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Une cartographie de la connerie

David Garnier publie « L'archipel des cons » (Editions de l’Onde, 2025)


Une cartographie de la connerie
Gérard Jugnot, "Les Bronzés font du ski" (1979). DR.

Le titre du livre fait évidemment référence à l’archipel du Goulag, mais peut-être aussi à la France archipelisée de Jérôme Fourquet. Dans L’archipel des cons (éditions de l’Onde), l’auteur de plusieurs livres drôles (J’irai cracher sur vos jobs, Les fausses lettres au Père Noël de vos stars préférées) et patron d’un podcast sur le football David Garnier se propose en véritable entomologiste de la connerie. Des petits, des gros, des grands, des jeunes, des vieux : en matière de cons, il y en a pour tous les goûts, tous les âges, tous les calibres.

Quand on est con…

D’après Georges Brassens, « quand on est con, on est con », et on ne peut pas y faire grand-chose. La connerie est partout, et pourtant, elle est peut-être le moteur de l’histoire le plus souvent négligé. Elle se rencontre souvent en voiture (ce qui laisse penser que les personnes qui n’ont pas le permis sont davantage épargnées). Ainsi, il y a le gros con, « par exemple celui qui gare son énorme 4×4 Mercedes à cent milles balles devant une pharmacie, en double file, avec ses gros warnings, entre, double une vieille dame en disant « Pardon mais je suis pressé » » ; le con en voiture : « Le con au volant est généreux, il expose sa connerie au monde et se produit en spectacle de manière théâtrale et bruyante. De grands gestes, des insultes imagées bien senties, des doigts, des bras d’honneur, des poings menaçants tendus, des grimaces, puis des affrontements physiques précédés d’insultes diverses […] » à distinguer de la conne en voiture. Le pauvre con cher à Nicolas Sarkozy et la pauvre conne chère à Alain Finkielkraut. Le sale con « qui à l’instar de Bernard Morin dans « Les Bronzés font du ski » lorsqu’il arrive dans son appartement et que les anciens locataires ont une petite heure de retard, […] vous expliquera que si tout le monde gagne une minute par-ci une minute par là le stationnement finira par être gratuit ». Bien sûr, le Splendid et Jacques Villeret ont beaucoup fait pour illustrer les cons en tout genre.

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Cons de gauche versus cons de droite

Et puis, et c’est là que ça va intéresser les lecteurs de Causeur, il y a la distinction entre les cons de gauche et les cons de droite. Pour l’auteur, « le con de droite est carabiné, mais le con de gauche est exaspérant. Quand il n’est pas dangereux ». Le con de gauche interprète tous les événements sous le prisme de sa lecture du bien et du mal, et les carnages cambodgiens, cubains, vietnamiens ne l’en détourneront pas. Le con de droite, lui, « n’en a rien à foutre. Il est autocentré, il pense à lui, à ses très proches, puis à ses semblables. Aucune vision transfrontalière ou transculturelle de sa connerie. Il se suffit à lui-même. C’est d’ailleurs son mantra ultime : « Moi, tant qu’on ne me fait pas chier »… » Tocqueville avait peut-être déjà cerné cette espèce comme « une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ».

Dans Mort aux cons (2007), Carl Aderhold avait imaginé un personnage qui s’était mis en tête de tuer les cons. Les tuer tous ? Pour de Gaulle, il s’agissait d’un trop vaste programme. L’entreprise de David Garnier est moins génocidaire. Parmi les catégories de cons, il se situe même parmi l’une d’entre elles : les vieux cons. Des vieux cons, il y en a toujours eu et même à l’époque des cavernes, on pouvait imaginer ce discours : « Et quoi le feu ? Ben quoi le feu ? On faisait comment nous quand on était jeunes ? On l’avait le feu ? Et alors ? On était malheureux ? On mangeait pas ? Eh ben si ! On mangeait froid, et ça faisait de nous des vrais hommes ! Oui il faisait froid dans la grotte, et alors ? On en est morts ? ». David Garnier, lui, n’aime pas les fêtards, l’arbitrage vidéo dans le foot, les enfants dans les avions et la télécommande de l’Apple TV. On s’y re-con-naîtra en partie.

146 pages



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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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