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Un Pape qui parle comme Mélenchon…

François: l’infaillibilité de la moraline


Un Pape qui parle comme Mélenchon…
Marseille, 23 septembre 2023 © Alain Robert /Jacques wit/SIPA

La visite du Pape à Marseille nous a rappelé que politique et religion ont rarement fait bon ménage. La charité ne revient pas à s’oublier soi-même. Tout homme sauve son prochain en grande détresse, oui. Mais il ne l’installe pas pour autant ad vitam æternam chez lui, au risque d’y perdre sa maison et de mettre sa famille en danger.


La visite du Pape François à Marseille a d’abord suscité l’ire de l’extrême-gauche française, trop heureuse de pouvoir tirer sur Emmanuel Macron après que ce dernier a annoncé sa volonté de participer à une messe donnée par le Souverain pontife. Tous les anticléricaux, le plus souvent de posture, y sont allés de leurs commentaires outrés sur cette grave rupture entre l’État français et sa sacro-sainte laïcité de combat. Pourtant, on pouvait se douter que les jugements se raviseraient bien vite, tant le Pape François est aligné avec les positions les plus radicales de la gauche sans-frontiériste en matière de politique migratoire – et pas seulement, du reste.

L’immigration est une chance pour la France, c’est bien connu

Habité, fanatique et hémiplégique, François n’a pas eu de mots trop durs pour le pays qui l’accueillait et ses habitants. Profitant de l’appel d’air que lui offrait le récent débarquement de milliers de migrants sur la petite île italienne de Lampedusa, le Pape a multiplié les admonestations et les injonctions à l’endroit de ces Européens égoïstes qu’il méprise. Ainsi a-t-il affirmé que « des nationalismes archaïques et belliqueux veulent faire disparaître les rêves de la communauté des nations ». Il fallait évidemment entendre par là les nationalismes européens et non les impérialismes post-soviétiques ou sud-américains qu’il n’ose en revanche jamais publiquement tancer.

Le « nationalisme français », François lui a demandé de ne pas considérer ceux qui se « réfugient chez lui » comme un fardeau à porter mais comme une chance. Une chance pour notre ruralité d’ailleurs, puisqu’il a affirmé dans l’avion qui le ramenait au Vatican que « certains petits villages sont vides, n’y subsistant qu’une vingtaine d’anciens » et qu’il fallait « qu’ils fassent des efforts pour accueillir des migrants qui représentent de la main d’œuvre ». Que n’y avons-nous point pensé avant ! Biblique : des hommes dans la force de l’âge qui ont tout fait pour échapper à la vie agraire chez eux rêvent de s’enfermer dans des petits villages sans activité économique…

À Rome, fais comme les Romains

Estimant « marquer l’histoire » par son discours, le Pape n’a pas eu une once de considération pour l’Europe, ni même de bon sens élémentaire. Cet humanisme chrétien absolu qu’il prône est contraire à l’harmonie, reproduisant les ingrédients qui ont conduit au fameux épisode biblique de la Tour de Babel. Le Pape a le droit d’exprimer une opinion politique, il ne lui est toutefois pas interdit de réfléchir. Pis encore, ne se contentant pas de la question migratoire, François s’est directement attaqué aux politiques d’intégration françaises : « Le modèle d’assimilation français ne tient pas compte des différences et reste rigide dans ses paradigmes, fait prévaloir l’idée sur la réalité et compromet l’avenir en augmentant la distance et la ghettoïsation, provoquant hostilité et intolérance ».

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S’il y a du vrai sur l’assimilation, qui ne saurait être une politique massive mais bien une démarche individuelle de l’immigré qui en fait le choix, on se demande bien comment le Pape se permet une telle sortie. Fallait-il lui envoyer un Guillaume de Nogaret pour l’enfermer à double tour à Avignon après l’avoir soufflé ? Benoît XVI, son prédécesseur, n’avait pas reproché aux Européens leur manque d’humanité, ni sous-entendu que ces derniers laissaient les migrants se noyer en Mer méditerranée – ce qui est un mensonge patenté. Il avait, tout au contraire, indiqué que si toute personne détient « le droit à immigrer », les États n’en ont pas moins de leur côté « le droit de réglementer les flux migratoires et de défendre leurs frontières ». Il ajoutait même, à rebours de notre théologien de la libération, que les immigrés ont « le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale ».

Rendre à César ce qui est à César

L’Autrichien était moins populaire auprès des non-catholiques que ne l’est l’Argentin, mais il avait le mérite d’être un véritable humaniste et non un révolutionnaire. Contrairement à toute l’extrême gauche française, qui de Houria Bouteldja en passant par Cédric Herrou a manifesté sa joie, je ne vais pas me lancer ici dans une exégèse sophistiquée de l’Évangile ou du Dogme pour dire qui de François ou d’autres ont raison, ni même ergoter sur l’infaillibilité papale. Cet épisode rappellera justement à ceux qui en doutaient que politique et religion ont rarement fait bon ménage, surtout sous nos latitudes hexagonales. Le Pape a d’ailleurs une dent contre les Français, tous les Français, qu’il assimile soit à des jouisseurs post-modernes déchristianisés, soit, quand ils sont encore catholiques pratiquants, à des traditionnalistes plus attachés à la lettre qu’à l’esprit du christianisme dont il croit être le plus parfait représentant, saint déjà auréolé. Son discours est dangereux car il encourage les Africains à migrer mais aussi à nous haïr.

Sous le modeste perce donc l’immodestie. Sous l’humaniste, un fond d’inhumanité. Car, qui peut aujourd’hui en conscience estimer que les grandes migrations du temps sont une chance pour l’Europe ou l’Afrique ? Qui peut considérer que la démographie sahélienne est un atout pour l’humanité ? Croissez et multipliez ? Certes, mais pas inconsciemment. Au fond, la pensée papale est nihiliste. Il fait des civilisations et des nations des variables d’ajustement du projet de Cité de Dieu augustinienne, comme si le salut des âmes valait bien le sacrifice des lents et patients travaux des hommes. Son inspirateur n’est autre que Carlos Maria Martini, jésuite italien, cardinal et archevêque de Milan mort en 2012. Un millénariste aveuglé par l’eschatologie testamentaire pour qui l’immigration était « une opportunité historique pour l’avenir de l’Europe… un grand appel de la Providence pour un nouveau mode de vie ». Les habitants de la Porte de la Chapelle se réjouissent sûrement de cette « providence », ainsi que le contribuable français…

Comme si souffrir et porter le « fardeau » était obligatoire. La charité ne revient pourtant pas à s’oublier soi-même. Tout homme sauvera son prochain en grande détresse. Il ne l’installera pas pour autant ad vitam aeternam chez lui, au risque d’y perdre sa maison et de mettre sa famille en danger. Si le Pape a donc tout loisir de rappeler aux catholiques leurs devoirs de chrétiens, les Français se passeront de ses conseils.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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