Gallimard, Ockrent, Souchon: le cirque «antifasciste» s’épuise un peu, observe notre chroniqueur
Antoine Gallimard et Jean-Marie Laclavetine, éditeurs de Boualem Sansal, ont menti. Mais qui s’en étonne ? Contrairement à leurs affirmations, jamais l’écrivain, alors emprisonné en Algérie, n’a fait connaître son opposition à concourir au prix Sakharov, proposé par Jordan Bardella au nom du parlement européen. « Je n’ai rien refusé », a expliqué Sansal sur France Inter lundi, après son retour en France. « J’ai appris cette histoire quasiment trois ou quatre semaines après ». Le 15 septembre dans un communiqué, ses éditeurs s’étaient réclamés de lui pour repousser ce prix et qualifier la démarche des Patriotes pour l’Europe « d’irrecevable et d’insidieusement partisane ». Ainsi font les poseurs quand il s’agit d’exclure « l’extrême droite », en l’occurrence ceux qui voulaient saluer la liberté d’expression du Soljenitsyne français, pourfendeur des idéologies totalitaires et singulièrement de l’islamisme.
L’indécence et le mépris de classe sont les marques de cette caste snobinarde qui se donne en exemple. Christine Ockrent est un autre symbole de ce monde convaincu de sa supériorité attractive : la journaliste de salon, l’autre jour sur France 2, a attaqué à son tour le groupe Bolloré (CNews, Europe 1, JDD) en évoquant « des gens qui sont la négation même de nos métiers à mon avis », et en accusant notamment CNews, portée par ses audiences, de « falsification des faits » et de « désinformation ». La pensée de luxe n’a pas fini de se rendre odieuse, dans son mépris du peuple et de son réalisme. En admiration d’elle-même depuis un demi-siècle, cette « élite » n’a toujours pas pris la mesure de son éloignement des Français et de leur vie réelle. « Nous avons changé d’époque », prévient avec raison Olivier Marleix, dans son livre posthume[1]. Cependant, ce n’est pas seulement le macronisme qui s’effondre. C’est le système qui agonise.
… ils privilégient l’anathème au débat
Ces imbuvables sont les derniers acteurs, caricaturaux dans leur suffisance déplacée, d’une époque qui se termine. Les faux esprits préfèrent l’anathème au débat. Ils ne savent plus argumenter. Rien ne sort de leurs conclaves, sinon des clichés sur le retour d’un fascisme dont ils ne voient pas qu’il est couvé chez leurs cousins germains de la gauche-hallal. Plus ces parvenus crachent sur les gens ordinaires, plus le peuple les envoie paître.
Emmanuel Macron, symbole de ce progressisme en déroute, est la première victime du boomerang. Sa guerre des mots contre la Russie, qu’il présente comme « la principale menace pour la France », ne fait pas oublier ces enfants de France tués dans les guerres de rues. Lundi, sur Europe 1, la mère d’Elias, assassiné à coups de machettes par deux récidivistes « diversitaires » il y a dix mois à Paris, a accusé la justice « de n’avoir pas protégé » son fils. Stéphanie Bonhomme a dit avoir été traitée de « populiste » par des juges à qui elle demandait des comptes sur leur manque de discernement. Sa révolte s’ajoute à celles de nombreuses autres familles de victimes d’une société qui a baissé les bras devant ses ennemis intérieurs.
Un sondage Odoxa, publié mardi, donne Bardella largement vainqueur au second tour de la présidentielle, dans tous les cas de figure. Il est certes trop tôt pour conclure à la fin d’un monde. Mais l’échéance se précise.
Perdue dans un sous-bois du Lot, la chapelle de Maraden abrite un chef-d’œuvre: une fresque de Miklos Bokor, artiste juif hongrois rescapé des camps de la mort. Sous ces voûtes romanes, il a peint l’histoire biblique et l’horreur de la Shoah. Grâce à la mobilisation des élus locaux, ce monument ignoré est en passe d’être sauvé. Reportage.
Entre le village de Martel et les Quatre-Routes, dans le Lot, au bout d’une montée caillouteuse, invisible pour ceux qui ne la cherchent pas, se dresse la chapelle de Maraden. Le peintre Miklos Bokor, juif hongrois rescapé des camps de la mort, s’était installé tout près, à Floirac. Dans les années 1994–1995, il s’était mis en tête de travailler dans une chapelle. C’est son maçon, Monsieur Oubreyrie qui trouva une chapelle abandonnée appartenant à une famille de sa connaissance. Dans les ronces, la petite église romane du xiie siècle de 12 mètres de haut, 15 mètres de long et cinq mètres de large. La nef est éclairée à ses deux extrémités par deux fenêtres hautes et étroites. Au sol, creusé dans la roche, un ancien autel funéraire.
Dès qu’il y entre, l’artiste sait que c’est son lieu, que sur ces murs, il peindra ce qu’il doit peindre. Il l’achète en 1996 avec l’aide du musée Jenisch de Vevey. Le maçon était le père de l’actuel maire de Martel, Yannick, qui se souvient avoir aidé son père à la restauration de la nef et à la réfection d’une partie du toit en lauzes. Jeune homme à l’époque, Yannick montait l’eau et le sable à « Monsieur Bokor » pour faire ses couleurs. Il travaillait dur, précise-t-il, c’était un grand bonhomme, sombre et taiseux. Des années après, Yannick Oubreyrie est en première ligne pour sauver la création de Miklos Bokor.
Quand le peintre achète la chapelle, son œuvre est déjà immense. Des centaines de tableaux sont exposés çà et là. Une peinture sur le motif commencée en Hongrie, des figures de paysans et des paysages, car la nature le calme de ses profonds tourments. Ses parents, sa famille et lui-même ont été déportés à Auschwitz, comme la plupart des juifs de Hongrie à partir de 1944. Il avait 17 ans. Sa mère a été assassinée à Auschwitz, son père à Bergen-Belsen. Lui a été transporté de camp en camp jusqu’à Theresienstadt d’où il a été libéré. Il passe ensuite deux ans à l’hôpital. Il s’ennuie. Il dessine. Il reste en Hongrie jusqu’en 1956 puis visite la France.
En 1960, après la mort de son premier fils, il s’installe définitivement à Paris. Il se remarie et a un second enfant, Michel.
Il rejoint la Ruche, dans le 15e arrondissement, et se lie à des artistes. Il expose avec Zoran Mušič, rencontre Paul Celan, échange avec Yves Bonnefoy sur la réalité de l’existence et du vivant, écrit un livre avec le psychanalyste Paul Wiener, hongrois comme lui, « pour en finir avec Hitler[1] », où se pose la question du monstrueux en termes psychotiques. Une autre question termine le livre : quel peut être l’apport des survivants ?
Certains de ses grands tableaux montrent des silhouettes humaines qui chutent, annonçant, tout comme leurs titres, son futur chef-d’œuvre : Qu’avons-nous fait ?, Un homme peut-être ?…
Il découvre le Lot et y achète une maison. Dorénavant, Bokor se partage entre son atelier parisien et Floirac.
Nous sommes sur le causse de Martel. Un pays de pierres et de chênes, une terre rocailleuse, calcaire. La grotte de Pech Merle n’est pas loin, comme celle de Roucadour, qui recèle les figurations pariétales des premiers hommes du Quercy. Cette terre préhistorique, où l’humanité se raconte depuis son origine, est propice au projet de l’artiste. Il veut puiser dans cette force universelle pour inscrire à son tour son empreinte, tout aussi universelle.
À plus de 70 ans, Bokor apprend la technique de la fresque et invente son propre langage. Raphaël Daubet, sénateur du Lot, se souvient de l’atelier du peintre : des cailloux, des galets de toutes formes… Il visitait souvent les Bokor, dont il connaissait le fils. Ensemble, ils allaient pêcher, chasser, cueillir des champignons… Un jour son ami lui a fait découvrir une merveille, cette fameuse chapelle que son père ne montrait à personne. De l’extérieur, Raphaël a vu quatre murs de pierres rustiques bâtis à l’argile et envahis de lierre. Il évoque ce moment dans un magnifique recueil de nouvelles[2] : « Michel tourna la clef dans l’énorme serrure et poussa la lourde porte en chêne, puis me fit signe d’entrer. Le chef-d’œuvre de son père était stupéfiant. J’étais saisi d’effroi. » Avec sa fresque, Bokor a ajouté une couche supplémentaire à l’humanité, affirme le sénateur. « Il continue la préhistoire, on trouve sur cette terre du sable ocre qui, mélangé à la chaux, fait comme un pigment préhistorique. »
Le sénateur Daubet fait également partie des sauveteurs.
Personne ne sort indemne de la visite
Pendant quatre ans, seul entre quatre murs, il laisse ses mains le guider, inventer un langage de formes, de vides, de traits.
Tous les visiteurs rencontrés expriment la même sidération. La Spirale de l’Histoire, titre de la fresque, se lit de droite à gauche, comme l’hébreu.
Sur le mur de droite en entrant, récit de la période biblique : l’Exode, la sortie d’Égypte, Jacob, Abel et Caïn, Amalek, le sacrifice d’Abraham, etc.
En face, sur le mur nord, la Shoah, mot que l’artiste n’a jamais employé. Il disait « ce qui s’est passé ».
La Spirale de l’Histoire, de Miklos Bokor, 1998-1999.
Le vertige naît de ce que les murs, celui de la Bible et celui de la Shoah avancent d’un même mouvement, donnant une sensation de continuité et de vie. « Baharta bahaim », enseigne la Torah, « tu choisiras la vie ». Malgré l’horreur, c’est ce qu’a fait Bokor. Toujours habité par les mêmes lancinantes questions : comment créer après la Shoah ? Comment dire l’anéantissement ? Comment réhabiliter l’homme ? Il dit à Yves Bonnefoy : « Longtemps j’ai perdu la définition de l’homme… il me paraît à nouveau que l’essentiel de l’art, ce doit être d’inscrire cet humain dans son siècle. » Cependant Bokor ne veut pas témoigner, ne peint pas avec sa tête, ne réfléchit pas. C’est au-delà. « L’humanité est menacée, rien ne sert de décrire, il faut toucher au plus profond », confie-t-il encore à Bonnefoy. Il choisit la métaphysique pour aller à ce plus profond et au plus haut.
Ses mains
Avant d’entrer, il y a la porte. Deux mains sortent d’une plaque d’airain, paumes tournées vers le visiteur. Ce sont celles de l’artiste, coulées par le forgeron. Elles rappellent la bénédiction des Cohen, les prêtres, qu’on trouve sur des tombes juives. L’écartement des doigts forme les trois barres de la lettre hébraïque shin, dont est dérivé un des noms de Dieu – Shaddai. Bokor le savait-il ?
Comme l’écrit Raphaël Daubet, on est saisi « d’effroi en pénétrant dans la chapelle, c’est un foisonnement de membres, de fémurs, de troncs. Une foule de squelettes désarticulés. Des silhouettes décharnées, levant les bras au ciel, hurlant… » La fresque peinte sur les murs, du sol au plafond, est un vertige d’incisions plus ou moins profondes, de lignes blanches verticales, obliques, horizontales. Une foule en marche obsédante. Du blanc, de l’ocre, du gris, parfois du bleu. Au sol, Bokor a fait du rocher qui tenait lieu d’autel une sépulture symbolique pour ses parents et son fils. Elle est aujourd’hui protégée par une vitre. Il faudrait des pages et des pages pour raconter cette œuvre. Elles ont été écrites par Saralev Hollander, qui a suivi « ces chemins anéantis où nous ne cessons d’aller », titre de son magnifique livre sur Miklos Bokor[3]. Oui, il faut aller avec ce qui a été anéanti. Bokor ne cherche pas à reproduire mais à « réhabiliter la dimension de l’homme dans l’espèce humaine », explique-t-elle. Ici, seulement des corps humains, nulle représentation d’objets, sauf un bonnet, celui que Bokor a lancé à son père à Auschwitz pour qu’il se couvre. « Autzen ab ! » (« Enlevez les bonnets ») : hurlaient les gardiens pendant le comptage. Douleur indicible, Miklos n’a jamais revu son père après ce geste gravé là, dans la pierre, tout comme la silhouette de ses parents, de dos, sur un petit mur d’au revoir, près de la porte, en sortant. Inoubliable.
Les mains de l’artiste, coulées dans une plaque d’airain.
Le sauvetage
Miklos Bokor meurt en 2019. Son fils, puis sa femme le suivent peu après. En 2023, il n’y a plus d’héritiers directs. La chapelle revient à des petits neveux et nièces qui la mettent en vente au prix de 500 000 euros, prix fixé en fonction de la cote des tableaux de l’artiste. Des fuites sont repérées dans le toit en lauzes. Le chef-d’œuvre risque d’être endommagé. Il faut agir au plus vite. Les héritiers font bâcher la toiture pour 15 000 euros.
Mais une mobilisation s’organise. Pas question de vendre la chapelle à des particuliers ! Le sénateur, le maire et d’autres, des amis de Bokor montent au créneau, alertent la presse et la préfète qui se rend sur les lieux. Autre défenseur de l’œuvre, Charles Soubeyran, critique d’art indépendant, laïque et universaliste, vit là depuis des décennies. Bourru derrière la pipe qu’il ne lâche pas, c’est un acteur important de la vie culturelle de la région. Il crée un collectif et envoie une pétition à la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, soutenant que la chapelle s’inscrit dans une démarche très ancienne de dénonciation des horreurs de la guerre, comme certaines œuvres de Goya ou le Guernica de Picasso. Grâce à sa notoriété et celle de Raïssa Blankoff, ancienne journaliste et voisine – et, me semble-t-il, la seule juive rencontrée dans cette histoire –, quelques signatures prestigieuses figurent sur la pétition.
Le sénateur Daubet prend notamment attache avec la DRAC (direction régionale des affaires culturelles), le département du Lot et le Mémorial de la Shoah. Sans succès. Des controverses éclatent. Tout le monde a son idée sur l’avenir de la chapelle. Raphaël Daubet n’en démord pas : elle doit appartenir à la collectivité. « Après le 7-Octobre, il est impératif de faire classer la fresque de Bokor au patrimoine national », affirme-t-il. Le maire de Martel, Yannick Oubreyrie, n’en pense pas moins et s’acharne à convaincre son conseil municipal : la chapelle doit appartenir à la commune. Reste à convaincre les héritiers d’abandonner ce prix exorbitant de 500 000 euros. Finalement, les bonnes nouvelles s’enchaînent : Cauvaldor, la communauté de communes, accepte d’être coacquéreur, le prix est fixé à 66 000 euros et le classement au patrimoine national est accepté. La chapelle de Maraden de Miklos Bokor est sauvée grâce à la volonté de quelques-uns, contre l’indifférence ou la bêtise d’autres. Fin septembre, une cérémonie émouvante a réuni au Sénat les responsables du patrimoine et les élus de Martel et du Lot. Il s’agit désormais de faire connaître la chapelle pour financer son entretien. « Nous prévoyons de reproduire la fresque pour l’adosser au musée de Martel, au risque d’atténuer, c’est vrai, la force émotionnelle du lieu quand on est dedans, déclare Yannick Oubreyrie. Nous détenons un chef-d’œuvre, nous le ferons visiter à de petits groupes, notamment de collégiens, ou pendant les Journées du patrimoine, mais pas question de voir débarquer des cars de touristes ! »
Qui sait, peut-être que dans quelques générations, le monde entier connaîtra La Spirale de l’Histoire, ce tatouage funeste de la Shoah qu’un artiste juif revenu des camps a imprimé sur les murs à la manière des hommes préhistoriques.
Pour faire un don à la chapelle de Maraden : « Chapelle de Maraden à Martel », fondation-patrimoine.org.
[1] Miklos Bokor, Paul Wiener, Peut-on en finir avec Hitler ?, L’Harmattan, 2010.
[2] Raphaël Daubet, Vieux pays, Toute Latitude, 2025.
[3] Saralev H. Hollander, Miklos Bokor, la fresque de Maraden : par les chemins anéantis nous ne cessons d’aller, Meridianes, 2022.
Gérard Courtois raconte la Ve République comme un roman « national », dans son dernier livre, La saga des élections présidentielles: De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron (Perrin, 2025)
Avec La Saga des élections présidentielles : De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron, Gérard Courtois retrace soixante ans de vie politique française. Au fil des campagnes, l’ancien éditorialiste du Monde raconte l’ascension puis l’essoufflement d’une institution longtemps considérée comme le cœur battant de notre nation. Une fresque électorale qui dit, parfois malgré elle, le glissement d’une France verticale vers une démocratie d’opinion fragmentée.
De Gaulle–Mitterrand : l’âge mythologique de la Ve République
Les premiers chapitres évoquent une époque que l’on croirait presque légendaire. 1965 : de Gaulle accepte de se soumettre au suffrage universel, comme un chef convoqué par son peuple. 1981 : Mitterrand, après vingt-trois ans de combats politiques, conquiert l’Élysée comme on atteint un sommet promis depuis longtemps.
Pour Courtois, ces campagnes fondatrices ont une dimension épique. Elles ne se résument pas à des alliances, des petites phrases ou des sondages : elles mettent en jeu des visions du pays. Les candidats s’affrontent sur des conceptions du destin français. Le général incarne la souveraineté, Mitterrand la culture et la durée historique. Et les adversaires eux-mêmes partagent l’idée que la France a une vocation singulière.
Cette période n’est pas qu’un souvenir politique : elle illustre un cadre mental. La présidentielle n’est pas encore une compétition médiatique ; elle reste une bataille de légitimité, presque une cérémonie d’intronisation républicaine.
De Chirac à Hollande : la politique avalée par la démocratie d’opinion
Le centre du livre marque un tournant. À partir des années 1990, Courtois décrit une vie politique désormais rythmée par les courbes de popularité et les commentaires en plateau. Chirac est élu en 1995 sur le thème de la fracture sociale, puis triomphe en 2002 plus par accident de l’histoire qu’au nom d’une volonté populaire structurée. Le « front républicain » qui en naît, présenté comme un réflexe unanime, se révèle être une construction fragile dont il ne reste aujourd’hui plus qu’une ombre.
Avec Nicolas Sarkozy, l’Élysée devient un théâtre. Hyperactivité, communication constante, accélération permanente : la fonction présidentielle s’épuise au rythme même où elle cherche à se réinventer. François Hollande, lui, accède au pouvoir presque malgré lui. Son élection de 2012 apparaît comme la victoire d’un style plus que d’une vision — ou plutôt comme le rejet d’une personnalité. Dans cette séquence, la Ve République perd ce qui faisait sa force : l’enracinement d’une autorité reconnue. Le président n’incarne plus ; il gère. Il ne trace plus une voie ; il ajuste un rapport de forces mouvant.
Macron : rupture réelle ou simple reconfiguration du vide ?
En 2017, Emmanuel Macron joue de l’effondrement des partis traditionnels pour s’emparer du pouvoir à la manière d’un entrepreneur politique. Il recueille les espoirs de ceux qui ne croient plus ni à la gauche ni à la droite — mais sans forcément leur proposer un cadre idéologique durable. En 2022, sa réélection s’explique moins par un élan populaire que par un paysage fracturé. Et Courtois montre comment le chef de l’État occupe l’espace en l’absence d’adversaire capable de structurer un récit national alternatif. Derrière l’analyse, un constat : si le président Macron règne, c’est aussi parce que la fonction elle-même s’est distendue. L’autorité présidentielle n’est plus transcendante ; elle se fond dans la gestion pragmatique d’un pays divisé.
Une fresque qui dit le malaise d’un pays en quête de centre de gravité
Le livre de Gérard Courtois n’est pas un pamphlet. L’auteur raconte, détaille, contextualise. Mais son travail fait apparaître, presque en creux, la fin d’un cycle. La présidentielle, pensée comme le pivot de la vie nationale, s’est transformée en rituel médiatique où l’émotion prime sur le projet, et où le vote exprime davantage des humeurs que des convictions.
La Ve République, conçue pour un peuple rassemblé autour d’une figure d’incarnation, se retrouve confrontée à une société fragmentée. Ce que révèle cette « saga », c’est la persistance d’un vide symbolique que les campagnes électorales ne parviennent plus à combler. La France élit toujours un président, mais elle ne se reconnaît plus tout entière dans la figure qu’elle porte à l’Élysée.
« Le bonheur n’est-il pas l’une des formes de l’étourderie ? » Cette phrase ne peut provenir que d’un écrivain, d’un grand écrivain. François Cérésa, on le sait, en est un. Auteur d’une quarantaine d’opus, primé par les plus grand prix littéraires (Grand Prix de l’Académie française Michel-Déon ; prix Denis-Tillinac, prix Paul-Léautaud), on sait déjà qu’il excelle dans la littérature traditionnelle (romans, récits, nouvelles) ; ce qu’on sait moins c’est que depuis quelque temps, il excelle tout autant dans la littérature de genre : polar, romans noirs. La preuve : il nous propose La mouche qui se lavait les mains dans un verre d’eau, un thriller exaltant et haletant qui, d’un bout à l’autre, nous tient en haleine.
Champignons
Il nous convie à suivre pas à pas un couple de Parisiens bobos, la délicieuse, délurée et très blonde Rachel, et son mari très permissif, très compréhensif, Louis, médecin blasé, calme en apparence mais qui cache bien son jeu. Ils décident de quitter la capitale pour s’installer en Auvergne. Le coin est charmant, verdoyant et bucolique ; leur nouvelle maison, confortable. Il y a un lac magnifique, et un mystérieux cimetière qui fait jaser. Tout pourrait aller pour le mieux mais, non, ça coince quelque part. Serait-ce le métier (critique de cinéma d’horreur!) de la très sensuelle et coquine Rachel qui serait le vilain grain de sable dans la mécanique bien huilée du bonheur ? Serait-ce le fait qu’elle collectionne les gigolos ? Serait-ce l’aura bizarre de leur voisin Just, bûcheron de son état, ancien gilet jaune, militant de la France insoumise ? Ou serait-ce encore Papa Momo, le père de Rachel, grabataire après un AVC provoqué par les excès divers, qui, en fauteuil roulant, ne parvient quasiment plus à parler et qui, parfois, leur casse carrément les pieds ? En parlant de pieds, Kévin, le podologue qui pue des pinceaux, praticien dans le même cabinet médical fondé par Louis, serait-il à l’origine de l’atmosphère qui, au fil des jours, empuantit leurs existences ? Et puis qu’a-t-il tout au fond de lui-même, le Louis, à s’enfermer des heures dans le cabanon de son jardin ? (On apprendra qu’il y confectionne avec gourmandise des engins de torture.)
Détestations
Résultat : tout le monde eût pu s’aimer, se respecter, profiter de la magnifique Auvergne. Non. Il n’en est rien. Tout le monde s’épie, se déteste. Chacun commence à craindre pour sa vie, d’autant qu’une partie de la joyeuse communauté a failli y passer après la dégustation de champignons (des Inocybes de Patouillard). Pendant ce temps, les ombres continuent à rôder autour de la maison, certaines équipées de fusil… On en saura un peu plus quand Rachel invitera Alex, son jeune amant, à manger. Tout cela se finira-t-il très mal ?
François Cérésa nous intrigue, nous inquiète, nous fait rire. En un mot : avec ce thriller vif comme les eaux du barrage de Villerest, il a réussi son coup. On en redemande.
La mouche qui se lavait les mains dans un verre d’eau, François Cérésa ; éd. Glyphe ; 239 pages.
La justice impose de reconnaître les mariages gays entre États membres de l’UE. Comme d’habitude, c’est la méthode progressiste du fait accompli qui s’impose face à la souveraineté des nations, observe Elisabeth Lévy.
Tous les pays européens devront désormais reconnaître les mariages homosexuels conclus dans un autre pays. Jakub et Mateus, un Polonais et un Allemand-Polonais mariés en Allemagne ont obtenu, par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la reconnaissance de leur union en Pologne, où le mariage gay n’existe pas. Refuser cette reconnaissance serait selon la Cour « une atteinte à leur liberté de circulation » et au « respect de la vie privée et familiale », qui les obligerait « à vivre en tant que célibataires » dans leur pays.
Méthode progressiste du fait accompli
Comme d’habitude, c’est la méthode progressiste du fait accompli. Mariés en France = mariés en Pologne. Plus curieux est ce droit à une vie familiale normale (Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme) au nom duquel on interdit l’expulsion de malfaisants parce qu’ils ont le droit de pouponner leurs enfants français. De même, un texte européen impose la reconnaissance des enfants nés par GPA dans toute l’UE. Vous me direz qu’il s’agit de véritables petits enfants, auxquels je ne souhaite que du bien ; mais ils ont toujours un parent biologique, et ils pourraient parfaitement bénéficier d’un statut légal sans que l’on soit contraint de valider une pratique interdite presque partout en Europe.
Qu’est-ce que ça peut vous faire que des homosexuels se disent mariés en Pologne ? me dira-t-on. Donc, selon cette logique, tout citoyen doit payer les impôts votés par son Parlement mais chacun fixerait à sa convenance les règles du mariage et de la filiation. C’est mon choix, c’est mon droit ! En réalité, c’est la négation même de l’existence de communautés politiques réduites à une collection d’individus.
Je suis évidemment ravie pour les heureux époux, mais c’est une question de souveraineté. Même si la CJUE prétend le contraire, son arrêt oblige la Pologne à reconnaître de facto le mariage gay. Le statut personnel n’est pourtant pas une compétence européenne. C’est aux citoyens de chaque pays de décider.
C’est toujours le même procédé. L’extension du domaine du droit permet à un tribunal de supplanter la souveraineté nationale. Au nom des droits individuels toujours supérieurs aux droits des nations. Le tout assorti d’un chantage au sentiment : condamnerez-vous ce joli bébé à n’avoir qu’un parent officiel? Priverez-vous ces amoureux des joies de la respectabilité ? Ce serait tellement cruel !
En réalité, cet arrêt de la CJUE est une nouvelle attaque contre les frontières et contre les nations considérées par nos juges comme des obstacles à l’épanouissement des individus. Dans cette logique, on ne voit pas pourquoi on priverait une femme habituée à porter sa burqa en Espagne de ce délicieux accoutrement en France. À ce compte-là, donnons les clefs aux juges et à la Commission européenne et fermons les Parlements nationaux. On fera des économies.
Un grand vent de modernité souffle depuis quelques semaines sur la cathédrale de Cantorbéry, chef-d’œuvre de l’art gothique perpendiculaire situé à 80 kilomètres de Londres. Le 3 octobre, Sarah Mullally, 63 ans, y a été nommée archevêque, devenant ainsi la première femme à accéder au poste de primat de l’Église d’Angleterre. Plus décoiffant encore, le 17 octobre, une exposition d’un genre inédit a été inaugurée à l’intérieur de la nef. Intitulée « Écoutez-nous », elle a été conçue par des représentants de minorités (Indiens, Caribéens, handicapés mentaux et LGBTQIA+), qui ont tagué les murs et les piliers avec des messages adressés à Dieu, tels que : « Pourquoi as-tu créé la haine alors que l’amour est bien plus puissant ? » et « Es-tu là ? ».
Sans surprise, l’opération a scandalisé de nombreux croyants au Royaume-Uni, mais aussi à l’étranger puisque le vice-président américain J. D. Vance, fervent catholique, a estimé sur X que ces graffitis – heureusement effaçables – ont « rendu un magnifique bâtiment vraiment laid ». Le doyen de la cathédrale, le révérend David Monteith, s’est justifié en indiquant qu’il s’agissait là du « langage de ceux qui ne sont pas entendus », ne voyant manifestement pas combien il est insultant pour les vrais pauvres, les vrais malades et les vrais exclus de les réduire à la sous-culture du vandalisme urbain, à une révolte métaphysique ultra-convenue et, peut-être pire encore, à une incapacité artistique, dans un sanctuaire chrétien, à glorifier ce qu’il y a d’humain dans le divin et de divin dans l’humain.
Ce n’est pas la première fois que des hauts lieux spirituels britanniques ont recours à des concepts publicitaires ringards pour attirer les visiteurs. En 2019, la cathédrale de Norwich a accueilli en son sein pendant dix jours un toboggan de fête foraine. La même année, un minigolf a été installé dans la cathédrale de Rochester. Et sont annoncées prochainement des soirées disco dans les cathédrales de Chelmsford et de Durham.
Suite à l’inquiétant sondage de la semaine passée consacré aux musulmans français et leur rapport à l’islamisme, l’affaire prend soudainement un tournant judiciaire. Sur BFMTV, le directeur Opinion de l’Ifop, Frédéric Dabi, a déclaré hier: «L’Ifop a décidé de porter plainte contre deux députés de La France insoumise qui nous ont mis une cible dans le dos», précisant que la procédure viserait les élus Bastien Lachaud et Paul Vannier.
Le sondage IFOP révélant la progression d’un islamisme d’atmosphère dans la jeunesse musulmane est violemment attaqué. On dirait que l’IFOP a mis les pieds dans le plat. Quatre associations musulmanes portent plainte. Le recteur de la Grande mosquée s’énerve. Le Monde a déniché des spécialistes qui trouvent très dangereux d’interroger les musulmans sur leurs pratiques religieuses parce que cela en ferait des sous-citoyens. Edwy Plenel dénonce des raccourcis et des approximations dans un tweet interminable. Interroger les Français sur leurs pratiques religieuses, c’est pourtant l’ADN de l’IFOP depuis les années 50.
Des questions « islamophobes » ?
Les attaques les plus violentes et déplaisantes sont évidemment venues des Insoumis. Mélenchon dépeint notre ami Frédéric Dabi en ami de Netanyahou. Le député du Val d’Oise Paul Vannier parle d’une « enquête bidon d’IFLOP, destinée à servir l’agenda islamophobe de l’extrême droite » – c’est gratiné. Il balance aussi la journaliste Nora Bussigny et le commanditaire du sondage, Ecrans de veille, en surlignant dans son tweet leur adresse ce qui en bon français veut dire allez leur casser la figure. Quant au député de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud, il pointe un « récit anxiogène destiné à flatter l’idéologie de l’extrême droite ». Tous ces gens n’ont pas beaucoup d’imagination.
Les arguments employés sont misérables. L’échantillon ne serait pas pertinent, nous disent-ils. Mais le même échantillon a pourtant été utilisé dans un sondage sur les discriminations pour la mosquée de Paris sans susciter de réaction il y a un mois. Étrange… Quant aux questions prétendument orientées, beaucoup ont été élaborées pour Le Monde à la grande époque où Edwy Plenel dirigeait le journal qui a financé et publié plusieurs des précédentes enquêtes sur le sujet.
Incitation au séparatisme
Alors comment expliquer cette levée de boucliers ? C’est très simple : le sondage montre une réalité que LFI et nombre d’institutionnels musulmans veulent cacher. Le problème, pour eux, n’est pas qu’un nombre considérable de jeunes musulmans refusent de serrer la main d’une personne de l’autre sexe ou trouvent que la religion a raison contre la science, c’est qu’on le dise. D’ailleurs, jusqu’à la polémique, les médias de gauche ont largement fait l’impasse sur le sondage.
Ces réactions confirment ce qu’on sait. Non seulement une partie des musulmans français est happée par l’islamisme, mais elle fait également preuve d’une intolérance épidermique à toute critique décrétée « raciste ».
Ceux qui prétendent les défendre et qui en fait les utilisent et les encouragent au séparatisme n’ont que l’invective et la menace à la bouche. L’IFOP annonce qu’elle porte plainte contre Vannier et Lachaud. Bravo. Ras-le-bol de ces petits gardes rouges-verts. Pour disqualifier un propos ou une personne ils n’ont qu’une insulte à la bouche : extrême droite. À force d’entendre leurs mensonges et dénis beaucoup de Français finiront par penser que c’est le réel qui est d’extrême droite.
Cette chronique a été diffusée ce matin sur Sud radio
À l’approche des fêtes, la volonté du gouvernement de suspendre Shein pendant trois mois apparait comme un geste fort. Pourtant, si cette mesure peut sembler légitime face aux dérives de la marque, elle est vécue par beaucoup comme une forme d’injustice sociale. S’il est urgent de réguler, encore faut-il le faire intelligemment: punir les excès, oui, mais sans sacrifier l’accès à la mode pour celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Le 26 novembre se tiendra, au Tribunal judiciaire de Paris, une audience en référé appelée à statuer sur la suspension provisoire, pendant trois mois, de la plateforme Shein en France, à la demande du gouvernement. Un jugement qui intervient alors que la marque est mise en cause pour ses pratiques commerciales, et notamment pour la mise en vente de produits illégaux : on pense évidemment aux « poupées sexuelles » proposées par des vendeurs tiers et qui ont réussi à passer les filtres de modération. L’audience revêt un caractère symbolique et juridique : symbolique parce qu’elle marque la volonté de l’État de contrôler un acteur de la mode à très bas prix, quitte à « faire un exemple » ; juridique parce que la décision pourrait constituer une jurisprudence majeure pour l’encadrement des plateformes de e‑commerce.
Débranché pour Noël ?
Mais ce qui interpelle avant tout, c’est le timing de cette audience. Si le Tribunal de Paris actait la fermeture temporaire de la plateforme, cette suspension interviendrait juste avant les fêtes de fin d’année. Or les Français, qu’on le déplore ou non, ont massivement recours à la fast‑fashion, qui constitue pour eux une façon économique d’avoir accès à des vêtements branchés, ou de faire des emplettes et cadeaux sans avoir à briser leur tirelire. Ainsi, selon un récent sondage réalisé par le cabinet Norstat Express pour la revue L’Hémicycle, 100 % des Français déclarent avoir acheté l’une des marques considérées comme de la fast fashion dans les douze derniers mois (Shein, Temu, H&M, Zara, etc.), tandis que 70% d’entre eux déclarent avoir régulièrement recours à ces marques, une proportion qui grimpe à 88% parmi les 18-35 ans.
Un plébiscite largement lié au prix. Selon une étude Ipsos, 62% des Français affirment que, loin devant la durabilité, le prix est leur critère principal d’achat. Et pour cause : plus de 46 % déclarent dépenser moins de 50 euros par mois pour s’habiller. Et les conditions de fabrication dans tout ça ? En dépit de l’indignation médiatique, elles n’intéressent, dans les faits, que peu les Français. Ainsi, seuls 7% des sondés interrogés par le cabinet Norstat Express ont placé l’impact environnemental en tête de leurs critères d’achat. A contrario, près de huit consommateurs sur 10 se désintéressent purement et simplement des questions éthiques.
Écume médiatique et mépris de classe
J’ai pu, dans mon propre entourage, prendre la mesure de ces chiffres, et du divorce consommé dont ils témoignent entre l’écume médiatique et la réalité du quotidien, fait de fin de mois difficiles et d’achats pragmatiques avant d’être idéologiques. Ainsi, beaucoup de mes proches m’expliquent qu’acheter chez Shein, à raison d’une fois par mois, c’est d’abord une façon d’avoir des pièces à la mode « sans exploser son budget ». Ils sont nombreux à évoquer un sentiment de « dignité ». Toujours dans mon entourage, de nombreuses personnes soulignent que la mode dite « éthique » coûte trop cher pour constituer une réelle alternative. Pour nombre d’entre elles, la mode est aussi un marqueur d’appartenance: se vêtir « stylé » compte, même quand les moyens sont limités. Certaines, enfin, évoquent leur difficulté à trouver des vêtements « cool et de grande taille à petit prix ».
Une crainte revient souvent: que derrière la volonté de régulation de Shein ne se cache une forme de « chasse aux pauvres ». J’ai ainsi beaucoup entendu cet argument : « ne taxons pas seulement Shein pour punir et faire un exemple, mais refondons le système pour que chacun puisse accéder à une mode juste. » Une autre remarque m’a semblé édifiante : « Shein au BHV, c’est choquant. Mais si Shein avait ouvert dans une zone populaire, est-ce que le débat aurait été le même ? » Autrement dit, reproche-t-on à l’enseigne chinoise ses pratiques commerciales, ou de permettre à des personnes issues de milieux populaires d’avoir accès au beau, non seulement pour leur garde-robe, mais aussi sur leurs lieux d’achat ? Cette charge anti-Shein n’est-elle pas, à bien des égards, révélatrice d’un véritable mépris de classe ?
Moralité à peu de frais
Alors oui, il importe de réguler les marketplaces afin de ne pas les laisser faire n’importe quoi. Mais pour que cette régulation soit cohérente et crédible, elle ne peut pas se limiter à Shein. D’autant que plusieurs autres marketplaces, dont Temu, Amazon, AliExpress, Wish et Joom, ont été signalées pour des pratiques douteuses voire illégales : des ventes de produits non conformes, des contenus extrêmement préoccupants comme, là aussi, des poupées sexuelles d’apparence enfantine ou des armes de catégorie A. Ne fermer que Shein, c’est fournir des arguments à la plateforme, qui aura beau jeu de se plaindre ensuite d’être victime d’une forme de procès politique…
Dans une interview accordée ce 24 novembre à RTL, Michel-Edouard Leclerc a eu l’occasion de dénoncer les « postures » d’une partie de la classe politique, qui s’offre dans sa croisade contre le géant chinois une moralité à peu de frais. Laissons-lui le mot de la fin : « À titre personnel, je trouve ça con [d’attaquer Shein] au moment où Carrefour est en Chine, Galeries Lafayette est en Chine. Tous les commerçants des grandes marques de Bernard Arnault, de (François-Henri) Pinault sont en Chine. Les galeries d’art sont en Chine ». Et si, à bien y regarder, les pauvres n’étaient pas les seuls à subir le contrecoup des assauts de nos dirigeants contre ce bouc émissaire tout désigné ?
À Libourne, Nicolas Vanier est le secrétaire du Père Noël pour 2025
Cette année, un Père Fouettard vert remplacera-t-il le Père Noël ? Transformer la magie de Noël en séance d’endoctrinement écologiste: voilà l’idée lumineuse de La Poste, qui a confié à Nicolas Vanier la mission de répondre aux lettres adressées au Père Noël par plus d’un million d’enfants. Au lieu des cadeaux rêvés par les petits, place à la morale verte ?
« Cher petit Pierre,
J’ai bien reçu ta lettre, qui, hélas, a émis beaucoup de CO₂ en traversant la France. Tu as donc contribué, sans le vouloir, à aggraver l’état catastrophique de notre belle planète et à augmenter ton empreinte écologique. Mais comme c’est la fête de l’Hiver, je te pardonne.
Tu demandes un avion en Lego. J’en ai bien un, tout neuf, juste à côté de moi. C’est un très joli jouet. Mais sais-tu qu’un avion pollue énormément ? Ce rêve-là est trop écocidaire et beaucoup trop hétéronormé. Il ne faut plus le faire. Je préfère t’envoyer à la place un kit-tricot écoresponsable, avec de la laine de moutons homosexuels sauvés de l’abattoir et élevés dans une ferme gay-friendly en Allemagne. Grâce à ce kit 100 % écoresponsable et labellisé LGBTQIA+ compatible, tu pourras fabriquer toi-même de merveilleux pulls à col roulé inclusifs, avec un message brodé en laine épaisse rose fluo : “I WOOL SURVIVE”.
Cela t’apprendra à te passer de chauffage, si destructeur pour le climat, et à entrer, dès cinq ans, dans une démarche responsable de déconstruction du “genre”. Je te souhaite de très belles fêtes d’Hiver, avec la bénédiction de la sainte patronne de la Terre, Gaïa. »
Voilà donc à quoi pourrait ressembler la magie de Noël d’ici quelques années : une séance de culpabilisation climatique qui transformerait la lettre au Père Noël en série de commandements écologiques.
C’est en tout cas la mission confiée à l’explorateur-prêcheur écolo Nicolas Vanier, choisi cette année pour répondre aux lettres adressées au Père Noël à Libourne. Collapsologie oblige, le cinéaste veut désormais « sensibiliser » les plus jeunes au réchauffement climatique : « C’est l’enjeu capital pour la jeunesse, qui va à la fois hériter de cette terre très malade et qui, je l’espère, va conduire le changement », explique-t-il.
Revenons aux fondamentaux. Une lettre au Père Noël, c’est un enfant qui confie ses rêves de cadeaux au vieux monsieur à la barbe blanche et aux yeux rieurs. Voitures téléguidées, Lego, poupées, circuits, vélos… tous ces cadeaux longtemps désirés avant Noël et qui apparaissent comme par magie au pied du sapin. La lettre au Père Noël est un espace littéraire où l’imagination se déploie, où tout devient possible. Mais voilà : en 2025, les écologistes ont cette fâcheuse tendance à voler les rêves. On se souvient de la maire écologiste de Poitiers, qui déclarait en 2021 que « l’avion ne doit plus faire partie des rêves des enfants ». Et parce que le merveilleux doit désormais se plier aux injonctions progressistes, même la scénographie de Noël est déconstruite et réécrite, comme à Nantes en 2023 où le Père Noël a été effacé et remplacé par une « Mère Noël » et les décorations traditionnelles remplacées par des lumières d’un inesthétique vert criard. L’essentiel n’est plus d’émerveiller, mais d’endoctriner.
Avec Nicolas Vanier, on peut craindre que le Père Noël ne mute en Père Fouettard vert. Avant, il fallait être sage, écouter ses parents, bien travailler à l’école. Aujourd’hui, les bons points se mesurent en émissions carbone non rejetées dans l’atmosphère. Et l’enfant le plus méritant n’est plus celui qui fait ses devoirs et obéit à ses parents, mais celui qui pratique le tri sélectif et surveille les membres de la famille qui se trompent de bac de recyclage. On peut craindre que cette moralisation climatique, appliquée aux plus petits, ne produise exactement l’inverse de ce qu’elle prétend prévenir : de l’angoisse, de l’éco-anxiété, de la culpabilité, voire de la haine de soi. Et dire qu’on s’inquiète de la santé mentale des jeunes…
Mais le plus savoureux est ailleurs : celui qui prétend aujourd’hui éduquer les enfants à la vertu climatique n’aurait pas lui-même toujours brillé par son comportement écologique. Certains écolos bien plus radicaux que lui l’accusent d’avoir provoqué la perte de 500 œufs de flamants roses en Camargue lors du tournage de Donne-moi des ailes en 2018. Quant à son camp de chiens de traîneaux ouvert dans la Drôme en 2011, il avait lui aussi suscité de nombreuses controverses : attaques, brebis tuées, sécurité inexistante… jusqu’à sa fermeture administrative en 20141. Pas un cadeau !
Sous le pseudonyme d’Émie de Rolles, Jacques-Émile Miriel, critique littéraire et cinéphile brestois, féru de culture et présentateur inspiré de séances au cinéma Les Studios à Brest, signe avec Les Inféconds une œuvre d’une belle intensité spirituelle. Habité par la tradition des moralistes et des libertins, Miriel conjugue lucidité et sensualité, ironie et gravité, pour sonder les abîmes d’une époque où la transmission — spirituelle, charnelle, artistique — semble s’être éteinte. Le cinéma, présent dans l’univers du roman, irrigue sa pensée et ses images, mais n’imprime pas sa forme : il agit comme un contrepoint poétique, un miroir du monde.
Entre Paris et la Bretagne : les territoires de l’âme
L’action se déploie entre une grande ville et la Bretagne. Le protagoniste, Pierre, critique littéraire et catholique attaché aux messes tridentines, incarne la figure du dandy moderne, partagé entre foi et désir, entre lucidité critique et quête d’absolu. Pour lui, l’art — littérature, peinture, musique, cinéma — est la plus haute expression du monde, peut-être même son sanctuaire sacré.
Pierre, Jonas et l’Abbé de Frassout : figures de la foi et du doute
Jonas, son cousin, jeune aristocrate catholique désœuvré, est hanté par un passé douloureux — les attouchements subis dans son adolescence par le Révérend Père Soufflot. Accompagné de Pierre, il dialogue longuement avec l’Abbé de Frassout, son confesseur. Ce dernier, attentif et cultivé, apparaît comme une conscience lumineuse, un théologien profond et miséricordieux, dont la parole apaise. Saint Augustin, Pascal et les Évangiles, mais aussi Casanova ou Rousseau, sont des penseurs essentiels pour Pierre, le narrateur. Tandis que la fièvre mystique et la noirceur de Dostoïevski inspirent Jonas.
Cécile et Fanny : visages du désir et de l’amour
Cécile, jeune fille de la bonne société parisienne, incarne quant à elle cet obscur objet du désir partagé entre Pierre et Jonas : elle représente la beauté inaccessible, la pureté qui aimante et déchire. Mais c’est en Fanny, jeune femme moderne et libre rencontrée en Bretagne, que Pierre trouve un écho charnel et vivant à sa quête intérieure. Leurs amours, dans le manoir familial de Jonas, tout près des plages sauvages de l’ouest du Finistère, sont décrites avec une intensité sensuelle.
Au cœur du roman se déploie le mystère de la société secrète des Inféconds, cercle initiatique où Pierre est introduit par le Maître Clovis Ranger. L’initiation de Pierre — scène à la fois libertine et rituelle menée par Maîtresse Babou, prêtresse du rite — évoque une liturgie de la chair, portée par la musique hypnotique d’Alan Vega et inspirée à la fois par l’esthétique littéraire du XVIIIᵉ siècle libertin et Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick. Le romancier y retrouve une tension essentielle : la recherche de Dieu à travers le corps, la tentation d’un salut dans le vertige du plaisir. Pour être définitivement accueilli comme membre du Club des Inféconds, il devra faire une conférence à partir d’une phrase extraite de l’Épître aux Hébreux.
Le cinéma, miroir poétique du réel
Si le cinéma affleure souvent dans le texte — Kubrick (Eyes Wide Shut), Hitchcock (La Main au collet) —, c’est moins pour en reproduire les formes que pour en rappeler la puissance visionnaire : la scène où Jonas évoque la mort de la princesse de Monaco sur la corniche de la Riviera devient ainsi symbole de son propre désir d’engloutissement, comme si la beauté même appelait la chute.
Un dandy postmoderne en quête d’absolu
Les Inféconds est le roman initiatique d’un dandy postmoderne, sans attache, toujours en mouvement, cherchant ailleurs, dans le plaisir, la connaissance ou l’aventure, une forme d’absolu et de vérité illustrés par cette citation de Saint Paul dans l’Épître aux Hébreux : Car nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir. Cette novella de tension et d’espérance est une méditation sur la chair et l’âme, la faute et la beauté, la mort et la transmission. Jacques-Émile Miriel y déploie une écriture élégante et précise. Il réfléchit sur la nature humaine, la morale et la fécondité — non seulement au sens biologique, mais aussi intellectuel et spirituel. Dans la stérilité apparente de son époque, il cherche obstinément la germination du sens de la vie, la beauté de l’Art dans ce beau roman, un Autoportrait à la manière du peintre Johannes Gumpp.
Les Inféconds : Novella postmoderne de Émie de Rolles – 2025 – Imprimé par Amazon. 207 pages
Christine Ockrent sur le plateau de France 2, 22 novembre 2025. Capture France TV.
Gallimard, Ockrent, Souchon: le cirque «antifasciste» s’épuise un peu, observe notre chroniqueur
Antoine Gallimard et Jean-Marie Laclavetine, éditeurs de Boualem Sansal, ont menti. Mais qui s’en étonne ? Contrairement à leurs affirmations, jamais l’écrivain, alors emprisonné en Algérie, n’a fait connaître son opposition à concourir au prix Sakharov, proposé par Jordan Bardella au nom du parlement européen. « Je n’ai rien refusé », a expliqué Sansal sur France Inter lundi, après son retour en France. « J’ai appris cette histoire quasiment trois ou quatre semaines après ». Le 15 septembre dans un communiqué, ses éditeurs s’étaient réclamés de lui pour repousser ce prix et qualifier la démarche des Patriotes pour l’Europe « d’irrecevable et d’insidieusement partisane ». Ainsi font les poseurs quand il s’agit d’exclure « l’extrême droite », en l’occurrence ceux qui voulaient saluer la liberté d’expression du Soljenitsyne français, pourfendeur des idéologies totalitaires et singulièrement de l’islamisme.
L’indécence et le mépris de classe sont les marques de cette caste snobinarde qui se donne en exemple. Christine Ockrent est un autre symbole de ce monde convaincu de sa supériorité attractive : la journaliste de salon, l’autre jour sur France 2, a attaqué à son tour le groupe Bolloré (CNews, Europe 1, JDD) en évoquant « des gens qui sont la négation même de nos métiers à mon avis », et en accusant notamment CNews, portée par ses audiences, de « falsification des faits » et de « désinformation ». La pensée de luxe n’a pas fini de se rendre odieuse, dans son mépris du peuple et de son réalisme. En admiration d’elle-même depuis un demi-siècle, cette « élite » n’a toujours pas pris la mesure de son éloignement des Français et de leur vie réelle. « Nous avons changé d’époque », prévient avec raison Olivier Marleix, dans son livre posthume[1]. Cependant, ce n’est pas seulement le macronisme qui s’effondre. C’est le système qui agonise.
… ils privilégient l’anathème au débat
Ces imbuvables sont les derniers acteurs, caricaturaux dans leur suffisance déplacée, d’une époque qui se termine. Les faux esprits préfèrent l’anathème au débat. Ils ne savent plus argumenter. Rien ne sort de leurs conclaves, sinon des clichés sur le retour d’un fascisme dont ils ne voient pas qu’il est couvé chez leurs cousins germains de la gauche-hallal. Plus ces parvenus crachent sur les gens ordinaires, plus le peuple les envoie paître.
Emmanuel Macron, symbole de ce progressisme en déroute, est la première victime du boomerang. Sa guerre des mots contre la Russie, qu’il présente comme « la principale menace pour la France », ne fait pas oublier ces enfants de France tués dans les guerres de rues. Lundi, sur Europe 1, la mère d’Elias, assassiné à coups de machettes par deux récidivistes « diversitaires » il y a dix mois à Paris, a accusé la justice « de n’avoir pas protégé » son fils. Stéphanie Bonhomme a dit avoir été traitée de « populiste » par des juges à qui elle demandait des comptes sur leur manque de discernement. Sa révolte s’ajoute à celles de nombreuses autres familles de victimes d’une société qui a baissé les bras devant ses ennemis intérieurs.
Un sondage Odoxa, publié mardi, donne Bardella largement vainqueur au second tour de la présidentielle, dans tous les cas de figure. Il est certes trop tôt pour conclure à la fin d’un monde. Mais l’échéance se précise.
Perdue dans un sous-bois du Lot, la chapelle de Maraden abrite un chef-d’œuvre: une fresque de Miklos Bokor, artiste juif hongrois rescapé des camps de la mort. Sous ces voûtes romanes, il a peint l’histoire biblique et l’horreur de la Shoah. Grâce à la mobilisation des élus locaux, ce monument ignoré est en passe d’être sauvé. Reportage.
Entre le village de Martel et les Quatre-Routes, dans le Lot, au bout d’une montée caillouteuse, invisible pour ceux qui ne la cherchent pas, se dresse la chapelle de Maraden. Le peintre Miklos Bokor, juif hongrois rescapé des camps de la mort, s’était installé tout près, à Floirac. Dans les années 1994–1995, il s’était mis en tête de travailler dans une chapelle. C’est son maçon, Monsieur Oubreyrie qui trouva une chapelle abandonnée appartenant à une famille de sa connaissance. Dans les ronces, la petite église romane du xiie siècle de 12 mètres de haut, 15 mètres de long et cinq mètres de large. La nef est éclairée à ses deux extrémités par deux fenêtres hautes et étroites. Au sol, creusé dans la roche, un ancien autel funéraire.
Dès qu’il y entre, l’artiste sait que c’est son lieu, que sur ces murs, il peindra ce qu’il doit peindre. Il l’achète en 1996 avec l’aide du musée Jenisch de Vevey. Le maçon était le père de l’actuel maire de Martel, Yannick, qui se souvient avoir aidé son père à la restauration de la nef et à la réfection d’une partie du toit en lauzes. Jeune homme à l’époque, Yannick montait l’eau et le sable à « Monsieur Bokor » pour faire ses couleurs. Il travaillait dur, précise-t-il, c’était un grand bonhomme, sombre et taiseux. Des années après, Yannick Oubreyrie est en première ligne pour sauver la création de Miklos Bokor.
Quand le peintre achète la chapelle, son œuvre est déjà immense. Des centaines de tableaux sont exposés çà et là. Une peinture sur le motif commencée en Hongrie, des figures de paysans et des paysages, car la nature le calme de ses profonds tourments. Ses parents, sa famille et lui-même ont été déportés à Auschwitz, comme la plupart des juifs de Hongrie à partir de 1944. Il avait 17 ans. Sa mère a été assassinée à Auschwitz, son père à Bergen-Belsen. Lui a été transporté de camp en camp jusqu’à Theresienstadt d’où il a été libéré. Il passe ensuite deux ans à l’hôpital. Il s’ennuie. Il dessine. Il reste en Hongrie jusqu’en 1956 puis visite la France.
En 1960, après la mort de son premier fils, il s’installe définitivement à Paris. Il se remarie et a un second enfant, Michel.
Il rejoint la Ruche, dans le 15e arrondissement, et se lie à des artistes. Il expose avec Zoran Mušič, rencontre Paul Celan, échange avec Yves Bonnefoy sur la réalité de l’existence et du vivant, écrit un livre avec le psychanalyste Paul Wiener, hongrois comme lui, « pour en finir avec Hitler[1] », où se pose la question du monstrueux en termes psychotiques. Une autre question termine le livre : quel peut être l’apport des survivants ?
Certains de ses grands tableaux montrent des silhouettes humaines qui chutent, annonçant, tout comme leurs titres, son futur chef-d’œuvre : Qu’avons-nous fait ?, Un homme peut-être ?…
Il découvre le Lot et y achète une maison. Dorénavant, Bokor se partage entre son atelier parisien et Floirac.
Nous sommes sur le causse de Martel. Un pays de pierres et de chênes, une terre rocailleuse, calcaire. La grotte de Pech Merle n’est pas loin, comme celle de Roucadour, qui recèle les figurations pariétales des premiers hommes du Quercy. Cette terre préhistorique, où l’humanité se raconte depuis son origine, est propice au projet de l’artiste. Il veut puiser dans cette force universelle pour inscrire à son tour son empreinte, tout aussi universelle.
À plus de 70 ans, Bokor apprend la technique de la fresque et invente son propre langage. Raphaël Daubet, sénateur du Lot, se souvient de l’atelier du peintre : des cailloux, des galets de toutes formes… Il visitait souvent les Bokor, dont il connaissait le fils. Ensemble, ils allaient pêcher, chasser, cueillir des champignons… Un jour son ami lui a fait découvrir une merveille, cette fameuse chapelle que son père ne montrait à personne. De l’extérieur, Raphaël a vu quatre murs de pierres rustiques bâtis à l’argile et envahis de lierre. Il évoque ce moment dans un magnifique recueil de nouvelles[2] : « Michel tourna la clef dans l’énorme serrure et poussa la lourde porte en chêne, puis me fit signe d’entrer. Le chef-d’œuvre de son père était stupéfiant. J’étais saisi d’effroi. » Avec sa fresque, Bokor a ajouté une couche supplémentaire à l’humanité, affirme le sénateur. « Il continue la préhistoire, on trouve sur cette terre du sable ocre qui, mélangé à la chaux, fait comme un pigment préhistorique. »
Le sénateur Daubet fait également partie des sauveteurs.
Personne ne sort indemne de la visite
Pendant quatre ans, seul entre quatre murs, il laisse ses mains le guider, inventer un langage de formes, de vides, de traits.
Tous les visiteurs rencontrés expriment la même sidération. La Spirale de l’Histoire, titre de la fresque, se lit de droite à gauche, comme l’hébreu.
Sur le mur de droite en entrant, récit de la période biblique : l’Exode, la sortie d’Égypte, Jacob, Abel et Caïn, Amalek, le sacrifice d’Abraham, etc.
En face, sur le mur nord, la Shoah, mot que l’artiste n’a jamais employé. Il disait « ce qui s’est passé ».
La Spirale de l’Histoire, de Miklos Bokor, 1998-1999.
Le vertige naît de ce que les murs, celui de la Bible et celui de la Shoah avancent d’un même mouvement, donnant une sensation de continuité et de vie. « Baharta bahaim », enseigne la Torah, « tu choisiras la vie ». Malgré l’horreur, c’est ce qu’a fait Bokor. Toujours habité par les mêmes lancinantes questions : comment créer après la Shoah ? Comment dire l’anéantissement ? Comment réhabiliter l’homme ? Il dit à Yves Bonnefoy : « Longtemps j’ai perdu la définition de l’homme… il me paraît à nouveau que l’essentiel de l’art, ce doit être d’inscrire cet humain dans son siècle. » Cependant Bokor ne veut pas témoigner, ne peint pas avec sa tête, ne réfléchit pas. C’est au-delà. « L’humanité est menacée, rien ne sert de décrire, il faut toucher au plus profond », confie-t-il encore à Bonnefoy. Il choisit la métaphysique pour aller à ce plus profond et au plus haut.
Ses mains
Avant d’entrer, il y a la porte. Deux mains sortent d’une plaque d’airain, paumes tournées vers le visiteur. Ce sont celles de l’artiste, coulées par le forgeron. Elles rappellent la bénédiction des Cohen, les prêtres, qu’on trouve sur des tombes juives. L’écartement des doigts forme les trois barres de la lettre hébraïque shin, dont est dérivé un des noms de Dieu – Shaddai. Bokor le savait-il ?
Comme l’écrit Raphaël Daubet, on est saisi « d’effroi en pénétrant dans la chapelle, c’est un foisonnement de membres, de fémurs, de troncs. Une foule de squelettes désarticulés. Des silhouettes décharnées, levant les bras au ciel, hurlant… » La fresque peinte sur les murs, du sol au plafond, est un vertige d’incisions plus ou moins profondes, de lignes blanches verticales, obliques, horizontales. Une foule en marche obsédante. Du blanc, de l’ocre, du gris, parfois du bleu. Au sol, Bokor a fait du rocher qui tenait lieu d’autel une sépulture symbolique pour ses parents et son fils. Elle est aujourd’hui protégée par une vitre. Il faudrait des pages et des pages pour raconter cette œuvre. Elles ont été écrites par Saralev Hollander, qui a suivi « ces chemins anéantis où nous ne cessons d’aller », titre de son magnifique livre sur Miklos Bokor[3]. Oui, il faut aller avec ce qui a été anéanti. Bokor ne cherche pas à reproduire mais à « réhabiliter la dimension de l’homme dans l’espèce humaine », explique-t-elle. Ici, seulement des corps humains, nulle représentation d’objets, sauf un bonnet, celui que Bokor a lancé à son père à Auschwitz pour qu’il se couvre. « Autzen ab ! » (« Enlevez les bonnets ») : hurlaient les gardiens pendant le comptage. Douleur indicible, Miklos n’a jamais revu son père après ce geste gravé là, dans la pierre, tout comme la silhouette de ses parents, de dos, sur un petit mur d’au revoir, près de la porte, en sortant. Inoubliable.
Les mains de l’artiste, coulées dans une plaque d’airain.
Le sauvetage
Miklos Bokor meurt en 2019. Son fils, puis sa femme le suivent peu après. En 2023, il n’y a plus d’héritiers directs. La chapelle revient à des petits neveux et nièces qui la mettent en vente au prix de 500 000 euros, prix fixé en fonction de la cote des tableaux de l’artiste. Des fuites sont repérées dans le toit en lauzes. Le chef-d’œuvre risque d’être endommagé. Il faut agir au plus vite. Les héritiers font bâcher la toiture pour 15 000 euros.
Mais une mobilisation s’organise. Pas question de vendre la chapelle à des particuliers ! Le sénateur, le maire et d’autres, des amis de Bokor montent au créneau, alertent la presse et la préfète qui se rend sur les lieux. Autre défenseur de l’œuvre, Charles Soubeyran, critique d’art indépendant, laïque et universaliste, vit là depuis des décennies. Bourru derrière la pipe qu’il ne lâche pas, c’est un acteur important de la vie culturelle de la région. Il crée un collectif et envoie une pétition à la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, soutenant que la chapelle s’inscrit dans une démarche très ancienne de dénonciation des horreurs de la guerre, comme certaines œuvres de Goya ou le Guernica de Picasso. Grâce à sa notoriété et celle de Raïssa Blankoff, ancienne journaliste et voisine – et, me semble-t-il, la seule juive rencontrée dans cette histoire –, quelques signatures prestigieuses figurent sur la pétition.
Le sénateur Daubet prend notamment attache avec la DRAC (direction régionale des affaires culturelles), le département du Lot et le Mémorial de la Shoah. Sans succès. Des controverses éclatent. Tout le monde a son idée sur l’avenir de la chapelle. Raphaël Daubet n’en démord pas : elle doit appartenir à la collectivité. « Après le 7-Octobre, il est impératif de faire classer la fresque de Bokor au patrimoine national », affirme-t-il. Le maire de Martel, Yannick Oubreyrie, n’en pense pas moins et s’acharne à convaincre son conseil municipal : la chapelle doit appartenir à la commune. Reste à convaincre les héritiers d’abandonner ce prix exorbitant de 500 000 euros. Finalement, les bonnes nouvelles s’enchaînent : Cauvaldor, la communauté de communes, accepte d’être coacquéreur, le prix est fixé à 66 000 euros et le classement au patrimoine national est accepté. La chapelle de Maraden de Miklos Bokor est sauvée grâce à la volonté de quelques-uns, contre l’indifférence ou la bêtise d’autres. Fin septembre, une cérémonie émouvante a réuni au Sénat les responsables du patrimoine et les élus de Martel et du Lot. Il s’agit désormais de faire connaître la chapelle pour financer son entretien. « Nous prévoyons de reproduire la fresque pour l’adosser au musée de Martel, au risque d’atténuer, c’est vrai, la force émotionnelle du lieu quand on est dedans, déclare Yannick Oubreyrie. Nous détenons un chef-d’œuvre, nous le ferons visiter à de petits groupes, notamment de collégiens, ou pendant les Journées du patrimoine, mais pas question de voir débarquer des cars de touristes ! »
Qui sait, peut-être que dans quelques générations, le monde entier connaîtra La Spirale de l’Histoire, ce tatouage funeste de la Shoah qu’un artiste juif revenu des camps a imprimé sur les murs à la manière des hommes préhistoriques.
Pour faire un don à la chapelle de Maraden : « Chapelle de Maraden à Martel », fondation-patrimoine.org.
[1] Miklos Bokor, Paul Wiener, Peut-on en finir avec Hitler ?, L’Harmattan, 2010.
[2] Raphaël Daubet, Vieux pays, Toute Latitude, 2025.
[3] Saralev H. Hollander, Miklos Bokor, la fresque de Maraden : par les chemins anéantis nous ne cessons d’aller, Meridianes, 2022.
Gérard Courtois raconte la Ve République comme un roman « national », dans son dernier livre, La saga des élections présidentielles: De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron (Perrin, 2025)
Avec La Saga des élections présidentielles : De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron, Gérard Courtois retrace soixante ans de vie politique française. Au fil des campagnes, l’ancien éditorialiste du Monde raconte l’ascension puis l’essoufflement d’une institution longtemps considérée comme le cœur battant de notre nation. Une fresque électorale qui dit, parfois malgré elle, le glissement d’une France verticale vers une démocratie d’opinion fragmentée.
De Gaulle–Mitterrand : l’âge mythologique de la Ve République
Les premiers chapitres évoquent une époque que l’on croirait presque légendaire. 1965 : de Gaulle accepte de se soumettre au suffrage universel, comme un chef convoqué par son peuple. 1981 : Mitterrand, après vingt-trois ans de combats politiques, conquiert l’Élysée comme on atteint un sommet promis depuis longtemps.
Pour Courtois, ces campagnes fondatrices ont une dimension épique. Elles ne se résument pas à des alliances, des petites phrases ou des sondages : elles mettent en jeu des visions du pays. Les candidats s’affrontent sur des conceptions du destin français. Le général incarne la souveraineté, Mitterrand la culture et la durée historique. Et les adversaires eux-mêmes partagent l’idée que la France a une vocation singulière.
Cette période n’est pas qu’un souvenir politique : elle illustre un cadre mental. La présidentielle n’est pas encore une compétition médiatique ; elle reste une bataille de légitimité, presque une cérémonie d’intronisation républicaine.
De Chirac à Hollande : la politique avalée par la démocratie d’opinion
Le centre du livre marque un tournant. À partir des années 1990, Courtois décrit une vie politique désormais rythmée par les courbes de popularité et les commentaires en plateau. Chirac est élu en 1995 sur le thème de la fracture sociale, puis triomphe en 2002 plus par accident de l’histoire qu’au nom d’une volonté populaire structurée. Le « front républicain » qui en naît, présenté comme un réflexe unanime, se révèle être une construction fragile dont il ne reste aujourd’hui plus qu’une ombre.
Avec Nicolas Sarkozy, l’Élysée devient un théâtre. Hyperactivité, communication constante, accélération permanente : la fonction présidentielle s’épuise au rythme même où elle cherche à se réinventer. François Hollande, lui, accède au pouvoir presque malgré lui. Son élection de 2012 apparaît comme la victoire d’un style plus que d’une vision — ou plutôt comme le rejet d’une personnalité. Dans cette séquence, la Ve République perd ce qui faisait sa force : l’enracinement d’une autorité reconnue. Le président n’incarne plus ; il gère. Il ne trace plus une voie ; il ajuste un rapport de forces mouvant.
Macron : rupture réelle ou simple reconfiguration du vide ?
En 2017, Emmanuel Macron joue de l’effondrement des partis traditionnels pour s’emparer du pouvoir à la manière d’un entrepreneur politique. Il recueille les espoirs de ceux qui ne croient plus ni à la gauche ni à la droite — mais sans forcément leur proposer un cadre idéologique durable. En 2022, sa réélection s’explique moins par un élan populaire que par un paysage fracturé. Et Courtois montre comment le chef de l’État occupe l’espace en l’absence d’adversaire capable de structurer un récit national alternatif. Derrière l’analyse, un constat : si le président Macron règne, c’est aussi parce que la fonction elle-même s’est distendue. L’autorité présidentielle n’est plus transcendante ; elle se fond dans la gestion pragmatique d’un pays divisé.
Une fresque qui dit le malaise d’un pays en quête de centre de gravité
Le livre de Gérard Courtois n’est pas un pamphlet. L’auteur raconte, détaille, contextualise. Mais son travail fait apparaître, presque en creux, la fin d’un cycle. La présidentielle, pensée comme le pivot de la vie nationale, s’est transformée en rituel médiatique où l’émotion prime sur le projet, et où le vote exprime davantage des humeurs que des convictions.
La Ve République, conçue pour un peuple rassemblé autour d’une figure d’incarnation, se retrouve confrontée à une société fragmentée. Ce que révèle cette « saga », c’est la persistance d’un vide symbolique que les campagnes électorales ne parviennent plus à combler. La France élit toujours un président, mais elle ne se reconnaît plus tout entière dans la figure qu’elle porte à l’Élysée.
« Le bonheur n’est-il pas l’une des formes de l’étourderie ? » Cette phrase ne peut provenir que d’un écrivain, d’un grand écrivain. François Cérésa, on le sait, en est un. Auteur d’une quarantaine d’opus, primé par les plus grand prix littéraires (Grand Prix de l’Académie française Michel-Déon ; prix Denis-Tillinac, prix Paul-Léautaud), on sait déjà qu’il excelle dans la littérature traditionnelle (romans, récits, nouvelles) ; ce qu’on sait moins c’est que depuis quelque temps, il excelle tout autant dans la littérature de genre : polar, romans noirs. La preuve : il nous propose La mouche qui se lavait les mains dans un verre d’eau, un thriller exaltant et haletant qui, d’un bout à l’autre, nous tient en haleine.
Champignons
Il nous convie à suivre pas à pas un couple de Parisiens bobos, la délicieuse, délurée et très blonde Rachel, et son mari très permissif, très compréhensif, Louis, médecin blasé, calme en apparence mais qui cache bien son jeu. Ils décident de quitter la capitale pour s’installer en Auvergne. Le coin est charmant, verdoyant et bucolique ; leur nouvelle maison, confortable. Il y a un lac magnifique, et un mystérieux cimetière qui fait jaser. Tout pourrait aller pour le mieux mais, non, ça coince quelque part. Serait-ce le métier (critique de cinéma d’horreur!) de la très sensuelle et coquine Rachel qui serait le vilain grain de sable dans la mécanique bien huilée du bonheur ? Serait-ce le fait qu’elle collectionne les gigolos ? Serait-ce l’aura bizarre de leur voisin Just, bûcheron de son état, ancien gilet jaune, militant de la France insoumise ? Ou serait-ce encore Papa Momo, le père de Rachel, grabataire après un AVC provoqué par les excès divers, qui, en fauteuil roulant, ne parvient quasiment plus à parler et qui, parfois, leur casse carrément les pieds ? En parlant de pieds, Kévin, le podologue qui pue des pinceaux, praticien dans le même cabinet médical fondé par Louis, serait-il à l’origine de l’atmosphère qui, au fil des jours, empuantit leurs existences ? Et puis qu’a-t-il tout au fond de lui-même, le Louis, à s’enfermer des heures dans le cabanon de son jardin ? (On apprendra qu’il y confectionne avec gourmandise des engins de torture.)
Détestations
Résultat : tout le monde eût pu s’aimer, se respecter, profiter de la magnifique Auvergne. Non. Il n’en est rien. Tout le monde s’épie, se déteste. Chacun commence à craindre pour sa vie, d’autant qu’une partie de la joyeuse communauté a failli y passer après la dégustation de champignons (des Inocybes de Patouillard). Pendant ce temps, les ombres continuent à rôder autour de la maison, certaines équipées de fusil… On en saura un peu plus quand Rachel invitera Alex, son jeune amant, à manger. Tout cela se finira-t-il très mal ?
François Cérésa nous intrigue, nous inquiète, nous fait rire. En un mot : avec ce thriller vif comme les eaux du barrage de Villerest, il a réussi son coup. On en redemande.
La mouche qui se lavait les mains dans un verre d’eau, François Cérésa ; éd. Glyphe ; 239 pages.
La justice impose de reconnaître les mariages gays entre États membres de l’UE. Comme d’habitude, c’est la méthode progressiste du fait accompli qui s’impose face à la souveraineté des nations, observe Elisabeth Lévy.
Tous les pays européens devront désormais reconnaître les mariages homosexuels conclus dans un autre pays. Jakub et Mateus, un Polonais et un Allemand-Polonais mariés en Allemagne ont obtenu, par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la reconnaissance de leur union en Pologne, où le mariage gay n’existe pas. Refuser cette reconnaissance serait selon la Cour « une atteinte à leur liberté de circulation » et au « respect de la vie privée et familiale », qui les obligerait « à vivre en tant que célibataires » dans leur pays.
Méthode progressiste du fait accompli
Comme d’habitude, c’est la méthode progressiste du fait accompli. Mariés en France = mariés en Pologne. Plus curieux est ce droit à une vie familiale normale (Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme) au nom duquel on interdit l’expulsion de malfaisants parce qu’ils ont le droit de pouponner leurs enfants français. De même, un texte européen impose la reconnaissance des enfants nés par GPA dans toute l’UE. Vous me direz qu’il s’agit de véritables petits enfants, auxquels je ne souhaite que du bien ; mais ils ont toujours un parent biologique, et ils pourraient parfaitement bénéficier d’un statut légal sans que l’on soit contraint de valider une pratique interdite presque partout en Europe.
Qu’est-ce que ça peut vous faire que des homosexuels se disent mariés en Pologne ? me dira-t-on. Donc, selon cette logique, tout citoyen doit payer les impôts votés par son Parlement mais chacun fixerait à sa convenance les règles du mariage et de la filiation. C’est mon choix, c’est mon droit ! En réalité, c’est la négation même de l’existence de communautés politiques réduites à une collection d’individus.
Je suis évidemment ravie pour les heureux époux, mais c’est une question de souveraineté. Même si la CJUE prétend le contraire, son arrêt oblige la Pologne à reconnaître de facto le mariage gay. Le statut personnel n’est pourtant pas une compétence européenne. C’est aux citoyens de chaque pays de décider.
C’est toujours le même procédé. L’extension du domaine du droit permet à un tribunal de supplanter la souveraineté nationale. Au nom des droits individuels toujours supérieurs aux droits des nations. Le tout assorti d’un chantage au sentiment : condamnerez-vous ce joli bébé à n’avoir qu’un parent officiel? Priverez-vous ces amoureux des joies de la respectabilité ? Ce serait tellement cruel !
En réalité, cet arrêt de la CJUE est une nouvelle attaque contre les frontières et contre les nations considérées par nos juges comme des obstacles à l’épanouissement des individus. Dans cette logique, on ne voit pas pourquoi on priverait une femme habituée à porter sa burqa en Espagne de ce délicieux accoutrement en France. À ce compte-là, donnons les clefs aux juges et à la Commission européenne et fermons les Parlements nationaux. On fera des économies.
Un grand vent de modernité souffle depuis quelques semaines sur la cathédrale de Cantorbéry, chef-d’œuvre de l’art gothique perpendiculaire situé à 80 kilomètres de Londres. Le 3 octobre, Sarah Mullally, 63 ans, y a été nommée archevêque, devenant ainsi la première femme à accéder au poste de primat de l’Église d’Angleterre. Plus décoiffant encore, le 17 octobre, une exposition d’un genre inédit a été inaugurée à l’intérieur de la nef. Intitulée « Écoutez-nous », elle a été conçue par des représentants de minorités (Indiens, Caribéens, handicapés mentaux et LGBTQIA+), qui ont tagué les murs et les piliers avec des messages adressés à Dieu, tels que : « Pourquoi as-tu créé la haine alors que l’amour est bien plus puissant ? » et « Es-tu là ? ».
Sans surprise, l’opération a scandalisé de nombreux croyants au Royaume-Uni, mais aussi à l’étranger puisque le vice-président américain J. D. Vance, fervent catholique, a estimé sur X que ces graffitis – heureusement effaçables – ont « rendu un magnifique bâtiment vraiment laid ». Le doyen de la cathédrale, le révérend David Monteith, s’est justifié en indiquant qu’il s’agissait là du « langage de ceux qui ne sont pas entendus », ne voyant manifestement pas combien il est insultant pour les vrais pauvres, les vrais malades et les vrais exclus de les réduire à la sous-culture du vandalisme urbain, à une révolte métaphysique ultra-convenue et, peut-être pire encore, à une incapacité artistique, dans un sanctuaire chrétien, à glorifier ce qu’il y a d’humain dans le divin et de divin dans l’humain.
Ce n’est pas la première fois que des hauts lieux spirituels britanniques ont recours à des concepts publicitaires ringards pour attirer les visiteurs. En 2019, la cathédrale de Norwich a accueilli en son sein pendant dix jours un toboggan de fête foraine. La même année, un minigolf a été installé dans la cathédrale de Rochester. Et sont annoncées prochainement des soirées disco dans les cathédrales de Chelmsford et de Durham.
Suite à l’inquiétant sondage de la semaine passée consacré aux musulmans français et leur rapport à l’islamisme, l’affaire prend soudainement un tournant judiciaire. Sur BFMTV, le directeur Opinion de l’Ifop, Frédéric Dabi, a déclaré hier: «L’Ifop a décidé de porter plainte contre deux députés de La France insoumise qui nous ont mis une cible dans le dos», précisant que la procédure viserait les élus Bastien Lachaud et Paul Vannier.
Le sondage IFOP révélant la progression d’un islamisme d’atmosphère dans la jeunesse musulmane est violemment attaqué. On dirait que l’IFOP a mis les pieds dans le plat. Quatre associations musulmanes portent plainte. Le recteur de la Grande mosquée s’énerve. Le Monde a déniché des spécialistes qui trouvent très dangereux d’interroger les musulmans sur leurs pratiques religieuses parce que cela en ferait des sous-citoyens. Edwy Plenel dénonce des raccourcis et des approximations dans un tweet interminable. Interroger les Français sur leurs pratiques religieuses, c’est pourtant l’ADN de l’IFOP depuis les années 50.
Des questions « islamophobes » ?
Les attaques les plus violentes et déplaisantes sont évidemment venues des Insoumis. Mélenchon dépeint notre ami Frédéric Dabi en ami de Netanyahou. Le député du Val d’Oise Paul Vannier parle d’une « enquête bidon d’IFLOP, destinée à servir l’agenda islamophobe de l’extrême droite » – c’est gratiné. Il balance aussi la journaliste Nora Bussigny et le commanditaire du sondage, Ecrans de veille, en surlignant dans son tweet leur adresse ce qui en bon français veut dire allez leur casser la figure. Quant au député de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud, il pointe un « récit anxiogène destiné à flatter l’idéologie de l’extrême droite ». Tous ces gens n’ont pas beaucoup d’imagination.
Les arguments employés sont misérables. L’échantillon ne serait pas pertinent, nous disent-ils. Mais le même échantillon a pourtant été utilisé dans un sondage sur les discriminations pour la mosquée de Paris sans susciter de réaction il y a un mois. Étrange… Quant aux questions prétendument orientées, beaucoup ont été élaborées pour Le Monde à la grande époque où Edwy Plenel dirigeait le journal qui a financé et publié plusieurs des précédentes enquêtes sur le sujet.
Incitation au séparatisme
Alors comment expliquer cette levée de boucliers ? C’est très simple : le sondage montre une réalité que LFI et nombre d’institutionnels musulmans veulent cacher. Le problème, pour eux, n’est pas qu’un nombre considérable de jeunes musulmans refusent de serrer la main d’une personne de l’autre sexe ou trouvent que la religion a raison contre la science, c’est qu’on le dise. D’ailleurs, jusqu’à la polémique, les médias de gauche ont largement fait l’impasse sur le sondage.
Ces réactions confirment ce qu’on sait. Non seulement une partie des musulmans français est happée par l’islamisme, mais elle fait également preuve d’une intolérance épidermique à toute critique décrétée « raciste ».
Ceux qui prétendent les défendre et qui en fait les utilisent et les encouragent au séparatisme n’ont que l’invective et la menace à la bouche. L’IFOP annonce qu’elle porte plainte contre Vannier et Lachaud. Bravo. Ras-le-bol de ces petits gardes rouges-verts. Pour disqualifier un propos ou une personne ils n’ont qu’une insulte à la bouche : extrême droite. À force d’entendre leurs mensonges et dénis beaucoup de Français finiront par penser que c’est le réel qui est d’extrême droite.
Cette chronique a été diffusée ce matin sur Sud radio
À l’approche des fêtes, la volonté du gouvernement de suspendre Shein pendant trois mois apparait comme un geste fort. Pourtant, si cette mesure peut sembler légitime face aux dérives de la marque, elle est vécue par beaucoup comme une forme d’injustice sociale. S’il est urgent de réguler, encore faut-il le faire intelligemment: punir les excès, oui, mais sans sacrifier l’accès à la mode pour celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Le 26 novembre se tiendra, au Tribunal judiciaire de Paris, une audience en référé appelée à statuer sur la suspension provisoire, pendant trois mois, de la plateforme Shein en France, à la demande du gouvernement. Un jugement qui intervient alors que la marque est mise en cause pour ses pratiques commerciales, et notamment pour la mise en vente de produits illégaux : on pense évidemment aux « poupées sexuelles » proposées par des vendeurs tiers et qui ont réussi à passer les filtres de modération. L’audience revêt un caractère symbolique et juridique : symbolique parce qu’elle marque la volonté de l’État de contrôler un acteur de la mode à très bas prix, quitte à « faire un exemple » ; juridique parce que la décision pourrait constituer une jurisprudence majeure pour l’encadrement des plateformes de e‑commerce.
Débranché pour Noël ?
Mais ce qui interpelle avant tout, c’est le timing de cette audience. Si le Tribunal de Paris actait la fermeture temporaire de la plateforme, cette suspension interviendrait juste avant les fêtes de fin d’année. Or les Français, qu’on le déplore ou non, ont massivement recours à la fast‑fashion, qui constitue pour eux une façon économique d’avoir accès à des vêtements branchés, ou de faire des emplettes et cadeaux sans avoir à briser leur tirelire. Ainsi, selon un récent sondage réalisé par le cabinet Norstat Express pour la revue L’Hémicycle, 100 % des Français déclarent avoir acheté l’une des marques considérées comme de la fast fashion dans les douze derniers mois (Shein, Temu, H&M, Zara, etc.), tandis que 70% d’entre eux déclarent avoir régulièrement recours à ces marques, une proportion qui grimpe à 88% parmi les 18-35 ans.
Un plébiscite largement lié au prix. Selon une étude Ipsos, 62% des Français affirment que, loin devant la durabilité, le prix est leur critère principal d’achat. Et pour cause : plus de 46 % déclarent dépenser moins de 50 euros par mois pour s’habiller. Et les conditions de fabrication dans tout ça ? En dépit de l’indignation médiatique, elles n’intéressent, dans les faits, que peu les Français. Ainsi, seuls 7% des sondés interrogés par le cabinet Norstat Express ont placé l’impact environnemental en tête de leurs critères d’achat. A contrario, près de huit consommateurs sur 10 se désintéressent purement et simplement des questions éthiques.
Écume médiatique et mépris de classe
J’ai pu, dans mon propre entourage, prendre la mesure de ces chiffres, et du divorce consommé dont ils témoignent entre l’écume médiatique et la réalité du quotidien, fait de fin de mois difficiles et d’achats pragmatiques avant d’être idéologiques. Ainsi, beaucoup de mes proches m’expliquent qu’acheter chez Shein, à raison d’une fois par mois, c’est d’abord une façon d’avoir des pièces à la mode « sans exploser son budget ». Ils sont nombreux à évoquer un sentiment de « dignité ». Toujours dans mon entourage, de nombreuses personnes soulignent que la mode dite « éthique » coûte trop cher pour constituer une réelle alternative. Pour nombre d’entre elles, la mode est aussi un marqueur d’appartenance: se vêtir « stylé » compte, même quand les moyens sont limités. Certaines, enfin, évoquent leur difficulté à trouver des vêtements « cool et de grande taille à petit prix ».
Une crainte revient souvent: que derrière la volonté de régulation de Shein ne se cache une forme de « chasse aux pauvres ». J’ai ainsi beaucoup entendu cet argument : « ne taxons pas seulement Shein pour punir et faire un exemple, mais refondons le système pour que chacun puisse accéder à une mode juste. » Une autre remarque m’a semblé édifiante : « Shein au BHV, c’est choquant. Mais si Shein avait ouvert dans une zone populaire, est-ce que le débat aurait été le même ? » Autrement dit, reproche-t-on à l’enseigne chinoise ses pratiques commerciales, ou de permettre à des personnes issues de milieux populaires d’avoir accès au beau, non seulement pour leur garde-robe, mais aussi sur leurs lieux d’achat ? Cette charge anti-Shein n’est-elle pas, à bien des égards, révélatrice d’un véritable mépris de classe ?
Moralité à peu de frais
Alors oui, il importe de réguler les marketplaces afin de ne pas les laisser faire n’importe quoi. Mais pour que cette régulation soit cohérente et crédible, elle ne peut pas se limiter à Shein. D’autant que plusieurs autres marketplaces, dont Temu, Amazon, AliExpress, Wish et Joom, ont été signalées pour des pratiques douteuses voire illégales : des ventes de produits non conformes, des contenus extrêmement préoccupants comme, là aussi, des poupées sexuelles d’apparence enfantine ou des armes de catégorie A. Ne fermer que Shein, c’est fournir des arguments à la plateforme, qui aura beau jeu de se plaindre ensuite d’être victime d’une forme de procès politique…
Dans une interview accordée ce 24 novembre à RTL, Michel-Edouard Leclerc a eu l’occasion de dénoncer les « postures » d’une partie de la classe politique, qui s’offre dans sa croisade contre le géant chinois une moralité à peu de frais. Laissons-lui le mot de la fin : « À titre personnel, je trouve ça con [d’attaquer Shein] au moment où Carrefour est en Chine, Galeries Lafayette est en Chine. Tous les commerçants des grandes marques de Bernard Arnault, de (François-Henri) Pinault sont en Chine. Les galeries d’art sont en Chine ». Et si, à bien y regarder, les pauvres n’étaient pas les seuls à subir le contrecoup des assauts de nos dirigeants contre ce bouc émissaire tout désigné ?
À Libourne, Nicolas Vanier est le secrétaire du Père Noël pour 2025
Cette année, un Père Fouettard vert remplacera-t-il le Père Noël ? Transformer la magie de Noël en séance d’endoctrinement écologiste: voilà l’idée lumineuse de La Poste, qui a confié à Nicolas Vanier la mission de répondre aux lettres adressées au Père Noël par plus d’un million d’enfants. Au lieu des cadeaux rêvés par les petits, place à la morale verte ?
« Cher petit Pierre,
J’ai bien reçu ta lettre, qui, hélas, a émis beaucoup de CO₂ en traversant la France. Tu as donc contribué, sans le vouloir, à aggraver l’état catastrophique de notre belle planète et à augmenter ton empreinte écologique. Mais comme c’est la fête de l’Hiver, je te pardonne.
Tu demandes un avion en Lego. J’en ai bien un, tout neuf, juste à côté de moi. C’est un très joli jouet. Mais sais-tu qu’un avion pollue énormément ? Ce rêve-là est trop écocidaire et beaucoup trop hétéronormé. Il ne faut plus le faire. Je préfère t’envoyer à la place un kit-tricot écoresponsable, avec de la laine de moutons homosexuels sauvés de l’abattoir et élevés dans une ferme gay-friendly en Allemagne. Grâce à ce kit 100 % écoresponsable et labellisé LGBTQIA+ compatible, tu pourras fabriquer toi-même de merveilleux pulls à col roulé inclusifs, avec un message brodé en laine épaisse rose fluo : “I WOOL SURVIVE”.
Cela t’apprendra à te passer de chauffage, si destructeur pour le climat, et à entrer, dès cinq ans, dans une démarche responsable de déconstruction du “genre”. Je te souhaite de très belles fêtes d’Hiver, avec la bénédiction de la sainte patronne de la Terre, Gaïa. »
Voilà donc à quoi pourrait ressembler la magie de Noël d’ici quelques années : une séance de culpabilisation climatique qui transformerait la lettre au Père Noël en série de commandements écologiques.
C’est en tout cas la mission confiée à l’explorateur-prêcheur écolo Nicolas Vanier, choisi cette année pour répondre aux lettres adressées au Père Noël à Libourne. Collapsologie oblige, le cinéaste veut désormais « sensibiliser » les plus jeunes au réchauffement climatique : « C’est l’enjeu capital pour la jeunesse, qui va à la fois hériter de cette terre très malade et qui, je l’espère, va conduire le changement », explique-t-il.
Revenons aux fondamentaux. Une lettre au Père Noël, c’est un enfant qui confie ses rêves de cadeaux au vieux monsieur à la barbe blanche et aux yeux rieurs. Voitures téléguidées, Lego, poupées, circuits, vélos… tous ces cadeaux longtemps désirés avant Noël et qui apparaissent comme par magie au pied du sapin. La lettre au Père Noël est un espace littéraire où l’imagination se déploie, où tout devient possible. Mais voilà : en 2025, les écologistes ont cette fâcheuse tendance à voler les rêves. On se souvient de la maire écologiste de Poitiers, qui déclarait en 2021 que « l’avion ne doit plus faire partie des rêves des enfants ». Et parce que le merveilleux doit désormais se plier aux injonctions progressistes, même la scénographie de Noël est déconstruite et réécrite, comme à Nantes en 2023 où le Père Noël a été effacé et remplacé par une « Mère Noël » et les décorations traditionnelles remplacées par des lumières d’un inesthétique vert criard. L’essentiel n’est plus d’émerveiller, mais d’endoctriner.
Avec Nicolas Vanier, on peut craindre que le Père Noël ne mute en Père Fouettard vert. Avant, il fallait être sage, écouter ses parents, bien travailler à l’école. Aujourd’hui, les bons points se mesurent en émissions carbone non rejetées dans l’atmosphère. Et l’enfant le plus méritant n’est plus celui qui fait ses devoirs et obéit à ses parents, mais celui qui pratique le tri sélectif et surveille les membres de la famille qui se trompent de bac de recyclage. On peut craindre que cette moralisation climatique, appliquée aux plus petits, ne produise exactement l’inverse de ce qu’elle prétend prévenir : de l’angoisse, de l’éco-anxiété, de la culpabilité, voire de la haine de soi. Et dire qu’on s’inquiète de la santé mentale des jeunes…
Mais le plus savoureux est ailleurs : celui qui prétend aujourd’hui éduquer les enfants à la vertu climatique n’aurait pas lui-même toujours brillé par son comportement écologique. Certains écolos bien plus radicaux que lui l’accusent d’avoir provoqué la perte de 500 œufs de flamants roses en Camargue lors du tournage de Donne-moi des ailes en 2018. Quant à son camp de chiens de traîneaux ouvert dans la Drôme en 2011, il avait lui aussi suscité de nombreuses controverses : attaques, brebis tuées, sécurité inexistante… jusqu’à sa fermeture administrative en 20141. Pas un cadeau !
Sous le pseudonyme d’Émie de Rolles, Jacques-Émile Miriel, critique littéraire et cinéphile brestois, féru de culture et présentateur inspiré de séances au cinéma Les Studios à Brest, signe avec Les Inféconds une œuvre d’une belle intensité spirituelle. Habité par la tradition des moralistes et des libertins, Miriel conjugue lucidité et sensualité, ironie et gravité, pour sonder les abîmes d’une époque où la transmission — spirituelle, charnelle, artistique — semble s’être éteinte. Le cinéma, présent dans l’univers du roman, irrigue sa pensée et ses images, mais n’imprime pas sa forme : il agit comme un contrepoint poétique, un miroir du monde.
Entre Paris et la Bretagne : les territoires de l’âme
L’action se déploie entre une grande ville et la Bretagne. Le protagoniste, Pierre, critique littéraire et catholique attaché aux messes tridentines, incarne la figure du dandy moderne, partagé entre foi et désir, entre lucidité critique et quête d’absolu. Pour lui, l’art — littérature, peinture, musique, cinéma — est la plus haute expression du monde, peut-être même son sanctuaire sacré.
Pierre, Jonas et l’Abbé de Frassout : figures de la foi et du doute
Jonas, son cousin, jeune aristocrate catholique désœuvré, est hanté par un passé douloureux — les attouchements subis dans son adolescence par le Révérend Père Soufflot. Accompagné de Pierre, il dialogue longuement avec l’Abbé de Frassout, son confesseur. Ce dernier, attentif et cultivé, apparaît comme une conscience lumineuse, un théologien profond et miséricordieux, dont la parole apaise. Saint Augustin, Pascal et les Évangiles, mais aussi Casanova ou Rousseau, sont des penseurs essentiels pour Pierre, le narrateur. Tandis que la fièvre mystique et la noirceur de Dostoïevski inspirent Jonas.
Cécile et Fanny : visages du désir et de l’amour
Cécile, jeune fille de la bonne société parisienne, incarne quant à elle cet obscur objet du désir partagé entre Pierre et Jonas : elle représente la beauté inaccessible, la pureté qui aimante et déchire. Mais c’est en Fanny, jeune femme moderne et libre rencontrée en Bretagne, que Pierre trouve un écho charnel et vivant à sa quête intérieure. Leurs amours, dans le manoir familial de Jonas, tout près des plages sauvages de l’ouest du Finistère, sont décrites avec une intensité sensuelle.
Au cœur du roman se déploie le mystère de la société secrète des Inféconds, cercle initiatique où Pierre est introduit par le Maître Clovis Ranger. L’initiation de Pierre — scène à la fois libertine et rituelle menée par Maîtresse Babou, prêtresse du rite — évoque une liturgie de la chair, portée par la musique hypnotique d’Alan Vega et inspirée à la fois par l’esthétique littéraire du XVIIIᵉ siècle libertin et Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick. Le romancier y retrouve une tension essentielle : la recherche de Dieu à travers le corps, la tentation d’un salut dans le vertige du plaisir. Pour être définitivement accueilli comme membre du Club des Inféconds, il devra faire une conférence à partir d’une phrase extraite de l’Épître aux Hébreux.
Le cinéma, miroir poétique du réel
Si le cinéma affleure souvent dans le texte — Kubrick (Eyes Wide Shut), Hitchcock (La Main au collet) —, c’est moins pour en reproduire les formes que pour en rappeler la puissance visionnaire : la scène où Jonas évoque la mort de la princesse de Monaco sur la corniche de la Riviera devient ainsi symbole de son propre désir d’engloutissement, comme si la beauté même appelait la chute.
Un dandy postmoderne en quête d’absolu
Les Inféconds est le roman initiatique d’un dandy postmoderne, sans attache, toujours en mouvement, cherchant ailleurs, dans le plaisir, la connaissance ou l’aventure, une forme d’absolu et de vérité illustrés par cette citation de Saint Paul dans l’Épître aux Hébreux : Car nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir. Cette novella de tension et d’espérance est une méditation sur la chair et l’âme, la faute et la beauté, la mort et la transmission. Jacques-Émile Miriel y déploie une écriture élégante et précise. Il réfléchit sur la nature humaine, la morale et la fécondité — non seulement au sens biologique, mais aussi intellectuel et spirituel. Dans la stérilité apparente de son époque, il cherche obstinément la germination du sens de la vie, la beauté de l’Art dans ce beau roman, un Autoportrait à la manière du peintre Johannes Gumpp.
Les Inféconds : Novella postmoderne de Émie de Rolles – 2025 – Imprimé par Amazon. 207 pages