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Le Ballet du Rhin: enfin de vrais chorégraphes!

Songs from Before, au Théâtre de la Ville, à Paris


Le Ballet du Rhin: enfin de vrais chorégraphes!

Une compagnie superbe, des œuvres intelligentes et des danseurs qui se surpassent, c’est la leçon d’excellence que nous offrent Lucinda Childs et William Forsythe avec le Ballet du Rhin. 


Il y a deux décennies, Bertrand d’At faisait entrer le chef-d’œuvre de Lucinda Childs, « Dance », dans le répertoire du Ballet du Rhin dont il était alors le directeur. Ce fut un tel émerveillement que l’artiste américaine vit de multiples fois se rouvrir pour elle le Ballet ainsi que l’Opéra du Rhin où elle multiplia mises en scène et chorégraphies. Aujourd’hui, au Théâtre de la Ville, à Paris, ce même Ballet du Rhin reprend une autre chorégraphie que Lucinda Childs créa en 2009 pour la compagnie rhénane. C’est « Songs from Before » qui réapparaît ainsi avec une nouvelle génération de danseurs. Ceux-ci ont donc changé, mais la compagnie demeure toujours aussi magnifique.

On l’avait naguère prostituée dans une « relecture » stupide et misérable du « Lac des Cygnes » qui était une véritable imposture. Elle brille aujourd’hui dans tout son éclat pour servir deux des plus grands chorégraphes de ce temps, Lucinda Childs et William Forsythe.

Suffoqué par ses audaces

Si dans « Songs from Before », œuvre de facture à la fois néo-classique et minimaliste, servie par la partition éponyme de Max Richter et exaltée par une scénographie aussi dépouillée que magnifique conçue par Bruno de Lavenère, les danseurs du Rhin sont admirables d’élégance, de précision et de rigueur, (même si cette très belle pièce n’égale pas la beauté, la perfection absolues de « Dance »), dans « Enemy in the Figure », leurs camarades sont proprement héroïques. L’incroyable, la diabolique complexité de la chorégraphie et de la mise en scène de William Forsythe qui, au temps de sa création avec le Ballet de Francfort, avait suffoqué par ses audaces, les conduit, les contraint, les transporte à des débordements de virtuosité proprement stupéfiants.

Enemy in the Figure de William Forsythe, créé en 1989 par le Ballet de Francfort. Shimizu Ryo, Programme Spectres d’Europe / Lucinda Childs / David Dawson / William Forsythe CCN – Ballet de l’Opéra national du Rhin © Agathe Poupeney / Divergence-images.com – 25/04/2023 – La Filature, Scène nationale – Mulhouse

Entre deux, est représenté un duo conçu par l’ex-danseur de l’Opéra, Bruno Bouché, actuel directeur du Ballet du Rhin. Inspiré par la lutte de Jacob et de l’Ange, c’est un exercice très honorable. De bonne facture. Plein d’énergie aussi, mais sans puissance, sans épaisseur non plus. Et l’on songe évidemment à la peinture de Delacroix qui est tout son contraire, comme au péril de s’exposer entre deux œuvres fortes.

Une espèce en voie d’extinction

Avec cette remarquable soirée donnée par le Ballet du Rhin, on savoure, un peu enivré tout de même, cette chose devenue aussi étrange qu’elle est rare : des chorégraphies intelligentes pensées par de grands créateurs et exécutées par de remarquables interprètes, des ouvrages portés par une écriture et un souffle qui sont la marque d’auteurs de premier plan, sinon d’artistes de génie. Lesquels apparaissent aujourd’hui comme une espèce en voie d’extinction, étouffée par des cohortes de médiocres avides d’exister sans en avoir les moyens.


Ballet du Rhin : Lucinda Childs et William Forsythe.
Théâtre de la Ville. Jusqu’au 25 mai. theatredelaville-paris.com
01 42 74 22 77.




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