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Après la honte

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À l’Oriental était la plus ancienne boutique du Palais-Royal. Ouverte depuis 1818, cette caverne d’Ali Baba vendait des articles pour fumeurs. Le Conseil constitutionnel s’apprête à la raser pour créer une salle d’attente…


Avec précipitation et discrétion, le Centre des Monuments Nationaux (CMN) a expulsé en janvier 2024 la plus ancienne boutique du Palais-Royal encore en activité. À l’Oriental avait ouvert ses portes en 1818 et vendait, depuis, des pipes et des tabatières, des fume-cigarettes et quantité d’objets précieux ou fantaisistes en lien avec le tabac. Cette institution de quelques mètres carrés, connue dans le monde entier, comptait parmi ses clients les rois d’Espagne et du Maroc, des capitaines d’industrie, de hauts magistrats et des artistes, chanteurs, comédiens, réalisateurs, mais aussi une foultitude d’anonymes qui, en entrant dans cette caverne d’Ali Baba, accomplissaient un petit rituel, venaient y respirer le parfum du Paris d’autrefois. Ses volumes intacts témoignaient de la vie au cœur de la capitale au début du XIXe siècle : local étroit et haut de plafond, escalier à vis, entresol… Le parfait exemple du « patrimoine du quotidien ».

Raison d’État !

Le CMN, garant de notre patrimoine en général et du Paris-Royal en particulier, n’est pas à l’initiative de cette expulsion scandaleuse. Il a été le funeste exécuteur des volontés du Conseil constitutionnel.
Depuis sa nomination, son président ne cesse de pousser les murs de son palais, annexant là une cave de la Comédie-Française, là une échoppe… et lorgnait sur À l’Oriental, son voisin immédiat, afin de le raser pour agrandir sa boutique de souvenirs et créer une salle d’attente. Raison d’État. C’est ainsi que le CMN n’a même pas cherché à sauver le condamné face à d’aussi grotesques convoitises. Pour complaire au président des Sages, il a livré sur un plateau ce morceau du patrimoine des Parisiens.

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Et dans cette affaire, la honte se mêle à l’abjection. Pressé, très pressé de vendre des mugs estampillés CC et de faire assoir ses nobles visiteurs, le Conseil a réussi à faire expulser la gérante des lieux en un temps record. Les pires squatters à chiens sont traités avec plus d’égards. Rakel van Kote tenait boutique depuis près de trente ans et avait payé d’avance ses loyers pour l’année en cours. En quelques jours, ses serrures ont été changées, des scellés ont été posés et un échafaudage dressé devant ses vitrines pour camoufler le déménagement auquel elle n’a pas eu le droit d’assister. Sans inventaire préalable, et à l’abri des regards, quelque 250 cartons ont été remplis puis envoyés dans un garde-meubles loin de Paris – à ses frais. Durant cette opération, l’association SOS Paris a pu voler quelques images, à l’aide d’une caméra fixée sur une perche. Dès le lendemain de leur diffusion sur X, l’échafaudage était rehaussé ! Raison d’État.

Signez la pétition !

C’est ainsi que le garant de notre patrimoine peut nous en priver, le plus légalement du monde.
Il est toujours possible de soutenir À l’Oriental en signant cette pétition. C’est désormais une question de morale, un principe d’honneur, cette valeur que certains ont abandonnée depuis longtemps.

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Plasturgie française: quand la France assassine sa souveraineté

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Joseph Tayefeh, Secrétaire général du Syndicat de la plasturgie et des composites Plastalliance, s’inquiète des recentes mesures gouvernementales annoncées contre le plastique, et envie les agriculteurs.


Alors que le secteur agricole, pris jusqu’à présent en étau par les différentes mesures franco-françaises de surtranspositions, voit, peut-être, le bout du tunnel réglementaire au prix d’une mobilisation sans précédent, voici que le gouvernement s’est trouvé un nouveau secteur à abattre, celui de la plasturgie.

En cela, ce secteur fort de 3000 entreprises et près de 120 000 salariés sur le territoire national partage avec l’Europe un grand point en commun : celui d’être désigné comme bouc émissaire idéal pour tenter de faire oublier certaines mauvaises décisions bien nationales où l’injonction contradictoire est devenue le fil directeur politique.

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Dans son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal déclarait avec grande justesse que « certains voudraient une écologie de la brutalité, pour eux l’écologie doit être punitive, douloureuse, passer par la désignation de boucs émissaires et par la décroissance. La décroissance, je vous le dis, c’est la fin de notre modèle social, c’est la pauvreté de masse, jamais je ne l’accepterai », pour annoncer dans le même discours une future initiative « contre la pollution plastique pour les 50 sites qui mettent le plus d’emballages plastiques sur le marché ». La pollution dans les océans par des déchets plastiques mal ou pas gérés, la France en est responsable à hauteur de 0,02% quand l’Asie de l’Est l’est à près de 81% (avec un pays comme les Philippines qui représente 36% à elle seule de cette pollution). Cette annonce de Gabriel Attal ne pouvait que susciter l’émoi auprès de ces 50 grandes entreprises, souvent des groupes ou des Entreprises de taille intermédiaire (ETI) présents parfois à l’international et notamment dans d’autres pays de l’Union européenne. Union qui n’a jamais considéré l’industrie plastique présente sur son sol (50 000 entreprises, un million cinq cent mille salariés) comme un ennemi. Union qui n’a jamais prévu dans aucun texte la fin des emballages plastiques à usage unique en 2040 comme le souhaite la France depuis la fameuse loi « AGEC » de 2020.

Contenter les agriculteurs ne pouvait que quelque peu mécontenter les apôtres de la décroissance. Leur offrir sur un plateau l’une des têtes de l’industrie française de la plasturgie (3e Européenne en taille) est le moyen tout trouvé pour calmer les déçus verts de rage des mesures prises au profit de l’agriculture française. Dès le lendemain du discours du Premier ministre, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, triplait la mise en matière d’attaque contre des secteurs industriels stratégiques. Le ministre souhaite ainsi « travailler avec les 50 industriels les plus dépendants des matières plastiques » dans une démarche en vue notamment « dune réduction des usages » dans les secteurs « de lemballage mais également du secteur du bâtiment, de lautomobile… ». En visant les trois premiers secteurs de la plasturgie, soit 70% de la production industrielle en la matière, le ministre ne réduira pas la pollution plastique. Il réussira en revanche à coup sûr à nettoyer la France de son industrie. C’est une réduction de notre souveraineté, de nos emplois, de notre tissu industriel et l’augmentation de notre déficit commercial qui attendra la France si les vœux ministériels deviennent réalité. C’est une mise en dépendance de la France aux matières plastiques importées car les usages que le ministre souhaite interdire seront autorisés en Europe.

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C’est une perspective inflationniste car le plastique est le matériau bon marché par excellence comparé à ses substituts et ce, sans compter les effets collatéraux comme l’augmentation du poids des véhicules privés de plastique, augmentation qui fera au moins la joie des finances publiques avec le malus au poids en vigueur. La méthode française, c’est nettoyer 0,02% de sa maison et faire croire que toute la maison est devenue propre. C’est faire supporter aux industriels français les errements de contrées où la poubelle de tri, c’est la rue ! C’est en définitive vouloir sacrifier un secteur industriel au prix d’une efficacité écologique nulle mais d’une augmentation des prix qui ne le sera pas.

« Plastique bashing : L’intox ? » Le Cherche Midi, 288 pages.

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Marine Le Pen est-elle légitime pour honorer un résistant?

Marine Le Pen est indésirable à la panthéonisation de Missak Manouchian, mercredi 21 février. Du moins, c’est ce qu’a affirmé le président Macron dans L’Humanité, lundi. Il nous donne le tournis ! Marine Le Pen est invitée car il n’a pas à «faire le tri entre les élus», nous dit-il. Et puis il fait le tri, ajoutant tout de suite après qu’elle ferait mieux de s’abstenir!


Le Rassemblement national (RN) n’appartient finalement pas à l’arc républicain, de même que « Reconquête ! » et certains élus LFI – seulement certains -, selon Emmanuel Macron. Comme d’habitude, le Macron d’aujourd’hui contredit celui d’hier, lequel critiquait les postures morales d’Elisabeth Borne face au RN. Maintenant, voilà qu’il s’oppose à Gabriel Attal qui déclarait récemment que l’arc républicain, c’est tout l’hémicycle. Comme me l’a dit Céline Pina : ce n’est plus une girouette, c’est un ventilateur !

L’ascension du RN semble provoquer un vent de panique à l’Élysée. D’ailleurs, on persévère dans l’erreur, car cela n’a pas commencé hier. Depuis 40 ans, nous avons droit à des gloussements outragés, F comme fasciste, N comme nazi etc. Cette politique du cordon sanitaire a fait passer le parti de 5 à 25% des voix. C’est à croire que le but de cette politique n’est pas de combattre ce parti, mais d’exhiber sa vertu. Et de plus, cet antifascisme sans fascisme a permis de ne pas voir le danger qui vient : l’islam radical.

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Mais le RN et Marine Le Pen ont une histoire, nous dit-on. Il est tout de même curieux de chercher des poux dans le passé de Marine Le Pen et de le faire dans le journal qui a pleuré la mort de Staline. Le passé des (ancêtres des) uns leur est opposable pour l’éternité, et pour les autres, dont beaucoup ont persisté longtemps dans l’aveuglement, tout est pardonné. En prime, on accepte sans discuter dans la famille républicaine LFI qui pactise ouvertement avec des antisémites avérés. Au présent.

L’assimilation de la Résistance à la gauche est une fantastique réécriture de l’Histoire. Parmi les premiers gaullistes, il y avait le Colonel de la Roques (du 6 février 34 ![1]), il y avait aussi D’Estiennes d’Orves, un monarchiste. Et, sans vouloir être trop désagréable, rappelons que le Pacte germano-soviétique a duré jusqu’en 1941… Certes, il est avéré que Jean-Marie Le Pen a toujours minimisé les crimes de la collaboration, et que lors de la fondation du FN il y avait d’anciens collabos, et pas d’anciens résistants, et une haine envers De Gaulle (liée à l’Algérie française, pas à la Résistance). Mais sa fille dirige le parti depuis 15 ans. Elle a rompu avec fracas avec son père. Et personne n’a jamais trouvé d’elle une déclaration antisémite ou pétainiste. Dernier argument dégueulasse: on dit que Missak Manouchian était étranger et que Marine Le Pen veut arrêter l’immigration. Comme si c’était raciste ! Comme 70 % des Français. Cette assimilation, cela suffit. Évidemment, cela n’a rien à voir avec le racisme. Et penser cela n’empêche évidemment pas d’honorer des étrangers.

Par respect pour les familles, Marine Le Pen n’a pas assisté à l’hommage à Robert Badinter. Pour Manouchian et les 23, le temps du deuil privé est passé. Ils appartiennent à l’histoire de France. Sauf crime de haute trahison ou atteinte à la sécurité de l’État, personne ne peut en exclure un parti légal ou quelque groupe. Au lieu de distribuer des brevets de République, le président Macron devrait se préoccuper des territoires où elle disparaît.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth sur Sud Radio du lundi au jeudi, dans la matinale !


[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_du_6_f%C3%A9vrier_1934

Polanski: Vampire, vous avez dit vampire?

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On apprend que le Festival du film fantastique de Gérardmer a retiré Le Bal des Vampires de la rétrospective « Vampires » de son édition, au motif que «le nom de Roman Polanski suscitait l’effroi» parmi les (jeunes) membres du jury du court-métrage. 


À vrai dire on se pince, tant cette information ressemble à un (très) mauvais canular. Ainsi les responsables du festival, pitoyablement soumis à une poignée d’activistes décérébrés, cèdent devant le prétendu « effroi » de petits maîtres censeurs ivres de leur misérable pouvoir d’intimidation. Au lieu de rire au nez de ces piètres épouvantails qu’épouvante, paraît-il, le « monstre » Polanski, et de les recadrer comme il se doit, ils renoncent à projeter le film. Pour épargner à cette innocente (et passablement ignorante) jeunesse quelque terrible « traumatisme » peut-être ? Pour ne pas se trouver à leur tour la cible de la réprobation des commandos #MeToo ? Tous aux abris alors ! Et tant pis pour l’intelligence et l’honnêteté. Du moment qu’on se trouve assuré d’être dans la zone d’intérêt, dûment sécurisée, du « Bien » selon #MeToo… Ouf, ils l’auront échappé belle – grâce à la si pure bêtise du Comité de Salut public du jour qui édicte le « vrai » et le « bon ». On attend maintenant leur acte de contrition (très tendance par les temps qui courent) pour avoir songé, ô scandale, à programmer un film du « prédateur » prototypique, « violeur-de-fillettes » comme chacun sait.

Honte à eux.

Honte à eux parce qu’ils saccagent tout regard libre sur l’œuvre d’un cinéaste dont les films, exceptionnelle et vitale école de la lucidité, nous offrent le précieux cadeau d’un art qui élargit et affine notre perception du monde et de nous-mêmes, de l’inépuisable mystère humain en somme.

Honte à eux parce qu’ils assurent, par leur pleutrerie écœurante, le règne tyrannique de la désinformation – et des aveuglements volontaires – quant à tout ce qui touche à ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Polanski ».

En kioques actuellement, Causeur #120 : Sexe: le retour de bâton

Désinformation permanente s’agissant de ce qui est arrivé en 1977 avec Samantha Geimer – une relation illicite avec une mineure, infraction pour laquelle Polanski a plaidé coupable, purgé la peine fixée (et au-delà), puis s’est trouvé victime de la délinquance judiciaire caractérisée de magistrats américains drogués aux scandales médiatiques. En dépit de cela, c’est le mot de « viol » qui demeure encore agissant dans l’opinion publique, par l’intermédiaire de la plupart des médias, couplé à la croyance entretenue que Polanski aurait fui la sanction méritée.

Aveuglements volontaires – voire complaisances à questionner – quant à des incriminations pour le moins sujettes à caution mais valant preuves (selon le dogme « Victimes on vous croit ! ») qui, telles des algues vertes prolifèrent autour de Polanski, en une litanie d’accusations dépitées plus opportunistes les unes que les autres. Qui osera examiner avec un peu de distance critique, et les yeux ouverts, les affirmations de ses accusatrices en série, peu soucieuses de leurs propres contradictions (Charlotte Lewis), ou de l’incohérence de leurs comportements : sauter au cou de son « agresseur » cinq mois après le viol avec violence allégué, comme le fit par exemple Valentine Monnier devant témoins ? Une toute petite dissonance, qu’on mettra sans sourciller sur le compte de « l’amnésie traumatique ». Qui relèvera les invraisemblances de leurs « récits » ?

Honte à eux parce que, faisant mine d’accorder du crédit à l’« effroi » fabriqué de ces médiocres et tout-puissants justiciers, ils perpétuent en somme, sans le savoir sans doute, l’ignoble soupçon qui pesa sur Roman Polanski après l’assassinat de son épouse Sharon Tate – interprète exquise du Bal des vampires –, que résuma avec une obscène infatuation Jean-Pierre Elkabbach osant lui susurrer, lors d’une interview en 1979, dix ans après le crime, « mais tout de même, vous n’étiez pas tout à fait innocent ». Un « monstre », on vous dit…

De quoi être saisi d’effroi en effet – mais face à l’horreur éhontée des propos du journaliste. Lequel dans la même interview attribua également à Polanski un goût coupable pour les « petites filles ».
Où nous retrouvons la confusion du jour, qui ne sait ni ne veut distinguer la fillette de la jeune fille.

Honte à eux tous.

« Combien de millions de fois faut-il répéter un mensonge pour qu’il devienne – momentanément – l’équivalent d’une vérité ? Beau problème pour un mathématicien de la psychologie des foules », se demandait jadis Clemenceau.
Concernant Roman Polanski et l’injuste opprobre dont on l’a recouvert, cette question nous apparaît plus que jamais urgente. Combien de temps ce moment grotesquement sinistre va-t-il encore durer ? Nul ne le sait.

Honte, honte à ceux qui en font prospérer l’iniquité stupide.

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L’imam tunisien, le drapeau national et Satan

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Il avait oublié les valeurs de la République sur le chemin de sa mosquée… Un prêche aussi grotesque que haineux de l’imam Mahjoub Mahjoubi, à la mosquée At-Tawba de Bagnols-sur-Cèze (30), pourrait bien lui valoir son billet retour pour la Tunisie ! Mais sera-t-il vraiment expulsé ? De toute façon, notre journaliste Céline Pina craint que M. Mahjoubi, installé depuis des décennies en France, ne soit que l’arbre qui cache la forêt islamiste.


L’imam de Bagnols-sur-Cèze n’est pas le pingouin qui glisse le plus loin sur la banquise. En effet, l’homme est menacé d’expulsion pour avoir dit explicitement ce que la plupart des imams islamistes prêchent sous le manteau : la volonté de conquête territoriale, la haine de la France et le refus de faire primer la loi française sur la culture d’origine et surtout sur le dogme islamique. Le positionnement est d’autant plus stupide qu’il y a bien plus subtil en magasin pour installer dans l’espace public des signes liés à l’islam et répandre les éléments de langage de l’islam politique.

Dérapage près du tapis de prière

La plupart des imams islamistes le savent. Ils pratiquent le double langage et jouent sur le retournement des valeurs : mettre en avant la liberté, pour imposer un signe dégradant qui refuse l’égalité aux femmes, comme le voile ; s’emparer de la laïcité pour la dévoyer en société protectrice des religions ; bâillonner la liberté d’expression et imposer la condamnation du blasphème au nom du respect de l’islam… Mais cela demande un minimum d’intelligence et de connaissance, or cet imam salafiste ne vit pas en France au XXIème siècle mais dans son rêve de conquête millénaire. En effet, ce qui lui est reproché est un dérapage lors d’un prêche où il évoque l’arrivée du Mahdi. Messie qui, selon l’islam, consacrera l’avènement des Musulmans à la fin des temps. « Il va s’autoproclamer et là, tous les gouverneurs dans toutes les gouvernances vont chuter. On n’aura plus tous ces drapeaux tricolores qui nous gangrènent, qui nous font mal à la tête, qui n’ont aucune valeur auprès d’Allah. La seule valeur qu’ils ont, c’est une valeur satanique. »

On ne serait plus à une OQTF près !

Le préfet du Gard a choisi de réagir avec promptitude et le ministre de l’Intérieur l’a conforté dans sa décision. L’imam a ainsi été signalé au procureur de la République et le retrait de son titre de séjour a été demandé afin qu’il puisse être expulsé du territoire. Jusqu’ici il y a plutôt de quoi être satisfait du déroulement de l’affaire. Et pourtant, tant que l’imam n’a pas quitté notre territoire, gardons-nous de nous réjouir : on a vu à quel point notre droit rendait compliqué toute expulsion. De surcroit, même lorsque les obstacles sont levés, les pays d’origine ne se bousculent pas pour récupérer de l’islamiste décomplexé dont ils connaissent la capacité de nuisance.

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Mah j’ai rien dit…

Mais ce qui est surtout remarquable ici, c’est le bal des faux-culs que, comme d’habitude, ce type d’affaire enclenche. Commençons par la grande comédie de la persécution et de la victimisation à laquelle se livre Mahjoub Mahjoubi, l’imam salafiste. Appelé à se justifier sur RMC, il plaide le lapsus. C’est vraiment prendre ses interlocuteurs pour des imbéciles tant ses propos s’inscrivent dans une vision du monde et des références parfaitement logiques pour un islamiste. S’il y a lapsus, c’est plutôt parce qu’il révèle ce qui est censé rester sous les radars ; une pensée conquérante qui se travestit en geignement victimaire. Mais dans son cadre de pensée, son prêche est cohérent et correspond aux représentations religieuses répandues. Ses fidèles d’ailleurs le savent bien.

Mais que dire de l’association de gestion de la Mosquée, ces « sages » et référents musulmans, censés être des garants auprès des pouvoirs publics ? Eh bien figurez-vous qu’en général, ils tombent des nues lorsqu’on leur « apprend » que leur imam est un islamiste. Bien entendu rien de cela n’est crédible. Non seulement il est impossible qu’ils ne soient pas au courant, mais en général il a même été recruté pour cela ! Il y a accord idéologique profond entre un imam et ses employeurs. L’enquête ne devrait donc pas s’arrêter à l’imam mais se pencher attentivement sur l’association de gestion et ceux qui la composent car le foyer islamiste est là. L’imam n’en est que le fruit.

Encore une affaire de bail emphytéotique !

Autres dénégations bien peu plausibles, celle du maire de Bagnols-sur-Cèze. Mais il faut dire que tout dans la construction de cette mosquée porte la marque du clientélisme. On est dans le cadre qui a été aménagé en son temps par le pouvoir socialiste pour pouvoir détourner l’interdiction de subventionnement d’un culte : le bail emphytéotique. Cela consiste à mettre à disposition d’une association musulmane, un terrain appartenant à la municipalité, lequel doit revenir théoriquement au bout d’un certain nombre d’années à la collectivité locale. C’est un moyen détourné de subventionner la construction de mosquées et un outil très utile pour obtenir des voix communautaires… Ici, par exemple, le loyer pour l’utilisation du terrain est de 1000 euros par an. Un avantage en nature conséquent. La pratique est devenue très commune et en général les liens tissés se perpétuent quel que soit le pouvoir qui s’installe en Mairie. C’est d’autant plus marqué quand une structure de gestion communautaire est radicalisée, car l’emprise sur ses membres et les fidèles est très forte. La capacité de mobilisation communautaire est donc plus importante et le rendu sur investissement communautaire plus élevé. La mosquée dont il est question a donc été construite grâce à l’aide active du Maire et à un apport décisif de la Ville (la signature du bail date de 2021).

L’estomac fragile de Jean-Yves Chapelet

Mais revenons à la politique locale. Jean-Yves Chapelet, le Maire se dit donc « estomaqué ». C’est un peu étonnant car une autre affaire avait précédemment remué le landerneau et concernait déjà la mosquée incriminée. Alors le coup du maire et des fidèles « sous le choc » est d’autant moins audible que la Préfecture précise que l’imam est suivi depuis quelques mois et qu’elle n’aurait pas qu’un seul prêche haineux à présenter au tribunal. Autre indice concordant, la nature de l’affaire précédente. Les lieux de prosélytisme islamiste ciblent souvent les enfants. Ils le font notamment par le biais de cours de soi-disant arabe, dispensés à la mosquée. La plupart du temps ce sont des cours de Coran et dans la version la plus obscurantiste qui soit. Et comme par hasard, avant le problème du prêche haineux, c’est une affaire de la sorte qui avait secoué l’association de gestion de la Mosquée. Le maire doit avoir une mémoire à éclipse. A moins qu’ayant déjà chuté de l’armoire lors de cette première affaire, il en ait perdu le souvenir.

Ce type d’affaire est appelé à se développer puisque nul ne se soucie du fait que les instituts de formation d’imams français sont aux mains des Frères Musulmans et que les imams recrutés dans les pays d’origine sont en général assez frustres, souvent rétrogrades et inadaptés à nos modes de vie quand ils ne sont pas islamistes. Mais surtout, tant que les associations de gestion ne seront pas mises en cause, que les dirigeants de celles-ci ne seront pas inquiétés et qu’il sera plus avantageux d’utiliser le clientélisme communautaire que de le combattre, rien ne changera. Cet imam sera peut-être expulsé, mais l’environnement qui a permis cette dérive, lui, n’est et ne sera probablement même pas combattu.

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Solution à deux États: une vieille nouveauté

La guerre entre le Hamas et Israël a ravivé l’idée de la « solution à deux États » pour résoudre le conflit israélo-palestinien. C’est oublier qu’elle est sur la table depuis 1947 et que ses premiers opposants étaient les Arabes de Palestine. D’autres issues politiques sont sûrement possibles, mais dans une région débarrassée de ses islamistes.


Depuis le 7 octobre, la « solution à deux États » est de nouveau à la mode. Toute personne qui veut se montrer concernée et informée sur le sujet se doit de la brandir avec le sentiment d’avoir inventé la lune. Mais ses innombrables promoteurs préfèrent oublier qu’elle a d’abord été refusée par les Arabes en 1947.

L’idée est proposée dès 1937 par une commission chargée par la puissance mandataire britannique de trouver une solution politique au conflit entre Juifs et Arabes de Palestine. Les deux communautés refusent. Les futurs Palestiniens ouvertement et catégoriquement, les Juifs en se montrant intéressés et sans fermer la porte au principe du partage du territoire. Sans solution politique pour le « jour d’après », les Britanniques choisissent alors l’option militaire, et en moins de deux ans, écrasent le soulèvement arabe. Cette répression est l’une des principales raisons de la défaite des Palestiniens dans la guerre civile qui les oppose aux Juifs entre décembre 1947 et avril 1948.

C’est toujours non

Toutefois, avant cette guerre civile, la question du partage de la terre est à nouveau mise sur la table, cette fois par la nouvelle ONU. Les Juifs acceptent sans équivoque. Les futurs Palestiniens disent toujours non. Puis, la guerre change la donne. Israël s’installe dans des frontières un peu plus confortables que celles proposées en 1947, mais la majorité des territoires destinés à l’État-nation arabe de Palestine est occupée par l’Égypte (Gaza) et la Transjordanie (Cisjordanie et Jérusalem). En effet, la stratégie des Hachémites pendant la guerre de 1948-1949 est de contrôler ces territoires plutôt que de détruire le nouvel État juif. Et ni l’un ni l’autre n’ont profité de la situation pour créer un État palestinien. Les Hachémites restent guidés par des calculs dynastiques qui remontent aux accords entre Lawrence d’Arabie et Hussein. Trahis par leurs alliés français et britanniques, Hussein et sa maison (les Hachémites) perdent leur statut en Arabie au profit de leurs adversaires de la maison de Saoud. Les Hachémites sont dédommagés par la création de deux royaumes : la Transjordanie et l’Irak.

Des combattants palestiniens à Jérusalem en 1948. © D.R

En 1948, le roi jordanien Abdallah Iᵉʳ voit l’occasion d’agrandir son royaume, mais surtout de mettre la main sur Jérusalem, troisième ville sainte de l’islam, pour compenser la perte du chérifat de La Mecque. Pour lui, il n’est pas question d’un État palestinien ni même d’un peuple palestinien. Pour l’Égypte, surtout après la révolution (1952) et l’arrivée au pouvoir de Nasser (1954), la question palestinienne n’est qu’un outil dans son grand jeu panarabe, anti-israélien et anticolonial. Les deux territoires sont séparés et, à partir de 1959, le seul projet politique est la lutte armée contre Israël menée par le Fatah de Yasser Arafat et l’OLP contrôlée par l’Égypte.

En 1967, tout change. Le 5 juin vers midi, le roi Hussein décide de rejoindre Nasser dans la guerre contre Israël et perd la Cisjordanie et Jérusalem tandis que, sur le front égyptien, l’armée israélienne a repris la bande de Gaza.

L’échec de Nasser contribue à l’émancipation du mouvement national palestinien sous la direction d’Arafat, mais le pouvoir hégémonique à Jérusalem-Est et en Cisjordanie reste entre les mains du roi hachémite. Or, au plus fort de la guerre froide, la stratégie occidentale pour contrecarrer l’influence de l’URSS dans le monde arabe est de donner à la Jordanie un rôle clé au sein du dispositif occidental dans la région. Il fallait donc empêcher que le royaume hachémite soit transformé lui-même en république palestinienne inféodée à Moscou. Ce rôle spécial, nommé après 1967 l’« option jordanienne », refait surface en 1987 avec l’accord de Londres, négocié entre Shimon Peres et le roi Hussein, mais il est rejeté par le gouvernement israélien et enterré par le déclenchement de la première Intifada. Six ans plus tard, les accords d’Oslo sont négociés et signés entre Israéliens et Palestiniens sur la base d’une solution à deux États.

Belliqueux Hamas

Cependant, à la fin des années 1980, alors que l’OLP est sur le point d’abandonner la lutte armée, un concurrent sérieux apparaît : le Hamas. Ce dernier reprend la bannière de la lutte armée sans compromis, tout en exploitant le ressentiment croissant des Palestiniens de l’intérieur (ceux qui sont restés en Cisjordanie et à Gaza) à l’égard des fonctionnaires de l’extérieur (cadres de l’OLP) qui sont revenus après Oslo. La corruption, d’une part, et la pression violente du Hamas, d’autre part, conduisent à l’échec d’Oslo et au déclenchement de la seconde Intifada. Pour autant, l’idée des deux États n’est pas morte. Afin de surmonter la crise de l’Intifada 2001-2004, Israël propose de faire de Gaza un projet pilote pour relancer une dynamique politique dont l’objectif ultime est une solution à deux États. L’Autorité palestinienne (AP) ne voulait pas que son accord officiel sanctionne un projet dont elle redoute qu’il soit un piège, mais suite au retrait israélien de Gaza et au démantèlement de trois colonies dans le nord de la Cisjordanie (destiné à signifier que les deux territoires sont liés), elle prend effectivement le contrôle des zones évacuées par Israël en 2005.

L’électorat israélien est largement favorable à cette initiative, soutenue par les États-Unis et l’Europe. Mais l’AP perd le contrôle de la zone et deux ans plus tard, après un putsch sanglant, Gaza devient un territoire hostile sous contrôle du Hamas. Le gouvernement israélien tente néanmoins de maintenir l’option des deux États sur la table. En septembre 2008, Ehud Olmert, le Premier ministre israélien, propose un projet d’accord que Mahmoud Abbas, le président palestinien, qualifie de très prometteur, mais auquel il ne donne pas suite. Certes, Olmert est sur le point de perdre le pouvoir, mais un tel accord aurait pu changer la donne. En 2009, la victoire de Nétanyahou est intimement liée à l’échec de la solution à deux États. Il reste au pouvoir depuis parce que pour la majorité des Israéliens l’AP, minoritaire et corrompue, n’est pas crédible. Quant au Hamas, il n’a jamais caché son objectif : un État palestinien à la place d’Israël et non pas à ses côtés.

Avec un tel bilan, il est quelque peu naïf de parler aujourd’hui d’une solution à deux États comme étant la seule issue politique à la guerre de Gaza. En revanche, comme en 2005, Gaza, qu’Israël ne veut pas occuper et encore moins annexer, reste un terrain propice pour un projet pilote politique palestinien.

Ces paysans qu’on abat

Ce n’est pas une révolution, mais c’est plus qu’une révolte. La colère de nos agriculteurs sous-payés, croulant sous les normes et fliqués comme personne, témoigne d’un bouleversement civilisationnel, voire anthropologique. Dans la France de Bruxelles, les travailleurs de la terre n’ont plus leur place.


« En France, on a le droit d’être en colère, mais faut demander gentiment ! » Dépassée, la fameuse saillie de Coluche… Témoin, la récente évolution de ce que d’aucuns nomment – avec une pudeur qu’on ne leur connaissait pas – la « grogne des agriculteurs » : la mise sens dessus dessous, initiée dans le Tarn dès novembre dernier, de centaines de panneaux d’entrée de villages et de petites agglomérations à travers cette France « qui fume des clopes et roule au diesel ». À première vue, un judicieux mode d’action : d’abord, par la puissance du symbole, destiné à matérialiser l’idée selon laquelle « nous marchons sur la tête » ; ensuite, par sa dimension pacifique. Judicieux, donc ; mais inefficace. Sourde, silencieuse, la sphère politico-médiatique avait alors, en effet, bien d’autres chats à fouetter – un remaniement ministériel, la nomination du plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Ve République… Ah, cette France « d’en bas », celle des « culs-terreux », c’est loin, si loin de Paris… Lassitude ? Exaspération ? Nos agriculteurs sont, depuis, passés à la vitesse supérieure. Barrages, blocages d’autoroutes, déversements de lisier et autres tas de fumier sur les grilles des préfectures…À l’expression civilisée du mécontentement s’est substitué le rapport de force brut. « Demander gentiment » n’a décidément plus la cote.

Séditieux retourneurs de signalétique

À quelques mois des élections européennes, l’affaire risque de laisser des traces. La Macronie espère secrètement qu’il ne s’agit là que d’une énième jacquerie comme la France en connut tant, telle celle de 1358 dans le Beauvaisis, où des paysans semèrent la terreur, ou celle de juillet 1953, appelée la « journée des barricades », au cours de laquelle de jeunes agriculteurs dressèrent jusqu’à quatre cents barrages… En ce mois de janvier 2024, est-ce plus grave ? Peut-être.

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Les revendications de ces séditieux retourneurs de signalétique sont connues : d’une part, pouvoir tous vivre dignement du fruit de leur travail (un agriculteur sur cinq se situe sous le seuil de pauvreté) ; d’autre part, continuer à bénéficier du remboursement partiel de la TICPE pour l’achat de GNR (gazole non routier), tandis que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et de la Souveraineté industrielle, plaide à l’inverse pour le passage d’une « fiscalité brune » à « une fiscalité qui valorise les investissements verts » ; enfin, ne plus avoir à subir la multiplication exponentielle de normes et règlements tous plus ubuesques les uns que les autres et liés, pour la plupart, aux impératifs – le mot est faible ! –de la transition écologique, soit l’alpha et l’oméga de toute politique publique qu’ont fièrement en partage l’Union européenne et le gouvernement français. Un gouvernement, du reste, plus désireux de faire étalage de vertu que preuve de réalisme –selon Légifrance, les données du Code de l’environnement ont bondi de… 946 % entre 2002 et 2023 ! – et qui semblait jusqu’à présent ne pas percevoir le désespoir pourtant criant du cœur des campagnes. Désespoir ? Oui, et l’affaire vient de loin.

Des centaines d’agriculteurs défilent avec leurs tracteurs dans les rues de Nantes pour exprimer leur mécontentement et réclamer une aide gouvernementale immédiate, 25 janvier 2024. ©SALOM-GOMIS/Sipa

La transformation du paysan en exploitant agricole, dès les années 1960, avec la mise en place de la PAC, entraîna sa disparition – c’est un fait. Ce qu’il représentait depuis plus d’un millénaire fut sacrifié sur l’autel du rendement. Il fallait nourrir les masses. Fait historique colossal : l’agriculture française cessa d’être totalement française. L’attachement charnel que l’agriculteur éprouvait pour sa terre s’évapora. Son seul horizon, le village où chacun se mettait – comme on dit – « au même pot et au même feu »s’évanouit. « Produire, produire… À quel prix, au prix de l’homme ? » s’interroge Arthur Conte dans son remarquable ouvrage Les Paysans de France (Plon, 2000). Et de poursuivre : « Au fond d’elle-même, déjà, la classe paysanne se sent mise en cause en tant que telle, parfois sous sa propre responsabilité. Elle a comme le sentiment diffus qu’elle pourrait être menacée jusque dans son existence globale. »

La mort du paysan

Au fil des décennies, le songe européen est beaucoup moins étincelant. L’espoir se mue en inquiétude. À Paris, on regrette que la Commission ait cru devoir s’installer à Bruxelles, « où elle se donne rapidement des airs de Régente », dixit Arthur Conte. L’agriculteur devint autre, remplit d’autres fonctions, secondé par de tout autres moyens ; prisonnier consentant des subventions qui avaient conditionné son émergence, il se découvrit bientôt pieds et poings liés, contraint de s’endetter et d’adapter sa production aux injonctions de la très verticale technocratie européenne. Loin de nous l’idée de pleurer la mort du paysan ou d’éprouver à son endroit une nostalgie déplacée : derrière l’image bucolique de l’homme des champs libre et heureux, celle d’une humanité assujettie aux caprices de la nature et à la dureté du labeur demeure. Il s’agit cependant d’entendre qu’une nouvelle métamorphose est aujourd’hui en marche, sans nul doute plus profonde.

Ceux qui, à l’image de Marie Toussaint, tête de liste EELV pour les européennes, se contentent, l’air docte, de voir dans l’actuel mouvement de protestation « un problème social, pas environnemental » ; ceux qui, en outre, se figurent que nous sommes confrontés là à une simple question économique et qu’il suffira, comme le laissent penser à la fois Gabriel Attal, Premier ministre, et Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, de trouver des « solutions » par le biais d’un « dialogue apaisé », etc., etc., se trompent lourdement ou, pire, cherchent à tromper l’opinion.

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Disons-le tout net : ces centaines de tracteurs mobilisés sur les grands axes routiers sont le symptôme de bouleversements civilisationnels, voire anthropologiques inédits. L’agriculteur n’est plus en odeur de sainteté ; has been, ne comptant plus que pour 1,5 % de la population active, et donc pour bien peu électoralement, il sent que le traitement que lui réservent les tenants de la « start-up nation » relève de la mise à mort symbolique. Pour nos gouvernants et « sachants », les agriculteurs sont d’un monde lointain, sinon folklorique, auquel il suffit bien de consacrer deux semaines par an lors d’un salon, porte de Versailles. Ce qui a lieu est le reflet d’une France qui se désubstantialise. « Il y a une désertification aggravée des campagnes, destruction de la vie rurale, hypertrophie renforcée des villes. À se demander pourtant si tel n’est pas le but recherché : porter un coup mortel à la paysannerie, une classe devenue trop antiéconomique et encombrante », constatait encore, voilà plus de vingt ans, le même Arthur Conte. Que dirait-il aujourd’hui ?

Au vrai, nous avons là une criante illustration de ce que Jérôme Fourquet décrit, dans sa France d’après, comme un « vrai clivage de classes » entre la France « triple A » et la France de l’ombre – « celle qui ne fait pas rêver ». Pire, bois mort de l’humanité, l’agriculteur n’a plus sa place dans les campagnes. Il est une gêne visuelle, olfactive, sonore ; on aurait quelque agrément à le voir conjugué définitivement au passé. Que nous importe qu’il ait bâti, repeuplé, enrichi le pays ? Incarnation d’une survivance sociologique archaïque, et composante de la France périphérique qu’abhorre le progressisme, il y a beau temps qu’à l’instar d’autres administrés, la plus épidermique défiance à l’égard des dirigeants politiques a remplacé, en lui, le strict minimum vital de confiance.

Métamorphose

Comment en serait-il autrement lorsqu’il constate, par exemple, l’enthousiasme d’un Bruno Le Maire au sortir de l’inauguration d’une toute nouvelle usine de viande végétale située dans le Loiret, en mai 2022 ; lorsqu’il apprend, à la même date, que la Cour des comptes recommande « une réduction importante du cheptel » bovin français en raison du « bilan climatique défavorable » de ce mode d’élevage ; qu’à moyen terme le gouvernement français l’obligera, appliquant en cela des décisions européennes, à mettre en jachère au bas mot 4 % de ses surfaces originellement dédiées à l’exploitation ; que Pascal Canfin, député européen Renaissance (anciennement EELV), président de la commission environnementale du Parlement européen et artisan de l’« European Green Deal », affirme sans sourciller que l’on pourra à l’avenir « se passer totalement de vaches » grâce à des « technologies capables de fabriquer du lait en laboratoire », s’empressant, par ailleurs, de dénoncer une « instrumentalisation » politique du RN tandis que la contestation des agriculteurs se répand en Europe et menace d’être rejointe par d’autres professions ; lorsqu’il entend, depuis des années, certaines associations animalistes expliquer qu’il n’est pas autre chose qu’un tortionnaire avec ses bêtes, un gaspilleur d’eau et un pollueur de premier plan ; que demain l’humanité ingurgitera viande synthétique (comme l’a montré Gilles Luneau dans Steak barbare), insectes, fruits et légumes créés hors-sol, et que l’on doit donc dès à présent congédier toute nourriture ancrée dans un terroir au profit de nutriments bons pour la planète, décarbonés, déracinés, « mondialisables » ? Dans son roman d’anticipation Ravage (paru en 1943 !), René Barjavel avait décrit le vieux continent européen réduit à quelques mégalopoles gigantesques, entrecoupées d’espaces vides. Nous y sommes presque…

Une poignée d’exemples entre mille, et qui tous conduisent à ces conclusions : l’écologie punitive est désormais la pierre angulaire de toute politique, européenne comme nationale ; peu importe ce qu’il adviendra de l’agriculteur attaché à travailler sa terre, car seule la Terre compte ; peu importe que, parmi les représentants de cette profession, on dénombre deux suicides par jour ; peu importe que l’environnement lui-même pâtisse à brève échéance de leur éviction programmée, les espaces naturels devant être selon certains idéologues – et c’est particulièrement dangereux – désanthropisés d’urgence…Nos gouvernants ont-ils oublié la loi d’airain selon laquelle on mesure la qualité et l’entretien d’un paysage à l’aune de la présence ou de l’absence de l’agriculture ? En France, il y a autant de paysages que de régions. Des régions que le géographe Jean-Robert Pitte estime à… six cents, éblouissante fresque où se mêle « le clair et l’obscur, l’ordre et l’anarchie, l’intime et l’écrasant ». Non pas un « concept », mais une réalité physique, culturelle, éprouvée au gré de deux cents générations « qui ont façonné le visage de la France depuis le Néolithique ». Le support de vies sur le point d’être altérées, raturées, niées – voyez la prolifération des éoliennes : « Nous subissons chaque jour l’insulte de la laideur », s’insurgeait, il y a peu, l’académicien Jean-Marie Rouart. Le gouvernement français et la Commission européenne ont-ils pour intention de faire fi de cette histoire, de notre histoire ? Ce même gouvernement osera-t-il in fine s’affranchir des diktats européens ? Que lui en coûterait-il ? Un peu de courage ?

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Répétons-le : ce à quoi nous assistons n’est pas une crise, un remous passager, mais les prémices d’une métamorphose anthropologique fondée sur une utopie qui a pénétré les plus hautes instances décisionnaires. Les dieux ont soif. Ce qui est tragique ? C’est que « tout était écrit », ainsi que l’ont récemment déclaré François-Xavier Bellamy, tête de liste LR pour l’élection européenne 2024, et Anne Sander, députée LR au Parlement européen et négociatrice de la PAC pour le groupe PPE. « Lorsque la Commission européenne a publié en mai 2020 sa stratégie dite “Farm to Fork” (“de la ferme à la fourchette”), le principe était clair : la transition verte de l’agriculture européenne imposait sa décroissance. »

L’UE, cette construction transcendante, se heurte sous nos yeux à tous ceux qui, à l’intérieur des nations, sont porteurs de cultures héritées, inscrites dans la continuité historique, qui seule confère aux hommes les soubassements de leur identité. Son adhésion assumée à l’idéologie mortifère de la décroissance a pour unique fonction de faire table rase, en l’asphyxiant, de cet ancien monde auquel appartenaient hier encore nos paysans, afin de demeurer dans le sens de l’histoire et d’en écrire une nouvelle page : voici venu le temps du grand palimpseste. Alors que 89 % des Français affirment soutenir les agriculteurs, comment nos dirigeants politiques pourraient-ils répondre aux angoisses proprement existentielles de ces derniers sans se désavouer de bout en bout et sans, pour autant, ignorer cette adhésion populaire massive ? Là est, assurément, l’enjeu crucial.

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Emmanuel Macron est une girouette…

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Le chef de l’État, interrogé par L’Humanité, fait une énième volte-face concernant le fameux «arc républicain», et désavoue son Premier ministre. Malheureusement, le président Macron n’est plus à une incohérence près. Et nul doute qu’il aurait dit autre chose si on lui avait demandé de parler du même sujet chez Valeurs actuelles


Plus le Rassemblement national monte, plus on l’invite à n’être présent nulle part. Ce serait le comble du ridicule si cela ne révélait le caractère dramatiquement inconséquent de notre président de la République. On vient d’apprendre de sa part, dans un entretien avec le journal L’Humanité, que le RN dorénavant n’est plus dans « l’arc républicain » et qu’il devrait s’abstenir de participer à la cérémonie de panthéonisation du couple Manouchian. Marine Le Pen ne prendra pas en compte ce qu’elle tient pour un propos outrageant et sera présente. Il faut que L’Humanité en ait pour son argent : Emmanuel Macron n’est pas un ingrat !

Incohérences macroniennes

Sans être impertinent, il ne serait pas choquant de dénier au président le droit de sonder le cœur et les reins des personnalités politiques, d’en exclure certaines et d’en légitimer d’autres. Plus profondément, le nombre de voltes sur l’arc républicain de ce pouvoir est impressionnant. Et j’y inclus évidemment, avec le président, l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne qui n’avait rien trouvé de mieux à l’origine que de sortir de l’arc républicain le RN et LFI.

Une fois le RN y était, le lendemain il était ostracisé. Tout cela est d’autant plus navrant que le président s’est piqué de donner des leçons à son camp en lui transmettant sa bonne méthode pour contrer le RN. Il ne fallait surtout plus se situer sur le plan moral mais délaisser la dénonciation éthique au profit de la contestation politique. Par ailleurs, le 9 février, dans les marges d’un déplacement à Bordeaux, Emmanuel Macron avait invoqué une forme de normalité dans les rapports à avoir avec le RN. Comprenne qui pourra.

Acceptons qu’aucune cohérence ne peut être trouvée ni maintenue – on le constate – avec Emmanuel Macron qui, girouette, change d’opinion en fonction de ses interlocuteurs. Il ne dit jamais ce qu’il pense puisque sa pensée n’est pas inaltérable, mais ce qu’il estime devoir exprimer pour séduire ceux auxquels il s’adresse.

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Cette extrême faiblesse de notre président le conduisant à refuser d’avoir un cap stable, est démontrée par son dialogue avec L’Humanité. Il aurait été hors de question pour lui de s’en tenir à une conviction ferme et de l’opposer à ses questionneurs ; il convenait au contraire qu’il s’adaptât à eux pour qu’il puisse jouir de ce qui le comble le plus : aller vers l’autre pour être aimé et applaudi dans l’instant.

Oui… mais non

Ce n’est pas seulement sur ces sujets que le président alterne d’un jour à l’autre. Pour la vie internationale, il n’a pas lésiné pour faire entendre ici ce qu’on avait envie d’écouter et là, dès le lendemain, son contraire parce que l’environnement avait changé. Il lui était impossible de s’en tenir à une seule vision qui aurait impliqué une sincérité et une constance qu’il n’a jamais eues et surtout de faire le deuil de cette perversion l’incitant à proférer oui quand il pressent le oui, ou non quand il prévoit le non. Quand le oui et le non sont nécessaires s’ils résultent d’une conviction qui ne flotte pas au gré des vents et des rencontres.

Le président n’invente pas, il s’adapte et se coule dans le moule. Il met ses mots au service, autant qu’il le peut, du journal communiste. Pour L’Humanité, on a eu droit au Macron de gauche, enfourchant les poncifs et les idées progressistes qui convenaient. Avec Valeurs actuelles, assurément, on aurait eu l’inverse. Ce narcissisme et ce cocon dont il s’entoure – ce qui n’interdit pas une dureté par ailleurs – demeureraient critiquables, mais sans effet majeur, s’ils ne débordaient pas de son périmètre personnel. En réalité ils sont dévastateurs quand on relève à quel point le verbe présidentiel entrave la mission du Premier ministre qui, lui, n’a que le tort d’avoir une pensée stable, une conviction solide et une expression lucide.

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En effet, comment ne pas approuver Gabriel Attal quand il énonce cette double évidence à la fois républicaine et pragmatique, que l’arc républicain est pour lui tout l’hémicycle ? En même temps vérité constitutionnelle et démocratique et affirmation empirique qui pourra lui permettre d’engager des débats et de favoriser des compromis avec des forces qui seraient peu enclines à dialoguer si par principe et absurdement on les excluait de l’arc républicain.

Il est clair que le président n’a cure de cette justice républicaine ni de cette morale parlementaire. Qu’il rende plus difficile la tâche de son Premier ministre lui importe peu. Puisque séduire L’Humanité était sa vérité du moment.

Le Voltaire algérien

Pour avoir dénoncé dans son pays l’entente tacite entre les militaires et les islamistes, Boualem Sansal est devenu la cible d’un parti dévot et la bête noire du pouvoir. Le romancier, qui estime que l’islam a tué la culture, tire pour nous la sonnette d’alarme: la France est en pleine régression, et a atteint un point de bascule. Propos recueillis par Elisabeth Lévy, Gil Mihaely et Jean-Baptiste Roques.


Causeur. Dans votre roman Vivre, un petit groupe d’« appelés » apprend que la Terre va bientôt disparaître. Ils ont la possibilité de sauver une partie de l’humanité, qu’ils appellent les « élus ». Que nous raconte ce terrible impératif de sélection ?

Boualem Sansal. Le dilemme fait partie de la condition humaine ! Ce qui est nouveau et terrifiant ici, c’est l’immensité de l’opération et le délai imparti, sept cent quatre-vingts petits jours pour choisir, parmi les 8 milliards d’habitants de la Terre, les 3 à 4 milliards qui seront sauvés. C’est mission impossible à tous points de vue, organisationnel, matériel, moral, politique, religieux. Les appelés refusent cette responsabilité, puis s’y résignent. Ne pas le faire, c’est voir l’humanité disparaître, accepter, c’est en sauver une partie qui pourrait surune autre planète s’inventer une nouvelle vie, fonder une nouvelle humanité. Le rêve.

À la différence des grands monothéismes, la religion de l’écologie annonce que personne ne sera sauvé. Puisque nous sommes tous coupables…

Le problème avec les Prophètes, religieux ou civils, c’est qu’ils parlent avec des majuscules : la Vérité, le Destin déjà tracé, la Culpabilité, le Châtiment. Comment discuter avec eux quand on est un homme minusculeet malveillanta priori ? La véritable religion de l’homme, c’est le réel, c’est là qu’il habite, et c’est avec lui qu’il doit s’arranger.

Vous n’avez pas juste un problème avec Dieu, mais avec l’autorité en général. « Les humains, écrivez-vous,n’ont pas d’autres ennemis sur Terre que leur gouvernement, d’où l’intérêt vital qu’ils se gouvernent eux-mêmes. »

Je le pense. Le gouvernement tient son pouvoir du peuple, mais une fois aux commandes, il se croit son propre créateur, par génération spontanée, se bombarde Deus ex-machina et fait ce qu’il veut de nos vies et de nos biens.

Ce qu’il veut, c’est mal imité compte tenu de son impuissance réelle. A-t-il existé dans l’Histoire des systèmes qui ont marché différemment ?

Athènes dans l’Antiquité, la Suisse aujourd’hui où on vote tous les matins ; c’est possible parce que c’est un petit pays sérieux. Dans les grands pays,le référendum est un moyen pour le peuple souverain de reprendre la main et de recadrer le gouvernement.Mais le peuple est mort, vivent les consommateurs !

Vous dressez un portrait cocasse de la France wokisée. Avec l’épisode hilarant d’une réforme fantôme qui déclenche polémiques et batailles politiques.

Les intellectuels français d’avant-garde n’ont pas attendu le wokisme américain pour inventer le leur, un truc péremptoire et sournois, franchement minable. Monter en chaire et déclamer du vide par hologramme, ça ils aiment. Ils sont le crépuscule de cette merveilleuse société savante qui a fait les Lumières et la grandeur de la France.

Il est beaucoup question de religion dans votre livre. Avez-vous été croyant dans votre vie ?

Je suis un athée de naissance, irréductible mais pas fanatique. Pour moi, l’athéisme est la seule foi raisonnable dans ce monde de fous, on a déjà du mal à s’entendre sur des choses simples, si on ajoute les dieux et la religion, on va s’entretuer comme on le fait depuis des siècles. Restons entre humains.

Dans votre livre, toutes les religions en prennent pour leur grade.

L’islamique surtout, la petite dernière, elle est née arméede tant de prétentions et de brutalités qu’on ne sait quoi lui opposer. Elle nous refuse et nous dénie notre dignité humaine. Elle est pourtant née du judaïsme qui a fait de l’étude et du débat sans intention prosélyte un outil de connaissance privilégié. C’est une religion parfaite de ce point de vue-là. Elle devrait l’imiter, ce n’est pas honteux d’imiter ses parents. Enfin bon, elle a seshalachiquescomme chacun et ils ne sont pas commodes. Il faudraittous lespiquer au sérum de laïcité et les renvoyer à leurs yeshivot, médersas et autres ashrams lointains.

Vous avez eu cette formule : « Un islamiste est un musulman impatient. » N’existe-t-il pas un islam avec lequel on pourrait vivre tranquillement ?

Allah le veut :« l’islam doit régner sur terre », point. Le reste doit disparaître. Depuis sa naissance il est en marche, concentré sur l’objectif. Bilan à ce jour : il règne sur 49 pays et progresse hardiment dans 30 autres, dont la France, compte 2 milliards de fidèles, soit 25 % de la population mondiale, et ne manque pas de bénévoles idiots. Il n’y a plus d’endroit au monde où on vit tranquillement avec l’islam, quelles que soient sa foi et les concessions qu’on lui fait pour l’amadouer.

Cet islamisme, qui fournit, en même temps que des règles, une identité et une communauté de référence, séduit une grande partie de la jeunesse musulmane en Europe. Comment combattre cette emprise ? À l’évidence, pas par la science et la raison…

Comment lutter contre une croyance sans croyance ? C’est une bonne question. Je n’ai pas la réponse. Je suis frappé par le fait que l’islam qui se déploie en France depuis un siècle n’a en rien été ébranlé, influencé, par la société française, ses valeurs, son anthropologie. J’ai visité la France et je l’ai vu de mes yeux : une régression colossale est en marche dans ses territoires et dans l’âme de ses enfants. C’était donc vrai, l’inversion des pôles a atteint le point de bascule.

Il y a quelques jours, le président algérien a lancé un message à ses compatriotes émigrés : « Si vous êtes malheureux, revenez, on a besoin de vous. » Compte tenu de l’échec patent de l’intégration d’une partie des descendants d’immigrés, ne pourraient-ils pas trouver une meilleure vie dans le pays de leurs parents ?

Les programmes d’aide au retour n’ont jamais manqué. Sur les trente dernières années, on a rapatrié quoi, 2 000 à 3 000 personnes, dont une partie est repartie aussitôt. Il n’y a pas assez d’emplois en Algérie ni de moyens pour faire plus. Et puis le pays est une dictature, rappelez-vous, et des plus ennuyeuses, les Franco-Algériens ne sont pas fous pour venir s’enterrer dans un bled que ses habitants fuient à la nage. Tebounne pourrait commencer par retenir les siens et délivrer des laissez-passer pour récupérer ses OQTF.

Pouvez-vous expliquer le fonctionnement de cette dictature ?

Elle a emprunté aux meilleures dictatures du monde, anciennes etactuelles. Son clavier a sept touches : Terreur, Bureaucratie, Propagande, Corruption, Mensonge, Nationalisme, Religion. Chaque touche a elle-même ses petits réglages. Ainsi, la Terreur peut être massive, sourde, psychologique, morale, aléatoire, continue, et se combiner avec Bureaucratie, Propagande, etc.

Mais vous pouvez critiquer le régime et vous ne vous en privez pas…

J’étais enseignant et haut fonctionnaire, tranquille dans mon coin. Un jour de 2003, dans une interview en France, j’ai osé dire que sous son air de parfait démocrate, Bouteflika était un islamiste que la junte militaire avait embauché pour dealer avec les islamistes, embobiner les Occidentaux avec son bagout éclectique et la sauver elle-même de la justice internationale qui instruisait contre elle sur des allégations de crimes contre l’humanité. Ma vie s’est brusquement détériorée. Je passe sur les détails, ils ennuieraient vos lecteurs, mais plusieurs touches du clavier ont été actionnées par une main invisible experte.

Votre femme n’est pas voilée ?

Toutes les femmes ne sont pas voilées en Algérie, certaines résistent encore et la mienne plus que d’autres, car elle a le malheur de m’avoir pour mari et que par-là elle est plus visée que d’autres.

La plupart des dictatures ont un visage. À qui profite le système algérien ?

L’hydre algérienne a mille têtes, les généraux, les oligarques, les religieux et le président qui fait l’équilibre. Tout leur appartient.

Comment expliquez-vous que le régime soit si hostile à la France ?

Le régime n’existe que par la France. À l’indépendance, les militaires sont descendus des maquis avec un narratif attrape-nigaud qui a merveilleusement fonctionné : « Nous avons sacrifié nos vies pour libérer le pays du colonialisme français barbare et lui ouvrir un avenir radieux, le devoir nous dicte de poursuivre le combat, la France criminelle est notre ennemi éternel. » Ils se sont ainsi offert une légitimité à vie, piégeant et le peuple, transformé en armée de réserve, et la France qui s’est engluée entre défensive et repentance.

Est-ce le recul de la culture qui a permis à l’islam de s’imposer ?

C’est l’inverse, la religion a tué la culture. On a mis du temps pour comprendre que notre désastre culturel venait du poisoninoculé au pays par les imams importés du Proche-Orient et les prêches des chaînes satellitaires islamiques. Dans ma petite ville, à 50 kilomètres d’Alger, formée autour d’un campus universitaire moderne cosmopolite avec une vraie culture, bourré de docteurs, de PHD, de chercheurs, d’étudiants, il y avait une petite mosquée oubliée, comme abandonnée. Aujourd’hui, la ville compte dix grandes mosquées toujours bondées de foules vibrantes, et ressemble au Kaboul des talibans. Le couple islam-islamisme a vaincu la science et la culture.

Pourtant, les Algériens semblent avoir unanimement condamné le terrorisme islamiste.

Ils ont condamné le terrorisme, sans l’imputer forcément aux islamistes. Beaucoup pensent que des massacres ont été commis par des agents du contre-terrorisme.

Et c’est faux ?

Non, mais la loi sur la Réconciliation interdit d’en connaître sous peine de prison. Elle a effacé cette histoire et l’a remplacée par une vague bluette appelée « la tragédie nationale ». La religion et l’armée sont blanchies, elles n’apparaissent plus comme le problème, mais comme sa solution. Le retour à la paix, c’est lui, l’islam de paix et detolérance, c’est elle, la glorieuse armée nationale. L’amnistie générale et la culture de l’oubli ont fait le reste : la fameuse régression.

On a aussi vu s’amplifier la haine contre les juifs…

On a d’abord la haine d’Israël et du sionisme, mais c’est théorique, ça fait partie du discours d’ambiance débité journellement par la radio.O n est dans Orwell, cinq minutes de haine par jour. Les juifs, c’est autre chose, là on est dans le religieux, dans l’histoire longue, la vraie magie, les vieilles terreurs et la violence incroyable du Coran contre eux, jamais expliquée. L’ordre est qu’il faut les haïr et les maudire du mieux qu’on peut, ça plaît à Allah. Les malades adorent.

Comment expliquez-vous qu’au Maroc, il reste des juifs alors qu’en Algérie il n’y en a plus du tout ?

C’est aussi vrai des chrétiens, il n’en reste plus. Comme toute dictature, le pouvoir voulait son peuple, formaté pour l’obéissance, musulman nationaliste stricto sensu, pas de curieux, pas d’espions, pas de rapporteurs, pas de contaminants. Le Maroc, c’est autre chose, on réfléchit un peu dans ce vieux pays, on a de la mémoire, la courte et la longue.

L’Algérie n’a évidemment pas signé les accords d’Abraham. Néanmoins, sont-ils un motif d’espoir pour vous ?

L’Algérie ne les signera jamais, mais moi j’y crois et j’applaudis les pays signataires. Il s’est trouvé là des hommes d’État qui ont eu ce courage, comme Sadate à l’époque, de braver l’impensable. Qu’en pensent les peuples ? Sont-ils d’accord ? J’ai des doutes. Il faut convaincre les pays du Proche-Orient, le danger est là.

Si on résume : en Algérie, il n’y a aucun espoir. Et en France, il y a des Algériens qui mettent le bazar.

C’est bien la situation. Beaucoup l’aiment comme ça, d’autres ne la voient pas ou ne veulent pas savoir. Que faire ? Continuer à alerter, à expliquer aux gens de quelle terrible façon ils vont bientôt mourir.

Y a-t-il une réconciliation possible entre la France et l’Algérie, entre les Algériens et les Français ?

Macron y croit et fait tout pour y parvenir. Son forcing sur Tebboune a abouti à ce que la commission mixte, créée en août 2022, se réunisse enfin en novembre 2023. Alleluia ! On attend la suite, mais sans rêver s’il vous plaît.

Ici, on a plutôt tendance à lui reprocher de céder tout le temps aux Algériens, de faire profil bas face à leurs accusations délirantes…

Macron pensait qu’il réussirait cette réconciliation qu’aucun président avant lui n’a pu faire. Le challenge s’est avéré un engrenage malin, il s’est trouvé obligé de multiplier les gestes pendant que Tebboune fermait une à uneles portes de la réconciliation, la dernière, l’irréparable, étant le grand remplacement du français par l’anglais, et l’arabe of course.

N’obtiendrait-on pas plus de résultats en tapant du poing sur la table ?

« Le pouvoir algérien ne croit qu’au rapport de forces »,expliquait Xavier Driencourt, dans son très remarqué opus L’Énigme algérienne. La question est alors celle-ci: la France veut-elle, sait-elle, peut-elle relever la tête et taper du poing ? Si oui, il propose de dénoncer unilatéralement l’accord de 1968 qui favorise la circulation et le séjour des Algériens en France. L’Assemblée a dit niet.

Pourquoi n’utilisez-vous pas cet accord pour quitter ce pays devenu si invivable ?

J’y pense chaque jour. Invivable est un mot faible, il faut ajouter : dangereux, absurde, parano, schizo, ridicule, désespérant, sourd, aveugle… bref, cauchemardesque. Il serait si beau, si accueillant avec un gouvernement humain, démocrate, laïque, audacieux, copain comme cochon avec une France glorieuse comme elle a toujours aimé être.

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Chemin de croix jusqu’au Mékong

Les Derniers hommes, de David Oelhoffen, film aussi réussi qu’éprouvant, suit la fuite de légionnaires français dans la jungle en Indochine, alors que les Japonais viennent d’attaquer à la fin de la Seconde Guerre mondiale…


Non, vous n’êtes pas dans le dernier opus de Werner Herzog. Ni dans un remake d’Aguirre ou la colère de Dieu transposé pendant la guerre d’Indochine. Mais dans le quatrième long métrage de David Oelhoffen, réalisateur de Loin des hommes en 2013 puis de Frères ennemis en 2018. Également scénariste, il s’est appuyé, pour ce dernier film, sur Le chien jaune, récit d’un ancien légionnaire d’Indochine, mais également sur les recherches du documentariste, anthropologue et historien Eric Deroo, spécialiste des populations autochtones dans la période coloniale.

Quand la France de Vichy collaborait avec les Japonais

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler l’arrière-plan historique où s’inscrit cette œuvre de fiction : Les derniers hommes prend sa source dans la cruelle réalité. Pendant quatre ans, la France de Vichy a collaboré avec les Japonais. La légion étrangère compte alors une bonne part d’Allemands, mais aussi des Juifs exfiltrés, des anarchistes espagnols, des Polonais, des Roumains… Le 9 mars 1945, les Japonais attaquent par surprise les postes de commandements français d’Indochine pour éradiquer toute présence coloniale. Méprisés par les Anglais, haïs par les Chinois, les légionnaires sont des proscrits.

C’est à partir d’une idée de l’acteur (cf. La 317e section, de Pierre Schoendoerffer, ou encore le merveilleux Désert des Tartares, de Valerio Zurlini) et documentaliste ornithophile Jacques Perrin (1941-2022) que David Oelhoffen s’est lancé dans l’aventure. Le film a été tourné en Guyane. Il faut se reporter au dossier de presse pour comprendre pourquoi le décor fait si parfaitement illusion : « En me rendant [en Guyane française] pour les repérages, explique le cinéaste, j’ai été très surpris en arrivant dans une ville appelée Cacao : elle était entièrement habitée par une ethnie laotienne, les Hmongs. Les Hmongs sont un peu l’équivalent des harkis pour le Sud-Est asiatique. C’était une population historiquement ostracisée par les Vietnamiens et les Chinois, qui ont décidé de soutenir les Français, puis les Américains après 1954. Lorsque les Américains ont évacué à leur tour le Vietnam et le Laos en 1973, ces populations ont été massacrées. Les survivants ont fui le pays. Les Français ont eu cette fois l’honneur de recueillir une partie de ces populations qui les avaient aidés. Un préfet a ensuite eu l’idée de les envoyer en Guyane, où personne n’arrivait à cultiver les terres. En arrivant à Cacao, je découvre donc des maisons laotiennes, des agriculteurs laotiens, des cultures en terrasse. On y parle le Hmong. » Singulier télescopage, mais dont il fallait encore savoir tirer le meilleur parti.

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Les derniers hommes élude donc à peu près totalement le contexte historique dans lequel prend place cette odyssée captivante –  mais c’est tant mieux : loin de toute approche documentariste, le film pénètre sans retour la contrée aveugle de la fatalité, de l’irréversible, du tragique à l’état pur : en 1945, une escouade de légionnaires exténués tente d’échapper à la traque des fantassins nippons, et de rejoindre, à travers la jungle, les troupes alliées en territoire chinois, à 300 km de distance. Pour ces hommes au bout du rouleau, promis à une mort certaine s’ils n’évacuent pas le « camp de repos » de Khan Khaï où ils végétaient dans un sursis précaire, commence alors un « voyage au bout de la nuit » qui tiendra le spectateur en haleine jusqu’au dénouement.  

Nature hostile et images éprouvantes

Sous la houlette de leur chef l’adjudant Janiçki (Andrzej Chyra), Lisbonne (Nuno Lopes), Karlson (Axel Granberger), Terfeuil, dit « Sorbonne » (Yann Goven), Volmann, dit « Poussin » (Felix Meyer), Tinh (Tang Va, le seul asiatique, de cette ethnie “mong” qu’on appelait les “ Meo” à l’époque coloniale), Aubrac (Arnaud Churin), Alvarez (Antonio Lopez), Mathusalem (Wim Willaer), Pepelucci dit « Musso » (Francesco Casisa), Stigmann (Aurélien Caeyman), Eisinger (Maxence Perrin – le fils du regretté Jacques Perrin), Marly (Guillaume Verdier) et Lemiotte (Guido Caprino), le “défroqué” de l’armée tenu en suspicion par ses compagnons – la colonne se lance éperdument dans la forêt hostile.

Ces hommes mal en point sauveront-ils leur peau ? Discipline, devoir d’obéissance, instinct de survie, esprit d’équipe, résistance physique et mentale sont mis à l’épreuve dans un chemin de croix qui semble les mener tous irrévocablement à leur perte. Le journal de bord du commandant ponctue, en voix off, les étapes du calvaire, la rédaction de son carnet transitant d’une plume à l’autre, à mesure que la troupe poursuivie par l’ennemi, rongée par la faim, la maladie, le désespoir qui guette, est décimée dans la torpeur tropicale… D’où quelques séquences éprouvantes, tel le scalp, filmé en gros plan, du jeune soldat japonais tombé entre les griffes de ces morts-vivants, ou cette embuscade, riveraine d’un cours d’eau paludéen, qui laisse derrière elle une flottille de noyés flottant à sa surface. Ou encore cette soudaine attaque d’un tigre, lequel a presque dévoré son homme avant d’être abattu, puis sa chair mangée par ces hères faméliques… À la lisière du fantastique, ce huis-clos sans cloisons, moite, sanglant, halluciné, nous ouvre par moments, comme par effraction, la vision d’un grandiose panorama : la nature intacte, immense, inviolée. Image du paradis perdu ? La rédemption ultime de Lemiotte, transfuge pathétique de ces garçons sacrifiés, finira par donner sens à cette quête d’un salut terrestre, au terme du martyre, sur la rive adverse du Mékong.   

Les Derniers hommes. Film de David Oelhoffen. France, couleur, 2023. Durée : 2h03. En salle le 21 février 2024

Après la honte

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Soutenez à l'Oriental, boutique parisienne depuis 1818 ! DR.

À l’Oriental était la plus ancienne boutique du Palais-Royal. Ouverte depuis 1818, cette caverne d’Ali Baba vendait des articles pour fumeurs. Le Conseil constitutionnel s’apprête à la raser pour créer une salle d’attente…


Avec précipitation et discrétion, le Centre des Monuments Nationaux (CMN) a expulsé en janvier 2024 la plus ancienne boutique du Palais-Royal encore en activité. À l’Oriental avait ouvert ses portes en 1818 et vendait, depuis, des pipes et des tabatières, des fume-cigarettes et quantité d’objets précieux ou fantaisistes en lien avec le tabac. Cette institution de quelques mètres carrés, connue dans le monde entier, comptait parmi ses clients les rois d’Espagne et du Maroc, des capitaines d’industrie, de hauts magistrats et des artistes, chanteurs, comédiens, réalisateurs, mais aussi une foultitude d’anonymes qui, en entrant dans cette caverne d’Ali Baba, accomplissaient un petit rituel, venaient y respirer le parfum du Paris d’autrefois. Ses volumes intacts témoignaient de la vie au cœur de la capitale au début du XIXe siècle : local étroit et haut de plafond, escalier à vis, entresol… Le parfait exemple du « patrimoine du quotidien ».

Raison d’État !

Le CMN, garant de notre patrimoine en général et du Paris-Royal en particulier, n’est pas à l’initiative de cette expulsion scandaleuse. Il a été le funeste exécuteur des volontés du Conseil constitutionnel.
Depuis sa nomination, son président ne cesse de pousser les murs de son palais, annexant là une cave de la Comédie-Française, là une échoppe… et lorgnait sur À l’Oriental, son voisin immédiat, afin de le raser pour agrandir sa boutique de souvenirs et créer une salle d’attente. Raison d’État. C’est ainsi que le CMN n’a même pas cherché à sauver le condamné face à d’aussi grotesques convoitises. Pour complaire au président des Sages, il a livré sur un plateau ce morceau du patrimoine des Parisiens.

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Et dans cette affaire, la honte se mêle à l’abjection. Pressé, très pressé de vendre des mugs estampillés CC et de faire assoir ses nobles visiteurs, le Conseil a réussi à faire expulser la gérante des lieux en un temps record. Les pires squatters à chiens sont traités avec plus d’égards. Rakel van Kote tenait boutique depuis près de trente ans et avait payé d’avance ses loyers pour l’année en cours. En quelques jours, ses serrures ont été changées, des scellés ont été posés et un échafaudage dressé devant ses vitrines pour camoufler le déménagement auquel elle n’a pas eu le droit d’assister. Sans inventaire préalable, et à l’abri des regards, quelque 250 cartons ont été remplis puis envoyés dans un garde-meubles loin de Paris – à ses frais. Durant cette opération, l’association SOS Paris a pu voler quelques images, à l’aide d’une caméra fixée sur une perche. Dès le lendemain de leur diffusion sur X, l’échafaudage était rehaussé ! Raison d’État.

Signez la pétition !

C’est ainsi que le garant de notre patrimoine peut nous en priver, le plus légalement du monde.
Il est toujours possible de soutenir À l’Oriental en signant cette pétition. C’est désormais une question de morale, un principe d’honneur, cette valeur que certains ont abandonnée depuis longtemps.

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Plasturgie française: quand la France assassine sa souveraineté

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Joseph Tayefeh, Secrétaire général du Syndicat de la plasturgie et des composites Plastalliance, s’inquiète des recentes mesures gouvernementales annoncées contre le plastique, et envie les agriculteurs.


Alors que le secteur agricole, pris jusqu’à présent en étau par les différentes mesures franco-françaises de surtranspositions, voit, peut-être, le bout du tunnel réglementaire au prix d’une mobilisation sans précédent, voici que le gouvernement s’est trouvé un nouveau secteur à abattre, celui de la plasturgie.

En cela, ce secteur fort de 3000 entreprises et près de 120 000 salariés sur le territoire national partage avec l’Europe un grand point en commun : celui d’être désigné comme bouc émissaire idéal pour tenter de faire oublier certaines mauvaises décisions bien nationales où l’injonction contradictoire est devenue le fil directeur politique.

A lire aussi, Transitions & Energies: Après le «greenwashing», le «greenhushing»?

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal déclarait avec grande justesse que « certains voudraient une écologie de la brutalité, pour eux l’écologie doit être punitive, douloureuse, passer par la désignation de boucs émissaires et par la décroissance. La décroissance, je vous le dis, c’est la fin de notre modèle social, c’est la pauvreté de masse, jamais je ne l’accepterai », pour annoncer dans le même discours une future initiative « contre la pollution plastique pour les 50 sites qui mettent le plus d’emballages plastiques sur le marché ». La pollution dans les océans par des déchets plastiques mal ou pas gérés, la France en est responsable à hauteur de 0,02% quand l’Asie de l’Est l’est à près de 81% (avec un pays comme les Philippines qui représente 36% à elle seule de cette pollution). Cette annonce de Gabriel Attal ne pouvait que susciter l’émoi auprès de ces 50 grandes entreprises, souvent des groupes ou des Entreprises de taille intermédiaire (ETI) présents parfois à l’international et notamment dans d’autres pays de l’Union européenne. Union qui n’a jamais considéré l’industrie plastique présente sur son sol (50 000 entreprises, un million cinq cent mille salariés) comme un ennemi. Union qui n’a jamais prévu dans aucun texte la fin des emballages plastiques à usage unique en 2040 comme le souhaite la France depuis la fameuse loi « AGEC » de 2020.

Contenter les agriculteurs ne pouvait que quelque peu mécontenter les apôtres de la décroissance. Leur offrir sur un plateau l’une des têtes de l’industrie française de la plasturgie (3e Européenne en taille) est le moyen tout trouvé pour calmer les déçus verts de rage des mesures prises au profit de l’agriculture française. Dès le lendemain du discours du Premier ministre, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, triplait la mise en matière d’attaque contre des secteurs industriels stratégiques. Le ministre souhaite ainsi « travailler avec les 50 industriels les plus dépendants des matières plastiques » dans une démarche en vue notamment « dune réduction des usages » dans les secteurs « de lemballage mais également du secteur du bâtiment, de lautomobile… ». En visant les trois premiers secteurs de la plasturgie, soit 70% de la production industrielle en la matière, le ministre ne réduira pas la pollution plastique. Il réussira en revanche à coup sûr à nettoyer la France de son industrie. C’est une réduction de notre souveraineté, de nos emplois, de notre tissu industriel et l’augmentation de notre déficit commercial qui attendra la France si les vœux ministériels deviennent réalité. C’est une mise en dépendance de la France aux matières plastiques importées car les usages que le ministre souhaite interdire seront autorisés en Europe.

A lire aussi, Sophie de Menthon: Écologie: arrêtez de nous polluer…

C’est une perspective inflationniste car le plastique est le matériau bon marché par excellence comparé à ses substituts et ce, sans compter les effets collatéraux comme l’augmentation du poids des véhicules privés de plastique, augmentation qui fera au moins la joie des finances publiques avec le malus au poids en vigueur. La méthode française, c’est nettoyer 0,02% de sa maison et faire croire que toute la maison est devenue propre. C’est faire supporter aux industriels français les errements de contrées où la poubelle de tri, c’est la rue ! C’est en définitive vouloir sacrifier un secteur industriel au prix d’une efficacité écologique nulle mais d’une augmentation des prix qui ne le sera pas.

« Plastique bashing : L’intox ? » Le Cherche Midi, 288 pages.

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Marine Le Pen est-elle légitime pour honorer un résistant?

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Paris, 7 février 2024 © Eric TSCHAEN-pool/SIPA

Marine Le Pen est indésirable à la panthéonisation de Missak Manouchian, mercredi 21 février. Du moins, c’est ce qu’a affirmé le président Macron dans L’Humanité, lundi. Il nous donne le tournis ! Marine Le Pen est invitée car il n’a pas à «faire le tri entre les élus», nous dit-il. Et puis il fait le tri, ajoutant tout de suite après qu’elle ferait mieux de s’abstenir!


Le Rassemblement national (RN) n’appartient finalement pas à l’arc républicain, de même que « Reconquête ! » et certains élus LFI – seulement certains -, selon Emmanuel Macron. Comme d’habitude, le Macron d’aujourd’hui contredit celui d’hier, lequel critiquait les postures morales d’Elisabeth Borne face au RN. Maintenant, voilà qu’il s’oppose à Gabriel Attal qui déclarait récemment que l’arc républicain, c’est tout l’hémicycle. Comme me l’a dit Céline Pina : ce n’est plus une girouette, c’est un ventilateur !

L’ascension du RN semble provoquer un vent de panique à l’Élysée. D’ailleurs, on persévère dans l’erreur, car cela n’a pas commencé hier. Depuis 40 ans, nous avons droit à des gloussements outragés, F comme fasciste, N comme nazi etc. Cette politique du cordon sanitaire a fait passer le parti de 5 à 25% des voix. C’est à croire que le but de cette politique n’est pas de combattre ce parti, mais d’exhiber sa vertu. Et de plus, cet antifascisme sans fascisme a permis de ne pas voir le danger qui vient : l’islam radical.

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Mais le RN et Marine Le Pen ont une histoire, nous dit-on. Il est tout de même curieux de chercher des poux dans le passé de Marine Le Pen et de le faire dans le journal qui a pleuré la mort de Staline. Le passé des (ancêtres des) uns leur est opposable pour l’éternité, et pour les autres, dont beaucoup ont persisté longtemps dans l’aveuglement, tout est pardonné. En prime, on accepte sans discuter dans la famille républicaine LFI qui pactise ouvertement avec des antisémites avérés. Au présent.

L’assimilation de la Résistance à la gauche est une fantastique réécriture de l’Histoire. Parmi les premiers gaullistes, il y avait le Colonel de la Roques (du 6 février 34 ![1]), il y avait aussi D’Estiennes d’Orves, un monarchiste. Et, sans vouloir être trop désagréable, rappelons que le Pacte germano-soviétique a duré jusqu’en 1941… Certes, il est avéré que Jean-Marie Le Pen a toujours minimisé les crimes de la collaboration, et que lors de la fondation du FN il y avait d’anciens collabos, et pas d’anciens résistants, et une haine envers De Gaulle (liée à l’Algérie française, pas à la Résistance). Mais sa fille dirige le parti depuis 15 ans. Elle a rompu avec fracas avec son père. Et personne n’a jamais trouvé d’elle une déclaration antisémite ou pétainiste. Dernier argument dégueulasse: on dit que Missak Manouchian était étranger et que Marine Le Pen veut arrêter l’immigration. Comme si c’était raciste ! Comme 70 % des Français. Cette assimilation, cela suffit. Évidemment, cela n’a rien à voir avec le racisme. Et penser cela n’empêche évidemment pas d’honorer des étrangers.

Par respect pour les familles, Marine Le Pen n’a pas assisté à l’hommage à Robert Badinter. Pour Manouchian et les 23, le temps du deuil privé est passé. Ils appartiennent à l’histoire de France. Sauf crime de haute trahison ou atteinte à la sécurité de l’État, personne ne peut en exclure un parti légal ou quelque groupe. Au lieu de distribuer des brevets de République, le président Macron devrait se préoccuper des territoires où elle disparaît.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth sur Sud Radio du lundi au jeudi, dans la matinale !


[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_du_6_f%C3%A9vrier_1934

Polanski: Vampire, vous avez dit vampire?

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Roman Polanski, Deauville, septembre 2019 © Jacques BENAROCH/SIPA

On apprend que le Festival du film fantastique de Gérardmer a retiré Le Bal des Vampires de la rétrospective « Vampires » de son édition, au motif que «le nom de Roman Polanski suscitait l’effroi» parmi les (jeunes) membres du jury du court-métrage. 


À vrai dire on se pince, tant cette information ressemble à un (très) mauvais canular. Ainsi les responsables du festival, pitoyablement soumis à une poignée d’activistes décérébrés, cèdent devant le prétendu « effroi » de petits maîtres censeurs ivres de leur misérable pouvoir d’intimidation. Au lieu de rire au nez de ces piètres épouvantails qu’épouvante, paraît-il, le « monstre » Polanski, et de les recadrer comme il se doit, ils renoncent à projeter le film. Pour épargner à cette innocente (et passablement ignorante) jeunesse quelque terrible « traumatisme » peut-être ? Pour ne pas se trouver à leur tour la cible de la réprobation des commandos #MeToo ? Tous aux abris alors ! Et tant pis pour l’intelligence et l’honnêteté. Du moment qu’on se trouve assuré d’être dans la zone d’intérêt, dûment sécurisée, du « Bien » selon #MeToo… Ouf, ils l’auront échappé belle – grâce à la si pure bêtise du Comité de Salut public du jour qui édicte le « vrai » et le « bon ». On attend maintenant leur acte de contrition (très tendance par les temps qui courent) pour avoir songé, ô scandale, à programmer un film du « prédateur » prototypique, « violeur-de-fillettes » comme chacun sait.

Honte à eux.

Honte à eux parce qu’ils saccagent tout regard libre sur l’œuvre d’un cinéaste dont les films, exceptionnelle et vitale école de la lucidité, nous offrent le précieux cadeau d’un art qui élargit et affine notre perception du monde et de nous-mêmes, de l’inépuisable mystère humain en somme.

Honte à eux parce qu’ils assurent, par leur pleutrerie écœurante, le règne tyrannique de la désinformation – et des aveuglements volontaires – quant à tout ce qui touche à ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Polanski ».

En kioques actuellement, Causeur #120 : Sexe: le retour de bâton

Désinformation permanente s’agissant de ce qui est arrivé en 1977 avec Samantha Geimer – une relation illicite avec une mineure, infraction pour laquelle Polanski a plaidé coupable, purgé la peine fixée (et au-delà), puis s’est trouvé victime de la délinquance judiciaire caractérisée de magistrats américains drogués aux scandales médiatiques. En dépit de cela, c’est le mot de « viol » qui demeure encore agissant dans l’opinion publique, par l’intermédiaire de la plupart des médias, couplé à la croyance entretenue que Polanski aurait fui la sanction méritée.

Aveuglements volontaires – voire complaisances à questionner – quant à des incriminations pour le moins sujettes à caution mais valant preuves (selon le dogme « Victimes on vous croit ! ») qui, telles des algues vertes prolifèrent autour de Polanski, en une litanie d’accusations dépitées plus opportunistes les unes que les autres. Qui osera examiner avec un peu de distance critique, et les yeux ouverts, les affirmations de ses accusatrices en série, peu soucieuses de leurs propres contradictions (Charlotte Lewis), ou de l’incohérence de leurs comportements : sauter au cou de son « agresseur » cinq mois après le viol avec violence allégué, comme le fit par exemple Valentine Monnier devant témoins ? Une toute petite dissonance, qu’on mettra sans sourciller sur le compte de « l’amnésie traumatique ». Qui relèvera les invraisemblances de leurs « récits » ?

Honte à eux parce que, faisant mine d’accorder du crédit à l’« effroi » fabriqué de ces médiocres et tout-puissants justiciers, ils perpétuent en somme, sans le savoir sans doute, l’ignoble soupçon qui pesa sur Roman Polanski après l’assassinat de son épouse Sharon Tate – interprète exquise du Bal des vampires –, que résuma avec une obscène infatuation Jean-Pierre Elkabbach osant lui susurrer, lors d’une interview en 1979, dix ans après le crime, « mais tout de même, vous n’étiez pas tout à fait innocent ». Un « monstre », on vous dit…

De quoi être saisi d’effroi en effet – mais face à l’horreur éhontée des propos du journaliste. Lequel dans la même interview attribua également à Polanski un goût coupable pour les « petites filles ».
Où nous retrouvons la confusion du jour, qui ne sait ni ne veut distinguer la fillette de la jeune fille.

Honte à eux tous.

« Combien de millions de fois faut-il répéter un mensonge pour qu’il devienne – momentanément – l’équivalent d’une vérité ? Beau problème pour un mathématicien de la psychologie des foules », se demandait jadis Clemenceau.
Concernant Roman Polanski et l’injuste opprobre dont on l’a recouvert, cette question nous apparaît plus que jamais urgente. Combien de temps ce moment grotesquement sinistre va-t-il encore durer ? Nul ne le sait.

Honte, honte à ceux qui en font prospérer l’iniquité stupide.

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L’imam tunisien, le drapeau national et Satan

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Mahjoub Mahjoubi. DR.

Il avait oublié les valeurs de la République sur le chemin de sa mosquée… Un prêche aussi grotesque que haineux de l’imam Mahjoub Mahjoubi, à la mosquée At-Tawba de Bagnols-sur-Cèze (30), pourrait bien lui valoir son billet retour pour la Tunisie ! Mais sera-t-il vraiment expulsé ? De toute façon, notre journaliste Céline Pina craint que M. Mahjoubi, installé depuis des décennies en France, ne soit que l’arbre qui cache la forêt islamiste.


L’imam de Bagnols-sur-Cèze n’est pas le pingouin qui glisse le plus loin sur la banquise. En effet, l’homme est menacé d’expulsion pour avoir dit explicitement ce que la plupart des imams islamistes prêchent sous le manteau : la volonté de conquête territoriale, la haine de la France et le refus de faire primer la loi française sur la culture d’origine et surtout sur le dogme islamique. Le positionnement est d’autant plus stupide qu’il y a bien plus subtil en magasin pour installer dans l’espace public des signes liés à l’islam et répandre les éléments de langage de l’islam politique.

Dérapage près du tapis de prière

La plupart des imams islamistes le savent. Ils pratiquent le double langage et jouent sur le retournement des valeurs : mettre en avant la liberté, pour imposer un signe dégradant qui refuse l’égalité aux femmes, comme le voile ; s’emparer de la laïcité pour la dévoyer en société protectrice des religions ; bâillonner la liberté d’expression et imposer la condamnation du blasphème au nom du respect de l’islam… Mais cela demande un minimum d’intelligence et de connaissance, or cet imam salafiste ne vit pas en France au XXIème siècle mais dans son rêve de conquête millénaire. En effet, ce qui lui est reproché est un dérapage lors d’un prêche où il évoque l’arrivée du Mahdi. Messie qui, selon l’islam, consacrera l’avènement des Musulmans à la fin des temps. « Il va s’autoproclamer et là, tous les gouverneurs dans toutes les gouvernances vont chuter. On n’aura plus tous ces drapeaux tricolores qui nous gangrènent, qui nous font mal à la tête, qui n’ont aucune valeur auprès d’Allah. La seule valeur qu’ils ont, c’est une valeur satanique. »

On ne serait plus à une OQTF près !

Le préfet du Gard a choisi de réagir avec promptitude et le ministre de l’Intérieur l’a conforté dans sa décision. L’imam a ainsi été signalé au procureur de la République et le retrait de son titre de séjour a été demandé afin qu’il puisse être expulsé du territoire. Jusqu’ici il y a plutôt de quoi être satisfait du déroulement de l’affaire. Et pourtant, tant que l’imam n’a pas quitté notre territoire, gardons-nous de nous réjouir : on a vu à quel point notre droit rendait compliqué toute expulsion. De surcroit, même lorsque les obstacles sont levés, les pays d’origine ne se bousculent pas pour récupérer de l’islamiste décomplexé dont ils connaissent la capacité de nuisance.

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Mah j’ai rien dit…

Mais ce qui est surtout remarquable ici, c’est le bal des faux-culs que, comme d’habitude, ce type d’affaire enclenche. Commençons par la grande comédie de la persécution et de la victimisation à laquelle se livre Mahjoub Mahjoubi, l’imam salafiste. Appelé à se justifier sur RMC, il plaide le lapsus. C’est vraiment prendre ses interlocuteurs pour des imbéciles tant ses propos s’inscrivent dans une vision du monde et des références parfaitement logiques pour un islamiste. S’il y a lapsus, c’est plutôt parce qu’il révèle ce qui est censé rester sous les radars ; une pensée conquérante qui se travestit en geignement victimaire. Mais dans son cadre de pensée, son prêche est cohérent et correspond aux représentations religieuses répandues. Ses fidèles d’ailleurs le savent bien.

Mais que dire de l’association de gestion de la Mosquée, ces « sages » et référents musulmans, censés être des garants auprès des pouvoirs publics ? Eh bien figurez-vous qu’en général, ils tombent des nues lorsqu’on leur « apprend » que leur imam est un islamiste. Bien entendu rien de cela n’est crédible. Non seulement il est impossible qu’ils ne soient pas au courant, mais en général il a même été recruté pour cela ! Il y a accord idéologique profond entre un imam et ses employeurs. L’enquête ne devrait donc pas s’arrêter à l’imam mais se pencher attentivement sur l’association de gestion et ceux qui la composent car le foyer islamiste est là. L’imam n’en est que le fruit.

Encore une affaire de bail emphytéotique !

Autres dénégations bien peu plausibles, celle du maire de Bagnols-sur-Cèze. Mais il faut dire que tout dans la construction de cette mosquée porte la marque du clientélisme. On est dans le cadre qui a été aménagé en son temps par le pouvoir socialiste pour pouvoir détourner l’interdiction de subventionnement d’un culte : le bail emphytéotique. Cela consiste à mettre à disposition d’une association musulmane, un terrain appartenant à la municipalité, lequel doit revenir théoriquement au bout d’un certain nombre d’années à la collectivité locale. C’est un moyen détourné de subventionner la construction de mosquées et un outil très utile pour obtenir des voix communautaires… Ici, par exemple, le loyer pour l’utilisation du terrain est de 1000 euros par an. Un avantage en nature conséquent. La pratique est devenue très commune et en général les liens tissés se perpétuent quel que soit le pouvoir qui s’installe en Mairie. C’est d’autant plus marqué quand une structure de gestion communautaire est radicalisée, car l’emprise sur ses membres et les fidèles est très forte. La capacité de mobilisation communautaire est donc plus importante et le rendu sur investissement communautaire plus élevé. La mosquée dont il est question a donc été construite grâce à l’aide active du Maire et à un apport décisif de la Ville (la signature du bail date de 2021).

L’estomac fragile de Jean-Yves Chapelet

Mais revenons à la politique locale. Jean-Yves Chapelet, le Maire se dit donc « estomaqué ». C’est un peu étonnant car une autre affaire avait précédemment remué le landerneau et concernait déjà la mosquée incriminée. Alors le coup du maire et des fidèles « sous le choc » est d’autant moins audible que la Préfecture précise que l’imam est suivi depuis quelques mois et qu’elle n’aurait pas qu’un seul prêche haineux à présenter au tribunal. Autre indice concordant, la nature de l’affaire précédente. Les lieux de prosélytisme islamiste ciblent souvent les enfants. Ils le font notamment par le biais de cours de soi-disant arabe, dispensés à la mosquée. La plupart du temps ce sont des cours de Coran et dans la version la plus obscurantiste qui soit. Et comme par hasard, avant le problème du prêche haineux, c’est une affaire de la sorte qui avait secoué l’association de gestion de la Mosquée. Le maire doit avoir une mémoire à éclipse. A moins qu’ayant déjà chuté de l’armoire lors de cette première affaire, il en ait perdu le souvenir.

Ce type d’affaire est appelé à se développer puisque nul ne se soucie du fait que les instituts de formation d’imams français sont aux mains des Frères Musulmans et que les imams recrutés dans les pays d’origine sont en général assez frustres, souvent rétrogrades et inadaptés à nos modes de vie quand ils ne sont pas islamistes. Mais surtout, tant que les associations de gestion ne seront pas mises en cause, que les dirigeants de celles-ci ne seront pas inquiétés et qu’il sera plus avantageux d’utiliser le clientélisme communautaire que de le combattre, rien ne changera. Cet imam sera peut-être expulsé, mais l’environnement qui a permis cette dérive, lui, n’est et ne sera probablement même pas combattu.

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Solution à deux États: une vieille nouveauté

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Des Palestiniens et des Israéliens de gauche, unis lors d’une manifestation contre le mur de séparation érigé par Israël deux ans plus tôt, Jérusalem-Est, 7 février 2004. © CIAImages/Yonathan Weitzman/Sipa Press

La guerre entre le Hamas et Israël a ravivé l’idée de la « solution à deux États » pour résoudre le conflit israélo-palestinien. C’est oublier qu’elle est sur la table depuis 1947 et que ses premiers opposants étaient les Arabes de Palestine. D’autres issues politiques sont sûrement possibles, mais dans une région débarrassée de ses islamistes.


Depuis le 7 octobre, la « solution à deux États » est de nouveau à la mode. Toute personne qui veut se montrer concernée et informée sur le sujet se doit de la brandir avec le sentiment d’avoir inventé la lune. Mais ses innombrables promoteurs préfèrent oublier qu’elle a d’abord été refusée par les Arabes en 1947.

L’idée est proposée dès 1937 par une commission chargée par la puissance mandataire britannique de trouver une solution politique au conflit entre Juifs et Arabes de Palestine. Les deux communautés refusent. Les futurs Palestiniens ouvertement et catégoriquement, les Juifs en se montrant intéressés et sans fermer la porte au principe du partage du territoire. Sans solution politique pour le « jour d’après », les Britanniques choisissent alors l’option militaire, et en moins de deux ans, écrasent le soulèvement arabe. Cette répression est l’une des principales raisons de la défaite des Palestiniens dans la guerre civile qui les oppose aux Juifs entre décembre 1947 et avril 1948.

C’est toujours non

Toutefois, avant cette guerre civile, la question du partage de la terre est à nouveau mise sur la table, cette fois par la nouvelle ONU. Les Juifs acceptent sans équivoque. Les futurs Palestiniens disent toujours non. Puis, la guerre change la donne. Israël s’installe dans des frontières un peu plus confortables que celles proposées en 1947, mais la majorité des territoires destinés à l’État-nation arabe de Palestine est occupée par l’Égypte (Gaza) et la Transjordanie (Cisjordanie et Jérusalem). En effet, la stratégie des Hachémites pendant la guerre de 1948-1949 est de contrôler ces territoires plutôt que de détruire le nouvel État juif. Et ni l’un ni l’autre n’ont profité de la situation pour créer un État palestinien. Les Hachémites restent guidés par des calculs dynastiques qui remontent aux accords entre Lawrence d’Arabie et Hussein. Trahis par leurs alliés français et britanniques, Hussein et sa maison (les Hachémites) perdent leur statut en Arabie au profit de leurs adversaires de la maison de Saoud. Les Hachémites sont dédommagés par la création de deux royaumes : la Transjordanie et l’Irak.

Des combattants palestiniens à Jérusalem en 1948. © D.R

En 1948, le roi jordanien Abdallah Iᵉʳ voit l’occasion d’agrandir son royaume, mais surtout de mettre la main sur Jérusalem, troisième ville sainte de l’islam, pour compenser la perte du chérifat de La Mecque. Pour lui, il n’est pas question d’un État palestinien ni même d’un peuple palestinien. Pour l’Égypte, surtout après la révolution (1952) et l’arrivée au pouvoir de Nasser (1954), la question palestinienne n’est qu’un outil dans son grand jeu panarabe, anti-israélien et anticolonial. Les deux territoires sont séparés et, à partir de 1959, le seul projet politique est la lutte armée contre Israël menée par le Fatah de Yasser Arafat et l’OLP contrôlée par l’Égypte.

En 1967, tout change. Le 5 juin vers midi, le roi Hussein décide de rejoindre Nasser dans la guerre contre Israël et perd la Cisjordanie et Jérusalem tandis que, sur le front égyptien, l’armée israélienne a repris la bande de Gaza.

L’échec de Nasser contribue à l’émancipation du mouvement national palestinien sous la direction d’Arafat, mais le pouvoir hégémonique à Jérusalem-Est et en Cisjordanie reste entre les mains du roi hachémite. Or, au plus fort de la guerre froide, la stratégie occidentale pour contrecarrer l’influence de l’URSS dans le monde arabe est de donner à la Jordanie un rôle clé au sein du dispositif occidental dans la région. Il fallait donc empêcher que le royaume hachémite soit transformé lui-même en république palestinienne inféodée à Moscou. Ce rôle spécial, nommé après 1967 l’« option jordanienne », refait surface en 1987 avec l’accord de Londres, négocié entre Shimon Peres et le roi Hussein, mais il est rejeté par le gouvernement israélien et enterré par le déclenchement de la première Intifada. Six ans plus tard, les accords d’Oslo sont négociés et signés entre Israéliens et Palestiniens sur la base d’une solution à deux États.

Belliqueux Hamas

Cependant, à la fin des années 1980, alors que l’OLP est sur le point d’abandonner la lutte armée, un concurrent sérieux apparaît : le Hamas. Ce dernier reprend la bannière de la lutte armée sans compromis, tout en exploitant le ressentiment croissant des Palestiniens de l’intérieur (ceux qui sont restés en Cisjordanie et à Gaza) à l’égard des fonctionnaires de l’extérieur (cadres de l’OLP) qui sont revenus après Oslo. La corruption, d’une part, et la pression violente du Hamas, d’autre part, conduisent à l’échec d’Oslo et au déclenchement de la seconde Intifada. Pour autant, l’idée des deux États n’est pas morte. Afin de surmonter la crise de l’Intifada 2001-2004, Israël propose de faire de Gaza un projet pilote pour relancer une dynamique politique dont l’objectif ultime est une solution à deux États. L’Autorité palestinienne (AP) ne voulait pas que son accord officiel sanctionne un projet dont elle redoute qu’il soit un piège, mais suite au retrait israélien de Gaza et au démantèlement de trois colonies dans le nord de la Cisjordanie (destiné à signifier que les deux territoires sont liés), elle prend effectivement le contrôle des zones évacuées par Israël en 2005.

L’électorat israélien est largement favorable à cette initiative, soutenue par les États-Unis et l’Europe. Mais l’AP perd le contrôle de la zone et deux ans plus tard, après un putsch sanglant, Gaza devient un territoire hostile sous contrôle du Hamas. Le gouvernement israélien tente néanmoins de maintenir l’option des deux États sur la table. En septembre 2008, Ehud Olmert, le Premier ministre israélien, propose un projet d’accord que Mahmoud Abbas, le président palestinien, qualifie de très prometteur, mais auquel il ne donne pas suite. Certes, Olmert est sur le point de perdre le pouvoir, mais un tel accord aurait pu changer la donne. En 2009, la victoire de Nétanyahou est intimement liée à l’échec de la solution à deux États. Il reste au pouvoir depuis parce que pour la majorité des Israéliens l’AP, minoritaire et corrompue, n’est pas crédible. Quant au Hamas, il n’a jamais caché son objectif : un État palestinien à la place d’Israël et non pas à ses côtés.

Avec un tel bilan, il est quelque peu naïf de parler aujourd’hui d’une solution à deux États comme étant la seule issue politique à la guerre de Gaza. En revanche, comme en 2005, Gaza, qu’Israël ne veut pas occuper et encore moins annexer, reste un terrain propice pour un projet pilote politique palestinien.

Ces paysans qu’on abat

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Le Premier ministre Gabriel Attal échange avec des agriculteurs mécontents lors de sa visite dans une exploitation agricole à Montastruc-de-Salies, en Haute-Garonne, 26 janvier 2024 © Morgan Fache/SIPA

Ce n’est pas une révolution, mais c’est plus qu’une révolte. La colère de nos agriculteurs sous-payés, croulant sous les normes et fliqués comme personne, témoigne d’un bouleversement civilisationnel, voire anthropologique. Dans la France de Bruxelles, les travailleurs de la terre n’ont plus leur place.


« En France, on a le droit d’être en colère, mais faut demander gentiment ! » Dépassée, la fameuse saillie de Coluche… Témoin, la récente évolution de ce que d’aucuns nomment – avec une pudeur qu’on ne leur connaissait pas – la « grogne des agriculteurs » : la mise sens dessus dessous, initiée dans le Tarn dès novembre dernier, de centaines de panneaux d’entrée de villages et de petites agglomérations à travers cette France « qui fume des clopes et roule au diesel ». À première vue, un judicieux mode d’action : d’abord, par la puissance du symbole, destiné à matérialiser l’idée selon laquelle « nous marchons sur la tête » ; ensuite, par sa dimension pacifique. Judicieux, donc ; mais inefficace. Sourde, silencieuse, la sphère politico-médiatique avait alors, en effet, bien d’autres chats à fouetter – un remaniement ministériel, la nomination du plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Ve République… Ah, cette France « d’en bas », celle des « culs-terreux », c’est loin, si loin de Paris… Lassitude ? Exaspération ? Nos agriculteurs sont, depuis, passés à la vitesse supérieure. Barrages, blocages d’autoroutes, déversements de lisier et autres tas de fumier sur les grilles des préfectures…À l’expression civilisée du mécontentement s’est substitué le rapport de force brut. « Demander gentiment » n’a décidément plus la cote.

Séditieux retourneurs de signalétique

À quelques mois des élections européennes, l’affaire risque de laisser des traces. La Macronie espère secrètement qu’il ne s’agit là que d’une énième jacquerie comme la France en connut tant, telle celle de 1358 dans le Beauvaisis, où des paysans semèrent la terreur, ou celle de juillet 1953, appelée la « journée des barricades », au cours de laquelle de jeunes agriculteurs dressèrent jusqu’à quatre cents barrages… En ce mois de janvier 2024, est-ce plus grave ? Peut-être.

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Les revendications de ces séditieux retourneurs de signalétique sont connues : d’une part, pouvoir tous vivre dignement du fruit de leur travail (un agriculteur sur cinq se situe sous le seuil de pauvreté) ; d’autre part, continuer à bénéficier du remboursement partiel de la TICPE pour l’achat de GNR (gazole non routier), tandis que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et de la Souveraineté industrielle, plaide à l’inverse pour le passage d’une « fiscalité brune » à « une fiscalité qui valorise les investissements verts » ; enfin, ne plus avoir à subir la multiplication exponentielle de normes et règlements tous plus ubuesques les uns que les autres et liés, pour la plupart, aux impératifs – le mot est faible ! –de la transition écologique, soit l’alpha et l’oméga de toute politique publique qu’ont fièrement en partage l’Union européenne et le gouvernement français. Un gouvernement, du reste, plus désireux de faire étalage de vertu que preuve de réalisme –selon Légifrance, les données du Code de l’environnement ont bondi de… 946 % entre 2002 et 2023 ! – et qui semblait jusqu’à présent ne pas percevoir le désespoir pourtant criant du cœur des campagnes. Désespoir ? Oui, et l’affaire vient de loin.

Des centaines d’agriculteurs défilent avec leurs tracteurs dans les rues de Nantes pour exprimer leur mécontentement et réclamer une aide gouvernementale immédiate, 25 janvier 2024. ©SALOM-GOMIS/Sipa

La transformation du paysan en exploitant agricole, dès les années 1960, avec la mise en place de la PAC, entraîna sa disparition – c’est un fait. Ce qu’il représentait depuis plus d’un millénaire fut sacrifié sur l’autel du rendement. Il fallait nourrir les masses. Fait historique colossal : l’agriculture française cessa d’être totalement française. L’attachement charnel que l’agriculteur éprouvait pour sa terre s’évapora. Son seul horizon, le village où chacun se mettait – comme on dit – « au même pot et au même feu »s’évanouit. « Produire, produire… À quel prix, au prix de l’homme ? » s’interroge Arthur Conte dans son remarquable ouvrage Les Paysans de France (Plon, 2000). Et de poursuivre : « Au fond d’elle-même, déjà, la classe paysanne se sent mise en cause en tant que telle, parfois sous sa propre responsabilité. Elle a comme le sentiment diffus qu’elle pourrait être menacée jusque dans son existence globale. »

La mort du paysan

Au fil des décennies, le songe européen est beaucoup moins étincelant. L’espoir se mue en inquiétude. À Paris, on regrette que la Commission ait cru devoir s’installer à Bruxelles, « où elle se donne rapidement des airs de Régente », dixit Arthur Conte. L’agriculteur devint autre, remplit d’autres fonctions, secondé par de tout autres moyens ; prisonnier consentant des subventions qui avaient conditionné son émergence, il se découvrit bientôt pieds et poings liés, contraint de s’endetter et d’adapter sa production aux injonctions de la très verticale technocratie européenne. Loin de nous l’idée de pleurer la mort du paysan ou d’éprouver à son endroit une nostalgie déplacée : derrière l’image bucolique de l’homme des champs libre et heureux, celle d’une humanité assujettie aux caprices de la nature et à la dureté du labeur demeure. Il s’agit cependant d’entendre qu’une nouvelle métamorphose est aujourd’hui en marche, sans nul doute plus profonde.

Ceux qui, à l’image de Marie Toussaint, tête de liste EELV pour les européennes, se contentent, l’air docte, de voir dans l’actuel mouvement de protestation « un problème social, pas environnemental » ; ceux qui, en outre, se figurent que nous sommes confrontés là à une simple question économique et qu’il suffira, comme le laissent penser à la fois Gabriel Attal, Premier ministre, et Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, de trouver des « solutions » par le biais d’un « dialogue apaisé », etc., etc., se trompent lourdement ou, pire, cherchent à tromper l’opinion.

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Disons-le tout net : ces centaines de tracteurs mobilisés sur les grands axes routiers sont le symptôme de bouleversements civilisationnels, voire anthropologiques inédits. L’agriculteur n’est plus en odeur de sainteté ; has been, ne comptant plus que pour 1,5 % de la population active, et donc pour bien peu électoralement, il sent que le traitement que lui réservent les tenants de la « start-up nation » relève de la mise à mort symbolique. Pour nos gouvernants et « sachants », les agriculteurs sont d’un monde lointain, sinon folklorique, auquel il suffit bien de consacrer deux semaines par an lors d’un salon, porte de Versailles. Ce qui a lieu est le reflet d’une France qui se désubstantialise. « Il y a une désertification aggravée des campagnes, destruction de la vie rurale, hypertrophie renforcée des villes. À se demander pourtant si tel n’est pas le but recherché : porter un coup mortel à la paysannerie, une classe devenue trop antiéconomique et encombrante », constatait encore, voilà plus de vingt ans, le même Arthur Conte. Que dirait-il aujourd’hui ?

Au vrai, nous avons là une criante illustration de ce que Jérôme Fourquet décrit, dans sa France d’après, comme un « vrai clivage de classes » entre la France « triple A » et la France de l’ombre – « celle qui ne fait pas rêver ». Pire, bois mort de l’humanité, l’agriculteur n’a plus sa place dans les campagnes. Il est une gêne visuelle, olfactive, sonore ; on aurait quelque agrément à le voir conjugué définitivement au passé. Que nous importe qu’il ait bâti, repeuplé, enrichi le pays ? Incarnation d’une survivance sociologique archaïque, et composante de la France périphérique qu’abhorre le progressisme, il y a beau temps qu’à l’instar d’autres administrés, la plus épidermique défiance à l’égard des dirigeants politiques a remplacé, en lui, le strict minimum vital de confiance.

Métamorphose

Comment en serait-il autrement lorsqu’il constate, par exemple, l’enthousiasme d’un Bruno Le Maire au sortir de l’inauguration d’une toute nouvelle usine de viande végétale située dans le Loiret, en mai 2022 ; lorsqu’il apprend, à la même date, que la Cour des comptes recommande « une réduction importante du cheptel » bovin français en raison du « bilan climatique défavorable » de ce mode d’élevage ; qu’à moyen terme le gouvernement français l’obligera, appliquant en cela des décisions européennes, à mettre en jachère au bas mot 4 % de ses surfaces originellement dédiées à l’exploitation ; que Pascal Canfin, député européen Renaissance (anciennement EELV), président de la commission environnementale du Parlement européen et artisan de l’« European Green Deal », affirme sans sourciller que l’on pourra à l’avenir « se passer totalement de vaches » grâce à des « technologies capables de fabriquer du lait en laboratoire », s’empressant, par ailleurs, de dénoncer une « instrumentalisation » politique du RN tandis que la contestation des agriculteurs se répand en Europe et menace d’être rejointe par d’autres professions ; lorsqu’il entend, depuis des années, certaines associations animalistes expliquer qu’il n’est pas autre chose qu’un tortionnaire avec ses bêtes, un gaspilleur d’eau et un pollueur de premier plan ; que demain l’humanité ingurgitera viande synthétique (comme l’a montré Gilles Luneau dans Steak barbare), insectes, fruits et légumes créés hors-sol, et que l’on doit donc dès à présent congédier toute nourriture ancrée dans un terroir au profit de nutriments bons pour la planète, décarbonés, déracinés, « mondialisables » ? Dans son roman d’anticipation Ravage (paru en 1943 !), René Barjavel avait décrit le vieux continent européen réduit à quelques mégalopoles gigantesques, entrecoupées d’espaces vides. Nous y sommes presque…

Une poignée d’exemples entre mille, et qui tous conduisent à ces conclusions : l’écologie punitive est désormais la pierre angulaire de toute politique, européenne comme nationale ; peu importe ce qu’il adviendra de l’agriculteur attaché à travailler sa terre, car seule la Terre compte ; peu importe que, parmi les représentants de cette profession, on dénombre deux suicides par jour ; peu importe que l’environnement lui-même pâtisse à brève échéance de leur éviction programmée, les espaces naturels devant être selon certains idéologues – et c’est particulièrement dangereux – désanthropisés d’urgence…Nos gouvernants ont-ils oublié la loi d’airain selon laquelle on mesure la qualité et l’entretien d’un paysage à l’aune de la présence ou de l’absence de l’agriculture ? En France, il y a autant de paysages que de régions. Des régions que le géographe Jean-Robert Pitte estime à… six cents, éblouissante fresque où se mêle « le clair et l’obscur, l’ordre et l’anarchie, l’intime et l’écrasant ». Non pas un « concept », mais une réalité physique, culturelle, éprouvée au gré de deux cents générations « qui ont façonné le visage de la France depuis le Néolithique ». Le support de vies sur le point d’être altérées, raturées, niées – voyez la prolifération des éoliennes : « Nous subissons chaque jour l’insulte de la laideur », s’insurgeait, il y a peu, l’académicien Jean-Marie Rouart. Le gouvernement français et la Commission européenne ont-ils pour intention de faire fi de cette histoire, de notre histoire ? Ce même gouvernement osera-t-il in fine s’affranchir des diktats européens ? Que lui en coûterait-il ? Un peu de courage ?

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Répétons-le : ce à quoi nous assistons n’est pas une crise, un remous passager, mais les prémices d’une métamorphose anthropologique fondée sur une utopie qui a pénétré les plus hautes instances décisionnaires. Les dieux ont soif. Ce qui est tragique ? C’est que « tout était écrit », ainsi que l’ont récemment déclaré François-Xavier Bellamy, tête de liste LR pour l’élection européenne 2024, et Anne Sander, députée LR au Parlement européen et négociatrice de la PAC pour le groupe PPE. « Lorsque la Commission européenne a publié en mai 2020 sa stratégie dite “Farm to Fork” (“de la ferme à la fourchette”), le principe était clair : la transition verte de l’agriculture européenne imposait sa décroissance. »

L’UE, cette construction transcendante, se heurte sous nos yeux à tous ceux qui, à l’intérieur des nations, sont porteurs de cultures héritées, inscrites dans la continuité historique, qui seule confère aux hommes les soubassements de leur identité. Son adhésion assumée à l’idéologie mortifère de la décroissance a pour unique fonction de faire table rase, en l’asphyxiant, de cet ancien monde auquel appartenaient hier encore nos paysans, afin de demeurer dans le sens de l’histoire et d’en écrire une nouvelle page : voici venu le temps du grand palimpseste. Alors que 89 % des Français affirment soutenir les agriculteurs, comment nos dirigeants politiques pourraient-ils répondre aux angoisses proprement existentielles de ces derniers sans se désavouer de bout en bout et sans, pour autant, ignorer cette adhésion populaire massive ? Là est, assurément, l’enjeu crucial.

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Emmanuel Macron est une girouette…

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Arras, 13 octobre 2024 © LUDOVIC MARIN-POOL/SIPA

Le chef de l’État, interrogé par L’Humanité, fait une énième volte-face concernant le fameux «arc républicain», et désavoue son Premier ministre. Malheureusement, le président Macron n’est plus à une incohérence près. Et nul doute qu’il aurait dit autre chose si on lui avait demandé de parler du même sujet chez Valeurs actuelles


Plus le Rassemblement national monte, plus on l’invite à n’être présent nulle part. Ce serait le comble du ridicule si cela ne révélait le caractère dramatiquement inconséquent de notre président de la République. On vient d’apprendre de sa part, dans un entretien avec le journal L’Humanité, que le RN dorénavant n’est plus dans « l’arc républicain » et qu’il devrait s’abstenir de participer à la cérémonie de panthéonisation du couple Manouchian. Marine Le Pen ne prendra pas en compte ce qu’elle tient pour un propos outrageant et sera présente. Il faut que L’Humanité en ait pour son argent : Emmanuel Macron n’est pas un ingrat !

Incohérences macroniennes

Sans être impertinent, il ne serait pas choquant de dénier au président le droit de sonder le cœur et les reins des personnalités politiques, d’en exclure certaines et d’en légitimer d’autres. Plus profondément, le nombre de voltes sur l’arc républicain de ce pouvoir est impressionnant. Et j’y inclus évidemment, avec le président, l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne qui n’avait rien trouvé de mieux à l’origine que de sortir de l’arc républicain le RN et LFI.

Une fois le RN y était, le lendemain il était ostracisé. Tout cela est d’autant plus navrant que le président s’est piqué de donner des leçons à son camp en lui transmettant sa bonne méthode pour contrer le RN. Il ne fallait surtout plus se situer sur le plan moral mais délaisser la dénonciation éthique au profit de la contestation politique. Par ailleurs, le 9 février, dans les marges d’un déplacement à Bordeaux, Emmanuel Macron avait invoqué une forme de normalité dans les rapports à avoir avec le RN. Comprenne qui pourra.

Acceptons qu’aucune cohérence ne peut être trouvée ni maintenue – on le constate – avec Emmanuel Macron qui, girouette, change d’opinion en fonction de ses interlocuteurs. Il ne dit jamais ce qu’il pense puisque sa pensée n’est pas inaltérable, mais ce qu’il estime devoir exprimer pour séduire ceux auxquels il s’adresse.

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Cette extrême faiblesse de notre président le conduisant à refuser d’avoir un cap stable, est démontrée par son dialogue avec L’Humanité. Il aurait été hors de question pour lui de s’en tenir à une conviction ferme et de l’opposer à ses questionneurs ; il convenait au contraire qu’il s’adaptât à eux pour qu’il puisse jouir de ce qui le comble le plus : aller vers l’autre pour être aimé et applaudi dans l’instant.

Oui… mais non

Ce n’est pas seulement sur ces sujets que le président alterne d’un jour à l’autre. Pour la vie internationale, il n’a pas lésiné pour faire entendre ici ce qu’on avait envie d’écouter et là, dès le lendemain, son contraire parce que l’environnement avait changé. Il lui était impossible de s’en tenir à une seule vision qui aurait impliqué une sincérité et une constance qu’il n’a jamais eues et surtout de faire le deuil de cette perversion l’incitant à proférer oui quand il pressent le oui, ou non quand il prévoit le non. Quand le oui et le non sont nécessaires s’ils résultent d’une conviction qui ne flotte pas au gré des vents et des rencontres.

Le président n’invente pas, il s’adapte et se coule dans le moule. Il met ses mots au service, autant qu’il le peut, du journal communiste. Pour L’Humanité, on a eu droit au Macron de gauche, enfourchant les poncifs et les idées progressistes qui convenaient. Avec Valeurs actuelles, assurément, on aurait eu l’inverse. Ce narcissisme et ce cocon dont il s’entoure – ce qui n’interdit pas une dureté par ailleurs – demeureraient critiquables, mais sans effet majeur, s’ils ne débordaient pas de son périmètre personnel. En réalité ils sont dévastateurs quand on relève à quel point le verbe présidentiel entrave la mission du Premier ministre qui, lui, n’a que le tort d’avoir une pensée stable, une conviction solide et une expression lucide.

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En effet, comment ne pas approuver Gabriel Attal quand il énonce cette double évidence à la fois républicaine et pragmatique, que l’arc républicain est pour lui tout l’hémicycle ? En même temps vérité constitutionnelle et démocratique et affirmation empirique qui pourra lui permettre d’engager des débats et de favoriser des compromis avec des forces qui seraient peu enclines à dialoguer si par principe et absurdement on les excluait de l’arc républicain.

Il est clair que le président n’a cure de cette justice républicaine ni de cette morale parlementaire. Qu’il rende plus difficile la tâche de son Premier ministre lui importe peu. Puisque séduire L’Humanité était sa vérité du moment.

Le Voltaire algérien

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Boualem Sansal © Hannah Assouline

Pour avoir dénoncé dans son pays l’entente tacite entre les militaires et les islamistes, Boualem Sansal est devenu la cible d’un parti dévot et la bête noire du pouvoir. Le romancier, qui estime que l’islam a tué la culture, tire pour nous la sonnette d’alarme: la France est en pleine régression, et a atteint un point de bascule. Propos recueillis par Elisabeth Lévy, Gil Mihaely et Jean-Baptiste Roques.


Causeur. Dans votre roman Vivre, un petit groupe d’« appelés » apprend que la Terre va bientôt disparaître. Ils ont la possibilité de sauver une partie de l’humanité, qu’ils appellent les « élus ». Que nous raconte ce terrible impératif de sélection ?

Boualem Sansal. Le dilemme fait partie de la condition humaine ! Ce qui est nouveau et terrifiant ici, c’est l’immensité de l’opération et le délai imparti, sept cent quatre-vingts petits jours pour choisir, parmi les 8 milliards d’habitants de la Terre, les 3 à 4 milliards qui seront sauvés. C’est mission impossible à tous points de vue, organisationnel, matériel, moral, politique, religieux. Les appelés refusent cette responsabilité, puis s’y résignent. Ne pas le faire, c’est voir l’humanité disparaître, accepter, c’est en sauver une partie qui pourrait surune autre planète s’inventer une nouvelle vie, fonder une nouvelle humanité. Le rêve.

À la différence des grands monothéismes, la religion de l’écologie annonce que personne ne sera sauvé. Puisque nous sommes tous coupables…

Le problème avec les Prophètes, religieux ou civils, c’est qu’ils parlent avec des majuscules : la Vérité, le Destin déjà tracé, la Culpabilité, le Châtiment. Comment discuter avec eux quand on est un homme minusculeet malveillanta priori ? La véritable religion de l’homme, c’est le réel, c’est là qu’il habite, et c’est avec lui qu’il doit s’arranger.

Vous n’avez pas juste un problème avec Dieu, mais avec l’autorité en général. « Les humains, écrivez-vous,n’ont pas d’autres ennemis sur Terre que leur gouvernement, d’où l’intérêt vital qu’ils se gouvernent eux-mêmes. »

Je le pense. Le gouvernement tient son pouvoir du peuple, mais une fois aux commandes, il se croit son propre créateur, par génération spontanée, se bombarde Deus ex-machina et fait ce qu’il veut de nos vies et de nos biens.

Ce qu’il veut, c’est mal imité compte tenu de son impuissance réelle. A-t-il existé dans l’Histoire des systèmes qui ont marché différemment ?

Athènes dans l’Antiquité, la Suisse aujourd’hui où on vote tous les matins ; c’est possible parce que c’est un petit pays sérieux. Dans les grands pays,le référendum est un moyen pour le peuple souverain de reprendre la main et de recadrer le gouvernement.Mais le peuple est mort, vivent les consommateurs !

Vous dressez un portrait cocasse de la France wokisée. Avec l’épisode hilarant d’une réforme fantôme qui déclenche polémiques et batailles politiques.

Les intellectuels français d’avant-garde n’ont pas attendu le wokisme américain pour inventer le leur, un truc péremptoire et sournois, franchement minable. Monter en chaire et déclamer du vide par hologramme, ça ils aiment. Ils sont le crépuscule de cette merveilleuse société savante qui a fait les Lumières et la grandeur de la France.

Il est beaucoup question de religion dans votre livre. Avez-vous été croyant dans votre vie ?

Je suis un athée de naissance, irréductible mais pas fanatique. Pour moi, l’athéisme est la seule foi raisonnable dans ce monde de fous, on a déjà du mal à s’entendre sur des choses simples, si on ajoute les dieux et la religion, on va s’entretuer comme on le fait depuis des siècles. Restons entre humains.

Dans votre livre, toutes les religions en prennent pour leur grade.

L’islamique surtout, la petite dernière, elle est née arméede tant de prétentions et de brutalités qu’on ne sait quoi lui opposer. Elle nous refuse et nous dénie notre dignité humaine. Elle est pourtant née du judaïsme qui a fait de l’étude et du débat sans intention prosélyte un outil de connaissance privilégié. C’est une religion parfaite de ce point de vue-là. Elle devrait l’imiter, ce n’est pas honteux d’imiter ses parents. Enfin bon, elle a seshalachiquescomme chacun et ils ne sont pas commodes. Il faudraittous lespiquer au sérum de laïcité et les renvoyer à leurs yeshivot, médersas et autres ashrams lointains.

Vous avez eu cette formule : « Un islamiste est un musulman impatient. » N’existe-t-il pas un islam avec lequel on pourrait vivre tranquillement ?

Allah le veut :« l’islam doit régner sur terre », point. Le reste doit disparaître. Depuis sa naissance il est en marche, concentré sur l’objectif. Bilan à ce jour : il règne sur 49 pays et progresse hardiment dans 30 autres, dont la France, compte 2 milliards de fidèles, soit 25 % de la population mondiale, et ne manque pas de bénévoles idiots. Il n’y a plus d’endroit au monde où on vit tranquillement avec l’islam, quelles que soient sa foi et les concessions qu’on lui fait pour l’amadouer.

Cet islamisme, qui fournit, en même temps que des règles, une identité et une communauté de référence, séduit une grande partie de la jeunesse musulmane en Europe. Comment combattre cette emprise ? À l’évidence, pas par la science et la raison…

Comment lutter contre une croyance sans croyance ? C’est une bonne question. Je n’ai pas la réponse. Je suis frappé par le fait que l’islam qui se déploie en France depuis un siècle n’a en rien été ébranlé, influencé, par la société française, ses valeurs, son anthropologie. J’ai visité la France et je l’ai vu de mes yeux : une régression colossale est en marche dans ses territoires et dans l’âme de ses enfants. C’était donc vrai, l’inversion des pôles a atteint le point de bascule.

Il y a quelques jours, le président algérien a lancé un message à ses compatriotes émigrés : « Si vous êtes malheureux, revenez, on a besoin de vous. » Compte tenu de l’échec patent de l’intégration d’une partie des descendants d’immigrés, ne pourraient-ils pas trouver une meilleure vie dans le pays de leurs parents ?

Les programmes d’aide au retour n’ont jamais manqué. Sur les trente dernières années, on a rapatrié quoi, 2 000 à 3 000 personnes, dont une partie est repartie aussitôt. Il n’y a pas assez d’emplois en Algérie ni de moyens pour faire plus. Et puis le pays est une dictature, rappelez-vous, et des plus ennuyeuses, les Franco-Algériens ne sont pas fous pour venir s’enterrer dans un bled que ses habitants fuient à la nage. Tebounne pourrait commencer par retenir les siens et délivrer des laissez-passer pour récupérer ses OQTF.

Pouvez-vous expliquer le fonctionnement de cette dictature ?

Elle a emprunté aux meilleures dictatures du monde, anciennes etactuelles. Son clavier a sept touches : Terreur, Bureaucratie, Propagande, Corruption, Mensonge, Nationalisme, Religion. Chaque touche a elle-même ses petits réglages. Ainsi, la Terreur peut être massive, sourde, psychologique, morale, aléatoire, continue, et se combiner avec Bureaucratie, Propagande, etc.

Mais vous pouvez critiquer le régime et vous ne vous en privez pas…

J’étais enseignant et haut fonctionnaire, tranquille dans mon coin. Un jour de 2003, dans une interview en France, j’ai osé dire que sous son air de parfait démocrate, Bouteflika était un islamiste que la junte militaire avait embauché pour dealer avec les islamistes, embobiner les Occidentaux avec son bagout éclectique et la sauver elle-même de la justice internationale qui instruisait contre elle sur des allégations de crimes contre l’humanité. Ma vie s’est brusquement détériorée. Je passe sur les détails, ils ennuieraient vos lecteurs, mais plusieurs touches du clavier ont été actionnées par une main invisible experte.

Votre femme n’est pas voilée ?

Toutes les femmes ne sont pas voilées en Algérie, certaines résistent encore et la mienne plus que d’autres, car elle a le malheur de m’avoir pour mari et que par-là elle est plus visée que d’autres.

La plupart des dictatures ont un visage. À qui profite le système algérien ?

L’hydre algérienne a mille têtes, les généraux, les oligarques, les religieux et le président qui fait l’équilibre. Tout leur appartient.

Comment expliquez-vous que le régime soit si hostile à la France ?

Le régime n’existe que par la France. À l’indépendance, les militaires sont descendus des maquis avec un narratif attrape-nigaud qui a merveilleusement fonctionné : « Nous avons sacrifié nos vies pour libérer le pays du colonialisme français barbare et lui ouvrir un avenir radieux, le devoir nous dicte de poursuivre le combat, la France criminelle est notre ennemi éternel. » Ils se sont ainsi offert une légitimité à vie, piégeant et le peuple, transformé en armée de réserve, et la France qui s’est engluée entre défensive et repentance.

Est-ce le recul de la culture qui a permis à l’islam de s’imposer ?

C’est l’inverse, la religion a tué la culture. On a mis du temps pour comprendre que notre désastre culturel venait du poisoninoculé au pays par les imams importés du Proche-Orient et les prêches des chaînes satellitaires islamiques. Dans ma petite ville, à 50 kilomètres d’Alger, formée autour d’un campus universitaire moderne cosmopolite avec une vraie culture, bourré de docteurs, de PHD, de chercheurs, d’étudiants, il y avait une petite mosquée oubliée, comme abandonnée. Aujourd’hui, la ville compte dix grandes mosquées toujours bondées de foules vibrantes, et ressemble au Kaboul des talibans. Le couple islam-islamisme a vaincu la science et la culture.

Pourtant, les Algériens semblent avoir unanimement condamné le terrorisme islamiste.

Ils ont condamné le terrorisme, sans l’imputer forcément aux islamistes. Beaucoup pensent que des massacres ont été commis par des agents du contre-terrorisme.

Et c’est faux ?

Non, mais la loi sur la Réconciliation interdit d’en connaître sous peine de prison. Elle a effacé cette histoire et l’a remplacée par une vague bluette appelée « la tragédie nationale ». La religion et l’armée sont blanchies, elles n’apparaissent plus comme le problème, mais comme sa solution. Le retour à la paix, c’est lui, l’islam de paix et detolérance, c’est elle, la glorieuse armée nationale. L’amnistie générale et la culture de l’oubli ont fait le reste : la fameuse régression.

On a aussi vu s’amplifier la haine contre les juifs…

On a d’abord la haine d’Israël et du sionisme, mais c’est théorique, ça fait partie du discours d’ambiance débité journellement par la radio.O n est dans Orwell, cinq minutes de haine par jour. Les juifs, c’est autre chose, là on est dans le religieux, dans l’histoire longue, la vraie magie, les vieilles terreurs et la violence incroyable du Coran contre eux, jamais expliquée. L’ordre est qu’il faut les haïr et les maudire du mieux qu’on peut, ça plaît à Allah. Les malades adorent.

Comment expliquez-vous qu’au Maroc, il reste des juifs alors qu’en Algérie il n’y en a plus du tout ?

C’est aussi vrai des chrétiens, il n’en reste plus. Comme toute dictature, le pouvoir voulait son peuple, formaté pour l’obéissance, musulman nationaliste stricto sensu, pas de curieux, pas d’espions, pas de rapporteurs, pas de contaminants. Le Maroc, c’est autre chose, on réfléchit un peu dans ce vieux pays, on a de la mémoire, la courte et la longue.

L’Algérie n’a évidemment pas signé les accords d’Abraham. Néanmoins, sont-ils un motif d’espoir pour vous ?

L’Algérie ne les signera jamais, mais moi j’y crois et j’applaudis les pays signataires. Il s’est trouvé là des hommes d’État qui ont eu ce courage, comme Sadate à l’époque, de braver l’impensable. Qu’en pensent les peuples ? Sont-ils d’accord ? J’ai des doutes. Il faut convaincre les pays du Proche-Orient, le danger est là.

Si on résume : en Algérie, il n’y a aucun espoir. Et en France, il y a des Algériens qui mettent le bazar.

C’est bien la situation. Beaucoup l’aiment comme ça, d’autres ne la voient pas ou ne veulent pas savoir. Que faire ? Continuer à alerter, à expliquer aux gens de quelle terrible façon ils vont bientôt mourir.

Y a-t-il une réconciliation possible entre la France et l’Algérie, entre les Algériens et les Français ?

Macron y croit et fait tout pour y parvenir. Son forcing sur Tebboune a abouti à ce que la commission mixte, créée en août 2022, se réunisse enfin en novembre 2023. Alleluia ! On attend la suite, mais sans rêver s’il vous plaît.

Ici, on a plutôt tendance à lui reprocher de céder tout le temps aux Algériens, de faire profil bas face à leurs accusations délirantes…

Macron pensait qu’il réussirait cette réconciliation qu’aucun président avant lui n’a pu faire. Le challenge s’est avéré un engrenage malin, il s’est trouvé obligé de multiplier les gestes pendant que Tebboune fermait une à uneles portes de la réconciliation, la dernière, l’irréparable, étant le grand remplacement du français par l’anglais, et l’arabe of course.

N’obtiendrait-on pas plus de résultats en tapant du poing sur la table ?

« Le pouvoir algérien ne croit qu’au rapport de forces »,expliquait Xavier Driencourt, dans son très remarqué opus L’Énigme algérienne. La question est alors celle-ci: la France veut-elle, sait-elle, peut-elle relever la tête et taper du poing ? Si oui, il propose de dénoncer unilatéralement l’accord de 1968 qui favorise la circulation et le séjour des Algériens en France. L’Assemblée a dit niet.

Pourquoi n’utilisez-vous pas cet accord pour quitter ce pays devenu si invivable ?

J’y pense chaque jour. Invivable est un mot faible, il faut ajouter : dangereux, absurde, parano, schizo, ridicule, désespérant, sourd, aveugle… bref, cauchemardesque. Il serait si beau, si accueillant avec un gouvernement humain, démocrate, laïque, audacieux, copain comme cochon avec une France glorieuse comme elle a toujours aimé être.

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Chemin de croix jusqu’au Mékong

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© GALATÉE FILMS / TANDEM DISTRIB.

Les Derniers hommes, de David Oelhoffen, film aussi réussi qu’éprouvant, suit la fuite de légionnaires français dans la jungle en Indochine, alors que les Japonais viennent d’attaquer à la fin de la Seconde Guerre mondiale…


Non, vous n’êtes pas dans le dernier opus de Werner Herzog. Ni dans un remake d’Aguirre ou la colère de Dieu transposé pendant la guerre d’Indochine. Mais dans le quatrième long métrage de David Oelhoffen, réalisateur de Loin des hommes en 2013 puis de Frères ennemis en 2018. Également scénariste, il s’est appuyé, pour ce dernier film, sur Le chien jaune, récit d’un ancien légionnaire d’Indochine, mais également sur les recherches du documentariste, anthropologue et historien Eric Deroo, spécialiste des populations autochtones dans la période coloniale.

Quand la France de Vichy collaborait avec les Japonais

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler l’arrière-plan historique où s’inscrit cette œuvre de fiction : Les derniers hommes prend sa source dans la cruelle réalité. Pendant quatre ans, la France de Vichy a collaboré avec les Japonais. La légion étrangère compte alors une bonne part d’Allemands, mais aussi des Juifs exfiltrés, des anarchistes espagnols, des Polonais, des Roumains… Le 9 mars 1945, les Japonais attaquent par surprise les postes de commandements français d’Indochine pour éradiquer toute présence coloniale. Méprisés par les Anglais, haïs par les Chinois, les légionnaires sont des proscrits.

C’est à partir d’une idée de l’acteur (cf. La 317e section, de Pierre Schoendoerffer, ou encore le merveilleux Désert des Tartares, de Valerio Zurlini) et documentaliste ornithophile Jacques Perrin (1941-2022) que David Oelhoffen s’est lancé dans l’aventure. Le film a été tourné en Guyane. Il faut se reporter au dossier de presse pour comprendre pourquoi le décor fait si parfaitement illusion : « En me rendant [en Guyane française] pour les repérages, explique le cinéaste, j’ai été très surpris en arrivant dans une ville appelée Cacao : elle était entièrement habitée par une ethnie laotienne, les Hmongs. Les Hmongs sont un peu l’équivalent des harkis pour le Sud-Est asiatique. C’était une population historiquement ostracisée par les Vietnamiens et les Chinois, qui ont décidé de soutenir les Français, puis les Américains après 1954. Lorsque les Américains ont évacué à leur tour le Vietnam et le Laos en 1973, ces populations ont été massacrées. Les survivants ont fui le pays. Les Français ont eu cette fois l’honneur de recueillir une partie de ces populations qui les avaient aidés. Un préfet a ensuite eu l’idée de les envoyer en Guyane, où personne n’arrivait à cultiver les terres. En arrivant à Cacao, je découvre donc des maisons laotiennes, des agriculteurs laotiens, des cultures en terrasse. On y parle le Hmong. » Singulier télescopage, mais dont il fallait encore savoir tirer le meilleur parti.

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Les derniers hommes élude donc à peu près totalement le contexte historique dans lequel prend place cette odyssée captivante –  mais c’est tant mieux : loin de toute approche documentariste, le film pénètre sans retour la contrée aveugle de la fatalité, de l’irréversible, du tragique à l’état pur : en 1945, une escouade de légionnaires exténués tente d’échapper à la traque des fantassins nippons, et de rejoindre, à travers la jungle, les troupes alliées en territoire chinois, à 300 km de distance. Pour ces hommes au bout du rouleau, promis à une mort certaine s’ils n’évacuent pas le « camp de repos » de Khan Khaï où ils végétaient dans un sursis précaire, commence alors un « voyage au bout de la nuit » qui tiendra le spectateur en haleine jusqu’au dénouement.  

Nature hostile et images éprouvantes

Sous la houlette de leur chef l’adjudant Janiçki (Andrzej Chyra), Lisbonne (Nuno Lopes), Karlson (Axel Granberger), Terfeuil, dit « Sorbonne » (Yann Goven), Volmann, dit « Poussin » (Felix Meyer), Tinh (Tang Va, le seul asiatique, de cette ethnie “mong” qu’on appelait les “ Meo” à l’époque coloniale), Aubrac (Arnaud Churin), Alvarez (Antonio Lopez), Mathusalem (Wim Willaer), Pepelucci dit « Musso » (Francesco Casisa), Stigmann (Aurélien Caeyman), Eisinger (Maxence Perrin – le fils du regretté Jacques Perrin), Marly (Guillaume Verdier) et Lemiotte (Guido Caprino), le “défroqué” de l’armée tenu en suspicion par ses compagnons – la colonne se lance éperdument dans la forêt hostile.

Ces hommes mal en point sauveront-ils leur peau ? Discipline, devoir d’obéissance, instinct de survie, esprit d’équipe, résistance physique et mentale sont mis à l’épreuve dans un chemin de croix qui semble les mener tous irrévocablement à leur perte. Le journal de bord du commandant ponctue, en voix off, les étapes du calvaire, la rédaction de son carnet transitant d’une plume à l’autre, à mesure que la troupe poursuivie par l’ennemi, rongée par la faim, la maladie, le désespoir qui guette, est décimée dans la torpeur tropicale… D’où quelques séquences éprouvantes, tel le scalp, filmé en gros plan, du jeune soldat japonais tombé entre les griffes de ces morts-vivants, ou cette embuscade, riveraine d’un cours d’eau paludéen, qui laisse derrière elle une flottille de noyés flottant à sa surface. Ou encore cette soudaine attaque d’un tigre, lequel a presque dévoré son homme avant d’être abattu, puis sa chair mangée par ces hères faméliques… À la lisière du fantastique, ce huis-clos sans cloisons, moite, sanglant, halluciné, nous ouvre par moments, comme par effraction, la vision d’un grandiose panorama : la nature intacte, immense, inviolée. Image du paradis perdu ? La rédemption ultime de Lemiotte, transfuge pathétique de ces garçons sacrifiés, finira par donner sens à cette quête d’un salut terrestre, au terme du martyre, sur la rive adverse du Mékong.   

Les Derniers hommes. Film de David Oelhoffen. France, couleur, 2023. Durée : 2h03. En salle le 21 février 2024