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I’m in love with Marie-France Garaud

Elle était l’une des dernières gaullistes, ère pompidolienne. Ce mercredi 22 mai 2024, Marie-France Garaud est décédée à l’âge de 90 ans. Femme la plus puissante de l’histoire de la Vème République pour les uns, génie de la cruauté caustique dans la grande tradition des moralistes français pour les autres, MFG était un peu les deux à la fois.


Dans la Fête des fous, ouvrage paru en 2006, Marie-France Garaud se demandait qui avait bien pu tuer la Vème République. Mendésiste dans sa jeunesse, elle avait elle-même voté non au référendum de 1958. C’est en 1967 que Pierre Juillet, conseiller de Georges Pompidou, la recrute. C’est le début d’un fameux duo qui va préparer la campagne de l’ancien Premier ministre du Général de Gaulle, non sans avoir désamorcé l’affaire Markovic. Avec Edouard Balladur, pendant la maladie puis après la mort de Pompidou, le triumvirat est aux manettes de la France : les quelques mois durant lesquels la France a été le mieux géré de son histoire.

Une cruelle éleveuse de champion

Il y avait, chez les gaullistes historiques, Chaban-Delmas notamment, une tentation de se rapprocher des thèmes de gauche, pour éviter l’alternance. C’en est trop pour le duo Juillet-Garaud, marqué davantage à droite, qui tente de lancer Pierre Messmer dans la présidentielle de 1974. Le binôme pousse ensuite le jeune député corrézien Chirac et 42 autres parlementaires gaullistes à lâcher le maire de Bordeaux au profit du candidat Giscard, pourtant resté aux yeux de beaucoup comme le traître du référendum de 1969. Chaban finit péniblement au-dessus des 5%, Giscard est élu. Derrière le premier grand « assassinat » politique de Jacques Chirac (qui file directement à Matignon, où Garaud sera sa conseillère), il y a l’ombre du duo maléfique.

Jacques Chirac n’est pas encore le Bonisseur De la Bath que l’on a connu plus tard mais plutôt un grand échalas perdu et peu sûr de lui. Marie-France Garaud est tout le contraire. Elle transforme son poulain en étalon. Quand il est élu maire de Paris en 1977, il remercie sa conseillère, elle glisse : « C’est bien la première fois qu’un cheval remercie son jockey ». Cette phrase, et quelques autres, font déjà partie du panthéon des plus belles vacheries de la Vème République. Philippe de Villiers, qui a siégé au Parlement européen avec elle, a déclaré : « Elle se délectait de cruautés comme d’autres de gourmandises. »

Elle dissuade Chirac de divorcer afin d’éviter de compromettre ses chances de devenir un jour président de la République. Bernadette Chirac ne fut que modérément reconnaissante, en déclarant : « Elle a beaucoup de mépris pour les gens. Elle les utilise, puis elle les jette. Elle me prenait pour une parfaite imbécile ». Si Chirac divorce, c’est plutôt d’elle. Il lui reprocha d’avoir tenu le crayon, quand, coincé à l’hôpital de Cochin après un accident de voiture, en 1978, il signa l’appel du même nom, aux accents souverainistes. En 2006, elle répond à la journaliste du Monde, Raphaëlle Bacqué : « Comprenez bien : lorsque Chirac a conquis la Mairie de Paris, nous nous sommes un peu retrouvés (avec Pierre Juillet) comme des parents soulagés d’avoir casé le petit dernier. D’ailleurs, d’habitude, on ne sort jamais de la Mairie de Paris pour aller plus haut. Vous conviendrez que ce n’est pas de veine… ».

La bataille de Maastricht

En 1981, elle fait campagne à part, contre son ancien poulain. Le candidat François Mitterrand y met du sien pour qu’elle obtienne ses parrainages. Le couloir gaulliste est déjà bien encombré puisque Michel Debré, le fondateur de la Vème République, est lui aussi candidat. On l’a oublié, mais André Glucksmann et Bernard Kouchner, qui ont gardé de leur gauchisme de jeunesse une hostilité primaire à l’URSS, soutiennent la candidate, elle-même à ce moment très atlantiste. Le score final, 1,33%, est assez anecdotique.

Dans la décennie suivante, Marie-France Garaud est plutôt aimable avec le président Mitterrand, qui la reçoit deux fois à l’Élysée. Entre l’étatisme gaullien et l’étatisme socialiste, il pouvait y avoir quelques convergences. Jusque 1992 : avec Villiers, Pasqua et Seguin, elle prend la tête du combat contre Maastricht. Le terme « souverainisme » n’existe pas encore (c’est quand la souveraineté s’en est allée qu’il a fallu mettre le mot). En 1996, elle débat sur le service public, contre son amie Simone Weil et Jacques Attali, aux côtés de Jean-Pierre Chevènement. L’esquisse d’une reconfiguration de la vie politique autour d’un affrontement entre souverainistes et euro-fédéralistes ? Finalement, personne n’ose vraiment franchir le Rubicon. Le clivage droite-gauche n’explosera qu’en 2017, au profit d’un antagonisme entre élitisme et populisme – une version un peu bas de gamme du débat des années 90. L’ancien maire de Belfort, autre conscrit de Maastricht, a salué lui aussi Marie-France Garaud, dans un style plus ou moins fluide : « La mort de Marie-France Garaud ranime la nostalgie d’une droite nationale et souverainiste dont l’un des enjeux de la période qui s’ouvre est de savoir quelle force pourra s’en saisir. »

Un flirt gâché par un camping-car

Marie-France Garaud passe cinq ans au Parlement de Strasbourg, de 1999 à 2004. Elle écrit et décrit dans Impostures politiques, en 2010 comment la cour de Karlsruhe a su maintenir la constitution allemande au-dessus des traités européens : avec un peu de courage, nos propres constitutionnalistes auraient pu en faire autant. Elle passe chez Frédéric Taddeï, où, citant Jean Bodin, elle explique que la France n’a plus vraiment d’État et n’est plus vraiment un État. Après dix années de chiraco-sarkozysme, elle est de nouveau tentée de flirter avec la gauche, et notamment avec Arnaud Montebourg, candidat aux primaires de 2011 et qui remet au goût du jour des thématiques productivistes et protectionnistes. En décembre 2011, face à Nathalie Kosciusko-Morizet elle termine, chez Yves Calvi, avec le député de Saône-et-Loire, les phrases du Général. La lune de miel avec la gauche de retour au pouvoir est bien courte. Un proche d’Arnaud Montebourg confie : « Un jour, elle m’appelle : « Vous avez-vu les photos de Jean-Marc Ayrault avec son camping-car ? Vous aussi vous avez un camping-car ? » Je lui ai dit que non mais le mal était fait ». Pour l’ancienne conseillère de Pompidou, c’était la faute de goût de trop.

Femme la plus puissante de la Vème République, d’après Sarah Knafo, elle n’a cependant été élue qu’une fois, en 1999, sur la liste Pasqua-Villiers. Alors que Margaret Thatcher s’apprêtait à botter les fesses des généraux argentins, elle obtenait un score famélique à la présidentielle. Dommage : elle aurait pu être une version à la française de la Première ministre britannique, c’est-à-dire en plus étatiste, et nous aurions pu adapter la chanson du groupe Notsensibles : I’m in love with Marie-France Garaud.

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Du pluralisme dans les médias? Oui, mais pas n’importe comment…

L’affaire est entendue : les médias français sont majoritairement progressistes, immigrationnistes, multiculturalistes et européistes. Les journalistes sont majoritairement de gauche. Les étudiants des écoles de journalisme et des IEP votent très majoritairement à gauche ou à l’extrême gauche. Le frémissement actuel d’un contre-courant au gauchisme ambiant laisse espérer des lendemains moins idéologiquement uniformes dans les médias. Mais rien n’est gagné, loin de là.


Le magistère moral de la gauche médiatique n’est en effet remis en question qu’à la marge. Dans l’audiovisuel public, rien ne change, au contraire. L’entre-soi est assuré. On y discute d’immigration heureuse, d’avenir diversitaire et radieux, de justes causes de toutes les minorités possibles et imaginables, de « dérèglement climatique » en tenant au loin les potentiels contradicteurs. On se congratule mutuellement, on donne des leçons de morale en évoquant, faussement épouvantés, le retour des « heures sombres » et autres « bêtes immondes », on fait des barrages contre l’extrême droite à tout-va – jusqu’à présent, les élections confirmaient l’efficacité de cet harassant travail de castors stakhanovistes.

Le combat d’une vie pour Me Goldnadel

Bien entendu, la main sur le cœur, on ne cesse de se targuer d’être ouverts, tolérants et pluralistes. Malheureusement, regrettent les salariés de « l’odieux visuel du service public » (Goldnadel), malgré tous leurs efforts, les barrages s’effondrent, des idées nauséabondes parviennent à percer ici ou là, les Français ignorent les injonctions des éditorialistes politiques de France Inter et votent de plus en plus mal. Du coup, la médiacratie montre son vrai visage. Et ses dents. Il aura suffi du succès d’une chaîne d’information continue, d’une radio et d’un ou deux journaux « bollorisés » et de sondages annonçant la victoire écrasante du RN aux prochaines élections européennes pour qu’éclate sa tartufferie et que remonte entièrement à la surface son mauvais fond idéologique et autoritaire.


L’audiovisuel du service public, subventionné par tous les Français, a depuis longtemps choisi son camp. Progressiste, woke et immigrationniste, il distille à longueur d’émissions et de documentaires soigneusement orientés les messages vantant les mérites du multiculturalisme et de l’écologisme, de l’UE et du transgenrisme. De plus, il ne perd pas une occasion d’évoquer, en tremblant, « l’extrême droite » qu’il devine derrière chaque personne ou groupe de personnes contredisant la doxa. Cette machine propagandiste compte plusieurs centaines de directeurs, producteurs, journalistes, chroniqueurs et éditorialistes qui trouvent la place suffisamment chaude pour ne la céder à personne. À l’annonce de la fusion de Radio France et France Télévisions, les salariés de Radio France ont dénoncé, dans une tribune parue dans Le Monde, une réforme « démagogique, inefficace et dangereuse ». « Protégeons, écrivent-ils, le pluralisme dont nous sommes un des piliers. » Défense de rire. Parlons-en, tiens, de ce fameux pluralisme dans l’audiovisuel public.

A relire : Delphine Ernotte: «Je ne veux pas la mort de CNews»

La gauche bénéficie d’une exposition sans égale sur France inter

L’institut Thomas More, après avoir visionné et écouté attentivement pendant une semaine les programmes de France 2, France 5, France Info TV, France Info Radio, France Culture et France Inter en tenant compte des recommandations du Conseil de l’État à l’Arcom – à savoir qualifier et mesurer les sensibilités politiques de tous les participants à toutes les émissions – vient de rendre un rapport accablant, nous apprend un récent article de Judith Waintraub1 dans Le Figaro Magazine : « l’audiovisuel public déroge à ses obligations légales d’impartialité et de pluralisme ». Les résultats : sur 587 intervenants, 50 % étaient jugés politiquement « inclassables », 25 % de gauche, 21 % du camp macroniste et 4 %… de droite. Devinez sur quelle radio les intervenants classés à gauche profitent d’une exposition sans égale : France Inter, naturellement. Ces résultats confirment par ailleurs ceux du temps de parole des courants politiques aux dernières législatives sur ladite radio avec « des gauches bénéficiant d’une audience nettement supérieure à leur poids électoral (+ 50 %) » tandis que « la droite radicale connaissait une sous-représentation considérable ( – 58 %) ». En outre, les membres de l’institut Thomas More, après avoir décortiqué des centaines d’émissions, notent que les humoristes et éditorialistes de France Inter réservent systématiquement un « traitement de défaveur aux représentants des droites ». Bizarre : Adèle Van Reeth affirmait pourtant au Figaro, le 28 mars dernier, que les journalistes et animateurs de la radio qu’elle dirige étaient « des personnes qui ne sont pas dans une optique militante ». Quant à l’émission de France 2 “Complément d’enquête”, après avoir visionné ses 86 dernières éditions, le résultat de l’institut est sans appel : « 37 % d’entre elles reflètent un positionnement idéologique de gauche et 0 % de droite ! » Il est noté également une appétence toute particulière de l’audiovisuel public pour le multiculturalisme – du 19 au 23 février 2024, les six radios et télés étudiées ont traité le thème de la « diversité »  à 12 reprises « en la présentant à chaque fois comme une chance pour le pays d’accueil et une condition pour le développement d’une société plus harmonieuse », écrit Judith Waintraub en s’appuyant sur une note on ne peut plus claire de l’institut Thomas More : « La fierté de sa culture ou de ses racines est considérée avec scepticisme quand ladite culture est française, mais au contraire fortement valorisée quand celle-ci est étrangère. »

L’humoriste Charline Vanhoenacker photographiée à Lille en 2022 © JP PARIENTE/SIPA

Tout aussi clair est le dernier tract du syndicat CFDT-Journalistes. Contrevenant totalement aux principes syndicaux de non-ingérence politique et de défense des salariés, les représentants du syndicat écrivent, avec des trémolos dans la plume : « Les journalistes ne veulent pas regarder monter l’extrême droite les bras croisés ». Ils exhortent « les journalistes et tous les citoyens à ne pas sous-estimer le péril démocratique qui est en jeu ». Plus loin, ils affirment : « Si nous nous exprimons en tant que représentants des journalistes en particulier, c’est que l’information est un pilier de la démocratie : les journalistes ont un rôle capital pour relater ce que vivent nos concitoyens, rendre compte et faire vivre le débat public, pour dire ce qui risque d’être tu. »

Relater certains faits de société, nommer certains criminels, confronter les chiffres explosifs de la délinquance à ceux, en hausse régulière, de l’immigration, dénoncer l’antisémitisme d’une partie de l’extrême gauche, ne semblent pas faire partie de cette profession de foi. Et pour cause : ces événements relèvent de « l’information manipulée par les extrémismes, pour servir leur projet ». La tête nous tourne lorsque les journalistes de la CFDT défendent le pluralisme tout en regrettant « l’extension progressive de médias d’opinion » ou affirment que « le débat public pâtit de la montée de tous les extrêmes », alors qu’eux-mêmes ne ciblent que… l’extrême droite. Il n’est en effet question que d’elle : la CFDT invite tous les journalistes à « se former » exclusivement sur ce qu’est l’extrême droite ; à « refuser tout compromis » en n’omettant jamais de qualifier le RN et Reconquête ! de « partis d’extrême droite » ; à ignorer le « vocabulaire de l’extrême droite », etc. Afin de ne pas « s’endormir face à la banalisation de certaines idées » (devinez lesquelles !) et « pour que les rédactions soient un lieu de diversité où se vivent le dialogue et la fraternité (sic) », la CFDT-Journalistes propose ce qu’elle appelle un « contre-projet » de société reposant sur un paysage médiatique pluraliste mais pas trop quand même. Après avoir lu attentivement le tract de la CFDT, nous pensons être en mesure de dessiner ledit paysage assez précisément : une télévision publique de gauche, des radios publiques progressistes, des journalistes de presse pluralistes de gauche, wokes ou progressistes, des éditorialistes politiques de gauche, des chroniqueurs wokes, des animateurs progressistes et, pourquoi pas, histoire d’apporter une touche d’humour, des bouffons belges. C’est étrange mais… ça nous rappelle quelque chose. 

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  1. https://www.lefigaro.fr/medias/droite-marginalisee-et-gauche-surexposee-revelations-sur-le-manque-de-pluralisme-dans-l-audiovisuel-public-20240524 ↩︎

Yann Moix, Voltaire contemporain

Yann Moix nous raconte sa demande de visa pour aller visiter la Corée du Nord. Jubilatoire et politiquement très incorrect.


Yann Moix possède cette particularité d’être toujours imprévisible. En 2018, l’écrivain s’était rendu en Corée du Nord, entraînant dans son insolite voyage Gérard Depardieu, toujours curieux de visiter les parties du globe terrestre qui ne sont pas des destinations de vacances pour touristes en troupeau, qu’il nomme « ailleurs ». Filmé durant le séjour, la star planétaire y avait tenu des propos pour le moins salaces que les loufiats de la bien-pensance s’étaient empressés de divulguer afin de les condamner avec la plus grande fermeté, à commencer par l’ancien président de la République, François Hollande, lequel n’avait pas digéré les propos humiliants tenus par le-plus-grand-acteur-du-monde à son endroit. La vengeance est un plat qui se mange moisi, c’est bien connu.

« Votre lumineux lendemain, c’est de devenir des Arabes »

Dans Visa, court roman au rythme bondissant, l’auteur se met en scène sous les traits de « M. Yann » qui sollicite un visa pour la Corée du Nord, pardon, la République populaire démocratique de Corée, à un redoutable fonctionnaire, « M. Ri ». La scène se déroule dans les locaux de la Délégation de Corée du Nord à Paris. Disons-le tout de suite, le face-à-face entre les deux hommes est jubilatoire. Les dialogues, subtils, ironiques, surréalistes, montrent les limites du langage entre deux visions du monde diamétralement opposées. On en vient, du reste, à se demander si les deux individus habitent la même planète. Ce qui est renversant, et en même temps révélateur, puisque chacun croit détenir la vérité. Mais comme le remarque Pascal : « Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». L’esprit du Coréen est intoxiqué par la propagande, soumis aux oukases de la dictature de Kim Jong-Un, tandis que le français s’exprime dans une langue délicate, aux nombreuses formules implicites, lesquelles sont perçues par le fonctionnaire retors comme des formules hypocrites. Yann Moix renoue avec le Siècle des lumières, en particulier avec le conte philosophique cher à Voltaire. C’est osé de la part de Moix, incorrigible agitateur de cerveaux. L’époque, dirigée par les cuistres, déboulonne la statue de l’auteur du Traité sur la tolérance. Et voilà que lui, il nous pond un texte ironique irrigué d’antiphrases.

A lire aussi : En attendant le changement de millénaire, dans les Alpes, avec Roman…

Ce texte est une divine surprise. Il nous secoue, la tête figée par la paresse et les certitudes. C’est le rôle de l’écrivain. À ne pas confondre avec le fonctionnaire du culturel qui ne songe qu’à plaire à ses lecteurs enduits de crème solaire, allongés sur la plage interdite aux chiens et aux seins nus. Yann Moix agit comme le poil à gratter. Il souligne, par le truchement de « M. Ri », nos formules creuses, nos slogans de dircom, nos coupables incohérences. Extrait, à propos des terroristes islamistes : « Ah, Eux ? Les attentats ne seraient pas possibles dans notre pays. Vous laissez entrer trop de mauvaises personnes sur le sol de votre patrie. Nous, nous n’aimons pas ce qui entre (…). Nous considérons que nous sommes bien chez nous. Entre nous. » Ou encore : « Chez vous, il n’y a plus de patrie. Et il n’y a plus de nation. Les musulmans le savent (…). Votre lumineux lendemain, c’est de devenir des Arabes (…). Vous trouvez tout le monde merveilleux. Et c’est ainsi que tous les gens merveilleux veulent votre mort. » Ça bouge dans les rangs ? Parfait. « M. Ri » cogne sur les donneurs de leçons. Il fustige l’esprit occidental qui « a subi tous les méfaits de l’intoxication nord-américaine et de la cocaïne sud-américaine ». Il ajoute : « Les Français se servent de la France mais ne la servent pas. » Hyperbolique ? Sûrement. Mais ça permet d’ouvrir la fenêtre. Devant les réponses nuancées de « M. Yann », le fonctionnaire balance : « Notre nation ne recherche pas la finesse : elle cherche d’abord à détruire ceux qui veulent la détruire. »

Accusé Moix, levez-vous !

Alors, certes, le régime de la Corée du Nord est une dictature, même si les plages y sont superbes. Il convient de se boucher le nez, de ne surtout pas y mettre les pieds, de la condamner immédiatement, sous peine d’être pulvérisé dans l’espace médiatique. Rien que de demander un visa, c’est plus que suspect, « M. Yann ». Mais le fonctionnaire contaminé de la DCN assène quelques vérités sur son pays. Il rappelle la famine, les maladies, la puanteur de la population, les exactions sommaires d’avant l’ère Kim Jong il.

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Yann Moix n’hésite pas à pratiquer l’autodérision. Il fait dire à « M. Ri » qu’il est un « indécrottable petit-bourgeois », « frileux » et « peureux ». Extrait : « Il y a beaucoup de gens qui disent que vous n’êtes pas un très bon romancier. Il semble évident que vous n’écrivez pas de choses profondes. Vous écrivez des livres que n’importe qui peut écrire, et qui ne sont pas de la philosophie. » En constatant qu’il s’intéresse à Claude François, Michael Jackson ou encore André Gide – que le fonctionnaire avoue ne pas connaître, ouf –, il lui fait remarquer qu’il « aime beaucoup les pédophiles ». Moix feint alors de s’étonner.

Comme le dit « M. Ri » : « Qui veut tuer le loup doit parler la langue du chien ».

Jubilatoire, on vous dit.

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Être juif?

Depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre, et la réplique militaire de l’État hébreu, les juifs du monde entier sont de nouveau montrés du doigt. Notre contributeur a la tête lourde.


A force de voir le nom, le mot écrit, commenté, loué, insulté protégé, tagué, dénoncé menacé à longueur de journée, de journaux, d’ébats, de débats, d’entendre la monosyllabe qui jouit qui siffle, qui persiffle, juif d’ici ou de la bas, d’abord juif ou après seulement, après quoi, européen, français, résident de mon quartier, de mon appartement, ma chambre, mon placard, sioniste ? mais  de quel cieux, quel drapeau… Que tout cela est compliqué mais merci d’avoir posé la question. On ne la pose jamais assez et j’avoue moi-même être un peu perdu.

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Dans Ellis Island, Georges Perec en parlait en ces termes : « Je ne sais pas très précisément ce que ça me fait que d’être juif… c’est une évidence, si l’on veut, mais une évidence, médiocre, qui ne me rattache à rien, une certitude inquiète, derrière laquelle se profile une autre certitude, abstraite, lourde, insupportable: celle d’avoir été désigné comme juif… quelque chose d’informe, à la limite du dicible, quelque chose que je peux nommer clôture, ou scission, ou coupure… »

Couper, rompre, clôturer, hachurer, c’est donc le retour de la grande ritournelle, un peu plus festive cette fois-ci. Plus de soutane, d’uniforme vert de gris mais des écharpes à carreaux noir et blanc, portées autour du cou ou de la tête, c’est selon sa sensibilité. Le juif que je suis aujourd’hui habite les colonies, dévore la terre des autres, broie leurs enfants, s’expand comme une pandémie quand hier il se contentait d’infester les puits ou de ruiner les petits épargnants. J’en suis donc le comptable comme toutes les petites mains avides et anonymes des grands tortionnaires. Ma tête en est lourde, mes épaules chargées mais pour un peu, pour un temps, j’échappe à mon destin perecien : je me trouve, me situe enfin, quelque part sur cette planète, dans le quinzième arrondissement. Je suis le juif de la conquête, un peu ricain, un peu rabbin, pratique le Krav maga et chante à l’Eurovision drapé d’une étoile bleue sur un fond blanc. Me vient alors une vision : dans un siècle je serai chinois, mes yeux seront bridés et l’arrête de mon nez sera toute plate et sa pointe arrondie. Un peu plus loin dans le temps, mon exosquelette sera en or massif… puis viendra le jour heureux ou je serai le dernier, le dernier juif enfin. On me veillera avec attention jusqu’à ma fin comme l’ultime spécimen d’une espèce qu’on aura maudit jusqu’à l’attendrissement. Plus tard, on racontera une légende, comme celle des peuplades dont on finit par douter : Il était une fois… Ils étaient tantôt difformes, protéiformes, tantôt indiscernables, se mêlant parmi les hommes prétendant leur avoir donné une loi afin de mieux la violer…

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En attendant ce jour, je m’observe dans mon miroir cubiste ou se projette toutes mes facettes, mes territoires conquis et mes zones d’ombres. Je dois me justifier de chacune et j’avoue me trouver peu convainquant pour ne pas dire parfois suspect. L’envie me prend de me punir moi-même, me mutiler en deux ou en trois parties égales, palestinienne, samarienne…  Ils ont gagné, je délire. Voilà ce qui arrive lorsque l’on vous contraint à assembler les pièces détachées les unes des autres par nature, à faire apparaitre une forme soi-disant intelligible en reliant d’un trait des paires de points éloignés comme dans ces jeux d’enfants.

Surgit alors un étranger, un juif commun, une sorte de pavillon témoin, dans lequel il me faudra habiter sans y retrouver ce désordre familier, cette indécision dans la disposition des pièces, ce flottement, cette mise en question dont me prive la haine qui colle ou plutôt qui fait coaguler ce qui circule, le fige, l’immobilise et d’une certaine façon l’anéantit, d’une autre façon.

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Corps à corps en Corée

La malheureuse aide-soignante Moon-Jung s’occupait tant bien que mal à domicile de deux vieillards, jusqu’au jour où…


Coup de cœur pour la Corée (du Sud) ? Le premier long métrage de Lee Solhui, née en 1994, en propose une image singulièrement noire. Moon-Jung, séparée de son fils adolescent par les troubles psychiatriques qui assaillent cette femme borderline (elle s’autopunit en se foutant des baffes) dont la génitrice gâteuse réclame ses soins, survit tant bien que mal dans une sorte de grande tente bâchée de noir et, faute de subsides pour se payer des consultations de psy, a intégré une thérapie de groupe gratuite, mais un peu niaise. « Tu pourras me supporter ? », questionne-t-elle son enfant, dubitative quant au résultat. Perturbée mais secourable, Moon-Jung est auxiliaire de vie au domicile d’un couple de vieillards : le mari, homme de culture égotiste et policé, devenu aveugle et tendanciellement suicidaire, croit couver la maladie d’Alzheimer, tandis que l’épouse, frappée quant à elle de démence sénile, pique des crises de violence incontrôlables tel un bébé de deux ans. Un événement dont on vous laisse ici la primeur provoque chez Moon-Jung (par ailleurs harcelée par la petite Soon-Nam, lolita rencontrée dans le groupe psy et en déficit cognitif manifeste), une décision fatale qui par ricochet va finir de consommer jusqu’à l’horreur cette insondable tragédie du genre humain. L’universelle déprime de ces corps à corps ravinés et souffrants nous est ici rendue de façon toute clinique, sans musique ou presque d’un bout à l’autre de ces deux heures quarante que dure Green House. Ouf. En sortant du ciné, partez fissa vous mettre au vert, ça vous changera les idées !   


Green House. Film de Lee Sol-hui. Corée, couleur, 2023. Durée : 1h40. En salles le 29 mai 2024.

Florence Bergeaud-Blackler: extension du domaine du halal

La police des mœurs islamiques ne vise pas seulement à faire respecter la vertu dans l’espace public. Elle est l’un des visages de l’offensive frériste pour instaurer une société halal fondée sur le séparatisme, voire sur un suprémacisme musulman. La riposte est possible : commençons par interdire le voile des mineures et soutenir les courageux apostats.


Docteur en anthropologie, Florence Bergeaud-Blackler est chargée de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Auteur de Le Frérisme et ses réseaux – l’enquête, Odile Jacob (2023) et Le marché halal ou l’invention d’une tradition, Le Seuil (2017).

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Causeur. Les lynchages de Samara et de Shemseddine ont été présentés comme des « crimes d’honneur ». Relèvent-ils d’un phénomène religieux ou anthropologique ?

Florence Bergeaud-Blackler. Quand on parle de « crime d’honneur », on se réfère à un cadre anthropologique qui renvoie à une structure clanique. Celle-ci est régie par des règles très strictes, comme on le voit dans les sociétés traditionnelles méditerranéennes, musulmanes et non, où l’honneur de la famille repose sur la femme.

Mais les lynchages de Samara et de Shemseddine relèvent plutôt du contrôle individuel par une sous-culture qui puise ses normes et ses références dans l’islamisme frériste. Cette norme islamiste divise le monde halal (licite) du monde haram (illicite), elle fait la distinction entre le pur et l’impur, le bien et le mal. Selon l’islam salafi (fondamentaliste), cette norme est valable partout, en tout temps, pour tout le monde. Le musulman doit se l’imposer mais doit aussi l’imposer. Son devoir, fixé par Dieu, est de contrôler son propre comportement et celui d’autrui. Pour ces très jeunes musulmans – qui correspondent à la troisième génération réislamisée par les Frères musulmans, les salafistes et autres piétistes – l’idéal est ce monde islamique présenté comme indépassable. La police de la moralité, en action dans les tribunaux chariatiques anglais comme dans les « charia zones » allemandes et dans les rues iraniennes, impose cette norme afin que chacun trouve le salut. Il y a aussi pour ces jeunes un rapport de force évident : se faire craindre pour être respecté.

Ces miliciens de la vertu poursuivent-ils d’autres objectifs ?

Les salafistes fréristes veulent mobiliser l’Oumma (la « grande nation » des musulmans) afin qu’elle impose ce régime islamiste à travers le monde. Selon eux, l’islam a tout prévu pour les hommes. Le Coran et la Sunna régissent chacun des actes et chacune des activités de l’existence. Il suffit de méditer les textes. Tout comportement licite est récompensé, et tout comportement illicite pèse négativement dans la balance qui sera examinée sévèrement par Dieu le jour du Jugement dernier. À cela s’ajoute la dimension collective, très puissante dans la logique frériste : si vous vous comportez mal, vous entrainez dans votre chute votre famille et votre milieu.

C’est pourquoi le groupe a un droit de regard légitime sur les actions individuelles…

Exactement. Et voilà pourquoi l’apostat est chassé, persécuté ou même condamné à mort. Son reniement met tout son environnement en danger et fait reculer l’objectif que doit poursuivre tout croyant : édifier le califat. Dans ce cadre de pensée, on ne demande pas au musulman de discuter ou de questionner ce qu’il y a dans le Coran ou la Sunna, mais d’avancer dans la direction indiquée par Dieu. Et peu importe que le Frère musulman ne voie pas la fin de son action, il participe de ce destin qui finira par se concrétiser.

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Notons que la voie de ce salut passe toujours par le contrôle des femmes…

Ce contrôle est une pratique sociale très anciennes, voire antéislamique, et, comme je l’ai dit, extra-islamique. Mais dans l’affaire Samara, il y a deux séquences à dissocier. Elle a été agressée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la loi du groupe qui lui imposait un islam rigoriste, c’est ce que sa mère a dit spontanément ; puis, dans un second temps, sous la pression du groupe, elle s’est rétractée en expliquant que sa fille était très pieuse. Entre temps, elle a certainement subi des pressions, des « conseils », des « rappels », bref, elle a été recadrée avec des arguments que je connais bien : « Attention, tu fais le jeu des islamophobes et de l’extrême droite. », « Il faut sauver ta fille. » … Autrement dit, elle doit être reconnue pieuse par le groupe si elle ne veut pas être persécutée puis trouver un mari. Sa mère avait-elle le choix ?

Pour les dévots, le collège exerce aussi une mauvaise influence : Samara s’habillait « à l’européenne ».   

Il n’y a aucune ambiguïté sur ce point. Les Frères ont rédigé un document ratifié par l’ISESCO (l’UNESCO de l’Organisation de la Coopération Islamique), qui stipule que l’École est un danger pour les musulmans car elle les éloigne de l’islam. Et en effet, l’École républicaine, quand elle fait bien son travail d’instruction, sème le désir d’une autonomie de pensée et d’action qui éloigne les membres de l’Oumma de leur communauté et des principes d’une société halal.

Quels sont les principes d’une telle société ?

On a longtemps cru que le halal n’était qu’une question d’interdit alimentaire. C’est bien plus profond. Il s’agit d’un discours suprémaciste qui vise à distinguer les musulmans du reste de l’humanité. On explique ainsi aux enfants que s’ils ne mangent pas comme les autres, c’est parce qu’il leur faut une nourriture pure, différente de celle des mécréants – cela dépasse le précepte religieux. L’enfant en déduit logiquement que le porc est sale et que ceux qui en avalent le sont également… La génération de Samara n’a connu que cette distinction entre le haram et le halal qui renvoie de façon concrète, affective (au sens des affects), à la séparation entre l’islam et le monde des mécréants.

Peut-on parler d’une extension du domaine du halal ?

C’est ce qu’on observe depuis une quarantaine d’années. Le frérisme a étendu cette logique aux produits, aux comportements, aux espaces pour former une « communauté imaginaire » halal qui est aujourd’hui bien réelle. Le marketing islamique a inventé des hôtels halal, de l’eau halal, des vêtements pudiques, des technologies et des facultés halal. Le principe est assez simple : pour « halaliser », il faut avoir au préalable « haramisé », c’est-à-dire défini ce qui est interdit. Les possibilités sont donc infinies et permettent d’opérer des distinctions dans tous les champs de l’activité humaine. Vous voulez rendre l’eau minérale haram ? Il suffit de dire qu’il y a des traces microscopiques d’alcool dans le liquide servant à nettoyer les bouteilles en plastique. Dès lors vous pouvez proposer une version halal de l’eau minérale.  

On retrouve évidemment cette distinction dans la mode.

De la même manière, le hidjab de grandes marques « pudiques » participe au maintien de la frontière halal/haram. Les entreprises qui jouent ce jeu ont une lourde responsabilité. Quel que soit le pays concerné, l’Iran, l’Afghanistan ou la France, la norme est renforcée. Plus largement, le but est de soustraire le féminin de l’espace public, car la société islamique repose sur une division sexuelle du travail et de l’espace. Pour les islamistes, chaque sexe doit avoir sa fonction. Il ne peut y avoir de société islamique sans la disparition du féminin de l’espace public. Si nous ne voulons pas d’une société islamique, nous savons donc comment faire…

Oui, mais pas partout… N’est-il pas interdit de vivre à la française dans certains quartiers ?

Les fondamentalistes font tout pour interdire l’adhésion aux normes européennes jugées décadentes. La réislamisation de trois générations a engendré, même chez les musulmans sortis de l’islam (sans le dire), un sentiment persistant de culpabilité, de peur de trahir ou même de peur du châtiment divin. L’affaire Samara le démontre. La grand-mère appartient à une génération pré-frériste, elle s’est assimilée, elle ne craint pas d’affronter les caméras. La mère a commencé à se révolter puis elle a été rattrapée par le groupe. La fille, elle, a été battue par ses pairs… Le prestige est du côté de ceux qui prétendent maîtriser le Coran et la norme la plus stricte : ils ont le sentiment d’être pieux car ils sont tyranniques.

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Quant à ceux qui résistent à cette logique régressive et répressive, ils ne sont pas soutenus. Ils sont traités avec mépris par une société laïque qui s’est largement déchristianisée, mais qui a peur de passer pour raciste si elle accepte la désislamisation d’une partie de la communauté musulmane. Cela a été alimenté par certains intellectuels comme Jean Baubérot qui ont largement diffusé l’idée erronée d’une islamophobie de la laïcité. La gauche, celle qui a renié son héritage républicain, assigne les musulmans à résidence religieuse et les renvoie en permanence à leur identité musulmane, au point de défendre le port du voile.

Huitième édition du Sommet mondial halal au centre d’exposition d’Istanbul, 25 novembre 2022. « Le marketing islamique a inventé des hôtels halal, de l’eau halal, des vêtements pudiques, des technologies et des facultés halal… »

Peut-on combattre efficacement ces dérives ?

Oui. Il y a deux mesure urgentes à prendre. Interdire de voiler les mineures : il faut éviter que les petites filles intègrent le voile au point qu’il devienne une seconde peau. Le port du voile est un conditionnement physique et mental. D’ailleurs, celles qui y sont soumises et qui parviennent à l’enlever ne le font qu’au prix de longues années de lutte, et tout accident de la vie peut les ramener à ce traumatisme. Interdire le voilement précoce préviendrait ainsi le conditionnement.

Il faut également valoriser les apostats en leur donnant la parole.

Il y a plus de musulmans qu’on le croit qui sont sortis de l’univers mental de l’islam, mais ils se cachent parfois toute leur vie de leurs coreligionnaires car ils les craignent. Il faut valoriser la possibilité de sortir de la religion, l’affirmer haut et fort. Car aujourd’hui, être apostat de l’islam, même en France, c’est se mettre en danger. Qu’il puisse y avoir des fidèles qui fassent défection remet en question le pouvoir des dévots, la puissance de leurs injonctions et la pression du groupe. Pour eux c’est pire que tout. Mais pour l’islam non fondamentaliste, le choix libre d’entrer ou de sortir de la religion n’est pas un problème. Le problème, c’est que cet islam-là est devenu minoritaire et se tait.

Confrontation Attal/Bardella: derrière l’apparente victoire du Premier ministre…

L’élégante Caroline Roux organisait hier un grand débat entre le locataire de Matignon et le favori des sondages pour les prochaines élections européennes. Ils ont bataillé pendant plus d’une heure, tels de jeunes coqs. Forcément, Causeur a regardé!


Jordan Bardella, 28 ans et tête de la liste RN pour les Européennes a débattu hier soir avec le Premier ministre Gabriel Attal venu au secours de Valérie Hayer, la tête de liste du parti présidentiel.

La joute orale,  organisée par le service public sur France 2, nous a semblé avoir pour but, non pas de confronter deux visions de l’Europe mais, comme l’a expliqué François-Xavier Bellamy (tête de liste Les Républicains pour les européennes) d’opposer le Bien – à savoir, la macronie européiste et progressiste – au Mal -le RN conservateur, souverainiste et suppôt de Satan.

Une Bérézina annoncée pour l’exécutif

Voici la situation au moment du débat : 55 % des électeurs qui ont voté en 2022 pour Emmanuel Macron affirment qu’ils ne voteront pas pour la liste conduite par Valérie Hayer, talonnée par la liste Glucksmann. La liste emmenée par Jordan Bardella, elle, est largement en tête des sondages.

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Face à cette Bérézina annoncée, la macronie a développé la stratégie suivante : minorisation de l’enjeu européen afin de faire comme si l’élection du 9 juin n’était qu’une formalité pour un gouvernement sûr de lui ; Valérie Hayer, inconnue et gaffeuse a donc été choisie tardivement par Emmanuel Macron pour conduire la liste du gouvernement. Il s’agit aussi de saturer l’espace médiatique pour faire oublier ces élections : arrivée de la flamme olympique à Marseille, célébrations du 6 juin à venir, organisation de Choose France, pour montrer que la relance économique est là. Et puis, on ne légifère plus que de sur des sujets consensuels sans pour autant, du reste, faire l’unanimité : loi sur la fin de vie ou élargissement du droit de vote en Nouvelle-Calédonie. Enfin, on joue sur l’angoisse des Français. La Russie est à nos portes ; Trump, s’il est élu abandonnera l’Europe ; quant au RN, il fomente un Frexit. Un seul rempart : la macronie !

Combat de coqs

Aussi nous attendions avec impatience la confrontation entre Jordan Bardella et Gabriel Attal. Las ! On n’a vu qu’un combat de coqs. Les ergots du locataire de Matignon étaient plus acérés que ceux de la tête de liste du RN et l’animatrice du débat, Caroline Roux, a bien veillé à l’avantager ostensiblement, coupant systématiquement la parole à Jordan Bardella. Nous avons eu droit à deux discours opposés que formataient les éléments de langage ; deux discours également nourris par une juxtaposition d’exemples concrets, censés étayer les démonstrations respectives, mais qui, au contraire, égaraient les spectateurs en ruinant toute vision d’ensemble. Gabriel Attal, maîtrisait d’évidence mieux ses dossiers que Jordan Bardella et a réussi à décrédibiliser plusieurs propositions du RN comme la double frontière et la préférence nationale et non européenne pour les entreprises françaises. Sur l’immigration, on attendait le surplomb de Jordan Bardella, mais il n’en fut rien. Attal a même eu cette formule : « Votre programme, c’est un banco on gratte et y’a rien derrière. »

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Pourtant, au-delà de l’apparente victoire de Gabriel Attal, il convient plutôt de voir un match nul ; Jordan Bardella a changé hier de dimension, débattant face au Premier ministre. Même s’il n’a pas pris la main sur le débat, il a montré qu’il avait achevé sa mue, s’imposant comme le chef de l’opposition au gouvernement Attal. Les chemins des deux hommes, qui incarnent le présent et l’avenir de la politique française, ne tarderont pas à se croiser de nouveau. Ils vont devoir supplanter leurs mentors et devenir incontournables pour leurs camps. On est à peu près sûr qu’ils occuperont la scène politique en même temps et face à face.

Quand les idéologies crapuleuses gangrènent l’enseignement supérieur

L’administrateur de Sciences-Po révèle aujourd’hui, après enquête, avoir la conviction que des propos antisémites ont bien été tenus dans son école le 12 mars : « Ne la laissez pas entrer, c’est une sioniste ». Si le palestinisme est une idéologie de gauche qui n’est pas nouvelle, et qui remonte même aux années 60, ses dernières manifestations dans l’enseignement supérieur français doivent nous inquiéter.


Depuis le 7 octobre, certaines universités françaises ont, comme on dit aujourd’hui, « libéré la parole » antisémite. Les émeutiers, les bloqueurs et leurs instigateurs diplômés se présentent comme des antisionistes qui veulent combattre l’injustice commise par les Ju.., pardon, les Israéliens sionistes et leurs soutiens, et que Dieu les préserve, ils ne sont surtout pas antisémites. Bien sûr, on pourrait citer à leur intention la fameuse formule de Vladimir Jankélevitch à propos de « l’antisionisme » comme d’une « incroyable aubaine » :

« Car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre : ils auraient mérité leur sort »[1].

Mais cela n’explique pas la longue tradition du palestinisme, vieille idéologie qui prospère dans les universités depuis les années 60, et qui nourrit en permanence l’imaginaire révolutionnaire de la jeunesse, abrutie à souhait par les militants du genre, de la race, du décolonialisme, de l’intersectionnalisme et d’autres pseudo-luttes contre la discrimination imaginaire et la défense de victimes qui n’existent pas.

Le palestinisme est une idéologie, voire une religion, qu’on peut définir à la suite de Pierre-André Taguieff, comme « l’ensemble des représentations et des croyances qui composent le mythe politique fondé sur les croyances à l’existence du « peuple palestinien » et sur sa sacralisation en tant que peuple-victime dont les bourreaux seraient « les sionistes » ou « l’entité sioniste » »[2].

Une idéologie de gauche qui remonte aux années 60

Dans les années 60, les intellectuels français de gauche, marqués par les combats pour l’indépendance de l’Algérie, découvrent les nouveaux damnés de la terre du Tiers-monde. Ils se font défenseurs du communisme latino-américain et asiatique, contestent la « suprématie occidentale », et vouent un culte aux nouveaux héros du moment : le Che, Castro, Mao Tse Dong, Ho Chi Min, Sékou Touré ou encore Gamal Abdel Nasser. Des tyrans sanguinaires qui séduisent par leur vocabulaire toute une génération d’universitaires.

Devant l’école Sciences-po Paris, 26 avril 2024 © Umit Donmez / ANADOLU / Anadolu via AFP

Les premiers soutiens de la soi-disant « cause palestinienne » sont introduits dans la vie française par les maoïstes. En 1967, après la victoire d’Israël dans la guerre des Six Jours, est créé un comité de soutien au « peuple palestinien »[3]. Ce comité demande aux « travailleurs algériens, tunisiens et marocains en France » de soutenir les « victimes de la guerre »[4]. En 1969, la gauche prolétarienne créé les Comités Palestine ; aussi, ceux que nous voyons actuellement fleurir partout dans les facultés ne sont pas une « nouveauté », la différence c’est qu’aujourd’hui ils sont les soutiens du Hamas.

En 1979 l’AFP (Association France Palestine) est née. L’un de ses contributeurs actifs est Alain Gresh, celui-là même qui a récemment invité Salah Hamouri, condamné pour avoir attenté à la vie d’un rabbin en Israël, célébré par une certaine frange universitaire comme le héros de la « résistance ». Le site de l’AFP en fait état, sans oublier les mains ensanglantées en guise de symbole de « résistance »[5].

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Dans les années 1990, les soutiens à « la cause palestinienne » s’islamisent ouvertement. Il faut lire l’article de Pierre-André Taguieff cité plus haut, pour voir la trajectoire de ladite cause palestinienne et celle de son islamisation progressive. Le premier Comité islamique qui mobilise les musulmans est le Comité de Bienfaisance et de Secours aux Palestiniens fondé en 1990. Il est lié à l’Union des Organisations Islamiques en France et affiche ouvertement son soutien au Hamas. Active en France, cette organisation est placée sur la liste des organisations terroristes par les Etats-Unis et Israël.

La nébuleuse s’étend

En 2004, la Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient (CAPJPO), est fondée par deux anciens militants de la Lutte Ouvrière, Nicolas Shashani et Olivia Zemour. Leur but principal coïncide avec celui de BDS (Boycott Desinvestment Sanctions) : boycotter Israël à tous les niveaux – économique, culturel, académique et politique. Ces militants visent le public des jeunes (les étudiants sont donc une proie idéale), et s’adressent souvent aux jeunes d’origine maghrébine, pour jouer sur les sentiments propres à une appartenance commune. Présents dans les facultés françaises, ils y officient sous le couvert de la liberté d’expression.

Cette nébuleuse anti-israélienne est aidée par le décolonialisme et l’intersectionnalisme  (l’intersection de toutes les victimes imaginaires) qui ont déclaré que l’Homme blanc occidental était un ennemi, et que les Juifs sont des criminels qui représentent l’Occident en « Palestine ».  Tout cela s’est exacerbé après le 7 octobre.

L’université est également le lieu où peuvent prospérer les thèses négationnistes. Nous l’avons vu, dès le 8 octobre avec certains communiqués syndicaux universitaires qui condamnent l’attaque israélienne (sic !).

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Produit universitaire, le négationnisme est né en France, au département de littérature de l’Université de Lyon II, créé par Robert Faurisson qui niait le génocide des Juifs. Par ailleurs, Faurisson se déclarait antisioniste, ce qui lui a valu de recevoir à l’époque, un prix des mains du président de la République islamique d’Iran, Mahmoud Ahmadinejad. Rappelons que l’antisionisme est une idéologie qui nie le droit du peuple juif à l’existence souveraine sur sa terre. C’est une idéologie totalitaire qui s’inscrit dans la continuité du communisme et du nazisme. Et c’est cette idéologie qui est portée au pinacle dans des établissements supérieurs. Aujourd’hui, le négationnisme est boosté par la gauche radicale et par ses alliés qui se nichent dans nos universités.

Les étudiants antisionistes de la Sorbonne, de Sciences Po, de Lille, n’ont jamais protesté contre la dictature islamiste totalitaire en Iran, il y a peu de chances qu’ils connaissent l’histoire du Proche Orient, ou l’histoire en général.  Mais, pris en main par certains collègues, par des activistes de l’agit-prop propalestinienne, par les mensonges diffusés depuis des années au sujet de la « Palestine » mythologique, ces étudiants nient l’attaque génocidaire du Hamas et cultivent la haine des juifs, en prétendant lutter contre les « sionistes », terme qu’ils emploient comme Sayyd Qutb, comme Mohammed Haj Amin al Hussejni ou comme Yahja Sinwar.  Ils sont aidés par les activistes de LFI, les membres du BDS, les Comités Palestine qui transforment les universités en centres d’endoctrinement.

Il est trop tard aujourd’hui pour sauver ces institutions de la peste idéologique, il aurait fallu combattre ces idéologies à la racine et veiller à ce que l’université soit un lieu idéologiquement neutre. Mais l’institution universitaire continue sa belle tradition d’accueil des idéologies crapuleuses issues des utopies communistes, activement soutenues par la gauche radicale de la même manière qu’elle voue un culte au dieu Padevag, très vénéré dans le milieu… 


Asinus asinum fricat

Et pendant que des militants pro-Palestine fichent le bazar dans nos facs, Rima Hassan visite la Grande Mosquée de Paris…

La grande mosquée de Paris marche enfin à visage découvert. Après moult discours lénifiants sur la « paix », le discours sur « sa mère l’Algérie », son inquiétude que l’on parle de l’entrisme islamiste au plus haut niveau de l’Etat et ses alliances plus que douteuses, Monsieur le Grand Recteur reçoit les bras ouverts celle qui appelle ouvertement à la destruction d’Israël. Un petit rappel : Rima Hassan est une juriste « de renom » dont le talent consiste à conjuguer le mensonge et l’appel au génocide dans une seule phrase :

Mensonge ?

Je renvoie à ce texte de Jean Szlamowicz (ici), pour les curieux qui veulent tout savoir sur la dénomination « Palestine ». Quant au drapeau palestinien adopté en 1974 et qui n’a rien de « palestinien », il est composé des couleurs symbolisant le Prophète (rouge), la dynastie des Abbasides (noir), la dynastie des Omeyyades (blanc) et les Fatimides (Vert). Tout ce beau monde a colonisé la Judée à partir de 632 et n’a donc pas pu être là « avant nous ». (Sur X, Rima Hassan s’adresse à deux groupes clairement nommés : aux « sionistes » et à ses soutiens pro-palestiniens (« vous » désigne ceux dont elle désire la disparition). Il en est de même de son « renom » mentionné dans le tweet du Grand Recteur. On saura pour l’avenir qu’un obscur diplôme de Master fait de vous un juriste de « renom » et octroie le droit de répéter ad infinitum le syntagme « droit international » sans jamais citer aucun texte dudit droit.

Appel à l’extermination

Depuis un an, Rima Hassan appelle à en finir avec l’Etat Hébreu, soit en souhaitant l’éradication d’Israël, soit en proférant des énormités anhistoriques sur les plateaux qu’aucun journaliste ne relève véritablement (voir ici) et qui sont censées justifier ses appels à être là après « nous ». La seule raison d’exister de Rima Hassan est l’obsession de la disparition d’Israël, ce dont témoignent tous ses tweets.

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Le grand recteur

Quant au Grand Recteur (on a presque envie de dire Grand Mufti !), qui n’hésite pas à participer aux évènements, organisés par les Frères Musulmans (par exemple, un colloque qui s’est tenu le 4 février 2023) il s’est dernièrement distingué dans son attitude plus qu’ambivalente à l’égard de l’islamisme, en exprimant sa « plus grande inquiétude » suite au discours du premier ministre Gabriel Attal sur « l’entrisme islamiste et frériste ». Ce n’est pas l’entrisme qui l’inquiète, c’est qu’on en parle officiellement !

Rappelons que le Hamas est une filiale des Frères Musulmans et que leur charte reprend à la lettre les préconisations des idéologues fréristes (Sayyd Qutb et Hassan al Banna) dont le point de ralliement consiste à répandre la bannière de l’islam sur le genre humain (point 5 du crédo des Frères musulmans) et à se débarrasser des Juifs, comme l’atteste Khaled Maachal (président du bureau politique du Hamas) en 2012 :

« Libérer la Palestine, TOUTE la Palestine est une obligation, un privilège, un objectif et un but… La Palestine –du fleuve à la mer, du nord au sud [cad tout Israël]- est notre terre, notre droit et notre patrie. Il n’y aura pas de reddition, même sur le plus petit morceau de cette terre. La Palestine est et a toujours été arabe et islamique… »1

Tant Rima Hassan que Chems-Eddine Hafiz n’arrêtent pas de désinformer et de manipuler le public, l’une par ses mensonges couplés aux appels à l’intifada, l’autre par ses protestations contre la lutte avec l’islamisme, ses silences un peu trop bruyants sur l’appel au jihad contre les Juifs et les Chrétiens dans le Coran, ses rapports ambigus avec l’Algérie, ainsi que la vieille et usée rengaine de « pasdamalagame » et d’islamophobie quand on parle de la montée de l’antisémitisme. Rien d’étonnant que ces deux « personnalités » s’apprécient mutuellement, tout en refusant de qualifier le Hamas d’organisation terroriste.


[1] Vladimir Jankélévitch, L’Imprescriptible. Pardonner ? Dans l’honneur et la dignité, Seuil, 1986.

[2] « Les trois sources de l’islamo-palestinisme jihadiste (Haj Amin al-Husseini, Hassan al-Banna, Sayyid Qutb) et le massacre du 7 octobre », https://www.revuepolitique.fr/les-trois-sources-de-lislamo-palestinisme-jihadiste-haj-amin-al-husseini-hassan-al-banna-sayyid-qutb-et-le-massacre-du-7-octobre-2024/

[3] C’est nous qui mettons les guillemets, car il n’existe pas d’Etat Palestinien, ni de territoires palestiniens, ni de revendications de souveraineté nationale palestinienne à cette époque.

[4] https://www.lemonde.fr/archives/article/1967/06/22/l-aide-aux-victimes-arabes_2634653_1819218.html

[5] https://www.france-palestine.org/Conference-avec-Salah-Hammouri-et-Alain-Gresh-a-Grenoble

  1. https://www.jeuneafrique.com/138930/politique/khaled-mechaal-le-r-unificateur/ ↩︎

Le Ballet du Rhin: enfin de vrais chorégraphes!

Une compagnie superbe, des œuvres intelligentes et des danseurs qui se surpassent, c’est la leçon d’excellence que nous offrent Lucinda Childs et William Forsythe avec le Ballet du Rhin. 


Il y a deux décennies, Bertrand d’At faisait entrer le chef-d’œuvre de Lucinda Childs, « Dance », dans le répertoire du Ballet du Rhin dont il était alors le directeur. Ce fut un tel émerveillement que l’artiste américaine vit de multiples fois se rouvrir pour elle le Ballet ainsi que l’Opéra du Rhin où elle multiplia mises en scène et chorégraphies. Aujourd’hui, au Théâtre de la Ville, à Paris, ce même Ballet du Rhin reprend une autre chorégraphie que Lucinda Childs créa en 2009 pour la compagnie rhénane. C’est « Songs from Before » qui réapparaît ainsi avec une nouvelle génération de danseurs. Ceux-ci ont donc changé, mais la compagnie demeure toujours aussi magnifique.

On l’avait naguère prostituée dans une « relecture » stupide et misérable du « Lac des Cygnes » qui était une véritable imposture. Elle brille aujourd’hui dans tout son éclat pour servir deux des plus grands chorégraphes de ce temps, Lucinda Childs et William Forsythe.

Suffoqué par ses audaces

Si dans « Songs from Before », œuvre de facture à la fois néo-classique et minimaliste, servie par la partition éponyme de Max Richter et exaltée par une scénographie aussi dépouillée que magnifique conçue par Bruno de Lavenère, les danseurs du Rhin sont admirables d’élégance, de précision et de rigueur, (même si cette très belle pièce n’égale pas la beauté, la perfection absolues de « Dance »), dans « Enemy in the Figure », leurs camarades sont proprement héroïques. L’incroyable, la diabolique complexité de la chorégraphie et de la mise en scène de William Forsythe qui, au temps de sa création avec le Ballet de Francfort, avait suffoqué par ses audaces, les conduit, les contraint, les transporte à des débordements de virtuosité proprement stupéfiants.

Enemy in the Figure de William Forsythe, créé en 1989 par le Ballet de Francfort. Shimizu Ryo, Programme Spectres d’Europe / Lucinda Childs / David Dawson / William Forsythe CCN – Ballet de l’Opéra national du Rhin © Agathe Poupeney / Divergence-images.com – 25/04/2023 – La Filature, Scène nationale – Mulhouse

Entre deux, est représenté un duo conçu par l’ex-danseur de l’Opéra, Bruno Bouché, actuel directeur du Ballet du Rhin. Inspiré par la lutte de Jacob et de l’Ange, c’est un exercice très honorable. De bonne facture. Plein d’énergie aussi, mais sans puissance, sans épaisseur non plus. Et l’on songe évidemment à la peinture de Delacroix qui est tout son contraire, comme au péril de s’exposer entre deux œuvres fortes.

Une espèce en voie d’extinction

Avec cette remarquable soirée donnée par le Ballet du Rhin, on savoure, un peu enivré tout de même, cette chose devenue aussi étrange qu’elle est rare : des chorégraphies intelligentes pensées par de grands créateurs et exécutées par de remarquables interprètes, des ouvrages portés par une écriture et un souffle qui sont la marque d’auteurs de premier plan, sinon d’artistes de génie. Lesquels apparaissent aujourd’hui comme une espèce en voie d’extinction, étouffée par des cohortes de médiocres avides d’exister sans en avoir les moyens.


Ballet du Rhin : Lucinda Childs et William Forsythe.
Théâtre de la Ville. Jusqu’au 25 mai. theatredelaville-paris.com
01 42 74 22 77.

Grandes illusions et petites comédies françaises (Paris-Bruxelles)

Ultimes sondages, passes d’armes, remontadas ! C’est la magie des printemps électoraux, la dernière journée de championnat avant l’heure de vérité en Eurovision. Pour qui l’Eurostar, la Champions League ? Qui descendra en ligue 2, sous les 5%, le 9 juin ?


Sur les écrans, tous les soirs, MMA, Koh-Lanta, Jeopardy et Questions pour des champions. Les coachs font répéter les impros, peaufinent des formules assassines. Badgée Scout de Renew Europe et Guide de France, Valérie Hayer, cherche un azimut. Après la foire aux bulots de Pirou (Manche), le Premier ministre défie Jordan Bardella en direct. Destination pacifique et Menaces sur Nouméa pour le leader de la patrouille de France. Emmanuel Bagheera, son BAFA et son bagout calmeront-ils les Kanaks en pétard ? L’Élysée a programmé deux escales secrètes – Beyrouth et Moscou – pour le retour de mission. « Athos 1 » va régler le conflit israélo-Palestinien et sermonner Dark Vlador, le dénazificateur.

Ni pilote, ni avion

Des cordelles de technocrates, bateleurs, naufrageurs gloutons et insubmersibles, échangent convictions et fromages, slaloment dans la haute fonction publique, le Cac 40 et le showbiz. Au Panthéon, aux Invalides, dans la phraséologie, des gouvernements de rencontre, un Jupiter sans envergure, miment le pouvoir, l’autorité, un destin commun : vol d’ancêtres, politique du chat crevé au fil de l’eau, la France en s’ébattant… Il s’agirait de « garder le contrôle de notre destin, réunir les forces vives, libérer le potentiel français, réarmer notre pays… » (Gabriel Attal). Que d’aveux !

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Les Colbert en carton-pâte, Louvois ventriloques, modernisent la bureaucratie, changent de réforme, réforment le changement. Oublieux des enjeux anthropologiques, encalminé dans le management, les PowerPoint, l’efficiency, l’Etat se suicide en état de légitime défense : ubérisation de l’administration, wokisation du Conseil d’État, suppression des grands corps, ultimes chapitres du roman de l’aboulie nationale. Un monde sans incarnation, sans volonté ni représentation.

Le peuple français aux membres énervés, triste comme un lion mangé par la vermine, est accablé par la lâcheté des politiques, les dénis sur la gravité des maux, déficits abyssaux, déclassements, qui minent le pays. Diminuendo, comme les hommes volants de Folon à la fin des programmes d’Antenne 2 il y a cinquante ans, la France s’éteint.

Les moulins de nos cœurs

A gauche, les Augustes insoumis, franciscains d’opérette, éructent contre les clowns blancs du pouvoir. Ils pétaradent dans les surenchères, blagues de prépuces nazis. Sur France Inter, à Sciences-Po, Télérama, Rue de Grenelle, les ravis de la crèche progressiste, marmiteux de l’insoumission, écolâtres dé coloniaux, ont pris le pouvoir. « J’en ai marre – marabout – bout d’ficelle… ». L’ignorance rend hardi. Rupture dans la continuité ou continuité dans la rupture ? Baygon vert au Baygon rouge ? Nouveau Panoramix progressix, Raphaël Glucksmann transforme les anchois avariés en produits exotiques. Son truc c’est : « l’option de la puissance juste, de la solidarité, de la quête d’égalité et de la transformation écologique… La culture c’est un projet de civilisation, un projet philosophique, un projet culturel ».

Le chroniqueur de France inter Guillaume Meurice, actuellement suspendu d’antenne pour une blague évoquant un nazi sans prépuce, photographié le 26 octobre 2019 © JP PARIENTE/SIPA Numéro de reportage : 00930340_000030

Les hamsters du monde d’après pédalent dans une roue à fantasmes, se gargarisent de mots-valises citoyens, inclusifs, dans l’entre-soi, les concepts, le flou, squattent un néant aseptisé baptisé « diversité ». Sur les rezzous sociaux des sycophantes multiplient les oukases, cherchent un trou, un fromage, le buzz. La mine piteuse, ils habitent l’abîme. Envieux, quérulents, sans programme ni arguments, ils exècrent le travail, le mérite, veulent des coupables. Une pierre à la main ils guettent le sommet ; de l’autre ils font l’aumône, exigent une allocation universelle, un manga, des abayas. Ils pourchassent les mauvais esprits, les mâles, les blancs, censurent, traquent les kouffar laïcards, menacent de mort les professeurs, les poignardent à l’occasion. Les héritiers de la Bourdieuserie, déconstruisent, déboulonnent, réécrivent le passé selon leur idée de la vertu, mensonges. Le meilleur ennemi de toujours, golem maléfique, diabolus ex machina – dont le centre est partout et la circonférence nulle part -, c’est l’Extrême Droite. Un seul Maistre vous manque et tout est dépeuplé.

Au Mondial Moquette du tout à l’égo intersectionnel, tout est possible, rien ne vaut rien, tout est à vendre : GPA, épectase, excuses, concurrence victimaire. L’agenda libéral-libertaire décalque celui du capitalisme woke : ochlocratie, pléonexie, cyrénaïsme, éradication du passé et de la culture, métamorphose des jeunes générations en zombies numériques et consommateurs lotophages. « Mon intérêt seul est le but où tu cours » (Racine).

Sous perfusions, régimes spéciaux, résilient, le monde de la culture ne lâche rien. A Cannes, dans les cours d’honneur, le maquis des espaces de création, le rap, les tracts, l’intermittence, au Collège de France, sur les formes scintillantes, sur chaque main qui se tend, sur les lèvres attentives, le teint frais et la mine vermeille, ils écrivent la liberté. Ils interrogent la page blanche, auscultent les habitus, les corps dominés, les transfuges de classe, l’autofriction. Ils tissent des liens, montent des ateliers d’écriture nomade, des yourtes zéro carbone place Colette. Ils cherchent leurs mots, l’inspiration, le buzz, des sponsors.

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Les artistes alertent, dénoncent, les crispations, le nauséabond, le toxique, l’autoritarisme crypto fascistoïde, lèchent toutes les blessures du monde. Ils luttent pour la planète des femmes, la panthère longibande d’Indochine, la retraite à 50 ans, Frida Kahlo, Hermione, Esther, l’imminente dignité des pauvres. Ils combattent la précarité menstruelle, du Bellay (identitaire nostalgique de la France mère des arts, des armes et des lois), Pyrrhus, Landru, Eric Zemmour, le masculinisme, l’argent, l’injuste puissance qui laisse le crime en paix et poursuit l’innocence. Au creux des lits, ils font des rêves. Sifflez, compagnons, dans la nuit la Liberté vous écoute.

Au royaume des idées, les faits n’ont pas d’importance. Le Grand-Guignol hexagonal, la méthode couarde, La France irréelle (Berl), arrivent à échéance. Faire toujours la même chose et attendre un résultat différent, c’est suicidaire.

Et pourtant, elle coule…

Sur l’essentiel, les enjeux civilisationnels, la nature arraisonnée par la technique, la crétinisation numérique, l’emprise totalitaire de l’IA, les transgressions généalogiques, les choreutes cabriolent dans le nudge, les sophismes, ânonnent deux mantras : « transition écologique », « mix énergétique », « trottinettes à hydrogène ». Ils fantasment une Europe Assistance – couteau sans lame auquel il manque un manche – plus protectrice et puissante que la Madonna del Parto de Piero della Francesca.

L’abstentionnisme, le poujadisme, la désespérance ne sont pas les fruits amers d’un discours churchillien de vérité, jamais tenu, mais la résultante de mensonges séculaires. Pas de salut sans courage de dire les vérités déplaisantes, sans mesures impopulaires, sans tempêtes ni sacrifices.

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La France partage un secret avec Maître Cornille (Lettres de mon moulin). Fini les farandoles et sérénades. Le « modèle français », « l’exception culturelle », la Voie française font éclater de rire à l’étranger. Marianne a vendu sa croix d’or, ses sacs de farine sont remplis de plâtre. Elle a mis son histoire, sa culture, son Etat, sa langue au mont-de-piété. L’avenir est plombé, les fantasmes, fantômes, fantoches ressurgissent. Les crises d’indignation, de haine, la guerre des races, des genres, de tous contre tous, l’abêtissement général, finiront par accoucher de la tyrannie.

Quelle résistance opposer à cet alignement des désastres ? Quel horizon, ligne de fuite ? Port Royal, l’immigration intérieure, les regrets et les pleurs, des sarcasmes mouchetés de mélancolie ? L’exercice d’une lucidité condamnée n’interdit pas d’allumer des pétards sous les pieds des Tartuffe.

« Nous savons qu’ils mentent, ils savent aussi qu’ils mentent, ils savent que nous savons qu’ils mentent, nous savons aussi qu’ils savent que nous savons, et pourtant ils continuent à mentir » (Alexandre Soljenitsyne).

I’m in love with Marie-France Garaud

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Marie-France Garaud (1934-2024) photographiée en 2010 © BALTEL/SIPA

Elle était l’une des dernières gaullistes, ère pompidolienne. Ce mercredi 22 mai 2024, Marie-France Garaud est décédée à l’âge de 90 ans. Femme la plus puissante de l’histoire de la Vème République pour les uns, génie de la cruauté caustique dans la grande tradition des moralistes français pour les autres, MFG était un peu les deux à la fois.


Dans la Fête des fous, ouvrage paru en 2006, Marie-France Garaud se demandait qui avait bien pu tuer la Vème République. Mendésiste dans sa jeunesse, elle avait elle-même voté non au référendum de 1958. C’est en 1967 que Pierre Juillet, conseiller de Georges Pompidou, la recrute. C’est le début d’un fameux duo qui va préparer la campagne de l’ancien Premier ministre du Général de Gaulle, non sans avoir désamorcé l’affaire Markovic. Avec Edouard Balladur, pendant la maladie puis après la mort de Pompidou, le triumvirat est aux manettes de la France : les quelques mois durant lesquels la France a été le mieux géré de son histoire.

Une cruelle éleveuse de champion

Il y avait, chez les gaullistes historiques, Chaban-Delmas notamment, une tentation de se rapprocher des thèmes de gauche, pour éviter l’alternance. C’en est trop pour le duo Juillet-Garaud, marqué davantage à droite, qui tente de lancer Pierre Messmer dans la présidentielle de 1974. Le binôme pousse ensuite le jeune député corrézien Chirac et 42 autres parlementaires gaullistes à lâcher le maire de Bordeaux au profit du candidat Giscard, pourtant resté aux yeux de beaucoup comme le traître du référendum de 1969. Chaban finit péniblement au-dessus des 5%, Giscard est élu. Derrière le premier grand « assassinat » politique de Jacques Chirac (qui file directement à Matignon, où Garaud sera sa conseillère), il y a l’ombre du duo maléfique.

Jacques Chirac n’est pas encore le Bonisseur De la Bath que l’on a connu plus tard mais plutôt un grand échalas perdu et peu sûr de lui. Marie-France Garaud est tout le contraire. Elle transforme son poulain en étalon. Quand il est élu maire de Paris en 1977, il remercie sa conseillère, elle glisse : « C’est bien la première fois qu’un cheval remercie son jockey ». Cette phrase, et quelques autres, font déjà partie du panthéon des plus belles vacheries de la Vème République. Philippe de Villiers, qui a siégé au Parlement européen avec elle, a déclaré : « Elle se délectait de cruautés comme d’autres de gourmandises. »

Elle dissuade Chirac de divorcer afin d’éviter de compromettre ses chances de devenir un jour président de la République. Bernadette Chirac ne fut que modérément reconnaissante, en déclarant : « Elle a beaucoup de mépris pour les gens. Elle les utilise, puis elle les jette. Elle me prenait pour une parfaite imbécile ». Si Chirac divorce, c’est plutôt d’elle. Il lui reprocha d’avoir tenu le crayon, quand, coincé à l’hôpital de Cochin après un accident de voiture, en 1978, il signa l’appel du même nom, aux accents souverainistes. En 2006, elle répond à la journaliste du Monde, Raphaëlle Bacqué : « Comprenez bien : lorsque Chirac a conquis la Mairie de Paris, nous nous sommes un peu retrouvés (avec Pierre Juillet) comme des parents soulagés d’avoir casé le petit dernier. D’ailleurs, d’habitude, on ne sort jamais de la Mairie de Paris pour aller plus haut. Vous conviendrez que ce n’est pas de veine… ».

La bataille de Maastricht

En 1981, elle fait campagne à part, contre son ancien poulain. Le candidat François Mitterrand y met du sien pour qu’elle obtienne ses parrainages. Le couloir gaulliste est déjà bien encombré puisque Michel Debré, le fondateur de la Vème République, est lui aussi candidat. On l’a oublié, mais André Glucksmann et Bernard Kouchner, qui ont gardé de leur gauchisme de jeunesse une hostilité primaire à l’URSS, soutiennent la candidate, elle-même à ce moment très atlantiste. Le score final, 1,33%, est assez anecdotique.

Dans la décennie suivante, Marie-France Garaud est plutôt aimable avec le président Mitterrand, qui la reçoit deux fois à l’Élysée. Entre l’étatisme gaullien et l’étatisme socialiste, il pouvait y avoir quelques convergences. Jusque 1992 : avec Villiers, Pasqua et Seguin, elle prend la tête du combat contre Maastricht. Le terme « souverainisme » n’existe pas encore (c’est quand la souveraineté s’en est allée qu’il a fallu mettre le mot). En 1996, elle débat sur le service public, contre son amie Simone Weil et Jacques Attali, aux côtés de Jean-Pierre Chevènement. L’esquisse d’une reconfiguration de la vie politique autour d’un affrontement entre souverainistes et euro-fédéralistes ? Finalement, personne n’ose vraiment franchir le Rubicon. Le clivage droite-gauche n’explosera qu’en 2017, au profit d’un antagonisme entre élitisme et populisme – une version un peu bas de gamme du débat des années 90. L’ancien maire de Belfort, autre conscrit de Maastricht, a salué lui aussi Marie-France Garaud, dans un style plus ou moins fluide : « La mort de Marie-France Garaud ranime la nostalgie d’une droite nationale et souverainiste dont l’un des enjeux de la période qui s’ouvre est de savoir quelle force pourra s’en saisir. »

Un flirt gâché par un camping-car

Marie-France Garaud passe cinq ans au Parlement de Strasbourg, de 1999 à 2004. Elle écrit et décrit dans Impostures politiques, en 2010 comment la cour de Karlsruhe a su maintenir la constitution allemande au-dessus des traités européens : avec un peu de courage, nos propres constitutionnalistes auraient pu en faire autant. Elle passe chez Frédéric Taddeï, où, citant Jean Bodin, elle explique que la France n’a plus vraiment d’État et n’est plus vraiment un État. Après dix années de chiraco-sarkozysme, elle est de nouveau tentée de flirter avec la gauche, et notamment avec Arnaud Montebourg, candidat aux primaires de 2011 et qui remet au goût du jour des thématiques productivistes et protectionnistes. En décembre 2011, face à Nathalie Kosciusko-Morizet elle termine, chez Yves Calvi, avec le député de Saône-et-Loire, les phrases du Général. La lune de miel avec la gauche de retour au pouvoir est bien courte. Un proche d’Arnaud Montebourg confie : « Un jour, elle m’appelle : « Vous avez-vu les photos de Jean-Marc Ayrault avec son camping-car ? Vous aussi vous avez un camping-car ? » Je lui ai dit que non mais le mal était fait ». Pour l’ancienne conseillère de Pompidou, c’était la faute de goût de trop.

Femme la plus puissante de la Vème République, d’après Sarah Knafo, elle n’a cependant été élue qu’une fois, en 1999, sur la liste Pasqua-Villiers. Alors que Margaret Thatcher s’apprêtait à botter les fesses des généraux argentins, elle obtenait un score famélique à la présidentielle. Dommage : elle aurait pu être une version à la française de la Première ministre britannique, c’est-à-dire en plus étatiste, et nous aurions pu adapter la chanson du groupe Notsensibles : I’m in love with Marie-France Garaud.

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Du pluralisme dans les médias? Oui, mais pas n’importe comment…

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Laurence Bloch, Nagui, Sonia Devillers, Patrick Cohen, Charline Vanhoenacker, Augustin Trapenard à Radio France, Paris, 27 août 2014 © ZIHNIOGLU KAMIL/SIPA

L’affaire est entendue : les médias français sont majoritairement progressistes, immigrationnistes, multiculturalistes et européistes. Les journalistes sont majoritairement de gauche. Les étudiants des écoles de journalisme et des IEP votent très majoritairement à gauche ou à l’extrême gauche. Le frémissement actuel d’un contre-courant au gauchisme ambiant laisse espérer des lendemains moins idéologiquement uniformes dans les médias. Mais rien n’est gagné, loin de là.


Le magistère moral de la gauche médiatique n’est en effet remis en question qu’à la marge. Dans l’audiovisuel public, rien ne change, au contraire. L’entre-soi est assuré. On y discute d’immigration heureuse, d’avenir diversitaire et radieux, de justes causes de toutes les minorités possibles et imaginables, de « dérèglement climatique » en tenant au loin les potentiels contradicteurs. On se congratule mutuellement, on donne des leçons de morale en évoquant, faussement épouvantés, le retour des « heures sombres » et autres « bêtes immondes », on fait des barrages contre l’extrême droite à tout-va – jusqu’à présent, les élections confirmaient l’efficacité de cet harassant travail de castors stakhanovistes.

Le combat d’une vie pour Me Goldnadel

Bien entendu, la main sur le cœur, on ne cesse de se targuer d’être ouverts, tolérants et pluralistes. Malheureusement, regrettent les salariés de « l’odieux visuel du service public » (Goldnadel), malgré tous leurs efforts, les barrages s’effondrent, des idées nauséabondes parviennent à percer ici ou là, les Français ignorent les injonctions des éditorialistes politiques de France Inter et votent de plus en plus mal. Du coup, la médiacratie montre son vrai visage. Et ses dents. Il aura suffi du succès d’une chaîne d’information continue, d’une radio et d’un ou deux journaux « bollorisés » et de sondages annonçant la victoire écrasante du RN aux prochaines élections européennes pour qu’éclate sa tartufferie et que remonte entièrement à la surface son mauvais fond idéologique et autoritaire.


L’audiovisuel du service public, subventionné par tous les Français, a depuis longtemps choisi son camp. Progressiste, woke et immigrationniste, il distille à longueur d’émissions et de documentaires soigneusement orientés les messages vantant les mérites du multiculturalisme et de l’écologisme, de l’UE et du transgenrisme. De plus, il ne perd pas une occasion d’évoquer, en tremblant, « l’extrême droite » qu’il devine derrière chaque personne ou groupe de personnes contredisant la doxa. Cette machine propagandiste compte plusieurs centaines de directeurs, producteurs, journalistes, chroniqueurs et éditorialistes qui trouvent la place suffisamment chaude pour ne la céder à personne. À l’annonce de la fusion de Radio France et France Télévisions, les salariés de Radio France ont dénoncé, dans une tribune parue dans Le Monde, une réforme « démagogique, inefficace et dangereuse ». « Protégeons, écrivent-ils, le pluralisme dont nous sommes un des piliers. » Défense de rire. Parlons-en, tiens, de ce fameux pluralisme dans l’audiovisuel public.

A relire : Delphine Ernotte: «Je ne veux pas la mort de CNews»

La gauche bénéficie d’une exposition sans égale sur France inter

L’institut Thomas More, après avoir visionné et écouté attentivement pendant une semaine les programmes de France 2, France 5, France Info TV, France Info Radio, France Culture et France Inter en tenant compte des recommandations du Conseil de l’État à l’Arcom – à savoir qualifier et mesurer les sensibilités politiques de tous les participants à toutes les émissions – vient de rendre un rapport accablant, nous apprend un récent article de Judith Waintraub1 dans Le Figaro Magazine : « l’audiovisuel public déroge à ses obligations légales d’impartialité et de pluralisme ». Les résultats : sur 587 intervenants, 50 % étaient jugés politiquement « inclassables », 25 % de gauche, 21 % du camp macroniste et 4 %… de droite. Devinez sur quelle radio les intervenants classés à gauche profitent d’une exposition sans égale : France Inter, naturellement. Ces résultats confirment par ailleurs ceux du temps de parole des courants politiques aux dernières législatives sur ladite radio avec « des gauches bénéficiant d’une audience nettement supérieure à leur poids électoral (+ 50 %) » tandis que « la droite radicale connaissait une sous-représentation considérable ( – 58 %) ». En outre, les membres de l’institut Thomas More, après avoir décortiqué des centaines d’émissions, notent que les humoristes et éditorialistes de France Inter réservent systématiquement un « traitement de défaveur aux représentants des droites ». Bizarre : Adèle Van Reeth affirmait pourtant au Figaro, le 28 mars dernier, que les journalistes et animateurs de la radio qu’elle dirige étaient « des personnes qui ne sont pas dans une optique militante ». Quant à l’émission de France 2 “Complément d’enquête”, après avoir visionné ses 86 dernières éditions, le résultat de l’institut est sans appel : « 37 % d’entre elles reflètent un positionnement idéologique de gauche et 0 % de droite ! » Il est noté également une appétence toute particulière de l’audiovisuel public pour le multiculturalisme – du 19 au 23 février 2024, les six radios et télés étudiées ont traité le thème de la « diversité »  à 12 reprises « en la présentant à chaque fois comme une chance pour le pays d’accueil et une condition pour le développement d’une société plus harmonieuse », écrit Judith Waintraub en s’appuyant sur une note on ne peut plus claire de l’institut Thomas More : « La fierté de sa culture ou de ses racines est considérée avec scepticisme quand ladite culture est française, mais au contraire fortement valorisée quand celle-ci est étrangère. »

L’humoriste Charline Vanhoenacker photographiée à Lille en 2022 © JP PARIENTE/SIPA

Tout aussi clair est le dernier tract du syndicat CFDT-Journalistes. Contrevenant totalement aux principes syndicaux de non-ingérence politique et de défense des salariés, les représentants du syndicat écrivent, avec des trémolos dans la plume : « Les journalistes ne veulent pas regarder monter l’extrême droite les bras croisés ». Ils exhortent « les journalistes et tous les citoyens à ne pas sous-estimer le péril démocratique qui est en jeu ». Plus loin, ils affirment : « Si nous nous exprimons en tant que représentants des journalistes en particulier, c’est que l’information est un pilier de la démocratie : les journalistes ont un rôle capital pour relater ce que vivent nos concitoyens, rendre compte et faire vivre le débat public, pour dire ce qui risque d’être tu. »

Relater certains faits de société, nommer certains criminels, confronter les chiffres explosifs de la délinquance à ceux, en hausse régulière, de l’immigration, dénoncer l’antisémitisme d’une partie de l’extrême gauche, ne semblent pas faire partie de cette profession de foi. Et pour cause : ces événements relèvent de « l’information manipulée par les extrémismes, pour servir leur projet ». La tête nous tourne lorsque les journalistes de la CFDT défendent le pluralisme tout en regrettant « l’extension progressive de médias d’opinion » ou affirment que « le débat public pâtit de la montée de tous les extrêmes », alors qu’eux-mêmes ne ciblent que… l’extrême droite. Il n’est en effet question que d’elle : la CFDT invite tous les journalistes à « se former » exclusivement sur ce qu’est l’extrême droite ; à « refuser tout compromis » en n’omettant jamais de qualifier le RN et Reconquête ! de « partis d’extrême droite » ; à ignorer le « vocabulaire de l’extrême droite », etc. Afin de ne pas « s’endormir face à la banalisation de certaines idées » (devinez lesquelles !) et « pour que les rédactions soient un lieu de diversité où se vivent le dialogue et la fraternité (sic) », la CFDT-Journalistes propose ce qu’elle appelle un « contre-projet » de société reposant sur un paysage médiatique pluraliste mais pas trop quand même. Après avoir lu attentivement le tract de la CFDT, nous pensons être en mesure de dessiner ledit paysage assez précisément : une télévision publique de gauche, des radios publiques progressistes, des journalistes de presse pluralistes de gauche, wokes ou progressistes, des éditorialistes politiques de gauche, des chroniqueurs wokes, des animateurs progressistes et, pourquoi pas, histoire d’apporter une touche d’humour, des bouffons belges. C’est étrange mais… ça nous rappelle quelque chose. 

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  1. https://www.lefigaro.fr/medias/droite-marginalisee-et-gauche-surexposee-revelations-sur-le-manque-de-pluralisme-dans-l-audiovisuel-public-20240524 ↩︎

Yann Moix, Voltaire contemporain

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Yann Moix © Arnaud MEYER/Leextra/Editions Grasset.

Yann Moix nous raconte sa demande de visa pour aller visiter la Corée du Nord. Jubilatoire et politiquement très incorrect.


Yann Moix possède cette particularité d’être toujours imprévisible. En 2018, l’écrivain s’était rendu en Corée du Nord, entraînant dans son insolite voyage Gérard Depardieu, toujours curieux de visiter les parties du globe terrestre qui ne sont pas des destinations de vacances pour touristes en troupeau, qu’il nomme « ailleurs ». Filmé durant le séjour, la star planétaire y avait tenu des propos pour le moins salaces que les loufiats de la bien-pensance s’étaient empressés de divulguer afin de les condamner avec la plus grande fermeté, à commencer par l’ancien président de la République, François Hollande, lequel n’avait pas digéré les propos humiliants tenus par le-plus-grand-acteur-du-monde à son endroit. La vengeance est un plat qui se mange moisi, c’est bien connu.

« Votre lumineux lendemain, c’est de devenir des Arabes »

Dans Visa, court roman au rythme bondissant, l’auteur se met en scène sous les traits de « M. Yann » qui sollicite un visa pour la Corée du Nord, pardon, la République populaire démocratique de Corée, à un redoutable fonctionnaire, « M. Ri ». La scène se déroule dans les locaux de la Délégation de Corée du Nord à Paris. Disons-le tout de suite, le face-à-face entre les deux hommes est jubilatoire. Les dialogues, subtils, ironiques, surréalistes, montrent les limites du langage entre deux visions du monde diamétralement opposées. On en vient, du reste, à se demander si les deux individus habitent la même planète. Ce qui est renversant, et en même temps révélateur, puisque chacun croit détenir la vérité. Mais comme le remarque Pascal : « Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». L’esprit du Coréen est intoxiqué par la propagande, soumis aux oukases de la dictature de Kim Jong-Un, tandis que le français s’exprime dans une langue délicate, aux nombreuses formules implicites, lesquelles sont perçues par le fonctionnaire retors comme des formules hypocrites. Yann Moix renoue avec le Siècle des lumières, en particulier avec le conte philosophique cher à Voltaire. C’est osé de la part de Moix, incorrigible agitateur de cerveaux. L’époque, dirigée par les cuistres, déboulonne la statue de l’auteur du Traité sur la tolérance. Et voilà que lui, il nous pond un texte ironique irrigué d’antiphrases.

A lire aussi : En attendant le changement de millénaire, dans les Alpes, avec Roman…

Ce texte est une divine surprise. Il nous secoue, la tête figée par la paresse et les certitudes. C’est le rôle de l’écrivain. À ne pas confondre avec le fonctionnaire du culturel qui ne songe qu’à plaire à ses lecteurs enduits de crème solaire, allongés sur la plage interdite aux chiens et aux seins nus. Yann Moix agit comme le poil à gratter. Il souligne, par le truchement de « M. Ri », nos formules creuses, nos slogans de dircom, nos coupables incohérences. Extrait, à propos des terroristes islamistes : « Ah, Eux ? Les attentats ne seraient pas possibles dans notre pays. Vous laissez entrer trop de mauvaises personnes sur le sol de votre patrie. Nous, nous n’aimons pas ce qui entre (…). Nous considérons que nous sommes bien chez nous. Entre nous. » Ou encore : « Chez vous, il n’y a plus de patrie. Et il n’y a plus de nation. Les musulmans le savent (…). Votre lumineux lendemain, c’est de devenir des Arabes (…). Vous trouvez tout le monde merveilleux. Et c’est ainsi que tous les gens merveilleux veulent votre mort. » Ça bouge dans les rangs ? Parfait. « M. Ri » cogne sur les donneurs de leçons. Il fustige l’esprit occidental qui « a subi tous les méfaits de l’intoxication nord-américaine et de la cocaïne sud-américaine ». Il ajoute : « Les Français se servent de la France mais ne la servent pas. » Hyperbolique ? Sûrement. Mais ça permet d’ouvrir la fenêtre. Devant les réponses nuancées de « M. Yann », le fonctionnaire balance : « Notre nation ne recherche pas la finesse : elle cherche d’abord à détruire ceux qui veulent la détruire. »

Accusé Moix, levez-vous !

Alors, certes, le régime de la Corée du Nord est une dictature, même si les plages y sont superbes. Il convient de se boucher le nez, de ne surtout pas y mettre les pieds, de la condamner immédiatement, sous peine d’être pulvérisé dans l’espace médiatique. Rien que de demander un visa, c’est plus que suspect, « M. Yann ». Mais le fonctionnaire contaminé de la DCN assène quelques vérités sur son pays. Il rappelle la famine, les maladies, la puanteur de la population, les exactions sommaires d’avant l’ère Kim Jong il.

A lire aussi : Gérard Depardieu, un monstre sacré comme un autre

Yann Moix n’hésite pas à pratiquer l’autodérision. Il fait dire à « M. Ri » qu’il est un « indécrottable petit-bourgeois », « frileux » et « peureux ». Extrait : « Il y a beaucoup de gens qui disent que vous n’êtes pas un très bon romancier. Il semble évident que vous n’écrivez pas de choses profondes. Vous écrivez des livres que n’importe qui peut écrire, et qui ne sont pas de la philosophie. » En constatant qu’il s’intéresse à Claude François, Michael Jackson ou encore André Gide – que le fonctionnaire avoue ne pas connaître, ouf –, il lui fait remarquer qu’il « aime beaucoup les pédophiles ». Moix feint alors de s’étonner.

Comme le dit « M. Ri » : « Qui veut tuer le loup doit parler la langue du chien ».

Jubilatoire, on vous dit.

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Être juif?

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Keffieh palestinien. DR.

Depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre, et la réplique militaire de l’État hébreu, les juifs du monde entier sont de nouveau montrés du doigt. Notre contributeur a la tête lourde.


A force de voir le nom, le mot écrit, commenté, loué, insulté protégé, tagué, dénoncé menacé à longueur de journée, de journaux, d’ébats, de débats, d’entendre la monosyllabe qui jouit qui siffle, qui persiffle, juif d’ici ou de la bas, d’abord juif ou après seulement, après quoi, européen, français, résident de mon quartier, de mon appartement, ma chambre, mon placard, sioniste ? mais  de quel cieux, quel drapeau… Que tout cela est compliqué mais merci d’avoir posé la question. On ne la pose jamais assez et j’avoue moi-même être un peu perdu.

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Dans Ellis Island, Georges Perec en parlait en ces termes : « Je ne sais pas très précisément ce que ça me fait que d’être juif… c’est une évidence, si l’on veut, mais une évidence, médiocre, qui ne me rattache à rien, une certitude inquiète, derrière laquelle se profile une autre certitude, abstraite, lourde, insupportable: celle d’avoir été désigné comme juif… quelque chose d’informe, à la limite du dicible, quelque chose que je peux nommer clôture, ou scission, ou coupure… »

Couper, rompre, clôturer, hachurer, c’est donc le retour de la grande ritournelle, un peu plus festive cette fois-ci. Plus de soutane, d’uniforme vert de gris mais des écharpes à carreaux noir et blanc, portées autour du cou ou de la tête, c’est selon sa sensibilité. Le juif que je suis aujourd’hui habite les colonies, dévore la terre des autres, broie leurs enfants, s’expand comme une pandémie quand hier il se contentait d’infester les puits ou de ruiner les petits épargnants. J’en suis donc le comptable comme toutes les petites mains avides et anonymes des grands tortionnaires. Ma tête en est lourde, mes épaules chargées mais pour un peu, pour un temps, j’échappe à mon destin perecien : je me trouve, me situe enfin, quelque part sur cette planète, dans le quinzième arrondissement. Je suis le juif de la conquête, un peu ricain, un peu rabbin, pratique le Krav maga et chante à l’Eurovision drapé d’une étoile bleue sur un fond blanc. Me vient alors une vision : dans un siècle je serai chinois, mes yeux seront bridés et l’arrête de mon nez sera toute plate et sa pointe arrondie. Un peu plus loin dans le temps, mon exosquelette sera en or massif… puis viendra le jour heureux ou je serai le dernier, le dernier juif enfin. On me veillera avec attention jusqu’à ma fin comme l’ultime spécimen d’une espèce qu’on aura maudit jusqu’à l’attendrissement. Plus tard, on racontera une légende, comme celle des peuplades dont on finit par douter : Il était une fois… Ils étaient tantôt difformes, protéiformes, tantôt indiscernables, se mêlant parmi les hommes prétendant leur avoir donné une loi afin de mieux la violer…

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En attendant ce jour, je m’observe dans mon miroir cubiste ou se projette toutes mes facettes, mes territoires conquis et mes zones d’ombres. Je dois me justifier de chacune et j’avoue me trouver peu convainquant pour ne pas dire parfois suspect. L’envie me prend de me punir moi-même, me mutiler en deux ou en trois parties égales, palestinienne, samarienne…  Ils ont gagné, je délire. Voilà ce qui arrive lorsque l’on vous contraint à assembler les pièces détachées les unes des autres par nature, à faire apparaitre une forme soi-disant intelligible en reliant d’un trait des paires de points éloignés comme dans ces jeux d’enfants.

Surgit alors un étranger, un juif commun, une sorte de pavillon témoin, dans lequel il me faudra habiter sans y retrouver ce désordre familier, cette indécision dans la disposition des pièces, ce flottement, cette mise en question dont me prive la haine qui colle ou plutôt qui fait coaguler ce qui circule, le fige, l’immobilise et d’une certaine façon l’anéantit, d’une autre façon.

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Corps à corps en Corée

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© KOREAN FILM COUNCIL

La malheureuse aide-soignante Moon-Jung s’occupait tant bien que mal à domicile de deux vieillards, jusqu’au jour où…


Coup de cœur pour la Corée (du Sud) ? Le premier long métrage de Lee Solhui, née en 1994, en propose une image singulièrement noire. Moon-Jung, séparée de son fils adolescent par les troubles psychiatriques qui assaillent cette femme borderline (elle s’autopunit en se foutant des baffes) dont la génitrice gâteuse réclame ses soins, survit tant bien que mal dans une sorte de grande tente bâchée de noir et, faute de subsides pour se payer des consultations de psy, a intégré une thérapie de groupe gratuite, mais un peu niaise. « Tu pourras me supporter ? », questionne-t-elle son enfant, dubitative quant au résultat. Perturbée mais secourable, Moon-Jung est auxiliaire de vie au domicile d’un couple de vieillards : le mari, homme de culture égotiste et policé, devenu aveugle et tendanciellement suicidaire, croit couver la maladie d’Alzheimer, tandis que l’épouse, frappée quant à elle de démence sénile, pique des crises de violence incontrôlables tel un bébé de deux ans. Un événement dont on vous laisse ici la primeur provoque chez Moon-Jung (par ailleurs harcelée par la petite Soon-Nam, lolita rencontrée dans le groupe psy et en déficit cognitif manifeste), une décision fatale qui par ricochet va finir de consommer jusqu’à l’horreur cette insondable tragédie du genre humain. L’universelle déprime de ces corps à corps ravinés et souffrants nous est ici rendue de façon toute clinique, sans musique ou presque d’un bout à l’autre de ces deux heures quarante que dure Green House. Ouf. En sortant du ciné, partez fissa vous mettre au vert, ça vous changera les idées !   


Green House. Film de Lee Sol-hui. Corée, couleur, 2023. Durée : 1h40. En salles le 29 mai 2024.

Florence Bergeaud-Blackler: extension du domaine du halal

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Florence Bergeaud-Blackler © D.R

La police des mœurs islamiques ne vise pas seulement à faire respecter la vertu dans l’espace public. Elle est l’un des visages de l’offensive frériste pour instaurer une société halal fondée sur le séparatisme, voire sur un suprémacisme musulman. La riposte est possible : commençons par interdire le voile des mineures et soutenir les courageux apostats.


Docteur en anthropologie, Florence Bergeaud-Blackler est chargée de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Auteur de Le Frérisme et ses réseaux – l’enquête, Odile Jacob (2023) et Le marché halal ou l’invention d’une tradition, Le Seuil (2017).

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Causeur. Les lynchages de Samara et de Shemseddine ont été présentés comme des « crimes d’honneur ». Relèvent-ils d’un phénomène religieux ou anthropologique ?

Florence Bergeaud-Blackler. Quand on parle de « crime d’honneur », on se réfère à un cadre anthropologique qui renvoie à une structure clanique. Celle-ci est régie par des règles très strictes, comme on le voit dans les sociétés traditionnelles méditerranéennes, musulmanes et non, où l’honneur de la famille repose sur la femme.

Mais les lynchages de Samara et de Shemseddine relèvent plutôt du contrôle individuel par une sous-culture qui puise ses normes et ses références dans l’islamisme frériste. Cette norme islamiste divise le monde halal (licite) du monde haram (illicite), elle fait la distinction entre le pur et l’impur, le bien et le mal. Selon l’islam salafi (fondamentaliste), cette norme est valable partout, en tout temps, pour tout le monde. Le musulman doit se l’imposer mais doit aussi l’imposer. Son devoir, fixé par Dieu, est de contrôler son propre comportement et celui d’autrui. Pour ces très jeunes musulmans – qui correspondent à la troisième génération réislamisée par les Frères musulmans, les salafistes et autres piétistes – l’idéal est ce monde islamique présenté comme indépassable. La police de la moralité, en action dans les tribunaux chariatiques anglais comme dans les « charia zones » allemandes et dans les rues iraniennes, impose cette norme afin que chacun trouve le salut. Il y a aussi pour ces jeunes un rapport de force évident : se faire craindre pour être respecté.

Ces miliciens de la vertu poursuivent-ils d’autres objectifs ?

Les salafistes fréristes veulent mobiliser l’Oumma (la « grande nation » des musulmans) afin qu’elle impose ce régime islamiste à travers le monde. Selon eux, l’islam a tout prévu pour les hommes. Le Coran et la Sunna régissent chacun des actes et chacune des activités de l’existence. Il suffit de méditer les textes. Tout comportement licite est récompensé, et tout comportement illicite pèse négativement dans la balance qui sera examinée sévèrement par Dieu le jour du Jugement dernier. À cela s’ajoute la dimension collective, très puissante dans la logique frériste : si vous vous comportez mal, vous entrainez dans votre chute votre famille et votre milieu.

C’est pourquoi le groupe a un droit de regard légitime sur les actions individuelles…

Exactement. Et voilà pourquoi l’apostat est chassé, persécuté ou même condamné à mort. Son reniement met tout son environnement en danger et fait reculer l’objectif que doit poursuivre tout croyant : édifier le califat. Dans ce cadre de pensée, on ne demande pas au musulman de discuter ou de questionner ce qu’il y a dans le Coran ou la Sunna, mais d’avancer dans la direction indiquée par Dieu. Et peu importe que le Frère musulman ne voie pas la fin de son action, il participe de ce destin qui finira par se concrétiser.

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Notons que la voie de ce salut passe toujours par le contrôle des femmes…

Ce contrôle est une pratique sociale très anciennes, voire antéislamique, et, comme je l’ai dit, extra-islamique. Mais dans l’affaire Samara, il y a deux séquences à dissocier. Elle a été agressée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la loi du groupe qui lui imposait un islam rigoriste, c’est ce que sa mère a dit spontanément ; puis, dans un second temps, sous la pression du groupe, elle s’est rétractée en expliquant que sa fille était très pieuse. Entre temps, elle a certainement subi des pressions, des « conseils », des « rappels », bref, elle a été recadrée avec des arguments que je connais bien : « Attention, tu fais le jeu des islamophobes et de l’extrême droite. », « Il faut sauver ta fille. » … Autrement dit, elle doit être reconnue pieuse par le groupe si elle ne veut pas être persécutée puis trouver un mari. Sa mère avait-elle le choix ?

Pour les dévots, le collège exerce aussi une mauvaise influence : Samara s’habillait « à l’européenne ».   

Il n’y a aucune ambiguïté sur ce point. Les Frères ont rédigé un document ratifié par l’ISESCO (l’UNESCO de l’Organisation de la Coopération Islamique), qui stipule que l’École est un danger pour les musulmans car elle les éloigne de l’islam. Et en effet, l’École républicaine, quand elle fait bien son travail d’instruction, sème le désir d’une autonomie de pensée et d’action qui éloigne les membres de l’Oumma de leur communauté et des principes d’une société halal.

Quels sont les principes d’une telle société ?

On a longtemps cru que le halal n’était qu’une question d’interdit alimentaire. C’est bien plus profond. Il s’agit d’un discours suprémaciste qui vise à distinguer les musulmans du reste de l’humanité. On explique ainsi aux enfants que s’ils ne mangent pas comme les autres, c’est parce qu’il leur faut une nourriture pure, différente de celle des mécréants – cela dépasse le précepte religieux. L’enfant en déduit logiquement que le porc est sale et que ceux qui en avalent le sont également… La génération de Samara n’a connu que cette distinction entre le haram et le halal qui renvoie de façon concrète, affective (au sens des affects), à la séparation entre l’islam et le monde des mécréants.

Peut-on parler d’une extension du domaine du halal ?

C’est ce qu’on observe depuis une quarantaine d’années. Le frérisme a étendu cette logique aux produits, aux comportements, aux espaces pour former une « communauté imaginaire » halal qui est aujourd’hui bien réelle. Le marketing islamique a inventé des hôtels halal, de l’eau halal, des vêtements pudiques, des technologies et des facultés halal. Le principe est assez simple : pour « halaliser », il faut avoir au préalable « haramisé », c’est-à-dire défini ce qui est interdit. Les possibilités sont donc infinies et permettent d’opérer des distinctions dans tous les champs de l’activité humaine. Vous voulez rendre l’eau minérale haram ? Il suffit de dire qu’il y a des traces microscopiques d’alcool dans le liquide servant à nettoyer les bouteilles en plastique. Dès lors vous pouvez proposer une version halal de l’eau minérale.  

On retrouve évidemment cette distinction dans la mode.

De la même manière, le hidjab de grandes marques « pudiques » participe au maintien de la frontière halal/haram. Les entreprises qui jouent ce jeu ont une lourde responsabilité. Quel que soit le pays concerné, l’Iran, l’Afghanistan ou la France, la norme est renforcée. Plus largement, le but est de soustraire le féminin de l’espace public, car la société islamique repose sur une division sexuelle du travail et de l’espace. Pour les islamistes, chaque sexe doit avoir sa fonction. Il ne peut y avoir de société islamique sans la disparition du féminin de l’espace public. Si nous ne voulons pas d’une société islamique, nous savons donc comment faire…

Oui, mais pas partout… N’est-il pas interdit de vivre à la française dans certains quartiers ?

Les fondamentalistes font tout pour interdire l’adhésion aux normes européennes jugées décadentes. La réislamisation de trois générations a engendré, même chez les musulmans sortis de l’islam (sans le dire), un sentiment persistant de culpabilité, de peur de trahir ou même de peur du châtiment divin. L’affaire Samara le démontre. La grand-mère appartient à une génération pré-frériste, elle s’est assimilée, elle ne craint pas d’affronter les caméras. La mère a commencé à se révolter puis elle a été rattrapée par le groupe. La fille, elle, a été battue par ses pairs… Le prestige est du côté de ceux qui prétendent maîtriser le Coran et la norme la plus stricte : ils ont le sentiment d’être pieux car ils sont tyranniques.

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Quant à ceux qui résistent à cette logique régressive et répressive, ils ne sont pas soutenus. Ils sont traités avec mépris par une société laïque qui s’est largement déchristianisée, mais qui a peur de passer pour raciste si elle accepte la désislamisation d’une partie de la communauté musulmane. Cela a été alimenté par certains intellectuels comme Jean Baubérot qui ont largement diffusé l’idée erronée d’une islamophobie de la laïcité. La gauche, celle qui a renié son héritage républicain, assigne les musulmans à résidence religieuse et les renvoie en permanence à leur identité musulmane, au point de défendre le port du voile.

Huitième édition du Sommet mondial halal au centre d’exposition d’Istanbul, 25 novembre 2022. « Le marketing islamique a inventé des hôtels halal, de l’eau halal, des vêtements pudiques, des technologies et des facultés halal… »

Peut-on combattre efficacement ces dérives ?

Oui. Il y a deux mesure urgentes à prendre. Interdire de voiler les mineures : il faut éviter que les petites filles intègrent le voile au point qu’il devienne une seconde peau. Le port du voile est un conditionnement physique et mental. D’ailleurs, celles qui y sont soumises et qui parviennent à l’enlever ne le font qu’au prix de longues années de lutte, et tout accident de la vie peut les ramener à ce traumatisme. Interdire le voilement précoce préviendrait ainsi le conditionnement.

Il faut également valoriser les apostats en leur donnant la parole.

Il y a plus de musulmans qu’on le croit qui sont sortis de l’univers mental de l’islam, mais ils se cachent parfois toute leur vie de leurs coreligionnaires car ils les craignent. Il faut valoriser la possibilité de sortir de la religion, l’affirmer haut et fort. Car aujourd’hui, être apostat de l’islam, même en France, c’est se mettre en danger. Qu’il puisse y avoir des fidèles qui fassent défection remet en question le pouvoir des dévots, la puissance de leurs injonctions et la pression du groupe. Pour eux c’est pire que tout. Mais pour l’islam non fondamentaliste, le choix libre d’entrer ou de sortir de la religion n’est pas un problème. Le problème, c’est que cet islam-là est devenu minoritaire et se tait.

Confrontation Attal/Bardella: derrière l’apparente victoire du Premier ministre…

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Gabriel Attal face à Jordan Bardella lors d'un débat télévisé arbitré par Caroline Roux, Aubervilliers, 23 mai 2024 © THOMAS SAMSON-POOL/SIPA

L’élégante Caroline Roux organisait hier un grand débat entre le locataire de Matignon et le favori des sondages pour les prochaines élections européennes. Ils ont bataillé pendant plus d’une heure, tels de jeunes coqs. Forcément, Causeur a regardé!


Jordan Bardella, 28 ans et tête de la liste RN pour les Européennes a débattu hier soir avec le Premier ministre Gabriel Attal venu au secours de Valérie Hayer, la tête de liste du parti présidentiel.

La joute orale,  organisée par le service public sur France 2, nous a semblé avoir pour but, non pas de confronter deux visions de l’Europe mais, comme l’a expliqué François-Xavier Bellamy (tête de liste Les Républicains pour les européennes) d’opposer le Bien – à savoir, la macronie européiste et progressiste – au Mal -le RN conservateur, souverainiste et suppôt de Satan.

Une Bérézina annoncée pour l’exécutif

Voici la situation au moment du débat : 55 % des électeurs qui ont voté en 2022 pour Emmanuel Macron affirment qu’ils ne voteront pas pour la liste conduite par Valérie Hayer, talonnée par la liste Glucksmann. La liste emmenée par Jordan Bardella, elle, est largement en tête des sondages.

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Face à cette Bérézina annoncée, la macronie a développé la stratégie suivante : minorisation de l’enjeu européen afin de faire comme si l’élection du 9 juin n’était qu’une formalité pour un gouvernement sûr de lui ; Valérie Hayer, inconnue et gaffeuse a donc été choisie tardivement par Emmanuel Macron pour conduire la liste du gouvernement. Il s’agit aussi de saturer l’espace médiatique pour faire oublier ces élections : arrivée de la flamme olympique à Marseille, célébrations du 6 juin à venir, organisation de Choose France, pour montrer que la relance économique est là. Et puis, on ne légifère plus que de sur des sujets consensuels sans pour autant, du reste, faire l’unanimité : loi sur la fin de vie ou élargissement du droit de vote en Nouvelle-Calédonie. Enfin, on joue sur l’angoisse des Français. La Russie est à nos portes ; Trump, s’il est élu abandonnera l’Europe ; quant au RN, il fomente un Frexit. Un seul rempart : la macronie !

Combat de coqs

Aussi nous attendions avec impatience la confrontation entre Jordan Bardella et Gabriel Attal. Las ! On n’a vu qu’un combat de coqs. Les ergots du locataire de Matignon étaient plus acérés que ceux de la tête de liste du RN et l’animatrice du débat, Caroline Roux, a bien veillé à l’avantager ostensiblement, coupant systématiquement la parole à Jordan Bardella. Nous avons eu droit à deux discours opposés que formataient les éléments de langage ; deux discours également nourris par une juxtaposition d’exemples concrets, censés étayer les démonstrations respectives, mais qui, au contraire, égaraient les spectateurs en ruinant toute vision d’ensemble. Gabriel Attal, maîtrisait d’évidence mieux ses dossiers que Jordan Bardella et a réussi à décrédibiliser plusieurs propositions du RN comme la double frontière et la préférence nationale et non européenne pour les entreprises françaises. Sur l’immigration, on attendait le surplomb de Jordan Bardella, mais il n’en fut rien. Attal a même eu cette formule : « Votre programme, c’est un banco on gratte et y’a rien derrière. »

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Pourtant, au-delà de l’apparente victoire de Gabriel Attal, il convient plutôt de voir un match nul ; Jordan Bardella a changé hier de dimension, débattant face au Premier ministre. Même s’il n’a pas pris la main sur le débat, il a montré qu’il avait achevé sa mue, s’imposant comme le chef de l’opposition au gouvernement Attal. Les chemins des deux hommes, qui incarnent le présent et l’avenir de la politique française, ne tarderont pas à se croiser de nouveau. Ils vont devoir supplanter leurs mentors et devenir incontournables pour leurs camps. On est à peu près sûr qu’ils occuperont la scène politique en même temps et face à face.

Quand les idéologies crapuleuses gangrènent l’enseignement supérieur

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La Sorbonne, Paris, 7 mai 2024 © SOPA Images/SIPA

L’administrateur de Sciences-Po révèle aujourd’hui, après enquête, avoir la conviction que des propos antisémites ont bien été tenus dans son école le 12 mars : « Ne la laissez pas entrer, c’est une sioniste ». Si le palestinisme est une idéologie de gauche qui n’est pas nouvelle, et qui remonte même aux années 60, ses dernières manifestations dans l’enseignement supérieur français doivent nous inquiéter.


Depuis le 7 octobre, certaines universités françaises ont, comme on dit aujourd’hui, « libéré la parole » antisémite. Les émeutiers, les bloqueurs et leurs instigateurs diplômés se présentent comme des antisionistes qui veulent combattre l’injustice commise par les Ju.., pardon, les Israéliens sionistes et leurs soutiens, et que Dieu les préserve, ils ne sont surtout pas antisémites. Bien sûr, on pourrait citer à leur intention la fameuse formule de Vladimir Jankélevitch à propos de « l’antisionisme » comme d’une « incroyable aubaine » :

« Car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre : ils auraient mérité leur sort »[1].

Mais cela n’explique pas la longue tradition du palestinisme, vieille idéologie qui prospère dans les universités depuis les années 60, et qui nourrit en permanence l’imaginaire révolutionnaire de la jeunesse, abrutie à souhait par les militants du genre, de la race, du décolonialisme, de l’intersectionnalisme et d’autres pseudo-luttes contre la discrimination imaginaire et la défense de victimes qui n’existent pas.

Le palestinisme est une idéologie, voire une religion, qu’on peut définir à la suite de Pierre-André Taguieff, comme « l’ensemble des représentations et des croyances qui composent le mythe politique fondé sur les croyances à l’existence du « peuple palestinien » et sur sa sacralisation en tant que peuple-victime dont les bourreaux seraient « les sionistes » ou « l’entité sioniste » »[2].

Une idéologie de gauche qui remonte aux années 60

Dans les années 60, les intellectuels français de gauche, marqués par les combats pour l’indépendance de l’Algérie, découvrent les nouveaux damnés de la terre du Tiers-monde. Ils se font défenseurs du communisme latino-américain et asiatique, contestent la « suprématie occidentale », et vouent un culte aux nouveaux héros du moment : le Che, Castro, Mao Tse Dong, Ho Chi Min, Sékou Touré ou encore Gamal Abdel Nasser. Des tyrans sanguinaires qui séduisent par leur vocabulaire toute une génération d’universitaires.

Devant l’école Sciences-po Paris, 26 avril 2024 © Umit Donmez / ANADOLU / Anadolu via AFP

Les premiers soutiens de la soi-disant « cause palestinienne » sont introduits dans la vie française par les maoïstes. En 1967, après la victoire d’Israël dans la guerre des Six Jours, est créé un comité de soutien au « peuple palestinien »[3]. Ce comité demande aux « travailleurs algériens, tunisiens et marocains en France » de soutenir les « victimes de la guerre »[4]. En 1969, la gauche prolétarienne créé les Comités Palestine ; aussi, ceux que nous voyons actuellement fleurir partout dans les facultés ne sont pas une « nouveauté », la différence c’est qu’aujourd’hui ils sont les soutiens du Hamas.

En 1979 l’AFP (Association France Palestine) est née. L’un de ses contributeurs actifs est Alain Gresh, celui-là même qui a récemment invité Salah Hamouri, condamné pour avoir attenté à la vie d’un rabbin en Israël, célébré par une certaine frange universitaire comme le héros de la « résistance ». Le site de l’AFP en fait état, sans oublier les mains ensanglantées en guise de symbole de « résistance »[5].

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Dans les années 1990, les soutiens à « la cause palestinienne » s’islamisent ouvertement. Il faut lire l’article de Pierre-André Taguieff cité plus haut, pour voir la trajectoire de ladite cause palestinienne et celle de son islamisation progressive. Le premier Comité islamique qui mobilise les musulmans est le Comité de Bienfaisance et de Secours aux Palestiniens fondé en 1990. Il est lié à l’Union des Organisations Islamiques en France et affiche ouvertement son soutien au Hamas. Active en France, cette organisation est placée sur la liste des organisations terroristes par les Etats-Unis et Israël.

La nébuleuse s’étend

En 2004, la Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient (CAPJPO), est fondée par deux anciens militants de la Lutte Ouvrière, Nicolas Shashani et Olivia Zemour. Leur but principal coïncide avec celui de BDS (Boycott Desinvestment Sanctions) : boycotter Israël à tous les niveaux – économique, culturel, académique et politique. Ces militants visent le public des jeunes (les étudiants sont donc une proie idéale), et s’adressent souvent aux jeunes d’origine maghrébine, pour jouer sur les sentiments propres à une appartenance commune. Présents dans les facultés françaises, ils y officient sous le couvert de la liberté d’expression.

Cette nébuleuse anti-israélienne est aidée par le décolonialisme et l’intersectionnalisme  (l’intersection de toutes les victimes imaginaires) qui ont déclaré que l’Homme blanc occidental était un ennemi, et que les Juifs sont des criminels qui représentent l’Occident en « Palestine ».  Tout cela s’est exacerbé après le 7 octobre.

L’université est également le lieu où peuvent prospérer les thèses négationnistes. Nous l’avons vu, dès le 8 octobre avec certains communiqués syndicaux universitaires qui condamnent l’attaque israélienne (sic !).

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Produit universitaire, le négationnisme est né en France, au département de littérature de l’Université de Lyon II, créé par Robert Faurisson qui niait le génocide des Juifs. Par ailleurs, Faurisson se déclarait antisioniste, ce qui lui a valu de recevoir à l’époque, un prix des mains du président de la République islamique d’Iran, Mahmoud Ahmadinejad. Rappelons que l’antisionisme est une idéologie qui nie le droit du peuple juif à l’existence souveraine sur sa terre. C’est une idéologie totalitaire qui s’inscrit dans la continuité du communisme et du nazisme. Et c’est cette idéologie qui est portée au pinacle dans des établissements supérieurs. Aujourd’hui, le négationnisme est boosté par la gauche radicale et par ses alliés qui se nichent dans nos universités.

Les étudiants antisionistes de la Sorbonne, de Sciences Po, de Lille, n’ont jamais protesté contre la dictature islamiste totalitaire en Iran, il y a peu de chances qu’ils connaissent l’histoire du Proche Orient, ou l’histoire en général.  Mais, pris en main par certains collègues, par des activistes de l’agit-prop propalestinienne, par les mensonges diffusés depuis des années au sujet de la « Palestine » mythologique, ces étudiants nient l’attaque génocidaire du Hamas et cultivent la haine des juifs, en prétendant lutter contre les « sionistes », terme qu’ils emploient comme Sayyd Qutb, comme Mohammed Haj Amin al Hussejni ou comme Yahja Sinwar.  Ils sont aidés par les activistes de LFI, les membres du BDS, les Comités Palestine qui transforment les universités en centres d’endoctrinement.

Il est trop tard aujourd’hui pour sauver ces institutions de la peste idéologique, il aurait fallu combattre ces idéologies à la racine et veiller à ce que l’université soit un lieu idéologiquement neutre. Mais l’institution universitaire continue sa belle tradition d’accueil des idéologies crapuleuses issues des utopies communistes, activement soutenues par la gauche radicale de la même manière qu’elle voue un culte au dieu Padevag, très vénéré dans le milieu… 


Asinus asinum fricat

Et pendant que des militants pro-Palestine fichent le bazar dans nos facs, Rima Hassan visite la Grande Mosquée de Paris…

La grande mosquée de Paris marche enfin à visage découvert. Après moult discours lénifiants sur la « paix », le discours sur « sa mère l’Algérie », son inquiétude que l’on parle de l’entrisme islamiste au plus haut niveau de l’Etat et ses alliances plus que douteuses, Monsieur le Grand Recteur reçoit les bras ouverts celle qui appelle ouvertement à la destruction d’Israël. Un petit rappel : Rima Hassan est une juriste « de renom » dont le talent consiste à conjuguer le mensonge et l’appel au génocide dans une seule phrase :

Mensonge ?

Je renvoie à ce texte de Jean Szlamowicz (ici), pour les curieux qui veulent tout savoir sur la dénomination « Palestine ». Quant au drapeau palestinien adopté en 1974 et qui n’a rien de « palestinien », il est composé des couleurs symbolisant le Prophète (rouge), la dynastie des Abbasides (noir), la dynastie des Omeyyades (blanc) et les Fatimides (Vert). Tout ce beau monde a colonisé la Judée à partir de 632 et n’a donc pas pu être là « avant nous ». (Sur X, Rima Hassan s’adresse à deux groupes clairement nommés : aux « sionistes » et à ses soutiens pro-palestiniens (« vous » désigne ceux dont elle désire la disparition). Il en est de même de son « renom » mentionné dans le tweet du Grand Recteur. On saura pour l’avenir qu’un obscur diplôme de Master fait de vous un juriste de « renom » et octroie le droit de répéter ad infinitum le syntagme « droit international » sans jamais citer aucun texte dudit droit.

Appel à l’extermination

Depuis un an, Rima Hassan appelle à en finir avec l’Etat Hébreu, soit en souhaitant l’éradication d’Israël, soit en proférant des énormités anhistoriques sur les plateaux qu’aucun journaliste ne relève véritablement (voir ici) et qui sont censées justifier ses appels à être là après « nous ». La seule raison d’exister de Rima Hassan est l’obsession de la disparition d’Israël, ce dont témoignent tous ses tweets.

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Le grand recteur

Quant au Grand Recteur (on a presque envie de dire Grand Mufti !), qui n’hésite pas à participer aux évènements, organisés par les Frères Musulmans (par exemple, un colloque qui s’est tenu le 4 février 2023) il s’est dernièrement distingué dans son attitude plus qu’ambivalente à l’égard de l’islamisme, en exprimant sa « plus grande inquiétude » suite au discours du premier ministre Gabriel Attal sur « l’entrisme islamiste et frériste ». Ce n’est pas l’entrisme qui l’inquiète, c’est qu’on en parle officiellement !

Rappelons que le Hamas est une filiale des Frères Musulmans et que leur charte reprend à la lettre les préconisations des idéologues fréristes (Sayyd Qutb et Hassan al Banna) dont le point de ralliement consiste à répandre la bannière de l’islam sur le genre humain (point 5 du crédo des Frères musulmans) et à se débarrasser des Juifs, comme l’atteste Khaled Maachal (président du bureau politique du Hamas) en 2012 :

« Libérer la Palestine, TOUTE la Palestine est une obligation, un privilège, un objectif et un but… La Palestine –du fleuve à la mer, du nord au sud [cad tout Israël]- est notre terre, notre droit et notre patrie. Il n’y aura pas de reddition, même sur le plus petit morceau de cette terre. La Palestine est et a toujours été arabe et islamique… »1

Tant Rima Hassan que Chems-Eddine Hafiz n’arrêtent pas de désinformer et de manipuler le public, l’une par ses mensonges couplés aux appels à l’intifada, l’autre par ses protestations contre la lutte avec l’islamisme, ses silences un peu trop bruyants sur l’appel au jihad contre les Juifs et les Chrétiens dans le Coran, ses rapports ambigus avec l’Algérie, ainsi que la vieille et usée rengaine de « pasdamalagame » et d’islamophobie quand on parle de la montée de l’antisémitisme. Rien d’étonnant que ces deux « personnalités » s’apprécient mutuellement, tout en refusant de qualifier le Hamas d’organisation terroriste.


[1] Vladimir Jankélévitch, L’Imprescriptible. Pardonner ? Dans l’honneur et la dignité, Seuil, 1986.

[2] « Les trois sources de l’islamo-palestinisme jihadiste (Haj Amin al-Husseini, Hassan al-Banna, Sayyid Qutb) et le massacre du 7 octobre », https://www.revuepolitique.fr/les-trois-sources-de-lislamo-palestinisme-jihadiste-haj-amin-al-husseini-hassan-al-banna-sayyid-qutb-et-le-massacre-du-7-octobre-2024/

[3] C’est nous qui mettons les guillemets, car il n’existe pas d’Etat Palestinien, ni de territoires palestiniens, ni de revendications de souveraineté nationale palestinienne à cette époque.

[4] https://www.lemonde.fr/archives/article/1967/06/22/l-aide-aux-victimes-arabes_2634653_1819218.html

[5] https://www.france-palestine.org/Conference-avec-Salah-Hammouri-et-Alain-Gresh-a-Grenoble

  1. https://www.jeuneafrique.com/138930/politique/khaled-mechaal-le-r-unificateur/ ↩︎

Le Ballet du Rhin: enfin de vrais chorégraphes!

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Une compagnie superbe, des œuvres intelligentes et des danseurs qui se surpassent, c’est la leçon d’excellence que nous offrent Lucinda Childs et William Forsythe avec le Ballet du Rhin. 


Il y a deux décennies, Bertrand d’At faisait entrer le chef-d’œuvre de Lucinda Childs, « Dance », dans le répertoire du Ballet du Rhin dont il était alors le directeur. Ce fut un tel émerveillement que l’artiste américaine vit de multiples fois se rouvrir pour elle le Ballet ainsi que l’Opéra du Rhin où elle multiplia mises en scène et chorégraphies. Aujourd’hui, au Théâtre de la Ville, à Paris, ce même Ballet du Rhin reprend une autre chorégraphie que Lucinda Childs créa en 2009 pour la compagnie rhénane. C’est « Songs from Before » qui réapparaît ainsi avec une nouvelle génération de danseurs. Ceux-ci ont donc changé, mais la compagnie demeure toujours aussi magnifique.

On l’avait naguère prostituée dans une « relecture » stupide et misérable du « Lac des Cygnes » qui était une véritable imposture. Elle brille aujourd’hui dans tout son éclat pour servir deux des plus grands chorégraphes de ce temps, Lucinda Childs et William Forsythe.

Suffoqué par ses audaces

Si dans « Songs from Before », œuvre de facture à la fois néo-classique et minimaliste, servie par la partition éponyme de Max Richter et exaltée par une scénographie aussi dépouillée que magnifique conçue par Bruno de Lavenère, les danseurs du Rhin sont admirables d’élégance, de précision et de rigueur, (même si cette très belle pièce n’égale pas la beauté, la perfection absolues de « Dance »), dans « Enemy in the Figure », leurs camarades sont proprement héroïques. L’incroyable, la diabolique complexité de la chorégraphie et de la mise en scène de William Forsythe qui, au temps de sa création avec le Ballet de Francfort, avait suffoqué par ses audaces, les conduit, les contraint, les transporte à des débordements de virtuosité proprement stupéfiants.

Enemy in the Figure de William Forsythe, créé en 1989 par le Ballet de Francfort. Shimizu Ryo, Programme Spectres d’Europe / Lucinda Childs / David Dawson / William Forsythe CCN – Ballet de l’Opéra national du Rhin © Agathe Poupeney / Divergence-images.com – 25/04/2023 – La Filature, Scène nationale – Mulhouse

Entre deux, est représenté un duo conçu par l’ex-danseur de l’Opéra, Bruno Bouché, actuel directeur du Ballet du Rhin. Inspiré par la lutte de Jacob et de l’Ange, c’est un exercice très honorable. De bonne facture. Plein d’énergie aussi, mais sans puissance, sans épaisseur non plus. Et l’on songe évidemment à la peinture de Delacroix qui est tout son contraire, comme au péril de s’exposer entre deux œuvres fortes.

Une espèce en voie d’extinction

Avec cette remarquable soirée donnée par le Ballet du Rhin, on savoure, un peu enivré tout de même, cette chose devenue aussi étrange qu’elle est rare : des chorégraphies intelligentes pensées par de grands créateurs et exécutées par de remarquables interprètes, des ouvrages portés par une écriture et un souffle qui sont la marque d’auteurs de premier plan, sinon d’artistes de génie. Lesquels apparaissent aujourd’hui comme une espèce en voie d’extinction, étouffée par des cohortes de médiocres avides d’exister sans en avoir les moyens.


Ballet du Rhin : Lucinda Childs et William Forsythe.
Théâtre de la Ville. Jusqu’au 25 mai. theatredelaville-paris.com
01 42 74 22 77.

Grandes illusions et petites comédies françaises (Paris-Bruxelles)

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Gabriel Attal en visite à Pirou dans la Manche (50), pour la foire aux bulots, le 27 avril 2024. Image : Twitter Gabriel Attal

Ultimes sondages, passes d’armes, remontadas ! C’est la magie des printemps électoraux, la dernière journée de championnat avant l’heure de vérité en Eurovision. Pour qui l’Eurostar, la Champions League ? Qui descendra en ligue 2, sous les 5%, le 9 juin ?


Sur les écrans, tous les soirs, MMA, Koh-Lanta, Jeopardy et Questions pour des champions. Les coachs font répéter les impros, peaufinent des formules assassines. Badgée Scout de Renew Europe et Guide de France, Valérie Hayer, cherche un azimut. Après la foire aux bulots de Pirou (Manche), le Premier ministre défie Jordan Bardella en direct. Destination pacifique et Menaces sur Nouméa pour le leader de la patrouille de France. Emmanuel Bagheera, son BAFA et son bagout calmeront-ils les Kanaks en pétard ? L’Élysée a programmé deux escales secrètes – Beyrouth et Moscou – pour le retour de mission. « Athos 1 » va régler le conflit israélo-Palestinien et sermonner Dark Vlador, le dénazificateur.

Ni pilote, ni avion

Des cordelles de technocrates, bateleurs, naufrageurs gloutons et insubmersibles, échangent convictions et fromages, slaloment dans la haute fonction publique, le Cac 40 et le showbiz. Au Panthéon, aux Invalides, dans la phraséologie, des gouvernements de rencontre, un Jupiter sans envergure, miment le pouvoir, l’autorité, un destin commun : vol d’ancêtres, politique du chat crevé au fil de l’eau, la France en s’ébattant… Il s’agirait de « garder le contrôle de notre destin, réunir les forces vives, libérer le potentiel français, réarmer notre pays… » (Gabriel Attal). Que d’aveux !

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Les Colbert en carton-pâte, Louvois ventriloques, modernisent la bureaucratie, changent de réforme, réforment le changement. Oublieux des enjeux anthropologiques, encalminé dans le management, les PowerPoint, l’efficiency, l’Etat se suicide en état de légitime défense : ubérisation de l’administration, wokisation du Conseil d’État, suppression des grands corps, ultimes chapitres du roman de l’aboulie nationale. Un monde sans incarnation, sans volonté ni représentation.

Le peuple français aux membres énervés, triste comme un lion mangé par la vermine, est accablé par la lâcheté des politiques, les dénis sur la gravité des maux, déficits abyssaux, déclassements, qui minent le pays. Diminuendo, comme les hommes volants de Folon à la fin des programmes d’Antenne 2 il y a cinquante ans, la France s’éteint.

Les moulins de nos cœurs

A gauche, les Augustes insoumis, franciscains d’opérette, éructent contre les clowns blancs du pouvoir. Ils pétaradent dans les surenchères, blagues de prépuces nazis. Sur France Inter, à Sciences-Po, Télérama, Rue de Grenelle, les ravis de la crèche progressiste, marmiteux de l’insoumission, écolâtres dé coloniaux, ont pris le pouvoir. « J’en ai marre – marabout – bout d’ficelle… ». L’ignorance rend hardi. Rupture dans la continuité ou continuité dans la rupture ? Baygon vert au Baygon rouge ? Nouveau Panoramix progressix, Raphaël Glucksmann transforme les anchois avariés en produits exotiques. Son truc c’est : « l’option de la puissance juste, de la solidarité, de la quête d’égalité et de la transformation écologique… La culture c’est un projet de civilisation, un projet philosophique, un projet culturel ».

Le chroniqueur de France inter Guillaume Meurice, actuellement suspendu d’antenne pour une blague évoquant un nazi sans prépuce, photographié le 26 octobre 2019 © JP PARIENTE/SIPA Numéro de reportage : 00930340_000030

Les hamsters du monde d’après pédalent dans une roue à fantasmes, se gargarisent de mots-valises citoyens, inclusifs, dans l’entre-soi, les concepts, le flou, squattent un néant aseptisé baptisé « diversité ». Sur les rezzous sociaux des sycophantes multiplient les oukases, cherchent un trou, un fromage, le buzz. La mine piteuse, ils habitent l’abîme. Envieux, quérulents, sans programme ni arguments, ils exècrent le travail, le mérite, veulent des coupables. Une pierre à la main ils guettent le sommet ; de l’autre ils font l’aumône, exigent une allocation universelle, un manga, des abayas. Ils pourchassent les mauvais esprits, les mâles, les blancs, censurent, traquent les kouffar laïcards, menacent de mort les professeurs, les poignardent à l’occasion. Les héritiers de la Bourdieuserie, déconstruisent, déboulonnent, réécrivent le passé selon leur idée de la vertu, mensonges. Le meilleur ennemi de toujours, golem maléfique, diabolus ex machina – dont le centre est partout et la circonférence nulle part -, c’est l’Extrême Droite. Un seul Maistre vous manque et tout est dépeuplé.

Au Mondial Moquette du tout à l’égo intersectionnel, tout est possible, rien ne vaut rien, tout est à vendre : GPA, épectase, excuses, concurrence victimaire. L’agenda libéral-libertaire décalque celui du capitalisme woke : ochlocratie, pléonexie, cyrénaïsme, éradication du passé et de la culture, métamorphose des jeunes générations en zombies numériques et consommateurs lotophages. « Mon intérêt seul est le but où tu cours » (Racine).

Sous perfusions, régimes spéciaux, résilient, le monde de la culture ne lâche rien. A Cannes, dans les cours d’honneur, le maquis des espaces de création, le rap, les tracts, l’intermittence, au Collège de France, sur les formes scintillantes, sur chaque main qui se tend, sur les lèvres attentives, le teint frais et la mine vermeille, ils écrivent la liberté. Ils interrogent la page blanche, auscultent les habitus, les corps dominés, les transfuges de classe, l’autofriction. Ils tissent des liens, montent des ateliers d’écriture nomade, des yourtes zéro carbone place Colette. Ils cherchent leurs mots, l’inspiration, le buzz, des sponsors.

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Les artistes alertent, dénoncent, les crispations, le nauséabond, le toxique, l’autoritarisme crypto fascistoïde, lèchent toutes les blessures du monde. Ils luttent pour la planète des femmes, la panthère longibande d’Indochine, la retraite à 50 ans, Frida Kahlo, Hermione, Esther, l’imminente dignité des pauvres. Ils combattent la précarité menstruelle, du Bellay (identitaire nostalgique de la France mère des arts, des armes et des lois), Pyrrhus, Landru, Eric Zemmour, le masculinisme, l’argent, l’injuste puissance qui laisse le crime en paix et poursuit l’innocence. Au creux des lits, ils font des rêves. Sifflez, compagnons, dans la nuit la Liberté vous écoute.

Au royaume des idées, les faits n’ont pas d’importance. Le Grand-Guignol hexagonal, la méthode couarde, La France irréelle (Berl), arrivent à échéance. Faire toujours la même chose et attendre un résultat différent, c’est suicidaire.

Et pourtant, elle coule…

Sur l’essentiel, les enjeux civilisationnels, la nature arraisonnée par la technique, la crétinisation numérique, l’emprise totalitaire de l’IA, les transgressions généalogiques, les choreutes cabriolent dans le nudge, les sophismes, ânonnent deux mantras : « transition écologique », « mix énergétique », « trottinettes à hydrogène ». Ils fantasment une Europe Assistance – couteau sans lame auquel il manque un manche – plus protectrice et puissante que la Madonna del Parto de Piero della Francesca.

L’abstentionnisme, le poujadisme, la désespérance ne sont pas les fruits amers d’un discours churchillien de vérité, jamais tenu, mais la résultante de mensonges séculaires. Pas de salut sans courage de dire les vérités déplaisantes, sans mesures impopulaires, sans tempêtes ni sacrifices.

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La France partage un secret avec Maître Cornille (Lettres de mon moulin). Fini les farandoles et sérénades. Le « modèle français », « l’exception culturelle », la Voie française font éclater de rire à l’étranger. Marianne a vendu sa croix d’or, ses sacs de farine sont remplis de plâtre. Elle a mis son histoire, sa culture, son Etat, sa langue au mont-de-piété. L’avenir est plombé, les fantasmes, fantômes, fantoches ressurgissent. Les crises d’indignation, de haine, la guerre des races, des genres, de tous contre tous, l’abêtissement général, finiront par accoucher de la tyrannie.

Quelle résistance opposer à cet alignement des désastres ? Quel horizon, ligne de fuite ? Port Royal, l’immigration intérieure, les regrets et les pleurs, des sarcasmes mouchetés de mélancolie ? L’exercice d’une lucidité condamnée n’interdit pas d’allumer des pétards sous les pieds des Tartuffe.

« Nous savons qu’ils mentent, ils savent aussi qu’ils mentent, ils savent que nous savons qu’ils mentent, nous savons aussi qu’ils savent que nous savons, et pourtant ils continuent à mentir » (Alexandre Soljenitsyne).