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L’humain, cet encombrant qui irrite la pensée «progressiste»

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Transition énergétique. « Sobriété », « écologie à la française »: les dirigeants politiques progressistes aux responsabilités jouent les équilibristes, entre effort à demander aux classes populaires françaises paupérisées, et peur d’une nouvelle bronca façon gilets jaunes ou arrivée au pouvoir des « populistes ».


J’aime la bagnole

Les incendiaires pensent à gauche mais n’aiment pas le peuple. Mardi, dans Le Parisien, François Gemenne, co-auteur du 6 ème rapport du groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (Giec), a plaidé pour « vraiment revoir le rapport à la voiture individuelle des Français », sans égard pour la classe moyenne de la France périphérique, pour qui la « bagnole » est un outil de travail indispensable. 

Commentant le chèque de 100 euros par an que le gouvernement envisage de distribuer aux plus fragiles économiquement, ce bel esprit (qui traita Marion Maréchal de « pin up » puis de « charognarde » pour s’être rendue à Lampedusa) a surtout vu dans cette annonce « un petit côté populiste ». Gemenne, dans sa caricature élitiste, fait partie de ces pyromanes qui attisent la colère populaire. Il illustre ces idéologues pour qui la lutte contre le réchauffement doit passer par la mise au pas de la classe laborieuse. C’est Jean Jouzel, grand inspirateur du Giec et de ses croyances, qui déclarait l’autre jour : « Le capitalisme est incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique ». Voici donc des « progressistes » qui font porter sur les plus paupérisés les exigences de la transition énergétique. « Nous devons être la première économie européenne décarbonnée en 2040 », s’enorgueillit, ce mercredi, Bruno Le Maire dans Le Parisien. Or, qui peut penser que les ruraux ont les moyens de s’acheter une voiture électrique ou de changer de chaudière ? La France contribue pour moins de 1% à l’émission de gaz à effet de serre. Ses efforts seront anecdotiques à l’échelle mondiale. C’est pourquoi les braises des gilets jaunes ne demandent qu’à se rallumer.

LR inquiet

En réalité, la gauche idéologue et méprisante démontre une fois de plus qu’elle a rompu avec le peuple ordinaire et son quotidien ardu. Cette caste prétendument éclairée n’est plus dans la vie réelle. Ses certitudes sur la responsabilité de l’homme et du capitalisme dans le réchauffement, qui ne tolèrent aucune contestation, amènent à accentuer une déshumanisation de la société soumise aux seuls théorèmes des dirigeants et des embrigadés.

A lire aussi, du même auteur: Lampedusa, la voie est libre…

La crise sanitaire avait déjà montré comment la peur du Covid avait été instrumentalisée par l’État hygiéniste pour infantiliser les gens et leur faire admettre des contraintes totalement absurdes, y compris contre des enfants (masque, non contact, confinement, etc.) qui en portent aujourd’hui de graves traumatismes (1). La peur du réchauffement procède de ce même processus d’essence totalitaire, qui ignore le vivant au profit de dogmes imposés par une technocratie glacée. Dans tous ces cas, l’humain n’est plus qu’un encombrant mis sous surveillance collective. Bruno Retailleau (LR) a raison de dire, ce mercredi sur Europe 1 : « La France est en train de tomber (…) On est à la veille d’insurrections électorales graves ».

Sauf que ces possibles révoltes démocratiques n’ont pas à être dramatisées s’il s’agit de replacer l’homme réel au centre de la politique.

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NB : L’épuration ethnique que subissent les Chrétiens du Haut-Karabagh, avec la complicité de la Turquie islamisée et dans l’indifférence de l’Occident, est une autre forme de déshumanisation insupportable. À ceux que le sort de l’Arménie importe, je signale l’initiative de L’Oeuvre d’Orient qui invite à un rassemblement ce jeudi sur le parvis du Trocadéro à 18h.

(1) Marie-Estelle Dupont, Etre parents en temps de crise, Editions Trédaniel

Miss Zimbabwe, blanche, sous le feu des critiques

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Brooke Bruk-Jackson a remporté le concours national de beauté organisé au Zimbabwe. Pourtant, son élection a provoqué une vague de protestations sur les réseaux sociaux. Son tort ? Être une blanche dans un pays à majorité noire, une de ces Rhodie’s dont la communauté a imposé un régime de ségrégation raciale durant plusieurs décennies au grenier à blé de l’Afrique australe.


Le 16 septembre, le Zimbabwe a organisé son concours national de beauté afin de choisir parmi douze jeunes femmes, préalablement sélectionnées, celle qui aura l’honneur de représenter le pays lors de l’épreuve internationale de Miss Univers.

Chaînes coloniales

Après plusieurs heures de délibérations et défilés divers, c’est une étudiante de 21 ans qui a remporté la couronne tant convoitée. En dépit de ses larmes de joie et d’une excellente prestation devant le jury, son élection a suscité une forte controverse en raison de sa couleur de peau. En effet, la lauréate du concours, Brooke Bruk-Jackson, est une Rhodie’s pur jus, née au sein de la communauté blanche de l’ancienne Rhodésie du Sud qui a dirigé ce pays africain jusqu’à son indépendance en avril 1980. Elle était d’ailleurs la seule blanche à concourir pour le titre.

A lire aussi: Niger: la France maraboutée

À l’issue de sa victoire, un flot d’insultes et de commentaires mitigés ont soudainement inondé les réseaux sociaux. Sur TikTok, Instagram et X (anciennement Twitter), des fans ont remis en question la décision du jury, estimant en 2023 qu’il était « ridicule de couronner la fille de colons blancs comme représentante d’un pays qui s’est depuis longtemps libéré des chaînes coloniales »« Mugabe serait fou en voyant cela » écrit même un internaute furieux. En référence à l’ancien dirigeant et premier président du pays, qui a mené la lutte contre le régime rhodésien du Premier ministre Ian Smith. « Tellement décevant de voir ces colonisateurs représenter un pays africain », écrit une autre personne. « Mes ancêtres se rouleraient dans leurs tombes !!!!! », renchérit une troisième très exaspérée. « Toutes ces belles femmes mélanées et vous me dites que c’est une femme européenne qui a gagné un concours pour les noirs !!? », ajoute encore un dernier internaute qui remet en doute l’africanité de cette Miss à la blondeur européenne. L’affaire a même pris un angle encore plus international après que la populaire chaîne de potins Instagram « The Shaderoom » ait partagé la nouvelle avec de nombreux Noirs américains, également choqués et consternés par la décision.

Un pays ruiné

Jadis le grenier à blé de l’Afrique australe, le Zimbabwe est toujours en proie à ses démons raciaux. Longtemps perçus comme un contre-pouvoir économique à son pouvoir politique, Robert Mugabe a fini par chasser les blancs du gouvernement multiracial, mis en place après la fin du régime de ségrégation raciale afin de rassurer les investisseurs occidentaux, inquiets par le nationalisme de « Comrade Bob ». Les mauvaises décisions prises par Robert Mugabe, dont la présidence s’est transformée en dictature ethnique (à un point que les Britanniques le surnommaient le « Hitler noir »), ont fini par ruiner le pays. Refusant de reconnaître sa responsabilité, l’ancien rebelle marxiste s’est retourné contre les sud-rhodésiens, les a accusés de tous les maux (dont celui de faire le jeu de l’opposition) et a décidé brutalement, en 2000, de saisir toutes leurs exploitations sans indemnisations avant de les redistribuer aux cadres de son parti (ZANU-PF). Alors qu’aucun d’entre eux n’avait la moindre expérience agricole… ce qui a achevé de faire sombrer un peu plus le pays dans la crise économique qui perdure encore aujourd’hui. 

A lire aussi: Voile: a-t-on le droit de dire «merde» au Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU?

« J’ai gagné cette couronne pour notre beau pays, pour aimer et servir notre peuple, pour représenter le Zimbabwe à l’échelle internationale et pour montrer au monde le caractère unique du Zimbabwe et des Zimbabwéens », a tweeté Brooke Bruk-Jackson après sa victoire. Mais face à l’avalanche de propos négatifs et racistes auxquels elle a dû faire face, celle qui poursuit des études à la British Academy of Fashion Design à Londres et à la Beauty Therapy Institute de Cape Town a dû se résoudre à désactiver l’accès aux commentaires sur ses propres réseaux sociaux où elle avait posté une photo d’elle, vêtue d’un costume mettant en valeur des artistes zimbabwéens. « Brooke méritait de gagner ; elle a travaillé dur pour cette couronne et sa démarche était si gracieuse. Sa réponse fut puissante, courte et précise. Bien mérité. Félicitations à elle », écrit en guise de soutien un internaute, cité par le journal local The Zimbabwean. « Elle est absolument magnifique. Si elle est née au Zimbabwe, elle est alors admissible. Tout le reste n’est que drama. Laissez-la profiter de son moment sous les projecteurs », ajoute un autre Zimbabwéen. Tous deux étant d’origine africaine.

Face à ses nombreux « haters », la jeune mannequin s’est fendue d’une brève litanie afin d’apaiser la situation : « La couleur de notre peau ne doit pas définir une personne ni avec qui chaque personne choisit de s’associer. Ensemble, nous sommes alignés, une belle espèce créée par Dieu ». Une leçon magistrale de tolérance qui pourrait presque nous faire oublier qu’en 2021, Pamela Uba, une Sud-africaine noire, avait été sacrée Miss Irlande sous les  applaudissements de ceux qui poussent aujourd’hui des cris d’orfraie contre l’élection de Brooke Bruk-Jackson. 

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Médine, l’islamisme à peine voilé

David Vallat est un djihadiste repenti qui combat désormais l’islam politique. Pour lui, Médine emploie dans ses chansons et ses tweets un double discours qui lui permet d’envoyer à ses fans des messages racistes et antisémites. Un formidable cheval de Troie pour les barbus.


Auteur de Terreur de jeunesse (Calmann-Lévy 2016), David Vallat est un repenti. Il a été impliqué dans les réseaux du GIA qui terrorisaient la France et a côtoyé Khaled Kelkal ou encore Boualem Bensaïd. Ayant suivi une formation islamiste rigoureuse en Afghanistan et au Pakistan, il connaît très bien la façon dont les islamistes utilisent la religion. Une fois derrière les barreaux, il a ouvert les yeux et décidé de raconter son parcours pour empêcher les jeunes de tomber sous la coupe de cette idéologie.

David Vallat. Wikipedia

Causeur. Pour beaucoup de gens, Médine ne peut pas être islamiste parce qu’il est musicien.

David Vallat. C’est exact, mais le burkini aussi est condamné par les islamistes puisqu’une femme n’a pas à se rendre dans un lieu où des hommes sont à moitié nus ! Pourtant, pour les islamistes, le burkini est un levier politique qui permet d’accuser d’islamophobie quiconque s’y oppose. Autrement dit, les islamistes sont capables d’écarts idéologiques, du moment que cela sert leurs intérêts politiques.

Médine a obtenu un avis juridique favorable, sous la forme d’une fatwa de Moncef Zenati, cheikh du Havre du savoir, l’association des Frères musulmans dont Médine était ambassadeur. Il considère que la musique n’est pas un péché en soi, cela dépend du message qu’elle véhicule. Quand il est question de crucifier des laïcards, que l’album s’appelle Jihad, et que le symbole du sabre y figure en bonne place… l’indulgence est accordée. Il existe d’ailleurs une vidéo[1] où Médine échange avec Moncef Zenati sur ce sujet.

Dans sa défense, le rappeur dit volontiers que le jihad est avant tout un combat contre soi-même.

C’est faux, car le hadith cité en appui de cette posture n’a aucune portée. Pour comprendre cette manipulation, il faut connaître la notion de classement des hadiths. Les hadiths, qui rapportent une parole orale ou une action du Prophète, constituent avec le Coran le socle théologique et législatif de l’islam.Ils sont classés en trois grandes catégories. C’est un peu comme avec les cartes Pokemon, en fonction de la puissance, le match est plié ou non. Il y a le hadith sahih, « authentique », qui sert de joker et tranche une discussion. Il y a les hadiths intermédiaires, qui sont recevables en tant qu’éléments de preuve, et puis il y a les hadiths apocryphes, que l’on peut citer comme élément de culture générale, mais qui ne peuvent en aucun cas servir d’assise idéologique ou juridique. Or le hadith qui parle du « grand jihad »comme étant le jihad contre l’ego est un hadith apocryphe !Et cela, le public sur lequel Médine exerce son influence le sait. Tous les imams le savent. Cette histoire de combat contre soi-même qui serait le vrai jihad est une vaste fumisterie. Quand on parle du jihad dans le Coran, on parle bien du jihad armé.

A ne pas manquer, Elisabeth Lévy: A gauche, la défaite en chantant

Que penser de l’utilisation, comme signature, accompagné ou non du slogan « le plus grand combat est contre soi-même » ?

Que c’est un symbole de paix, non ? Ce choix parle de lui-même. Le sabre est l’un des symboles de l’islam. Là encore, le message subliminal est parfaitement décrypté par ceux qui baignent dans le même substrat culturel mais pour le coup, n’importe qui peut le comprendre. Le sabre n’est pas le symbole du combat intérieur mais bien celui de la conquête par les armes. Quand les islamistes utilisent le sabre, les Occidentaux pensent certes que c’est un symbole un peu virulent, mais sans plus. En revanche tous les musulmans savent que l’islam ne s’est répandu que par la force de l’épée et la terreur que confère le risque d’être passé par le fil de l’épée. La mise en avant du sabre est une profession de foi agressive que Médine tente de faire passer pour une purification de l’ego. C’est une excellente illustration du double langage des islamistes. Tout lecteur de L’Odyssée se rappelle qu’Ulysse sort de la grotte du cyclope Polyphème en s’accrochant sous un mouton pour déjouer la surveillance du monstre. Si, face à une interdiction, je dis« nous allons faire les moutons », ceux qui ne connaissent pas Homère penseront que je vais respecter l’interdit. Les autres comprendront qu’il s’agit de donner le change.

Quand on connaît cette culture du double langage, peut-on croire Médine quand il dit que « ResKHANpée » était un jeu de mots maladroit ?

Bien sûr que non. De même quand il prétend qu’il ne connaissait pas la signification de la quenelle ! Se moquer des rescapés était une des bases de l’humour antisémite de Dieudonné dans son sketch sur les petits-enfants de déportés. Le public de Médine connaît très bien la référence. Derrière ces « blagues », il y a l’accusation larvée de « faire un billet » avec la Shoah[2]. Ce tweet est une quenelle masquée. Il n’en est pas resté là d’ailleurs. Dans un tweet en réponse à Rachel Khan, il lui demande si les verrines étaient bonnes chez Marine Le Pen. C’est un moyen de faire allusion aux « petits fours » sans se faire attraper. Et là aussi son public le comprend. Médine a prouvé qu’on pouvait faire un jeu de mots antisémite sans être ostracisé. Autrement dit, avec l’aide des Verts, et grâce à quelques circonvolutions, il a redonné droit de cité à l’antisémitisme. Son « Durafour crématoire[3] » en mode islamiste lui a même permis de se victimiser sur la scène que lui a offerte EELV.

Médine provoque, puis s’excuse, puis recommence. C’est aussi une stratégie ?

Oui, une stratégie de déstabilisation. Les Frères musulmans sont profondément machiavéliques et il ne faut pas les sous-estimer. Aussi étonnant que cela puisse paraître,ils connaissent la théorie de Michel Foucault selon laquelle si les éléments de tension sociale sont en équilibre précaire, une petite série d’attentats peut faire basculer la société dans la révolution prolétarienne. Ils ont juste remplacé révolution prolétarienne par jihad. Ils créent un islam identitaire, de revendication et de provocation, dont l’objectif est d’excéder les sociétés européennes et d’exacerber les tensions communautaires, afin de les faire basculer dans la guerre civile. Les islamistes ne sont jamais aussi forts que dans les zones grises où les Étatset leurs institutions se sont effondrés. Toute la rhétorique politique des Frères musulmans en Europe s’appuie d’ailleurs sur la dénonciation de la corruption des élites et la perte d’identité de la communauté, pour instrumentaliser de jeunes crétins comme Médine, qui ne savent pas quel projet ils servent, mais qui sont efficaces pour créer des tensions, justifier les rancœurs et répandre le conflit.

Cette alliance entre islamistes et gauchistes peut surprendre, dès lors qu’elle a toujours mal fini pour la gauche, comme en Iran ?

C’est un jeu de dupes. Ils ont des objectifs communs, notamment la déstabilisation du système. La gauche s’associe aux islamistes, car elle est aussi très condescendante envers eux. Elle imagine qu’ils vont créer les conditions de la révolution et faire le sale boulot à sa place. Côté islamiste, pas de naïveté : ils profitent de cette gauche qui leur fournit respectabilité et moyens d’action.

Alors Médine, islamiste ou pas ?

Médine contribue à installer le normatif islamique dans l’espace public. On doit trouver normal que les femmes soient voilées, que les « laïcards » se fassent insulter, que le blasphème envers l’islam devienne impensable et impossible, que toute critique de l’islam soit reconnue comme islamophobe. Les islamistes ont compris que rien n’est plus virulent ni extrémiste qu’un gamin qui épouse une idéologie. Utiliser la jeunesse est une bonne façon de terroriser une population. Pour cela, nul besoin de nombreux cadres bien formés, il suffit de proposer une identité à de jeunes paumés et de cultiver leur ressentiment. Le discours des islamistes en France à destination de la communauté musulmane est donc purement identitaire, il n’a rien de religieux. Médine est un islamiste qui s’ignore. Ceux qui le manipulent savent ce qu’ils font. Quant à lui, il ne sait même pas que la victoire de l’islam identitaire qu’il sert annoncerait la fin de sa carrière de musicien.


[1] « La musique & l’islam : déconstruisons les préjugés #1 », youtube.com.

[2] L’expression, courante dans les quartiers, signifie « utiliser la Shoah pour en tirer avantages et immunité médiatique ».

[3] Jeu de mot qui avait valu à Jean-Marie Le Pen en 1988 d’être condamné par l’ensemble de la classe politique.

La régularisation des clandestins ou le blanchiment de la fraude

C’est bien de permettre à des restaurateurs, hôteliers, entrepreneurs du BTP et autres d’obtenir de la main-d’œuvre flexible et bon marché pour faire tourner leur affaire et nous fournir des services. Mais qui paie pour les dommages collatéraux de cet appel d’air migratoire permanent qui s’appellent ghettoïsation, communautarisme, radicalisation religieuse, déscolarisation, délinquance, etc. bref tous ces maux qui accablent notre pays au quotidien et depuis des décennies ? Pas ces employeurs, mais la collectivité.  


La nouvelle loi immigration proposée par Gérald Darmanin, la 30ème depuis 1981, prévoit, entre autres, la régularisation des clandestins qui travaillent dans les « métiers en tension » c’est-à-dire ceux où les employeurs déclarent ne pas pouvoir trouver en France des candidats pour leurs postes vacants. Divers métiers sont concernés, parmi lesquels notamment ceux du BTP, de la santé et de la restauration, cette liste ne prétendant pas à l’exhaustivité, tant s’en faut.

Mismatch et appel d’air permanent

Les partisans de la régularisation y voient un moyen d’intégrer des étrangers installés illégalement en France depuis parfois plusieurs années, tout en comblant « une pénurie de main-d’œuvre ». Dans un pays qui compte 2,8 millions de chômeurs de catégorie A donc sans aucune activité et 2,3 millions de chômeurs en catégorie B et C qui travaillent à mi-temps ou moins et qui disent vouloir travailler à plein temps, ce dernier argument a tout de même de quoi étonner. Cette situation invraisemblable de cohabitation entre un chômage encore très important et un prétendu « manque de main-d’œuvre » peut être dû, dans certains secteurs bien précis et pour certains postes, à des problèmes d’adéquation de formation ou d’expérience – ce que l’on nomme en économie le « mismatch ». Mais cette théorie ne marche pas pour quantités de postes peu qualifiés, où nous faisons face au refus de Français mais également à celui de nombreux étrangers légalement présents en France, de prendre les boulots disponibles.

Revenons à cette régularisation prévue par Gérald Darmanin qui fait beaucoup de bruit. Nous régularisons tous les ans en moyenne plus de 30 000 illégaux en France au titre de la circulaire Valls de 2012 dont plus personne ne parle. On hurle à l’« appel d’air » pour la mesure de Darmanin. Mais celle-ci n’est, au fond, qu’un complément ad hoc de ce qui se fait depuis des années, et qui constitue un appel d’air permanent. En effet, tous les migrants illégaux qui viennent chez nous la connaissent parfaitement et jouent la montre en attendant de pouvoir y prétendre.

Pour être éligible aux conditions prévues par la circulaire Valls et la proposition Darmanin, il faut travailler, alors que c’est illégal, sans visa de travail. Il faut donc trouver un patron qui va lui aussi faire quelque chose d’illégal, à savoir employer un étranger en situation irrégulière.

Mais les patrons n’étant pas trop bêtes et voulant pouvoir prétendre à la bonne foi en cas d’un rarissime contrôle URSSAF, ils se prêtent complaisamment à toutes les astuces déployées par les illégaux et par ceux qui les conseillent c’est-à-dire les fameuses « assos ». Voici un petit extrait d’une brochure du « Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.e.s » (GISTI) : « Les personnes démunies d’autorisation de travail peuvent présenter à leur employeur ou employeuse potentielle des documents masquant leur situation réelle : titre de séjour périmé, document falsifié, faux document, mentionnant l’identité réelle de la personne ou une identité d’emprunt. Les employeurs soutiennent alors parfois avoir été abusés par le ou la salarié·e, bien que l’argument ne porte guère s’ils n’ont pas respecté leur obligation légale de faire procéder à une vérification par les services préfectoraux. » Il ne s’agit nullement ici d’accuser le GISTI, assos immigrationniste militante, d’incitation à enfreindre la loi. Mais cet extrait décrit très bien ce qui se passe.

Permis de frauder !

Alors disons clairement les choses : la régularisation « par le travail » des clandestins est une grande opération de blanchiment de la fraude. Celle des travailleurs en situation irrégulière et celle des employeurs. Mais le plus beau c’est que cette régularisation ne donne même pas lieu à une amende salée pour les fraudeurs !

Imagine-t-on régulariser des Français qui conduisent sans permis de conduire, au prétexte qu’ils n’ont point causé d’accidents pendant trois ou quatre ans, et qu’ils doivent travailler, faire leurs courses et amener leurs gosses à l’école ? Imagine-t-on régulariser des Français qui construisent illégalement une maison ou une extension sans permis de construire car ils ont besoin de se loger ou de s’agrandir ? Imagine-t-on régulariser l’auteur d’une thèse de doctorat dont on finit par découvrir qu’elle n’était qu’un vulgaire plagiat, au prétexte que son auteur est devenu enseignant-chercheur depuis cinq ans ? Imagine-t-on régulariser une personne qui exerce plusieurs années et sans accroc une activité règlementée (médecin, pharmacien, notaire, huissier, etc.) sans avoir les diplômes requis et en les falsifiant le cas échéant car il a une utilité sociale ? Imagine-t-on régulariser une personne gentille et travailleuse qui a juste usurpé une identité ou trafiqué des diplômes pour différentes raisons ?  Bien sûr que non.

A lire aussi, du même auteur: Les deux mamelles empoisonnées d’un pays en tension

Tout ce qui est décrit plus haut n’est tout simplement pas régularisable du tout. Et quand c’est le cas, il l’est au prix d’une lourde sanction financière. Pourtant, dans tous les exemples ci-dessus, les motivations pourraient être considérées comme tout à fait légitimes si l’on faisait preuve du même « humanisme » que celui dont on fait preuve à l’égard des étrangers sans papiers. La mobilité, la nécessité de se loger, montrer un diplôme indispensable qu’on n’a pas pu obtenir car on manquait de temps ou d’argent, etc. Dans toutes les activités illégales que commettent des centaines de milliers de gens chaque année, il y a souvent une motivation sociale humainement compréhensible. Et pourtant on ne « régularise » jamais. Bien au contraire, on sanctionne.

Mais cette intransigeance, gage de l’ordre social, ne vaut pas pour un Mamadou Ndiaye, commis de cuisine, qui se fait passer pour un Lamine Diop, à qui il a « emprunté » le titre de séjour, au moment de l’embauche, moyennant bien sûr rémunération pour le prêteur. Le patron n’y a vu que du feu ? « Ah ben, ils se ressemblent tous vous savez ! » Régularisé ! Pas non plus pour un Mohammed Bakri, manœuvre dans une petite boite du BTP, à qui il a fourni un titre de séjour grossièrement falsifié et que le patron n’a pas cru bon de vérifier auprès de la préfecture. « Ah, moi vous savez la paperasse c’est pas mon truc et puis j’ai fait confiance ». Régularisé ! Pas davantage pour une Ernestine Makumba, femme de ménage dans l’hôtellerie, employée depuis des années carrément sans papier par une petite boite d’intérim du nettoyage qui se fiche royalement des règles. Régularisée !

Totem d’immunité

Le fait de travailler devient un totem d’immunité. Comme si les centaines de milliers de gens qui chaque année commettent un délit sont exonérés de leur faute parce qu’ils travaillent.

Afin de faire passer la pilule on nous avance un argument fiscal censé nous rasséréner. « Ces gens paient des impôts ! ». Vraiment ? Les clandestins sont au SMIC ou à peine au-dessus. Ils ne paient donc aucun impôt sur le revenu car ils sont en dessous du seuil d’imposition. Ils ne sont quasiment jamais propriétaires donc ne paient aucune taxe foncière. « Ah mais ils paient des cotisations sociales ». Pas leurs patrons, car leurs bas salaires sont quasiment exonérés de charges patronales. Il ne reste que de modestes cotisations salariales. A bout d’arguments on nous dira qu’ils paient la TVA. Effectivement. Mais le petit dealer des quartiers nord de Marseille la paie aussi quand il va faire ses courses. Du coup, il faut lui foutre la paix ?

Et si encore nous avions une forme de donnant-donnant de la part du gouvernement, ça se réfléchirait. Donnant-donnant qui consisterait par exemple à purger le passé (régulariser ceux qui sont déjà là) mais à instaurer la règle de l’impossibilité de toute future régularisation de gens entrés ou restés clandestinement en France dans le cadre d’une loi organique extrêmement robuste. Il n’en est rien. Le « deal » est de passer un coup d’éponge sur « les métiers en tension » et de continuer à régulariser les clandestins au fil de l’eau avec la circulaire Valls.    

D’autant que ce petit manège qui dure depuis bien longtemps est bien rodé.  Une fois régularisés, ces travailleurs n’ont plus aucun intérêt à continuer à être payé au lance-pierre et à accepter des conditions de travail dégradées ; ils peuvent prétendre à des conditions nettement plus favorables. Les patrons adeptes du « docile et pas cher » n’y trouvent plus leur compte et les remplacent progressivement par des nouveaux illégaux. Vous connaissez le mouvement perpétuel de la montre suisse. Nous y sommes.  

On fait peu de cas de notre identité nationale

Attardons-nous maintenant sur l’argument économique de la régularisation. C’est bien de permettre à des restaurateurs, hôteliers, entrepreneurs du BTP et autres d’obtenir de la main-d’œuvre flexible et bon marché pour faire tourner leur affaire et nous fournir des services. Mais qui paie pour les dommages collatéraux de cet appel d’air migratoire permanent qui s’appellent ghettoïsation, communautarisme, radicalisation religieuse, déscolarisation, délinquance, etc. bref tous ces maux qui accablent notre pays au quotidien et depuis des décennies ? Pas ces employeurs, mais la collectivité.  

Alors au fond, l’intérêt supérieur de notre pays ne serait-il pas de préserver d’abord notre cohésion sociale et identitaire de notre pays au prix d’une baisse temporaire d’activité dans ces secteurs, le temps de trouver les outils pour mettre au boulot ceux qui y rechignent ?

En effet, avec son nombre encore impressionnant de demandeurs d’emploi, la France n’a aucun problème de quantité de main-d’œuvre disponible pour faire tourner son économie. Numériquement, elle a largement assez de bras et pour de nombreuses années. Elle a, en revanche, un problème à mettre au boulot des centaines de milliers de gens, « Gaulois » ou non, qui ont l’âge et la santé pour travailler mais qui vivent de l’assistanat ou du va-et-vient travail-chômage appelé « permittence ».  

Cette situation est tout aussi intenable que l’immigration clandestine et on ne peut pas simplement y répondre par « il faut payer plus ». Pour prendre un exemple simple, va-t-on payer une certes très utile aide-soignante mais qui fait 12 mois de formation sans exigence du BAC comme une enseignante qui, elle, doit avoir une formation de type BAC + 5 ? Va-t-on payer un serveur comme un ingénieur, un plombier comme un pilote de ligne, un chauffagiste comme un dentiste, etc. ? A un moment, il va falloir remettre l’église au milieu du village et faire en sorte que les gens qui ne veulent pas bosser ou qui ne consentent à bosser qu’à leurs conditions et seulement dans les métiers qui les attirent ne bénéficient plus de la solidarité nationale quand ils sont Français et d’un titre de quand ils sont étrangers.

Nous ne pouvons pas accepter de devenir l’Afrique car une partie de la France refuse de travailler.

Sonia Mabrouk, le Pape et les petits inquisiteurs

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Blasphème ! Hérésie ! La journaliste vedette d’Europe 1, Sonia Mabrouk, est vouée aux gémonies par une partie non négligeable de la gauche parce que ses convictions ne sont pas déterminées par ses seules origines, et par certains catholiques parce que sans être chrétienne elle a un avis sur le christianisme.


On voudrait en rire, tant les contradictions de ses détracteurs sont ridicules, mais hélas. Cet incident est révélateur d’une tendance beaucoup plus générale et décidément inquiétante : la banalisation d’une remise en cause radicale de la liberté de pensée.

Une journaliste qui ne laisse pas les fanatiques indifférents !

Commençons par ces catholiques qui s’offusquent d’une déclaration de Sonia Mabrouk datant d’avril, dans laquelle elle expliquait qu’à ses yeux la « proposition chrétienne » (ce sont ses mots) n’est pas incarnée par François ni par les prises de position du Pape no-borders. On peut naturellement débattre de ce point, mais là n’est pas le sujet. En effet, ce qui est reproché à Sonia Mabrouk c’est, en substance, d’oser contredire le Pape au sujet du christianisme alors qu’elle-même n’est pas chrétienne. Critique paradoxale, pour ne pas dire hypocrite.

Car enfin ! Ces belles âmes ne jurent que par l’Autre, mais cet Autre est soigneusement choisi. C’est le migrant, ou plutôt le Migrant, archétypal, exalté, idolâtré. Mais l’Autre, objet de toutes leurs attentions, n’est certainement pas (par exemple) cette adolescente de 14 ans violée près de la gare du Nord par un migrant guinéen en situation irrégulière. Envers elle, envers toutes les autres victimes de migrants, les belles âmes n’ont, comme le Pape, que ce « fanatisme de l’indifférence » que François aime reprocher aux autres, mais dont lui-même ne cesse de faire preuve envers les Européens. Et que l’Autre ne s’avise pas de s’opposer au narratif des belles âmes ! Il s’agit pour elles de mettre l’Autre en avant, pas de lui donner le droit d’être…. autre que ce qu’elles attendent de lui.

Ceux-là veulent que nous accueillions quiconque s’impose sur notre sol, ce qui veut dire à moyen terme lui octroyer le droit de vote, et acceptent ainsi que n’importe qui puisse avoir un avis sur l’avenir du pays et même contribue à en décider, mais attention : qu’une musulmane ne s’avise pas d’avoir un avis sur le christianisme ! Attitude typiquement woke, que celle qui confond systématiquement le témoignage et l’analyse, alors qu’en réalité il n’est pas nécessaire d’avoir eu un cancer pour devenir oncologue.

Paradoxe aussi car l’Église ne s’est jamais privée de dire ce qu’elle pensait des autres religions (et elle a bien le droit de s’exprimer) : pour ceux qui en douteraient, il n’est qu’à lire Nostra Aetate, la déclaration du concile Vatican II sur les relations entre l’Église et les religions non-chrétiennes.

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Paradoxe enfin, car François nous dit en substance que la seule civilisation a avoir connu pendant un millénaire et demi l’influence, pour ne pas dire la domination, de l’Église, ne mérite pas d’être préservée, alors que toutes les civilisations non-chrétiennes doivent pouvoir se perpétuer telles qu’elles sont, et même s’étendre – c’est très exactement ce qui signifie sa condamnation de l’assimilation. Autrement dit, le Pape en personne considère que les civilisations non-chrétiennes valent mieux que la chrétienté, et, s’il a raison, la conclusion évidente est que le christianisme n’a rien de bon à apporter au monde, et donc que le Pape ferait mieux de se taire…

N’oublions pas non plus que François lui-même ne cesse de clamer qu’il veut aller vers l’Autre, s’adresser à l’Autre : eh bien cette fois, l’Autre lui répond. Sonia Mabrouk est l’Autre qui dit à l’Église – avec respect, et même avec affection – ce qu’il comprend de la « proposition chrétienne », et pourquoi il ne la retrouve pas chez François. Ceux qui se targuent d’annoncer au monde l’Évangile et à qui le monde répond « je ne reconnais pas l’Évangile dans tes paroles » feraient bien d’y réfléchir au lieu d’intimer silence au monde dès que sa réponse leur déplaît.

Mais je généralise à outrance : Sonia Mabrouk n’a jamais prétendu parler au nom du monde entier, et tous ne partagent pas ses réserves. Houria Bouteldja, dont la sinistre réputation est pleinement méritée, a chaleureusement applaudi le Pape : on reconnaît un arbre à ses fruits (Matthieu 12:33), et elle a reconnu dans la prédication de François des fruits à son goût. Ce n’est pas rien. Il y a plus de mille ans un homme admirable, l’empereur Taizong[1], a dit : « avec un miroir de bronze, on peut ajuster sa mise ; avec l’histoire pour miroir, on peut comprendre l’essor et le déclin d’une nation ; avec les hommes pour miroir, on peut distinguer le bien du mal. » La critique de Sonia Mabrouk et les applaudissements de Houria Bouteldja sont un miroir tendu à l’Église, qui en dit long sur ce qu’elle est devenue.

Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des Indigènes de la République. Image: capture d’écran YouTube / Russia Today

Sonia Mabrouk, la vraie France insoumise

Quant à la gauche bien-pensante, toujours prompte à faire étalage de bons sentiments pourvu que ce soient les autres qui en subissent les conséquences, voilà Aymeric Caron relayant un tweet (qui a rencontré un succès certain) selon lequel ses origines interdiraient à Sonia Mabrouk d’avoir un regard critique sur l’immigration massive.

Que faut-il comprendre ? Qu’aux yeux de ceux qui refusent de voir les conséquences réelles de l’immigration massive, une Française née à l’étranger aurait le devoir de donner la priorité aux intérêts des étrangers qui veulent venir en France plutôt qu’à ceux de la France et des Français ? Encore un paradoxe, puisque Caron lui-même (comme probablement l’auteur du tweet initial) est un Européen « de souche » ayant choisi le parti des étrangers extra-européens qui forcent nos frontières plutôt que celui des Européens. Surtout, c’est une manière de refuser à Sonia Mabrouk la possibilité de s’assimiler à la France, à son art de vivre, à son histoire, à sa culture, et d’avoir à cœur de la défendre, c’est-à-dire de devenir une Française « de branche », donc une Française. L’injure raciste « arabe de service » n’est pas explicitement dite par ces défenseurs de l’immigration massive, mais elle n’est pas loin…

La question ici n’est pas de savoir si Sonia Mabrouk a raison ou tort, mais de savoir si oui ou non elle a le droit de penser par elle-même sans que ses origines conditionnent sa pensée, sans que certains sujets lui soient interdits, sans qu’on l’empêche de partager le résultat de ses réflexions. Ce droit, qui est tout simplement la liberté de pensée, n’est pas seulement celui de Sonia Mabrouk, c’est aussi le mien, le vôtre, le nôtre. Si elle le perd, nous le perdons aussi. La liberté de pensée meurt lorsqu’on renonce à s’en servir : remercions donc Sonia Mabrouk d’avoir le courage d’en faire usage malgré les attaques que lui réserve si souvent cette bien-pensance qui prétend bien penser lorsqu’elle empêche de penser. Et remercions-la de le faire avec intelligence, avec élégance, avec panache. A la française, en somme. N’est-ce pas, monsieur de Bergerac ?

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[1] Li Shimin (v600-649) prit le nom de Taizong en devenant le deuxième empereur de la dynastie Tang.

Smartphones: le retour surprise de Huawei qui agace les Américains

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Le géant des technologies chinois est parvenu à lancer le 29 août le Huawei Mate 60 Pro, téléphone équipé d’une puce 5G entièrement made in China, malgré les sanctions américaines l’empêchant de se fournir en composants à l’étranger… Analyse.


Beaucoup pensaient que Huawei avait abandonné le marché des smartphones. Or l’entreprise vient d’annoncer son retour avec le Mate 60 Pro. Au-delà des enjeux technologiques, c’est aussi un moment de la lutte entre la Chine et les États-Unis. Au cours des quatre années passées, Huawei a été la cible de sanctions économiques de la part des États-Unis. L’objectif était à la fois économique (éliminer un concurrent), mais aussi politique (ralentir voire stopper le développement des technologies en Chine). C’est un euphémisme de dire que ce fut dur pour Huawei. Les sanctions ont produit leurs effets : les smartphones de Huawei ont disparu du marché mondial. Il a même été colporté que le patron aurait envisagé à un moment d’encourager ses ingénieurs à se reconvertir dans l’élevage des cochons. Au fil des mois et des années, on entendait moins parler de cette ancienne vedette des NTIC. Et soudain, dans un silence étourdissant, un coup de tonnerre a retenti dans le ciel clair des smartphones.

Ci-dessous, vidéo d’information officielle de l’audiovisuel extérieur chinois (26 septembre):


La concurrence sort les tournevis

Pendant la visite en Chine de Gina Raimondo, le ministre du Commerce américain et responsable des sanctions contre Huawei, ce dernier a démarré, sans aucune publicité, la vente de son nouveau smartphone 5G Mate60 Pro. Les spécialistes du monde entier se sont rués sur cette bête noire, tournevis à la main, pour la désosser. Qu’avait-elle dans le ventre ? Bloomberg a également dépêché TechInsight. Les résultats de l’analyse ont vite été partagés avec tout le monde1. Il s’agit d’un smartphone 5G doté de capacités de communication via le satellite et avec un chipset de 7 nanomètres (n+2) Kirin 9000S produit par SMIC2, un fondeur chinois. La surprise est de taille. Personne ne pensait que Huawei pourrait se remettre des sanctions et sortir un smartphone aussi concurrentiel. Avec en guise de cerise sur le gâteau, la possibilité de communication via satellite. Comment cela est-il possible ?

Huawei est-il de retour ?

Huawei est-il vraiment de retour ? Oui et non.

Oui, Huawei est de retour, il n’a pas été écrasé. Le groupe a survécu en trouvant de nouvelles voies pour s’en sortir. Il a réorganisé ses activités, amélioré son OS propre, Harmony trans-plateforme, et commencé à produire les chipsets avec des fournisseurs autochtones jusqu’au niveau 7 nm nécessaire pour les produits avancés tels que les smartphones 5G. Les analystes estiment que le Mate 60 Pro devrait se vendre à au moins 7 millions d’exemplaires. Ses concurrents, par exemple Apple, auraient de nouveau, du souci à se faire. Le nouveau Huawei affronte directement le lancement de l’iPhone 15, surtout avec l’arrivée à la queue leu leu de deux nouveaux modèles en très peu de jours : Mate 60 Pro+ avec un écran plus grand et Mate X5 pliable.

Non, Huawei n’est pas encore complètement de retour. Mate60 Pro est sorti. Les nouveaux produits vont-ils continuer à arriver avec les mêmes chipsets (7 nm locales) aux mêmes performances et en quantité nécessaire? Il faudra le vérifier dans la durée. Ayant eu l’opportunité de rencontrer à plusieurs reprises et d’observer de très près le fondateur de Huawei dans ma carrière professionnelle, je sais que M. Ren n’a rien d’un fanfaron. Se satisfaire seulement d’une salve de feux d’artifice n’est pas son style. Tout devrait être déjà planifié pour la suite et sera exécuté avec une rigueur exemplaire. La sortie rapide de Mate 60 Pro+ et Mate X5 en est le témoin. Attendons donc de voir si Huawei est capable de reprendre sa place d’antan.

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Réussir à produire localement des chipsets de 7 nm sous un encerclement tel que celui dont il a fait l’objet, est un exploit extraordinaire. En même temps, il faut admettre qu’il existe encore des écarts très importants à combler. Les écarts entre 7 nm et 5nm, 4nm et 3nm ne se mesurent pas seulement en précision mais surtout en expertise et expérience cumulées pendant des générations. Pour atteindre le niveau le plus élevé, la route est encore très longue. Sur le plan technologique, les Etats-Unis sont et resteront, pour une longue période, le pays le plus avancé du monde.

L’histoire est loin d’être finie. Sous le choc de la nouvelle, les États-Unis ne vont pas baisser les bras. Ils veulent savoir si Huawei n’a pas enfreint l’embargo américain dont il est frappé en concevant le Mate 60 Pro. Le nouveau smartphone, et surtout sa puce Kirin 9 000 S (7 nm n+2), soulèvent de nouvelles suspicions du côté des États-Unis où le gouvernement cherche à obtenir plus d’informations à ce sujet et est prêt à lancer une nouvelle vague de sanctions.

Regarder au-delà du cas de Huawei…

L’arbre du chipset ne doit pas cacher la forêt des supply chain. Outre la signification pour lui-même, le retour de Huawei est lourd de conséquence pour l’ensemble des fournisseurs des smartphones et assimilés. Les investigations montrent que derrière, et avec Huawei, il existe maintenant un supply chain complet et local capable de soutenir l’industrie qui peut désormais fonctionner de façon autonome. 46 fournisseurs locaux en Chine continentale sont à bord, couvrant l’ensemble des besoins tels que les chips pour les calculs et la mémoire, les caméras, les antennes, etc.3 Cela va donner des soucis aux fournisseurs de cette industrie déjà en place.

Le soudain lancement de Mate 60 Pro a provoqué aussi une fluctuation du cours des actions des sociétés de la chaîne industrielle concernée. Huaying Technology, qui a récemment révélé avoir rejoint le système de fournisseurs de Huawei, s’échange à la limite quotidienne depuis trois jours consécutifs. À l’heure de clôture du 6 septembre, la rumeur disait que le cours des actions du fournisseur d’équipements Huawei Qiangrui Technology avait augmenté de 9,34 %. Le fournisseur de communications Huali Chuangtong était en hausse depuis plusieurs jours, clôturant en hausse de 20 %, et de nombreux stocks en liaison avec Huawei entrent dans la tendance haussière.4

… et au-delà du supply chain

Nous avons observé, sur la durée, la stratégie à double volet mise en place par les Chinois pour développer leurs industries, par exemple, dans le domaine des panneaux solaires et des véhicules électriques.

Les efforts ont été menés en parallèle sur la recherche dans le domaine des technologies de pointe et sur l’industrialisation des technologies matures. Ainsi, tout en réduisant les écarts technologiques, ces acteurs prennent d’assaut les marchés domestiques et internationaux avec des produits fondés sur les technologies matures. Avec les avantages de la vitesse et des coûts, ils inondent les marchés. Sous la pression notamment des sanctions, ils décuplent leurs efforts pour mener à bien leur plan de moyen et long terme. Cette fois-ci, aidée par les sanctions américaines jamais vues, la Chine gagnera-t-elle une fois de plus en appliquant la même stratégie concernant l’industrie de chipsets ? La messe n’est pas encore dite5.

Une autre façon de jouer est-elle possible ?

Nous avons constaté dans le passé la répétition d’un schéma : les sanctions US sont suivies du développement de solutions autonomes chinoises, par exemple dans le cas de la station spatiale.6 Produisant deux supply chain en parallèle, cette façon de jouer est très coûteuse pour les deux parties. Ne pourrait-on pas trouver une façon de coopérer, avec une division du travail globale raisonnable et une compétition plus saine ?

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Une coexistence est-elle souhaitable et possible entre les US et la Chine ? Est-ce une question naïve ? Nous ne le croyons pas. Face à l’évolution radicale du monde, face au risque d’épuisement des ressources, et étant tous sur une même planète, où les activités déraisonnables ont déjà causé des dégâts, nous voyons une nécessité absolue de porter notre regard au-delà des conflits géopolitiques de court terme au lieu de nous contenter d’une analyse myope.

L’Association de l’Industrie des Semiconducteurs (SIA – Semiconductor Industry Association) voit également la nécessité de jouer autrement. Selon elle, des restrictions supplémentaires sur les puces visant la Chine présentent un risque pour la compétitivité de l’industrie américaine des semi-conducteurs. Ces restrictions pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement et créer une incertitude importante sur le marché. La SIA a exhorté les deux gouvernements à engager un dialogue plutôt que d’intensifier les tensions. Dans une interview accordée en mai à Bloomberg, le PDG de SIA, John Neuffer, a souligné que la Chine représentait le plus grand marché pour les semi-conducteurs américains.

Malgré les préoccupations en matière de sécurité nationale soulignées par le gouvernement américain, Neuffer a affirmé que les sociétés américaines de semi-conducteurs ne peuvent pas se permettre d’ignorer le marché chinois.

Source : Revue Conflits


  1. Cf. Technology Discovery, TechInsights Finds SMIC 7nm (N+2) in Huawei Mate 60 Pro, 8 September 2023.
  2. SMIC : Semiconductor Manufacturing International Corporation est une société chinoise de fonderie de semi-conducteurs cotée en bourse, partiellement détenue par l’État chinois. Il s’agit du plus grand fabricant de puces sous contrat en Chine continentale. SMIC a son siège à Shanghai et est constituée aux îles Caïmans.
  3. Cf. TechNews : la liste (en chinois) des 46 fournisseurs par catégorie, le 5 septembre 2023.
  4. Cf. YICAI, le 6 septembre 2023.
  5. Cf. Alex Wang, La guerre des semi-conducteurs sino-américaine : la messe est-elle dite ? Revue Conflits, le 17 août 2023.
  6. Idem.

Confessions d’une truqueuse de notes

Pour masquer la consternante baisse du niveau dans les lycées, l’Éducation nationale demande aux correcteurs d’adapter leur grille d’évaluation aux objectifs du ministère. Un procédé stalinoïde contre lequel toute révolte est vaine, déplore notre courageuse correspondante au pays du Mammouth.


La rentrée se profile et je remue deux ou trois réflexions autour de la dernière session de l’épreuve de français du bac… histoire de me remettre dans l’ambiance et de me remémorer le bain culturel qui m’attend. Façon comme une autre de ne pas tomber de sa chaise dès les premières copies de l’automne.

Quelques extraits du lot qui m’est échu en juin suffisent à prendre la mesure du niveau actuel (précisons qu’il s’agit de la filière générale, donc du haut du panier, et que les prélèvements, issus de la prose de plusieurs élèves, sont hélas tout à fait représentatifs de l’ensemble). Les candidats ont massivement choisi de commenter un texte de Diderot développant une réflexion existentielle à partir de la contemplation d’une toile d’Hubert Robert… texte auquel ils n’ont massivement rien compris.

Entourloupe quasi-soviétique

Allons-y – je restitue bien sûr orthographe, syntaxe, ponctuation et usage du vocabulaire propres aux élèves : « Le commentaire de Diderot fut prononcé à l’encontre d’un tableau peint par Hubert Robert.(Ça commence bien !) Dans les trois derniers paragraphe, les ruines antiques à rendu Diderot nostalgique d’une époque qu’il n’a pas connu, où le catholicisme n’existé pas et où donc ses valeur ne s’appliquer pas ce qui provoque l’emancipation des corps avec des relations amoureuse ou socialle plus libertine et decompléxer. » (Le correcteur prend un premier Aspro.) Ailleurs, on trouve « la rétrospection envers lui-même sans ne jamais se voir offensé par une société aux vices involontaires ». (Deuxième dose d’Aspro.) Ici, « Diderot laisse son côté philosophique à son sentiment personnel » (??) Ou encore, « l’auteur va commencer à prendre une part de relachement dans ses angoissantes pensées. La conjonction de subordination “si” nous montre que le narrateur commence à prendre son courage en main. » Le correcteur a renoncé à tenter de percer à jour la logique des raisonnements, il ne souhaite pas dépasser les doses prescrites en cas de maux de tête récurrents. Il poursuit vaillamment : « Entre 1759 et 1791, Diderot a montré son amateurisme pour l’art et en sera critique. » (Vocabulaire et syntaxe, rien de bon…) Ailleurs encore : « Pour commencer nous pouvons voir un parallélisme avec les phrases “Tout s’anéantit, tout périt, tout passe” qui vient montrer le pessimisme de Diderot face au monde qui n’est que renforcé faute au champ lexical de la mort avec les mots “s’anéanti”, “passe”, “périt”, mais aussi à cause d’un autre parallélisme avec les phrases “il n’y a que le monde qui reste. Il n’y a que le temps qui dure.” Suite à cela nous pouvons voir une réification de ses yeux avec la phrase “de quelque part que je jette les yeux” ici l’auteur transforme ses yeux et son regard en de simple objets qu’il jette nous pouvons aussi voir une allitération en “m’”, “me” et “mon” qui place la fatalité du monde sur lui-même… » (Étrange tendance de certains élèves, le recours à des mots compliqués dans un champ de ruines syntaxique et logique… le correcteur se résout à vider sa boîte à pharmacie… c’est ça ou l’alcool…) Un dernier paragraphe pour la route (c’est un peu long mais ça vaut le coup) : « En conclusion nous pouvons voir que Diderot par différentes phases qui sont le pessimisme en se persuadant qu’il est un moins que rien, une autre où il est prétentieux et se prend pour un dirigeant abattant les nations ennemies, une suivante où il se ment à lui-même, une encore où il est accompagné, une autre où il met des barrières avec les dangers du monde, une où il touche du bout des doigts la paix intérieure, et enfin la dernière où il est finalement libre mais il est tout seul dans un asile et personne ne fait attention à lui répondant ainsi à la problématique comment Diderot commente-t-il ce tableau en mettant en avant ses sentiments ? » (Une orthographe correcte dans une phrase à la syntaxe sinistrée, qui accumule les contresens sur le texte…) Le correcteur blasé n’attend plus grand-chose, il subit les carences intellectuelles abyssales de presque toutes les copies, se disant qu’il faut en finir au plus vite avant la dépression… à moins qu’un salvateur éclat de rire ne l’en protège, par exemple lorsqu’il tombe sur un zélateur du verbe macroniste : « [Diderot] provoque de l’angoisse chez les lectrices et les lecteurs. Certains et certaines sembles se sentir coupable de la mort. » Nous laisserons à cellezéceux qui liront la dernière phrase le soin de la décoder.

Des élèves du lycée Massena, à Nice, consultent leurs résultats d’admission au bac, 4 juillet 2023. ©SYSPEO/SIPA

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Consigne nous est donnée par l’inspection de pratiquer une notation bienveillante, de ne pénaliser la langue que si elle nuit à l’intelligibilité du propos (sachant qu’une expression extrêmement fautive peut être compréhensible, on accepte donc à peu près tout…), et de s’aligner sur la moyenne académique de la session 2022 dans la même filière, à savoir 10,9 ; autrement dit, les jeux sont faits, quelle que soit la qualité intrinsèque des copies, et le simulacre de correction auquel nous sommes conviés ne sert qu’à valider des chiffres préétablis. Si la réalité des copies dément la doxa du bon niveau général, on modifie cette réalité par l’attribution de notes sans rapport avec ce qu’on a sous les yeux. Cette entourloupe quasi soviétique a duré des décennies sans émouvoir grand-monde, et dure encore, même si elle est de plus en plus dénoncée ici ou là. Il s’agit de mettre une bonne, voire une très bonne note, même si la copie n’est pas parfaite, et l’inspecteur ne manque pas de se livrer à un exercice opportun de relativisme : en substance, il ne sait pas ce qu’est une copie parfaite… et nous autres professeurs (il s’inclut avec l’humilité qui sied) serions bien en peine d’en produire une. Certes on n’attend pas dans le domaine des lettres une bonne réponse à un problème comme dans les sciences dures, mais je pourrais éventuellement expliquer à mon inspecteur ce qu’est une copie parfaite, ou ce qui s’en rapproche, selon des critères d’évaluation éprouvés et absolument objectifs. Au fait, sait-il ce qu’est une copie désastreuse ?

« Œuvre coup de cœur »

Bien sûr, pendant le temps de correction qui nous est imparti, des collègues particulièrement zélés (pour ne pas dire plus) demandent confirmation de la moyenne à atteindre, sur un fil de conversation créé depuis la dématérialisation des copies. Pour la plupart, avec une adhésion sans recul ou seulement le souci de ne pas subir de pressions si leurs notes ne sont pas conformes, ils ont intégré l’objectif de 10,9/20 : ils ne voient plus les copies telles qu’elles sont, mais telles qu’elles doivent être. Cerise sur le gâteau, pour finir de me désolidariser de ceux qui sont pourtant mes collègues : un petit message en écriture inclusive, « Bon courage à tou.te.s ! », émanant d’une prof de lettres dont le métier, que je sache, consiste aussi à défendre la langue française, et non à promouvoir les lubies idéologiques à la mode… Qu’est-ce qui est le plus démoralisant, du niveau des élèves ou de ce petit mot apparemment anodin ?

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Je fais encore semblant de croire que les copies de bac doivent être notées en fonction de ce qu’elles valent… et bien sûr, je me fais rattraper par la patrouille. Disons par euphémisme que ce n’est pas la première fois. En mon âme et conscience, j’ai évalué mon paquet à 7,5 ; cela ne vaut pas plus, vraiment, et sans doute moins. Contre toute forme d’honnêteté intellectuelle (mais cette qualité, on l’a compris, ne sert de rien dans l’exercice), j’ai « réévalué » l’ensemble et obtenu quasi 8,5. Je sais parfaitement que ça ne passera pas. Je reçois un mail de mon inspecteur, courtois mais très clair : « Vous obtenez actuellement une moyenne basse par rapport à l’ensemble des correcteurs : 8,41 contre 11,08 pour la moyenne générale. Compte tenu des éléments donnés lors de la réunion préalable d’entente et dans le document écrit d’harmonisation, il conviendrait donc que la moyenne de chaque lot ne soit pas inférieure à 9,9 ». Fermez le ban. On utilise le conditionnel pour adoucir la pression, mais en réalité on ne nous laisse pas le choix. J’ai parfois ferraillé avec des inspecteurs, refusé de modifier mes notes ou abandonné mon paquet à leurs manipulations ; maintenant je consens à relever plus ou moins ma moyenne, parce qu’il est inutile d’être seul à lutter et que le bac, foutu pour foutu… J’ai donc fini à 9,41 : certaines copies qui ne valent même pas 5 se voient gratifiées d’un 8/20 un peu plus présentable, et quelques-unes qui méritent un petit 13 se retrouvent avec un joli 16/20… L’escroquerie intellectuelle sera la même en terminale : tous ces jeunes gens, qui dans un an ne penseront et n’écriront pas mieux, seront bacheliers comme le prévoient les quotas, et iront ensuite occuper les bancs de quelque université, elle-même souvent peu regardante sur la qualité des étudiants pour leur attribuer ses propres diplômes.

Vous avez dit syntaxe ?

Pour finir, et pour nous distraire un peu, quelques perles issues de l’épreuve orale, toujours dans une série générale (là encore les prestations ne sont globalement pas fameuses, mais la nouvelle mouture de l’exercice et les barèmes associés à chaque partie amènent à une surnotation quasi automatique) : j’ai droit concernant Baudelaire à « sa vision de voir les choses » et à « la mocheté de sa vie », on évoque dans tel texte « le nombreux champ lexical », on parle d’une comparaison « avec un végétal… pardon, avec un végétaux ». Les cannibales de Montaigne deviennent « les cannibaux » (« ça se dit, les cannibaux…? »). Je découvre que les corbillards sont de grands oiseaux… J’entends, pour Le Voyage à La Haye, « Le Voyage à La Haille » (sans doute beaucoup plus douloureux !). Le mot « éloge » est presque toujours au féminin, la confusion est permanente entre imparfait et conditionnel, plusieurs ne savent pas ce qu’est la syntaxe. Une jeune fille qui doit lire un poème s’aide d’un double décimètre pour suivre les vers… Et quelques élèves annoncent comme leur « œuvre coup de cœur » le livre qu’ils ont choisi de présenter dans la deuxième partie de l’épreuve, comme s’il s’agissait de la rubrique culturelle d’un magazine féminin.

Vivement la rentrée !

Corinne Berger est professeure agrégée de Lettres.

Emmanuel Macron et François insensibles à notre dissolution identitaire

Ces Français oubliés par le pape François et Emmanuel Macron…


Attention ! Les Français ordinaires, méprisés par les idéologues, ont toutes les raisons de renverser la table à force d’exaspérations. Accablés par l’écologisme gouvernemental et par l’angélisme papal, ils n’ont plus comme issue que se soumettre ou désobéir. Emmanuel Macron a cru faire peuple, dimanche soir à la télévision, en déclarant : « J’adore la bagnole ». Or le chef de l’État n’a pas tiré les leçons de l’insurrection de 2018 des gilets jaunes contre la transition écologique adaptée aux seuls riches. Le pape François pour sa part a cru voir en Marseille, qui l’a accueilli jusqu’à dimanche, l’idéal d’une France multiculturelle et immigrationniste, sans avoir eu un mot pour l’insécurité culturelle de la classe moyenne, ni d’ailleurs pour les chrétiens d’Arménie persécutés dans le Haut-Karabakh.

Et les Français les plus fragiles ?

Ces deux personnalités, perméables à l’air du temps et à son conformisme, accentuent les fractures en ravivant à la fois une lutte des classes (pour Macron) et une guerre des cultures (pour François). La pression écologiste, cornaquée par le Giec et son militantisme anticapitaliste, reste depuis 2018 indifférente aux plus fragiles. Après avoir, contre l’effet de serre, tenté d’imposer aux automobilistes la taxe carbone 2018, Macron veut électrifier les voitures, supprimer les chaudières à fioul, transformer les chaudières à gaz en pompes à chaleur, lutter contre les passoires thermiques, en octroyant un « chèque carburant » de 100 euros par an aux plus modestes. Mais les Français ne demandent pas l’aumône.

A relire, Frédéric Magellan: Immigration clandestine: la réponse de Macron au Pape

Dissolution identitaire

Les odes à l’immigration de François, renouvelées à Marseille,  accentuent le sentiment d’abandon d’un peuple laissé à la merci d’une paupérisation économique et d’une dissolution identitaire. Le pape est certes dans le droit fil du message du Christ quand il invite à secourir et accueillir les migrants musulmans. Encore faudrait-il comprendre que l’accueil dont parle Jésus (« J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ! », Matthieu) fait référence, comme me le rappelle l’Abbé Alain René Arbez, non au migrant économique venu d’ailleurs mais « au frère en conviction christique pourchassé ». De surcroit, l’étranger était accueilli et respecté, rappelle l’abbé Arbez, « dans le cadre obligatoire d’une réciprocité ». Il devait en retour respecter les lois et les coutumes du pays. En réalité François ne continue pas le travail du Christ quand il ignore, en sacrifiant au suivisme mondialiste et à l’universalisme fanatique, la condition des peuples menacés dans leur continuité historique, culturelle, religieuse. Il suffit de noter les soutiens de l’extrême gauche et des islamo-gauchistes aux discours du pape à Marseille pour mesurer la politisation de son message apparemment pastoral. «  Vive le pape François ! », a tweeté samedi la militante islamiste Houria Bouteldja. Le Monde a titré, lui, sans craindre la généralisation : « Marseille : les musulmans enthousiasmés par la visite de François ». A ce stade, relire Michelet : « L’acteur principal reste le peuple (…) Le meilleur est en-dessous ». A lui de se faire entendre.

Il faut croire Catherine Breillat

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Art, acteurs, scandales, Metoo, Christophe Rocancourt. La réalisatrice Catherine Breillat, devenue hémiplégique, se confie dans un livre d’entretiens tout à fait réjouissant.


Dans la foulée de la sortie en salles de L’été dernier, ce pur joyau de Catherine Breillat (dont Jean Chauvet célébrait si justement, dans le dernier numéro de Causeur, « l’intranquillité » rageuse et iconoclaste), la Cinémathèque française vient, à raison, de rendre hommage à l’arpenteuse des « tréfonds de l’âme humaine » – pour reprendre l’expression de mon confrère. Avec, en présence de la cinéaste, une rétrospective intégrale de sa filmographie, téléfilms inclus : depuis Une vraie jeune fille (1975), Tapage nocturne (1979) ou 36 fillettes (1987), jusqu’à La belle endormie (2010), en passant par Sale comme un ange (1991), Parfait amour (1996), Romance (1999), A ma sœur (2000), Brève traversée (2001), Sex is Comedy (2002), Anatomie de l’enfer (2004), Une vieille maîtresse (2007), Barbe bleue (2009)… Et bien sûr, L’Eté dernier, réalisé dix ans après Abus de faiblesse (2012), cet autoportrait grinçant inspiré de sa liaison avec le séducteur escroc Christophe Rocancourt, alors que, victime d’un AVC, elle était frappée d’hémiplégie.

Dialogue captivant

Il n’y a pas de scories dans le cinéma de Catherine Breillat. Le mot de Gustave Flaubert, « Madame Bovary, c’est moi ! », pourrait, à la lettre, s’appliquer à chacun de ses titres : Catherine Breillat n’est-elle pas tout à la fois une fillette, une romantique, une sœur, une anatomie, un enfer, un ange, une vieille maîtresse, un parfait amour, une belle endormie – et un été radieux ?

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Coïncidant avec la sortie en salles de L’été dernier à la mi-septembre, le livre d’entretiens qui paraît aux éditions Capricci l’atteste encore, merveilleusement intitulé : Je ne crois qu’en moi. Entre septembre 2022 et mars 2023, Catherine Breillat, alors en plein montage de son dernier long métrage, s’est confiée à Murielle Jourdet, critique et auteur de plusieurs essais (sur Isabelle Huppert, sur Gena Rowlands, etc.). Dialogue captivant. De ces échanges, il se dégage une rage de vivre presque adolescente chez cette femme âgée de 75 ans et physiquement infirme. Quelque chose d’implacable dans la formulation, une gourmandise, aussi, pour l’art sous toutes ses formes, une passion dévorante pour son métier. Comme dans ses films, l’expression de cet intempérant besoin d’assumer, à travers l’image mais aussi l’écriture, tout ce qui saigne et transpire chez l’être humain, passe sans filtre aucun dans la parole de Catherine Breillat : Catherine Breillat ne pose jamais.


Morceaux choisis :

Sur L’été dernier : « Je ne voulais pas d’une prédatrice. Mais d’une femme piégée par l’amour d’un adolescent ».

Sur son enfance : « On m’a éduquée dans un bain de boue, ou de merde ».

Sur l’art : « L’Art est sacré, ça échappe à la morale ». « Bergman est mon maître. Avec Lautréamont ». « Point commun : l’absolue violence, le désespoir de détruire, l’absolu du romantisme » (…) « plus il y a de torture, plus j’aime. Je suis archi violente dans l’imaginaire (…) Les mots ni les images ne font de mal à personne » (…) « Je ne veux pas être Marie Laurencin. Je veux être Francis Bacon ». « Les grands peintres me sauvent toujours. »

Sur le 7ème art : « Je réagence, je n’invente rien ». « Faire un film c’est entrer au Carmel. C’est une cérémonie sacrée et sacrificielle ». « Claude Sautet, c’est ça le ‘’ cinéma moquette’’ ». « À l’époque on croyait au cinéma, aujourd’hui on croit au box office ». « Oui, le cinéma est carnivore et anthropophage ». «  Mes films se situent entre la borne et la limite ».

Sur les acteurs : « C’est du matériel, les acteurs, il faut voir les choses comme elles sont. » « Les acteurs (…) sont enveloppés par la nasse de mon regard, comme si je tenais un filet. Ils doivent être moi, commencer à me ressembler ». « Les actrices françaises jouent, or je veux qu’elles soient ». « Je ne dirige pas les acteurs, je les envoûte, et vice versa ». « [Les acteurs] oublient la substance de leur métier, ils veulent d’abord être des vedettes ».

Sur les figurants de cinéma : « Ils coûtent très cher et puis au fond je les déteste. Puisque je ne sais pas les diriger, je les déteste. C’est bien plus beau sans eux ».

Sur Christophe Rocancourt : « C’est une ordure et même si je suis la victime je n’ai pas envie d’être victimisée ».

Sur son hémiplégie : « Tous les malheurs m’arrivent mais je peux les supporter. Je marche comme Robocop mais mes films ne sont pas infirmes. Je préfère être infirme plutôt que mes films le soient ».

Sur Isabelle Huppert : «  Elle m’a dit ‘’non, t’es pire‘’ » [que le cinéaste Maurice Pialat sur un tournage].  

Sur les costumes : « Je m’y connais. J’achète tout. J’aime passionnément les tissus, depuis toujours ».

Sur # Mee Too : « Moi je ne dis pas la même chose du mouvement. Je vois le retour de bâton. La mise en place d’un ordre moral sans merci. C’est un cauchemar. Les filles vont redevenir ce que j’ai été plus jeune : marquée au fer rouge dès qu’on leur fait une remarque déplacée (…) Ce puritanisme mortifère est je crains qu’il ne devienne la norme. »

Sur le vote : « Voter pour quelqu’un parce que c’est une femme, jamais. Je veux pouvoir être contre une femme ».

Sur la maternité : « Je veux que les enfants détruisent le couple (…) Être mère c’est un fait matériel, pas moral ».

Sur le viol : « Il ne faut pas confondre le viol (qui est un crime) et un trop vague consentement dont on a honte. »  « J’adore la beauté assassinée ou violée. »

Sur le laid : « Moi j’aime le laid, je ne veux pas crever de pudeur. Le déballage du laid je trouve ça très beau. Ou peut-être très grand ».

Sur le scandale : « Au fond je ne me rends jamais compte que je transgresse, j’ai une innocence du scandale ».

Sur sa lucidité : « Je suis folle. Je le sais ». 

Il y en a 232 pages comme ça. Enfin une saine lecture. Pour adultes consentants.

Je ne crois qu’en moi. Entretiens de Catherine Breillat avec Murielle Jourdet. Editions Capricci. En librairies.

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Romance avec paroles

Baudelaire, Molière, Hugo, Cyrano… Dans son disque, Florent Garcimore nous propose une interprétation musicale de la littérature française.


Prenez les plus beaux écrits de la littérature française, mélangez-les à des mélodies douces et agréables jouées par un pianiste d’exception. Ajoutez pour les dire une voix singulière et hypnotique, et cela donne Les Petites Illusions, disque de Florent Garcimore. Auteur, comédien, réalisateur, photographe et chanteur, cet artiste multi-talents est aussi un pianiste émérite qui connaît ses classiques sur le bout des doigts. En particulier, Schubert et Beethoven, auxquels il ajoute sa touche personnelle par l’improvisation. Ses amis peuvent en témoigner, donnez-lui un piano et il peut enflammer les soirées les plus plan-plan.

Toutefois depuis son adolescence, il ne se contente pas de dompter les partitions léguées par d’illustres auteurs. Disponible depuis juin, son premier album, enregistré sur un Steinway & Sons, ne comporte que ses propres compositions, créées pour mettre en musique 17 pépites de la littérature française.

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Sous ses doigts et dans sa voix, Baudelaire, Victor Hugo, Molière et d’autres reviennent à la vie, plus éclatants que jamais. « L’invitation au voyage » nous transporte littéralement, avec une mélodie qui épouse à la perfection le célèbre vers, devenu ici un entêtant refrain –« Là, tout n’est qu’ordre et beauté… luxe, calme et volupté ». On accordera une mention spéciale à la tirade des « non merci », où l’artiste campe un Cyrano intime et moderne sur fond de mélodie en boucle, qui pourrait faire penser à un sample de rap.

En somme, voilà un album à écouter aussi bien sur une route pluvieuse que sur une terrasse ensoleillée ouverte sur les toits de Paris. Et qui pourrait donner aux plus jeunes une envie de poésie – on peut rêver.

Florent Garcimore. © Capture d’écran Twitter @F3Centre

L’humain, cet encombrant qui irrite la pensée «progressiste»

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Palais de l'Elysée, 8 novembre 2022 © Romain GAILLARD-POOL/SIPA

Transition énergétique. « Sobriété », « écologie à la française »: les dirigeants politiques progressistes aux responsabilités jouent les équilibristes, entre effort à demander aux classes populaires françaises paupérisées, et peur d’une nouvelle bronca façon gilets jaunes ou arrivée au pouvoir des « populistes ».


J’aime la bagnole

Les incendiaires pensent à gauche mais n’aiment pas le peuple. Mardi, dans Le Parisien, François Gemenne, co-auteur du 6 ème rapport du groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (Giec), a plaidé pour « vraiment revoir le rapport à la voiture individuelle des Français », sans égard pour la classe moyenne de la France périphérique, pour qui la « bagnole » est un outil de travail indispensable. 

Commentant le chèque de 100 euros par an que le gouvernement envisage de distribuer aux plus fragiles économiquement, ce bel esprit (qui traita Marion Maréchal de « pin up » puis de « charognarde » pour s’être rendue à Lampedusa) a surtout vu dans cette annonce « un petit côté populiste ». Gemenne, dans sa caricature élitiste, fait partie de ces pyromanes qui attisent la colère populaire. Il illustre ces idéologues pour qui la lutte contre le réchauffement doit passer par la mise au pas de la classe laborieuse. C’est Jean Jouzel, grand inspirateur du Giec et de ses croyances, qui déclarait l’autre jour : « Le capitalisme est incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique ». Voici donc des « progressistes » qui font porter sur les plus paupérisés les exigences de la transition énergétique. « Nous devons être la première économie européenne décarbonnée en 2040 », s’enorgueillit, ce mercredi, Bruno Le Maire dans Le Parisien. Or, qui peut penser que les ruraux ont les moyens de s’acheter une voiture électrique ou de changer de chaudière ? La France contribue pour moins de 1% à l’émission de gaz à effet de serre. Ses efforts seront anecdotiques à l’échelle mondiale. C’est pourquoi les braises des gilets jaunes ne demandent qu’à se rallumer.

LR inquiet

En réalité, la gauche idéologue et méprisante démontre une fois de plus qu’elle a rompu avec le peuple ordinaire et son quotidien ardu. Cette caste prétendument éclairée n’est plus dans la vie réelle. Ses certitudes sur la responsabilité de l’homme et du capitalisme dans le réchauffement, qui ne tolèrent aucune contestation, amènent à accentuer une déshumanisation de la société soumise aux seuls théorèmes des dirigeants et des embrigadés.

A lire aussi, du même auteur: Lampedusa, la voie est libre…

La crise sanitaire avait déjà montré comment la peur du Covid avait été instrumentalisée par l’État hygiéniste pour infantiliser les gens et leur faire admettre des contraintes totalement absurdes, y compris contre des enfants (masque, non contact, confinement, etc.) qui en portent aujourd’hui de graves traumatismes (1). La peur du réchauffement procède de ce même processus d’essence totalitaire, qui ignore le vivant au profit de dogmes imposés par une technocratie glacée. Dans tous ces cas, l’humain n’est plus qu’un encombrant mis sous surveillance collective. Bruno Retailleau (LR) a raison de dire, ce mercredi sur Europe 1 : « La France est en train de tomber (…) On est à la veille d’insurrections électorales graves ».

Sauf que ces possibles révoltes démocratiques n’ont pas à être dramatisées s’il s’agit de replacer l’homme réel au centre de la politique.

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NB : L’épuration ethnique que subissent les Chrétiens du Haut-Karabagh, avec la complicité de la Turquie islamisée et dans l’indifférence de l’Occident, est une autre forme de déshumanisation insupportable. À ceux que le sort de l’Arménie importe, je signale l’initiative de L’Oeuvre d’Orient qui invite à un rassemblement ce jeudi sur le parvis du Trocadéro à 18h.

(1) Marie-Estelle Dupont, Etre parents en temps de crise, Editions Trédaniel

Miss Zimbabwe, blanche, sous le feu des critiques

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Instagram

Brooke Bruk-Jackson a remporté le concours national de beauté organisé au Zimbabwe. Pourtant, son élection a provoqué une vague de protestations sur les réseaux sociaux. Son tort ? Être une blanche dans un pays à majorité noire, une de ces Rhodie’s dont la communauté a imposé un régime de ségrégation raciale durant plusieurs décennies au grenier à blé de l’Afrique australe.


Le 16 septembre, le Zimbabwe a organisé son concours national de beauté afin de choisir parmi douze jeunes femmes, préalablement sélectionnées, celle qui aura l’honneur de représenter le pays lors de l’épreuve internationale de Miss Univers.

Chaînes coloniales

Après plusieurs heures de délibérations et défilés divers, c’est une étudiante de 21 ans qui a remporté la couronne tant convoitée. En dépit de ses larmes de joie et d’une excellente prestation devant le jury, son élection a suscité une forte controverse en raison de sa couleur de peau. En effet, la lauréate du concours, Brooke Bruk-Jackson, est une Rhodie’s pur jus, née au sein de la communauté blanche de l’ancienne Rhodésie du Sud qui a dirigé ce pays africain jusqu’à son indépendance en avril 1980. Elle était d’ailleurs la seule blanche à concourir pour le titre.

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À l’issue de sa victoire, un flot d’insultes et de commentaires mitigés ont soudainement inondé les réseaux sociaux. Sur TikTok, Instagram et X (anciennement Twitter), des fans ont remis en question la décision du jury, estimant en 2023 qu’il était « ridicule de couronner la fille de colons blancs comme représentante d’un pays qui s’est depuis longtemps libéré des chaînes coloniales »« Mugabe serait fou en voyant cela » écrit même un internaute furieux. En référence à l’ancien dirigeant et premier président du pays, qui a mené la lutte contre le régime rhodésien du Premier ministre Ian Smith. « Tellement décevant de voir ces colonisateurs représenter un pays africain », écrit une autre personne. « Mes ancêtres se rouleraient dans leurs tombes !!!!! », renchérit une troisième très exaspérée. « Toutes ces belles femmes mélanées et vous me dites que c’est une femme européenne qui a gagné un concours pour les noirs !!? », ajoute encore un dernier internaute qui remet en doute l’africanité de cette Miss à la blondeur européenne. L’affaire a même pris un angle encore plus international après que la populaire chaîne de potins Instagram « The Shaderoom » ait partagé la nouvelle avec de nombreux Noirs américains, également choqués et consternés par la décision.

Un pays ruiné

Jadis le grenier à blé de l’Afrique australe, le Zimbabwe est toujours en proie à ses démons raciaux. Longtemps perçus comme un contre-pouvoir économique à son pouvoir politique, Robert Mugabe a fini par chasser les blancs du gouvernement multiracial, mis en place après la fin du régime de ségrégation raciale afin de rassurer les investisseurs occidentaux, inquiets par le nationalisme de « Comrade Bob ». Les mauvaises décisions prises par Robert Mugabe, dont la présidence s’est transformée en dictature ethnique (à un point que les Britanniques le surnommaient le « Hitler noir »), ont fini par ruiner le pays. Refusant de reconnaître sa responsabilité, l’ancien rebelle marxiste s’est retourné contre les sud-rhodésiens, les a accusés de tous les maux (dont celui de faire le jeu de l’opposition) et a décidé brutalement, en 2000, de saisir toutes leurs exploitations sans indemnisations avant de les redistribuer aux cadres de son parti (ZANU-PF). Alors qu’aucun d’entre eux n’avait la moindre expérience agricole… ce qui a achevé de faire sombrer un peu plus le pays dans la crise économique qui perdure encore aujourd’hui. 

A lire aussi: Voile: a-t-on le droit de dire «merde» au Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU?

« J’ai gagné cette couronne pour notre beau pays, pour aimer et servir notre peuple, pour représenter le Zimbabwe à l’échelle internationale et pour montrer au monde le caractère unique du Zimbabwe et des Zimbabwéens », a tweeté Brooke Bruk-Jackson après sa victoire. Mais face à l’avalanche de propos négatifs et racistes auxquels elle a dû faire face, celle qui poursuit des études à la British Academy of Fashion Design à Londres et à la Beauty Therapy Institute de Cape Town a dû se résoudre à désactiver l’accès aux commentaires sur ses propres réseaux sociaux où elle avait posté une photo d’elle, vêtue d’un costume mettant en valeur des artistes zimbabwéens. « Brooke méritait de gagner ; elle a travaillé dur pour cette couronne et sa démarche était si gracieuse. Sa réponse fut puissante, courte et précise. Bien mérité. Félicitations à elle », écrit en guise de soutien un internaute, cité par le journal local The Zimbabwean. « Elle est absolument magnifique. Si elle est née au Zimbabwe, elle est alors admissible. Tout le reste n’est que drama. Laissez-la profiter de son moment sous les projecteurs », ajoute un autre Zimbabwéen. Tous deux étant d’origine africaine.

Face à ses nombreux « haters », la jeune mannequin s’est fendue d’une brève litanie afin d’apaiser la situation : « La couleur de notre peau ne doit pas définir une personne ni avec qui chaque personne choisit de s’associer. Ensemble, nous sommes alignés, une belle espèce créée par Dieu ». Une leçon magistrale de tolérance qui pourrait presque nous faire oublier qu’en 2021, Pamela Uba, une Sud-africaine noire, avait été sacrée Miss Irlande sous les  applaudissements de ceux qui poussent aujourd’hui des cris d’orfraie contre l’élection de Brooke Bruk-Jackson. 

La Révolution racialiste: et autres virus idéologiques

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Médine, l’islamisme à peine voilé

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Conversation entre Médine et Moncef Zenati, cheikh du Havre du savoir, l’association des Frères musulmans dont Médine était ambassadeur, novembre 2014. D.R.

David Vallat est un djihadiste repenti qui combat désormais l’islam politique. Pour lui, Médine emploie dans ses chansons et ses tweets un double discours qui lui permet d’envoyer à ses fans des messages racistes et antisémites. Un formidable cheval de Troie pour les barbus.


Auteur de Terreur de jeunesse (Calmann-Lévy 2016), David Vallat est un repenti. Il a été impliqué dans les réseaux du GIA qui terrorisaient la France et a côtoyé Khaled Kelkal ou encore Boualem Bensaïd. Ayant suivi une formation islamiste rigoureuse en Afghanistan et au Pakistan, il connaît très bien la façon dont les islamistes utilisent la religion. Une fois derrière les barreaux, il a ouvert les yeux et décidé de raconter son parcours pour empêcher les jeunes de tomber sous la coupe de cette idéologie.

David Vallat. Wikipedia

Causeur. Pour beaucoup de gens, Médine ne peut pas être islamiste parce qu’il est musicien.

David Vallat. C’est exact, mais le burkini aussi est condamné par les islamistes puisqu’une femme n’a pas à se rendre dans un lieu où des hommes sont à moitié nus ! Pourtant, pour les islamistes, le burkini est un levier politique qui permet d’accuser d’islamophobie quiconque s’y oppose. Autrement dit, les islamistes sont capables d’écarts idéologiques, du moment que cela sert leurs intérêts politiques.

Médine a obtenu un avis juridique favorable, sous la forme d’une fatwa de Moncef Zenati, cheikh du Havre du savoir, l’association des Frères musulmans dont Médine était ambassadeur. Il considère que la musique n’est pas un péché en soi, cela dépend du message qu’elle véhicule. Quand il est question de crucifier des laïcards, que l’album s’appelle Jihad, et que le symbole du sabre y figure en bonne place… l’indulgence est accordée. Il existe d’ailleurs une vidéo[1] où Médine échange avec Moncef Zenati sur ce sujet.

Dans sa défense, le rappeur dit volontiers que le jihad est avant tout un combat contre soi-même.

C’est faux, car le hadith cité en appui de cette posture n’a aucune portée. Pour comprendre cette manipulation, il faut connaître la notion de classement des hadiths. Les hadiths, qui rapportent une parole orale ou une action du Prophète, constituent avec le Coran le socle théologique et législatif de l’islam.Ils sont classés en trois grandes catégories. C’est un peu comme avec les cartes Pokemon, en fonction de la puissance, le match est plié ou non. Il y a le hadith sahih, « authentique », qui sert de joker et tranche une discussion. Il y a les hadiths intermédiaires, qui sont recevables en tant qu’éléments de preuve, et puis il y a les hadiths apocryphes, que l’on peut citer comme élément de culture générale, mais qui ne peuvent en aucun cas servir d’assise idéologique ou juridique. Or le hadith qui parle du « grand jihad »comme étant le jihad contre l’ego est un hadith apocryphe !Et cela, le public sur lequel Médine exerce son influence le sait. Tous les imams le savent. Cette histoire de combat contre soi-même qui serait le vrai jihad est une vaste fumisterie. Quand on parle du jihad dans le Coran, on parle bien du jihad armé.

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Que penser de l’utilisation, comme signature, accompagné ou non du slogan « le plus grand combat est contre soi-même » ?

Que c’est un symbole de paix, non ? Ce choix parle de lui-même. Le sabre est l’un des symboles de l’islam. Là encore, le message subliminal est parfaitement décrypté par ceux qui baignent dans le même substrat culturel mais pour le coup, n’importe qui peut le comprendre. Le sabre n’est pas le symbole du combat intérieur mais bien celui de la conquête par les armes. Quand les islamistes utilisent le sabre, les Occidentaux pensent certes que c’est un symbole un peu virulent, mais sans plus. En revanche tous les musulmans savent que l’islam ne s’est répandu que par la force de l’épée et la terreur que confère le risque d’être passé par le fil de l’épée. La mise en avant du sabre est une profession de foi agressive que Médine tente de faire passer pour une purification de l’ego. C’est une excellente illustration du double langage des islamistes. Tout lecteur de L’Odyssée se rappelle qu’Ulysse sort de la grotte du cyclope Polyphème en s’accrochant sous un mouton pour déjouer la surveillance du monstre. Si, face à une interdiction, je dis« nous allons faire les moutons », ceux qui ne connaissent pas Homère penseront que je vais respecter l’interdit. Les autres comprendront qu’il s’agit de donner le change.

Quand on connaît cette culture du double langage, peut-on croire Médine quand il dit que « ResKHANpée » était un jeu de mots maladroit ?

Bien sûr que non. De même quand il prétend qu’il ne connaissait pas la signification de la quenelle ! Se moquer des rescapés était une des bases de l’humour antisémite de Dieudonné dans son sketch sur les petits-enfants de déportés. Le public de Médine connaît très bien la référence. Derrière ces « blagues », il y a l’accusation larvée de « faire un billet » avec la Shoah[2]. Ce tweet est une quenelle masquée. Il n’en est pas resté là d’ailleurs. Dans un tweet en réponse à Rachel Khan, il lui demande si les verrines étaient bonnes chez Marine Le Pen. C’est un moyen de faire allusion aux « petits fours » sans se faire attraper. Et là aussi son public le comprend. Médine a prouvé qu’on pouvait faire un jeu de mots antisémite sans être ostracisé. Autrement dit, avec l’aide des Verts, et grâce à quelques circonvolutions, il a redonné droit de cité à l’antisémitisme. Son « Durafour crématoire[3] » en mode islamiste lui a même permis de se victimiser sur la scène que lui a offerte EELV.

Médine provoque, puis s’excuse, puis recommence. C’est aussi une stratégie ?

Oui, une stratégie de déstabilisation. Les Frères musulmans sont profondément machiavéliques et il ne faut pas les sous-estimer. Aussi étonnant que cela puisse paraître,ils connaissent la théorie de Michel Foucault selon laquelle si les éléments de tension sociale sont en équilibre précaire, une petite série d’attentats peut faire basculer la société dans la révolution prolétarienne. Ils ont juste remplacé révolution prolétarienne par jihad. Ils créent un islam identitaire, de revendication et de provocation, dont l’objectif est d’excéder les sociétés européennes et d’exacerber les tensions communautaires, afin de les faire basculer dans la guerre civile. Les islamistes ne sont jamais aussi forts que dans les zones grises où les Étatset leurs institutions se sont effondrés. Toute la rhétorique politique des Frères musulmans en Europe s’appuie d’ailleurs sur la dénonciation de la corruption des élites et la perte d’identité de la communauté, pour instrumentaliser de jeunes crétins comme Médine, qui ne savent pas quel projet ils servent, mais qui sont efficaces pour créer des tensions, justifier les rancœurs et répandre le conflit.

Cette alliance entre islamistes et gauchistes peut surprendre, dès lors qu’elle a toujours mal fini pour la gauche, comme en Iran ?

C’est un jeu de dupes. Ils ont des objectifs communs, notamment la déstabilisation du système. La gauche s’associe aux islamistes, car elle est aussi très condescendante envers eux. Elle imagine qu’ils vont créer les conditions de la révolution et faire le sale boulot à sa place. Côté islamiste, pas de naïveté : ils profitent de cette gauche qui leur fournit respectabilité et moyens d’action.

Alors Médine, islamiste ou pas ?

Médine contribue à installer le normatif islamique dans l’espace public. On doit trouver normal que les femmes soient voilées, que les « laïcards » se fassent insulter, que le blasphème envers l’islam devienne impensable et impossible, que toute critique de l’islam soit reconnue comme islamophobe. Les islamistes ont compris que rien n’est plus virulent ni extrémiste qu’un gamin qui épouse une idéologie. Utiliser la jeunesse est une bonne façon de terroriser une population. Pour cela, nul besoin de nombreux cadres bien formés, il suffit de proposer une identité à de jeunes paumés et de cultiver leur ressentiment. Le discours des islamistes en France à destination de la communauté musulmane est donc purement identitaire, il n’a rien de religieux. Médine est un islamiste qui s’ignore. Ceux qui le manipulent savent ce qu’ils font. Quant à lui, il ne sait même pas que la victoire de l’islam identitaire qu’il sert annoncerait la fin de sa carrière de musicien.


[1] « La musique & l’islam : déconstruisons les préjugés #1 », youtube.com.

[2] L’expression, courante dans les quartiers, signifie « utiliser la Shoah pour en tirer avantages et immunité médiatique ».

[3] Jeu de mot qui avait valu à Jean-Marie Le Pen en 1988 d’être condamné par l’ensemble de la classe politique.

La régularisation des clandestins ou le blanchiment de la fraude

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Interpellation d'un livreur pour délit de fuite, lors d'une opération de contrôle réalisée par la police municipale et les services de l'URSSAF, Nice, 1 juin 2022 © SYSPEO/SIPA

C’est bien de permettre à des restaurateurs, hôteliers, entrepreneurs du BTP et autres d’obtenir de la main-d’œuvre flexible et bon marché pour faire tourner leur affaire et nous fournir des services. Mais qui paie pour les dommages collatéraux de cet appel d’air migratoire permanent qui s’appellent ghettoïsation, communautarisme, radicalisation religieuse, déscolarisation, délinquance, etc. bref tous ces maux qui accablent notre pays au quotidien et depuis des décennies ? Pas ces employeurs, mais la collectivité.  


La nouvelle loi immigration proposée par Gérald Darmanin, la 30ème depuis 1981, prévoit, entre autres, la régularisation des clandestins qui travaillent dans les « métiers en tension » c’est-à-dire ceux où les employeurs déclarent ne pas pouvoir trouver en France des candidats pour leurs postes vacants. Divers métiers sont concernés, parmi lesquels notamment ceux du BTP, de la santé et de la restauration, cette liste ne prétendant pas à l’exhaustivité, tant s’en faut.

Mismatch et appel d’air permanent

Les partisans de la régularisation y voient un moyen d’intégrer des étrangers installés illégalement en France depuis parfois plusieurs années, tout en comblant « une pénurie de main-d’œuvre ». Dans un pays qui compte 2,8 millions de chômeurs de catégorie A donc sans aucune activité et 2,3 millions de chômeurs en catégorie B et C qui travaillent à mi-temps ou moins et qui disent vouloir travailler à plein temps, ce dernier argument a tout de même de quoi étonner. Cette situation invraisemblable de cohabitation entre un chômage encore très important et un prétendu « manque de main-d’œuvre » peut être dû, dans certains secteurs bien précis et pour certains postes, à des problèmes d’adéquation de formation ou d’expérience – ce que l’on nomme en économie le « mismatch ». Mais cette théorie ne marche pas pour quantités de postes peu qualifiés, où nous faisons face au refus de Français mais également à celui de nombreux étrangers légalement présents en France, de prendre les boulots disponibles.

Revenons à cette régularisation prévue par Gérald Darmanin qui fait beaucoup de bruit. Nous régularisons tous les ans en moyenne plus de 30 000 illégaux en France au titre de la circulaire Valls de 2012 dont plus personne ne parle. On hurle à l’« appel d’air » pour la mesure de Darmanin. Mais celle-ci n’est, au fond, qu’un complément ad hoc de ce qui se fait depuis des années, et qui constitue un appel d’air permanent. En effet, tous les migrants illégaux qui viennent chez nous la connaissent parfaitement et jouent la montre en attendant de pouvoir y prétendre.

Pour être éligible aux conditions prévues par la circulaire Valls et la proposition Darmanin, il faut travailler, alors que c’est illégal, sans visa de travail. Il faut donc trouver un patron qui va lui aussi faire quelque chose d’illégal, à savoir employer un étranger en situation irrégulière.

Mais les patrons n’étant pas trop bêtes et voulant pouvoir prétendre à la bonne foi en cas d’un rarissime contrôle URSSAF, ils se prêtent complaisamment à toutes les astuces déployées par les illégaux et par ceux qui les conseillent c’est-à-dire les fameuses « assos ». Voici un petit extrait d’une brochure du « Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.e.s » (GISTI) : « Les personnes démunies d’autorisation de travail peuvent présenter à leur employeur ou employeuse potentielle des documents masquant leur situation réelle : titre de séjour périmé, document falsifié, faux document, mentionnant l’identité réelle de la personne ou une identité d’emprunt. Les employeurs soutiennent alors parfois avoir été abusés par le ou la salarié·e, bien que l’argument ne porte guère s’ils n’ont pas respecté leur obligation légale de faire procéder à une vérification par les services préfectoraux. » Il ne s’agit nullement ici d’accuser le GISTI, assos immigrationniste militante, d’incitation à enfreindre la loi. Mais cet extrait décrit très bien ce qui se passe.

Permis de frauder !

Alors disons clairement les choses : la régularisation « par le travail » des clandestins est une grande opération de blanchiment de la fraude. Celle des travailleurs en situation irrégulière et celle des employeurs. Mais le plus beau c’est que cette régularisation ne donne même pas lieu à une amende salée pour les fraudeurs !

Imagine-t-on régulariser des Français qui conduisent sans permis de conduire, au prétexte qu’ils n’ont point causé d’accidents pendant trois ou quatre ans, et qu’ils doivent travailler, faire leurs courses et amener leurs gosses à l’école ? Imagine-t-on régulariser des Français qui construisent illégalement une maison ou une extension sans permis de construire car ils ont besoin de se loger ou de s’agrandir ? Imagine-t-on régulariser l’auteur d’une thèse de doctorat dont on finit par découvrir qu’elle n’était qu’un vulgaire plagiat, au prétexte que son auteur est devenu enseignant-chercheur depuis cinq ans ? Imagine-t-on régulariser une personne qui exerce plusieurs années et sans accroc une activité règlementée (médecin, pharmacien, notaire, huissier, etc.) sans avoir les diplômes requis et en les falsifiant le cas échéant car il a une utilité sociale ? Imagine-t-on régulariser une personne gentille et travailleuse qui a juste usurpé une identité ou trafiqué des diplômes pour différentes raisons ?  Bien sûr que non.

A lire aussi, du même auteur: Les deux mamelles empoisonnées d’un pays en tension

Tout ce qui est décrit plus haut n’est tout simplement pas régularisable du tout. Et quand c’est le cas, il l’est au prix d’une lourde sanction financière. Pourtant, dans tous les exemples ci-dessus, les motivations pourraient être considérées comme tout à fait légitimes si l’on faisait preuve du même « humanisme » que celui dont on fait preuve à l’égard des étrangers sans papiers. La mobilité, la nécessité de se loger, montrer un diplôme indispensable qu’on n’a pas pu obtenir car on manquait de temps ou d’argent, etc. Dans toutes les activités illégales que commettent des centaines de milliers de gens chaque année, il y a souvent une motivation sociale humainement compréhensible. Et pourtant on ne « régularise » jamais. Bien au contraire, on sanctionne.

Mais cette intransigeance, gage de l’ordre social, ne vaut pas pour un Mamadou Ndiaye, commis de cuisine, qui se fait passer pour un Lamine Diop, à qui il a « emprunté » le titre de séjour, au moment de l’embauche, moyennant bien sûr rémunération pour le prêteur. Le patron n’y a vu que du feu ? « Ah ben, ils se ressemblent tous vous savez ! » Régularisé ! Pas non plus pour un Mohammed Bakri, manœuvre dans une petite boite du BTP, à qui il a fourni un titre de séjour grossièrement falsifié et que le patron n’a pas cru bon de vérifier auprès de la préfecture. « Ah, moi vous savez la paperasse c’est pas mon truc et puis j’ai fait confiance ». Régularisé ! Pas davantage pour une Ernestine Makumba, femme de ménage dans l’hôtellerie, employée depuis des années carrément sans papier par une petite boite d’intérim du nettoyage qui se fiche royalement des règles. Régularisée !

Totem d’immunité

Le fait de travailler devient un totem d’immunité. Comme si les centaines de milliers de gens qui chaque année commettent un délit sont exonérés de leur faute parce qu’ils travaillent.

Afin de faire passer la pilule on nous avance un argument fiscal censé nous rasséréner. « Ces gens paient des impôts ! ». Vraiment ? Les clandestins sont au SMIC ou à peine au-dessus. Ils ne paient donc aucun impôt sur le revenu car ils sont en dessous du seuil d’imposition. Ils ne sont quasiment jamais propriétaires donc ne paient aucune taxe foncière. « Ah mais ils paient des cotisations sociales ». Pas leurs patrons, car leurs bas salaires sont quasiment exonérés de charges patronales. Il ne reste que de modestes cotisations salariales. A bout d’arguments on nous dira qu’ils paient la TVA. Effectivement. Mais le petit dealer des quartiers nord de Marseille la paie aussi quand il va faire ses courses. Du coup, il faut lui foutre la paix ?

Et si encore nous avions une forme de donnant-donnant de la part du gouvernement, ça se réfléchirait. Donnant-donnant qui consisterait par exemple à purger le passé (régulariser ceux qui sont déjà là) mais à instaurer la règle de l’impossibilité de toute future régularisation de gens entrés ou restés clandestinement en France dans le cadre d’une loi organique extrêmement robuste. Il n’en est rien. Le « deal » est de passer un coup d’éponge sur « les métiers en tension » et de continuer à régulariser les clandestins au fil de l’eau avec la circulaire Valls.    

D’autant que ce petit manège qui dure depuis bien longtemps est bien rodé.  Une fois régularisés, ces travailleurs n’ont plus aucun intérêt à continuer à être payé au lance-pierre et à accepter des conditions de travail dégradées ; ils peuvent prétendre à des conditions nettement plus favorables. Les patrons adeptes du « docile et pas cher » n’y trouvent plus leur compte et les remplacent progressivement par des nouveaux illégaux. Vous connaissez le mouvement perpétuel de la montre suisse. Nous y sommes.  

On fait peu de cas de notre identité nationale

Attardons-nous maintenant sur l’argument économique de la régularisation. C’est bien de permettre à des restaurateurs, hôteliers, entrepreneurs du BTP et autres d’obtenir de la main-d’œuvre flexible et bon marché pour faire tourner leur affaire et nous fournir des services. Mais qui paie pour les dommages collatéraux de cet appel d’air migratoire permanent qui s’appellent ghettoïsation, communautarisme, radicalisation religieuse, déscolarisation, délinquance, etc. bref tous ces maux qui accablent notre pays au quotidien et depuis des décennies ? Pas ces employeurs, mais la collectivité.  

Alors au fond, l’intérêt supérieur de notre pays ne serait-il pas de préserver d’abord notre cohésion sociale et identitaire de notre pays au prix d’une baisse temporaire d’activité dans ces secteurs, le temps de trouver les outils pour mettre au boulot ceux qui y rechignent ?

En effet, avec son nombre encore impressionnant de demandeurs d’emploi, la France n’a aucun problème de quantité de main-d’œuvre disponible pour faire tourner son économie. Numériquement, elle a largement assez de bras et pour de nombreuses années. Elle a, en revanche, un problème à mettre au boulot des centaines de milliers de gens, « Gaulois » ou non, qui ont l’âge et la santé pour travailler mais qui vivent de l’assistanat ou du va-et-vient travail-chômage appelé « permittence ».  

Cette situation est tout aussi intenable que l’immigration clandestine et on ne peut pas simplement y répondre par « il faut payer plus ». Pour prendre un exemple simple, va-t-on payer une certes très utile aide-soignante mais qui fait 12 mois de formation sans exigence du BAC comme une enseignante qui, elle, doit avoir une formation de type BAC + 5 ? Va-t-on payer un serveur comme un ingénieur, un plombier comme un pilote de ligne, un chauffagiste comme un dentiste, etc. ? A un moment, il va falloir remettre l’église au milieu du village et faire en sorte que les gens qui ne veulent pas bosser ou qui ne consentent à bosser qu’à leurs conditions et seulement dans les métiers qui les attirent ne bénéficient plus de la solidarité nationale quand ils sont Français et d’un titre de quand ils sont étrangers.

Nous ne pouvons pas accepter de devenir l’Afrique car une partie de la France refuse de travailler.

Sonia Mabrouk, le Pape et les petits inquisiteurs

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La journaliste Sonia Mabrouk © SADAKA EDMOND/SIPA

Blasphème ! Hérésie ! La journaliste vedette d’Europe 1, Sonia Mabrouk, est vouée aux gémonies par une partie non négligeable de la gauche parce que ses convictions ne sont pas déterminées par ses seules origines, et par certains catholiques parce que sans être chrétienne elle a un avis sur le christianisme.


On voudrait en rire, tant les contradictions de ses détracteurs sont ridicules, mais hélas. Cet incident est révélateur d’une tendance beaucoup plus générale et décidément inquiétante : la banalisation d’une remise en cause radicale de la liberté de pensée.

Une journaliste qui ne laisse pas les fanatiques indifférents !

Commençons par ces catholiques qui s’offusquent d’une déclaration de Sonia Mabrouk datant d’avril, dans laquelle elle expliquait qu’à ses yeux la « proposition chrétienne » (ce sont ses mots) n’est pas incarnée par François ni par les prises de position du Pape no-borders. On peut naturellement débattre de ce point, mais là n’est pas le sujet. En effet, ce qui est reproché à Sonia Mabrouk c’est, en substance, d’oser contredire le Pape au sujet du christianisme alors qu’elle-même n’est pas chrétienne. Critique paradoxale, pour ne pas dire hypocrite.

Car enfin ! Ces belles âmes ne jurent que par l’Autre, mais cet Autre est soigneusement choisi. C’est le migrant, ou plutôt le Migrant, archétypal, exalté, idolâtré. Mais l’Autre, objet de toutes leurs attentions, n’est certainement pas (par exemple) cette adolescente de 14 ans violée près de la gare du Nord par un migrant guinéen en situation irrégulière. Envers elle, envers toutes les autres victimes de migrants, les belles âmes n’ont, comme le Pape, que ce « fanatisme de l’indifférence » que François aime reprocher aux autres, mais dont lui-même ne cesse de faire preuve envers les Européens. Et que l’Autre ne s’avise pas de s’opposer au narratif des belles âmes ! Il s’agit pour elles de mettre l’Autre en avant, pas de lui donner le droit d’être…. autre que ce qu’elles attendent de lui.

Ceux-là veulent que nous accueillions quiconque s’impose sur notre sol, ce qui veut dire à moyen terme lui octroyer le droit de vote, et acceptent ainsi que n’importe qui puisse avoir un avis sur l’avenir du pays et même contribue à en décider, mais attention : qu’une musulmane ne s’avise pas d’avoir un avis sur le christianisme ! Attitude typiquement woke, que celle qui confond systématiquement le témoignage et l’analyse, alors qu’en réalité il n’est pas nécessaire d’avoir eu un cancer pour devenir oncologue.

Paradoxe aussi car l’Église ne s’est jamais privée de dire ce qu’elle pensait des autres religions (et elle a bien le droit de s’exprimer) : pour ceux qui en douteraient, il n’est qu’à lire Nostra Aetate, la déclaration du concile Vatican II sur les relations entre l’Église et les religions non-chrétiennes.

A lire aussi, Dominique Labarrière: La stratégie du chaos

Paradoxe enfin, car François nous dit en substance que la seule civilisation a avoir connu pendant un millénaire et demi l’influence, pour ne pas dire la domination, de l’Église, ne mérite pas d’être préservée, alors que toutes les civilisations non-chrétiennes doivent pouvoir se perpétuer telles qu’elles sont, et même s’étendre – c’est très exactement ce qui signifie sa condamnation de l’assimilation. Autrement dit, le Pape en personne considère que les civilisations non-chrétiennes valent mieux que la chrétienté, et, s’il a raison, la conclusion évidente est que le christianisme n’a rien de bon à apporter au monde, et donc que le Pape ferait mieux de se taire…

N’oublions pas non plus que François lui-même ne cesse de clamer qu’il veut aller vers l’Autre, s’adresser à l’Autre : eh bien cette fois, l’Autre lui répond. Sonia Mabrouk est l’Autre qui dit à l’Église – avec respect, et même avec affection – ce qu’il comprend de la « proposition chrétienne », et pourquoi il ne la retrouve pas chez François. Ceux qui se targuent d’annoncer au monde l’Évangile et à qui le monde répond « je ne reconnais pas l’Évangile dans tes paroles » feraient bien d’y réfléchir au lieu d’intimer silence au monde dès que sa réponse leur déplaît.

Mais je généralise à outrance : Sonia Mabrouk n’a jamais prétendu parler au nom du monde entier, et tous ne partagent pas ses réserves. Houria Bouteldja, dont la sinistre réputation est pleinement méritée, a chaleureusement applaudi le Pape : on reconnaît un arbre à ses fruits (Matthieu 12:33), et elle a reconnu dans la prédication de François des fruits à son goût. Ce n’est pas rien. Il y a plus de mille ans un homme admirable, l’empereur Taizong[1], a dit : « avec un miroir de bronze, on peut ajuster sa mise ; avec l’histoire pour miroir, on peut comprendre l’essor et le déclin d’une nation ; avec les hommes pour miroir, on peut distinguer le bien du mal. » La critique de Sonia Mabrouk et les applaudissements de Houria Bouteldja sont un miroir tendu à l’Église, qui en dit long sur ce qu’elle est devenue.

Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des Indigènes de la République. Image: capture d’écran YouTube / Russia Today

Sonia Mabrouk, la vraie France insoumise

Quant à la gauche bien-pensante, toujours prompte à faire étalage de bons sentiments pourvu que ce soient les autres qui en subissent les conséquences, voilà Aymeric Caron relayant un tweet (qui a rencontré un succès certain) selon lequel ses origines interdiraient à Sonia Mabrouk d’avoir un regard critique sur l’immigration massive.

Que faut-il comprendre ? Qu’aux yeux de ceux qui refusent de voir les conséquences réelles de l’immigration massive, une Française née à l’étranger aurait le devoir de donner la priorité aux intérêts des étrangers qui veulent venir en France plutôt qu’à ceux de la France et des Français ? Encore un paradoxe, puisque Caron lui-même (comme probablement l’auteur du tweet initial) est un Européen « de souche » ayant choisi le parti des étrangers extra-européens qui forcent nos frontières plutôt que celui des Européens. Surtout, c’est une manière de refuser à Sonia Mabrouk la possibilité de s’assimiler à la France, à son art de vivre, à son histoire, à sa culture, et d’avoir à cœur de la défendre, c’est-à-dire de devenir une Française « de branche », donc une Française. L’injure raciste « arabe de service » n’est pas explicitement dite par ces défenseurs de l’immigration massive, mais elle n’est pas loin…

La question ici n’est pas de savoir si Sonia Mabrouk a raison ou tort, mais de savoir si oui ou non elle a le droit de penser par elle-même sans que ses origines conditionnent sa pensée, sans que certains sujets lui soient interdits, sans qu’on l’empêche de partager le résultat de ses réflexions. Ce droit, qui est tout simplement la liberté de pensée, n’est pas seulement celui de Sonia Mabrouk, c’est aussi le mien, le vôtre, le nôtre. Si elle le perd, nous le perdons aussi. La liberté de pensée meurt lorsqu’on renonce à s’en servir : remercions donc Sonia Mabrouk d’avoir le courage d’en faire usage malgré les attaques que lui réserve si souvent cette bien-pensance qui prétend bien penser lorsqu’elle empêche de penser. Et remercions-la de le faire avec intelligence, avec élégance, avec panache. A la française, en somme. N’est-ce pas, monsieur de Bergerac ?

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[1] Li Shimin (v600-649) prit le nom de Taizong en devenant le deuxième empereur de la dynastie Tang.

Smartphones: le retour surprise de Huawei qui agace les Américains

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Des clients testent le Mate 60 Pro dans une boutique, Hangzhou, Chine, 14 septembre 2023 © CFOTO/Sipa USA/SIPA

Le géant des technologies chinois est parvenu à lancer le 29 août le Huawei Mate 60 Pro, téléphone équipé d’une puce 5G entièrement made in China, malgré les sanctions américaines l’empêchant de se fournir en composants à l’étranger… Analyse.


Beaucoup pensaient que Huawei avait abandonné le marché des smartphones. Or l’entreprise vient d’annoncer son retour avec le Mate 60 Pro. Au-delà des enjeux technologiques, c’est aussi un moment de la lutte entre la Chine et les États-Unis. Au cours des quatre années passées, Huawei a été la cible de sanctions économiques de la part des États-Unis. L’objectif était à la fois économique (éliminer un concurrent), mais aussi politique (ralentir voire stopper le développement des technologies en Chine). C’est un euphémisme de dire que ce fut dur pour Huawei. Les sanctions ont produit leurs effets : les smartphones de Huawei ont disparu du marché mondial. Il a même été colporté que le patron aurait envisagé à un moment d’encourager ses ingénieurs à se reconvertir dans l’élevage des cochons. Au fil des mois et des années, on entendait moins parler de cette ancienne vedette des NTIC. Et soudain, dans un silence étourdissant, un coup de tonnerre a retenti dans le ciel clair des smartphones.

Ci-dessous, vidéo d’information officielle de l’audiovisuel extérieur chinois (26 septembre):


La concurrence sort les tournevis

Pendant la visite en Chine de Gina Raimondo, le ministre du Commerce américain et responsable des sanctions contre Huawei, ce dernier a démarré, sans aucune publicité, la vente de son nouveau smartphone 5G Mate60 Pro. Les spécialistes du monde entier se sont rués sur cette bête noire, tournevis à la main, pour la désosser. Qu’avait-elle dans le ventre ? Bloomberg a également dépêché TechInsight. Les résultats de l’analyse ont vite été partagés avec tout le monde1. Il s’agit d’un smartphone 5G doté de capacités de communication via le satellite et avec un chipset de 7 nanomètres (n+2) Kirin 9000S produit par SMIC2, un fondeur chinois. La surprise est de taille. Personne ne pensait que Huawei pourrait se remettre des sanctions et sortir un smartphone aussi concurrentiel. Avec en guise de cerise sur le gâteau, la possibilité de communication via satellite. Comment cela est-il possible ?

Huawei est-il de retour ?

Huawei est-il vraiment de retour ? Oui et non.

Oui, Huawei est de retour, il n’a pas été écrasé. Le groupe a survécu en trouvant de nouvelles voies pour s’en sortir. Il a réorganisé ses activités, amélioré son OS propre, Harmony trans-plateforme, et commencé à produire les chipsets avec des fournisseurs autochtones jusqu’au niveau 7 nm nécessaire pour les produits avancés tels que les smartphones 5G. Les analystes estiment que le Mate 60 Pro devrait se vendre à au moins 7 millions d’exemplaires. Ses concurrents, par exemple Apple, auraient de nouveau, du souci à se faire. Le nouveau Huawei affronte directement le lancement de l’iPhone 15, surtout avec l’arrivée à la queue leu leu de deux nouveaux modèles en très peu de jours : Mate 60 Pro+ avec un écran plus grand et Mate X5 pliable.

Non, Huawei n’est pas encore complètement de retour. Mate60 Pro est sorti. Les nouveaux produits vont-ils continuer à arriver avec les mêmes chipsets (7 nm locales) aux mêmes performances et en quantité nécessaire? Il faudra le vérifier dans la durée. Ayant eu l’opportunité de rencontrer à plusieurs reprises et d’observer de très près le fondateur de Huawei dans ma carrière professionnelle, je sais que M. Ren n’a rien d’un fanfaron. Se satisfaire seulement d’une salve de feux d’artifice n’est pas son style. Tout devrait être déjà planifié pour la suite et sera exécuté avec une rigueur exemplaire. La sortie rapide de Mate 60 Pro+ et Mate X5 en est le témoin. Attendons donc de voir si Huawei est capable de reprendre sa place d’antan.

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Réussir à produire localement des chipsets de 7 nm sous un encerclement tel que celui dont il a fait l’objet, est un exploit extraordinaire. En même temps, il faut admettre qu’il existe encore des écarts très importants à combler. Les écarts entre 7 nm et 5nm, 4nm et 3nm ne se mesurent pas seulement en précision mais surtout en expertise et expérience cumulées pendant des générations. Pour atteindre le niveau le plus élevé, la route est encore très longue. Sur le plan technologique, les Etats-Unis sont et resteront, pour une longue période, le pays le plus avancé du monde.

L’histoire est loin d’être finie. Sous le choc de la nouvelle, les États-Unis ne vont pas baisser les bras. Ils veulent savoir si Huawei n’a pas enfreint l’embargo américain dont il est frappé en concevant le Mate 60 Pro. Le nouveau smartphone, et surtout sa puce Kirin 9 000 S (7 nm n+2), soulèvent de nouvelles suspicions du côté des États-Unis où le gouvernement cherche à obtenir plus d’informations à ce sujet et est prêt à lancer une nouvelle vague de sanctions.

Regarder au-delà du cas de Huawei…

L’arbre du chipset ne doit pas cacher la forêt des supply chain. Outre la signification pour lui-même, le retour de Huawei est lourd de conséquence pour l’ensemble des fournisseurs des smartphones et assimilés. Les investigations montrent que derrière, et avec Huawei, il existe maintenant un supply chain complet et local capable de soutenir l’industrie qui peut désormais fonctionner de façon autonome. 46 fournisseurs locaux en Chine continentale sont à bord, couvrant l’ensemble des besoins tels que les chips pour les calculs et la mémoire, les caméras, les antennes, etc.3 Cela va donner des soucis aux fournisseurs de cette industrie déjà en place.

Le soudain lancement de Mate 60 Pro a provoqué aussi une fluctuation du cours des actions des sociétés de la chaîne industrielle concernée. Huaying Technology, qui a récemment révélé avoir rejoint le système de fournisseurs de Huawei, s’échange à la limite quotidienne depuis trois jours consécutifs. À l’heure de clôture du 6 septembre, la rumeur disait que le cours des actions du fournisseur d’équipements Huawei Qiangrui Technology avait augmenté de 9,34 %. Le fournisseur de communications Huali Chuangtong était en hausse depuis plusieurs jours, clôturant en hausse de 20 %, et de nombreux stocks en liaison avec Huawei entrent dans la tendance haussière.4

… et au-delà du supply chain

Nous avons observé, sur la durée, la stratégie à double volet mise en place par les Chinois pour développer leurs industries, par exemple, dans le domaine des panneaux solaires et des véhicules électriques.

Les efforts ont été menés en parallèle sur la recherche dans le domaine des technologies de pointe et sur l’industrialisation des technologies matures. Ainsi, tout en réduisant les écarts technologiques, ces acteurs prennent d’assaut les marchés domestiques et internationaux avec des produits fondés sur les technologies matures. Avec les avantages de la vitesse et des coûts, ils inondent les marchés. Sous la pression notamment des sanctions, ils décuplent leurs efforts pour mener à bien leur plan de moyen et long terme. Cette fois-ci, aidée par les sanctions américaines jamais vues, la Chine gagnera-t-elle une fois de plus en appliquant la même stratégie concernant l’industrie de chipsets ? La messe n’est pas encore dite5.

Une autre façon de jouer est-elle possible ?

Nous avons constaté dans le passé la répétition d’un schéma : les sanctions US sont suivies du développement de solutions autonomes chinoises, par exemple dans le cas de la station spatiale.6 Produisant deux supply chain en parallèle, cette façon de jouer est très coûteuse pour les deux parties. Ne pourrait-on pas trouver une façon de coopérer, avec une division du travail globale raisonnable et une compétition plus saine ?

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Une coexistence est-elle souhaitable et possible entre les US et la Chine ? Est-ce une question naïve ? Nous ne le croyons pas. Face à l’évolution radicale du monde, face au risque d’épuisement des ressources, et étant tous sur une même planète, où les activités déraisonnables ont déjà causé des dégâts, nous voyons une nécessité absolue de porter notre regard au-delà des conflits géopolitiques de court terme au lieu de nous contenter d’une analyse myope.

L’Association de l’Industrie des Semiconducteurs (SIA – Semiconductor Industry Association) voit également la nécessité de jouer autrement. Selon elle, des restrictions supplémentaires sur les puces visant la Chine présentent un risque pour la compétitivité de l’industrie américaine des semi-conducteurs. Ces restrictions pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement et créer une incertitude importante sur le marché. La SIA a exhorté les deux gouvernements à engager un dialogue plutôt que d’intensifier les tensions. Dans une interview accordée en mai à Bloomberg, le PDG de SIA, John Neuffer, a souligné que la Chine représentait le plus grand marché pour les semi-conducteurs américains.

Malgré les préoccupations en matière de sécurité nationale soulignées par le gouvernement américain, Neuffer a affirmé que les sociétés américaines de semi-conducteurs ne peuvent pas se permettre d’ignorer le marché chinois.

Source : Revue Conflits


  1. Cf. Technology Discovery, TechInsights Finds SMIC 7nm (N+2) in Huawei Mate 60 Pro, 8 September 2023.
  2. SMIC : Semiconductor Manufacturing International Corporation est une société chinoise de fonderie de semi-conducteurs cotée en bourse, partiellement détenue par l’État chinois. Il s’agit du plus grand fabricant de puces sous contrat en Chine continentale. SMIC a son siège à Shanghai et est constituée aux îles Caïmans.
  3. Cf. TechNews : la liste (en chinois) des 46 fournisseurs par catégorie, le 5 septembre 2023.
  4. Cf. YICAI, le 6 septembre 2023.
  5. Cf. Alex Wang, La guerre des semi-conducteurs sino-américaine : la messe est-elle dite ? Revue Conflits, le 17 août 2023.
  6. Idem.

Confessions d’une truqueuse de notes

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Conférence de presse de rentrée de Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, 28 août 2023. © Jacques Witt/SIPA

Pour masquer la consternante baisse du niveau dans les lycées, l’Éducation nationale demande aux correcteurs d’adapter leur grille d’évaluation aux objectifs du ministère. Un procédé stalinoïde contre lequel toute révolte est vaine, déplore notre courageuse correspondante au pays du Mammouth.


La rentrée se profile et je remue deux ou trois réflexions autour de la dernière session de l’épreuve de français du bac… histoire de me remettre dans l’ambiance et de me remémorer le bain culturel qui m’attend. Façon comme une autre de ne pas tomber de sa chaise dès les premières copies de l’automne.

Quelques extraits du lot qui m’est échu en juin suffisent à prendre la mesure du niveau actuel (précisons qu’il s’agit de la filière générale, donc du haut du panier, et que les prélèvements, issus de la prose de plusieurs élèves, sont hélas tout à fait représentatifs de l’ensemble). Les candidats ont massivement choisi de commenter un texte de Diderot développant une réflexion existentielle à partir de la contemplation d’une toile d’Hubert Robert… texte auquel ils n’ont massivement rien compris.

Entourloupe quasi-soviétique

Allons-y – je restitue bien sûr orthographe, syntaxe, ponctuation et usage du vocabulaire propres aux élèves : « Le commentaire de Diderot fut prononcé à l’encontre d’un tableau peint par Hubert Robert.(Ça commence bien !) Dans les trois derniers paragraphe, les ruines antiques à rendu Diderot nostalgique d’une époque qu’il n’a pas connu, où le catholicisme n’existé pas et où donc ses valeur ne s’appliquer pas ce qui provoque l’emancipation des corps avec des relations amoureuse ou socialle plus libertine et decompléxer. » (Le correcteur prend un premier Aspro.) Ailleurs, on trouve « la rétrospection envers lui-même sans ne jamais se voir offensé par une société aux vices involontaires ». (Deuxième dose d’Aspro.) Ici, « Diderot laisse son côté philosophique à son sentiment personnel » (??) Ou encore, « l’auteur va commencer à prendre une part de relachement dans ses angoissantes pensées. La conjonction de subordination “si” nous montre que le narrateur commence à prendre son courage en main. » Le correcteur a renoncé à tenter de percer à jour la logique des raisonnements, il ne souhaite pas dépasser les doses prescrites en cas de maux de tête récurrents. Il poursuit vaillamment : « Entre 1759 et 1791, Diderot a montré son amateurisme pour l’art et en sera critique. » (Vocabulaire et syntaxe, rien de bon…) Ailleurs encore : « Pour commencer nous pouvons voir un parallélisme avec les phrases “Tout s’anéantit, tout périt, tout passe” qui vient montrer le pessimisme de Diderot face au monde qui n’est que renforcé faute au champ lexical de la mort avec les mots “s’anéanti”, “passe”, “périt”, mais aussi à cause d’un autre parallélisme avec les phrases “il n’y a que le monde qui reste. Il n’y a que le temps qui dure.” Suite à cela nous pouvons voir une réification de ses yeux avec la phrase “de quelque part que je jette les yeux” ici l’auteur transforme ses yeux et son regard en de simple objets qu’il jette nous pouvons aussi voir une allitération en “m’”, “me” et “mon” qui place la fatalité du monde sur lui-même… » (Étrange tendance de certains élèves, le recours à des mots compliqués dans un champ de ruines syntaxique et logique… le correcteur se résout à vider sa boîte à pharmacie… c’est ça ou l’alcool…) Un dernier paragraphe pour la route (c’est un peu long mais ça vaut le coup) : « En conclusion nous pouvons voir que Diderot par différentes phases qui sont le pessimisme en se persuadant qu’il est un moins que rien, une autre où il est prétentieux et se prend pour un dirigeant abattant les nations ennemies, une suivante où il se ment à lui-même, une encore où il est accompagné, une autre où il met des barrières avec les dangers du monde, une où il touche du bout des doigts la paix intérieure, et enfin la dernière où il est finalement libre mais il est tout seul dans un asile et personne ne fait attention à lui répondant ainsi à la problématique comment Diderot commente-t-il ce tableau en mettant en avant ses sentiments ? » (Une orthographe correcte dans une phrase à la syntaxe sinistrée, qui accumule les contresens sur le texte…) Le correcteur blasé n’attend plus grand-chose, il subit les carences intellectuelles abyssales de presque toutes les copies, se disant qu’il faut en finir au plus vite avant la dépression… à moins qu’un salvateur éclat de rire ne l’en protège, par exemple lorsqu’il tombe sur un zélateur du verbe macroniste : « [Diderot] provoque de l’angoisse chez les lectrices et les lecteurs. Certains et certaines sembles se sentir coupable de la mort. » Nous laisserons à cellezéceux qui liront la dernière phrase le soin de la décoder.

Des élèves du lycée Massena, à Nice, consultent leurs résultats d’admission au bac, 4 juillet 2023. ©SYSPEO/SIPA

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Consigne nous est donnée par l’inspection de pratiquer une notation bienveillante, de ne pénaliser la langue que si elle nuit à l’intelligibilité du propos (sachant qu’une expression extrêmement fautive peut être compréhensible, on accepte donc à peu près tout…), et de s’aligner sur la moyenne académique de la session 2022 dans la même filière, à savoir 10,9 ; autrement dit, les jeux sont faits, quelle que soit la qualité intrinsèque des copies, et le simulacre de correction auquel nous sommes conviés ne sert qu’à valider des chiffres préétablis. Si la réalité des copies dément la doxa du bon niveau général, on modifie cette réalité par l’attribution de notes sans rapport avec ce qu’on a sous les yeux. Cette entourloupe quasi soviétique a duré des décennies sans émouvoir grand-monde, et dure encore, même si elle est de plus en plus dénoncée ici ou là. Il s’agit de mettre une bonne, voire une très bonne note, même si la copie n’est pas parfaite, et l’inspecteur ne manque pas de se livrer à un exercice opportun de relativisme : en substance, il ne sait pas ce qu’est une copie parfaite… et nous autres professeurs (il s’inclut avec l’humilité qui sied) serions bien en peine d’en produire une. Certes on n’attend pas dans le domaine des lettres une bonne réponse à un problème comme dans les sciences dures, mais je pourrais éventuellement expliquer à mon inspecteur ce qu’est une copie parfaite, ou ce qui s’en rapproche, selon des critères d’évaluation éprouvés et absolument objectifs. Au fait, sait-il ce qu’est une copie désastreuse ?

« Œuvre coup de cœur »

Bien sûr, pendant le temps de correction qui nous est imparti, des collègues particulièrement zélés (pour ne pas dire plus) demandent confirmation de la moyenne à atteindre, sur un fil de conversation créé depuis la dématérialisation des copies. Pour la plupart, avec une adhésion sans recul ou seulement le souci de ne pas subir de pressions si leurs notes ne sont pas conformes, ils ont intégré l’objectif de 10,9/20 : ils ne voient plus les copies telles qu’elles sont, mais telles qu’elles doivent être. Cerise sur le gâteau, pour finir de me désolidariser de ceux qui sont pourtant mes collègues : un petit message en écriture inclusive, « Bon courage à tou.te.s ! », émanant d’une prof de lettres dont le métier, que je sache, consiste aussi à défendre la langue française, et non à promouvoir les lubies idéologiques à la mode… Qu’est-ce qui est le plus démoralisant, du niveau des élèves ou de ce petit mot apparemment anodin ?

A lire aussi : École: éducation à la sexualité ou au genre?

Je fais encore semblant de croire que les copies de bac doivent être notées en fonction de ce qu’elles valent… et bien sûr, je me fais rattraper par la patrouille. Disons par euphémisme que ce n’est pas la première fois. En mon âme et conscience, j’ai évalué mon paquet à 7,5 ; cela ne vaut pas plus, vraiment, et sans doute moins. Contre toute forme d’honnêteté intellectuelle (mais cette qualité, on l’a compris, ne sert de rien dans l’exercice), j’ai « réévalué » l’ensemble et obtenu quasi 8,5. Je sais parfaitement que ça ne passera pas. Je reçois un mail de mon inspecteur, courtois mais très clair : « Vous obtenez actuellement une moyenne basse par rapport à l’ensemble des correcteurs : 8,41 contre 11,08 pour la moyenne générale. Compte tenu des éléments donnés lors de la réunion préalable d’entente et dans le document écrit d’harmonisation, il conviendrait donc que la moyenne de chaque lot ne soit pas inférieure à 9,9 ». Fermez le ban. On utilise le conditionnel pour adoucir la pression, mais en réalité on ne nous laisse pas le choix. J’ai parfois ferraillé avec des inspecteurs, refusé de modifier mes notes ou abandonné mon paquet à leurs manipulations ; maintenant je consens à relever plus ou moins ma moyenne, parce qu’il est inutile d’être seul à lutter et que le bac, foutu pour foutu… J’ai donc fini à 9,41 : certaines copies qui ne valent même pas 5 se voient gratifiées d’un 8/20 un peu plus présentable, et quelques-unes qui méritent un petit 13 se retrouvent avec un joli 16/20… L’escroquerie intellectuelle sera la même en terminale : tous ces jeunes gens, qui dans un an ne penseront et n’écriront pas mieux, seront bacheliers comme le prévoient les quotas, et iront ensuite occuper les bancs de quelque université, elle-même souvent peu regardante sur la qualité des étudiants pour leur attribuer ses propres diplômes.

Vous avez dit syntaxe ?

Pour finir, et pour nous distraire un peu, quelques perles issues de l’épreuve orale, toujours dans une série générale (là encore les prestations ne sont globalement pas fameuses, mais la nouvelle mouture de l’exercice et les barèmes associés à chaque partie amènent à une surnotation quasi automatique) : j’ai droit concernant Baudelaire à « sa vision de voir les choses » et à « la mocheté de sa vie », on évoque dans tel texte « le nombreux champ lexical », on parle d’une comparaison « avec un végétal… pardon, avec un végétaux ». Les cannibales de Montaigne deviennent « les cannibaux » (« ça se dit, les cannibaux…? »). Je découvre que les corbillards sont de grands oiseaux… J’entends, pour Le Voyage à La Haye, « Le Voyage à La Haille » (sans doute beaucoup plus douloureux !). Le mot « éloge » est presque toujours au féminin, la confusion est permanente entre imparfait et conditionnel, plusieurs ne savent pas ce qu’est la syntaxe. Une jeune fille qui doit lire un poème s’aide d’un double décimètre pour suivre les vers… Et quelques élèves annoncent comme leur « œuvre coup de cœur » le livre qu’ils ont choisi de présenter dans la deuxième partie de l’épreuve, comme s’il s’agissait de la rubrique culturelle d’un magazine féminin.

Vivement la rentrée !

Corinne Berger est professeure agrégée de Lettres.

Emmanuel Macron et François insensibles à notre dissolution identitaire

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Marseille, 23 septembre 2023 © Philippe Magoni/SIPA

Ces Français oubliés par le pape François et Emmanuel Macron…


Attention ! Les Français ordinaires, méprisés par les idéologues, ont toutes les raisons de renverser la table à force d’exaspérations. Accablés par l’écologisme gouvernemental et par l’angélisme papal, ils n’ont plus comme issue que se soumettre ou désobéir. Emmanuel Macron a cru faire peuple, dimanche soir à la télévision, en déclarant : « J’adore la bagnole ». Or le chef de l’État n’a pas tiré les leçons de l’insurrection de 2018 des gilets jaunes contre la transition écologique adaptée aux seuls riches. Le pape François pour sa part a cru voir en Marseille, qui l’a accueilli jusqu’à dimanche, l’idéal d’une France multiculturelle et immigrationniste, sans avoir eu un mot pour l’insécurité culturelle de la classe moyenne, ni d’ailleurs pour les chrétiens d’Arménie persécutés dans le Haut-Karabakh.

Et les Français les plus fragiles ?

Ces deux personnalités, perméables à l’air du temps et à son conformisme, accentuent les fractures en ravivant à la fois une lutte des classes (pour Macron) et une guerre des cultures (pour François). La pression écologiste, cornaquée par le Giec et son militantisme anticapitaliste, reste depuis 2018 indifférente aux plus fragiles. Après avoir, contre l’effet de serre, tenté d’imposer aux automobilistes la taxe carbone 2018, Macron veut électrifier les voitures, supprimer les chaudières à fioul, transformer les chaudières à gaz en pompes à chaleur, lutter contre les passoires thermiques, en octroyant un « chèque carburant » de 100 euros par an aux plus modestes. Mais les Français ne demandent pas l’aumône.

A relire, Frédéric Magellan: Immigration clandestine: la réponse de Macron au Pape

Dissolution identitaire

Les odes à l’immigration de François, renouvelées à Marseille,  accentuent le sentiment d’abandon d’un peuple laissé à la merci d’une paupérisation économique et d’une dissolution identitaire. Le pape est certes dans le droit fil du message du Christ quand il invite à secourir et accueillir les migrants musulmans. Encore faudrait-il comprendre que l’accueil dont parle Jésus (« J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ! », Matthieu) fait référence, comme me le rappelle l’Abbé Alain René Arbez, non au migrant économique venu d’ailleurs mais « au frère en conviction christique pourchassé ». De surcroit, l’étranger était accueilli et respecté, rappelle l’abbé Arbez, « dans le cadre obligatoire d’une réciprocité ». Il devait en retour respecter les lois et les coutumes du pays. En réalité François ne continue pas le travail du Christ quand il ignore, en sacrifiant au suivisme mondialiste et à l’universalisme fanatique, la condition des peuples menacés dans leur continuité historique, culturelle, religieuse. Il suffit de noter les soutiens de l’extrême gauche et des islamo-gauchistes aux discours du pape à Marseille pour mesurer la politisation de son message apparemment pastoral. «  Vive le pape François ! », a tweeté samedi la militante islamiste Houria Bouteldja. Le Monde a titré, lui, sans craindre la généralisation : « Marseille : les musulmans enthousiasmés par la visite de François ». A ce stade, relire Michelet : « L’acteur principal reste le peuple (…) Le meilleur est en-dessous ». A lui de se faire entendre.

Il faut croire Catherine Breillat

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La réalisatrice française Catherine Breillat entourée des deux acteurs de son dernier film, Cannes, 26 mai 2023 © SYSPEO/SIPA

Art, acteurs, scandales, Metoo, Christophe Rocancourt. La réalisatrice Catherine Breillat, devenue hémiplégique, se confie dans un livre d’entretiens tout à fait réjouissant.


Dans la foulée de la sortie en salles de L’été dernier, ce pur joyau de Catherine Breillat (dont Jean Chauvet célébrait si justement, dans le dernier numéro de Causeur, « l’intranquillité » rageuse et iconoclaste), la Cinémathèque française vient, à raison, de rendre hommage à l’arpenteuse des « tréfonds de l’âme humaine » – pour reprendre l’expression de mon confrère. Avec, en présence de la cinéaste, une rétrospective intégrale de sa filmographie, téléfilms inclus : depuis Une vraie jeune fille (1975), Tapage nocturne (1979) ou 36 fillettes (1987), jusqu’à La belle endormie (2010), en passant par Sale comme un ange (1991), Parfait amour (1996), Romance (1999), A ma sœur (2000), Brève traversée (2001), Sex is Comedy (2002), Anatomie de l’enfer (2004), Une vieille maîtresse (2007), Barbe bleue (2009)… Et bien sûr, L’Eté dernier, réalisé dix ans après Abus de faiblesse (2012), cet autoportrait grinçant inspiré de sa liaison avec le séducteur escroc Christophe Rocancourt, alors que, victime d’un AVC, elle était frappée d’hémiplégie.

Dialogue captivant

Il n’y a pas de scories dans le cinéma de Catherine Breillat. Le mot de Gustave Flaubert, « Madame Bovary, c’est moi ! », pourrait, à la lettre, s’appliquer à chacun de ses titres : Catherine Breillat n’est-elle pas tout à la fois une fillette, une romantique, une sœur, une anatomie, un enfer, un ange, une vieille maîtresse, un parfait amour, une belle endormie – et un été radieux ?

A lire aussi, Sophie Bachat: Marion Messina, c’est mieux que Houellebecq!

Coïncidant avec la sortie en salles de L’été dernier à la mi-septembre, le livre d’entretiens qui paraît aux éditions Capricci l’atteste encore, merveilleusement intitulé : Je ne crois qu’en moi. Entre septembre 2022 et mars 2023, Catherine Breillat, alors en plein montage de son dernier long métrage, s’est confiée à Murielle Jourdet, critique et auteur de plusieurs essais (sur Isabelle Huppert, sur Gena Rowlands, etc.). Dialogue captivant. De ces échanges, il se dégage une rage de vivre presque adolescente chez cette femme âgée de 75 ans et physiquement infirme. Quelque chose d’implacable dans la formulation, une gourmandise, aussi, pour l’art sous toutes ses formes, une passion dévorante pour son métier. Comme dans ses films, l’expression de cet intempérant besoin d’assumer, à travers l’image mais aussi l’écriture, tout ce qui saigne et transpire chez l’être humain, passe sans filtre aucun dans la parole de Catherine Breillat : Catherine Breillat ne pose jamais.


Morceaux choisis :

Sur L’été dernier : « Je ne voulais pas d’une prédatrice. Mais d’une femme piégée par l’amour d’un adolescent ».

Sur son enfance : « On m’a éduquée dans un bain de boue, ou de merde ».

Sur l’art : « L’Art est sacré, ça échappe à la morale ». « Bergman est mon maître. Avec Lautréamont ». « Point commun : l’absolue violence, le désespoir de détruire, l’absolu du romantisme » (…) « plus il y a de torture, plus j’aime. Je suis archi violente dans l’imaginaire (…) Les mots ni les images ne font de mal à personne » (…) « Je ne veux pas être Marie Laurencin. Je veux être Francis Bacon ». « Les grands peintres me sauvent toujours. »

Sur le 7ème art : « Je réagence, je n’invente rien ». « Faire un film c’est entrer au Carmel. C’est une cérémonie sacrée et sacrificielle ». « Claude Sautet, c’est ça le ‘’ cinéma moquette’’ ». « À l’époque on croyait au cinéma, aujourd’hui on croit au box office ». « Oui, le cinéma est carnivore et anthropophage ». «  Mes films se situent entre la borne et la limite ».

Sur les acteurs : « C’est du matériel, les acteurs, il faut voir les choses comme elles sont. » « Les acteurs (…) sont enveloppés par la nasse de mon regard, comme si je tenais un filet. Ils doivent être moi, commencer à me ressembler ». « Les actrices françaises jouent, or je veux qu’elles soient ». « Je ne dirige pas les acteurs, je les envoûte, et vice versa ». « [Les acteurs] oublient la substance de leur métier, ils veulent d’abord être des vedettes ».

Sur les figurants de cinéma : « Ils coûtent très cher et puis au fond je les déteste. Puisque je ne sais pas les diriger, je les déteste. C’est bien plus beau sans eux ».

Sur Christophe Rocancourt : « C’est une ordure et même si je suis la victime je n’ai pas envie d’être victimisée ».

Sur son hémiplégie : « Tous les malheurs m’arrivent mais je peux les supporter. Je marche comme Robocop mais mes films ne sont pas infirmes. Je préfère être infirme plutôt que mes films le soient ».

Sur Isabelle Huppert : «  Elle m’a dit ‘’non, t’es pire‘’ » [que le cinéaste Maurice Pialat sur un tournage].  

Sur les costumes : « Je m’y connais. J’achète tout. J’aime passionnément les tissus, depuis toujours ».

Sur # Mee Too : « Moi je ne dis pas la même chose du mouvement. Je vois le retour de bâton. La mise en place d’un ordre moral sans merci. C’est un cauchemar. Les filles vont redevenir ce que j’ai été plus jeune : marquée au fer rouge dès qu’on leur fait une remarque déplacée (…) Ce puritanisme mortifère est je crains qu’il ne devienne la norme. »

Sur le vote : « Voter pour quelqu’un parce que c’est une femme, jamais. Je veux pouvoir être contre une femme ».

Sur la maternité : « Je veux que les enfants détruisent le couple (…) Être mère c’est un fait matériel, pas moral ».

Sur le viol : « Il ne faut pas confondre le viol (qui est un crime) et un trop vague consentement dont on a honte. »  « J’adore la beauté assassinée ou violée. »

Sur le laid : « Moi j’aime le laid, je ne veux pas crever de pudeur. Le déballage du laid je trouve ça très beau. Ou peut-être très grand ».

Sur le scandale : « Au fond je ne me rends jamais compte que je transgresse, j’ai une innocence du scandale ».

Sur sa lucidité : « Je suis folle. Je le sais ». 

Il y en a 232 pages comme ça. Enfin une saine lecture. Pour adultes consentants.

Je ne crois qu’en moi. Entretiens de Catherine Breillat avec Murielle Jourdet. Editions Capricci. En librairies.

Je ne crois qu'en moi

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Romance avec paroles

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Le pianiste Florent Garcimore © Alexis Barrat

Baudelaire, Molière, Hugo, Cyrano… Dans son disque, Florent Garcimore nous propose une interprétation musicale de la littérature française.


Prenez les plus beaux écrits de la littérature française, mélangez-les à des mélodies douces et agréables jouées par un pianiste d’exception. Ajoutez pour les dire une voix singulière et hypnotique, et cela donne Les Petites Illusions, disque de Florent Garcimore. Auteur, comédien, réalisateur, photographe et chanteur, cet artiste multi-talents est aussi un pianiste émérite qui connaît ses classiques sur le bout des doigts. En particulier, Schubert et Beethoven, auxquels il ajoute sa touche personnelle par l’improvisation. Ses amis peuvent en témoigner, donnez-lui un piano et il peut enflammer les soirées les plus plan-plan.

Toutefois depuis son adolescence, il ne se contente pas de dompter les partitions léguées par d’illustres auteurs. Disponible depuis juin, son premier album, enregistré sur un Steinway & Sons, ne comporte que ses propres compositions, créées pour mettre en musique 17 pépites de la littérature française.

A lire aussi : Michel Sardou, ultime barde gaulois?

Sous ses doigts et dans sa voix, Baudelaire, Victor Hugo, Molière et d’autres reviennent à la vie, plus éclatants que jamais. « L’invitation au voyage » nous transporte littéralement, avec une mélodie qui épouse à la perfection le célèbre vers, devenu ici un entêtant refrain –« Là, tout n’est qu’ordre et beauté… luxe, calme et volupté ». On accordera une mention spéciale à la tirade des « non merci », où l’artiste campe un Cyrano intime et moderne sur fond de mélodie en boucle, qui pourrait faire penser à un sample de rap.

En somme, voilà un album à écouter aussi bien sur une route pluvieuse que sur une terrasse ensoleillée ouverte sur les toits de Paris. Et qui pourrait donner aux plus jeunes une envie de poésie – on peut rêver.

Florent Garcimore. © Capture d’écran Twitter @F3Centre