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Quand « Blast : Le souffle de l’info » souffle sur les braises

Après la publication d'une vidéo controversée, le site se défend dans un communiqué "malaisant"


Quand « Blast : Le souffle de l’info » souffle sur les braises
Paris, 23 septembre 2023 © Fiora GARENZI/SIPA

Le site d’extrême gauche, dont un « street reporter » était présent à la manif anti-police samedi dernier, a été accusé de manipulation des images.


« Blast : Le souffle de l’info » est un média en ligne qui existe depuis moins de trois ans mais qui s’est rapidement imposé dans le paysage médiatique, en raison d’une forte présence sur internet avec une chaîne YouTube dépassant les 850 000 abonnés. Bien que fondé par Denis Robert, ancien de Libération, la journaliste star du média est indéniablement Salomé Saqué. Spécialiste des questions économiques, à 28 ans, celle qui a publié Sois jeune et tais-toi (Payot), son premier ouvrage en mars dernier, a déjà été l’objet de plusieurs portraits très élogieux dans la presse mainstream comme Le Monde, Libération ou Télérama[1].

L’autre figure du média, bien que légèrement moins connue que la première, est Paloma Moritz. Spécialiste des questions écologiques, elle participe régulièrement à l’émission « C ce soir » sur France 5, où elle avait notamment, le 18 avril dernier, reproché à Hugo Clément d’avoir accepté l’invitation de Valeurs Actuelles pour débattre avec Jordan Bardella. La journaliste de Blast avait alors déclaré que « le RN n’est pas un parti comme un autre, c’est un parti raciste, xénophobe et anti-démocratique ».

Tout le gratin gauchiste convié sur YouTube

Plus généralement, la ligne éditoriale de Blast est celle d’une gauche anticapitaliste, écologiste, antiraciste et écoféministe. Proche des propositions des Économistes Atterrés, le média Blast est un mélange entre Le Monde Diplomatique et Reporterre. La quasi-totalité des invités reçus sur leur chaîne sont issus de la gauche radicale. Pêle-mêle, on peut citer François Bégaudeau, Nicolas Framont, Alain Damasio, Bernard Friot, Geoffroy de Lagasnerie, Fatima Ouassak ou encore Edwy Plenel.

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Une polémique est récemment venue entacher le média et l’honnêteté de ses journalistes. En effet, le samedi 23 septembre, des manifestations contre les « violences policières » se déroulaient dans de nombreuses villes dont la capitale. À la suite de la mort de Nahel, tué par un tir de policier lors d’un contrôle routier fin juin à Nanterre, des dizaines d’organisations de gauche comme LFI, EELV, la CGT ou encore le Syndicat de la Magistrature ont appelé à marcher « contre le racisme systémique, les violences policières et pour les libertés publiques ». Selon les organisateurs, 80 000 personnes ont défilé dans toute la France, dont 15 000 à Paris. De son côté, le ministère de l’Intérieur a décompté seulement 31 000 personnes en tout dont 9 000 dans la capitale.

Mounia, la mère de Nahel, était présente à Paris. Elle a pris la parole, réclamant « une marche au calme s’il vous plaît. Pour ne pas les influencer, la police, à nous mettre des coups, à nous frapper, à nous faire une misère. Restons dans la paix s’il vous plaît. Continuez à marcher tranquille ». Il faut croire que son appel au calme n’a pas vraiment été entendu, car des manifestants-casseurs encagoulés ont violemment attaqué une voiture de police qui circulait boulevard de Clichy vers 16h30.

Le choc des images

Les images, notamment relayées par TF1 ou Le Parisien, montrent une voiture de police prise pour cible par une horde de manifestants violents. Alors que le véhicule essuie des tirs de projectiles et des coups de barre de fer et qu’il se retrouve bloqué par une voiture devant lui, l’empêchant de fuir, un policier décide alors de sortir du véhicule, arme à la main, et de mettre en joue les manifestants pour les contraindre à reculer. Ces derniers s’exécutent et le policier regagne son véhicule.

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Seulement, c’est une vidéo beaucoup plus courte, et par conséquent amputée d’une grande partie du réel, que Blast a choisi de mettre en ligne. Dans cette vidéo de 55 secondes, accompagnée de la légende « Un policier sort son arme en pleine manifestation !», l’action ne débute pas avec la violence des manifestants, mais avec le policier qui sort son arme. Mise en ligne quelques minutes après l’attaque et visionnée 4,5 millions de fois, la vidéo a rapidement été considérée comme un cas d’école de propagande et de désinformation anti-police. Blast a été accusé d’avoir délibérément décontextualisé la scène, d’avoir volontairement omis les secondes qui précédaient pour faire accroire qu’un policier aurait dégainé sans cause apparente. L’occasion, comme le font si régulièrement de nombreux médias, de faire passer nos forces de l’ordre pour des cow-boys à la gâchette facile…

Si ce policier n’avait pas sorti son arme, la violence des manifestants se serait-elle arrêtée ? Il est permis d’en douter, d’autant que cette scène du 23 septembre n’est pas sans rappeler celle du 18 mai 2016. En marge de manifestations contre la loi Travail, Antonin Bernanos, antifa et arrière-petit-fils de l’écrivain catholique, s’attaquait à une voiture de police quai de Valmy. Après avoir détruit le pare-brise arrière du véhicule avec un plot, c’est à coups de barre de fer que son groupe frappait la voiture. Le policier au volant avait alors décidé de sortir et de faire face, à mains nues, à ses agresseurs. Résultat : une pluie de coups pour le policier. La présence seule d’un policier sur la chaussée n’est donc pas dissuasive. Qui nous dit que si ce policier n’avait pas sorti son arme samedi dernier, lui et ses collègues, n’auraient pas terminé brûlés vifs dans leur voiture comme les policiers de Viry-Châtillon le 8 octobre 2016 ou, plus récemment, comme ce policier, embrasé par un cocktail Molotov le 1er mai dernier lors d’une manifestation contre la réforme des retraites ?

Un communiqué aussi embarrassant qu’embarrassé

Dès le lendemain, le 24 septembre, Blast a dû se fendre d’un communiqué pour donner sa version des faits. Le média se défend d’avoir « manipulé une vidéo pour en cacher le contexte » et prétend que le journaliste sur le terrain, qui a rapporté ces images, n’était pas présent au début de l’action et n’a donc pas pu filmer la scène dans son entièreté. Il a donc commencé à filmer quand le policier a dégainé. « La vidéo concernée n’a été ni montée, ni coupée. Notre street reporter a publié ce qu’il a filmé, comme il a pu le filmer, au moment où il l’a filmé » ajoutent nos confrères en guise d’explications. Après avoir dénoncé « l’extrême droite » et la « fachosphère », Blast affirme, au sujet de sa vidéo controversée : « Qu’elle déplaise aux forces réactionnaires de ce pays n’est pas notre affaire ».

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Réactionnaires ? C’est vrai, nous l’assumons, nous sommes peut-être nostalgiques d’un temps où les journalistes faisaient consciencieusement leur travail, appliquant à la lettre la Charte des devoirs professionnels des journalistes français de 1918 qui stipule : « Le journalisme consiste à rechercher, vérifier, situer dans son contexte, hiérarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualité ». Situer dans son contexte ! Oui mais voilà, la charte mentionne également que le journalisme « demande du temps et des moyens, quel que soit le support ». Difficile d’avoir du temps quand on veut, à tout prix, être les premiers à diffuser une information. Vérifier une information « demande du temps » et, pour certains, faire le buzz n’attend pas.

« Le magazine Causeur, qui va toujours plus loin dans l’indécence et le sexisme », voilà ce qu’écrivait Salomé Saqué, le 26 septembre sur Twitter, à propos du dessin de Marsault dans le dernier numéro de Causeur (n’hésitez pas à vous le procurer si ce n’est pas encore fait, il est généralement bien planqué par les libraires). Est-il plus grave qu’un dessinateur humoristique soit indécent et sexiste dans, ce qui reste, des caricatures, ou qu’un journaliste professionnel fasse l’impasse sur une partie du réel pour donner une image biaisée de ce dernier et ainsi faire avancer son agenda idéologique ?


[1] Salomé Saqué, une météorite à la télévision (lemonde.fr) ; Salomé Saqué, la force intranquille – Libération (liberation.fr) ; Salomé Saqué, 26 ans, une journaliste avec du peps dedans (telerama.fr)



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étudiant en journalisme

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