano-maçonnique qui dirigeait le monde. Si Soral s’était tué en moto, j’aurais été persuadé que c’était un coup de la communauté organisée, bien maquillé en accident. Petit à petit, Dieudonné nous menait dans un bunker blindé, cent pieds sous terre, bien à l’abri de la vérité. L’enfoiré ! Ses vidéos faisaient des millions de vues, ne l’oublions pas. La secte se formait, grossissait. En tournant le dos aux faits (faux et truqués), nous étions persuadés d’accéder à la vérité vraie. Celle qu’on nous cache. Tonton Faurisson, lui, s’occupait de nous démontrer l’inexistence des chambres à gaz. Lorsque je revois aujourd’hui ses démonstrations, qu’est-ce que je les trouve connes. Mais à l’époque, ça m’excitait. « Moi, vous ne me niquerez pas comme ça ! » pensais-je alors. Et que Dieudonné ne nous fasse pas croire aujourd’hui que Faurisson, c’était juste pour la provocation. Car ça, à la limite, je pourrais encore l’accepter. Mais non ! Lors de la mort du vieux négationniste mielleux que cette bande d’escrocs appelle « Le Professeur », Dieudonné a écrit : « Robert Faurisson nous a quittés, je perds un ami, un homme exceptionnel qui m’a beaucoup inspiré. Je sais que la soif de vérité à laquelle il était enchaîné est à présent apaisée, elle aura fait de sa vie une œuvre incomparable. Dans un monde normal, ta place serait au Panthéon. Nous ne t’oublierons pas Robert. Tu es le seul homme pour qui je vais m’imposer un devoir de mémoire. » Voilà ce que Dieudonné dit de Faurisson à ses fans en 2018, il y a cinq ans à peine ! Il leur laisse entendre que la vérité se trouve du côté du vieux menteur. Et pas dans un sketch ! Qu’il ne vienne pas se cacher sous la « gesticulation artistique ». Tout comme lorsqu’en 2013, il remet une « Quenelle d’or » au criminel Bachar Al-Assad. Ça aussi c’était artistique ?

Face à l’épidémie, un premier front

Il faut rendre à Marc-Édouard Nabe – antisioniste assumé – la primeur de ce combat contre le complotisme dangereux et épidémique de cette brochette d’ordures. Il fut bien le seul à voir et à dire le vrai danger. En janvier 2014, chez Taddeï – dans « Ce soir ou jamais » –, il venait annoncer la parution de son nouveau livre, Les Porcs, consacré à la démolition idéologique de cette bande de racailles. Près de 1 000 pages, qui précédèrent Les Porcs 2, 1 000 pages encore. Nabe y raconte d’ailleurs comment il s’est tiré du Zénith lorsque Dieudonné fit monter Faurisson sur scène, refusant de se faire prendre en otage et de se mêler à leur délire conspi. Plus que Les Porcs, Nabe consacra dans sa revue Patience un long récit à sa visite d’Auschwitz dans lequel il démolit les thèses négationnistes. Alors Dieudonné ! Nabe… il fait partie de la communauté organisée ? C’est un sioniste hystérique ? Que réponds-tu à cela ?

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Pendant dix ans Dieudonné et sa bande d’enflures ont pourri le cerveau de générations entières. Ils sont coupables de propagation du conspirationnisme en bande organisée. Coupables ! Aujourd’hui, leurs éléments de langage sont enracinés dans la bouche des esprits faibles. Jusque ces jours-ci, lorsque les réseaux sociaux s’enflamment au sujet de l’affaire Palmade. Derrière chaque tweet de con, c’est Dieudonné ou Soral que je crois entendre encore. L’AVC de l’humoriste qui serait un coup monté pour protéger un réseau pédocriminel de l’élite décadente : c’est du Dieudo bien glaireux tout craché ! D’ailleurs, aujourd’hui, dans ses vidéos, Soral soutient Karl Zéro (le nouveau Dieudo ?) et ses thèses pédo-conspis. Tous unis dans le complot !

La chaîne YouTube de Dieudonné, supprimée par Google en juin 2020. D.R.

Excuse-toi auprès des bonnes personnes…

Alors quand j’apprends il y a quelques mois que Dieudonné présente ses excuses, et qu’elles sont adressées la communauté juive… je garde sa bouillie complotiste en travers de la gorge. C’est une blague ? Est-ce bien pour cela qu’il devait s’excuser ? « Je tiens également à demander pardon à toutes celles et ceux que j’ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques. Je pense notamment à mes compatriotes de la communauté juive (tiens, elle n’est plus organisée ? Ravi de l’apprendre !) avec lesquels je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère. » Mais ce n’est pas auprès de la communauté juive que tu dois t’excuser « Dieudo ». Si tu as blessé des gens par tes « blagues » sur la Shoah, ils s’en remettront. Ce n’est pas auprès d’eux que tu dois t’excuser en priorité, non, c’est auprès de moi. T’excuser de m’avoir manipulé durant des années. De nous avoir tous manipulés, nous qui te suivions aveuglément. De nous avoir menti. D’avoir transformé des centaines de milliers de personnes (si ce n’est des millions) en zombis conspirationnistes s’abreuvant à ta grosse mamelle empoisonnée. Moi j’en suis sorti. Mais combien y sont restés enfermés ? Combien ne ressortiront jamais les pieds des sables mouvants du mensonge et du doute dans lesquels tu les as attirés ? Ils sont embourbés jusqu’au coup par ta faute. Regarde-les s’enfoncer dans la boue de ta dégueulasserie. Combien ne retrouveront jamais le chemin de la vérité ? Regarde tes fans qui aujourd’hui te lâchent parce que tu as présenté tes excuses. Lis les commentaires sur tes dernières vidéos YouTube, celles où tu attaques Soral notamment. Une grande partie de tes admirateurs (d’hier !) t’accuse maintenant d’avoir baissé ton froc face à la puissance de la communauté organisée. Tu les regardes ces commentaires, au bas de tes vidéos ? Tiens, en voilà quelques-uns : « Dieudonné a fait une demande de pardon. C’est le conseil qui lui a été donné peut-être par l’Alliance. Cette demande est faite à contrecœur. Il sait peut-être des choses que nous ne savons pas ??? », « Tu deviens immonde dieudo… là tu perds des fans… ils t’ont retournés…[sic] », « Dieudonné nous met une quenelle inversée », « J’ai connu Alain Soral grâce à vous Mr Mbala Mbala, mais vu la bassesse de cette réponse je soutiens Alain car encore une fois il a raison. » Là encore, ils pensent que tes excuses c’est du bidon, que c’est un coup monté. Tu as créé des monstres. Ils vont maintenant te déchiqueter. Excuse-toi auprès d’eux si tu en as le courage. Excuse-toi aussi de tout le fric que tu as gagné en les caressant dans le sens du complot. Essaie de les faire revenir vers le chemin de la vérité. Ça, ça aurait de la gueule. Mais tu n’y arriverais pas. Cette horde de débiles conspis que tu as formée est incurable, il est trop tard, le mal est ancré en eux, c’est trop profond. Ramène-les avec toi au Cameroun ! Ne nous laisse pas ta merde sur les bras. Ce serait trop facile. Excuse-toi aussi auprès des juifs, oui. Mais pas auprès de ceux que tu as pu heurter par tes « Shoananas ». Auprès de ceux qui se sont fait agresser ! Tu le sais, Dieudo, que ton discours en a motivé des agressions… Excuse-toi aussi auprès des agresseurs à qui tu as bourré la tête de saloperies. Le pire, c’est que dans cette histoire, tu ne t’en tires pas si mal mon salaud. Même Élisabeth Lévy et Goldnadel semblent te pardonner. J’ai voulu leur ressortir tes vidéos les plus immondes de mensonge et de manipulation conspirationniste, mais elles sont quasiment introuvables. YouTube les a supprimées. Putain ! Grâce à tes ennemis, grâce à tes censeurs, les preuves les plus accablantes de ta monstruosité minable ont disparu. Dans quelques années, les négationnistes de ton horreur pourront réviser l’histoire de ta saloperie. Bravo la censure ! De Dieudonné, maintenant, il ne reste presque plus que ses excuses et ses vidéos contre Soral. Mais tu peux être certain d’une chose, c’est que moi je n’oublierai pas. Jamais. Tu es un minable petit businessman du complot. Un profiteur de la bêtise. Pour ton orgueil, pour ton portefeuille, pour ton désir de pouvoir, tu n’as pas hésité à manipuler des foules entières et à les rendre dangereuses. Tu es un voyou de populiste Dieudonné, un dangereux voyou de populiste. Un criminel de la pensée. Tu pars, mais ton mal reste. Je ne l’oublierai jamais, crois-moi. J’en fais même un devoir de mémoire.


[1] Les fautes sont d’origine….

Génération Dieudonné, génération intoxiquée

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La fameuse quenelle a laissé des traces... © PATRICK KOVARIK/AFP

Malgré ses excuses, Dieudonné laisse derrière lui tout un héritage complotiste. Nous lui consacrons un grand dossier dans le nouveau numéro du magazine.


Le 10 janvier, nos confrères d’Israël Magazine publiaient une lettre ouverte, très inattendue, de Dieudonné Mbala Mbala, en forme de repentance : « Je demande […] pardon à toutes celles et ceux que j’ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques, y écrit-il. Je pense notamment à mes compatriotes de la communauté juive, avec lesquels je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère. »

Une nouvelle provocation ? À Causeur, certains, dont la patronne, ont considéré qu’il fallait se montrer magnanime. On se fichait que ces excuses fussent ou non sincères, l’important était qu’elles eussent été formulées publiquement. Après tout, un antisémite de moins, c’était toujours ça de gagné.

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Cette indulgence a mis très en colère notre ami et auteur Yannis Ezziadi, qui n’a pas oublié que, dans sa jeunesse, Dieudonné lui avait retourné le cerveau en lui proposant une explication simple, séduisante et totalement fausse du monde. Or, si lui a eu la chance et l’intelligence de s’extraire de cette fange conspirationniste, beaucoup continuent à s’y vautrer, convaincus que le monde est dirigé par des forces occultes, qu’elles soient judéo-maçonniques ou pédo-sataniques. Le problème, selon lui, n’est pas la sincérité de Dieudonné, mais son héritage, toujours vivace, qu’il faut inlassablement démonter et dénoncer, comme on s’emploie à le faire dans ce dossier. Dieudonné est peut-être rangé des voitures, mais le dieudonnisme, cette entreprise d’acclimatation du complotisme et de l’antisémitisme rendue possible par un artiste diablement doué, continue de faire des ravages chez d’innombrables enfants de la génération internet qui n’ont pas tous l’excuse de la jeunesse. En présentant ses excuses, l’humoriste a peut-être sauvé son âme. Mais il n’a pas rendu le monde meilleur.

Mais si, c’est une crise démocratique!

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Siège du Conseil Constitutionnel à Paris, le 13 avril 2023 © Lewis Joly/AP/SIPA

Pour Emmanuel Macron, notre pays n’est pas bloqué. À l’étranger, la singularité de la France interroge, charme ou étonne. Le Conseil constitutionnel se prononce demain sur la réforme des retraites.


Faut-il que le président de la République en ait voulu à Laurent Berger pour avoir éprouvé le besoin, de Chine, de le contredire en affirmant qu’il n’y avait pas de crise démocratique en France ! Le secrétaire général de la CFDT avait souligné, suite à la rencontre avortée avec la Première ministre, « qu’après la crise sociale, il y avait une crise démocratique »… Quelle mouche a donc piqué Emmanuel Macron pour contester ce que la plupart des citoyens ressentent et qui est probablement à la source de ce malaise palpable et diffus à la fois, qui débilite les Français et leur fait perdre tout espoir en même temps qu’il rend notre nation incompréhensible pour les étrangers ? Comment le président peut-il seulement répondre, à cette évidence formulée par Laurent Berger, que notre pays « n’est pas bloqué » et tirer de cette matérialité à peu près exacte, même si la répétition des journées de manifestations a dérangé une pluralité d’activités essentielles, une sorte de contentement parce que la France, dans son esprit collectif et pour chacun, ne serait pas « en crise démocratique » ?

Propos déroutants d’un de Gaulle au tout petit pied

Ce propos aberrant, sur lequel on n’a pas assez insisté, est d’autant plus important qu’il me semble avoir précédé des séquences, notamment sur le plan international, qui, sans lui manquer de respect, ont fait apparaître des dérèglements tant dans ses analyses que dans son verbe. En particulier par sa complaisance, au pire moment, à l’égard de la Chine, concernant Taïwan et le rôle de l’Europe et des États-Unis. Il y a dans ce mimétisme pervers du de Gaulle au tout petit pied, ce qui est une contradiction dans les termes pour un authentique gaulliste.

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On peut admettre que la loi sur les retraites (on attend avec une vive impatience la décision du Conseil constitutionnel qui décevra sans doute tous les opposants à la réforme) participe évidemment – dans l’hostilité majoritaire qu’elle a suscitée, l’union sans faille et unique de l’intersyndicale et la perception populaire que ce n’était pas, sinon le bon projet équitable, en tout cas le bon moment – d’une crise sociale. Le report à 64 ans de l’âge de la retraite, la condition des classes d’âge, la pénibilité de certains métiers, le sort des femmes, s’ajoutant aux imprécisions, approximations et fluctuations gouvernementales, relèvent de thématiques d’égalité ou d’inégalité, d’espérance de vie, de pouvoir d’achat et de travail des seniors qui se rapportent au cœur des luttes syndicales. Mais une fois qu’on a énoncé la réalité de cette crise sociale, comment ne pas aller plus loin qu’elle, à partir d’éléments divers et signifiants, en évoquant une crise démocratique ?

Même si Laurent Berger, en affirmant l’existence de cette dernière, ne la faisait pas débuter avec la réélection légitime mais frustrante sur le plan républicain du président, avec les péripéties politiques qui ont suivi, la majorité relative qui a affaibli le pouvoir et l’étrange sentiment d’un Emmanuel Macron désorienté, déstabilisé, paraissant avoir perdu la main, on a le droit de ne pas la rapporter exclusivement à la problématique, au contentieux et aux fortes oppositions sur le projet de loi.

Comment qualifier autrement que de crise démocratique une vie parlementaire chahutée, éclatée, en discorde permanente, où LFI, par son comportement collectif et par contraste, donne un lustre formel au Rassemblement national, où les débats relèvent de la foire d’empoigne, où la rue donne parfois des exemples de tenue à l’Assemblée nationale, où des militants n’ont pas compris qu’ils étaient devenus députés, où LR se préfère dans un statut ambigu quoique inconfortable à celui d’opposant sans équivoque, où on dégaine des 49.3 à foison ?

Quand l’exceptionnel devient la règle

Comment nommer autrement cette période où les dérogations deviennent la règle, où les processus exceptionnels pour forcer le vote constituent l’ordinaire, où sans aucun scrupule la Première ministre, les ministres, arguant de la constitutionnalité des procédés, en détournent l’esprit et où un projet de loi jugé capital est traité avec une arrogance telle qu’il n’est qu’à prendre ou à laisser, où les oppositions non seulement se voient déniées dans le fond mais sont enjointes de s’opposer selon certaines modalités ?

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Comment définir autrement cette parenthèse où une intersyndicale n’est pas reçue puis, ayant démontré sa force, son union et son amplitude, n’est plus méprisée, avec un président prêt à l’accueillir sur le tard et avec une Première ministre faisant ce qu’elle peut pour « sauver les meubles », s’efforçant à de l’émancipation et désireuse de ne pas « humilier les syndicats » ? Comment user d’un autre terme que de crise démocratique quand la mise en œuvre finale d’un 49.3 a multiplié les manifestations, les résistances, parfois malheureusement violentes, à cause de la prise de conscience d’un déficit scandaleux sur le plan parlementaire ? Et du fait que le légal n’est pas toujours légitime quand il est tordu ?

Place de la Nation, Paris, 28 mars 2023 © J.E.E/SIPA

Invoquer le processus démocratique dans ces conditions agite plus un chiffon rouge qu’il n’apaise. La crise démocratique a en effet suivi la crise sociale et l’a étouffée en l’intégrant, tant la France est aujourd’hui dans un état où les citoyens doutent de ceux qui les dirigent, parfois les détestent, où on attend, on espère, on méprise, on éructe, où l’aspiration mortifère à la révolution revient, où la paix civile n’est même plus désirée, où le président n’est plus correctement accueilli nulle part, en France comme à l’étranger. Comment Emmanuel Macron peut-il prétendre qu’il n’y a pas de crise démocratique alors que le pays est pire qu’à l’arrêt dans ses tréfonds ?

France inter, très sensible à la «cause transgenre»

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Image: JOËL SAGET / AFP

Sur France Inter, chaque matin, Claude Askolovitch anime une revue de presse tout ce qu’il y a de plus orientée à gauche. Ces derniers temps, le journaliste est transporté par l’idéologie trans. Nous l’avons écouté…


Le journaliste y rapporte, généralement, les informations qu’il juge être les plus intéressantes, et qu’il récolte dans quelques journaux triés sur le volet. Il est rarissime qu’il ne cite pas un article du Monde et un, deux ou trois articles de Libération, sa source privilégiée d’informations. S’il lui arrive de citer Le Figaro, c’est, deux fois sur trois, pour lui porter la contradiction. Mediapart, L’Obs, Télérama et la presse régionale parviennent à attirer régulièrement son œil gauche ; en revanche, Valeurs actuelles, Causeur ou L’Incorrect ne trouvent aucune grâce à ses yeux, pas même à son œil droit.

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France inter, radio transactiviste?

Claude Askolovitch, journaliste woke et monoculaire, est très sensible à la « cause transgenre ». Sa revue de presse du 23 mars commençait par un article du Berry Républicain relatant une naissance, la première du genre dans le département du Cher. Suivant la mode actuelle du culcullapralinisme infantilisant, Askolovitch ne parle pas de « père » et de « mère » mais de « papa » et de « maman » – en l’occurrence de « Matteo le papa qui était une femme » et de « Victoire la maman qui était un homme ». Matteo « au fin collier de barbe » et Victoire « au balayage blond » ont interrompu leur transition et « c’est Matteo, le papa, qui a accouché en février dernier d’une petite fille », raconte le journaliste avec des trémolos dans la voix et sans se rendre compte, visiblement, de ce qu’il dit. Homme de gauche atteint d’un « Bien incurable » (Muray), Askolovitch rapporte les plus grandes folies des hommes comme s’il s’agissait des plus grands progrès et comme si cela allait de soi. Heureux les simples d’esprit…

Un sportif de mauvais genre

Le 9 avril, rebelote. Cette fois, c’est le magazine de L’Équipe qui est mis à l’honneur. Le journal sportif, qui semble avoir fait sienne l’idéologie woke, titre un de ses articles : « Halba Diouf, athlète transgenre privée de compétitions: “Je suis une femme, il faut dealer avec ça” ». Claude Askolovitch rebondit sur cette surprenante information en parlant comme il pense, cahin-caha : « Halba Diouf, 21 ans, est une femme croyante et transgenre, une brindille musclée qui a porté le voile, qui ne le porte plus mais y reviendra peut-être car elle ne choisit jamais la facilité (sic)… Et puis qui court à pied, vite, très vite, à Aix-en-Provence, dans un groupe qui l’a connu jeune homme d’enveloppe (resic) et qui l’a retrouvée avec amitié, jeune femme de vérité (et sic de der) après ses traitements. » En clair, M. Diouf, coureur à pied, a décidé un beau jour qu’il était une femme et a voulu par conséquent participer aux courses réservées aux femmes – « Je ne m’identifie pas en tant qu’homme, donc je ne vois pas pourquoi je courrais avec eux », a déclaré l’athlète en ajoutant mensongèrement: « Les femmes trans ne menacent personne. On n’a jamais dominé le sport féminin. » La Fédération internationale d’athlétisme venant d’interdire ce mélange des genres, Claude Askolovitch pleurniche et jette dans le plus grand désordre le fruit de la maigrelette réflexion que lui inspire cette décision: « Sans précautions humaines ou scientifiques, on a décidé que le soupçon d’être encore des hommes, donc trop forts, devait balayer ces femmes – alors Halba s’expose à nous contre la haine que ses pareilles attirent et contre l’indifférence de ceux qui n’ont jamais eu à se battre pour vivre. » Snif !

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Comme Halba Diouf, Claude Askolovitch feint d’ignorer les conséquences de la présence de femmes trans dans le sport féminin. Il existe pourtant un site américain, shewon.org, qui répertorie les noms des dizaines et dizaines de sportives cisgenres battues par des femmes transgenres, ainsi que les places ou les médailles qu’elles auraient obtenues si elles n’avaient pas été confrontées à ces concurrents déloyaux. Dernièrement, la championne américaine de natation universitaire Riley Gaines a été agressée par des activistes transgenres et n’a dû son salut qu’à la présence de policiers ayant le plus grand mal à repousser une horde hystérique et d’une violence inouïe. Son tort ? Avoir dénoncé la présence du sportif transgenre Lia Thomas, aux mensurations extravagantes comparées à celles des femmes, et sa victoire écrasante lors des dernières compétitions universitaires féminines alors qu’il n’avait jamais remporté une seule compétition masculine, ainsi que le fait qu’elle a été obligée de se dévêtir devant lui dans les vestiaires. Riley Gaines est aujourd’hui sous protection policière. De son côté, à 25 ans, la coureuse cycliste Hannah Arensman, « humiliée et en colère », a décidé d’arrêter la compétition après avoir dû s’incliner pour la 3ème place devant une coureuse transgenre aux derniers championnats américains de cyclo-cross – et avoir battu toutefois un autre athlète transgenre qui devait être une sacrée brêle dans les compétitions pour hommes. À chaque fois que des femmes sportives dites cisgenres ont montré leur déception voire leur colère devant ce qu’elles considèrent être une injustice (et c’en est une, évidemment), les associations LGBT les plus radicales ont usé de violences verbales ou physiques. Ces pratiques intransigeantes et brutales ne restent malheureusement pas cantonnées au sport.

La transphobie n’est pas (encore) un délit !

Claude Askolovich fulmine contre ceux qui dénoncent l’activisme doctrinaire trans. Les transactivistes eux-mêmes ne ménagent pas leurs efforts pour imposer leur idéologie et menacer les femmes qui osent la remettre en question. Après Caroline Eliacheff et Céline Masson, les auteurs de La fabrique de l’enfant-transgenre, ce sont les « femellistes » Dora Moutot et Marguerite Stern qui paient un lourd tribut à leur combat incessant contre l’intrusion et l’emprise sectaires de l’idéologie transgenriste dans les médias, les écoles, le sport, etc. On n’est jamais aussi bien trahi que par les siens, surtout à gauche. Ces féministes de toujours sont aujourd’hui accusées d’être des TERF (féministes excluant les femmes trans des luttes féministes) par certaines associations LGBT et par Libération qui considère qu’il existe une « passerelle idéologique » entre ces « féministes antitrans » et l’extrême-droite. Dora Moutot et Marguerite Stern se voient régulièrement menacées sur les réseaux sociaux par de courageux anonymes – aucune Caroline de Haas ou Sandrine Rousseau ne viennent à leur secours. Selon Libé, ces deux féministes sont transphobes. Des  associations LGBT poursuivent Dora Moutot pour transphobie. La notion de transphobie sert les mêmes desseins que celle d’islamophobie: dénoncer « l’intolérance » et la « haine » supposées de ceux qui ont l’outrecuidance de questionner une idéologie ou une religion pour les empêcher de parler coûte que coûte. Le colloque organisé par le Comité Laïcité République Pays de la Loire – Cinq ans après MeToo, où en est le féminisme ? – auquel devait participer Marguerite Stern, a dû être reporté à cause des menaces de certaines associations et de Mme Ségolène Amiot, députée LFI qui n’a pas hésité pas à tweeter: « Madame Sterne (sic), la transphobie et l’islmamophobie (sic) ne sont pas des opinions mais des délits, alors oui je demande l’annulation d’un colloque qui en fait la promotion ! » Cette élue parlementaire d’extrême gauche semble ignorer que la transphobie et l’islamophobie ne sont pas des délits et qu’en France la liberté d’opinion est assurée par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen [1]. Décidément, LFI a de plus en plus de mal avec le pluralisme d’opinion et la liberté d’expression.

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Claude Askolovitch, pro-voile, pro-immigration, défenseur de Mehdi Meklat et auteur d’un essai intitulé Nos mal-aimés : ces musulmans dont la France ne veut pas, est un petit soldat du progressisme woke et, bien qu’il s’en défende, de l’islamo-gauchisme. Il partage cette paradoxale particularité avec de nombreux représentants politiques d’extrême gauche et la majorité des journalistes du service public. Cette bizarrerie, qui consiste à prendre fait et cause en même temps pour tout ce qui relève du wokisme (en particulier l’idéologie du genre) et pour une religion qui est à l’exact opposé des avancées dites sociétales ou progressistes espérées par le camp du Bien, amuse beaucoup les patients Frères musulmans très désireux de nous voir nous écrouler sur nous-mêmes avant que de parachever le travail de remplacement d’une civilisation qu’ils jugent décadente par une autre qu’il juge essentielle, irrépressible et supérieure à toutes les autres. Comme tout bon journaliste france-intérien bien-pensant, ouvert à l’autre, diversitaire et tolérant, Claude Askolovitch défend tout à la fois les athlètes transgenres et les femmes, la possibilité de changer de sexe comme on veut et le voile islamique, les « minorités » LGBT et l’immigration massive et musulmane, le « vivre ensemble » et le multiculturalisme – et ne s’aperçoit pas que chacune de ces équations est une contradiction dans les termes et dans les faits. Voulant dénoncer un récent entretien de Marie-Jo Bonnet et Nicole Athea donné au Figaro à propos de leur essai [2], le journaliste twitte dans un français approximatif : « Ce qui monte autour des personnes transgenres, cette obsession à démontrer un lobby qui prendrait la société, cette envie d’éradication, sont fascinants. Cette invention de monstres qu’il faudrait circonscrire, isoler, exclure, puis éliminer est un déjà vu. » Derrière cette pénible verbosité, on devine une énième évocation de ces « heures sombres »… qui n’ont d’autre utilité que d’interdire le débat et de dissimuler – de plus en plus mal, il est vrai – l’absence d’une véritable réflexion sur ces phénomènes.

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[1] Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

[2] Marie-Jo Bonnet et Nicole Athea, Quand les filles deviennent des garçons, Éditions Odile Jacob.

Qui est disposé à mourir pour Taïwan — ou pour l’Ukraine?

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Le président Macron a déclaré mercredi 12 avril, lors d’une visite aux Pays-Bas, qu’être « allié » des Etats-Unis ne voulait pas pour autant dire être « vassal », assumant pleinement ses propos précédemment tenus sur Taïwan © ISA HARSIN/SIPA

Notre chroniqueur, choqué par l’unanimité des réactions après les propos d’Emmanuel Macron sur Taïwan, rappelle quelques vérités indispensables: la politique des blocs nous mène au désastre.


Savez-vous ce que sont les boomers ? Des gens, aujourd’hui sexa ou septuagénaires, qui ont une mémoire personnelle de la guerre d’Algérie, et une mémoire collective de celle du Vietnam. Ils ont vu, comme moi, leur père rentrer de 18 mois de crapahutage dans le bled, amaigri et taciturne, le regard lointain, plongé dans quelques horreurs indicibles. Ils ont vu, comme moi, de jeunes Américains brûler leur passeport, ou revenir à l’horizontale au cimetière d’Arlington — et des petites filles nues, à moitié brûlées au napalm, courir sur des routes bordées de rizières. Ils sont les derniers à avoir une certaine vision directe de la guerre.

Ils ont également un souvenir assez vif de Khrouchtchev tapant sur son pupitre, à l’ONU, à grands coups de semelle, le 12 octobre 1960.

Ajoutons qu’ils ont eu des grands-pères qui avaient participé directement à la Deuxième guerre, et parfois, comme moi, à la Première, heureux gagnants de deux guerres mondiales. Et qui leur racontaient, en les faisant sauter sur leurs genoux cagneux, ce que c’est qu’une vague de gaz moutarde dans des tranchées.

Alors, quand Macron — que j’encadre mal, par ailleurs — affirme dans une interview aux Echos qu’aujourd’hui, « le temps est militaire » et que nous, Européens, « devons nous réveiller, notre priorité n’est pas de nous adapter à l’agenda des autres dans toutes les régions du monde », un bon nombre de ceux qui savent dans leur mémoire intime, voire dans leur chair, ce qu’est une guerre, lui donnent raison.

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Tollé dans le Landerneau diplomatique. Nous sommes retombés dans une logique (est-elle bien logique ?) de blocs où si vous n’adhérez pas à 110% à l’OTAN, vous êtes pro-russes. La grande idée de De Gaulle était de ne pas s’aligner aveuglément sur la logique de la guerre froide. Il a, l’un des premiers, reconnu la Chine de Mao — et la France, du coup, n’a jamais reconnu Taïwan comme un Etat : c’est une parcelle de Chine en sécession, aubaine pour les Américains qui disposent ainsi d’un gigantesque porte-avions terrestre juste en face de l’ennemi d’aujourd’hui. Cuba hier, Taïwan aujourd’hui. Les Grands font mumuse sur notre dos.

Etes-vous disposés à mourir pour Taïwan — ou à envoyer vos enfants y mourir ? C’est ainsi que se pose la question. Tous les partisans d’une aide militaire à l’Ukraine ont tous dépassé l’âge où ils pourraient aller s’opposer directement à Wagner — des poètes, ceux-là. Biden va-t-en guerre du haut de sa sénescence. C’est bien pratique, pour un vieillard, de décider que ses petits-enfants iront se faire casser la gueule sur des champs de bataille lointains. L’Irak ou l’Afghanistan n’ont pas suffi.

Quant à l’idée de sanctions économiques contre la Chine, elle est encore plus grotesque que les sanctions contre la Russie — qui nous ont plus appauvris qu’elles n’ont contrarié le Kremlin. Sanctionner la Chine, c’est s’exposer, dans les dix jours, à ne plus rien avoir à se mettre sur le dos, ni dans les carcasses de nos voitures en construction. Sans parler du reste. La mondialisation nous a mis à la merci des petits grands hommes jaunes, et, accessoirement, des moujiks.

Nous avons d’autres soucis que de suivre les Américains dans leur désir de réactiver la guerre froide en la réchauffant çà et là. L’opinion publique américaine est-elle par ailleurs favorable à récupérer des boys dans des caisses ? Ça m’étonnerait : les politiciens sont cette espèce méprisable qui prend des décisions qui ne l’engagent pas personnellement. Et si nous devions dessiner une priorité, ce serait de dénoncer l’extra-territorialité du dollar et de la justice américaine, qui se croit tout permis.

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Nous avons bien d’autres soucis. Il faut réindustrialiser le pays : pensez que le redémarrage du parc nucléaire va engloutir tout ce que nous avons d’ingénieurs fraîchement formés, et que pour le reste, l’habile politique éducative, qui consiste à former des élites qui se barrent à l’étranger dès qu’elles ont bouclé leur cursus chez nous à nos frais amène une carence de techniciens et de concepteurs de haut rang. Il faut donner à manger à un peuple qui en est aujourd’hui réduit à voler dans les supermarchés la viande qu’il ne peut plus s’offrir — et vous voudriez dépenser « un pognon de dingue » à construire des chars pour les offrir aux uns ou aux autres ?

Bien sûr que Macron, en jouant sur l’écho lointain du Général, en rappelant indirectement que le moment le plus glorieux des années Chirac fut le discours de Villepin aux Nations Unies refusant que la France s’engage dans la farce irakienne, fait du pied à la droite française, dont il a besoin dans les quatre ans à venir ! Bien sûr qu’il est, fondamentalement, un mondialiste heureux, au service de grandes sociétés ! Bien sûr que le déficit de la balance des comptes française fait le bonheur des banques, puisque nous ne pouvons plus frapper monnaie : et nous savons les liens affectifs de Macron avec le système bancaire. Tout cela est vrai — mais l’idée que nous serions forcés, par « solidarité » avec des gens qui nous méprisent, de mettre un pied dans la mer de Chine me bouleverse, moi qui ai vu, quand j’étais enfant, ce qu’est un revenant de guerre.

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De la susceptibilité à «l’offense»

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Dans notre société du caprice, «Je suis susceptible» se transforme peu à peu, sournoisement, en «Je suis offensé». Analyse d’une petite révolution sociale.


Toutes les évolutions au sein d’une société ne sont pas égales en importance et en conséquences : il y a celles, plutôt légères, qui modifient en surface, améliorent un défaut, corrigent une mauvaise habitude — elles sont souhaitables et garantissent que le groupe humain, sans se renier ni apostasier l’ensemble, a conscience qu’il est perfectible. Et il y a les évolutions dont les conséquences retentissent pour des siècles, principalement parce qu’elles bouleversent non seulement la surface mais aussi le cœur du groupe. Le wokisme, qui a bruyamment et invraisemblablement débarqué dans nos existences il y a quelques années, est à ce jour le dernier jalon en date de la révolution anthropologique commencée par l’individualisme philosophique.

Une révolution sémantique

Parmi les révolutions sémantiques — qui provoqueront des révolutions sociales et humaines si nous les laissons se diffuser plus longtemps — du wokisme, il y a la transformation du « Je suis susceptible » en « Je suis offensé ». C’est un retournement complet, pas seulement des mots mais aussi des relations humaines. Jusqu’à présent, la susceptibilité était un défaut que les concernés devaient corriger non seulement pour s’améliorer mais aussi pour améliorer leurs relations avec le monde extérieur. Être susceptible était une tare sociale, quelque chose qui vous handicapait, dégradait vos relations avec les autres, c’était un problème qui parasitait votre existence comme le font d’autres inflammations des émotions, par exemple la jalousie, l’égoïsme, l’arrogance, etc., qui toutes vous interdisent de reconnaître votre perfectibilité et vous conduisent à attendre des autres qu’ils changent leur comportement afin que vous n’ayez pas à le faire vous-mêmes.

Comme dans l’enfer stalinien, l’enfer woke impose une autocensure permanente, exerce une pression qui contraint l’expression de la parole et la diffusion des opinions contraires

Dans une société correctement établie, c’est-à-dire établie à partir de l’idée maîtresse que nous sommes tous le Bien commun des autres et que cela nous impose d’être toujours à la hauteur de cette charge qui, si elle nous pèse parfois, organise également notre bonheur, ce sont les susceptibles qui par définition avaient le devoir légitime de corriger ce défaut. Depuis le wokisme, ce n’est plus à ceux-là de se corriger: c’est aux autres de veiller constamment à ne pas échauffer cette susceptibilité !

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Le susceptible n’est plus coupable de détériorer ses relations avec les autres — et donc d’abîmer l’équilibre sociale : ce sont les autres qui sont coupables d’échauffer cette susceptibilité. Et les nouveaux convertis du wokisme, parfaitement à l’aise avec cette idée que l’individualisme leur avait déjà mis dans la tête sous la forme d’un germe dangereux, se convainquent en effet qu’ils n’ont plus aucun effort de correction à faire, plus aucun effort de perfectibilité, puisque ce n’est pas eux le problème mais les autres : qu’ils ne sont pas susceptibles, mais offensés. En niant qu’ils sont le problème, ils font que les autres le soient et se dégagent ainsi de toute responsabilité dans la dégradation d’un tissu social déjà fragilisé et contre lequel ils portent le coup final.

Bande d’incapables

Car il faut essayer d’imaginer ce que serait une société humaine dans laquelle le wokisme aurait entièrement vaincu, et avec lui son armée d’offensés incapables de la moindre interaction sociale non-conflictuelle. Et justement nous avons une « chance », c’est qu’une telle société existe déjà sous forme de laboratoires locaux. Dans un documentaire qui fait froid dans le dos, nous découvrons l’enfer d’une micro-société où précisément le wokisme règne en maître. Il s’agit de l’université d’Evergreen, installée sur la côte ouest des États-Unis. Là-bas, les féministes aux cheveux fluos, les « racisés » anti-blancs, les trans-identitaires sont organisés en armée qui intimide le reste du groupe, y compris les professeurs obligés, à cause de la pression sociale et du laxisme de la direction, de laisser se propager la terreur woke. Là-bas, chaque mot que l’on prononce, même le plus insignifiant, doit être pesé car il est susceptible d’offenser quelqu’un pour un motif ou un autre. Comme dans l’enfer stalinien, l’enfer woke impose une autocensure permanente, exerce une pression qui contraint l’expression de la parole et évidemment la diffusion des opinions contraires. Plus proche de nous, Sciences-Po. Récemment, une femme, professeur de danse dans cette institution, a été emportée dans un conflit surréaliste par l’action concertée de plusieurs élèves « offensés » par le contenu de son discours : en l’espèce, l’objet du délit consistait pour le professeur à continuer d’appeler hommes les hommes et femmes les femmes. C’en était trop pour cette jeunesse acquise à l’idéologie transgenriste, déconstructionniste, qui ne tolère pas qu’un discours aussi offensant et rétrograde soit tenu devant des esprits si sensibles. Le professeur a dû quitter ses fonctions.  

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Grâce à ces exemples de micro-sociétés wokes, nous n’avons même plus besoin de faire l’effort d’imaginer les dégâts de l’idéologie du caprice : il suffit de regarder l’état déplorable dans lequel elle emprisonne les populations qui n’ont pas su se prémunir contre sa folie. Face au risque de contagion, nous autres qui sommes encore lucides avons désormais un devoir social qui est celui de ne jamais flatter la posture victimaire de gens qui transforment leurs défauts en droit à la pleurniche. Notre devoir social et humain est d’aider les susceptibles à ne plus l’être autant, précisément en n’accordant pas d’importance particulière à leurs caprices, c’est-à-dire en leur faisant comprendre qu’ils n’obtiendront rien de nous en nous prenant en otage émotionnellement. Chacun doit comprendre que c’est à la sueur de son front, que c’est grâce à ses efforts, sa persévérance, sa détermination que l’on obtient quelque chose dans ce monde, non en se décrétant « offensé » tous les matins dans l’espoir d’être dédommagé pour cela.

Le wokisme, qui est un assistanat mental qui pousse à toutes les paresses sociales, intellectuelles et humaines, doit être combattu avec toute l’énergie nécessaire. Il vaut mieux être « le salaud » de quelques-uns aujourd’hui plutôt que le bourreau de tous les autres demain.

Dessine-moi un canon

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Des dessins pour l’Ukraine en classe de maternelle, ou comment créer la prochaine génération d’anxieux anti-Russes.


Voilà qui devrait intéresser les « parents vigilants » et confirmer que l’école déroge à ses missions premières en se livrant à une propagande de tous les instants. Une collègue évoque dans une conversation les dessins pour l’Ukraine que son fils a été amené à faire en dernière année de maternelle. Premier point : la mère et professeur qu’elle est, tout comme deux autres collègues présentes, ne semblent pas s’étonner le moins du monde que l’école se mêle de la géopolitique du moment, a fortiori avec des enfants de cinq ans. Il est significatif que des professeurs laissent passer ce genre d’information sans réagir, sans même voir où est le problème. Tous les esprits, y compris ceux qui sont censés former au jugement critique, semblent prêts pour le grand endoctrinement: l’inertie intellectuelle lui offre un boulevard.

À lire aussi: Parents vigilants: des milliers de cris d’alarme

Second point : que va-t-il rester dans la tête de ces enfants ? Il ne s’agit pas de leur cacher la réalité de la guerre ni de leur proposer une vision idyllique du monde, mais pourquoi les immerger dans l’actualité, sans recul aucun, là où les contes leur révéleraient le mal et la violence d’une façon autrement efficace et adaptée, par le filtre protecteur de la fiction ? Si l’école, dès les plus petites classes, s’emploie ad nauseam à entretenir les enfants de guerre et de crise climatique, rien d’étonnant à ce qu’ils développent des troubles de l’anxiété à l’âge où l’on devrait pouvoir prétendre à une forme d’innocence et de légèreté. L’objectif est moins, d’ailleurs, d’expliquer cette guerre entre l’Ukraine et la Russie (conflit dont les enjeux peuvent échapper même aux adultes) que de prendre parti: certes, c’est l’Ukraine qui est agressée dans cette histoire, certes Poutine est détestable à bien des égards, mais une vision manichéenne et simpliste amènera forcément de jeunes enfants à considérer définitivement le Russe comme un méchant ontologique. Pour le coup, cette discrimination-là ne semble pas poser de problème au sein de l’Éducation nationale.

Daniel Riolo: «La majorité des amis du Deschamps de 98 s’est éloignée de lui»

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Le journaliste de RMC Daniel Riolo publie "Chaos Football Club". Photo : D.R.

Dix ans après Racaille football club, Daniel Riolo publie Chaos football club, avec Abdelkrim Branine, journaliste et par ailleurs auteur d’un roman, Le Petit Sultan. Derrière les grands succès internationaux du football français de ces dernières années, les deux auteurs décrivent un milieu qui ressemble de plus en plus à celui du banditisme. Avec une grande gueule toujours jubilatoire, Riolo anime l’After Foot, sur RMC Sport. Il a répondu à nos questions.


Causeur. Vous décrivez un paysage du football français apocalyptique ! Il y a dix ans, nous nous remettions tout juste de Knysna (la fameuse affaire des joueurs restés dans le bus lors de la Coupe du monde 2010, NDLR) et Deschamps prenait ses fonctions. Depuis, l’équipe de France est redevenue une sélection majeure. Vous dénoncez les derniers scandales qui émaillent notre football national, mais n’est-ce pas faire peu de cas du fantastique chemin parcouru en dix ans ?

Daniel Riolo. L’Équipe de France a totalement chamboulé son image. Il y a dix ans, les Bleus étaient mal aimés et la cicatrice Knysna a mis longtemps à se refermer. Deschamps est incontestablement le grand artisan de ce redressement. À partir du moment où la catastrophe du barrage face à l’Ukraine en 2013 a été évitée, tout est allé dans le bon sens. Mais même si le volet sportif est excellent, nous n’avons pas été épargnés par les affaires pour autant. Le cas Benzema, et l’affaire de la sex tape de Valbuena, ont failli provoquer une crise profonde juste avant l’Euro 2016. Une crise qui s’est transformée en problème sociétal. Benzema et les Bleus, c’est devenu un problème de société qui s’est accentué lors du dernier Mondial après son éviction[1].

Après le succès au Mondial 2018, la FFF a sombré dans un marasme sans fin. Pendant que les joueurs brillaient, en coulisse c’était la débandade. Les gens à la FFF ont visiblement plus fêté la victoire que les Bleus. On s’est cru tout permis. L’audit lancé en octobre dernier est la fin du processus de délitement de la FFF. Deschamps est un excellent meneur d’hommes, mais a-t-on le droit de douter de sa moralité ? Il a couvert et soutenu Le Graët, un président poussé dehors. L’autoritarisme, le système mafieux mis en place, on devrait quand même avoir le droit d’en parler. Gagner la Coupe du Monde ne donne pas tous les droits. D’autant que ce sont les joueurs qui ont gagné. Le Graët n’a rien gagné. Et il ne voulait même pas de Deschamps en 2012.

Est-on à l’abri qu’un joueur de l’équipe de France finisse par prendre une balle perdue, un de ces jours ? Un joueur, je ne sais pas. Mais une personne « liée » au foot, ça peut arriver.

A l’époque, les M’Vila, Nasri ou Menez scandalisaient par leur attitude, notamment lors de l’Euro 2012. N’a-t-on pas fait de beaux progrès avec la génération Mbappé, beaucoup plus lisse, beaucoup plus présentable ?

Absolument. Pour autant, cette équipe de France n’est pas forcément lisse. Et ne pas être lisse n’est pas un compliment à mes yeux, si c’est pour être un sale gamin irrespectueux de tout. La génération Mbappé est en « mode US ». Professionnelle, carrée, droite, elle est composée de jeunes qui sont vite partis à l’étranger. Des joueurs qui ont vite quitté la France. En partant, ils ont été confrontés à une exigence et à un professionnalisme qu’on a toujours beaucoup de mal à mettre en place dans nos clubs.

Vous montrez un Deschamps machiavélique, mouillé dans quelques affaires durant sa carrière de joueur. Il vous attaque par ailleurs en justice pour diffamation. On pourrait vous rétorquer que c’est peut-être le prix à payer pour se constituer un tel palmarès…

Ah bon ? Alors quels sont les entraîneurs qui ont poussé à ce point le concept de « la fin justifie les moyens » ? Ancelotti ? Zidane ? Klopp ? Low ? Del Bosque ? Flick ? Luis Enrique ? Lippi ? Heynckes ? Guardiola ? Je n’ai pas oublié grand monde dans les vainqueurs de Coupe d’Europe ou du Monde des vingt dernières années, non ? Deschamps ne supporte pas quand on rappelle qu’il était sur le Phocea et qu’il a couvert tous les agissements de Tapie à l’OM[2]. C’est vieux tout ça. Bernes, son grand ami et agent non officiel, a tout reconnu et a longtemps fait dans la rédemption. Deschamps, non. J’ai beaucoup de respect pour Bernes d’ailleurs. Les deux étaient au courant de ce qu’il se passait à Knysna. Ont-ils œuvré pour aider ? Non, ils ont regardé, pour mieux prendre la place derrière. Aujourd’hui, la grande majorité de « ses amis » de France 98 se sont éloignés de lui. Nous, on sait comment il fonctionne, sa volonté de museler les médias, d’entretenir les courtisans. Il dit ne jamais écouter ce qu’il se dit. C’est faux. Il sait tout, entend tout et n’oublie rien. Deschamps est un excellent meneur d’hommes, un grand manager. Il sait comment gagner. Qu’on nous laisse juste le droit de ne pas aimer l’homme et ses valeurs. C’est fou d’être attaqué pour ça. On a le droit d’aimer ou de ne pas aimer Napoléon, De Gaulle, Mitterrand, de commenter leur action, mais pas Deschamps ? Il s’estime au-dessus des grandes figures historiques ? Il pense qu’on s’acharne sur lui, alors que mine de rien on vient de lui faire un sacré compliment là !

Durant l’été 2022, le milieu du foot a été secoué par l’affaire Pogba, sordide histoire de chantage opposant une fratrie, avec en arrière-fond des accusations folkloriques de maraboutage… On s’aperçoit que des joueurs majeurs peuvent se faire racketter par un entourage de frères et d’amis peu scrupuleux. Les armes à feu circulent allègrement dans l’entourage des joueurs, des agents également. Evidemment, on aura du mal à faire pleurer dans les chaumières avec ces problèmes de millionnaires. Est-on à l’abri qu’un joueur de l’équipe de France finisse par prendre une balle perdue, un de ces jours ?

Un joueur, je ne sais pas. Mais une personne « liée » au foot, ça peut arriver. Récemment une personne enquêtant sur un dossier chaud du milieu nous confiait être convaincu que ça allait mal tourner et que ça arriverait ! Nous, dans notre livre, le millionnaire qui doit faire pleurer ou pas, on s’en fout, effectivement : on raconte juste l’affaire Pogba. On évoque aussi le drame que vit Kanté, millionnaire sous pression d’un entourage néfaste. De plus en plus de joueurs vivent sous pression. Ils sont obligés de payer une protection qui s’avère être souvent plus dangereuse que la menace. 

Vous présentez également une présidence de la FFF complètement opaque, avec des réseaux autour de Noël Le Graët, notamment bretons et socialistes. Vous montrez aussi comment Mbappé s’est retrouvé embrigadé, via sa mère, dans le soutien à la candidate socialiste de la mairie de Bondy. Il n’y a plus que les stars du football qui s’intéressent au vieux Parti Socialiste, ma parole !

(rires) Oui, on n’y avait pas pensé, tiens ! Pour Le Graët, ça a été sa protection pendant des années. Le PS et les francs-maçons. Pour la mère de Kylian Mnappé, ce sont les vieux amis de Bondy. Mais Mbappé a évolué, et comme les jeunes socialistes, il est devenu macroniste !

Il n’était pourtant pas très réceptif aux mamours du président Macron, après la finale de décembre au Qatar… On vous a collé l’étiquette du journaliste sportif plutôt de droite. Cela vous convient-il ?

Je réponds pour moi, car je ne connais pas les opinions de mon co-auteur Abdelkrim. C’est drôle le « plutôt » de droite. Cette tradition française à flipper de dire ça ! Mon Dieu, ça fout encore les jetons de le dire, surtout quand on est journaliste… Alors oui, je suis de droite. Normal, je viens d’un milieu ouvrier. Et je n’ai jamais cru aux balivernes de la gauche française. J’ai grandi sous Mitterrand, l’homme d’extrême-droite qui a fait croire qu’il était de gauche. Généralement quand on tape sur De Gaulle, à mes yeux, on est suspect. Gaulliste donc. J’ai toujours été fasciné par la Résistance, les compagnons de la Libération. Kessel, Druon, Malraux… Et même si en Sicile, dans mon village, tout le monde était communiste (fort heureusement le PCI n’avait rien à voir avec le PCF), moi, j’étais différent. Une sorte d’OVNI. Je suis d’une droite imaginaire car je ne l’ai jamais vraiment vue. Déçu par Chirac, j’ai cru en Sarko en 2007 grâce à Henri Guaino, mais deux jours plus tard, j’ai vomi sur le yacht de Bolloré : ça bougeait trop. Et puis, les marqueurs changent vite. Face aux dangereux coupeurs de tête LFistes, je trouve sympa la future gauche de Cazeneuve, c’est vous dire… Finalement, je suis persuadé qu’une grande majorité de Français voient les choses de la même façon que moi. Mais les « boutiques politiques » empêchent ce grand courant de s’exprimer.

Vous décrivez dans le bouquin un milieu de jeunes joueurs pas du tout insensibles aux thèmes antisémites et homophobes… Pouvez-vous revenir sur l’histoire de ce formateur reçu à Troyes pour faire de la prévention contre l’homophobie ?

Oh c’est très simple. Il s’est fait virer[3] par les jeunes du centre de formation et a terminé dans sa voiture en larmes. La mentalité « quartier » se nourrit culturellement aux excès du rap, et se retrouve chez les jeunes des centres de formation. En grande majorité, ils viennent de là. Les formateurs font plus de social que de foot quasiment ! Après, il y a comme un paradoxe ; en groupe, c’est un cauchemar ; individuellement, quand ils doivent répondre à des questions, ces jeunes sont plus ouverts et ne sont pas insensibles au dialogue. Ils sont demandeurs pour beaucoup d’un échange. Mais le chemin est compliqué car le culture ghetto fait des ravages.

Le modèle économique des clubs français dépend largement de la vente des joueurs dans les autres championnats, lesquels dépendent des droits TV. Vous montrez aussi que malgré la passion qu’il suscite dans presque tous les pays du monde, le football n’a pas une solidité économique aussi forte que le football américain. Je me demande pour ma part s’il n’y a pas un risque de non-renouvellement du public. Le football est devenu rare sur les télés « gratuites ». Quand j’avais 10 ans, je négociais le mercredi soir pour pouvoir regarder la Champions League et le dimanche pour regarder Téléfoot plutôt que d’aller à la messe. N’y a-t-il pas un risque que les jeunes générations, happées par d’autres supports (Netflix) se détournent du football et échappent au « virus » que l’on contracte souvent autour de 10/12 ans ? A terme, le football ne pourrait-il pas devenir un sport « ringard », comme l’est devenu le vélo ?

Je partage votre constat. Et d’ailleurs, beaucoup de dirigeants le partagent. À tel point que certains d’entre eux veulent inventer un nouveau football à travers de nouvelles compétitions comme la Super Ligue[4]. La réponse de l’UEFA et de la FIFA est aussi de créer de nouvelles compétitions. C’est la preuve que tout le monde flippe d’un recul du foot, et estime nécessaire de le relancer. Le débat porte aujourd’hui sur le comment et avec qui, mais oui le foot est à un tournant.

Entre la joueuse Diallo, qui entretient une relation à distance avec une jeune femme en se faisant passer pour un homme et en trafiquant sa voix sur une application, des jeunes joueurs recrutés par des agents dans des soirées où circulent des gaz hilarants, un Le Graet torché des 9 h du matin faisant régner la terreur dans les bureaux de la FFF, on a parfois l’impression d’avoir à faire à un asile de fous ! Pourtant, tous les soirs, vous êtes au micro dans l’After, pour commenter l’actualité du ballon rond. La lassitude ne vous menace-t-elle pas ? 

La lassitude, tous les ans j’en parle. Je l’envisage, j’en ai peur, je m’inquiète. C’est mon sujet de juin généralement… Et puis je pars en vacances. Et quand je reviens à la radio, je suis content. Ma peur disparaît et je repars. Le foot régénère. L’été dernier, c’était l’affaire Pogba, le livre qui se préparait. Il se passe toujours un truc. Et puis, imaginez les journalistes politiques ou autres. Eux aussi, ce n’est pas toujours très beau ou propre ; et ils ne dépriment pas, ils avancent. L’After est une bénédiction depuis 17 ans. Je bosse avec des gens super, une bande incroyable. On a des boss qui nous soutiennent et ce n’est pas toujours simple. Alors être lassé ? Se plaindre ? Non franchement, ça serait indécent.

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[1] Il suffit de faire un tour sur les pages Facebook de L’Equipe ou de RMC Sport pour observer un clivage très largement ethnique entre les pro-Benzema et les pro-Giroud, ndlr.

[2] Alors que Marseille s’apprête à disputer la finale de la Ligue des Champions 1993 mais aussi un anonyme match de championnat contre Valenciennes, Bernard Tapie a l’idée, sur son bateau, d’organiser une tentative de corruption sur plusieurs joueurs valenciennois. Didier Deschamps est ce jour-là sur le bateau, sur lequel venait d’être tourné un numéro de Téléfoot, grand-messe du football français à l’époque, ndlr.

[3] Aux cris de « Qu’est-ce que tu fous ici toi, casse-toi, sale pédé », ndlr.

[4] Une sorte de championnat « fermé », réservé aux très gros clubs, sans relégation possible, sur le modèle de la NBA, qu’une quinzaine de clubs européens ont tenté de lancer au printemps 2021, provoquant la colère de presque tous les amateurs de football, ndlr.

En Espagne, la loi sur le consentement sexuel provoque un scandale judiciaire et une polémique gouvernementale

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La Ministre espagnole de l'Égalité, Irene Montero, dans la tourmente, au Sénat, Madrid, février 2023 © LaPresse/Shutterstock/SIPA

Des violeurs voient leur peine réduite dans le pays, suite à une loi idéologique promulguée par Podemos (extrême gauche).


Ce devait être l’une des lois-phares de la législature qui s’achèvera à la fin de l’année 2023 en Espagne. Ce devait également être un texte fondamental pour la gauche « radicale » d’Unidas Podemos, qui fait partie du gouvernement de coalition avec les socialistes outre-Pyrénées – notamment pour la ministre de l’Égalité, Irene Montero. C’est pourtant un échec lourd de conséquences dont se serait bien passé l’exécutif à la veille d’un cycle électoral qui débutera par le scrutin municipal et régional du 28 mai prochain.

Le grand moment d’Irene Montero

Adoptée de manière définitive au Congrès des députés (chambre basse du Parlement espagnol) en septembre 2022, la Loi organique de Garantie intégrale de la Liberté sexuelle constituait à l’origine un succès pour Irene Montero. Son groupe parlementaire (qui avait besoin d’exister au sein d’une alliance gouvernementale où son agenda se réduisait comme peau de chagrin) défendait bec et ongles cette réforme du code pénal en matière de protection des femmes. Elle était connue depuis un moment dans les médias de notre voisin ibérique comme la loi du « seul un oui est un oui » (ley del sólo sí es sí). En effet, elle cherchait à accorder une importance renouvelée au consentement explicite des citoyennes espagnoles dans le domaine des relations sexuelles.

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Le texte faisait suite à un immense scandale judiciaire, celui de la « Meute de Pampelune » (Manada de Pamplona). Le 7 juillet 2016, durant les fêtes de la Saint-Firmin, dans la capitale de la Navarre, une jeune fille de dix-huit ans était violée par cinq hommes. Ces derniers ont d’abord été condamnés pour abus sexuel par deux tribunaux régionaux avant que, face au tollé médiatique et social, la Cour suprême ne requalifie les faits en viol en juin 2019. La distinction entre ces crimes et délits alors prévus par le code pénal espagnol se fondait notamment sur l’existence ou non de violence physique et d’intimidation envers les victimes.

Manifestation après la remise en liberté de la « meute de Pampelune », 22/06/2018. Sur la pancarte de la manifestante, nous pouvons lire : « Les magistrats et les violeurs sont les enfants sains du patriarcat ». Photo: Lito Lizana / SOPA Images/SIPA

Un contenu sujet à débat

Comme beaucoup d’Espagnols, Irene Montero s’était dite outrée par les deux premiers jugements et avait promis de réformer la loi si elle parvenait au pouvoir. C’était donc chose faite en septembre 2022 avec la ley del sólo sí es sí. Cette dernière prévoyait, entre autres, que les pouvoirs publics devraient renforcer le soutien aux victimes et établir des mesures de protection spécifiques pour les enfants de femmes agressées. Elle inscrivait comme délit le harcèlement de rue, accroissait les poursuites contre les proxénètes, consolidait les peines contre un certain nombre d’actes violents contre les femmes… et supprimait la distinction entre abus et agression sexuelle afin de ne retenir que cette dernière. Un système progressif était dans le même temps mis en œuvre en matière de condamnations, en fonction de la gravité des actes reprochés.

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Dès la présentation de sa première version, le projet de loi a suscité de nombreuses critiques de la part des membres socialistes du gouvernement – en particulier du ministre de la Justice de l’époque, Juan Carlos Campo, et du titulaire du portefeuille de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska. Le texte était très mal rédigé et il ne s’en dégageait aucun professionnalisme mais Unidas Podemos ne voulait rien céder. Par ailleurs, le Conseil général du Pouvoir judiciaire (équivalent de notre Conseil supérieur de la magistrature) s’inquiétait de l’esprit de la loi ainsi proposée. En effet, elle inversait la charge de la preuve dans le domaine du consentement sexuel: c’était désormais à l’homme de prouver que ce dernier avait été formulé explicitement avant l’acte si une plainte était déposée.

Par ailleurs, la fusion des délits d’abus et d’agression risquait d’entraîner, en l’absence de dispositions transitoires, un abaissement généralisé des peines déjà prononcées dans ce type d’affaires. De nombreux dirigeants, spécialistes de droit et associations juridiques ont tiré la sonnette d’alarme à ce sujet. Refusant de les écouter, Irene Montero n’a pas modifié les passages mis en cause et a réussi à faire voter son texte.

Des répercussions catastrophiques

Pourtant, les terribles conséquences attendues se sont bel et bien produites. Dès l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, les tribunaux espagnols ont été saisis par des personnes condamnées pour abus ou agression sexuelle et ont, dans une grande partie des cas, statué en faveur d’une réduction de peine… voire d’une libération pure et simple. Début mars 2023, le Conseil général du pouvoir Judiciaire estimait à 721 le nombre de détenus ayant bénéficié de la mauvaise rédaction du texte – dont 74 avaient pu sortir de prison.

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Les représentants d’Unidas Podemos n’ont pas tardé à éreinter les décisions prises par les magistrats. Irene Montero est allée jusqu’à expliquer qu’il s’agissait de manifestations de machisme et de la conséquence d’une mauvaise formation des juges. La gauche « radicale », toutefois, a fini par accepter l’idée d’une réforme de la loi. Ce changement (pourtant déclaré urgent par le chef de cabinet, Pedro Sánchez) n’a toujours pas été voté, au 12 avril 2023. Unidas Podemos reproche aux socialistes de négocier le texte corrigé avec l’opposition de droite, qui avait émis son désaccord avec la loi Montero. Tout cela accentue les tensions au sein de la coalition au pouvoir.

Ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour le camp gouvernemental à l’approche des élections et augure de futures déconvenues juridiques. La fameuse « loi Trans », adoptée en février dernier et accusée par certains secteurs idéologiques de dégrader la condition féminine (notamment en raison de l’autodétermination de genre qu’elle fait sienne), pourrait connaître le même sort.

Grand retour d’Adrien Quatennens: la poutre et la paille

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Le député de la première circonscription du Nord Adrien Quatennens (LFI) à l'Assemblée nationale, 4 avril 2023 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

À gauche, c’est le festival des tartuffes. Après la réintégration, au sein de la Nupes, d’Adrien Quatennens (LFI), lequel avait giflé sa compagne, on surjoue l’indignation, malgré l’autocritique publique du député qui parle de ses progrès comme le ferait un alcoolique repenti… L’analyse de Céline Pina.


Jamais la conjoncture n’a été aussi favorable à la gauche, le gouvernement ayant réussi l’exploit d’apparaitre comme un détricoteur des protections sociales des Français sans avoir montré une quelconque capacité à redresser économiquement le pays, ni même obtenu des résultats probants en matière de réindustrialisation. Le tout en offrant des perspectives tellement sombres pour l’avenir que les Français deviennent incapables de se projeter. Oui mais voilà, la Nupes, inféodée à Jean-Luc Mélenchon, n’a plus d’autre identité que celle d’excités pétris de ressentiment et avides de violence, se comportant comme un troupeau de petits commissaires du peuple à la belle époque du stalinisme ! Sous la houlette d’un chef incapable de se contrôler, elle n’offre aucune perspective sociale et se noie dans des histoires de cornecul, bien loin des préoccupations des Français.

Fin de purgatoire

Ainsi avons-nous droit à l’épisode du retour à l’Assemblée nationale du fils prodigue, Adrien Quatennens et au concours d’indignation stérile dont notre monde politique est coutumier. Condamné pour violences conjugales, le député Insoumis réintègre les rangs de LFI, donc de la Nupes, après un bref purgatoire chez les non-inscrits. Faute de pouvoir faire autre chose que de mettre en scène une indignation vertueuse, leurs postes ayant été en partie sauvés par l’accord électoral passé avec Mélenchon, le PS et les écologistes, qui jugent ce retour scandaleux, se contentent d’en faire des gorges chaudes – d’une manière d’autant plus démonstrative qu’ils savent pertinemment qu’ils devront avaler cette couleuvre sans la mâcher.

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Le fait est que le retour d’Adrien Quatennens est tout à fait légal. La question qui peut se poser ici est la légitimité de ce retour dans la mesure où LFI, Verts et PS essaient de surfer sur la vague Me Too, pour engranger les voix des femmes, selon la stratégie Terra Nova. Celle-ci pariait déjà, en 2012, sur l’instrumentalisation d’électorats minoritaires aux intérêts divergents pour se faire élire. C’est ainsi qu’il fallait investir non sur une démarche d’émancipation et de projet, risquant de faire comprendre aux publics cibles que leurs intérêts étaient loin d’être convergents, mais sur une logique de victimisation, les unissant contre un ennemi commun. Dans leurs représentations, les femmes sont ainsi transformées en bébés phoques, les hommes en prédateurs par nature et les islamistes, en victimes du racisme et de la phobie religieuse. L’idée n’est pas d’offrir une perspective politique, mais de désigner un ennemi, la société, vers laquelle orienter la haine que l’on suscite et alimente pour en faire un moteur de prise de pouvoir. Une stratégie qui en général détruit les écosystèmes politiques où elle est appliquée et n’offre un avenir qu’aux oligarques qui la maitrisent, tout en envoyant dans le mur les catégories sociales que l’on réussit à séduire.

Bal des faux-culs

Et le bal des faux-culs touche tous les échelons de la représentation nationale. Aurore Bergé a ainsi déposé l’autre jour une proposition de loi « pour créer une peine complémentaire d’inéligibilité pour celles et ceux qui auraient été condamnés pour faits de violences conjugales ou de violences intrafamiliales ». Quel assaut de pureté chez Renaissance ! Mais visiblement toutes les violences commises ne méritent pas le même traitement. On se souvient du député M’jid El Guerrab, qui faillit tuer un homme à coups de casque ; eh bien le groupe d’Aurore Bergé n’avait rien trouvé de mieux à faire que de continuer à le soutenir, textos d’Emmanuel Macron à l’appui. Il avait certes été exilé dans un autre groupe parlementaire mais il n’a jamais perdu le soutien en sous-main de LREM. L’homme finira même par être nommé au sein d’une commission d’enquête sur les violences liées à l’extrême droite… L’exemplarité en politique ne concernerait donc que la sphère des violences conjugales ? Le reste, violences envers un adversaire politique, appel à la haine, désignation de cibles comme les policiers à la vindicte populaire, détournement d’argent, consommation de cocaïne, maltraitance de ses collaborateurs, c’est autorisé ? Ainsi pendant que tout le monde se focalise sur Adrien Quatennens, une question bien plus essentielle n’est jamais abordée, celle de l’irresponsabilité politique de représentants qui, pour préserver leur petit pouvoir et leurs avantages, ont sacrifié l’intérêt général à leur intérêt personnel ou partisan (l’un nourrissant l’autre). Le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France en est un bon exemple. Voilà ce que l’on peut lire dès l’introduction: « Cette histoire est celle de choix politiques et de débats de société tronqués. C’est la volonté d’imposer une opinion sans en partager et même en mesurer les conséquences ». Ces choix désastreux, faits pour des raisons d’accords électoraux, ont abimé notre capacité industrielle et fragilisé la nation, mais aucun des responsables politiques concernés n’aura à rendre de compte dessus. Il y a là un vrai problème démocratique, mais s’exciter sur l’affaire Quatennens est tellement plus facile que de réfléchir à la notion d’intérêt général et en retrouver le chemin. Cela permet de se tailler un costume de vertu en désignant un méchant qui joue le rôle de la copine moche: il n’existe que pour mettre en valeur la pureté morale de ceux qui le montrent du doigt.

Je sais qu’aujourd’hui il est très mal vu de considérer qu’une gifle dans le cadre d’un divorce n’est pas passible du tribunal de Nuremberg et ne signifie pas forcément que la femme est une femme battue et l’homme, un monstre. D’ailleurs quand une femme se rebiffe et gifle, elle n’a pas à rendre de comptes et ne se voit pas définie par la gifle donnée jusqu’à la fin de ses jours. On a tous connu des ruptures difficiles et, au moins dans son entourage, des séparations houleuses où les passions sont exacerbées. Dans une affaire familiale, Adrien Quatennens a été condamné. Il aurait pu choisir de retrouver une certaine légitimité morale en remettant en jeu son mandat. Cela n’a pas été son choix. Pour le reste son retour dans le groupe LFI n’a rien de l’affaire du siècle.

Les VSS, sujet porteur

En politique, le puritanisme et les leçons de morale n’ont pas vocation à tenter d’élever les hommes, ils visent surtout à diaboliser l’adversaire et à lustrer sa propre image. Les violences faites aux femmes sont un sujet porteur dans l’opinion, mais fondamentalement, la gauche actuelle se moque de la liberté et de l’indépendance des femmes. Elle investit la question des violences en niant une partie du fond culturel sur lequel ces violences sont appuyées. Elle réussit l’exploit de dénoncer le blantriarcat, patriarcat blanc et de soutenir le port du voile en le présentant comme une liberté, niant la situation d’infériorité des femmes dans les pays arabo-musulmans et le fait que cette infériorisation est de plus en plus marquée en France. La multiplication des voiles – comme le fait que celui-ci devienne le symbole de la bonne musulmane – ne les dérange absolument pas. Or le voile est un signe sexiste, qui fait de la femme un être inférieur et marque le refus d’accorder aux femmes la même dignité humaine que les hommes. Il n’y a pas pire atteinte à l’égalité qui est le fondement de notre contrat social. Eh bien cela passe crème.

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Alors oui, le retour d’Adrien Quatennens interroge sur l’hypocrisie de LFI, sur le fait que le chef, Jean-Luc Mélenchon, soit un autocrate qui impose ses choix et se moque de ses partenaires, sur le fait qu’à gauche la question des violences faites aux femmes est une imposture, mais rien de neuf sous le soleil finalement. Et comme de toute façon l’électorat LFI est celui du ressentiment et de la frustration, son rapport à la morale n’est pas une exigence d’éthique personnelle, mais un moyen d’instruire des procès tous azimuts envers ce qui n’est pas eux. À ce titre l’affaire Quatennens est certes gênante, mais pas rédhibitoire. Quant à l’avenir d’Adrien Quatennens, il n’est pas plombé. Winston Churchill disait : « On ne peut être tué qu’une seule fois au combat, mais plusieurs fois en politique. »


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