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Dessine-moi un canon

Une vision manichéenne et simpliste amènera forcément de jeunes enfants à considérer définitivement le Russe comme un méchant ontologique...


Dessine-moi un canon

Des dessins pour l’Ukraine en classe de maternelle, ou comment créer la prochaine génération d’anxieux anti-Russes.


Voilà qui devrait intéresser les « parents vigilants » et confirmer que l’école déroge à ses missions premières en se livrant à une propagande de tous les instants. Une collègue évoque dans une conversation les dessins pour l’Ukraine que son fils a été amené à faire en dernière année de maternelle. Premier point : la mère et professeur qu’elle est, tout comme deux autres collègues présentes, ne semblent pas s’étonner le moins du monde que l’école se mêle de la géopolitique du moment, a fortiori avec des enfants de cinq ans. Il est significatif que des professeurs laissent passer ce genre d’information sans réagir, sans même voir où est le problème. Tous les esprits, y compris ceux qui sont censés former au jugement critique, semblent prêts pour le grand endoctrinement: l’inertie intellectuelle lui offre un boulevard.

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Second point : que va-t-il rester dans la tête de ces enfants ? Il ne s’agit pas de leur cacher la réalité de la guerre ni de leur proposer une vision idyllique du monde, mais pourquoi les immerger dans l’actualité, sans recul aucun, là où les contes leur révéleraient le mal et la violence d’une façon autrement efficace et adaptée, par le filtre protecteur de la fiction ? Si l’école, dès les plus petites classes, s’emploie ad nauseam à entretenir les enfants de guerre et de crise climatique, rien d’étonnant à ce qu’ils développent des troubles de l’anxiété à l’âge où l’on devrait pouvoir prétendre à une forme d’innocence et de légèreté. L’objectif est moins, d’ailleurs, d’expliquer cette guerre entre l’Ukraine et la Russie (conflit dont les enjeux peuvent échapper même aux adultes) que de prendre parti: certes, c’est l’Ukraine qui est agressée dans cette histoire, certes Poutine est détestable à bien des égards, mais une vision manichéenne et simpliste amènera forcément de jeunes enfants à considérer définitivement le Russe comme un méchant ontologique. Pour le coup, cette discrimination-là ne semble pas poser de problème au sein de l’Éducation nationale.

Avril 2023 – Causeur #111

Article extrait du Magazine Causeur




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Professeur agrégé de Lettres

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