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Israël n’a pas gagné la guerre… qu’elle ne peut perdre

Le billet d’Ivan Rioufol


Israël n’a pas gagné la guerre… qu’elle ne peut perdre
Sdérot, 25 février 2024 © CHINE NOUVELLE/SIPA

Ivan Rioufol revient d’Israël, pays plus menacé que jamais, alors que le procureur de la Cour pénale internationale vient de réclamer un mandat d’arrêt contre son Premier ministre.


Retour à Sdérot (Israël). Quelques jours après le pogrom du 7 octobre 2023, qui avait meurtri cette ville frontalière de Gaza, j’y avais effectué ma première visite[1]. A l’époque, 90% des habitants avaient dû fuir la cruauté fanatique du Hamas. Les voitures abandonnées en face du commissariat, lui-même rasé après l’assaut de djihadistes, étaient marquées des balles des tueurs surgis ce matin-là.

Sept mois plus tard, la ville morte respire à nouveau. La majorité des habitants sont revenus ; idem dans les communes alentour. Si l’artillerie tonne encore ce mardi, le bruit ne fait plus sursauter l’habitant. L’armée s’est assurée, pour l’essentiel, la maîtrise des ripostes. Mais la résistance du Hamas demeure, en dépit de six mois de pilonnage. Israël n’a pas gagné la guerre. Comme l’explique le colonel Olivier Rafowicz, porte-parole de Tsahal, rencontré lundi soir à Tel Aviv : « L’ennemi est sophistiqué. Il a plus évolué que nous ». À la frontière avec le Liban, j’ai pu constater que le pays vivait toujours sous la menace du Hezbollah : 1700 attaques (drones, missiles, rockets) ont été lancées par ce bras surarmé de l’Iran depuis le 7 octobre. Les 60 000 Israéliens évacués des communes les plus proches de la frontière ne peuvent regagner leur domicile. Seuls certains kibboutz de Galilée ont maintenu leur population, sous la protection d’« interventions civiles » mal armées. Reste un pays qui résiste, jeunesse en tête, et qui s’interdit de perdre cette guerre jugée existentielle.

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Les interlocuteurs rencontrés l’affirment : Israël ne se pliera pas aux pressions extérieures qui font le jeu du Hamas. Le choix de la France d’appuyer la proposition du président de la Cour pénale international de lancer des mandats d’arrêt indifféremment contre les dirigeants du Hamas et ceux d’Israël a été perçu comme une trahison. L’hypothèse d’un cessez-le-feu est vue comme une capitulation. La perspective de deux États, réactivée hier par reconnaissance d’un État palestinien notamment par l’Espagne, n’est en réalité plus à l’ordre du jour. La détermination à chasser le mouvement terroriste reste intacte. Cette stratégie passe, selon les militaires rencontrés, par la prise de contrôle de Rafah, au sud de Gaza : opération redoutée à cause de la forte densité de la population.

Selon le président de la Knesset, Amir Ohana, vu mercredi, Israël ne mène pas seulement un combat local, mais « défend le monde libre ». Il dit : « Nous vivons un choc de civilisation ». Il reconnait néanmoins que la société israélienne, qui compte 20% de musulmans, a « réussi à vivre ensemble ». Un diagnostic tempéré par le ministre de l’Intérieur qui, s’il admet que « le clash n’a pas eu lieu », reconnait l’hétérogénéité de la société arabe israélienne qui comprend un « camp hostile à l’État hébreu ». 

Quel avenir pour Gaza ? La question reste sans réponse. Mais Israël exclut le retour du Hamas ou de tout autre mouvement islamiste. Se dessine la perspective d’une administration civile du territoire sous contrôle israélien. En attendant une possible alternative venue des Emirats arabes unis ou de l’Arabie saoudite. Mais Israël, devenue la cible symbolique du Sud global fédéré contre l’Occident, peut-elle encore faire confiance en ses quelques « alliés » musulmans ? Le doute est palpable.


[1] A l’invitation, renouvelée ces jours-ci, de l’ONG israélienne KKL



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Journaliste, éditorialiste, essayiste. (ex-Le Figaro, CNews, Causeur)

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