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Mike Tyson, génie du mal?


Adulé puis haï par le monde entier, richissime puis ruiné, le plus grand boxeur du siècle dernier raconte une vie marquée par la souffrance. Et pas seulement pour ses adversaires…


Mike Tyson, tout le monde connaît : ancien champion du monde des poids lourds – 50 victoires sur 58 combats, dont 44 par KO –, cocaïnomane et alcoolique, brute accusée et condamnée pour viol, et aussi soutien inconditionnel de Donald Trump. Mais on ne sait pas comment il en est arrivé là.

D’abord que lui reprochait-on ? De frapper sa femme, l’actrice Robin Givens, certes. Tristement banal dans le milieu de la boxe. D’en harceler d’autres ? Encore plus banal. Les 300 millions de dollars acquis à coups de poing ? Pas vraiment. Non, ce qu’on ne lui pardonnait pas, c’était son cynisme : on ne se moque pas impunément des vieux boxeurs noirs qui consacrent leur dernière force à lutter contre la délinquance juvénile ou l’apartheid. Il incarnait une forme de génie du mal, promenant ostensiblement son dégoût de tout, aussi bien de la boxe que des autres et de lui-même.

« Kid Dynamite »

Ce qu’on lui pardonnait encore moins, c’est d’avoir violé une jeune Noire – ce qu’il a toujours nié –, candidate à un concours de beauté dont il présidait le jury, viol qui lui a valu six ans dans un pénitencier. Sans oublier ce combat mythique au cours duquel il a arraché avec ses dents l’oreille de son adversaire Evander Holyfield.

On s’est étonné que ce bad boy, « Kid Dynamite » comme le surnommait son mentor et père adoptif Cus d’Amato, converti à l’islam en prison, ait pris le parti de Donald Trump contre Mme Clinton. C’est oublier que Trump a toujours défendu et soutenu financièrement Mike Tyson, y compris lors de son procès pour viol, sans doute truqué. Car comment imaginer qu’une donzelle n’ignorant rien de la brutalité de Tyson – six plaintes avaient déjà été déposées contre lui pour harcèlement sexuel – l’ait suivi en toute naïveté dans la chambre 606 de l’hôtel Canterbury à Indianapolis. Ce qu’il a expié pendant des années dans le pénitencier d’Indianapolis, c’est moins un viol douteux que l’image terrifiante qu’on projetait sur lui.

« Ce sont les pigeons qui m’ont sauvé la vie. »

Or voilà que maintenant, après avoir passé le cap de la cinquantaine, Mike Tyson reconnaît que sa vie a été un énorme gâchis ! Il veut tourner la page de son passé, y compris celle de la boxe : « Les gens respectent le combattant, ce que j’ai accompli sur le ring. Mais moi j’aimerais que ce gars-là soit mort, qu’il n’ait jamais existé. » Paradoxalement, il estime avoir été victime de sa sensibilité. Il a raconté sa vie dans deux livres : La Vérité et rien d’autre (2014) et Iron Ambition: My Life with Cus d’Amato (mai 2017). Il évoque ainsi, plus de trente après sa mort, la figure tutélaire de Cus d’Amato, celui qui l’a découvert et élevé quand il n’avait que 13 ans. Mais Cus est mort d’une pneumonie quelques mois après les débuts fulgurants de « Kid Dynamite ».

Il parle également de sa passion pour la colombophilie. « Avant Cus, ce sont les pigeons qui m’ont sauvé la vie. » Un type, raconte-t-il, a volé un de mes oiseaux, et quand je lui ai demandé de me le rendre, il l’a sorti de son manteau, lui a tordu le cou et a frotté son sang sur moi, laissant une tache indélébile dans l’âme de l’enfant. Cette blessure ne sera pas la seule, mais aucune ne laissera une trace aussi profonde, même pas ses tentatives de suicide ni un viol subi dans son enfance. Une colombe peut-elle décider du destin d’un homme ? Mike Tyson se pose encore la question – insoluble bien sûr.

Dieu a passé ses vacances avec moi


A Bergame, j’ai entendu les cloches des églises sonner à toute heure. En Acadie, j’ai vu des foules en liesse chanter l’Ave Maria Stella. Et de retour à Paris, j’ai eu à me justifier en tant que papiste sur les dernières folies de François. A croire que Dieu m’a suivi partout. D’ailleurs c’est gentil de sa part, vu son agenda.


 

PIZZA VECCHIA

Dimanche 9 juillet

Charmant séjour à Bergame en compagnie de ma marraine, qui me reçoit dans sa maison de la Citta’ Alta. « Chargée d’histoire », comme souvent les vieilles villes, Bergame s’est notamment illustrée dans le Risorgimento ; elle est aussi la patrie du Tasse, de Donizetti, de Jean XXIII et de San Pellegrino.

À propos de saints, il semble y avoir ici autant d’édifices religieux que d’habitants. À elle seule, la piazza Duomo en compte quatre : le Duomo lui-même, autrement dit la cathédrale, la chapelle Colleoni, le baptistère Vescovado et l’étonnante basilique Sainte-Marie Majeure. Sa construction, inachevée, s’est étalée sur cinq cents ans, et ça se voit : extérieur roman, intérieur baroque. Avec tout ça, il ne reste plus beaucoup de place pour la place elle-même. Allez-y quand les cloches sonnent, c’est-à-dire tout le temps.

Tout ce qui vous arrive vous ressemble, comme disait Wilde, et mes déambulations au hasard des rues m’ont conduit de la via Pignolo à la via del Vagine – sans que j’ose jamais demander le sens de ce dernier mot (visiblement un faux-ami) en italien ou en bergamasque.

Il n’est pas toujours évident de retrouver son chemin dans le dédale de cette ville résolument pré-haussmannienne. Je me suis résolu à investir dans une carte détaillée le jour où, en désespoir de cause, j’avais abordé un couple d’Américains penchés sur la leur (de carte).

Dialogue en V.F. :

– Bonjour, la piazza Cittadella, s’il vous plaît ?

– Oh, des pizzas, vous en trouverez partout !

Dès le lendemain, muni de ma carte, j’ai pu retourner faire un selfie via Pignolo.

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VANITÉ DES VANITÉS

Jeudi 20 juillet

Je pense souvent aux mille pages brûlées du Journal de Jules Renard. Dois-je poursuivre mon œuvre quand même ?

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CATHOLIQUES ET FRANÇAIS TOUJOURS…

Mardi 15 août

L’Acadie, vous connaissez ? Une petite France du bout du monde, située pour l’essentiel au nord-est du Nouveau-Brunswick – le seul État du Canada à être officiellement bilingue. En tant que nation, l’Acadie n’existe pas et n’a jamais existé, sauf dans la tête et le cœur des Acadiens. Ça ne suffit pas pour siéger à l’ONU, certes, mais ça manque cruellement ailleurs…

À l’origine, les Acadiens sont des Français comme tout le monde, établis progressivement dans les « Provinces Maritimes » au cours du XVIIe siècle, après l’expédition de Champlain en 1604. Les problèmes ont commencé quand nos amis les Anglais – qui avaient hérité de la région à Utrecht, hélas – se sont mis en tête de déporter tous les Acadiens, pour ne plus voir leurs sales gueules de cathos franchouillards.

1755 : cette date est restée pour nos cousins d’outre-Atlantique celle du « Grand Dérangement », comme ils disent joliment. N’empêche ! Ce genre de vexations stimule le sentiment national ; c’est ce qui s’est passé, et qui dure depuis tantôt quatre cents ans.

La « Nation acadienne », autoproclamée en 1881, s’est aussitôt dotée de symboles nationaux trop cools dans le genre catho, limite mariolâtre. Un drapeau tricolore, identique au nôtre mais avec, tout en haut du bleu, l’étoile de la Vierge ; un hymne national qui n’est autre que la vieille hymne catholique Ave, Maris Stella (« Salut, Étoile de la mer ») ; et pour couronner le tout, une fête nationale fixée au 15 août, jour de l’Assomption. Si j’étais Marie, je passerais mes vacances ici !

Chaque année, à l’approche du 15 août, tout le monde pavoise sa maison et le jour venu, dans toutes les villes d’Acadie, on organise le « Grand Tintamarre », bruyant défilé tricolore à base de crécelles, cornes de brume et autres instruments de torture auriculaire. Cette cacophonie se veut protestation, joyeuse mais persistante, des Acadiens contre le traitement infligé à leurs ancêtres.

À Caraquet, ils étaient 30 000 ce jour-là, pour une population de 4 000 âmes, à participer à l’événement. Il faut dire que la petite ville se proclame officiellement « capitale de la nation acadienne », c’est même pour ça que j’y suis allé : il faut toujours être là où ça se passe, comme disait Beigbeder.

Aller en Acadie, pour moi, c’est faire un voyage dans l’espace-temps. Dix heures de vol (avec escale), et hop ! Me voilà propulsé dans une sorte de mini-France qui aurait dérivé du continent depuis le xviie siècle – s’épargnant ainsi, dans ses tribulations, quelques pénibles détours de notre histoire contemporaine. Dépaysement spatio-temporel garanti !

Un soir, lors d’un concert du festival, un gars genre Acadie profonde m’entend parler à un autre, et il m’interpelle :  – Tu viens d’où, toi, avec ton drôle d’accent ? De Paris.Paris, en France ?Ben, oui.

Son visage s’éclaire : – Alors si tu es de Paris, tu dois connaître mon cousin Daniel Comeau !

Quand j’ai dit non, je me suis senti con.

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VIVE LE PAPE QUAND MÊME !

Lundi 28 août

Hourvari général chez mes amis de droite (j’en ai moins à gauche) : François en a encore remis une couche avec l’« accueil inconditionnel des migrants » !

Est-ce bien raisonnable ? Non, sans doute ; mais si on va par là, les Évangiles, la foi chrétienne et le Christ non plus ; or ce sont les boussoles du pape. Dès son élection, il s’est donné pour but de remettre à l’ordre du jour le message évangélique dans sa radicalité : l’amour du prochain, en particulier du plus pauvre, matériellement ou spirituellement (le mendiant et le publicain). Et l’éminente dignité de la personne humaine – de toutes les personnes humaines, dont la sécurité passe avant toute autre considération.

Qu’un tel discours semble aberrant, à l’heure où les migrants venus du Sud affluent vers des frontières européennes préalablement démantelées, j’en conviens volontiers. Mais que voulez-vous que j’y fasse ? Dieu a conçu l’homme à son image, pas les nations. Quant au pape, eh bien c’est le pape, et en ma qualité de modeste fidèle, je ne me sens guère apte à le juger.

Sur la question des migrants, je n’arrive pas à partager le point de vue du Saint-Père – surtout après dissipation des nuances qu’il avait introduites sur les droits des nations. Et pour tout vous dire, ce n’est pas la première fois que je me trouve en désaccord avec un pape depuis Vatican II (j’avais raté le I). Eh bien même dans ces conditions, j’ai continué de considérer, tout bêtement, qu’en fait de catholicisme la légitimité des papes restait supérieure à la mienne.

La discipline est la force principale des armées catholiques. Sans elle, les rébellions engendrent des schismes conduisant inéluctablement à l’hérésie, qui elle-même ne mène nulle part. Cela dit, j’ai d’excellents amis protestants.

«Soudain, l’été dernier», film de la dévoration

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Judicieuse idée qu’ont eu les éditions Carlotta de sortir simultanément le Picnic de Joshua Logan et ce film plutôt mal-aimé de Mankiewicz. Nous n’irons pas jusqu’à prétendre que les deux films sont similaires ou du même niveau (Soudain l’été dernier est très supérieur) mais ils possèdent suffisamment de points communs pour justifier cette parution couplée. La plus évidente concerne l’origine théâtrale des deux films. Mankiewicz adapte ici Tennessee Williams et à l’instar de Kazan, l’univers du dramaturge lui permet de rompre avec un certain classicisme hollywoodien en se concentrant essentiellement sur la psychologie et les névroses des personnages ainsi que sur le jeu des comédiens.

Un flash-back avec effets

En Louisiane, le docteur Cukrowicz (M. Clift) travaille dans des conditions déplorables en raison d’un manque considérable de moyens attribués à l’hôpital public. Une étrange proposition venue de la richissime Violet Venable (Katharine Hepburn) pourrait représenter une manne financière. Celle-ci se montre prête à offrir un million de dollars à l’établissement si le docteur consent à pratiquer une lobotomie sur sa nièce Catherine (Elizabeth Taylor) atteinte de démence depuis le mort de son cousin Sebastian, le fils de Violet.

Le film est construit sous la forme de flash-back mais Mankiewicz ménage avec beaucoup d’habileté ses effets. Dans un premier temps, le passé ne surgit que sous la forme des récits qu’en font les personnages. A ce titre, la première demi-heure pourrait donner raison aux détracteurs du cinéaste qui lui reprochent l’aspect théâtral de ses films. La première rencontre entre Cukrowicz et Violet Venable est, en effet, extrêmement longue et repose essentiellement sur un extraordinaire monologue (ou presque) de la grande Katharine Hepburn.

La plante carnivore gobe une mouche

Pourtant, on aurait tort de n’y voir que du « théâtre filmé ». Mankiewicz joue déjà avec une grande finesse sur le fabuleux décor du jardin tropical de Violet, sorte de métaphore d’un inconscient troublé et des désirs désordonnés du défunt poète Sebastian. De la même façon, dans une scène mémorable, Violet donne une mouche à une plante carnivore, métaphore limpide de ce que sera ensuite tout le film : une histoire de dévoration et de cannibalisme.

L’intervention de Michel Ciment, en supplément du DVD nous a paru tout simplement parfaite : claire, érudite, regorgeant d’informations et d’anecdotes et judicieuse quant à l’interprétation. C’est un régal. Et comme il le souligne très justement, Soudain l’été dernier est, comme beaucoup de films de Mankiewicz, une œuvre sur le pouvoir. Si Le Limier mettra en scène l’affrontement psychologique de deux hommes, celui-ci est le récit d’un affrontement à distance entre une tante jamais remise de la mort de son fils et une nièce qu’elle voudrait « dévorer » métaphoriquement (la faire taire à tout jamais).

L’insoutenable poids du passé

Mais peu à peu, le passé trouble de Sebastian va ressurgir et contaminer le présent. Là encore, le cinéaste ne succombe pas immédiatement au procédé classique du « flash-back » mais joue sur des réminiscences qu’on devine grâce à l’expressivité incroyable de la mise en scène. Je pense en particulier à ces deux scènes où Catherine se retrouve, à l’hôpital, au milieu des fous. Par les jeux de cadres, le travail sur la bande-son, Mankiewicz parvient à traduire parfaitement les névroses de la jeune femme et à donner au passé un poids insoutenable. Il y a dans ces moments précis une intensité qui n’est pas s’en rappeler celle des plus beaux Bergman.

Les dialogues sont constamment transcendés par de subtils décadrages, par des champs-contrechamps légèrement pervertis par l’angle d’attaque ou par une contreplongée traduisant parfaitement les rapports de domination.

Homosexualité, cannibalisme, inceste

Tandis que les tensions s’exacerbent au fur et à mesure de l’avancée du métrage, Mankiewicz opte enfin, lors de la mythique (le maillot de bain une pièce de Liz Taylor !) séquence finale, pour un flash-back qui arrive comme le point d’orgue d’un récit qui peut être vu comme la traduction d’une longue analyse psychanalytique. Le cinéaste reconstitue la « scène primitive » à l’origine du psychodrame. Là encore, il s’agit d’une histoire de dévoration et d’un corps sacrifié lors d’une inversion des rapports de pouvoir.

Sans en révéler trop pour ceux qui n’auraient jamais vu le film, Mankiewicz va très loin dans l’évocation des tabous les plus sensibles de l’époque à Hollywood : l’homosexualité (Sebastian est une figure de martyr biblique et l’on pense évidemment à la réappropriation de Saint Sébastien comme icône gay), le cannibalisme, l’inceste, etc.

Quinze ans avant l’assassinat de Pasolini

Michel Ciment  souligne dans son bonus que le parcours du poète défunt est étonnamment annonciateur de la tragédie qui frappera quinze ans plus tard Pasolini… Tragédie annoncée dans le film par de nombreuses images de la mort que le cinéaste dissimule dans ses plans.

En s’intéressant de manière aussi clinique à une névrose féminine, Mankiewicz met à mal l’idée classique d’un monde harmonieux et cohérent. Il l’ouvre au « négatif », aux pulsions et désirs les plus refoulés pour nous offrir une vision particulièrement pénétrante d’une nature humaine violente et insondable…

Soudain l’été dernier (1960) de Joseph L. Mankiewicz avec Elizabeth Taylor, Katharine Hepburn, Montgomery Clift. (Carlotta Films)

Le monstre du Loch Ness en Normandie?

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A Elbeuf, les visiteurs de la Fabrique des Savoirs, l’ancienne usine de textile Blin & Blin transformée en musée, n’ont pas la berlue. Ils sont même sobres comme des dodos. Mais dans cette région propice aux légendes et contes populaires, croiser un yéti, le monstre du Loch Ness ou d’étranges bestioles marines pouvant mesurer jusqu’à 30 mètres, n’a rien d’exceptionnel.

Cryptozoologie en Normandie

Le fantastique et l’esprit scientifique peuvent amener à faire d’étonnantes découvertes. Jusqu’au 15 octobre, une formidable exposition, dans le cadre du programme de la Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie, s’intéresse à la cryptozoologie. Quésaco ? Bernard Heuvelmans (1916-2001), l’inventeur de cette discipline méconnue du grand public en a dressé les grandes lignes. Il s’agit de « l’étude scientifique des animaux cachés, c’est-à-dire des formes animales encore inconnues, au sujet desquelles on possède seulement des preuves testimoniales et circonstancielles ou des preuves matérielles jugées insuffisantes par certains ». C’est un peu comme des candidats honnêtes et droits, nous avons bien quelques témoignages oraux sur leur hypothétique existence. A la veillée, les anciens racontent qu’autrefois, il y eut des hommes politiques ayant le sens de l’Etat et de la nation. Les preuves de leur passage sur Terre ont peu à peu été effacées. Entre la zoologie et la mythologie, l’inventaire de la biodiversité réserve encore bien des surprises. Nombre d’espèces ont disparu, certains parlent même d’une actuelle 6ème extinction, la dernière remontait à 65 millions d’années. La tortue géante de Rodrigues, le moa, l’hippotrague bleu, le nestor de Norfolk, le lion du Cap ou la caille de Nouvelle-Zélande n’ont plus donné signe de vie. Plus près de nous, le tigre de Java dont les dernières traces remontent à 1979 fait régulièrement l’objet de rumeurs persistantes.

Le dodo, un cas d’école

Certains l’auraient vu au début de notre décennie comme Elvis et Cloclo sur une île déserte. Le charismatique dodo qui s’est éteint vers 1681 reste un cas d’école dont les écrivains et scientifiques se sont emparés pour en faire un totem. Ce lointain cousin des pigeons mesurait environ un mètre de long, il était incapable de voler. Faute de prédateurs, cet oiseau sans ailes se la coulait douce avant que les explorateurs trouvent sa chair délicieuse. Espèce jadis endémique de l’île Maurice (archipel des Mascareignes), le dodo incarne le combat pour la recherche sur les animaux disparus par extermination. A la Fabrique des Savoirs, vous apprendrez à reconnaître un ornithorynque, un dragon de Komodo ou vous familiariser avec le calmar géant « qui n’a pas livré tous ses secrets ». Saviez-vous qu’il « évolue dans la zone de 250 à 1 000 mètres de profondeur avec une longueur pouvant atteindre 18 mètres (11 mètres de tentacules) pour un poids dépassant parfois les 300 kilogrammes » ?

L’inconnu du Loch Ness

L’exposition s’aventure aussi sur le terrain des monstres aquatiques et autres serpents de mer. Après 80 ans d’investigations avec sonars et moult plongées, force est de constater que le locataire du Loch Ness n’a toujours pas montré le bout de son nez et que les fakes sur Internet pullulent. Même sentiment d’échec pour la créature mi-humaine, mi-animale, pourvue de longs poils et mesurant entre 2 et 2,50 mètres, surnommée yéti dans l’Himalaya, bigfoot dans les Montagnes Rocheuses, almasty dans le Caucase, yeren en Chine ou yowie en Australie. Aucun squelette retrouvé, malgré des témoignages nombreux et contradictoires comme dans toutes les enquêtes de police. La cryptozoologie suscite parfois les rires et les moqueries, elle n’en demeure pas moins un champ d’investigation incroyable. Notre société lasse de se morfondre dans la servitude aux marchés et peinant à envisager toute action autrement qu’en termes économiques, a besoin de réenchantement.

Tous à Elbeuf!

A l’heure des satellites, où la moindre parcelle du globe est observée à la loupe, on rêve de mettre la main sur un animal fantasmatique qui aurait vécu isolé dans son biotope, sans contact avec l’homme. Les fonds marins, territoires inexplorés, n’ont pas dévoilé toutes leurs richesses. Les mystères abyssaux demeurent. Faites donc un tour à Elbeuf (réservation possible) ou sinon procurez-vous d’urgence le catalogue de l’exposition (5 euros), le bizarre vous y attend. Vous avez dit bizarre ?

 « Yéti y es-tu ? Sur la piste des animaux énigmatiques » – Réunion des Musées Métropolitains – Fabrique des Savoirs – Exposition jusqu’au 15 octobre 2017.

Du yéti au calmar géant: Le bestiaire énigmatique de la cryptozoologie

Price: 36,95 €

9 used & new available from 29,00 €

Les brûlures de Magda

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Madga commence à raconter une histoire, une histoire qui ne lui appartient pas, ou du moins, qui l’encombre. Alors qu’elle était à l’âge de marcher à quatre pattes, et que personne n’avait un oeil sur elle, une bouilloire pleine s’est déversée sur son flanc gauche. Les premiers mots relatifs à l’accident lui viennent de la bouche et de la mémoire – sélective – de sa mère : « ce que tu t’es fait », « regarde où ta curiosité t’a menée ».

Un duo mère/fille sanglant

La trame du roman est prête. Une famille dont les hommes sont exclus, et où, dans un duo sanglant entre mère et fille, on se rejette inconsciemment la responsabilité du drame. Madga subit de nombreuses et lourdes opérations, fait des cauchemars, s’imagine dévorée par des hordes de bêtes furieuses grouillant sous ses pansements, et des cures thermales, inutiles successions de cloques, d’éclatements, de sang et d’eau soufrée.

Au moment où Madga décide, sous la plume d’Anne Godard, de se mettre à parler, elle est une jeune adulte. Elle se cherche une indépendance, une identité, bien que son infirmité lui laisse tout le loisir de s’affirmer comme « l’autre », « le monstre ». Monstre, peut-être. Mais comment vivre avec ? Est-elle ce monstre, est-elle en proie à sa possession maléfique, doit-elle se dresser contre ou se lover en lui ? Qui est-on, sous les greffes de peau froissée ?

L’anti-Sainte Famille

Précise, juste, Anne Godard ajoute à son tableau deux motifs stylisés pour parfaire cette anti-Sainte Famille. Un enfant-pansement, c’est le cas où jamais de le dire, naît peu après l’accident. Mais Aurore, si lisse, si sage et si douce, meurt brutalement dans son sommeil. Pansement arraché. Plaies à vif. Magda a un frère, presque jumeau, Marc, et tous deux font les quatre cent coups. Après le décès d’Aurore, ils décident de fabriquer un bébé, à eux deux, pour en faire cadeau à leur mère. Réaction immédiate : chambre à part pour les deux survivants.

La famille comme maladie, bien plus que la maladie vécue par l’individu, au sein de sa famille, est le thème d’Une chance folle. Cette « chance folle », ce leitmotiv décourageant, coupant court à tout, vient d’ailleurs du choeur des voix familiales, comme pour signifier à Magda qu’elle n’a rien à ajouter, que sa situation fait assez de tort à la famille pour qu’elle envisage, en plus, d’y mettre son grain de sel. C’est vrai, c’est une question : à partir de quel seuil de douleur, de quelle surface de corps brûlée au troisième degré, a-t-on le droit de ne plus être gai ? Pour Magda, il faut oublier les jérémiades. Se faire plutôt à l’idée que, même pubère, un corps soigné appartient à ceux qui le soignent.

Des traits (hélas) sous-exploités

Toutes ces questions, stylisation organique de l’universelle tragédie familiale, perdent un peu en intensité, en force de suggestion, à la deuxième partie du roman. Le père disparaît tout à fait, le frère disparaît au sens propre, et l’on retrouve un attendu du genre : l’adolescent monstre, pudique, découvre l’amour, ses sens, se sent désirable, cherche son âme-soeur monstre, la trouve, il neige, etc.

Parmi les traits plus saillants, malheureusement sous-exploités, on retrouve le panoptique familial, au sens propre, puisque la famille est réunie dans un même immeuble haussmannien où chacun se surveille, et sa cruauté verbale, silencieuse, psychologique, son étouffement inévitable. La relation incestueuse entre Magda et son frère Marc, lequel s’étiole jusqu’au suicide au moment où sa soeur devient l’officielle petite-amie d’un certain Markus, est passée sous silence.

Une chance folle, titre cruellement ironique, aurait mérité son coup d’aiguille final, le titillement du nerf à vif, pour mettre son lecteur dans sa poche, à la merci de sa vérité.

Anne Godard, Une Chance folle, Éditions de Minuit, 2017.

« Que Dios nos perdone », le désenchantement du monde

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L’autisme pourrait-il constituer la pathologie psychique du XXIe siècle, voire un nouveau paradigme d’humanité ? Que Dios nos perdone, le dernier opus de Roberto Sorogoyen, s’il s’inscrit dans un genre répertorié – un binôme de flics désassortis enquête sur un tueur de vieilles dames -, dépeint en réalité la fin d’un monde et l’avènement d’un nouvel homme : rivé à l’immanence, opaque à lui-même, désespérément seul.

Pour suggérer l’incapacité de ses héros à distinguer leurs propres affects, Sorogoyen dès la première scène, fait errer le spectateur, habitué aux chemins balisés du film noir et du flash-back. Par un effet de montage, il induit en effet chez celui qui regarde son film la même incertitude que celle qui hante ses personnages : ce collègue qu’Alfaro a tabassé au point de quasiment lui faire perdre un œil est-il Velarde, son binôme introverti qu’un bégaiement tenace rend à la fois exaspérant et peu bavard ? Le cadre est bien posé, mais la mise au point reste floue : par-delà les viriles postures qu’ils adoptent, quelles relations unissent ces flics que nous voyons s’agiter à l’écran ? Ils n’en ont pas la moindre idée et nous non plus. Cette mise au point délibérément mal faite sur ce qui constitue habituellement le cœur d’un film (les personnages, leurs relations, à partir de quoi l’histoire peut dévider son fil) nous déporte ipso facto vers le cadre, le contexte. Nous sommes en 2011, à Madrid, entre visite papale et émeutes indignées.

Benoît XVI en arrière-plan

L’arrière-plan du film, bien plus qu’un décor, est un événement. Par le biais de la visite de Benoît XVI se crée une dynamique dont la violence sans objet défini semble répondre à celle qui anime les personnages. Le film s’ouvre par l’image d’une place vide, dont on devine pourtant qu’elle fut quelques instants auparavant le lieu d’une grande agitation. On en ignore l’objet exact : ferveur religieuse de jeunes catholiques venus en masse célébrer le pape ? Manifestation d’opposition d’ibères indignés ? Rien ne l’indique clairement mais une chose est certaine : la tension règne, aussi bien entre les gens qu’entre les murs de la ville. Par ailleurs, cette tension qui vrille les nerfs est, si on se fie à la mise en scène, également le signe d’un désenchantement religieux du monde. Car l’appel au pardon divin qu’énonce le titre peut tout aussi bien se référer au délaissement de la divinité par l’homme : que Dieu nous pardonne, en somme, de l’avoir abandonné…

Rappelons que Benoit XVI fut le seul pape en six siècles à renoncer à la papauté. Que sa venue à Madrid suscita aussi bien l’enthousiasme des croyants que l’ire de militants contestataires. Et qu’à la première image évoquée ci-dessus succède immédiatement dans le film celle… d’un columbarium. Le pape est là, certes, mais sa présence n’est indiquée que par les traces qu’il laisse dans son sillage, et plus tard, par des images télévisées. La présence de celui qui représente Dieu sur terre, dans la mesure où elle ne se fait qu’à distance, est en réalité désincarnée. Quant au verbe, matrice de la création divine si on se fie à la Genèse, il a également disparu : jamais nous n’entendrons le pape. Il est ici réduit à son image. Les jeunes catholiques venus le voir, qui forment une foule indistincte parsemée des mêmes T-shirts colorés, semblent pour leur part relever davantage de la cible marketing que du fidèle. La foi ne vibre plus comme élan vers le ciel, elle se traduit au ras des pâquerettes par l’exhibition de produits dérivés, par des mesures logistiques et sécuritaires, par des plans de circulation qui bloquent la ville.

Au nom du flic, du fils et du sans esprit

Si le catholicisme existe, ce n’est donc plus comme entité spirituelle mais comme matière et image : il y a le pape, il y a l’église à laquelle les mamies et accessoirement leur meurtrier se rendent tous les jours, il y a la foule de fidèles-consommateurs. L’esprit, lui, subsiste à l’état d’oripeaux pervertis. Ainsi, une des scènes les plus marquantes du film constituerait presque la parodie visuelle d’une scène de la vie du Christ : Sancho, le commissaire, attablé avec son équipe, parle. Les contrastes de lumière évoquent un tableau de maître, entre Rembrandt et le Caravage. Ses subordonnés l’entourent d’une présence silencieuse et, si l’on se fie à ce que l’on voit, dévouée. Les assiettes sont pleines, mais pas question d’y toucher : les flics semblent recueillis face à la parole de leur chef. Or, que dit celui-ci ? Il tient en réalité un discours dénué de toute vérité, discours d’intimidation au service de ses intérêts de carrière, discours arborant pourtant le masque de la moralité. Tout y est : la mièvrerie en guise de compassion lorsqu’il évoque son fils, le mélange des genres lorsqu’il enjoint les policiers de protéger celui-ci, l’impératif de mensonge et de déni de réel qu’il leur adresse comme une menace. Simulacre affectif, simulacre moral, simulacre d’autorité. Le silence des policiers n’était pas celui du recueillement, mais bien celui du fatalisme et de l’impuissance. En filmant cette démonstration de cynisme moderne (auquel peut-être on peut attribuer la colère d’Alfaro) comme une scène christique, le réalisateur signifie que la mort de l’esprit ne réside pas tant dans sa disparition que dans la dérision et la parodie dont il fait l’objet.

Ce bâillonnement du sacré est suggéré par un vertigineux mouvement de caméra, dégringolant de la coupole de l’église vers les fidèles assistant à la messe avant de finalement s’arrêter sur Andres, le meurtrier dont nous voyons pour la première fois le visage. On ne peut mieux signifier visuellement la chute, spatiale et symbolique, du ciel vers la terre, et aussi, car malgré tout les concepts chrétiens fonctionnent encore, vers le mal. Lequel pour autant n’est pas réservé au seul Andres, car Alfaro et Velarde font eux aussi, chacun à leur façon, preuve de violence gratuite. Et le mal comme dénominateur commun à ces trois-là porte un même visage, celui de la colère. Bouillonnante et incontrôlée chez Alfaro, patiente et vengeresse chez Velarde (la fin du film), perverse et sans limites chez Andres. S’il fallait affiner cette définition du mal, on pourrait dire que le mal est, dans le film en tout cas, soit une colère sans objet défini (Alfaro), soit une colère qui n’ose pas s’attaquer à son objet réel (Andres, qui au lieu de s’en prendre à sa mère, bourreau adoré, s’attaque à de vieilles dames qui ne lui ont rien fait). Finalement, seul Velarde, en tuant le tueur, fait preuve d’une colère juste, car il n’existe chez lui aucun clivage entre le destinataire et la raison de son ressentiment.

L’identité du mal

Le mal, dans un monde qui dévalue la transcendance, n’a donc plus de dimension métaphysique : réduit à la colère de l’individu, il se psychologise et relève de l’arbitraire. Si Velarde et Andres ont tous deux été des enfants maltraités, un seul des deux pourtant a choisi de tuer. Cette psychologisation qu’il observe, le réalisateur refuse pour autant d’en faire un levier narratif, comme en témoigne son scénario. Le spectateur ainsi ne saura jamais ce que la mère d’Andres a fait à son fils, ni ce qui a obscurci l’enfance de Velarde. Il ignorera tout autant les ressorts de la rage chronique d’Alfaro ou les motifs du tabassage de son collègue.

La seule note psychologique que Sorogoyen s’autorise réside dans la solitude qui fige les personnages, solitude que la fréquentation de leurs semblables, loin de dissiper, semble au contraire accentuer : les rares fois où s’amorce entre eux une communication dénuée de tension, elle se brise aussitôt. Témoin, la scène où Alfaro et Velarde plaisantent, qui se conclut par le retrait sec et soudain de ce dernier. La proximité est dangereuse, le plaisir lié aux relations humaines n’existe pas. Nous avons ici affaire à une perception autistique de l’autre, selon laquelle la solitude, pour terrible qu’elle soit, est plus sûre que l’amitié ou que l’amour : les seules relations possibles et souhaitables sont celles qui œuvrent dans un même but, extérieur aux affects du sujet, un but professionnel, donc.

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Élections allemandes: à la fin c’est toujours Merkel qui gagne!


En dépit de ses positions déconcertantes sur les migrants, la chancelière sortante est largement favorite pour les législatives allemandes du 24 septembre. Et l’économie n’explique pas tout.


Un conte populaire allemand des années 1960 met en scène un Scheinriese, un « géant en trompe-l’œil », personnage effrayant vu de loin mais dont la taille rapetisse au fur et à mesure qu’on l’approche. Angela Merkel, pour ses détracteurs dans les rangs conservateurs, est un Scheinriese. Elle a l’air formidable vue de loin (« le dernier défenseur de l’occident libéral », a osé le New York Times), mais plus on la connaît, plus on découvre ses défauts. Parmi ceux-ci, un pragmatisme qui confine à l’opportunisme, un penchant pour l’économie administrée plutôt que pour le libre jeu du marché et surtout, une capacité insolente à bouleverser le cours de sa politique du jour au lendemain. Comme lorsqu’elle décida la sortie du nucléaire après la catastrophe de Fukushima en 2011 ou qu’elle ouvrit les frontières de l’Allemagne aux réfugiés du Proche-Orient en 2015. Elle fit, à chaque fois, tanguer la politique allemande et vaciller son pouvoir en prenant à rebrousse-poil ses électeurs et en irritant les pays voisins.

Et pourtant, deux ans après la grande crise des réfugiés qui a vu plus d’un million de migrants entrer dans le pays sans guère de contrôle, neuf mois après l’attentat de Berlin où un islamiste tunisien au volant d’un poids lourd a tué douze personnes dans un marché de Noël, c’est bien Angela Merkel qui, à l’approche des législatives du 24 septembre, a toutes les cartes en main. Sortie du purgatoire où ses mésaventures migratoires l’avaient conduite, la chancelière domine la campagne de la tête et des épaules. Depuis trois mois, les sondages d’opinion ne bougent plus. Ils donnent 38 à 40 % des intentions de vote à la CDU/CSU de Merkel et 22 à 25 % au SPD de Martin Schulz. Si l’on en croit ces enquêtes, non seulement Angela Merkel pourrait se maintenir à la chancellerie, mais elle aurait aussi la liberté de choisir son partenaire pour constituer sa coalition gouvernementale, entre le SPD social-démocrate, comme aujourd’hui, le FDP libéral, comme ce fut le cas de 2009 à 2013, ou encore les Verts.

Le dépassement du déclassement

Défi vivant aux lois de l’usure du pouvoir – chancelière depuis douze ans, elle a déjà travaillé avec quatre présidents français, Chirac, Sarkozy, Hollande puis Macron – Angela Merkel capitalise sur la persistante vigueur de l’économie allemande. Le chômage a été éradiqué (3,8 % de la population active contre 9,6 % en France), la croissance est vigoureuse, les excédents débordent de partout, les carnets de commande sont remplis. La chancelière promet une baisse d’impôts de 15 milliards d’euros pendant la prochaine législature. L’optimisme règne dans la population. Mieux, la peur d’un déclassement, cet aliment si puissant du vote populiste, se dissipe. Selon une enquête que vient de publier l’institut de sociologie de l’université de Leipzig, les Allemands sont deux fois moins nombreux qu’il y a dix ans à craindre une chute dans l’échelle sociale (33 %, contre 64 % en 2006).

À elle seule, la santé économique n’explique pas tout. C’est aussi le contraste entre ce havre de stabilité politique et de prospérité que constitue l’Allemagne et l’état chaotique et angoissant du monde extérieur qui incite une grande part des électeurs à favoriser le statu quo à Berlin. Les problèmes qui les préoccupent n’ont aucune solution partisane. Ce qui agite les esprits en ce moment, c’est le terrorisme djihadiste, l’arme atomique nord-coréenne, le réchauffement climatique, la pression démographique en Afrique, le cours erratique de l’Amérique de Donald Trump ou encore le Brexit, bien plus que la décrépitude des bâtiments scolaires ou le retard pris par l’Allemagne dans la transition numérique. Du coup, les controverses politiciennes apparaissent bien mesquines, donnant l’impression que la campagne évite les grands enjeux. Cela ne veut pas dire que les citoyens n’iront pas voter. Les experts s’attendent à une participation forte. Le nombre de partis en lice augmente aussi (42), ainsi que le nombre de candidats à départager (4 828). En Allemagne, la politique est une valeur en hausse !

Martin Schulz n’a pas su la rendre indésirable

Toutefois, les jeux sont loin d’être faits. À un mois du scrutin, le nombre d’indécis était bien supérieur à ce qu’il était lors des élections précédentes : 46 % des électeurs n’avaient pas arrêté définitivement leur choix, selon l’Institut de démoscopie Allensbach. Les fronts peuvent bouger. Et il est à peu près certain que l’Allemagne sera plus compliquée à gouverner : le nombre de partis représentés au Bundestag devrait passer de quatre à six, avec l’entrée prévue des populistes anti-immigration de l’AfD et le retour des libéraux du FDP. La grande question, cependant, est de savoir quelle formation sortira troisième du scrutin, derrière la CDU/CSU et le SPD. Si c’est le FDP, ce parti deviendra alors un partenaire quasi incontournable pour Merkel, réorientant la politique gouvernementale vers la droite – et vers moins de solidarité européenne. Si ce sont les Verts, la chancelière n’hésitera sans doute pas à leur proposer un accord de coalition. Si c’est l’AfD, cela fera l’effet d’un coup de tonnerre. Mais, de même que le parti de gauche radicale Die Linke, cette formation sera à coup sûr écartée de toute coalition gouvernementale.

Martin Schulz peut-il encore, pour sa part, remonter la pente ? L’ancien président du Parlement européen multiplie les propositions populaires, un brin démagogiques. Mais sa dénonciation des inégalités, son plan d’investissement grandiose, ses charges pacifistes et anti-américaines n’impriment pas. De toute façon, en Allemagne, un challenger n’est jamais élu grâce à son programme. Quand les électeurs provoquent un changement de chancelier, c’est qu’ils veulent se débarrasser du sortant. Ce fut le cas avec Helmut Kohl en 1998, puis avec Gerhard Schröder en 2005. Or, Martin Schulz n’a pas su donner aux Allemands une raison valable de censurer la chancelière. Le SPD peine à se poser en alternative crédible alors qu’il gouverne avec elle à Berlin depuis quatre ans au sein de la Grande coalition. Angela Merkel est peut-être un « géant en trompe-l’œil », au milieu de nains, elle reste la plus forte.

La petite révolution de l’Insoumis Mélenchon

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À l’occasion du centenaire du coup de force d’Octobre 1917, on aurait pu croire que l’Insoumis formé dans le trotskisme prendrait cet événement pour modèle. Il n’en est rien.

Certes, il veut, comme Lénine l’a fait en son temps, chasser le pouvoir démocratiquement élu, en organisant une forme de guerre civile dirigée contre ce pouvoir.

Mais étant donné que le bilan d’Octobre 1917 établi par Le Livre noir du communisme est encore moins alléchant que celui des chouchous révolutionnaires de Mélenchon, Chavez et Maduro, mieux vaut pour lui ne pas agiter trop ostensiblement le chiffon rouge de la révolution lénino-trotskiste. On ne chantera donc l’Internationale que dans les rassemblements composés de nostalgiques de la révolution.

Octobre 1917 ne passera pas

Que faire ?, s’est demandé Mélenchon, qui n’a vraiment pas de temps à perdre s’il veut accéder au pouvoir, lui, personnellement, avant que ne sonne l’âge de la retraite. Comment faire à Macron le coup que Lénine a fait à Kerenski, sachant que nous ne sommes pas en 1917 et que la révolution démocratique propice à un coup de force minoritaire n’aura pas lieu, puisqu’elle n’a plus lieu d’être ? Quel modèle victorieux imiter ?

Mélenchon a trouvé la bonne réponse. Il a décidé de troquer l’Octobre 1917 de Lénine pour le Décembre 1995 du mouvement social, ce mouvement de la rue qui porta au poste de Premier ministre Lionel Jospin, formé dans le même patronage trotskiste que Mélenchon.

Souvenons-nous : ce mouvement bloqua la France en 1995 et bloqua du même coup les réformes qui s’imposaient. Il fit perdre des dizaines d’années à notre pays, mais il lui conserva en contrepartie son titre de champion d’Europe toutes catégories en taux de chômage. Devant le risque d’être impopulaire, le radical-socialiste Chirac coupa les jarrets d’un Juppé qui voulait rester droit dans ses bottes. Il écouta Dominique de Villepin qui lui soufflait dans l’oreille l’idée géniale de la dissolution du Parlement. Et le PS gagna les élections législatives qui suivirent la dissolution du Parlement fraîchement élu.

Mélenchon ne cache pas qu’il rêve de rejouer ce scénario. Il veut pousser Macron à la dissolution et devenir enfin le numéro 1.

Que de la gueule

Hélas ! Cet ersatz d’Octobre 1917 risque fort d’être le dernier rêve éveillé de l’Insoumis qui voulait devenir chef. Macron n’est pas Chirac. Il ne s’est pas fait élire sur un programme démagogique : il s’est même fait élire sur un programme de redressement et de relance ayant un coût élevé en impopularité, et il le sait depuis le début.

La France de 2017 n’est pas celle de 1995. La preuve en est la désagrégation mentale de la gauche de gouvernement. Cela laisse, il est vrai, toute la visibilité à une extrême gauche très cohérente dans son délire, mais cela ne suffira pas pour gagner le pays par les urnes : trop d’électeurs savent que sous le pouvoir de Mélenchon le refus total des réformes douloureuses et l’inflation des dépenses publiques provoqueraient la glissade généralisée de la France vers l’Angleterre d’avant Thatcher, avec un taux de chômage catastrophique, un endettement plombant l’avenir, aggravé par la hausse des taux du crédit, l’isolement en Europe et dans le monde : bref un suicide. Une perspective improbable, les Français étant volontiers plus critiques que suicidaires. Mais il ne faut pas le lui dire.

Mieux vaut laisser Mélenchon se gargariser en répétant à ses troupes « on va gagner ! ». Elles constateront assez vite que cette victoire annoncée en bombant le torse et en gonflant les joues, ce n’était que de la gueule.

Il lui reste toutefois une raison d’espérer. Le mouvement dégagiste qu’il a lancé semble faire de nouvelles recrues en Europe. On pouvait lire ceci dans l’Huma du 31 aout: « ‘Merkel dégage’, braillent en cœur, dans un rassemblement électoral, des militants de choc de l’AfD ». Après le printemps arabe, l’automne des dégagistes. Sous le mot d’ordre recyclé « Dégagistes de tous les pays,  unissez-vous ! » ?

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Défenseurs de la PMA: même les médias n’avalent pas leur langue de bois

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Un récent article de Causeur insistait sur le caractère inaudible de certains arguments récurrents dans la bouche des opposants à l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes. Le discours de ceux qui militent en faveur de cette mesure me semble également présenter de grosses faiblesses. Je vais les aider un peu.

Même pas le soutien des médias…

Je suis assez surprise de constater avec quelle timidité les médias soutiennent cette nouveauté. Ils ne font pas de zèle. C’est-à-dire qu’ils ne font pas bloc contre des opposants qui seraient désignés comme « réactionnaires », « conservateurs » ou comme « refusant cette évolution ». Dans le cas du mariage gay, ils avaient fait correctement leur boulot. Vous, les militants de la cause, n’aviez pas besoin de courir les plateaux. Les journalistes faisaient tout le travail : rappel constant des enquêtes d’opinion indiquant une « évolution des mentalités » et interviews sévères des opposants à cette loi.

Pour l’instant, rien de tel. Et je vais vous dire pourquoi.

D’abord, cela va trop vite. Entre le PACS et le mariage dit « pour tous », nous avions eu le temps d’oublier et les journalistes aussi. Oublier qu’à l’époque, on nous avait dit qu’il ne serait jamais question de mariage unissant des personnes de même sexe. Cette fois-ci, les gens n’ont pas eu le temps d’oublier et les journalistes non plus. Ils s’entendent encore rétorquer eux-mêmes aux militants de la Manif Pour Tous qu’il ne serait jamais question de PMA pour les lesbiennes. Alors, forcément, dire l’inverse si tôt est une posture difficilement tenable. Il faut les comprendre.

Suicide rhétorique

Deuxième point, la GPA. Ce sont les journalistes (confirmant donc la validité de ce que je viens de dire) qui soulèvent la question : au nom de l’égalité entre couples d’hommes et couples de femmes, après la PMA, réclamerez-vous la GPA ?

A ce jour, je n’ai vu aucun de vos militants répondre correctement à cette interrogation.

Vous donnez même le bâton pour vous faire battre, puisque vous fournissez vous-mêmes à vos opposants des objections faciles et énormes. C’est du suicide rhétorique :

      • Joël Deumier, président de SOS homophobie déclare qu’il n’est pas question de réclamer la légalisation de la GPA parce qu’elle est illégale en France. Ok, mais la PMA pour les lesbiennes est tout aussi illégale en France et pourtant, il…

Lisez la suite de l’article sur le blog d’Ingrid Riocreux

Mike Tyson, génie du mal?

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Mike Tyson en 1986. Photo: Robert Dibue

Adulé puis haï par le monde entier, richissime puis ruiné, le plus grand boxeur du siècle dernier raconte une vie marquée par la souffrance. Et pas seulement pour ses adversaires…


Mike Tyson, tout le monde connaît : ancien champion du monde des poids lourds – 50 victoires sur 58 combats, dont 44 par KO –, cocaïnomane et alcoolique, brute accusée et condamnée pour viol, et aussi soutien inconditionnel de Donald Trump. Mais on ne sait pas comment il en est arrivé là.

D’abord que lui reprochait-on ? De frapper sa femme, l’actrice Robin Givens, certes. Tristement banal dans le milieu de la boxe. D’en harceler d’autres ? Encore plus banal. Les 300 millions de dollars acquis à coups de poing ? Pas vraiment. Non, ce qu’on ne lui pardonnait pas, c’était son cynisme : on ne se moque pas impunément des vieux boxeurs noirs qui consacrent leur dernière force à lutter contre la délinquance juvénile ou l’apartheid. Il incarnait une forme de génie du mal, promenant ostensiblement son dégoût de tout, aussi bien de la boxe que des autres et de lui-même.

« Kid Dynamite »

Ce qu’on lui pardonnait encore moins, c’est d’avoir violé une jeune Noire – ce qu’il a toujours nié –, candidate à un concours de beauté dont il présidait le jury, viol qui lui a valu six ans dans un pénitencier. Sans oublier ce combat mythique au cours duquel il a arraché avec ses dents l’oreille de son adversaire Evander Holyfield.

On s’est étonné que ce bad boy, « Kid Dynamite » comme le surnommait son mentor et père adoptif Cus d’Amato, converti à l’islam en prison, ait pris le parti de Donald Trump contre Mme Clinton. C’est oublier que Trump a toujours défendu et soutenu financièrement Mike Tyson, y compris lors de son procès pour viol, sans doute truqué. Car comment imaginer qu’une donzelle n’ignorant rien de la brutalité de Tyson – six plaintes avaient déjà été déposées contre lui pour harcèlement sexuel – l’ait suivi en toute naïveté dans la chambre 606 de l’hôtel Canterbury à Indianapolis. Ce qu’il a expié pendant des années dans le pénitencier d’Indianapolis, c’est moins un viol douteux que l’image terrifiante qu’on projetait sur lui.

« Ce sont les pigeons qui m’ont sauvé la vie. »

Or voilà que maintenant, après avoir passé le cap de la cinquantaine, Mike Tyson reconnaît que sa vie a été un énorme gâchis ! Il veut tourner la page de son passé, y compris celle de la boxe : « Les gens respectent le combattant, ce que j’ai accompli sur le ring. Mais moi j’aimerais que ce gars-là soit mort, qu’il n’ait jamais existé. » Paradoxalement, il estime avoir été victime de sa sensibilité. Il a raconté sa vie dans deux livres : La Vérité et rien d’autre (2014) et Iron Ambition: My Life with Cus d’Amato (mai 2017). Il évoque ainsi, plus de trente après sa mort, la figure tutélaire de Cus d’Amato, celui qui l’a découvert et élevé quand il n’avait que 13 ans. Mais Cus est mort d’une pneumonie quelques mois après les débuts fulgurants de « Kid Dynamite ».

Il parle également de sa passion pour la colombophilie. « Avant Cus, ce sont les pigeons qui m’ont sauvé la vie. » Un type, raconte-t-il, a volé un de mes oiseaux, et quand je lui ai demandé de me le rendre, il l’a sorti de son manteau, lui a tordu le cou et a frotté son sang sur moi, laissant une tache indélébile dans l’âme de l’enfant. Cette blessure ne sera pas la seule, mais aucune ne laissera une trace aussi profonde, même pas ses tentatives de suicide ni un viol subi dans son enfance. Une colombe peut-elle décider du destin d’un homme ? Mike Tyson se pose encore la question – insoluble bien sûr.

Dieu a passé ses vacances avec moi

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Le pape François fait un selfie au Vatican, août 2017. SIPA. AP22093657_000004

A Bergame, j’ai entendu les cloches des églises sonner à toute heure. En Acadie, j’ai vu des foules en liesse chanter l’Ave Maria Stella. Et de retour à Paris, j’ai eu à me justifier en tant que papiste sur les dernières folies de François. A croire que Dieu m’a suivi partout. D’ailleurs c’est gentil de sa part, vu son agenda.


 

PIZZA VECCHIA

Dimanche 9 juillet

Charmant séjour à Bergame en compagnie de ma marraine, qui me reçoit dans sa maison de la Citta’ Alta. « Chargée d’histoire », comme souvent les vieilles villes, Bergame s’est notamment illustrée dans le Risorgimento ; elle est aussi la patrie du Tasse, de Donizetti, de Jean XXIII et de San Pellegrino.

À propos de saints, il semble y avoir ici autant d’édifices religieux que d’habitants. À elle seule, la piazza Duomo en compte quatre : le Duomo lui-même, autrement dit la cathédrale, la chapelle Colleoni, le baptistère Vescovado et l’étonnante basilique Sainte-Marie Majeure. Sa construction, inachevée, s’est étalée sur cinq cents ans, et ça se voit : extérieur roman, intérieur baroque. Avec tout ça, il ne reste plus beaucoup de place pour la place elle-même. Allez-y quand les cloches sonnent, c’est-à-dire tout le temps.

Tout ce qui vous arrive vous ressemble, comme disait Wilde, et mes déambulations au hasard des rues m’ont conduit de la via Pignolo à la via del Vagine – sans que j’ose jamais demander le sens de ce dernier mot (visiblement un faux-ami) en italien ou en bergamasque.

Il n’est pas toujours évident de retrouver son chemin dans le dédale de cette ville résolument pré-haussmannienne. Je me suis résolu à investir dans une carte détaillée le jour où, en désespoir de cause, j’avais abordé un couple d’Américains penchés sur la leur (de carte).

Dialogue en V.F. :

– Bonjour, la piazza Cittadella, s’il vous plaît ?

– Oh, des pizzas, vous en trouverez partout !

Dès le lendemain, muni de ma carte, j’ai pu retourner faire un selfie via Pignolo.

***

VANITÉ DES VANITÉS

Jeudi 20 juillet

Je pense souvent aux mille pages brûlées du Journal de Jules Renard. Dois-je poursuivre mon œuvre quand même ?

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CATHOLIQUES ET FRANÇAIS TOUJOURS…

Mardi 15 août

L’Acadie, vous connaissez ? Une petite France du bout du monde, située pour l’essentiel au nord-est du Nouveau-Brunswick – le seul État du Canada à être officiellement bilingue. En tant que nation, l’Acadie n’existe pas et n’a jamais existé, sauf dans la tête et le cœur des Acadiens. Ça ne suffit pas pour siéger à l’ONU, certes, mais ça manque cruellement ailleurs…

À l’origine, les Acadiens sont des Français comme tout le monde, établis progressivement dans les « Provinces Maritimes » au cours du XVIIe siècle, après l’expédition de Champlain en 1604. Les problèmes ont commencé quand nos amis les Anglais – qui avaient hérité de la région à Utrecht, hélas – se sont mis en tête de déporter tous les Acadiens, pour ne plus voir leurs sales gueules de cathos franchouillards.

1755 : cette date est restée pour nos cousins d’outre-Atlantique celle du « Grand Dérangement », comme ils disent joliment. N’empêche ! Ce genre de vexations stimule le sentiment national ; c’est ce qui s’est passé, et qui dure depuis tantôt quatre cents ans.

La « Nation acadienne », autoproclamée en 1881, s’est aussitôt dotée de symboles nationaux trop cools dans le genre catho, limite mariolâtre. Un drapeau tricolore, identique au nôtre mais avec, tout en haut du bleu, l’étoile de la Vierge ; un hymne national qui n’est autre que la vieille hymne catholique Ave, Maris Stella (« Salut, Étoile de la mer ») ; et pour couronner le tout, une fête nationale fixée au 15 août, jour de l’Assomption. Si j’étais Marie, je passerais mes vacances ici !

Chaque année, à l’approche du 15 août, tout le monde pavoise sa maison et le jour venu, dans toutes les villes d’Acadie, on organise le « Grand Tintamarre », bruyant défilé tricolore à base de crécelles, cornes de brume et autres instruments de torture auriculaire. Cette cacophonie se veut protestation, joyeuse mais persistante, des Acadiens contre le traitement infligé à leurs ancêtres.

À Caraquet, ils étaient 30 000 ce jour-là, pour une population de 4 000 âmes, à participer à l’événement. Il faut dire que la petite ville se proclame officiellement « capitale de la nation acadienne », c’est même pour ça que j’y suis allé : il faut toujours être là où ça se passe, comme disait Beigbeder.

Aller en Acadie, pour moi, c’est faire un voyage dans l’espace-temps. Dix heures de vol (avec escale), et hop ! Me voilà propulsé dans une sorte de mini-France qui aurait dérivé du continent depuis le xviie siècle – s’épargnant ainsi, dans ses tribulations, quelques pénibles détours de notre histoire contemporaine. Dépaysement spatio-temporel garanti !

Un soir, lors d’un concert du festival, un gars genre Acadie profonde m’entend parler à un autre, et il m’interpelle :  – Tu viens d’où, toi, avec ton drôle d’accent ? De Paris.Paris, en France ?Ben, oui.

Son visage s’éclaire : – Alors si tu es de Paris, tu dois connaître mon cousin Daniel Comeau !

Quand j’ai dit non, je me suis senti con.

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VIVE LE PAPE QUAND MÊME !

Lundi 28 août

Hourvari général chez mes amis de droite (j’en ai moins à gauche) : François en a encore remis une couche avec l’« accueil inconditionnel des migrants » !

Est-ce bien raisonnable ? Non, sans doute ; mais si on va par là, les Évangiles, la foi chrétienne et le Christ non plus ; or ce sont les boussoles du pape. Dès son élection, il s’est donné pour but de remettre à l’ordre du jour le message évangélique dans sa radicalité : l’amour du prochain, en particulier du plus pauvre, matériellement ou spirituellement (le mendiant et le publicain). Et l’éminente dignité de la personne humaine – de toutes les personnes humaines, dont la sécurité passe avant toute autre considération.

Qu’un tel discours semble aberrant, à l’heure où les migrants venus du Sud affluent vers des frontières européennes préalablement démantelées, j’en conviens volontiers. Mais que voulez-vous que j’y fasse ? Dieu a conçu l’homme à son image, pas les nations. Quant au pape, eh bien c’est le pape, et en ma qualité de modeste fidèle, je ne me sens guère apte à le juger.

Sur la question des migrants, je n’arrive pas à partager le point de vue du Saint-Père – surtout après dissipation des nuances qu’il avait introduites sur les droits des nations. Et pour tout vous dire, ce n’est pas la première fois que je me trouve en désaccord avec un pape depuis Vatican II (j’avais raté le I). Eh bien même dans ces conditions, j’ai continué de considérer, tout bêtement, qu’en fait de catholicisme la légitimité des papes restait supérieure à la mienne.

La discipline est la force principale des armées catholiques. Sans elle, les rébellions engendrent des schismes conduisant inéluctablement à l’hérésie, qui elle-même ne mène nulle part. Cela dit, j’ai d’excellents amis protestants.

«Soudain, l’été dernier», film de la dévoration

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"Soudain, l'été dernier".

Judicieuse idée qu’ont eu les éditions Carlotta de sortir simultanément le Picnic de Joshua Logan et ce film plutôt mal-aimé de Mankiewicz. Nous n’irons pas jusqu’à prétendre que les deux films sont similaires ou du même niveau (Soudain l’été dernier est très supérieur) mais ils possèdent suffisamment de points communs pour justifier cette parution couplée. La plus évidente concerne l’origine théâtrale des deux films. Mankiewicz adapte ici Tennessee Williams et à l’instar de Kazan, l’univers du dramaturge lui permet de rompre avec un certain classicisme hollywoodien en se concentrant essentiellement sur la psychologie et les névroses des personnages ainsi que sur le jeu des comédiens.

Un flash-back avec effets

En Louisiane, le docteur Cukrowicz (M. Clift) travaille dans des conditions déplorables en raison d’un manque considérable de moyens attribués à l’hôpital public. Une étrange proposition venue de la richissime Violet Venable (Katharine Hepburn) pourrait représenter une manne financière. Celle-ci se montre prête à offrir un million de dollars à l’établissement si le docteur consent à pratiquer une lobotomie sur sa nièce Catherine (Elizabeth Taylor) atteinte de démence depuis le mort de son cousin Sebastian, le fils de Violet.

Le film est construit sous la forme de flash-back mais Mankiewicz ménage avec beaucoup d’habileté ses effets. Dans un premier temps, le passé ne surgit que sous la forme des récits qu’en font les personnages. A ce titre, la première demi-heure pourrait donner raison aux détracteurs du cinéaste qui lui reprochent l’aspect théâtral de ses films. La première rencontre entre Cukrowicz et Violet Venable est, en effet, extrêmement longue et repose essentiellement sur un extraordinaire monologue (ou presque) de la grande Katharine Hepburn.

La plante carnivore gobe une mouche

Pourtant, on aurait tort de n’y voir que du « théâtre filmé ». Mankiewicz joue déjà avec une grande finesse sur le fabuleux décor du jardin tropical de Violet, sorte de métaphore d’un inconscient troublé et des désirs désordonnés du défunt poète Sebastian. De la même façon, dans une scène mémorable, Violet donne une mouche à une plante carnivore, métaphore limpide de ce que sera ensuite tout le film : une histoire de dévoration et de cannibalisme.

L’intervention de Michel Ciment, en supplément du DVD nous a paru tout simplement parfaite : claire, érudite, regorgeant d’informations et d’anecdotes et judicieuse quant à l’interprétation. C’est un régal. Et comme il le souligne très justement, Soudain l’été dernier est, comme beaucoup de films de Mankiewicz, une œuvre sur le pouvoir. Si Le Limier mettra en scène l’affrontement psychologique de deux hommes, celui-ci est le récit d’un affrontement à distance entre une tante jamais remise de la mort de son fils et une nièce qu’elle voudrait « dévorer » métaphoriquement (la faire taire à tout jamais).

L’insoutenable poids du passé

Mais peu à peu, le passé trouble de Sebastian va ressurgir et contaminer le présent. Là encore, le cinéaste ne succombe pas immédiatement au procédé classique du « flash-back » mais joue sur des réminiscences qu’on devine grâce à l’expressivité incroyable de la mise en scène. Je pense en particulier à ces deux scènes où Catherine se retrouve, à l’hôpital, au milieu des fous. Par les jeux de cadres, le travail sur la bande-son, Mankiewicz parvient à traduire parfaitement les névroses de la jeune femme et à donner au passé un poids insoutenable. Il y a dans ces moments précis une intensité qui n’est pas s’en rappeler celle des plus beaux Bergman.

Les dialogues sont constamment transcendés par de subtils décadrages, par des champs-contrechamps légèrement pervertis par l’angle d’attaque ou par une contreplongée traduisant parfaitement les rapports de domination.

Homosexualité, cannibalisme, inceste

Tandis que les tensions s’exacerbent au fur et à mesure de l’avancée du métrage, Mankiewicz opte enfin, lors de la mythique (le maillot de bain une pièce de Liz Taylor !) séquence finale, pour un flash-back qui arrive comme le point d’orgue d’un récit qui peut être vu comme la traduction d’une longue analyse psychanalytique. Le cinéaste reconstitue la « scène primitive » à l’origine du psychodrame. Là encore, il s’agit d’une histoire de dévoration et d’un corps sacrifié lors d’une inversion des rapports de pouvoir.

Sans en révéler trop pour ceux qui n’auraient jamais vu le film, Mankiewicz va très loin dans l’évocation des tabous les plus sensibles de l’époque à Hollywood : l’homosexualité (Sebastian est une figure de martyr biblique et l’on pense évidemment à la réappropriation de Saint Sébastien comme icône gay), le cannibalisme, l’inceste, etc.

Quinze ans avant l’assassinat de Pasolini

Michel Ciment  souligne dans son bonus que le parcours du poète défunt est étonnamment annonciateur de la tragédie qui frappera quinze ans plus tard Pasolini… Tragédie annoncée dans le film par de nombreuses images de la mort que le cinéaste dissimule dans ses plans.

En s’intéressant de manière aussi clinique à une névrose féminine, Mankiewicz met à mal l’idée classique d’un monde harmonieux et cohérent. Il l’ouvre au « négatif », aux pulsions et désirs les plus refoulés pour nous offrir une vision particulièrement pénétrante d’une nature humaine violente et insondable…

Soudain l’été dernier (1960) de Joseph L. Mankiewicz avec Elizabeth Taylor, Katharine Hepburn, Montgomery Clift. (Carlotta Films)

Soudain l'été dernier

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Le monstre du Loch Ness en Normandie?

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yeti loch ness elbeuf
Monstre du Loch Ness? Wikipedia. Ad Meskens.

A Elbeuf, les visiteurs de la Fabrique des Savoirs, l’ancienne usine de textile Blin & Blin transformée en musée, n’ont pas la berlue. Ils sont même sobres comme des dodos. Mais dans cette région propice aux légendes et contes populaires, croiser un yéti, le monstre du Loch Ness ou d’étranges bestioles marines pouvant mesurer jusqu’à 30 mètres, n’a rien d’exceptionnel.

Cryptozoologie en Normandie

Le fantastique et l’esprit scientifique peuvent amener à faire d’étonnantes découvertes. Jusqu’au 15 octobre, une formidable exposition, dans le cadre du programme de la Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie, s’intéresse à la cryptozoologie. Quésaco ? Bernard Heuvelmans (1916-2001), l’inventeur de cette discipline méconnue du grand public en a dressé les grandes lignes. Il s’agit de « l’étude scientifique des animaux cachés, c’est-à-dire des formes animales encore inconnues, au sujet desquelles on possède seulement des preuves testimoniales et circonstancielles ou des preuves matérielles jugées insuffisantes par certains ». C’est un peu comme des candidats honnêtes et droits, nous avons bien quelques témoignages oraux sur leur hypothétique existence. A la veillée, les anciens racontent qu’autrefois, il y eut des hommes politiques ayant le sens de l’Etat et de la nation. Les preuves de leur passage sur Terre ont peu à peu été effacées. Entre la zoologie et la mythologie, l’inventaire de la biodiversité réserve encore bien des surprises. Nombre d’espèces ont disparu, certains parlent même d’une actuelle 6ème extinction, la dernière remontait à 65 millions d’années. La tortue géante de Rodrigues, le moa, l’hippotrague bleu, le nestor de Norfolk, le lion du Cap ou la caille de Nouvelle-Zélande n’ont plus donné signe de vie. Plus près de nous, le tigre de Java dont les dernières traces remontent à 1979 fait régulièrement l’objet de rumeurs persistantes.

Le dodo, un cas d’école

Certains l’auraient vu au début de notre décennie comme Elvis et Cloclo sur une île déserte. Le charismatique dodo qui s’est éteint vers 1681 reste un cas d’école dont les écrivains et scientifiques se sont emparés pour en faire un totem. Ce lointain cousin des pigeons mesurait environ un mètre de long, il était incapable de voler. Faute de prédateurs, cet oiseau sans ailes se la coulait douce avant que les explorateurs trouvent sa chair délicieuse. Espèce jadis endémique de l’île Maurice (archipel des Mascareignes), le dodo incarne le combat pour la recherche sur les animaux disparus par extermination. A la Fabrique des Savoirs, vous apprendrez à reconnaître un ornithorynque, un dragon de Komodo ou vous familiariser avec le calmar géant « qui n’a pas livré tous ses secrets ». Saviez-vous qu’il « évolue dans la zone de 250 à 1 000 mètres de profondeur avec une longueur pouvant atteindre 18 mètres (11 mètres de tentacules) pour un poids dépassant parfois les 300 kilogrammes » ?

L’inconnu du Loch Ness

L’exposition s’aventure aussi sur le terrain des monstres aquatiques et autres serpents de mer. Après 80 ans d’investigations avec sonars et moult plongées, force est de constater que le locataire du Loch Ness n’a toujours pas montré le bout de son nez et que les fakes sur Internet pullulent. Même sentiment d’échec pour la créature mi-humaine, mi-animale, pourvue de longs poils et mesurant entre 2 et 2,50 mètres, surnommée yéti dans l’Himalaya, bigfoot dans les Montagnes Rocheuses, almasty dans le Caucase, yeren en Chine ou yowie en Australie. Aucun squelette retrouvé, malgré des témoignages nombreux et contradictoires comme dans toutes les enquêtes de police. La cryptozoologie suscite parfois les rires et les moqueries, elle n’en demeure pas moins un champ d’investigation incroyable. Notre société lasse de se morfondre dans la servitude aux marchés et peinant à envisager toute action autrement qu’en termes économiques, a besoin de réenchantement.

Tous à Elbeuf!

A l’heure des satellites, où la moindre parcelle du globe est observée à la loupe, on rêve de mettre la main sur un animal fantasmatique qui aurait vécu isolé dans son biotope, sans contact avec l’homme. Les fonds marins, territoires inexplorés, n’ont pas dévoilé toutes leurs richesses. Les mystères abyssaux demeurent. Faites donc un tour à Elbeuf (réservation possible) ou sinon procurez-vous d’urgence le catalogue de l’exposition (5 euros), le bizarre vous y attend. Vous avez dit bizarre ?

 « Yéti y es-tu ? Sur la piste des animaux énigmatiques » – Réunion des Musées Métropolitains – Fabrique des Savoirs – Exposition jusqu’au 15 octobre 2017.

Du yéti au calmar géant: Le bestiaire énigmatique de la cryptozoologie

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Les brûlures de Magda

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anne godard chance folle
Source : Pexels.com

Madga commence à raconter une histoire, une histoire qui ne lui appartient pas, ou du moins, qui l’encombre. Alors qu’elle était à l’âge de marcher à quatre pattes, et que personne n’avait un oeil sur elle, une bouilloire pleine s’est déversée sur son flanc gauche. Les premiers mots relatifs à l’accident lui viennent de la bouche et de la mémoire – sélective – de sa mère : « ce que tu t’es fait », « regarde où ta curiosité t’a menée ».

Un duo mère/fille sanglant

La trame du roman est prête. Une famille dont les hommes sont exclus, et où, dans un duo sanglant entre mère et fille, on se rejette inconsciemment la responsabilité du drame. Madga subit de nombreuses et lourdes opérations, fait des cauchemars, s’imagine dévorée par des hordes de bêtes furieuses grouillant sous ses pansements, et des cures thermales, inutiles successions de cloques, d’éclatements, de sang et d’eau soufrée.

Au moment où Madga décide, sous la plume d’Anne Godard, de se mettre à parler, elle est une jeune adulte. Elle se cherche une indépendance, une identité, bien que son infirmité lui laisse tout le loisir de s’affirmer comme « l’autre », « le monstre ». Monstre, peut-être. Mais comment vivre avec ? Est-elle ce monstre, est-elle en proie à sa possession maléfique, doit-elle se dresser contre ou se lover en lui ? Qui est-on, sous les greffes de peau froissée ?

L’anti-Sainte Famille

Précise, juste, Anne Godard ajoute à son tableau deux motifs stylisés pour parfaire cette anti-Sainte Famille. Un enfant-pansement, c’est le cas où jamais de le dire, naît peu après l’accident. Mais Aurore, si lisse, si sage et si douce, meurt brutalement dans son sommeil. Pansement arraché. Plaies à vif. Magda a un frère, presque jumeau, Marc, et tous deux font les quatre cent coups. Après le décès d’Aurore, ils décident de fabriquer un bébé, à eux deux, pour en faire cadeau à leur mère. Réaction immédiate : chambre à part pour les deux survivants.

La famille comme maladie, bien plus que la maladie vécue par l’individu, au sein de sa famille, est le thème d’Une chance folle. Cette « chance folle », ce leitmotiv décourageant, coupant court à tout, vient d’ailleurs du choeur des voix familiales, comme pour signifier à Magda qu’elle n’a rien à ajouter, que sa situation fait assez de tort à la famille pour qu’elle envisage, en plus, d’y mettre son grain de sel. C’est vrai, c’est une question : à partir de quel seuil de douleur, de quelle surface de corps brûlée au troisième degré, a-t-on le droit de ne plus être gai ? Pour Magda, il faut oublier les jérémiades. Se faire plutôt à l’idée que, même pubère, un corps soigné appartient à ceux qui le soignent.

Des traits (hélas) sous-exploités

Toutes ces questions, stylisation organique de l’universelle tragédie familiale, perdent un peu en intensité, en force de suggestion, à la deuxième partie du roman. Le père disparaît tout à fait, le frère disparaît au sens propre, et l’on retrouve un attendu du genre : l’adolescent monstre, pudique, découvre l’amour, ses sens, se sent désirable, cherche son âme-soeur monstre, la trouve, il neige, etc.

Parmi les traits plus saillants, malheureusement sous-exploités, on retrouve le panoptique familial, au sens propre, puisque la famille est réunie dans un même immeuble haussmannien où chacun se surveille, et sa cruauté verbale, silencieuse, psychologique, son étouffement inévitable. La relation incestueuse entre Magda et son frère Marc, lequel s’étiole jusqu’au suicide au moment où sa soeur devient l’officielle petite-amie d’un certain Markus, est passée sous silence.

Une chance folle, titre cruellement ironique, aurait mérité son coup d’aiguille final, le titillement du nerf à vif, pour mettre son lecteur dans sa poche, à la merci de sa vérité.

Anne Godard, Une Chance folle, Éditions de Minuit, 2017.

« Que Dios nos perdone », le désenchantement du monde

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"Que Dios nos perdone", Rodrigo Sorogoyen, 2017

L’autisme pourrait-il constituer la pathologie psychique du XXIe siècle, voire un nouveau paradigme d’humanité ? Que Dios nos perdone, le dernier opus de Roberto Sorogoyen, s’il s’inscrit dans un genre répertorié – un binôme de flics désassortis enquête sur un tueur de vieilles dames -, dépeint en réalité la fin d’un monde et l’avènement d’un nouvel homme : rivé à l’immanence, opaque à lui-même, désespérément seul.

Pour suggérer l’incapacité de ses héros à distinguer leurs propres affects, Sorogoyen dès la première scène, fait errer le spectateur, habitué aux chemins balisés du film noir et du flash-back. Par un effet de montage, il induit en effet chez celui qui regarde son film la même incertitude que celle qui hante ses personnages : ce collègue qu’Alfaro a tabassé au point de quasiment lui faire perdre un œil est-il Velarde, son binôme introverti qu’un bégaiement tenace rend à la fois exaspérant et peu bavard ? Le cadre est bien posé, mais la mise au point reste floue : par-delà les viriles postures qu’ils adoptent, quelles relations unissent ces flics que nous voyons s’agiter à l’écran ? Ils n’en ont pas la moindre idée et nous non plus. Cette mise au point délibérément mal faite sur ce qui constitue habituellement le cœur d’un film (les personnages, leurs relations, à partir de quoi l’histoire peut dévider son fil) nous déporte ipso facto vers le cadre, le contexte. Nous sommes en 2011, à Madrid, entre visite papale et émeutes indignées.

Benoît XVI en arrière-plan

L’arrière-plan du film, bien plus qu’un décor, est un événement. Par le biais de la visite de Benoît XVI se crée une dynamique dont la violence sans objet défini semble répondre à celle qui anime les personnages. Le film s’ouvre par l’image d’une place vide, dont on devine pourtant qu’elle fut quelques instants auparavant le lieu d’une grande agitation. On en ignore l’objet exact : ferveur religieuse de jeunes catholiques venus en masse célébrer le pape ? Manifestation d’opposition d’ibères indignés ? Rien ne l’indique clairement mais une chose est certaine : la tension règne, aussi bien entre les gens qu’entre les murs de la ville. Par ailleurs, cette tension qui vrille les nerfs est, si on se fie à la mise en scène, également le signe d’un désenchantement religieux du monde. Car l’appel au pardon divin qu’énonce le titre peut tout aussi bien se référer au délaissement de la divinité par l’homme : que Dieu nous pardonne, en somme, de l’avoir abandonné…

Rappelons que Benoit XVI fut le seul pape en six siècles à renoncer à la papauté. Que sa venue à Madrid suscita aussi bien l’enthousiasme des croyants que l’ire de militants contestataires. Et qu’à la première image évoquée ci-dessus succède immédiatement dans le film celle… d’un columbarium. Le pape est là, certes, mais sa présence n’est indiquée que par les traces qu’il laisse dans son sillage, et plus tard, par des images télévisées. La présence de celui qui représente Dieu sur terre, dans la mesure où elle ne se fait qu’à distance, est en réalité désincarnée. Quant au verbe, matrice de la création divine si on se fie à la Genèse, il a également disparu : jamais nous n’entendrons le pape. Il est ici réduit à son image. Les jeunes catholiques venus le voir, qui forment une foule indistincte parsemée des mêmes T-shirts colorés, semblent pour leur part relever davantage de la cible marketing que du fidèle. La foi ne vibre plus comme élan vers le ciel, elle se traduit au ras des pâquerettes par l’exhibition de produits dérivés, par des mesures logistiques et sécuritaires, par des plans de circulation qui bloquent la ville.

Au nom du flic, du fils et du sans esprit

Si le catholicisme existe, ce n’est donc plus comme entité spirituelle mais comme matière et image : il y a le pape, il y a l’église à laquelle les mamies et accessoirement leur meurtrier se rendent tous les jours, il y a la foule de fidèles-consommateurs. L’esprit, lui, subsiste à l’état d’oripeaux pervertis. Ainsi, une des scènes les plus marquantes du film constituerait presque la parodie visuelle d’une scène de la vie du Christ : Sancho, le commissaire, attablé avec son équipe, parle. Les contrastes de lumière évoquent un tableau de maître, entre Rembrandt et le Caravage. Ses subordonnés l’entourent d’une présence silencieuse et, si l’on se fie à ce que l’on voit, dévouée. Les assiettes sont pleines, mais pas question d’y toucher : les flics semblent recueillis face à la parole de leur chef. Or, que dit celui-ci ? Il tient en réalité un discours dénué de toute vérité, discours d’intimidation au service de ses intérêts de carrière, discours arborant pourtant le masque de la moralité. Tout y est : la mièvrerie en guise de compassion lorsqu’il évoque son fils, le mélange des genres lorsqu’il enjoint les policiers de protéger celui-ci, l’impératif de mensonge et de déni de réel qu’il leur adresse comme une menace. Simulacre affectif, simulacre moral, simulacre d’autorité. Le silence des policiers n’était pas celui du recueillement, mais bien celui du fatalisme et de l’impuissance. En filmant cette démonstration de cynisme moderne (auquel peut-être on peut attribuer la colère d’Alfaro) comme une scène christique, le réalisateur signifie que la mort de l’esprit ne réside pas tant dans sa disparition que dans la dérision et la parodie dont il fait l’objet.

Ce bâillonnement du sacré est suggéré par un vertigineux mouvement de caméra, dégringolant de la coupole de l’église vers les fidèles assistant à la messe avant de finalement s’arrêter sur Andres, le meurtrier dont nous voyons pour la première fois le visage. On ne peut mieux signifier visuellement la chute, spatiale et symbolique, du ciel vers la terre, et aussi, car malgré tout les concepts chrétiens fonctionnent encore, vers le mal. Lequel pour autant n’est pas réservé au seul Andres, car Alfaro et Velarde font eux aussi, chacun à leur façon, preuve de violence gratuite. Et le mal comme dénominateur commun à ces trois-là porte un même visage, celui de la colère. Bouillonnante et incontrôlée chez Alfaro, patiente et vengeresse chez Velarde (la fin du film), perverse et sans limites chez Andres. S’il fallait affiner cette définition du mal, on pourrait dire que le mal est, dans le film en tout cas, soit une colère sans objet défini (Alfaro), soit une colère qui n’ose pas s’attaquer à son objet réel (Andres, qui au lieu de s’en prendre à sa mère, bourreau adoré, s’attaque à de vieilles dames qui ne lui ont rien fait). Finalement, seul Velarde, en tuant le tueur, fait preuve d’une colère juste, car il n’existe chez lui aucun clivage entre le destinataire et la raison de son ressentiment.

L’identité du mal

Le mal, dans un monde qui dévalue la transcendance, n’a donc plus de dimension métaphysique : réduit à la colère de l’individu, il se psychologise et relève de l’arbitraire. Si Velarde et Andres ont tous deux été des enfants maltraités, un seul des deux pourtant a choisi de tuer. Cette psychologisation qu’il observe, le réalisateur refuse pour autant d’en faire un levier narratif, comme en témoigne son scénario. Le spectateur ainsi ne saura jamais ce que la mère d’Andres a fait à son fils, ni ce qui a obscurci l’enfance de Velarde. Il ignorera tout autant les ressorts de la rage chronique d’Alfaro ou les motifs du tabassage de son collègue.

La seule note psychologique que Sorogoyen s’autorise réside dans la solitude qui fige les personnages, solitude que la fréquentation de leurs semblables, loin de dissiper, semble au contraire accentuer : les rares fois où s’amorce entre eux une communication dénuée de tension, elle se brise aussitôt. Témoin, la scène où Alfaro et Velarde plaisantent, qui se conclut par le retrait sec et soudain de ce dernier. La proximité est dangereuse, le plaisir lié aux relations humaines n’existe pas. Nous avons ici affaire à une perception autistique de l’autre, selon laquelle la solitude, pour terrible qu’elle soit, est plus sûre que l’amitié ou que l’amour : les seules relations possibles et souhaitables sont celles qui œuvrent dans un même but, extérieur aux affects du sujet, un but professionnel, donc.

Du Mammouth au Titanic: La déséducation nationale

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Élections allemandes: à la fin c’est toujours Merkel qui gagne!

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Angela Merkel. Photo : Sean Gallup

En dépit de ses positions déconcertantes sur les migrants, la chancelière sortante est largement favorite pour les législatives allemandes du 24 septembre. Et l’économie n’explique pas tout.


Un conte populaire allemand des années 1960 met en scène un Scheinriese, un « géant en trompe-l’œil », personnage effrayant vu de loin mais dont la taille rapetisse au fur et à mesure qu’on l’approche. Angela Merkel, pour ses détracteurs dans les rangs conservateurs, est un Scheinriese. Elle a l’air formidable vue de loin (« le dernier défenseur de l’occident libéral », a osé le New York Times), mais plus on la connaît, plus on découvre ses défauts. Parmi ceux-ci, un pragmatisme qui confine à l’opportunisme, un penchant pour l’économie administrée plutôt que pour le libre jeu du marché et surtout, une capacité insolente à bouleverser le cours de sa politique du jour au lendemain. Comme lorsqu’elle décida la sortie du nucléaire après la catastrophe de Fukushima en 2011 ou qu’elle ouvrit les frontières de l’Allemagne aux réfugiés du Proche-Orient en 2015. Elle fit, à chaque fois, tanguer la politique allemande et vaciller son pouvoir en prenant à rebrousse-poil ses électeurs et en irritant les pays voisins.

Et pourtant, deux ans après la grande crise des réfugiés qui a vu plus d’un million de migrants entrer dans le pays sans guère de contrôle, neuf mois après l’attentat de Berlin où un islamiste tunisien au volant d’un poids lourd a tué douze personnes dans un marché de Noël, c’est bien Angela Merkel qui, à l’approche des législatives du 24 septembre, a toutes les cartes en main. Sortie du purgatoire où ses mésaventures migratoires l’avaient conduite, la chancelière domine la campagne de la tête et des épaules. Depuis trois mois, les sondages d’opinion ne bougent plus. Ils donnent 38 à 40 % des intentions de vote à la CDU/CSU de Merkel et 22 à 25 % au SPD de Martin Schulz. Si l’on en croit ces enquêtes, non seulement Angela Merkel pourrait se maintenir à la chancellerie, mais elle aurait aussi la liberté de choisir son partenaire pour constituer sa coalition gouvernementale, entre le SPD social-démocrate, comme aujourd’hui, le FDP libéral, comme ce fut le cas de 2009 à 2013, ou encore les Verts.

Le dépassement du déclassement

Défi vivant aux lois de l’usure du pouvoir – chancelière depuis douze ans, elle a déjà travaillé avec quatre présidents français, Chirac, Sarkozy, Hollande puis Macron – Angela Merkel capitalise sur la persistante vigueur de l’économie allemande. Le chômage a été éradiqué (3,8 % de la population active contre 9,6 % en France), la croissance est vigoureuse, les excédents débordent de partout, les carnets de commande sont remplis. La chancelière promet une baisse d’impôts de 15 milliards d’euros pendant la prochaine législature. L’optimisme règne dans la population. Mieux, la peur d’un déclassement, cet aliment si puissant du vote populiste, se dissipe. Selon une enquête que vient de publier l’institut de sociologie de l’université de Leipzig, les Allemands sont deux fois moins nombreux qu’il y a dix ans à craindre une chute dans l’échelle sociale (33 %, contre 64 % en 2006).

À elle seule, la santé économique n’explique pas tout. C’est aussi le contraste entre ce havre de stabilité politique et de prospérité que constitue l’Allemagne et l’état chaotique et angoissant du monde extérieur qui incite une grande part des électeurs à favoriser le statu quo à Berlin. Les problèmes qui les préoccupent n’ont aucune solution partisane. Ce qui agite les esprits en ce moment, c’est le terrorisme djihadiste, l’arme atomique nord-coréenne, le réchauffement climatique, la pression démographique en Afrique, le cours erratique de l’Amérique de Donald Trump ou encore le Brexit, bien plus que la décrépitude des bâtiments scolaires ou le retard pris par l’Allemagne dans la transition numérique. Du coup, les controverses politiciennes apparaissent bien mesquines, donnant l’impression que la campagne évite les grands enjeux. Cela ne veut pas dire que les citoyens n’iront pas voter. Les experts s’attendent à une participation forte. Le nombre de partis en lice augmente aussi (42), ainsi que le nombre de candidats à départager (4 828). En Allemagne, la politique est une valeur en hausse !

Martin Schulz n’a pas su la rendre indésirable

Toutefois, les jeux sont loin d’être faits. À un mois du scrutin, le nombre d’indécis était bien supérieur à ce qu’il était lors des élections précédentes : 46 % des électeurs n’avaient pas arrêté définitivement leur choix, selon l’Institut de démoscopie Allensbach. Les fronts peuvent bouger. Et il est à peu près certain que l’Allemagne sera plus compliquée à gouverner : le nombre de partis représentés au Bundestag devrait passer de quatre à six, avec l’entrée prévue des populistes anti-immigration de l’AfD et le retour des libéraux du FDP. La grande question, cependant, est de savoir quelle formation sortira troisième du scrutin, derrière la CDU/CSU et le SPD. Si c’est le FDP, ce parti deviendra alors un partenaire quasi incontournable pour Merkel, réorientant la politique gouvernementale vers la droite – et vers moins de solidarité européenne. Si ce sont les Verts, la chancelière n’hésitera sans doute pas à leur proposer un accord de coalition. Si c’est l’AfD, cela fera l’effet d’un coup de tonnerre. Mais, de même que le parti de gauche radicale Die Linke, cette formation sera à coup sûr écartée de toute coalition gouvernementale.

Martin Schulz peut-il encore, pour sa part, remonter la pente ? L’ancien président du Parlement européen multiplie les propositions populaires, un brin démagogiques. Mais sa dénonciation des inégalités, son plan d’investissement grandiose, ses charges pacifistes et anti-américaines n’impriment pas. De toute façon, en Allemagne, un challenger n’est jamais élu grâce à son programme. Quand les électeurs provoquent un changement de chancelier, c’est qu’ils veulent se débarrasser du sortant. Ce fut le cas avec Helmut Kohl en 1998, puis avec Gerhard Schröder en 2005. Or, Martin Schulz n’a pas su donner aux Allemands une raison valable de censurer la chancelière. Le SPD peine à se poser en alternative crédible alors qu’il gouverne avec elle à Berlin depuis quatre ans au sein de la Grande coalition. Angela Merkel est peut-être un « géant en trompe-l’œil », au milieu de nains, elle reste la plus forte.

La petite révolution de l’Insoumis Mélenchon

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Jean-Luc Mélenchon à Paris lors de la manifestation du 21 septembre contre la réforme du travail. SIPA. 00823733_000001

À l’occasion du centenaire du coup de force d’Octobre 1917, on aurait pu croire que l’Insoumis formé dans le trotskisme prendrait cet événement pour modèle. Il n’en est rien.

Certes, il veut, comme Lénine l’a fait en son temps, chasser le pouvoir démocratiquement élu, en organisant une forme de guerre civile dirigée contre ce pouvoir.

Mais étant donné que le bilan d’Octobre 1917 établi par Le Livre noir du communisme est encore moins alléchant que celui des chouchous révolutionnaires de Mélenchon, Chavez et Maduro, mieux vaut pour lui ne pas agiter trop ostensiblement le chiffon rouge de la révolution lénino-trotskiste. On ne chantera donc l’Internationale que dans les rassemblements composés de nostalgiques de la révolution.

Octobre 1917 ne passera pas

Que faire ?, s’est demandé Mélenchon, qui n’a vraiment pas de temps à perdre s’il veut accéder au pouvoir, lui, personnellement, avant que ne sonne l’âge de la retraite. Comment faire à Macron le coup que Lénine a fait à Kerenski, sachant que nous ne sommes pas en 1917 et que la révolution démocratique propice à un coup de force minoritaire n’aura pas lieu, puisqu’elle n’a plus lieu d’être ? Quel modèle victorieux imiter ?

Mélenchon a trouvé la bonne réponse. Il a décidé de troquer l’Octobre 1917 de Lénine pour le Décembre 1995 du mouvement social, ce mouvement de la rue qui porta au poste de Premier ministre Lionel Jospin, formé dans le même patronage trotskiste que Mélenchon.

Souvenons-nous : ce mouvement bloqua la France en 1995 et bloqua du même coup les réformes qui s’imposaient. Il fit perdre des dizaines d’années à notre pays, mais il lui conserva en contrepartie son titre de champion d’Europe toutes catégories en taux de chômage. Devant le risque d’être impopulaire, le radical-socialiste Chirac coupa les jarrets d’un Juppé qui voulait rester droit dans ses bottes. Il écouta Dominique de Villepin qui lui soufflait dans l’oreille l’idée géniale de la dissolution du Parlement. Et le PS gagna les élections législatives qui suivirent la dissolution du Parlement fraîchement élu.

Mélenchon ne cache pas qu’il rêve de rejouer ce scénario. Il veut pousser Macron à la dissolution et devenir enfin le numéro 1.

Que de la gueule

Hélas ! Cet ersatz d’Octobre 1917 risque fort d’être le dernier rêve éveillé de l’Insoumis qui voulait devenir chef. Macron n’est pas Chirac. Il ne s’est pas fait élire sur un programme démagogique : il s’est même fait élire sur un programme de redressement et de relance ayant un coût élevé en impopularité, et il le sait depuis le début.

La France de 2017 n’est pas celle de 1995. La preuve en est la désagrégation mentale de la gauche de gouvernement. Cela laisse, il est vrai, toute la visibilité à une extrême gauche très cohérente dans son délire, mais cela ne suffira pas pour gagner le pays par les urnes : trop d’électeurs savent que sous le pouvoir de Mélenchon le refus total des réformes douloureuses et l’inflation des dépenses publiques provoqueraient la glissade généralisée de la France vers l’Angleterre d’avant Thatcher, avec un taux de chômage catastrophique, un endettement plombant l’avenir, aggravé par la hausse des taux du crédit, l’isolement en Europe et dans le monde : bref un suicide. Une perspective improbable, les Français étant volontiers plus critiques que suicidaires. Mais il ne faut pas le lui dire.

Mieux vaut laisser Mélenchon se gargariser en répétant à ses troupes « on va gagner ! ». Elles constateront assez vite que cette victoire annoncée en bombant le torse et en gonflant les joues, ce n’était que de la gueule.

Il lui reste toutefois une raison d’espérer. Le mouvement dégagiste qu’il a lancé semble faire de nouvelles recrues en Europe. On pouvait lire ceci dans l’Huma du 31 aout: « ‘Merkel dégage’, braillent en cœur, dans un rassemblement électoral, des militants de choc de l’AfD ». Après le printemps arabe, l’automne des dégagistes. Sous le mot d’ordre recyclé « Dégagistes de tous les pays,  unissez-vous ! » ?

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Défenseurs de la PMA: même les médias n’avalent pas leur langue de bois

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Gay pride à Paris, juin 2014. SIPA. 00687139_000005

Un récent article de Causeur insistait sur le caractère inaudible de certains arguments récurrents dans la bouche des opposants à l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes. Le discours de ceux qui militent en faveur de cette mesure me semble également présenter de grosses faiblesses. Je vais les aider un peu.

Même pas le soutien des médias…

Je suis assez surprise de constater avec quelle timidité les médias soutiennent cette nouveauté. Ils ne font pas de zèle. C’est-à-dire qu’ils ne font pas bloc contre des opposants qui seraient désignés comme « réactionnaires », « conservateurs » ou comme « refusant cette évolution ». Dans le cas du mariage gay, ils avaient fait correctement leur boulot. Vous, les militants de la cause, n’aviez pas besoin de courir les plateaux. Les journalistes faisaient tout le travail : rappel constant des enquêtes d’opinion indiquant une « évolution des mentalités » et interviews sévères des opposants à cette loi.

Pour l’instant, rien de tel. Et je vais vous dire pourquoi.

D’abord, cela va trop vite. Entre le PACS et le mariage dit « pour tous », nous avions eu le temps d’oublier et les journalistes aussi. Oublier qu’à l’époque, on nous avait dit qu’il ne serait jamais question de mariage unissant des personnes de même sexe. Cette fois-ci, les gens n’ont pas eu le temps d’oublier et les journalistes non plus. Ils s’entendent encore rétorquer eux-mêmes aux militants de la Manif Pour Tous qu’il ne serait jamais question de PMA pour les lesbiennes. Alors, forcément, dire l’inverse si tôt est une posture difficilement tenable. Il faut les comprendre.

Suicide rhétorique

Deuxième point, la GPA. Ce sont les journalistes (confirmant donc la validité de ce que je viens de dire) qui soulèvent la question : au nom de l’égalité entre couples d’hommes et couples de femmes, après la PMA, réclamerez-vous la GPA ?

A ce jour, je n’ai vu aucun de vos militants répondre correctement à cette interrogation.

Vous donnez même le bâton pour vous faire battre, puisque vous fournissez vous-mêmes à vos opposants des objections faciles et énormes. C’est du suicide rhétorique :

      • Joël Deumier, président de SOS homophobie déclare qu’il n’est pas question de réclamer la légalisation de la GPA parce qu’elle est illégale en France. Ok, mais la PMA pour les lesbiennes est tout aussi illégale en France et pourtant, il…

Lisez la suite de l’article sur le blog d’Ingrid Riocreux