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Le migrant, citoyen du monde

Le pape François dénonce sans relâche le sort réservé aux migrants


Le migrant, citoyen du monde
Marseille, 23 septembre 2023 © Grzegorz Galazka/SIPA

La charité radicale du pape est également théologiquement irresponsable, avancent certains.


Le problème migratoire restera le grand combat du pontificat du pape François. Lors de son voyage de décembre 2021, à Nicosie, le pape appelait de ses vœux, devant les migrants,  « une humanité sans murs de séparation avec, non plus des étrangers, mais seulement des citoyens ». Et le pape de ramener, derechef, dans son avion, 50 citoyens du monde. Au bout des cinq voyages qui ont suivi (Lampedusa, Grèce, Lesbos, Égypte, Maroc) jusqu’à celui de Marseille, le message papal n’a pas changé sur l’accueil inconditionnel de l’étranger. Pourquoi ce message, inspiré, apparemment, par une charité radicale, a-t-il paru à beaucoup irresponsable ? Pour une raison théologique. 

Le Vieux continent mal en point

À la différence du pape Benoît XVI qui, mettant ses pas dans la Tradition, voyait, dans l’Europe, la brebis féconde de l’Évangile devenue inféconde, grasse devenue maigre, mal en point qu’il fallait remettre sur ses pattes, mais infiniment riche de son passé et de sa filiation, le pape François, faisant fi de l’Histoire, voit dans l’Europe une « vieille femme stérile » dont on ne peut plus rien attendre. L’Europe, pour lui, c’est fini, et le christianisme doit prendre un départ, à frais nouveaux, dans un nouveau monde régénéré par les migrations. C’est ainsi que le Migrant, comme en témoigne le monument de la place Saint-Pierre, devient la figure christique d’une nouvelle Église. Dès lors, est-ce exagéré de percevoir dans la pensée bergoglienne une filiation avec la pensée de Joachim de Flore, père spirituel de François d’Assise, et auteur d’un livre dont la théorie des âges, très inspirante, a fait florès à travers les siècles jusqu’à nous ?

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Ce moine calabrais du XIIème siècle, prophète pour les uns (Dante), hérétique pour d’autres, pensait que l’histoire de l’Église correspondait à une structure ternaire de la Trinité. Après le temps du Père et de sa loi dure, venait le temps du Fils plus tempérée. Puis le temps de l’Église : l’Église spirituelle, enivrant les cœurs d’amour, où la liberté remplaçait la loi, et qui voyait la réconciliation entre Orient et Occident, Juifs et chrétiens. C’est ainsi que, par l’entremise d’une partie du mouvement franciscain qui se croyait « la nouvelle Vraie Église spirituelle » opposée à la papauté mondaine, l’idée de l’ère nouvelle d’un « Évangile éternel » provoqua des débats théologiques considérables : une division ternaire de l’Histoire n’existant pas puisque c’est toute l’Histoire qui est le temps du Dieu trinitaire. « L’hérésie »  de Joachim de Flore prit fin, l’ordre de Flore disparut au XVIème siècle, mais pas son influence que l’on retrouva partout : chez Luther, Hegel, Michelet, Sand, Eliot, Huysmans, Bloy, Mircea Eliade. Et nul doute qu’à notre époque on ne trouve, dans l’Église, des traces nombreuses d’une gnose florienne. Sans la transcendance du Père, l’Église devient une ONG où la figure du Christ, devenue périphérique, s’efface devant celle du migrant. L’Esprit, porté par l’air du temps, se dissout dans l’horizontalité : égalitarisme, démocratisation, vivre ensemble, œcuménisme sans transcendance qui absorbe la Révélation.

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Vision miséricordieuse coupée des réalités

« Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts » avait dit aussi le pape à Nicosie. Cette phrase ne veut pas dire grand-chose. Car il n’y a pas de civilisations sans murs ni frontières qui protègent et délimitent un espace de liberté. Sans murs ni frontières prospèrent violence et injustice— dont témoignent les réseaux de passeurs mafieux. Sans frontières l’Europe se déchire. Sans frontières les pays perdent leur âme. Dans son appel inconditionnel à l’accueil des migrants, le pape ne distingue pas la dignité imprescriptible de la personne, de la prise en considération du bien commun. Sa vision « miséricordieuse » coupée des réalités fait le jeu du mondialisme. « Que les blessés de la vie trouvent un port sûr dans votre regard, un encouragement dans votre étreinte, une caresse dans vos mains capables d’essuyer les larmes » a-t-il dit face à la mer. Ce propos sentimental a-t-il mis la larme à l’œil de la Bonne Mère ? Qui n’est pour une Méditerranée fraternelle ? Sauf qu’il ne s’agit pas, dans le phénomène migratoire qui touche la France et l’Europe, d’un « croisement tendre de regards dont la Bonne Mère serait la protagoniste », mais de prévenir un tsunami. Le droit à migrer est une chimère qui mène au chaos. D’autant plus que le pape François ne prend jamais en compte la religion des nouveaux arrivants, ce qui est préoccupant.




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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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