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Colère des agriculteurs: la macronie récolte les graines qu’elle a semées

Une tribune libre de Thomas Ménagé, député (RN) du Loiret


Colère des agriculteurs: la macronie récolte les graines qu’elle a semées
Agriculteurs en colère, Bruxelles, 1er février 2024 © Shutterstock/SIPA

L’Union européenne a sacrifié les agriculteurs français. Et le gouvernement français a laissé faire.


En politique comme en toutes choses, rien n’est sans cause. Si les agriculteurs, éleveurs et exploitants répandent aujourd’hui leurs tracteurs sur les routes de France, c’est parce que les gouvernements successifs ont semé les graines de la colère et du mépris depuis qu’ils ont laissé les clés de la ferme française à Bruxelles.

L’agriculture comme monnaie d’échange

Chaque année, nos filières agricoles font l’objet d’obscurs tripatouillages dans les bureaux de l’Union européenne, où les représentants français décident de contingenter tant de tonnes de volaille, de porc ou de bœuf en échange de telle ou telle quantité de voitures allemandes, au grand détriment des producteurs français et au grand bénéfice des industriels d’outre-Rhin.

Tout le fruit du labeur de nos près de 500 000 exploitants agricoles se retrouve bradé dans le grand étalage de la mondialisation sauvage. Depuis que les responsables politiques français se sont jetés, les yeux fermés, dans les accords de Maastricht en 1992, d’Amsterdam en 1997 et de Lisbonne en 2007, le nombre d’exploitations n’a cessé de baisser et les conditions de vie des agriculteurs de chuter.

Pendant que le traité d’Amsterdam se vantait de créer un « espace de liberté, de sécurité et de justice », l’Union européenne a enfermé les agriculteurs dans un triple-étau de captivité, d’insécurité et d’injustice. De captivité parce que les agriculteurs sont soumis à des normes pullulantes et incompréhensibles. D’insécurité parce que la versatilité des prix des intrants (qui ont bondi de 22% en 2022) et des matières premières (+ 40% sur l’énergie en 2022) les empêche d’ajuster la production en fonction des besoins et des capacités. Et enfin d’injustice parce que la France importe à moindre coût des produits fabriqués aux quatre coins du globe sans les mêmes exigences que les nôtres.

Pendant que l’Union européenne négocie, signe, approuve, défend et promeut un modèle mortifère, les agriculteurs français se lèvent chaque jour pour travailler leurs terres, sous un horizon qui s’obscurcit chaque jour. L’Union européenne a promis la « ferme à la fourchette », mais les fermes meurent à la louche, et les agriculteurs ne ressentent que le couteau qu’ils ont dans le dos.

Une agriculture française sacrifiée par l’Union européenne

Dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), la France est l’un des rares pays qui contribue chaque année à hauteur de 7 à 9 milliards d’euros nets. Ce système mis en place depuis 1962 étouffe par son embolie bureaucratique et épuisante pour les agriculteurs. Les réformes entreprises dans le cadre de la « nouvelle PAC » alourdissent encore les contraintes qui pèsent sur les exploitants, et personne ne s’y retrouve. Si les eurodéputés du Rassemblement National ont voté pour, c’était pour éviter de faire empirer la situation à court-terme, en attendant de vraies mesures structurelles.

Au-delà de cette PAC qui ne fonctionne que par l’essorage de l’agriculture française, les tracteurs défilent sur les routes parce que plus de 42 accords de libre-échange conclus par l’Union européenne sont actuellement en vigueur. Le Premier ministre Gabriel Attal a eu beau jeu, en Haute-Garonne, de prononcer une allocution armé de ses fiches posées sur un ballot de paille pour dénoncer l’ineptie de ces accords, il a lui-même avoué que ces accords sont en réalité la « loi de la jungle ». C’est bien, mais c’est un peu tard. C’est également légèrement osé d’assimiler le libre-échange à la loi de la jungle alors que pendant des années il a vu avec admiration Emmanuel Macron passer de branche en branche et d’arbre en arbre pour saccager de plus en plus de filières agricoles dans une jungle qui a toujours été leur terrain de jeux.

Gabriel Attal s’adresse aux agriculteurs, au lieu-dit Saint-Martin, à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne), le 26 janvier 2024 © Miguel MEDINA / AFP

C’est tout ce camp libéral qui a lancé les agriculteurs français dans la jungle européenne et mondiale du libre-échange dérégulé, et c’est lui qui le regrette aujourd’hui, peut-être même sincèrement. Emmanuel Macron était déjà ministre sous la présidence de François Hollande, pendant les discussions sur le CETA. Emmanuel Macron est président de la République depuis 2017, et depuis toutes ces années les accords de libre-échange européens se multiplient, avec le Canada et l’Équateur en 2017, avec Singapour et le Japon en 2019, le Vietnam en 2020 et plus récemment encore avec la Nouvelle-Zélande, avec l’accord des eurodéputés RENEW.

Depuis des années déjà un accord avec les pays du Mercosur est en négociation. Ce traité prévoit la suppression quasi-totale des droits de douane sur les produits agricoles importés vers l’Europe, ce qui exposera dangereusement les filières bovine, avicole et sucrière. Pour pimenter encore plus un plat bien épicé pour la France, il faut préciser que le Parlement européen examine également un accord avec le Chili, qui vouera aux mêmes périls les secteurs bovin, porcin et ovin.

Tous les constats portés par le Rassemblement National depuis des années, nous les retrouvons dans le rapport d’information sur les accords de libre-échange conclus par l’Union européenne, dont j’ai été corapporteur en 2023. Pendant plus de six mois j’ai eu la charge de mener une série d’auditions, dont il résulte un rapport parlementaire de 100 pages qui le démontre sans ambiguïté : le bilan des accords de libre-échange est accablant. Ce rapport confirme clairement que les accords nuisent à l’agriculture française et que la majorité des filières agricoles ne parvient pas à affronter la concurrence induite par ces accords conclus avec des pays aux standards normatifs moins élevés. Pendant les auditions, une représentante du Bureau européen des unions de consommateurs a même fait mention d’une étude menée par l’UFC-Que Choisir, qui a mis en évidence que sur 250 produits achetés sur des plateformes, plus de 60% n’étaient pas conformes aux normes applicables.

Ce n’est pas tout. En audition, des syndicats agricoles m’ont soutenu que l’empilement des accords aboutissait à des effets négatifs cumulatifs, en ceci que les filières sont de plus en plus jetées dans l’arène anarchique des importations et des exportations. Même Olivier Becht, alors ministre du Commerce extérieur, a avoué l’impossibilité de contrôler l’entièreté des produits entrants ! Tout ce rapport voté à l’unanimité des membres de la commission des Affaires européennes reprend les constats autant que les propositions du Rassemblement National : impliquer davantage les parlements nationaux dans les négociations, augmenter les sanctions en cas de d’irrespect des stipulations des accords, généraliser le recours aux mesures miroirs ou encore imposer des clauses de revoyure et extraire les filières agricoles des accords de libre-échange.

En un mot : l’intégration européenne a désintégré l’agriculture française.

Un désastre amorcé à Bruxelles mais encouragé par le gouvernement français

Les pompiers-pyromanes du camp présidentiel votent au Parlement européen comme à l’Assemblée nationale ou au Sénat en faveur d’accords prodigieusement nuisibles pour l’agriculture française, et le silence du gouvernement suite à l’adoption le 13 juin 2023 de la proposition de résolution contre le Mercosur illustre bien cette irresponsabilité. Maintenant que les braises se réchauffent et que la colère monte à Paris, le gouvernement donne raison au Rassemblement National.

Marine Le Pen en campagne au sommet de l’élevage, Cournon d’Auvergne (63), le 7 octobre 2021 © Alain ROBERT/SIPA Alain ROBERT/SIPA

Marine Le Pen a toujours dénoncé les errances du mondialisme angélique porté par l’Union européenne et a toujours défendu le localisme et les circuits-courts contre les défilés de supertankers ultrapolluants et l’importation massive de produits contenant des substances interdites en France. Avec Marine Le Pen, le Rassemblement National a toujours alerté sur la bombe à retardement causée par la concurrence déloyale et la sauvagerie du commerce international. En 2013, face à Bruno Le Maire, Marine Le Pen avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur la chute du nombre d’exploitations agricoles et sur les méfaits des accords de libre-échange, notamment en pointant la dangerosité du CETA dès 2017.

Face à nos avertissements, le gouvernement accélère et semble trouver du plaisir à l’asphyxie normative, économique et fiscale des agriculteurs. C’est ce qu’il a fait en supprimant l’avantage fiscal sur le gaz non routier (GNR), alors que le Rassemblement National proposait de le maintenir par des amendements déposés à l’Assemblée nationale à l’occasion du projet de loi de finances pour 2024, ce qu’a également voulu porter mon collègue Jean-Philippe Tanguy au ministre Bruno Le Maire à l’occasion des Dialogues de Bercy. Mais un énième 49.3 a tout fait valser. Pendant ce temps-là, les outils de travail des agriculteurs sont saccagés par des margoulins d’extrême gauche et le gouvernement n’est pas capable de mener à son terme la dissolution des Soulèvements de la Terre. Les agriculteurs français sont donc les naufragés d’un État qui ne les protège pas, d’une Europe qui les sacrifie, d’un système économique qui les étrangle, et d’une caste politique qui les méprise.

Dans ce contexte, il est évident que la colère des agriculteurs est légitime. Elle est légitime quand on voit que la macronie continue de promouvoir la concurrence déloyale (les eurodéputés RENEW viennent d’approuver l’accord UE-Chili), la hausse des taxations et la prolifération des normes tatillonnes, alors que 20% des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté et que près de 200 agriculteurs se suicident par an. Les revendications des agriculteurs ne sont pas extravagantes ni hallucinantes, il s’agit simplement de lutter contre le déclassement de l’agriculture française et de mettre un terme à cette surenchère administrative et fiscale écrasante, et encore de garantir qu’aucune interdiction ne puisse être prononcée sans solution de secours.

Aujourd’hui, les agriculteurs sont mobilisés pour leur dignité et la juste rémunération de leur labeur quotidien, celui-là même qui a façonné nos paysages et les racines profondément rurales de la France. Pour que les consommateurs français renouent avec la consommation française, il faut également redonner du pouvoir d’achat à la population, et enfin partager la valeur et permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail. Les événements démontrent que le Rassemblement National a raison, c’est pourquoi les agriculteurs peuvent compter sur lui pour remettre l’agriculture française au milieu du champ.



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Député du Loiret, membre de la Commission des Lois, porte-parole du Groupe Rassemblement national à l'Assemblée nationale, Directeur-général de l'Avenir français.

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