Accueil Site Page 1473

Elections européennes: et les vrais gagnants sont…

0

Chaque peuple a élu ses députés européens le 26 mai.
Mais qui a gagné au niveau européen, à la fin ?
Les souverainistes ont fait une forte progression, mais leur poids restera insuffisant pour influer sur les décisions du Parlement.


Pas un jour ne passe sans qu’on nous exhorte à faire confiance à la « sagesse des foules », à exploiter l’« intelligence collective », à faire nôtres des apothèmes de béni-oui-oui comme « Tout seul, on va plus vite ; ensemble on va plus loin. » Et pourtant, notre plus ancien mécanisme de consultation de l’opinion populaire, qui est d’ordre politique et s’appelle la « démocratie », s’empêtre dans des complexités institutionnelles et idéologiques qui, sans la détruire, rendent opaques ses rouages et ses résultats. Les élections au Parlement européen en constituent la démonstration.

Le raz-de-marée souverainiste n’a pas eu lieu

Les partis politiques nationaux des différents Etats-membres proposent des candidats pour les 751 sièges (il en restera 705 quand le Brexit aura eu lieu). Il existe des partis politiques européens, mais ils ne sont présents au Parlement que dans la mesure où ils correspondent à certains des groupes parlementaires, ceux-ci devant rassembler au moins 25 députés représentant au moins 7 des Etats-membres. Lors des premières élections en 1979, le grand espoir était qu’elles contribueraient à faire émerger un espace public européen. En réalité, la plupart des campagnes électorales tournent autour de questions nationales, quand elles ne sont pas, pour chaque électorat, un référendum pour ou contre le gouvernement. Mais elles sont aussi l’occasion de la contestation de l’Union européenne elle-même.

À lire aussi : Macron, vrai vainqueur des Européennes

Les succès des partis dits « populistes » constituent donc d’abord des victoires nationales. Marine Le Pen a légèrement battu Emmanuel Macron dans leur « match », 22 sièges contre 21. Nigel Farage a fait monter la pression sur le gouvernement conservateur pour un Brexit sans accord en envoyant 29 députés à Strasbourg, la cohorte la plus importante pour un seul parti (à égalité avec la CDU-CSU d’Angela Merkel), suivie de près par les 28 de la Lega de Matteo Salvini, désormais renforcé face à son partenaire de coalition en Italie, le Mouvement 5 Étoiles. Viktor Orban a gagné 13 des 21 sièges hongrois ce qui consolide son pouvoir chez lui.

En revanche, au niveau européen, les eurodéputés ne sont influents que dans la mesure où ils appartiennent à des groupes importants où peuvent se former des alliances plus ou moins puissantes. De ce point de vue, le raz-de-marée souverainiste n’a pas eu lieu, leurs deux groupes actuels, l’Europe des Nations et des Libertés (auquel appartiennent le RN et la Lega) et l’Europe de la Liberté et de la Démocratie Directe (auquel appartient le parti de Farage), totalisant 108 députés, ce qui représente certes une progression de 60 sièges, mais très insuffisante pour orienter significativement les décisions du Parlement. Celui-ci, jusqu’à présent, était dominé par une coalition du centre-droit, représenté par le Parti Populaire Européen, et du centre-gauche, rassemblé au sein de l’Alliance Progressiste des Socialistes et des Démocrates. À l’intérieur de cette coalition, passée de 412 sièges à 332, les centristes purs de l’Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe, sous la présidence du bouillonnant Guy Verhofstadt, ont progressé de 67 élus à 105, ce qui leur donne un statut potentiel de faiseurs de rois entre les deux autres.

Macron renforcé, Margrethe Vestager pressentie à la Présidence du Parlement

C’est ici que la défaite relative de Macron se transforme en victoire relative. Les eurodéputés LREM sont destinés à rejoindre le groupe de Verhofstadt, offrant au Président français la possibilité de briser l’ancien équilibre entre les deux groupes dominants et de promouvoir sa vision d’une Europe plus intégrée, écartée jusqu’ici par Angela Merkel. Mais la fragmentation actuelle des groupes rendra l’arithmétique des alliances compliquée en diable.

Il n’est pas inutile de rappeler ici à quoi sert le Parlement. Celui-ci a essentiellement trois fonctions. D’abord, il élit les membres de la Commission et son Président. Ce pouvoir appartenait autrefois au Conseil européen, constitué des dirigeants des états-membres (à ne pas confondre avec le Conseil de l’Europe qui n’est pas une institution de l’UE et qui s’occupe des droits de l’homme). Le Parlement a acquis le droit de voter pour approuver ou désapprouver les candidats à ces postes et, par la suite, pour les renvoyer. Les commissaires sont proposés par les états-membres après un marchandage sur l’attribution des portefeuilles, mais le candidat à la Présidence est normalement issu du premier parti, à savoir le Parti Populaire Européen. Or, la bande à Macron et Verhofstadt est déjà à l’œuvre pour refuser le candidat proposé par les Allemands, le très terne Manfred Weber, et en imposer un autre, peut-être la Danoise, Margrethe Vestager, qui aurait inspiré la série  télé Borgen.

Le Parlement exerce un certain contrôle sur le budget de l’UE. Et en tant que législateur le Parlement vote les lois, la plupart du temps par un processus de codécision avec le Conseil de l’Union européenne, baptisé Conseil des ministres pour éviter toute confusion. Les lois elles-mêmes sont proposées et formulées par la Commission, qui représente l’exécutif de l’UE, mais l’origine de ses projets se trouve la plupart du temps dans les traités internationaux et dans des demandes émanant du Parlement, du Conseil européen et des parlements nationaux. Les parlementaires exercent un pouvoir législatif réel. Il y a ici un paradoxe. Chaque député populiste déplore à l’envi que le pouvoir du gouvernement démocratiquement élu de son pays soit limité par l’Union. Mais une fois au Parlement, ce même député découvre que son propre pouvoir de parlementaire européen n’est pas limité par la Commission mais par le Conseil européen et le Conseil des ministres – autrement dit, par les chefs de son propre gouvernement.

Relire notre reportage : Au RN, tout le monde il est content, tout le monde il est Bardella

Les souverainistes pas les plus bosseurs…

Le Parlement est responsable de lois qui touchent chaque aspect de notre vie, comme celles qui régulent l’usage des produits chimiques en Europe, qui empêchent les opérateurs de réseaux mobiles de facturer le roaming, ou qui obligent les GAFAM à respecter les droits des artistes. Les grands combats qui devraient animer la vie de l’Assemblée strasbourgeoise incluent la défense, l’espace européen de la recherche, le développement de l’intelligence artificielle, le statut des travailleurs détachés, ainsi que l’éventuel renforcement de l’intégration des états-membres…

Mais qui dit combat dit travail, surtout dans les commissions parlementaires. Les souverainistes ne sont pas toujours les plus bosseurs. Selon une mesure de l’assiduité des eurodéputés, Nigel Farage est venu en 745e position. Qu’importe ! Les 73 députés britanniques vont bientôt disparaître. Peut-être. En attendant, il n’est pas sûr qu’ensemble on aille si loin que ça.

Borgen - L'intégrale des Saisons 1 à 3

Price: 44,99 €

19 used & new available from 14,79 €

Restons aux 80 km/heure sur nos routes !


Vouloir repasser à 90 km /heure moins d’un an après la nouvelle limitation est le comble du délire populiste


Le mouvement de protestation contre la limitation de vitesse à 80 km /heure sur les routes à double sens sans séparateur central est exemplaire du réflexe pavlovien de contestation qui caractérise une bonne partie de la population française ! Gaulois « réfractaires » un jour…

De quoi s’agit-il au fond ? Simplement de réduire légèrement la vitesse autorisée pour accroître la sécurité sur les voies les plus dangereuses.

« Paris contre la province » ? « Pouvoir contre le peuple » ?
Fadaises !

Le temps perdu est minime sur un trajet quotidien. Déjà, l’automobiliste ne passe pas son trajet en permanence à 80 ou 90, compte tenu des virages, des traversées de villages et des ralentissements de toutes sortes ! Ainsi, sur une heure de route, ce ne sont pas soixante minutes qui sont effectuées à 80 au lieu de 90. Estimons à 30 minutes le temps réellement passé à 80 sur une heure de route. La perte de temps se situe alors entre 3 et 4 minutes…. Y a-t-il là de quoi crier au scandale ?

A lire aussi : Urssaf, écologie, 80 km/h: cet Etat qui harcèle ses citoyens

Les réfractaires à la nouvelle limitation des 80 km /heure invoquent le grand péché à la mode : le mépris ! Il y aurait dans cette limitation une manifestation du mépris de la ville pour la campagne, de Paris pour la province, et, je vous le donne en mille, du pouvoir envers le peuple. Ne touchons-nous pas là au comble du délire populiste ? Ce délire a en tout cas saisi nombre de partis ou de responsables politiques qui considèrent pourtant ce qualificatif comme une marque infamante en temps normal.

Les bienfaits des 80 km /heure

Quant aux bienfaits des 80 km /heure ils sont évidents, et personne de bonne foi ne saurait les contester : réduction du nombre d’accidents, de morts et de blessés, mais aussi réduction de la consommation de carburant, d’où pouvoir d’achat amélioré. Sans oublier la réduction de la pollution. Tout ceci est tellement aveuglant d’évidence qu’on peut se demander à bon droit quel ressort explique cette protestation. Ou plutôt, il faut supposer qu’en l’absence d’arguments objectifs rationnels, ce sont juste les passions politiques et le réflexe si français de refus de tout ce qui modifie les habitudes qui en sont l’explication.

La question est maintenant : pourquoi remettre en question cette loi qui finissait par entrer dans les mœurs ? La confusion que crée dans les esprits une réglementation incertaine ne peut avoir que des inconvénients. Sur nos routes on ne sait jamais à quelle vitesse nous pouvons rouler, les panneaux de limitations trop nombreux se contredisent constamment et chacun a pu expérimenter le surgissement de la question : quelle est la vitesse autorisée là où je me trouve ? Cette question nous n’avons pas fini de nous la poser…

Éloge de la voiture

Price: 18,90 €

22 used & new available from 1,20 €

« Les élites occidentales sont russophobes »

1

Russie-Occident, une guerre de mille ans. La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne. C’est le titre d’un ouvrage marquant sorti en 2015 par le politicien suisse Guy Mettan. Il y a quelques mois, l’ancien directeur et rédacteur en chef de la Tribune de Genève a renchéri avec Le Continent perdu, un livre portant sur une Union européenne jugée dysfonctionnelle et anti-démocratique. Rencontre avec l’ancien député démocrate-chrétien.


Quelques jours après le résultat des élections européennes, Guy Mettan nous reçoit dans son bureau, à Genève. Dans six mois, il quittera la présidence du Club suisse de la presse, fondé entre autres pour favoriser les échanges entre journalistes suisses et internationaux. Il y a quelque chose de délicieusement paradoxal chez cet homme ancré dans les institutions mais cultivant un esprit critique. A la fois libre et dans la course, Guy Mettan – qui briguera d’ailleurs peut-être un mandat au Conseil national sous une étiquette indépendante en automne prochain – veut assurément changer le système de l’intérieur.

Jonas Follonier : Vous avez publié en 2015 Russie – Occident, une guerre de mille ans. La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne. La nuance et même la sympathie à l’égard de la Russie sont aujourd’hui considérées par la plupart des grands médias comme des élucubrations de l’extrême droite. Ce livre, était-ce une manière de démonter cette idée reçue ?

Guy Mettan : J’ai souhaité retracer l’histoire de la russophobie des Etats-Unis et de l’Europe sur le long terme. Je suis donc parti de Charlemagne avec la première tentative de schisme religieux entre ce que deviendront plus tard le monde catholique et le monde orthodoxe à partir du XIe siècle. Si Charlemagne, que l’on a retenu seulement comme empereur, en a été le premier instigateur, c’est le Saint-Empire romain germanique qui réussira à opérer ce changement dans le dogme de la Trinité dès 962. Je considère la séparation des Eglises d’Orient et d’Occident comme le commencement de la russophobie que je décris. Selon moi, il y a un poids historique qui a pesé jusque dans les rédactions et les partis politiques actuels. La russophobie en Occident est un phénomène constant, mais elle ne s’est pas toujours appuyée sur les mêmes forces sociales et politiques. Cela dépend des circonstances historiques. Au temps du communisme, c’était la droite qui était très antirusse, et notez que la Russie de Catherine II était aussi très appréciée par la « gauche » de l’époque.

A lire aussi: D-Day: Emmanuel Macron n’invite pas Vladimir Poutine

Qu’en est-il alors aujourd’hui ?

Ce qui est à mettre au crédit de Vladimir Poutine, c’est le redressement économique et politique de son pays. Il s’agissait d’une nation plongée dans le chaos, qui avait perdu 40% de son PIB. C’est énorme ! C’est d’ailleurs pour ces raisons que Poutine garde encore aujourd’hui un soutien populaire non négligeable, inexplicable pour l’opinion publique et les dirigeants européens. Evidemment, ayant redonné à la Russie une partie du poids qu’elle avait avant, ce chef d’Etat a été perçu par l’intelligentsia occidentale comme un nationaliste, alors même que l’Occident n’a jamais voulu reconnaître qu’en avançant ses pions de l’Otan sous le nez des Russes, contre l’engagement pris avec Gorbatchev, cet activisme provoque des réactions russes : de crainte et aussi de défense. Tout cela n’est jamais mentionné ! Ainsi, avec le développement du « populisme » en Occident, causé par les manquements d’une Union européenne asservie à la politique néolibérale, Poutine jouit d’une certaine notoriété dans les milieux dits « nationalistes » ou « souverainistes ». Certains parlent même d’extrême droite, mais tout cela est relativement subjectif. Demain, l’Occident sera probablement toujours russophobe, et sans doute pour d’autres raisons qu’aujourd’hui.

C’est une chose de critiquer la politique de Vladimir Poutine, c’en est une autre de cultiver une image négative d’un pays et même d’un peuple. D’où votre terme de « russophobie ». Pensez-vous cependant que les masses européennes ou américaines sont véritablement russophobes, au même titre que leurs élites ?

Vous touchez là à un point essentiel. Je fais une différence très nette entre, d’un côté, le peuple et, de l’autre, les élites médiatiques et politiques. Je pense qu’actuellement, la forme de russophobie qui se développe en Occident est à chercher chez les « élites ». Et en particulier les grands médias ainsi que chez les politiciens européistes, que l’on trouve sans arrêt en train de mettre en avant, à tort la plupart du temps, ce qui serait des méfaits ou des magouilles russes. On constate une énorme propagande au niveau des couches dirigeantes actuelles. Au niveau des peuples, je ne ressens pas cette hostilité. Au contraire, j’ai pu constater un certain intérêt lors de mes conférences, quelle que soit d’ailleurs la sensibilité des personnes ou des organismes qui m’invitaient. A gauche comme à droite.

Quand on dénonce un « deux poids deux mesures », ne court-on pas le risque de tomber à son tour dans un certain manichéisme, dans la critique automatique de la critique ?

Dès que l’on développe une thèse, il y a toujours le risque qu’elle devienne excessive en étant récupérée par certaines franges qui s’en emparent en la surinterprétant. J’en suis conscient quand j’écris, quand je m’exprime et quand je réfléchis. Bien qu’on ait beaucoup cherché à me démolir, personne n’a jamais contesté une seule fois depuis cinq ans ce que j’ai affirmé, car je prends le soin de toujours m’appuyer sur des sources incontestables, sur des faits, sur du concret.

Dans votre livre, vous ne cachez pas la dimension personnelle et affective de votre vision de la Russie. Vous racontez d’emblée que vous avez adopté avec votre épouse une fille russe. Sans le genre d’expériences qui furent les vôtres, pensez-vous qu’il est facile pour l’Occidental moyen d’adopter une vision moins manichéenne, voire russophile ?

C’est effectivement par un événement familial que j’ai découvert la réalité russe et que je me suis sensibilisé à l’injustice qui caractérise son traitement par l’Occident. J’ai constaté comme journaliste que les rédactions se trouvaient en permanence dans l’excès de critiques, d’une part, et dans l’inégale attribution des responsabilités, de l’autre. La Russie peut paraitre agressive, peut-être, mais ce qui est certain, c’est que l’Otan a été encore plus agressive et ce ne sont pas les Russes qui ont pris l’initiative militaire dans les années 1990-2010. De plus, qui a fait la guerre en Serbie, au Moyen-Orient, en Afghanistan, en Irak, en Lybie ? Ce sont les Etats-Unis. Les Russes sont intervenus une seule fois, en Syrie, et on les fait passer pour les grands méchants. L’épisode ukrainien de 2014 a montré que les ingérences occidentales y étaient massives: les Etats-Unis ont reconnu y avoir investi trois milliards de dollars pour opérer un changement de régime. On voit la paille chez Poutine, mais on ne voit pas la poutre dans l’autre camp.

Vous attribuez la russophobie à l’Occident. Pourtant, votre propos est justement de dire que la Russie fait partie de l’Occident !

Oui, c’est tout le paradoxe qui fait que ce climat anxiogène et moralisateur est d’autant plus grave. Lorsque, encore récemment, j’entends dans la bouche d’hommes de pouvoir européens des expressions telles que « ingérence étrangère russe », je me dis qu’on devient fou ! Faisant partie intégrante de l’Europe, les Russes sont chez eux en Europe. C’est faire preuve de propagande que de parler d’« ingérence étrangère russe » ! « Ingérence russe » suffirait à supposer qu’elle soit avérée. Cela participe d’ailleurs de l’amalgame qui est fait entre Europe et Union européenne, par exemple.

J’allais y venir. L’ouvrage Le Continent perdu que vous venez de publier dresse un portrait peu élogieux de l’Union européenne. Dans la liste des dysfonctionnements que vous lui diagnostiquez, le plus grand n’est-il pas le déficit civilisationnel, l’Union cultivant un discours exclusivement économique ?

Tout à fait. Le déséquilibre européen actuel est né de l’absence de projet civilisationnel et de la volonté d’évacuer le politique. Les relations problématiques de l’Europe avec la Russie proviennent probablement en partie de cette absence. La Russie, elle, a un projet de civilisation : il suffit de lire les discours de Poutine. On peut ne pas aimer son étoffe conservatrice, mais là n’est pas la question. Ce qui compte, c’est qu’il y a une vision autre qu’économique et techniciste. Je pense qu’une majorité des peuples européens ressent cette lacune. Comme l’Europe est incapable de s’imaginer comme civilisation en soi, l’émergence de ce qu’on appelle les « populismes » apparaît comme une suite on ne peut plus logique.

Vous plaidez pour une Europe jouant le rôle d’arbitre entre les deux grandes puissances américaine et chinoise. Qu’est-ce qui légitimerait ce rôle ? Et l’Europe a-t-elle les moyens d’imposer sa voix ?

Ce qui m’inquiète dans l’évolution du monde depuis une dizaine d’années, c’est l’aggravation constante des tensions internationales. Celles-ci résultent de nombreuses causes, cela s’entend, mais notamment par une ingérence occidentale dans différents pays tels que ceux du Moyen-Orient. On assiste aussi à une crispation américaine, entre autres face à la montée en puissance de la Chine que personne n’avait attendue si tôt. Cela donne lieu à une confrontation entre deux grandes puissances. On le voit bien avec Donald Trump : chaque jour, de nouvelles tensions apparaissent entre les Etats-Unis et la Chine. L’Europe est sommée de prendre parti pour les Américains. On le voit avec le dossier russe par exemple. La Russie, de son côté, est naturellement tentée de rejoindre la Chine, sans quoi elle se retrouverait toute seule. Le fossé s’agrandit entre les deux parties de l’Europe. Il est grand temps d’y mettre fin. Le non-alignement de l’Europe s’impose de lui-même. Ce positionnement stratégique lui permettrait de s’imposer comme une force d’équilibre et de propositions. Mais pour cela, un minimum d’unité est nécessaire.

Je maintiens que la France n’a rien à se reprocher au Rwanda

0

Roland Hureaux répond à Pierre Brunet pour qui la France a « une part de responsabilité » dans le génocide du Rwanda.


Tout en prenant acte que M. Pierre Brunet croit à ma bonne foi, je maintiens que ni la France ni son armée n’ont quoi que ce soit à se reprocher dans les affaires du Rwanda.

A lire aussi: Si, la France a une part de responsabilité dans le génocide au Rwanda

Bien qu’il ait été sur place (où et quand exactement ? A-t-il rencontré les responsables de l’opération Turquoise ?), le romancier Pierre Brunet ne remet pas en cause la narration répandue par la puissante machine de communication de Paul Kagame et de ses alliés anglo-saxons.

Cette narration est erronée sur plusieurs points capitaux :

Sur le périmètre du drame 

Il y a eu entre 500 000 et 800 000 morts au Rwanda même, surtout en 1994, mais il y en a eu quatre millions au Congo-Kinshasa dans les années qui ont suivi (rapport Mapping des Nations-unies de 2010), principalement du fait de l’armée rwandaise tutsie de Kagame qui, après avoir conquis le Rwanda, a envahi ce qu’on appelait alors le Zaïre ; les victimes étaient soit des réfugiés hutus (qualifiés de « génocidaires », y compris les femmes et les enfants souvent terriblement mutilés comme en a témoigné le Dr Mukwege, prix Nobel de la Paix 2019, qui soignait celles-ci), soit des Congolais. Quand le Congo est passé sous le contrôle de Kagame par présidents fantoches interposés, l’armée congolaise a participé aux massacres. Dire que dans un cas il s’agit de génocide (celui des Tutsis) et dans l’autre de simples massacres (celui des Hutus) relève de la scolastique. On peut reconnaitre que quelques centaines de milliers de Tutsis ont été victimes des Hutus au Rwanda sans oublier les massacres de Hutus et de Congolais près de dix fois plus étendus au Congo.

Sur la légitimité de l’entreprise de conquête de Kagame qui commence en 1990

Qu’à l’indépendance, lors de la prise du pouvoir par la majorité hutue au Rwanda en 1962, de nombreux Tutsis aient été massacrés ou contraints à l’exil ne légitimait nullement une reconquête. Dans le Burundi voisin, où les Tutsis avaient conservé le pouvoir, les massacres de Hutus furent bien plus importants : 300 000 en 1972, 50 000 en 1988. Le dernier (encore 200 000 victimes ?) a eu lieu en 1993 et, à l’approche de l‘armée tutsie, a fait craindre le pire aux Hutus du Rwanda qui savaient cela.

Sur la responsabilité des premiers massacres du Rwanda

Les enquêtes de Pierre Péan et de Judi Rever (qui reposent notamment sur des documents du Tribunal pénal international pour le Rwanda – TPIR) ont montré qu’au fur et à mesure que l’armée tutsie de Kagame (dite APR) entrait au Rwanda, elle massacrait à tour de bras les populations hutues, suscitant la fuite d’un million de réfugiés vers Kigali. Toutefois la communication de Kagame, assisté de grands cabinets américains, a été infiniment mieux maîtrisée que celle des Hutus. Les massacres perpétrés par ces derniers ont été vus en direct dans le monde entier alors que ceux de Kagame ont été soigneusement cachés et parfois même travestis aux yeux de correspondants crédules en massacres opérés par le camp adverse. Faut-il aller jusqu’à dire comme Judi Rever que Kagame a délibérément laissé massacrer ses congénères pour mieux légitimer son pouvoir en victimisant son ethnie et aurait même infiltré les milices hutues (dites Interahamwe) pour les exciter au meurtre ? Le fait que le livre de cette journaliste canadienne, In praise of blood, the crimes of the Rwandan patriotic front (2018), fruit d’une vie d’enquête, ait été salué par la critique internationale témoigne en tout cas d’un début de retournement de l’opinion.

Le débat  suivant entre Jean-Pierre Elkabbach et Raphaël Glucksmann, ce dernier étant à l’origine de notre controverse, montre la légèreté des informations du philosophe :

Sur la responsabilité de Paul Kagame dans l’attentat du 6 avril 1994 qui a déclenché le massacre des Tutsis

Pour la première fois, il y avait deux présidents hutus (une ethnie qui représente, rappelons-le, 90 % de la population) au Rwanda et au Burundi, alors que ces pays avaient été soumis à la minorité tutsie depuis le Moyen-âge (ce qui montre l’absurdité de l’idée répandue par Kagame que les Tutsis seraient les juifs de l’Afrique centrale !). Par quelle singulière aberration a-t-on pu faire croire que, quand ils sont abattus tous les deux, des Hutus étaient à l’origine de l’attentat ? D’autant que ces présidents, vivant au milieu d’autres Hutus, point n’était besoin qu’ils prennent l’avion pour les assassiner.

Le juge Bruguière a très  vite compris  la responsabilité de Kagame. Depuis, les preuves à son encontre se sont accumulées : traçage des lots de missiles utilisés et surtout aveux des proches de Kagame entrés en dissidence. Ces témoins sont pourchassés à travers le monde par les sbires de Kagame pour qu’ils ne puissent pas parler. Après Patrick Karegeya qui voulait parler au juge Trevidic qui avait  repris le dossier, deux ont été assassinés en 2018 après que le même juge, avec une incroyable légèreté, a donné  leur  nom  aux avocats de  Kagame ; la semaine  dernière, on a appris l’assassinat d’un troisième témoin en Afrique du Sud.

La décision de non-lieu, rendue le 24 décembre 2018 à 11h du soir, est heureusement frappée d’appel.

La responsabilité est ailleurs

La France a en effet livré, dès le début du conflit, des armes au gouvernement légitime de Juvénal Habyarimana pour qu’il se défende contre une agression. Cette aide a cessé avec les accords d’Arusha (1993) ; elle a peut-être repris quand il s’est avéré que la partie en face continuait à être aidée par les Anglo-Saxons. Mais la France n’a pas fourni les machettes qui furent le principal instrument des massacres. Plutôt que de mettre en cause la France, il serait mieux venu de mettre en cause les Anglo-Saxons qui ont aidé Kagame dès le début de son équipée. Boutros-Ghali, secrétaire général de l’ONU au moment des faits, a déclaré que la responsabilité des massacres du Rwanda reposait à 100 % sur les Etats-Unis. On n’a pas connaissance qu’ils aient jusqu’ici exprimé le moindre remords ni que personne leur ait demandé d’ouvrir leurs archives.

A lire aussi: Si, la France a une part de responsabilité dans le génocide au Rwanda

Quand Paul Kagame a été mis en cause par la justice française dans l’attentat de Kigali, il a aussitôt contre-attaqué en inventant la complicité de notre armée dans le génocide, ce que beaucoup de Français ne demandaient qu’à croire. Le général Lafourcade, commandant de l’opération Turquoise, a expliqué qu’avec des moyens très limités, elle ne pouvait pas être partout. Sommé par le procureur Carla Del Ponte d’apporter des preuves à ses accusations, Paul Kagame n’en a jamais fournies. Il n’a jamais non plus laissé le Tribunal pénal international enquêter librement au Rwanda.

Il y a longtemps qu’une certaine attitude hostile à tout ce que fait la France en Afrique y pave la voie de la pénétration des Américains et des Chinois. Il est temps que notre pays cesse de battre sa coulpe, surtout quand il n’y a pas la moindre raison de le faire.

La manière dont les événements du Rwanda ont été traités par le « mainstream » international apparaîtra, le jour venu, pour ce qu’elle est : une des plus grandes manipulations de l’histoire.

In Praise of Blood: The Crimes of the Rwandan Patriotic Front

Price: 195,99 €

3 used & new available from

Le zombie au cinéma, stade ultime du capitalisme?


Dans Géographie Zombie, les Ruines du Capitalisme, le géographe et enseignant Manouk Borzakian démontre comment ces films de genre expliquent notre nouveau rapport au monde et aux lieux. Effrayant ?


Hasard calendaire : alors que sort actuellement sur les écrans un énième avatar de « film de zombies » passé à la moulinette du style nonchalant de Jim Jarmusch, Manouk Borzakian publie un essai court et percutant sur la figure cinématographique du mort-vivant.

Pendant longtemps chéri par les uniques fans de cinéma fantastique (Romero, évidemment), le mort-vivant a désormais conquis aussi bien les multiplexes mondialisés que le petit écran (voir le succès de la série TV The Walking Dead). Les études consacrées aux zombies ont d’ailleurs vite dépassé le strict cadre du cinéma de genre, et s’inscrivent désormais dans une vision philosophique et politique plus large, comme le montre l’essai The Walking Dead : guide de survie conceptuel de Benoît Christel, Arnaud Marie et Pierre Magne chez Rouge profond.

A lire aussi : The Dead don’t die, le film que les cinéphiles n’aiment pas (et que j’ai donc adoré)

La menace met désormais en danger notre identité

L’originalité de l’ouvrage de Manouk Borzakian est d’envisager la figure du zombie dans une optique géographique, en tentant de définir ce qui chez le mort-vivant nous parle de notre nouveau rapport au monde et aux lieux. Revenant rapidement sur l’imaginaire colonialiste du zombie des origines (ceux que l’on retrouve dans le sublime Vaudou de Tourneur ou le White Zombie de Victor Halperin), symbole d’une altérité mystérieuse, légèrement inquiétante et exotique, l’auteur aborde la rupture Romero, et ce qu’il appelle « l’altérité interne », en ce sens que la menace vient désormais de son propre territoire et met en danger notre identité.

Plus que les extra-terrestres qui symbolisaient dans les années 50 la menace communiste au temps de la guerre froide, le mort-vivant introduit la notion de contamination et de dépossession de soi puisque, par définition, un zombie conserve l’écorce du Moi tout en étant radicalement autre. On imagine bien, à partir de là, toutes les extrapolations politiques qu’on peut émettre à partir de cette figure : symbole de l’homme aliéné comme les zombies déambulant dans le temple du consumérisme absurde que représente le grand magasin dans Zombie de Romero mais également la prolétarisation d’une certaine partie de l’humanité : « A l’heure de la mondialisation néolibérale, la prolifération de la figure du zombie pourrait bien aussi faire écho à l’émergence, jusque dans les pays riches, d’une « humanité superflue » réunissant, selon l’historien Achille Mbembe, celles et ceux que le capital n’a même plus besoin d’exploiter pour assurer son fonctionnement. »  

L’attaque zombie, métaphore du désir de préserver un « ici » ?

L’enjeu de la question zombie va être celui du territoire. Avant même que l’auteur l’évoque au cours de son essai, on se dit qu’au fond, le mouvement imprimé par les films de morts-vivants étaient l’inverse de celui qui fit les grandes heures du western. D’un côté, un territoire à conquérir, des frontières à repousser toujours plus loin à l’Ouest et une organisation sociale à implanter, la Loi et le tribunal se substituant peu à peu à la loi du plus fort des pionniers.

Ce que montre bien Borzakian, c’est qu’avec l’arrivée des hordes de zombies, ce territoire se rétrécit et devient un espace menacé à défendre coûte que coûte. À ce titre, Land of the Dead de Romero est l’un des films les plus explicites d’un point de vue métaphorique : tandis que les plus riches vivent dans un luxe indécent dans un centre-ville barricadé, les plus pauvres sont expulsés à la périphérie et menacés par les attaques zombies. L’auteur, en se basant sur des exemples précis, montre que ces œuvres traduisent un certain état du monde où les frontières nationales, menacées par les coups de boutoir de la mondialisation, s’effritent et suscitent l’inquiétude et l’angoisse de l’Autre. L’auteur analyse alors les différentes stratégies mises en place par les vivants, géographiquement parlant, pour assurer leur survie : le repli sur soi, une militarisation de l’espace, le désir de préserver un « ici »…

Vous avez dit « urbaphobie » ?

Dans une dernière partie, il se penche sur ce qu’il appelle « le reflux de la civilisation » et le « déficit des lieux ». En gros, la figure du zombie symbolise une destruction de l’espace public puisque une logique de réseau physique et numérique s’est substituée à celle de territoire : les individus ne forment plus une communauté structurée par un espace délimité mais sont plus ou moins connectés et mis en relation par des « lignes » (routes, tubes…) et des « nœuds » (gares, échangeurs d’autoroutes…). Les zombies disent quelque chose de cet effritement d’un espace public désormais piégé. Il faut alors se barricader et/ou fuir. À ce titre, Borzakian consacre quelques très belles pages à l’espace urbain et ce qu’il appelle l’« urbaphobie ». Il s’agit moins dans ces œuvres de montrer la ville comme un espace dangereux et hostile que de souligner la nostalgie d’une ville plus humaine, espace public pas encore déshumanisé : « Les zombies racontent la nostalgie d’un monde disparu. »

A lire aussi : The Haunting of Hill House: enfin une maison hantée qui fout vraiment les jetons!

On l’aura compris : l’essai est très stimulant et analyse finement ce que ces films de morts-vivants nous disent de notre rapport au monde. À chacun ensuite d’en tirer ses conclusions. Manouk Borzakian milite pour la fin d’une logique sécuritaire et souligne le danger de « la tentation de se replier sur des particularités culturelles, de s’agripper à une authenticité fantasmée, de puiser dans les symboles de la nation pour consolider les frontières nationales menacées et en exclure toute impureté ». Il imagine l’organisation d’une résistance à ce mouvement d’uniformisation mondiale depuis le « local » (dans un renversement de perspective, les zombies sont aussi les traders, les « costards-cravates » qui vont pointer à la Défense chaque matin, la police surarmée qui défend les intérêts des financiers…). Non pas pour le folklore de la « culture » des « imbéciles heureux qui sont nés quelque part », mais pour inventer de nouvelles organisations et de nouvelles solidarités face à un monde qui s’effondre…

 

Les Gaulois, toujours réfractaires au MMA?

0

La Ministre des Sports Roxanna Maracineanu souhaite progressivement ouvrir la voie au développement du MMA (Martial-Mixed Arts) en France. Si certains y voient trop de violence, nombreux sont les amateurs à se réjouir.


La pratique du MMA (Martial-Mixed Arts) en France est-elle en marche ?

A en croire les dernières sorties de l’actuelle Ministre des Sports Roxanna Maracineanu, oui! Elle entendrait bien légaliser cette pratique progressivement, comme dans la majorité des pays européens.

Le MMA est un mélange de jiu-jitsu brésilien, de lutte et de boxe thaï. C’est une discipline qui a pour lointain ancêtre le pancrace grec, où excellait le philosophe-lutteur Platon. C’est également un spectacle mondialement connu, qui engrange des millions de dollars. La discipline a progressivement volé la vedette à la boxe anglaise en terme d’audimat à la télévision et de gros sous.

Des combattants comme Fedor Emelianenko, George Saint-Pierre ou Anderson Silva font rêver des milliers d’adolescents tout autour du globe.

Pourquoi un tel désamour pour le MMA ?

Notre hexagone reste rétif à tout combat de MMA sur son sol. Pourtant, la France est un vrai pays pugilistique et le reste : elle a vu naître sur son sol des champions de la trempe de Marcel Cerdan, Dominique Valera, Youcef Zenaf, Teddy Riner ou Jerôme Le Banner et tant d’autres… Lesquels ont fait partie des meilleurs combattants de leur génération en dominant parfois leur discipline !  Chaque année, des dizaines de combattants s’y entraînent dans nos dojos pour aller ensuite combattre à l’étranger, en Angleterre notamment.

Pourquoi un tel désamour pour cette pratique devenue phare ? Pourquoi cette volonté de toujours prendre du retard, alors que cette pratique finira tôt ou tard par s’imposer comme dans de nombreux pays tout aussi civilisés que le nôtre ? De la même raison que l’Islande a toujours interdit la pratique de la boxe anglaise sur sol, la principale raison invoquée est l’extrême violence supposée de ce sport. Il est vrai qu’au premier abord, les combats peuvent être spectaculaires avec des frappes au sol, l’utilisation de clés ou des gouttes de sang parcourant le visage des « gladiateurs ». Si l’on se balade sur internet, on peut encore voir des combats au temps des pionniers que furent la famille Gracie avec des yeux crevés, des coups dans les parties… Un spectacle d’une rare violence, plus proche du combat sur un parking que du noble art tel que l’avait souhaité le Marquis de Queensberry en 1865 !

Une pratique d’une rare violence désormais bien encadrée

Or, il y a bien longtemps que le MMA a été réglementé ! Les frappes dans les parties sensibles sont strictement interdites, et les combattants sont suivis par des services médicaux, à chaque instant du combat. Il n’y a en réalité pas plus de risques dans l’octogone que dans n’importe quel autre sport de contact. Les blessures sont souvent plus musculaires que liées aux coups. Pis, c’est oublier les nombreuses contusions cérébrales que peut avoir un boxeur classique ! Et la boxe n’a-t-elle pas rendu fier notre pays aux derniers Jeux olympiques avec ses médailles d’or, notamment du couple Yoka-Mossely ? Et que dire du rugby professionnel et des nombreux accidents qui ont émaillé ces dernières années ? Le rugby s’est métamorphosé depuis 20 ans, avec des gabarits toujours plus grands, plus lourds, plus rapides et des combats toujours plus violents. Qui se souvient des jeunes Adrien Descrulhes, Louis Fajfrowski, Nathan Soyeux ou Nicolas Chauvin, tous âgés entre 18 à 21 ans et décédés sur nos terrains entre 2018 et 2019 ? Bien que des voix s’élèvent de plus en plus pour améliorer les choses, le rugby-cassoulet était bien moins dangereux autrefois qu’il ne l’est devenu aujourd’hui…

Le MMA reste un sport de contact, complet et très technique. Pourquoi les jeunes Français seraient-ils plus friables que les autres ? La France possède en son sein des athlètes de toutes spécialités, des « strikers » (combat debout ») aux « grapplers » (combat au sol), dont beaucoup ne demandent qu’à porter les couleurs de la France, dans un sport où les valeurs patriotiques vont de pair avec une certaine virilité et l’humilité de pouvoir perdre à tout un moment. Il est inique qu’un combattant comme Bertrand Amoussou – ancien judoka de l’équipe de France – soit obligé de porter les couleurs allemandes parce que son sport est interdit à la maison.

Pour mettre la pratique au tapis, la fédé de judo dénonce un « sport de djihadistes » !

La seconde raison vient de l’éternelle lutte entre les fédérations en France.

Les instances de nombreux sports sont en lutte entre elles, pour des fins financières et de prestige. Qui se rappelle que la fédération de rugby à XV a fait interdire la pratique du XIII sous Vichy car porteuse des valeurs qui auraient provoqué la défaite de 1940 ? Le principal obstacle à la présence du MMA est la puissante fédération de judo. Sous couvert de montrer du doigt la dangerosité de ce sport, ses instances souhaitent avant tout protéger leur pré-carré. Le judo, apparu dans les années 30, est une valeur sûre dans notre pays. Pas un quartier ou un bourg de France n’ayant son club ! Avec la maison-mère japonaise, la France est le pays le plus performant dans cette discipline. Et son poids n’est que plus important lorsqu’il s’agit de discuter autour d’une table. Le budget de la fédération n’est toutefois que de 30 millions d’euros, très peu pour un sport aussi populaire. L’argent étant le nerf de la guerre, toute discipline concurrente devient un adversaire à abattre. Et quand son président s’appelle Jean-Luc Rougé, la partie prend une tournure… des plus politiques. Franc-maçon revendiqué, ancien garde du corps du trotskyste Pierre Lambert, il reste le premier champion du monde de judo français en 1975. Animal politique qui a su tisser des réseaux à droite comme à gauche, il tire à boulets rouges sur l’apparition du MMA en France en lançant des arguments controversés tels que « le MMA est un repère de djihadistes, c’est la Direction Centrale du Renseignement Intérieur qui me l’a dit. »

Symbole au choix du bien-être collectif ou d’un certain élitisme, le sport a toujours été en France un vecteur de vivre-ensemble comme de promotion sociale. Roger Salengro, le premier sous-secrétaire à la Jeunesse et au Sport disait en 1936 que « notre souci est moins de créer des champions et de conduire sur le stade 22 acteurs devant 40 000 ou 100 000 spectateurs, que d’incliner la jeunesse de notre pays à aller régulièrement sur le stade, sur le terrain de jeux, à la piscine.»

Le rouleau compresseur libéral au secours du MMA ?

Dans le libéralisme effréné auquel la France se plie depuis trente ans, Emmanuel Macron concocte un plan dont il a le secret : des milliers de postes d’enseignants, d’éducateurs et de fonctionnaires qui encadrent les jeunes pourraient sauter. Le rouleau compresseur emporte tout. Paradoxalement, c’est peut-être la chance du MMA. Si les clubs sportifs devaient subir définitivement la loi du marché, avec des financements exclusivement privés, un sport engendrant autant de bénéfices économiques que le MMA rentrerait totalement dans les schémas de notre temps…

Si le sport collectif est touché depuis longtemps, les sports individuels parvenaient quelque peu à s’extraire de cette logique. Mais le MMA est surtout une image de marque ! Malgré la noblesse d’une pratique ancestrale, il correspond totalement au monde tel qu’on nous l’impose : une société où le sport n’est plus qu’une marchandise comme les autres. Aussi, gageons qu’on ne tardera pas à voir des compétitions de MMA en France…

 

Il faut dire non à Notre-Dame de Macron


La technologie contemporaine met en danger les constructions du passé que sont les cathédrales. Contre l’ubris de notre temps, la reconstruction de Notre-Dame exige de retrouver, ou au moins de respecter la façon d’être au monde de nos ancêtres. Elle ne doit pas être macronisée ni « upgradée ».


J’avais sept ans quand, le 28 janvier 1972, je vis brûler la cathédrale de Nantes, la ville où je suis né et ai grandi. Près d’un demi-siècle plus tard, j’ai vu brûler la cathédrale de Paris, où je me trouve aujourd’hui résider. Je pourrais en tirer une loi : les cathédrales des villes que j’habite sont promises au feu. Mais les faits appellent aussi quelques réflexions moins égocentrées.

On s’émerveille des prouesses que la technologie contemporaine permet de réaliser. De fait, les gens de Moyen Âge auraient été bien en peine de façonner la matière à l’échelle du nanomètre. D’un autre côté, ils savaient construire des cathédrales qui ressemblaient à des cathédrales, ce dont nous avons manifestement perdu la capacité – il n’est, pour le constater, que de contempler la cathédrale d’Évry qui, de l’extérieur, pourrait aussi bien être un hôtel de région, le siège social d’une banque ou un palais des congrès (il suffirait d’enlever la croix squelettique qui surmonte l’édifice pour que la vocation religieuse de celui-ci devienne insoupçonnable). Non seulement s’est imposé, avec la technique moderne, un esprit qui empêche l’émergence de toute architecture religieuse convaincante, mais encore la simple cohabitation des édifices anciens avec ladite technique, utilisée pour les aménager, les entretenir ou les restaurer, fait courir à ceux-ci de graves dangers. À Nantes, c’est le chalumeau d’un ouvrier couvreur qui déclencha le feu qui détruisit la toiture entière de la cathédrale[tooltips content= »En 2015, la basilique Saint-Donatien de Nantes a elle aussi été frappée par un incendie qui, déclenché par des travaux, a détruit l’essentiel de la toiture. »]1[/tooltips]. À Paris, on ne sait pas encore, on parle d’imprudence, de court-circuit – quoi qu’il en soit, le sinistre paraît lié, d’une manière ou d’une autre, aux travaux entrepris autour de la flèche. Pourquoi la technique moderne, qui permet tant de choses et étend tellement nos moyens, représente-t-elle également un tel danger quand elle s’approche des constructions du passé ?

Les règles de l’art ne comptent pas, puisqu’elles réclament davantage que cinq ans

Il faut sans doute prendre en compte une mutation dans le rapport à la matière. Dans les termes de Péguy : « La matière ancienne, la matière antique avait les moyens d’exiger le respect, et elle ne s’en privait pas, et elle ne s’en faisait pas faute ; au lieu que la matière moderne au contraire n’en a ni les moyens, ni le goût, ni l’intention. » Accoutumées à la matière moderne, et au rapport moderne à la matière, certaines personnes qui interviennent sur les édifices anciens ne savent plus agir avec les précautions, les soins maternels, les attentions cauteleuses que commandait le respect dont parle Péguy. Il faut dire qu’à la difficulté à accorder à la matière ancienne l’attention qu’elle réclame, s’ajoute la difficulté à témoigner aux restes du Moyen Âge d’authentiques égards, en un temps qui ne place son salut que dans les innovations de rupture.

A lire : Notre-Dame des négligences

Il y a juste cinquante ans, Pasolini fit une nuit, entre veille et sommeil, un de ces rêves qui n’éloignent pas de la réalité, mais au contraire la révèlent : « Des monuments, des choses antiques, bâties en pierre ou en bois, ou en d’autres matières encore, des églises, des tours, des façades de palais, tout cela, rendu anthropomorphique et comme divinisé par une Figure unique et consciente, s’est aperçu qu’il n’était plus aimé, qu’il survivait. Et alors, il a décidé de se tuer : un suicide lent et sans tapage, mais irrépressible. (…) Si un enfant sent qu’il n’est plus aimé, désiré – il se sent “en trop” –, il décide inconsciemment de tomber malade et de mourir : et c’est ce qui arrive. Pierres, bois, couleurs, c’est ce que sont en train de faire les choses du passé. Et dans mon rêve, je l’ai vu clairement, comme dans une vision. » Ce qu’a vu, compris, senti Pasolini se concrétise de jour en jour – l’incendie de Notre-Dame n’en est qu’une scansion spectaculaire. Événement accidentel, imprévisible, et en même temps dans la logique des choses. Je crois que c’est à cela, en premier lieu, que tient l’effet de sidération exercé par la réalité de Notre-Dame en flammes : la concrétisation spectaculaire d’un processus diffus. Au passage, on notera que si, comme le suggère Pasolini, les choses du passé disparaissent de n’être plus aimées, c’est, à rebours, par l’amour qui animait les pompiers que la cathédrale a été préservée d’un effondrement total.

Le soir même, l’événement fut suffisamment fort pour imposer sa marque, et le président de la République, en se rendant sur les lieux, eut une attitude et des mots justes. Dès le lendemain cependant, le manager avait repris le dessus : « Alors oui, nous rebâtirons la cathédrale Notre-Dame plus belle encore, et je veux que ce soit achevé d’ici cinq années. Nous le pouvons, et là aussi, nous mobiliserons. » Plus belle : étant donné nos facultés prodigieuses à répandre actuellement la laideur, aussi belle ne serait déjà pas si mal. Je veux : comme si Notre-Dame était la chose du président. Cinq années : le management par la deadline, qui conduit à tant de travaux bâclés, vidés de leur sens par le fait que ce n’est pas la tâche à accomplir qui prescrit la conduite, mais l’échéance. Quand les bâtisseurs de Notre-Dame se mirent à l’ouvrage, la date de remise des clés à l’évêque n’était pas fixée. Certes, sans la volonté d’édifier la cathédrale, celle-ci n’aurait pas vu le jour, mais si la volonté avait prétendu s’imposer au temps, l’édifice aurait croulé depuis longtemps ou aurait été raté. Et puis, pourquoi cinq ans – cinq pauvres années, alors que tous les connaisseurs de ce genre de chantiers jugent raisonnable une durée beaucoup plus longue ? La maire de Paris a rendu explicite ce qui, dans l’annonce présidentielle, était demeuré implicite : il faut que Notre-Dame soit prête pour les Jeux olympiques de 2024. « Je pense qu’il faut qu’on se mette aussi dans l’idée que ça ne peut pas prendre dix ans, quinze ans ou vingt ans. Il faut le faire dans les règles de l’art, mais en 2024 on doit être là tous ensemble pour accueillir le monde et Notre-Dame doit être là. » Autant dire que les règles de l’art ne comptent pas, puisqu’elles réclament davantage que cinq ans. J’ai retrouvé ces vers du poète américain Longfellow :

Dans les jours anciens de l’Art, / Les hommes travaillaient avec le plus grand soin / Jusqu’au plus infime et invisible détail ; / Car les dieux voient partout.

A lire: Notre-Dame aurait mieux fait de ne pas brûler à notre époque

Mais les regards des dieux ou de Dieu ont laissé la place aux smartphones des touristes, et la foire olympique dicte le calendrier des travaux. L’éditorialiste Christophe Barbier s’emporte : « Pourquoi on nous dit dix ans, quinze ans, chez les professionnels de la profession : ben parce qu’ils veulent faire de Notre-Dame leur dame, et avec beaucoup de minutie, beaucoup de soin, bien sûr. Mais non ! Les Chinois font des centrales nucléaires en quelques mois, on doit pouvoir reconstruire cette charpente et ce plafond en cinq ans. » Peut-être faudrait-il confier le chantier à une entreprise chinoise. Ce qui, au demeurant, s’accorderait avec le concours international d’architecture dont le Premier ministre, dérogeant à la charte de Venise sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, a annoncé le lancement à propos de la reconstruction de la flèche – pour sa part, il verrait bien une nouvelle flèche « adaptée aux techniques et aux enjeux de notre époque ». Pourquoi pas une éolienne, pour faire de Notre-Dame un bâtiment à énergie positive, avec inauguration par Greta Thunberg.

Longtemps j’ai pris le RER B à la station Saint-Michel, pour me rendre sur mon lieu de travail à Palaiseau. Un jour que j’accrochais mon vélo en bordure du parvis de Notre-Dame, j’ai vu et entendu une dame âgée qui, descendant d’un de ces monstrueux cars qui promènent les touristes, s’exclamait à l’intention de son amie qui la suivait : « Oh, look, it’s so old ! » Elle en était saisie. De fait, les Américains n’ont aucun édifice si vieux dans leur pays. Elle ne devait pas bien savoir de quand ça datait, mais elle comprenait au premier coup d’œil que cela venait de loin. Effectivement, cela vient de loin, et pourtant cela nous parle ; ce n’est pas seulement du passé, c’est notre passé. Et il y a tout lieu de s’émerveiller, devant Notre-Dame, de la présence endurante, perdurante, de ce chef-d’œuvre médiéval planté au cœur de notre modernité, témoin d’un autre rapport au monde, d’une autre façon d’habiter la terre, qui furent ceux de nos ancêtres. Un enjeu essentiel de notre époque réside précisément là : ne pas attenter aux quelques fils qui nous relient encore à un passé dont, pour traverser le siècle en cours, nous aurons plus que jamais besoin. Notre-Dame demande à être aimée et respectée, non pas exploitée et macronisée. L’incendie qui a failli l’anéantir devrait réveiller notre piété à l’égard de ce qui nous a été légué, plutôt qu’exciter le désir de l’« upgrader » à la va-vite.

Notre-Dame de Paris

Price: 34,43 €

3 used & new available from

notre-dame de paris

Price: 7,90 €

18 used & new available from 3,89 €

« Jeunesses écologistes » : la marque de la bête?


Depuis le national-socialisme, aucun mouvement idéologique n’avait appelé les enfants et les adolescents à défiler pour en remontrer au monde adulte…


Jeanne d’Arc entendait des voix. Greta Thunberg voit des particules de CO2 dans l’atmosphère.

Certes, son esprit crédule est quelque peu dérangé car la lycéenne de 15 ans souffre d’autisme asperger. Il n’en reste pas moins que sa croisade en faveur du climat paraît si juste et si urgente que le comité Nobel envisage de décerner son célèbre prix à la jeune Suédoise. Pour tenter d’éveiller les consciences de nos contemporains qu’un véritable état de delirium tremens s’est emparé de ceux qui nous gouvernent, il peut être utile de jouer à une devinette historique.

Petite devinette

J’étais un dirigeant politique qui a cessé totalement de manger de la viande pour ensuite devenir l’un des précurseurs du véganisme. Qui suis-je ?

A lire aussi : Fascismes verts: j’ai une sainte horreur des ayatollahs

J’aimais tellement les animaux que je préférais leur compagnie à celle des humains et que j’ai voulu mourir en même temps que ma chienne. Vous ne me reconnaissez toujours pas ?

Ma conviction profonde c’était que l’être humain ne valait pas plus que n’importe quel autre être vivant. En ce sens, je suis l’un des inventeurs de l’antispécisme. Je suis…

La première mesure que j’ai prise en arrivant au pouvoir était d’ailleurs destinée à protéger la nature. Vous ne me reconnaissez toujours pas ?

Je ne suis pas un leader des verts français ou des grünen allemands, je suis Adolf Hitler.

Un point Godwin peut en cacher un autre

Qui ne connaît pas le célébrissime point Godwin ?

Cette manière de clouer le bec de son adversaire en lui trouvant un petit air de troisième Reich. Le point Godwin est une corde élimée qui soutient souvent minablement l’argumentation de celui qui l’utilise, mais agit paradoxalement comme une corde de potence.

Trop de point Godwin tue le point Godwin.

La réduction ad hitlerum a été à ce point utilisée pour discréditer les populistes, les partisans de la nation, du référendum, du contrôle des flux migratoires ou les contempteurs de l’islamisme ! Elle a jeté le discrédit sur toute comparaison entre des phénomènes ou des idées politiques contemporaines et l’hitlérisme.

À tort.

Car s’il est une manifestation politique et idéologique actuelle qui possède une ascendance nationale-socialiste en ligne directe, c’est cette folie environnementaliste, apocalyptique, végane et antispéciste qui s’est emparée d’une partie de nos contemporains. Cette lame de fond évoquant un réchauffement climatique imparable, encouragée par un matraquage médiatique constant, est amplifiée par les programmes scolaires qui, dans notre pays, promettent à nos jeunes têtes blondes que l’avenir sera « décarbonné » ou ne sera pas.

Est-ce la peur de tomber dans la facilité et dans l’outrance du fameux point qui nous aveugle sur la filiation hitlérienne de l’antispécisme et de l’environnementalisme forcené ? Sans doute pas.

Luc Ferry et d’autres auteurs avaient déjà souligné la parenté entre l’écologie radicale (deep ecology) et l’idéologie anti-culturelle nazie. Une même haine de la supériorité de l’humanité sur la nature irrigue, en effet, les deux courants. L’écologie actuelle est certes empreinte d’idéaux égalitaires et humanitaires, à défaut d’être humanistes ; ce que n’était évidemment pas le nazisme. L’écologie de Jadot est une écologie de gauche tandis que celle des SS était une écologie de droite.

L’icône des marcheurs verts  

Mais, ce qui est le plus dérangeant et, assurément, le plus effrayant avec nos marcheurs verts qui annoncent l’été éternel et mortifère du réchauffement, c’est le jeunisme sidérant dont ils font preuve.

Le véritable héritage caché d’Hitler est là. Dans cette soumission à l’opinion des enfants et des adolescents considérés comme une parole d’Évangile. Cette réaction témoigne non seulement d’un mépris pour la transmission culturelle, mais embrasse les caractéristiques les plus effarantes du national-socialisme, doctrine qui donnait raison aux jeunes parce qu’ils étaient jeunes.

La figure en passe de devenir une icône mondiale de ce qui est décrit par l’essentiel du monde adulte comme une salutaire prise de conscience est une adolescente suédoise atteinte de graves troubles de la personnalité. Une lycéenne de 15 ans souffrant d’autisme devant laquelle la plupart des chefs d’État se prosternent comme s’il s’agissait d’un oracle. Reçue partout, ses poncifs sont religieusement écoutés par les grands de ce monde comme s’il s’agissait de la Pythie de Delphes.

Multinationales, ONG, Nations-Unies, grandes puissances, médias, opinions publiques semblent suivre cette enfant aussi enchanteresse que le joueur de flûte du conte de Grimm.

Tous sont fascinés et suivent aveuglément l’enfant prête à basculer dans un monde décarboné.

Le jeunisme, spécificité du national-socialisme

L’une des spécificités les plus repoussantes du national-socialisme résidait dans sa croyance que les adolescents voire les enfants n’avaient pas grand-chose à apprendre des adultes, mais qu’au contraire, ils avaient tout à leur apprendre.

Dans le cerveau dérangé du Führer, les jeunes étaient une avant-garde destinée à sauver la nature et à accoucher d’une nouvelle humanité qui se résoudrait à occuper la place d’une espèce animale parmi d’autres. Depuis le troisième Reich, aucun mouvement idéologique n’avait appelé les enfants et les adolescents à défiler seuls pour en remontrer au monde adulte.

Seul le mouvement nazi avait osé enrôler les jeunes, non comme tous les mouvements politiques en utilisant leurs qualités spécifiques d’énergie, de crédulité et d’enthousiasme, mais en les persuadant que les adultes corrompus et pusillanimes attendaient le salut à travers leur engagement.

Royaume-Uni: des clochers aux minarets


Dans un pays qui comptera bientôt davantage de croyants musulmans que de chrétiens pratiquants, de plus en plus d’églises détenues par des congrégations deviennent des mosquées ou des centres islamiques. Enquête.


Au sud de Manchester, après la tuerie de la Manchester Arena, en mai 2017, qui fit 23 morts et plus d’une centaine de blessés, la mosquée salafiste de Didsbury, que le terroriste Salman Abedi, un Britannique de 23 ans d’origine libyenne, fréquentait avec sa famille, affichait son soutien aux Mancuniens avec une banderole géante, « We love MCR » (« Nous aimons Manchester »). Six mois avant l’attentat, l’imam Mustafa Abdullah Graf avait fait, semble-t-il, l’éloge du djihad devant un millier de fidèles, appelés à soutenir les moudjahidins en Syrie. Le centre islamique adjacent à la mosquée annonce officiellement disposer d’un département de la charia qui publie des fatwas, supervise les affaires familiales et financières et aide à calculer la zakat (aumône). Et il est fort probable qu’il abrite de surcroît une de ces cours de justice chariatiques officieuses qui règlent les affaires quotidiennes d’une partie des 4,13 millions de musulmans recensés au Royaume-Uni en 2016 (soit 6,3 % de la population britannique), selon les données du Pew Research Centre.

Chapelle devient mosquée

La mosquée de Didsbury n’est autre que l’ancienne chapelle méthodiste d’Albert Park, ouverte au culte en 1883, fermée en 1962 et convertie depuis. Sur le territoire britannique, de nombreuses églises sont ainsi devenues des mosquées. Selon le Gatestone Institute, entre 2001 et 2016, 500 églises ont été vendues dans la seule capitale britannique. Certaines ont été transformées en mosquées, comme l’église St Mark devenue la mosquée de New Peckham ou encore la mosquée de Brick Lane (Brick Lane Jamme Masjid) qui était à l’origine une église méthodiste.

A lire aussi: Elisabeth Lévy: Catholiques, profanés en leur pays

En 2012, l’organisation Christian Research estimait qu’au moins 10 000 églises avaient fermé depuis 1960 au Royaume-Uni et que 4 000 autres le seraient en 2020. Il y avait alors 1 700 mosquées officielles sur le territoire et 2 000 lieux de culte musulmans non déclarés.

À Swansea, au Pays de Galles, l’imposante église St Andrews, propriété de l’Église réformée unie, a été transformée en mosquée dans les années 2000 au grand dam du British National Party (BNP). Dans la même rue, le centre islamique chiite Imam Khoei occupe lui aussi une ancienne église. À Édimbourg, en Écosse, l’ancienne église presbytérienne construite en 1859 sur Lauriston Place est devenue la mosquée Dar al-Arqam. L’an dernier, sur l’archipel des Hébrides, une mosquée a remplacé l’ancienne église de Stornoway.

Eglises vides et mosquées surpeuplées

Le nombre croissant de musulmans et celui décroissant des chrétiens au Royaume-Uni accélère le processus. En 2013, le Daily Mail publiait des photos comparant deux églises à l’auditoire clairsemé et une mosquée surpeuplée dans le même quartier de Londres. Les églises St George-in-the-East, sur Cannon Street Road, et St Mary, sur Cable Street, qui peuvent accueillir un millier de fidèles, n’en attirent plus qu’une vingtaine lors des messes dominicales. En revanche, lors de la prière du vendredi, la mosquée de Brune Street n’est pas assez grande pour contenir plusieurs centaines de croyants. Plus de la moitié des musulmans britanniques seraient âgés de moins de 25 ans, tandis que 25 % des chrétiens pratiquants approcheraient les 80 ans. En 2023, il y aura plus de croyants musulmans que de chrétiens pratiquants et le nombre de musulmans au Royaume-Uni pourrait atteindre 13 millions en 2050.

À Manchester, le très influent Centre du patrimoine musulman britannique (« British Muslim Heritage Centre ») occupe l’ancien Northern Congregational College, une structure gothique monumentale édifiée en 1840 sur le modèle des universités d’Oxford et de Cambridge et rachetée par des investisseurs saoudiens en 2003. Le BMHC, organisateur d’un « Syria Day » en soutien aux victimes du régime, dispose de sa propre chaîne de radio. Le maire de Manchester, Andy Burnham, s’y est récemment rendu pour dénoncer l’islamophobie à la suite de l’attentat de Christchurch et le prince Charles, qui y était le 3 avril, dit de ce centre le plus grand bien.

« Si l’acheteur le plus offrant est une discothèque, un casino ou un sex-shop… »

La vente des églises, souvent à des prix défiants toute concurrence, pourrait-elle être freinée pour assurer la préservation du patrimoine chrétien ? Au Royaume-Uni, les édifices religieux appartiennent aux diverses congrégations, et non pas à l’État, comme en France. Elles sont responsables de leur entretien. Pour une petite congrégation locale, il devient très difficile d’entretenir ou même de chauffer les bâtiments.

Dans un entretien du 19 avril 2019, le pasteur Williams expliquait qu’« en vertu du Charity Act et selon la législation britannique, une loi adoptée en 2011, si le bâtiment d’une église n’est plus utilisé pour le culte, il est du devoir de la congrégation de le vendre au meilleur prix, le bénéfice étant utilisé pour les activités qu’elle mène. Si l’acheteur le plus offrant est une discothèque, un casino ou un sex-shop, ou encore les témoins de Jéhovah ou une association islamique, son offre doit être acceptée, sans discrimination, et l’église vendue, même à un groupe religieux dont la congrégation désapprouve la candidature. »

« De nombreux chrétiens et certaines autorités religieuses dénoncent cette situation, d’autres y voient le signe d’une généreuse hospitalité chrétienne envers les autres religions », précise le pasteur, avant d’ajouter « qu’il serait souhaitable que la réciproque s’applique dans les pays où le christianisme est minoritaire… »

Religion, modernité et culture au Royaume-Uni et en France, 1800-1914

Price: 18,09 €

14 used & new available from 2,77 €

 

Emirats Arabes Unis : derrière la vitrine de l’ouverture, un antisémitisme grandissant


Alors que les Emirats Arabes Unis sont souvent présentés dans l’opinion occidentale comme un pays sûr, libéral et adepte d’un islam ouvert, la réalité semble bien plus sombre.


En plus du tournant autoritaire entrepris par le régime des Emirats Arabes Unis, un ordre moral sévère est en train de s’imposer dans une société qui reste majoritairement conservatrice malgré la vitrine de Dubaï. L’antisémitisme est bien présent dans un pays qui souffle le chaud et le froid dans ses relations avec Israël.

L’essentialisation du juif présenté comme ennemi héréditaire

Plusieurs leaders d’opinion populaires aux Emirats Arabes Unis sont les auteurs de tweets et de vidéos notoirement antisémites. La démarche est souvent la même : derrière une vitrine officielle avenante et célébrant le dialogue des cultures en anglais, le discours est bien plus violent et tranchant en arabe.

Exemple avec deux personnalités, auteurs de propos antisémites inquiétants :

Très suivi sur Twitter où il dispose de plus de 320 000 followers, Rashid al-Nuaimi est un personnage clé du dispositif officiel de la riche fédération pour vendre à l’étranger son image de monarchie musulmane progressiste. En avril 2018, il a lancé le Conseil mondial des communautés musulmanes (The World Muslim Communities Council – TWMCC) qui vise à répandre « la paix et l’esprit de tolérance » auprès des communautés musulmanes vivant dans les pays non musulmans, particulièrement en Occident.

Problème : l’homme n’a pas eu froid aux yeux quand il s’est agi d’affirmer dans ses tweets que « malheureusement, on peut en Occident critiquer les religions et les prophètes mais mettre en doute la réalité de la Shoah est puni par la loi ».

Dans une autre déclaration mettant en avant les armes à brandir dans la lutte contre Israël, il rappelait que la meilleure d’entre elles consistait dans l’accroissement des naissances pour inverser le rapport de forces démographique.

L’islam de France contaminé

Autre fait troublant : ce sulfureux personnage s’est lié d’une grande amitié avec Mohamed Bechari – ancienne figure importante de l’islam de France et aujourd’hui établi à Abou Dhabi – pour amadouer une partie des musulmans de l’Hexagone. Insatiables et déterminés à prêcher la bonne parole de l’islam émirati à travers le monde, les deux compères se sont dernièrement rendus en Ouganda, en Russie ou en Nouvelle-Zélande afin de signer des partenariats, participer à des colloques et faire la promotion de leur organisation.

Selon certaines sources concordantes, Mohamed Bechari est en train de paver la route à Rashid al-Nuaïmi afin qu’il noyaute l’islam de France. Signe des temps : la grande mosquée d’Evry d’obédience marocaine lui a ouvert les portes pour un iftar[tooltips content=’Repas pris au coucher du soleil pendant le ramadan’]1[/tooltips] au début du Ramadan et plusieurs acteurs indiquent que l’offensive émiratie auprès des musulmans de France en est à ses débuts avec plusieurs grandes mosquées qui auraient été approchées. Pas sûr que le ministère de l’Intérieur et des cultes accepte sans réagir l’intrusion d’agents au passé aussi lourd et au double discours minant le pacte républicain.

La haine du juif à l’écran

Autre personnage qui relaie les thèses les plus funestes de l’antisémitisme aux Emirats Arabes Unis : le télécoraniste Wassim Youssef. D’origine jordanienne mais naturalisé émirati, ce dernier fait figure de star nationale à tel point que ses vidéos culminent à des millions de vues sur Youtube. Chantre d’un islam policé du « juste milieu » et proche de l’homme fort d’Abou Dhabi Mohamed ben Zayed (dit MBZ), celui qui se présente comme un prédicateur jeune et branché – il est âgé de 37 ans – n’hésite pourtant pas à relayer les pires poncifs d’un antisémitisme qu’il légitime à coups de sourates du Coran. Pour lui, les juifs sont des êtres qui ne respectent aucune parole, prêts à toutes les trahisons pour faire triompher leur communauté. Poursuivant dans son triste élan, que ce soit à la télévision ou lors de ses causeries diffusées sur ses réseaux sociaux depuis la Grande mosquée Cheikh Zayed à Abou Dhabi, il a par le passé fait sienne l’interprétation d’un verset du Coran attestant que les juifs ont encouru la colère de Dieu. Last but not least, leur trahison envers le Prophète Mahomet devrait pousser tous les musulmans du monde à s’en méfier et à se liguer pour que la malédiction divine s’abatte sur eux !

Elections européennes: et les vrais gagnants sont…

0
Le Britannique Nigel Farage, la Française Nathalie Loiseau, la Danoise Margrethe Vestager © CHINE NOUVELLE SIPA © Lewis JOLY SIPA © ISOPIX SIPA Numéros de reportage : 00910995_000003, 00909404_000009 et 00909464_000009

Chaque peuple a élu ses députés européens le 26 mai.
Mais qui a gagné au niveau européen, à la fin ?
Les souverainistes ont fait une forte progression, mais leur poids restera insuffisant pour influer sur les décisions du Parlement.


Pas un jour ne passe sans qu’on nous exhorte à faire confiance à la « sagesse des foules », à exploiter l’« intelligence collective », à faire nôtres des apothèmes de béni-oui-oui comme « Tout seul, on va plus vite ; ensemble on va plus loin. » Et pourtant, notre plus ancien mécanisme de consultation de l’opinion populaire, qui est d’ordre politique et s’appelle la « démocratie », s’empêtre dans des complexités institutionnelles et idéologiques qui, sans la détruire, rendent opaques ses rouages et ses résultats. Les élections au Parlement européen en constituent la démonstration.

Le raz-de-marée souverainiste n’a pas eu lieu

Les partis politiques nationaux des différents Etats-membres proposent des candidats pour les 751 sièges (il en restera 705 quand le Brexit aura eu lieu). Il existe des partis politiques européens, mais ils ne sont présents au Parlement que dans la mesure où ils correspondent à certains des groupes parlementaires, ceux-ci devant rassembler au moins 25 députés représentant au moins 7 des Etats-membres. Lors des premières élections en 1979, le grand espoir était qu’elles contribueraient à faire émerger un espace public européen. En réalité, la plupart des campagnes électorales tournent autour de questions nationales, quand elles ne sont pas, pour chaque électorat, un référendum pour ou contre le gouvernement. Mais elles sont aussi l’occasion de la contestation de l’Union européenne elle-même.

À lire aussi : Macron, vrai vainqueur des Européennes

Les succès des partis dits « populistes » constituent donc d’abord des victoires nationales. Marine Le Pen a légèrement battu Emmanuel Macron dans leur « match », 22 sièges contre 21. Nigel Farage a fait monter la pression sur le gouvernement conservateur pour un Brexit sans accord en envoyant 29 députés à Strasbourg, la cohorte la plus importante pour un seul parti (à égalité avec la CDU-CSU d’Angela Merkel), suivie de près par les 28 de la Lega de Matteo Salvini, désormais renforcé face à son partenaire de coalition en Italie, le Mouvement 5 Étoiles. Viktor Orban a gagné 13 des 21 sièges hongrois ce qui consolide son pouvoir chez lui.

En revanche, au niveau européen, les eurodéputés ne sont influents que dans la mesure où ils appartiennent à des groupes importants où peuvent se former des alliances plus ou moins puissantes. De ce point de vue, le raz-de-marée souverainiste n’a pas eu lieu, leurs deux groupes actuels, l’Europe des Nations et des Libertés (auquel appartiennent le RN et la Lega) et l’Europe de la Liberté et de la Démocratie Directe (auquel appartient le parti de Farage), totalisant 108 députés, ce qui représente certes une progression de 60 sièges, mais très insuffisante pour orienter significativement les décisions du Parlement. Celui-ci, jusqu’à présent, était dominé par une coalition du centre-droit, représenté par le Parti Populaire Européen, et du centre-gauche, rassemblé au sein de l’Alliance Progressiste des Socialistes et des Démocrates. À l’intérieur de cette coalition, passée de 412 sièges à 332, les centristes purs de l’Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe, sous la présidence du bouillonnant Guy Verhofstadt, ont progressé de 67 élus à 105, ce qui leur donne un statut potentiel de faiseurs de rois entre les deux autres.

Macron renforcé, Margrethe Vestager pressentie à la Présidence du Parlement

C’est ici que la défaite relative de Macron se transforme en victoire relative. Les eurodéputés LREM sont destinés à rejoindre le groupe de Verhofstadt, offrant au Président français la possibilité de briser l’ancien équilibre entre les deux groupes dominants et de promouvoir sa vision d’une Europe plus intégrée, écartée jusqu’ici par Angela Merkel. Mais la fragmentation actuelle des groupes rendra l’arithmétique des alliances compliquée en diable.

Il n’est pas inutile de rappeler ici à quoi sert le Parlement. Celui-ci a essentiellement trois fonctions. D’abord, il élit les membres de la Commission et son Président. Ce pouvoir appartenait autrefois au Conseil européen, constitué des dirigeants des états-membres (à ne pas confondre avec le Conseil de l’Europe qui n’est pas une institution de l’UE et qui s’occupe des droits de l’homme). Le Parlement a acquis le droit de voter pour approuver ou désapprouver les candidats à ces postes et, par la suite, pour les renvoyer. Les commissaires sont proposés par les états-membres après un marchandage sur l’attribution des portefeuilles, mais le candidat à la Présidence est normalement issu du premier parti, à savoir le Parti Populaire Européen. Or, la bande à Macron et Verhofstadt est déjà à l’œuvre pour refuser le candidat proposé par les Allemands, le très terne Manfred Weber, et en imposer un autre, peut-être la Danoise, Margrethe Vestager, qui aurait inspiré la série  télé Borgen.

Le Parlement exerce un certain contrôle sur le budget de l’UE. Et en tant que législateur le Parlement vote les lois, la plupart du temps par un processus de codécision avec le Conseil de l’Union européenne, baptisé Conseil des ministres pour éviter toute confusion. Les lois elles-mêmes sont proposées et formulées par la Commission, qui représente l’exécutif de l’UE, mais l’origine de ses projets se trouve la plupart du temps dans les traités internationaux et dans des demandes émanant du Parlement, du Conseil européen et des parlements nationaux. Les parlementaires exercent un pouvoir législatif réel. Il y a ici un paradoxe. Chaque député populiste déplore à l’envi que le pouvoir du gouvernement démocratiquement élu de son pays soit limité par l’Union. Mais une fois au Parlement, ce même député découvre que son propre pouvoir de parlementaire européen n’est pas limité par la Commission mais par le Conseil européen et le Conseil des ministres – autrement dit, par les chefs de son propre gouvernement.

Relire notre reportage : Au RN, tout le monde il est content, tout le monde il est Bardella

Les souverainistes pas les plus bosseurs…

Le Parlement est responsable de lois qui touchent chaque aspect de notre vie, comme celles qui régulent l’usage des produits chimiques en Europe, qui empêchent les opérateurs de réseaux mobiles de facturer le roaming, ou qui obligent les GAFAM à respecter les droits des artistes. Les grands combats qui devraient animer la vie de l’Assemblée strasbourgeoise incluent la défense, l’espace européen de la recherche, le développement de l’intelligence artificielle, le statut des travailleurs détachés, ainsi que l’éventuel renforcement de l’intégration des états-membres…

Mais qui dit combat dit travail, surtout dans les commissions parlementaires. Les souverainistes ne sont pas toujours les plus bosseurs. Selon une mesure de l’assiduité des eurodéputés, Nigel Farage est venu en 745e position. Qu’importe ! Les 73 députés britanniques vont bientôt disparaître. Peut-être. En attendant, il n’est pas sûr qu’ensemble on aille si loin que ça.

Borgen - L'intégrale des Saisons 1 à 3

Price: 44,99 €

19 used & new available from 14,79 €

Restons aux 80 km/heure sur nos routes !

0
© ALLILI MOURAD / SIPA

Vouloir repasser à 90 km /heure moins d’un an après la nouvelle limitation est le comble du délire populiste


Le mouvement de protestation contre la limitation de vitesse à 80 km /heure sur les routes à double sens sans séparateur central est exemplaire du réflexe pavlovien de contestation qui caractérise une bonne partie de la population française ! Gaulois « réfractaires » un jour…

De quoi s’agit-il au fond ? Simplement de réduire légèrement la vitesse autorisée pour accroître la sécurité sur les voies les plus dangereuses.

« Paris contre la province » ? « Pouvoir contre le peuple » ?
Fadaises !

Le temps perdu est minime sur un trajet quotidien. Déjà, l’automobiliste ne passe pas son trajet en permanence à 80 ou 90, compte tenu des virages, des traversées de villages et des ralentissements de toutes sortes ! Ainsi, sur une heure de route, ce ne sont pas soixante minutes qui sont effectuées à 80 au lieu de 90. Estimons à 30 minutes le temps réellement passé à 80 sur une heure de route. La perte de temps se situe alors entre 3 et 4 minutes…. Y a-t-il là de quoi crier au scandale ?

A lire aussi : Urssaf, écologie, 80 km/h: cet Etat qui harcèle ses citoyens

Les réfractaires à la nouvelle limitation des 80 km /heure invoquent le grand péché à la mode : le mépris ! Il y aurait dans cette limitation une manifestation du mépris de la ville pour la campagne, de Paris pour la province, et, je vous le donne en mille, du pouvoir envers le peuple. Ne touchons-nous pas là au comble du délire populiste ? Ce délire a en tout cas saisi nombre de partis ou de responsables politiques qui considèrent pourtant ce qualificatif comme une marque infamante en temps normal.

Les bienfaits des 80 km /heure

Quant aux bienfaits des 80 km /heure ils sont évidents, et personne de bonne foi ne saurait les contester : réduction du nombre d’accidents, de morts et de blessés, mais aussi réduction de la consommation de carburant, d’où pouvoir d’achat amélioré. Sans oublier la réduction de la pollution. Tout ceci est tellement aveuglant d’évidence qu’on peut se demander à bon droit quel ressort explique cette protestation. Ou plutôt, il faut supposer qu’en l’absence d’arguments objectifs rationnels, ce sont juste les passions politiques et le réflexe si français de refus de tout ce qui modifie les habitudes qui en sont l’explication.

La question est maintenant : pourquoi remettre en question cette loi qui finissait par entrer dans les mœurs ? La confusion que crée dans les esprits une réglementation incertaine ne peut avoir que des inconvénients. Sur nos routes on ne sait jamais à quelle vitesse nous pouvons rouler, les panneaux de limitations trop nombreux se contredisent constamment et chacun a pu expérimenter le surgissement de la question : quelle est la vitesse autorisée là où je me trouve ? Cette question nous n’avons pas fini de nous la poser…

Éloge de la voiture

Price: 18,90 €

22 used & new available from 1,20 €

« Les élites occidentales sont russophobes »

1
Emmanuel Macron et Vladimir Poutine lors du sommet du G20 de Buons Aires en Argentine, novembre 2018. ©Jacques Witt/SIPA / 00886476_000035 / 00886476_000022

Russie-Occident, une guerre de mille ans. La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne. C’est le titre d’un ouvrage marquant sorti en 2015 par le politicien suisse Guy Mettan. Il y a quelques mois, l’ancien directeur et rédacteur en chef de la Tribune de Genève a renchéri avec Le Continent perdu, un livre portant sur une Union européenne jugée dysfonctionnelle et anti-démocratique. Rencontre avec l’ancien député démocrate-chrétien.


Quelques jours après le résultat des élections européennes, Guy Mettan nous reçoit dans son bureau, à Genève. Dans six mois, il quittera la présidence du Club suisse de la presse, fondé entre autres pour favoriser les échanges entre journalistes suisses et internationaux. Il y a quelque chose de délicieusement paradoxal chez cet homme ancré dans les institutions mais cultivant un esprit critique. A la fois libre et dans la course, Guy Mettan – qui briguera d’ailleurs peut-être un mandat au Conseil national sous une étiquette indépendante en automne prochain – veut assurément changer le système de l’intérieur.

Jonas Follonier : Vous avez publié en 2015 Russie – Occident, une guerre de mille ans. La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne. La nuance et même la sympathie à l’égard de la Russie sont aujourd’hui considérées par la plupart des grands médias comme des élucubrations de l’extrême droite. Ce livre, était-ce une manière de démonter cette idée reçue ?

Guy Mettan : J’ai souhaité retracer l’histoire de la russophobie des Etats-Unis et de l’Europe sur le long terme. Je suis donc parti de Charlemagne avec la première tentative de schisme religieux entre ce que deviendront plus tard le monde catholique et le monde orthodoxe à partir du XIe siècle. Si Charlemagne, que l’on a retenu seulement comme empereur, en a été le premier instigateur, c’est le Saint-Empire romain germanique qui réussira à opérer ce changement dans le dogme de la Trinité dès 962. Je considère la séparation des Eglises d’Orient et d’Occident comme le commencement de la russophobie que je décris. Selon moi, il y a un poids historique qui a pesé jusque dans les rédactions et les partis politiques actuels. La russophobie en Occident est un phénomène constant, mais elle ne s’est pas toujours appuyée sur les mêmes forces sociales et politiques. Cela dépend des circonstances historiques. Au temps du communisme, c’était la droite qui était très antirusse, et notez que la Russie de Catherine II était aussi très appréciée par la « gauche » de l’époque.

A lire aussi: D-Day: Emmanuel Macron n’invite pas Vladimir Poutine

Qu’en est-il alors aujourd’hui ?

Ce qui est à mettre au crédit de Vladimir Poutine, c’est le redressement économique et politique de son pays. Il s’agissait d’une nation plongée dans le chaos, qui avait perdu 40% de son PIB. C’est énorme ! C’est d’ailleurs pour ces raisons que Poutine garde encore aujourd’hui un soutien populaire non négligeable, inexplicable pour l’opinion publique et les dirigeants européens. Evidemment, ayant redonné à la Russie une partie du poids qu’elle avait avant, ce chef d’Etat a été perçu par l’intelligentsia occidentale comme un nationaliste, alors même que l’Occident n’a jamais voulu reconnaître qu’en avançant ses pions de l’Otan sous le nez des Russes, contre l’engagement pris avec Gorbatchev, cet activisme provoque des réactions russes : de crainte et aussi de défense. Tout cela n’est jamais mentionné ! Ainsi, avec le développement du « populisme » en Occident, causé par les manquements d’une Union européenne asservie à la politique néolibérale, Poutine jouit d’une certaine notoriété dans les milieux dits « nationalistes » ou « souverainistes ». Certains parlent même d’extrême droite, mais tout cela est relativement subjectif. Demain, l’Occident sera probablement toujours russophobe, et sans doute pour d’autres raisons qu’aujourd’hui.

C’est une chose de critiquer la politique de Vladimir Poutine, c’en est une autre de cultiver une image négative d’un pays et même d’un peuple. D’où votre terme de « russophobie ». Pensez-vous cependant que les masses européennes ou américaines sont véritablement russophobes, au même titre que leurs élites ?

Vous touchez là à un point essentiel. Je fais une différence très nette entre, d’un côté, le peuple et, de l’autre, les élites médiatiques et politiques. Je pense qu’actuellement, la forme de russophobie qui se développe en Occident est à chercher chez les « élites ». Et en particulier les grands médias ainsi que chez les politiciens européistes, que l’on trouve sans arrêt en train de mettre en avant, à tort la plupart du temps, ce qui serait des méfaits ou des magouilles russes. On constate une énorme propagande au niveau des couches dirigeantes actuelles. Au niveau des peuples, je ne ressens pas cette hostilité. Au contraire, j’ai pu constater un certain intérêt lors de mes conférences, quelle que soit d’ailleurs la sensibilité des personnes ou des organismes qui m’invitaient. A gauche comme à droite.

Quand on dénonce un « deux poids deux mesures », ne court-on pas le risque de tomber à son tour dans un certain manichéisme, dans la critique automatique de la critique ?

Dès que l’on développe une thèse, il y a toujours le risque qu’elle devienne excessive en étant récupérée par certaines franges qui s’en emparent en la surinterprétant. J’en suis conscient quand j’écris, quand je m’exprime et quand je réfléchis. Bien qu’on ait beaucoup cherché à me démolir, personne n’a jamais contesté une seule fois depuis cinq ans ce que j’ai affirmé, car je prends le soin de toujours m’appuyer sur des sources incontestables, sur des faits, sur du concret.

Dans votre livre, vous ne cachez pas la dimension personnelle et affective de votre vision de la Russie. Vous racontez d’emblée que vous avez adopté avec votre épouse une fille russe. Sans le genre d’expériences qui furent les vôtres, pensez-vous qu’il est facile pour l’Occidental moyen d’adopter une vision moins manichéenne, voire russophile ?

C’est effectivement par un événement familial que j’ai découvert la réalité russe et que je me suis sensibilisé à l’injustice qui caractérise son traitement par l’Occident. J’ai constaté comme journaliste que les rédactions se trouvaient en permanence dans l’excès de critiques, d’une part, et dans l’inégale attribution des responsabilités, de l’autre. La Russie peut paraitre agressive, peut-être, mais ce qui est certain, c’est que l’Otan a été encore plus agressive et ce ne sont pas les Russes qui ont pris l’initiative militaire dans les années 1990-2010. De plus, qui a fait la guerre en Serbie, au Moyen-Orient, en Afghanistan, en Irak, en Lybie ? Ce sont les Etats-Unis. Les Russes sont intervenus une seule fois, en Syrie, et on les fait passer pour les grands méchants. L’épisode ukrainien de 2014 a montré que les ingérences occidentales y étaient massives: les Etats-Unis ont reconnu y avoir investi trois milliards de dollars pour opérer un changement de régime. On voit la paille chez Poutine, mais on ne voit pas la poutre dans l’autre camp.

Vous attribuez la russophobie à l’Occident. Pourtant, votre propos est justement de dire que la Russie fait partie de l’Occident !

Oui, c’est tout le paradoxe qui fait que ce climat anxiogène et moralisateur est d’autant plus grave. Lorsque, encore récemment, j’entends dans la bouche d’hommes de pouvoir européens des expressions telles que « ingérence étrangère russe », je me dis qu’on devient fou ! Faisant partie intégrante de l’Europe, les Russes sont chez eux en Europe. C’est faire preuve de propagande que de parler d’« ingérence étrangère russe » ! « Ingérence russe » suffirait à supposer qu’elle soit avérée. Cela participe d’ailleurs de l’amalgame qui est fait entre Europe et Union européenne, par exemple.

J’allais y venir. L’ouvrage Le Continent perdu que vous venez de publier dresse un portrait peu élogieux de l’Union européenne. Dans la liste des dysfonctionnements que vous lui diagnostiquez, le plus grand n’est-il pas le déficit civilisationnel, l’Union cultivant un discours exclusivement économique ?

Tout à fait. Le déséquilibre européen actuel est né de l’absence de projet civilisationnel et de la volonté d’évacuer le politique. Les relations problématiques de l’Europe avec la Russie proviennent probablement en partie de cette absence. La Russie, elle, a un projet de civilisation : il suffit de lire les discours de Poutine. On peut ne pas aimer son étoffe conservatrice, mais là n’est pas la question. Ce qui compte, c’est qu’il y a une vision autre qu’économique et techniciste. Je pense qu’une majorité des peuples européens ressent cette lacune. Comme l’Europe est incapable de s’imaginer comme civilisation en soi, l’émergence de ce qu’on appelle les « populismes » apparaît comme une suite on ne peut plus logique.

Vous plaidez pour une Europe jouant le rôle d’arbitre entre les deux grandes puissances américaine et chinoise. Qu’est-ce qui légitimerait ce rôle ? Et l’Europe a-t-elle les moyens d’imposer sa voix ?

Ce qui m’inquiète dans l’évolution du monde depuis une dizaine d’années, c’est l’aggravation constante des tensions internationales. Celles-ci résultent de nombreuses causes, cela s’entend, mais notamment par une ingérence occidentale dans différents pays tels que ceux du Moyen-Orient. On assiste aussi à une crispation américaine, entre autres face à la montée en puissance de la Chine que personne n’avait attendue si tôt. Cela donne lieu à une confrontation entre deux grandes puissances. On le voit bien avec Donald Trump : chaque jour, de nouvelles tensions apparaissent entre les Etats-Unis et la Chine. L’Europe est sommée de prendre parti pour les Américains. On le voit avec le dossier russe par exemple. La Russie, de son côté, est naturellement tentée de rejoindre la Chine, sans quoi elle se retrouverait toute seule. Le fossé s’agrandit entre les deux parties de l’Europe. Il est grand temps d’y mettre fin. Le non-alignement de l’Europe s’impose de lui-même. Ce positionnement stratégique lui permettrait de s’imposer comme une force d’équilibre et de propositions. Mais pour cela, un minimum d’unité est nécessaire.

Je maintiens que la France n’a rien à se reprocher au Rwanda

0
François Mitterrand, octobre 1994. ©CHESNOT/SIPA / 00253443_000006

Roland Hureaux répond à Pierre Brunet pour qui la France a « une part de responsabilité » dans le génocide du Rwanda.


Tout en prenant acte que M. Pierre Brunet croit à ma bonne foi, je maintiens que ni la France ni son armée n’ont quoi que ce soit à se reprocher dans les affaires du Rwanda.

A lire aussi: Si, la France a une part de responsabilité dans le génocide au Rwanda

Bien qu’il ait été sur place (où et quand exactement ? A-t-il rencontré les responsables de l’opération Turquoise ?), le romancier Pierre Brunet ne remet pas en cause la narration répandue par la puissante machine de communication de Paul Kagame et de ses alliés anglo-saxons.

Cette narration est erronée sur plusieurs points capitaux :

Sur le périmètre du drame 

Il y a eu entre 500 000 et 800 000 morts au Rwanda même, surtout en 1994, mais il y en a eu quatre millions au Congo-Kinshasa dans les années qui ont suivi (rapport Mapping des Nations-unies de 2010), principalement du fait de l’armée rwandaise tutsie de Kagame qui, après avoir conquis le Rwanda, a envahi ce qu’on appelait alors le Zaïre ; les victimes étaient soit des réfugiés hutus (qualifiés de « génocidaires », y compris les femmes et les enfants souvent terriblement mutilés comme en a témoigné le Dr Mukwege, prix Nobel de la Paix 2019, qui soignait celles-ci), soit des Congolais. Quand le Congo est passé sous le contrôle de Kagame par présidents fantoches interposés, l’armée congolaise a participé aux massacres. Dire que dans un cas il s’agit de génocide (celui des Tutsis) et dans l’autre de simples massacres (celui des Hutus) relève de la scolastique. On peut reconnaitre que quelques centaines de milliers de Tutsis ont été victimes des Hutus au Rwanda sans oublier les massacres de Hutus et de Congolais près de dix fois plus étendus au Congo.

Sur la légitimité de l’entreprise de conquête de Kagame qui commence en 1990

Qu’à l’indépendance, lors de la prise du pouvoir par la majorité hutue au Rwanda en 1962, de nombreux Tutsis aient été massacrés ou contraints à l’exil ne légitimait nullement une reconquête. Dans le Burundi voisin, où les Tutsis avaient conservé le pouvoir, les massacres de Hutus furent bien plus importants : 300 000 en 1972, 50 000 en 1988. Le dernier (encore 200 000 victimes ?) a eu lieu en 1993 et, à l’approche de l‘armée tutsie, a fait craindre le pire aux Hutus du Rwanda qui savaient cela.

Sur la responsabilité des premiers massacres du Rwanda

Les enquêtes de Pierre Péan et de Judi Rever (qui reposent notamment sur des documents du Tribunal pénal international pour le Rwanda – TPIR) ont montré qu’au fur et à mesure que l’armée tutsie de Kagame (dite APR) entrait au Rwanda, elle massacrait à tour de bras les populations hutues, suscitant la fuite d’un million de réfugiés vers Kigali. Toutefois la communication de Kagame, assisté de grands cabinets américains, a été infiniment mieux maîtrisée que celle des Hutus. Les massacres perpétrés par ces derniers ont été vus en direct dans le monde entier alors que ceux de Kagame ont été soigneusement cachés et parfois même travestis aux yeux de correspondants crédules en massacres opérés par le camp adverse. Faut-il aller jusqu’à dire comme Judi Rever que Kagame a délibérément laissé massacrer ses congénères pour mieux légitimer son pouvoir en victimisant son ethnie et aurait même infiltré les milices hutues (dites Interahamwe) pour les exciter au meurtre ? Le fait que le livre de cette journaliste canadienne, In praise of blood, the crimes of the Rwandan patriotic front (2018), fruit d’une vie d’enquête, ait été salué par la critique internationale témoigne en tout cas d’un début de retournement de l’opinion.

Le débat  suivant entre Jean-Pierre Elkabbach et Raphaël Glucksmann, ce dernier étant à l’origine de notre controverse, montre la légèreté des informations du philosophe :

Sur la responsabilité de Paul Kagame dans l’attentat du 6 avril 1994 qui a déclenché le massacre des Tutsis

Pour la première fois, il y avait deux présidents hutus (une ethnie qui représente, rappelons-le, 90 % de la population) au Rwanda et au Burundi, alors que ces pays avaient été soumis à la minorité tutsie depuis le Moyen-âge (ce qui montre l’absurdité de l’idée répandue par Kagame que les Tutsis seraient les juifs de l’Afrique centrale !). Par quelle singulière aberration a-t-on pu faire croire que, quand ils sont abattus tous les deux, des Hutus étaient à l’origine de l’attentat ? D’autant que ces présidents, vivant au milieu d’autres Hutus, point n’était besoin qu’ils prennent l’avion pour les assassiner.

Le juge Bruguière a très  vite compris  la responsabilité de Kagame. Depuis, les preuves à son encontre se sont accumulées : traçage des lots de missiles utilisés et surtout aveux des proches de Kagame entrés en dissidence. Ces témoins sont pourchassés à travers le monde par les sbires de Kagame pour qu’ils ne puissent pas parler. Après Patrick Karegeya qui voulait parler au juge Trevidic qui avait  repris le dossier, deux ont été assassinés en 2018 après que le même juge, avec une incroyable légèreté, a donné  leur  nom  aux avocats de  Kagame ; la semaine  dernière, on a appris l’assassinat d’un troisième témoin en Afrique du Sud.

La décision de non-lieu, rendue le 24 décembre 2018 à 11h du soir, est heureusement frappée d’appel.

La responsabilité est ailleurs

La France a en effet livré, dès le début du conflit, des armes au gouvernement légitime de Juvénal Habyarimana pour qu’il se défende contre une agression. Cette aide a cessé avec les accords d’Arusha (1993) ; elle a peut-être repris quand il s’est avéré que la partie en face continuait à être aidée par les Anglo-Saxons. Mais la France n’a pas fourni les machettes qui furent le principal instrument des massacres. Plutôt que de mettre en cause la France, il serait mieux venu de mettre en cause les Anglo-Saxons qui ont aidé Kagame dès le début de son équipée. Boutros-Ghali, secrétaire général de l’ONU au moment des faits, a déclaré que la responsabilité des massacres du Rwanda reposait à 100 % sur les Etats-Unis. On n’a pas connaissance qu’ils aient jusqu’ici exprimé le moindre remords ni que personne leur ait demandé d’ouvrir leurs archives.

A lire aussi: Si, la France a une part de responsabilité dans le génocide au Rwanda

Quand Paul Kagame a été mis en cause par la justice française dans l’attentat de Kigali, il a aussitôt contre-attaqué en inventant la complicité de notre armée dans le génocide, ce que beaucoup de Français ne demandaient qu’à croire. Le général Lafourcade, commandant de l’opération Turquoise, a expliqué qu’avec des moyens très limités, elle ne pouvait pas être partout. Sommé par le procureur Carla Del Ponte d’apporter des preuves à ses accusations, Paul Kagame n’en a jamais fournies. Il n’a jamais non plus laissé le Tribunal pénal international enquêter librement au Rwanda.

Il y a longtemps qu’une certaine attitude hostile à tout ce que fait la France en Afrique y pave la voie de la pénétration des Américains et des Chinois. Il est temps que notre pays cesse de battre sa coulpe, surtout quand il n’y a pas la moindre raison de le faire.

La manière dont les événements du Rwanda ont été traités par le « mainstream » international apparaîtra, le jour venu, pour ce qu’elle est : une des plus grandes manipulations de l’histoire.

In Praise of Blood: The Crimes of the Rwandan Patriotic Front

Price: 195,99 €

3 used & new available from

Le zombie au cinéma, stade ultime du capitalisme?

0
The Walking Dead (Saison 1) Capture d'écran © AMC Networks / Netflix

Dans Géographie Zombie, les Ruines du Capitalisme, le géographe et enseignant Manouk Borzakian démontre comment ces films de genre expliquent notre nouveau rapport au monde et aux lieux. Effrayant ?


Hasard calendaire : alors que sort actuellement sur les écrans un énième avatar de « film de zombies » passé à la moulinette du style nonchalant de Jim Jarmusch, Manouk Borzakian publie un essai court et percutant sur la figure cinématographique du mort-vivant.

Pendant longtemps chéri par les uniques fans de cinéma fantastique (Romero, évidemment), le mort-vivant a désormais conquis aussi bien les multiplexes mondialisés que le petit écran (voir le succès de la série TV The Walking Dead). Les études consacrées aux zombies ont d’ailleurs vite dépassé le strict cadre du cinéma de genre, et s’inscrivent désormais dans une vision philosophique et politique plus large, comme le montre l’essai The Walking Dead : guide de survie conceptuel de Benoît Christel, Arnaud Marie et Pierre Magne chez Rouge profond.

A lire aussi : The Dead don’t die, le film que les cinéphiles n’aiment pas (et que j’ai donc adoré)

La menace met désormais en danger notre identité

L’originalité de l’ouvrage de Manouk Borzakian est d’envisager la figure du zombie dans une optique géographique, en tentant de définir ce qui chez le mort-vivant nous parle de notre nouveau rapport au monde et aux lieux. Revenant rapidement sur l’imaginaire colonialiste du zombie des origines (ceux que l’on retrouve dans le sublime Vaudou de Tourneur ou le White Zombie de Victor Halperin), symbole d’une altérité mystérieuse, légèrement inquiétante et exotique, l’auteur aborde la rupture Romero, et ce qu’il appelle « l’altérité interne », en ce sens que la menace vient désormais de son propre territoire et met en danger notre identité.

Plus que les extra-terrestres qui symbolisaient dans les années 50 la menace communiste au temps de la guerre froide, le mort-vivant introduit la notion de contamination et de dépossession de soi puisque, par définition, un zombie conserve l’écorce du Moi tout en étant radicalement autre. On imagine bien, à partir de là, toutes les extrapolations politiques qu’on peut émettre à partir de cette figure : symbole de l’homme aliéné comme les zombies déambulant dans le temple du consumérisme absurde que représente le grand magasin dans Zombie de Romero mais également la prolétarisation d’une certaine partie de l’humanité : « A l’heure de la mondialisation néolibérale, la prolifération de la figure du zombie pourrait bien aussi faire écho à l’émergence, jusque dans les pays riches, d’une « humanité superflue » réunissant, selon l’historien Achille Mbembe, celles et ceux que le capital n’a même plus besoin d’exploiter pour assurer son fonctionnement. »  

L’attaque zombie, métaphore du désir de préserver un « ici » ?

L’enjeu de la question zombie va être celui du territoire. Avant même que l’auteur l’évoque au cours de son essai, on se dit qu’au fond, le mouvement imprimé par les films de morts-vivants étaient l’inverse de celui qui fit les grandes heures du western. D’un côté, un territoire à conquérir, des frontières à repousser toujours plus loin à l’Ouest et une organisation sociale à implanter, la Loi et le tribunal se substituant peu à peu à la loi du plus fort des pionniers.

Ce que montre bien Borzakian, c’est qu’avec l’arrivée des hordes de zombies, ce territoire se rétrécit et devient un espace menacé à défendre coûte que coûte. À ce titre, Land of the Dead de Romero est l’un des films les plus explicites d’un point de vue métaphorique : tandis que les plus riches vivent dans un luxe indécent dans un centre-ville barricadé, les plus pauvres sont expulsés à la périphérie et menacés par les attaques zombies. L’auteur, en se basant sur des exemples précis, montre que ces œuvres traduisent un certain état du monde où les frontières nationales, menacées par les coups de boutoir de la mondialisation, s’effritent et suscitent l’inquiétude et l’angoisse de l’Autre. L’auteur analyse alors les différentes stratégies mises en place par les vivants, géographiquement parlant, pour assurer leur survie : le repli sur soi, une militarisation de l’espace, le désir de préserver un « ici »…

Vous avez dit « urbaphobie » ?

Dans une dernière partie, il se penche sur ce qu’il appelle « le reflux de la civilisation » et le « déficit des lieux ». En gros, la figure du zombie symbolise une destruction de l’espace public puisque une logique de réseau physique et numérique s’est substituée à celle de territoire : les individus ne forment plus une communauté structurée par un espace délimité mais sont plus ou moins connectés et mis en relation par des « lignes » (routes, tubes…) et des « nœuds » (gares, échangeurs d’autoroutes…). Les zombies disent quelque chose de cet effritement d’un espace public désormais piégé. Il faut alors se barricader et/ou fuir. À ce titre, Borzakian consacre quelques très belles pages à l’espace urbain et ce qu’il appelle l’« urbaphobie ». Il s’agit moins dans ces œuvres de montrer la ville comme un espace dangereux et hostile que de souligner la nostalgie d’une ville plus humaine, espace public pas encore déshumanisé : « Les zombies racontent la nostalgie d’un monde disparu. »

A lire aussi : The Haunting of Hill House: enfin une maison hantée qui fout vraiment les jetons!

On l’aura compris : l’essai est très stimulant et analyse finement ce que ces films de morts-vivants nous disent de notre rapport au monde. À chacun ensuite d’en tirer ses conclusions. Manouk Borzakian milite pour la fin d’une logique sécuritaire et souligne le danger de « la tentation de se replier sur des particularités culturelles, de s’agripper à une authenticité fantasmée, de puiser dans les symboles de la nation pour consolider les frontières nationales menacées et en exclure toute impureté ». Il imagine l’organisation d’une résistance à ce mouvement d’uniformisation mondiale depuis le « local » (dans un renversement de perspective, les zombies sont aussi les traders, les « costards-cravates » qui vont pointer à la Défense chaque matin, la police surarmée qui défend les intérêts des financiers…). Non pas pour le folklore de la « culture » des « imbéciles heureux qui sont nés quelque part », mais pour inventer de nouvelles organisations et de nouvelles solidarités face à un monde qui s’effondre…

The Walking Dead: Guide de survie conceptuel

Price: 7,18 €

7 used & new available from

 

Les Gaulois, toujours réfractaires au MMA?

0
Combat d'UFC à Stockholm le 1 juin 2019. © Per Haljestam-USA TODAY Sports/Sipa USA/26526659/hb6/1906012256

La Ministre des Sports Roxanna Maracineanu souhaite progressivement ouvrir la voie au développement du MMA (Martial-Mixed Arts) en France. Si certains y voient trop de violence, nombreux sont les amateurs à se réjouir.


La pratique du MMA (Martial-Mixed Arts) en France est-elle en marche ?

A en croire les dernières sorties de l’actuelle Ministre des Sports Roxanna Maracineanu, oui! Elle entendrait bien légaliser cette pratique progressivement, comme dans la majorité des pays européens.

Le MMA est un mélange de jiu-jitsu brésilien, de lutte et de boxe thaï. C’est une discipline qui a pour lointain ancêtre le pancrace grec, où excellait le philosophe-lutteur Platon. C’est également un spectacle mondialement connu, qui engrange des millions de dollars. La discipline a progressivement volé la vedette à la boxe anglaise en terme d’audimat à la télévision et de gros sous.

Des combattants comme Fedor Emelianenko, George Saint-Pierre ou Anderson Silva font rêver des milliers d’adolescents tout autour du globe.

Pourquoi un tel désamour pour le MMA ?

Notre hexagone reste rétif à tout combat de MMA sur son sol. Pourtant, la France est un vrai pays pugilistique et le reste : elle a vu naître sur son sol des champions de la trempe de Marcel Cerdan, Dominique Valera, Youcef Zenaf, Teddy Riner ou Jerôme Le Banner et tant d’autres… Lesquels ont fait partie des meilleurs combattants de leur génération en dominant parfois leur discipline !  Chaque année, des dizaines de combattants s’y entraînent dans nos dojos pour aller ensuite combattre à l’étranger, en Angleterre notamment.

Pourquoi un tel désamour pour cette pratique devenue phare ? Pourquoi cette volonté de toujours prendre du retard, alors que cette pratique finira tôt ou tard par s’imposer comme dans de nombreux pays tout aussi civilisés que le nôtre ? De la même raison que l’Islande a toujours interdit la pratique de la boxe anglaise sur sol, la principale raison invoquée est l’extrême violence supposée de ce sport. Il est vrai qu’au premier abord, les combats peuvent être spectaculaires avec des frappes au sol, l’utilisation de clés ou des gouttes de sang parcourant le visage des « gladiateurs ». Si l’on se balade sur internet, on peut encore voir des combats au temps des pionniers que furent la famille Gracie avec des yeux crevés, des coups dans les parties… Un spectacle d’une rare violence, plus proche du combat sur un parking que du noble art tel que l’avait souhaité le Marquis de Queensberry en 1865 !

Une pratique d’une rare violence désormais bien encadrée

Or, il y a bien longtemps que le MMA a été réglementé ! Les frappes dans les parties sensibles sont strictement interdites, et les combattants sont suivis par des services médicaux, à chaque instant du combat. Il n’y a en réalité pas plus de risques dans l’octogone que dans n’importe quel autre sport de contact. Les blessures sont souvent plus musculaires que liées aux coups. Pis, c’est oublier les nombreuses contusions cérébrales que peut avoir un boxeur classique ! Et la boxe n’a-t-elle pas rendu fier notre pays aux derniers Jeux olympiques avec ses médailles d’or, notamment du couple Yoka-Mossely ? Et que dire du rugby professionnel et des nombreux accidents qui ont émaillé ces dernières années ? Le rugby s’est métamorphosé depuis 20 ans, avec des gabarits toujours plus grands, plus lourds, plus rapides et des combats toujours plus violents. Qui se souvient des jeunes Adrien Descrulhes, Louis Fajfrowski, Nathan Soyeux ou Nicolas Chauvin, tous âgés entre 18 à 21 ans et décédés sur nos terrains entre 2018 et 2019 ? Bien que des voix s’élèvent de plus en plus pour améliorer les choses, le rugby-cassoulet était bien moins dangereux autrefois qu’il ne l’est devenu aujourd’hui…

Le MMA reste un sport de contact, complet et très technique. Pourquoi les jeunes Français seraient-ils plus friables que les autres ? La France possède en son sein des athlètes de toutes spécialités, des « strikers » (combat debout ») aux « grapplers » (combat au sol), dont beaucoup ne demandent qu’à porter les couleurs de la France, dans un sport où les valeurs patriotiques vont de pair avec une certaine virilité et l’humilité de pouvoir perdre à tout un moment. Il est inique qu’un combattant comme Bertrand Amoussou – ancien judoka de l’équipe de France – soit obligé de porter les couleurs allemandes parce que son sport est interdit à la maison.

Pour mettre la pratique au tapis, la fédé de judo dénonce un « sport de djihadistes » !

La seconde raison vient de l’éternelle lutte entre les fédérations en France.

Les instances de nombreux sports sont en lutte entre elles, pour des fins financières et de prestige. Qui se rappelle que la fédération de rugby à XV a fait interdire la pratique du XIII sous Vichy car porteuse des valeurs qui auraient provoqué la défaite de 1940 ? Le principal obstacle à la présence du MMA est la puissante fédération de judo. Sous couvert de montrer du doigt la dangerosité de ce sport, ses instances souhaitent avant tout protéger leur pré-carré. Le judo, apparu dans les années 30, est une valeur sûre dans notre pays. Pas un quartier ou un bourg de France n’ayant son club ! Avec la maison-mère japonaise, la France est le pays le plus performant dans cette discipline. Et son poids n’est que plus important lorsqu’il s’agit de discuter autour d’une table. Le budget de la fédération n’est toutefois que de 30 millions d’euros, très peu pour un sport aussi populaire. L’argent étant le nerf de la guerre, toute discipline concurrente devient un adversaire à abattre. Et quand son président s’appelle Jean-Luc Rougé, la partie prend une tournure… des plus politiques. Franc-maçon revendiqué, ancien garde du corps du trotskyste Pierre Lambert, il reste le premier champion du monde de judo français en 1975. Animal politique qui a su tisser des réseaux à droite comme à gauche, il tire à boulets rouges sur l’apparition du MMA en France en lançant des arguments controversés tels que « le MMA est un repère de djihadistes, c’est la Direction Centrale du Renseignement Intérieur qui me l’a dit. »

Symbole au choix du bien-être collectif ou d’un certain élitisme, le sport a toujours été en France un vecteur de vivre-ensemble comme de promotion sociale. Roger Salengro, le premier sous-secrétaire à la Jeunesse et au Sport disait en 1936 que « notre souci est moins de créer des champions et de conduire sur le stade 22 acteurs devant 40 000 ou 100 000 spectateurs, que d’incliner la jeunesse de notre pays à aller régulièrement sur le stade, sur le terrain de jeux, à la piscine.»

Le rouleau compresseur libéral au secours du MMA ?

Dans le libéralisme effréné auquel la France se plie depuis trente ans, Emmanuel Macron concocte un plan dont il a le secret : des milliers de postes d’enseignants, d’éducateurs et de fonctionnaires qui encadrent les jeunes pourraient sauter. Le rouleau compresseur emporte tout. Paradoxalement, c’est peut-être la chance du MMA. Si les clubs sportifs devaient subir définitivement la loi du marché, avec des financements exclusivement privés, un sport engendrant autant de bénéfices économiques que le MMA rentrerait totalement dans les schémas de notre temps…

Si le sport collectif est touché depuis longtemps, les sports individuels parvenaient quelque peu à s’extraire de cette logique. Mais le MMA est surtout une image de marque ! Malgré la noblesse d’une pratique ancestrale, il correspond totalement au monde tel qu’on nous l’impose : une société où le sport n’est plus qu’une marchandise comme les autres. Aussi, gageons qu’on ne tardera pas à voir des compétitions de MMA en France…

 

Il faut dire non à Notre-Dame de Macron

0
Projet de restauration de Notre-Dame de Paris par des architectes français, avril 2019. ©Studio NAB/Cover Images/SIPA / SIPAUSA31502861_000002

La technologie contemporaine met en danger les constructions du passé que sont les cathédrales. Contre l’ubris de notre temps, la reconstruction de Notre-Dame exige de retrouver, ou au moins de respecter la façon d’être au monde de nos ancêtres. Elle ne doit pas être macronisée ni « upgradée ».


J’avais sept ans quand, le 28 janvier 1972, je vis brûler la cathédrale de Nantes, la ville où je suis né et ai grandi. Près d’un demi-siècle plus tard, j’ai vu brûler la cathédrale de Paris, où je me trouve aujourd’hui résider. Je pourrais en tirer une loi : les cathédrales des villes que j’habite sont promises au feu. Mais les faits appellent aussi quelques réflexions moins égocentrées.

On s’émerveille des prouesses que la technologie contemporaine permet de réaliser. De fait, les gens de Moyen Âge auraient été bien en peine de façonner la matière à l’échelle du nanomètre. D’un autre côté, ils savaient construire des cathédrales qui ressemblaient à des cathédrales, ce dont nous avons manifestement perdu la capacité – il n’est, pour le constater, que de contempler la cathédrale d’Évry qui, de l’extérieur, pourrait aussi bien être un hôtel de région, le siège social d’une banque ou un palais des congrès (il suffirait d’enlever la croix squelettique qui surmonte l’édifice pour que la vocation religieuse de celui-ci devienne insoupçonnable). Non seulement s’est imposé, avec la technique moderne, un esprit qui empêche l’émergence de toute architecture religieuse convaincante, mais encore la simple cohabitation des édifices anciens avec ladite technique, utilisée pour les aménager, les entretenir ou les restaurer, fait courir à ceux-ci de graves dangers. À Nantes, c’est le chalumeau d’un ouvrier couvreur qui déclencha le feu qui détruisit la toiture entière de la cathédrale[tooltips content= »En 2015, la basilique Saint-Donatien de Nantes a elle aussi été frappée par un incendie qui, déclenché par des travaux, a détruit l’essentiel de la toiture. »]1[/tooltips]. À Paris, on ne sait pas encore, on parle d’imprudence, de court-circuit – quoi qu’il en soit, le sinistre paraît lié, d’une manière ou d’une autre, aux travaux entrepris autour de la flèche. Pourquoi la technique moderne, qui permet tant de choses et étend tellement nos moyens, représente-t-elle également un tel danger quand elle s’approche des constructions du passé ?

Les règles de l’art ne comptent pas, puisqu’elles réclament davantage que cinq ans

Il faut sans doute prendre en compte une mutation dans le rapport à la matière. Dans les termes de Péguy : « La matière ancienne, la matière antique avait les moyens d’exiger le respect, et elle ne s’en privait pas, et elle ne s’en faisait pas faute ; au lieu que la matière moderne au contraire n’en a ni les moyens, ni le goût, ni l’intention. » Accoutumées à la matière moderne, et au rapport moderne à la matière, certaines personnes qui interviennent sur les édifices anciens ne savent plus agir avec les précautions, les soins maternels, les attentions cauteleuses que commandait le respect dont parle Péguy. Il faut dire qu’à la difficulté à accorder à la matière ancienne l’attention qu’elle réclame, s’ajoute la difficulté à témoigner aux restes du Moyen Âge d’authentiques égards, en un temps qui ne place son salut que dans les innovations de rupture.

A lire : Notre-Dame des négligences

Il y a juste cinquante ans, Pasolini fit une nuit, entre veille et sommeil, un de ces rêves qui n’éloignent pas de la réalité, mais au contraire la révèlent : « Des monuments, des choses antiques, bâties en pierre ou en bois, ou en d’autres matières encore, des églises, des tours, des façades de palais, tout cela, rendu anthropomorphique et comme divinisé par une Figure unique et consciente, s’est aperçu qu’il n’était plus aimé, qu’il survivait. Et alors, il a décidé de se tuer : un suicide lent et sans tapage, mais irrépressible. (…) Si un enfant sent qu’il n’est plus aimé, désiré – il se sent “en trop” –, il décide inconsciemment de tomber malade et de mourir : et c’est ce qui arrive. Pierres, bois, couleurs, c’est ce que sont en train de faire les choses du passé. Et dans mon rêve, je l’ai vu clairement, comme dans une vision. » Ce qu’a vu, compris, senti Pasolini se concrétise de jour en jour – l’incendie de Notre-Dame n’en est qu’une scansion spectaculaire. Événement accidentel, imprévisible, et en même temps dans la logique des choses. Je crois que c’est à cela, en premier lieu, que tient l’effet de sidération exercé par la réalité de Notre-Dame en flammes : la concrétisation spectaculaire d’un processus diffus. Au passage, on notera que si, comme le suggère Pasolini, les choses du passé disparaissent de n’être plus aimées, c’est, à rebours, par l’amour qui animait les pompiers que la cathédrale a été préservée d’un effondrement total.

Le soir même, l’événement fut suffisamment fort pour imposer sa marque, et le président de la République, en se rendant sur les lieux, eut une attitude et des mots justes. Dès le lendemain cependant, le manager avait repris le dessus : « Alors oui, nous rebâtirons la cathédrale Notre-Dame plus belle encore, et je veux que ce soit achevé d’ici cinq années. Nous le pouvons, et là aussi, nous mobiliserons. » Plus belle : étant donné nos facultés prodigieuses à répandre actuellement la laideur, aussi belle ne serait déjà pas si mal. Je veux : comme si Notre-Dame était la chose du président. Cinq années : le management par la deadline, qui conduit à tant de travaux bâclés, vidés de leur sens par le fait que ce n’est pas la tâche à accomplir qui prescrit la conduite, mais l’échéance. Quand les bâtisseurs de Notre-Dame se mirent à l’ouvrage, la date de remise des clés à l’évêque n’était pas fixée. Certes, sans la volonté d’édifier la cathédrale, celle-ci n’aurait pas vu le jour, mais si la volonté avait prétendu s’imposer au temps, l’édifice aurait croulé depuis longtemps ou aurait été raté. Et puis, pourquoi cinq ans – cinq pauvres années, alors que tous les connaisseurs de ce genre de chantiers jugent raisonnable une durée beaucoup plus longue ? La maire de Paris a rendu explicite ce qui, dans l’annonce présidentielle, était demeuré implicite : il faut que Notre-Dame soit prête pour les Jeux olympiques de 2024. « Je pense qu’il faut qu’on se mette aussi dans l’idée que ça ne peut pas prendre dix ans, quinze ans ou vingt ans. Il faut le faire dans les règles de l’art, mais en 2024 on doit être là tous ensemble pour accueillir le monde et Notre-Dame doit être là. » Autant dire que les règles de l’art ne comptent pas, puisqu’elles réclament davantage que cinq ans. J’ai retrouvé ces vers du poète américain Longfellow :

Dans les jours anciens de l’Art, / Les hommes travaillaient avec le plus grand soin / Jusqu’au plus infime et invisible détail ; / Car les dieux voient partout.

A lire: Notre-Dame aurait mieux fait de ne pas brûler à notre époque

Mais les regards des dieux ou de Dieu ont laissé la place aux smartphones des touristes, et la foire olympique dicte le calendrier des travaux. L’éditorialiste Christophe Barbier s’emporte : « Pourquoi on nous dit dix ans, quinze ans, chez les professionnels de la profession : ben parce qu’ils veulent faire de Notre-Dame leur dame, et avec beaucoup de minutie, beaucoup de soin, bien sûr. Mais non ! Les Chinois font des centrales nucléaires en quelques mois, on doit pouvoir reconstruire cette charpente et ce plafond en cinq ans. » Peut-être faudrait-il confier le chantier à une entreprise chinoise. Ce qui, au demeurant, s’accorderait avec le concours international d’architecture dont le Premier ministre, dérogeant à la charte de Venise sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, a annoncé le lancement à propos de la reconstruction de la flèche – pour sa part, il verrait bien une nouvelle flèche « adaptée aux techniques et aux enjeux de notre époque ». Pourquoi pas une éolienne, pour faire de Notre-Dame un bâtiment à énergie positive, avec inauguration par Greta Thunberg.

Longtemps j’ai pris le RER B à la station Saint-Michel, pour me rendre sur mon lieu de travail à Palaiseau. Un jour que j’accrochais mon vélo en bordure du parvis de Notre-Dame, j’ai vu et entendu une dame âgée qui, descendant d’un de ces monstrueux cars qui promènent les touristes, s’exclamait à l’intention de son amie qui la suivait : « Oh, look, it’s so old ! » Elle en était saisie. De fait, les Américains n’ont aucun édifice si vieux dans leur pays. Elle ne devait pas bien savoir de quand ça datait, mais elle comprenait au premier coup d’œil que cela venait de loin. Effectivement, cela vient de loin, et pourtant cela nous parle ; ce n’est pas seulement du passé, c’est notre passé. Et il y a tout lieu de s’émerveiller, devant Notre-Dame, de la présence endurante, perdurante, de ce chef-d’œuvre médiéval planté au cœur de notre modernité, témoin d’un autre rapport au monde, d’une autre façon d’habiter la terre, qui furent ceux de nos ancêtres. Un enjeu essentiel de notre époque réside précisément là : ne pas attenter aux quelques fils qui nous relient encore à un passé dont, pour traverser le siècle en cours, nous aurons plus que jamais besoin. Notre-Dame demande à être aimée et respectée, non pas exploitée et macronisée. L’incendie qui a failli l’anéantir devrait réveiller notre piété à l’égard de ce qui nous a été légué, plutôt qu’exciter le désir de l’« upgrader » à la va-vite.

Notre-Dame de Paris

Price: 34,43 €

3 used & new available from

notre-dame de paris

Price: 7,90 €

18 used & new available from 3,89 €

« Jeunesses écologistes » : la marque de la bête?

0
Greta Thunberg manifestant en Autriche © Ronald Zak/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22342086_000003

Depuis le national-socialisme, aucun mouvement idéologique n’avait appelé les enfants et les adolescents à défiler pour en remontrer au monde adulte…


Jeanne d’Arc entendait des voix. Greta Thunberg voit des particules de CO2 dans l’atmosphère.

Certes, son esprit crédule est quelque peu dérangé car la lycéenne de 15 ans souffre d’autisme asperger. Il n’en reste pas moins que sa croisade en faveur du climat paraît si juste et si urgente que le comité Nobel envisage de décerner son célèbre prix à la jeune Suédoise. Pour tenter d’éveiller les consciences de nos contemporains qu’un véritable état de delirium tremens s’est emparé de ceux qui nous gouvernent, il peut être utile de jouer à une devinette historique.

Petite devinette

J’étais un dirigeant politique qui a cessé totalement de manger de la viande pour ensuite devenir l’un des précurseurs du véganisme. Qui suis-je ?

A lire aussi : Fascismes verts: j’ai une sainte horreur des ayatollahs

J’aimais tellement les animaux que je préférais leur compagnie à celle des humains et que j’ai voulu mourir en même temps que ma chienne. Vous ne me reconnaissez toujours pas ?

Ma conviction profonde c’était que l’être humain ne valait pas plus que n’importe quel autre être vivant. En ce sens, je suis l’un des inventeurs de l’antispécisme. Je suis…

La première mesure que j’ai prise en arrivant au pouvoir était d’ailleurs destinée à protéger la nature. Vous ne me reconnaissez toujours pas ?

Je ne suis pas un leader des verts français ou des grünen allemands, je suis Adolf Hitler.

Un point Godwin peut en cacher un autre

Qui ne connaît pas le célébrissime point Godwin ?

Cette manière de clouer le bec de son adversaire en lui trouvant un petit air de troisième Reich. Le point Godwin est une corde élimée qui soutient souvent minablement l’argumentation de celui qui l’utilise, mais agit paradoxalement comme une corde de potence.

Trop de point Godwin tue le point Godwin.

La réduction ad hitlerum a été à ce point utilisée pour discréditer les populistes, les partisans de la nation, du référendum, du contrôle des flux migratoires ou les contempteurs de l’islamisme ! Elle a jeté le discrédit sur toute comparaison entre des phénomènes ou des idées politiques contemporaines et l’hitlérisme.

À tort.

Car s’il est une manifestation politique et idéologique actuelle qui possède une ascendance nationale-socialiste en ligne directe, c’est cette folie environnementaliste, apocalyptique, végane et antispéciste qui s’est emparée d’une partie de nos contemporains. Cette lame de fond évoquant un réchauffement climatique imparable, encouragée par un matraquage médiatique constant, est amplifiée par les programmes scolaires qui, dans notre pays, promettent à nos jeunes têtes blondes que l’avenir sera « décarbonné » ou ne sera pas.

Est-ce la peur de tomber dans la facilité et dans l’outrance du fameux point qui nous aveugle sur la filiation hitlérienne de l’antispécisme et de l’environnementalisme forcené ? Sans doute pas.

Luc Ferry et d’autres auteurs avaient déjà souligné la parenté entre l’écologie radicale (deep ecology) et l’idéologie anti-culturelle nazie. Une même haine de la supériorité de l’humanité sur la nature irrigue, en effet, les deux courants. L’écologie actuelle est certes empreinte d’idéaux égalitaires et humanitaires, à défaut d’être humanistes ; ce que n’était évidemment pas le nazisme. L’écologie de Jadot est une écologie de gauche tandis que celle des SS était une écologie de droite.

L’icône des marcheurs verts  

Mais, ce qui est le plus dérangeant et, assurément, le plus effrayant avec nos marcheurs verts qui annoncent l’été éternel et mortifère du réchauffement, c’est le jeunisme sidérant dont ils font preuve.

Le véritable héritage caché d’Hitler est là. Dans cette soumission à l’opinion des enfants et des adolescents considérés comme une parole d’Évangile. Cette réaction témoigne non seulement d’un mépris pour la transmission culturelle, mais embrasse les caractéristiques les plus effarantes du national-socialisme, doctrine qui donnait raison aux jeunes parce qu’ils étaient jeunes.

La figure en passe de devenir une icône mondiale de ce qui est décrit par l’essentiel du monde adulte comme une salutaire prise de conscience est une adolescente suédoise atteinte de graves troubles de la personnalité. Une lycéenne de 15 ans souffrant d’autisme devant laquelle la plupart des chefs d’État se prosternent comme s’il s’agissait d’un oracle. Reçue partout, ses poncifs sont religieusement écoutés par les grands de ce monde comme s’il s’agissait de la Pythie de Delphes.

Multinationales, ONG, Nations-Unies, grandes puissances, médias, opinions publiques semblent suivre cette enfant aussi enchanteresse que le joueur de flûte du conte de Grimm.

Tous sont fascinés et suivent aveuglément l’enfant prête à basculer dans un monde décarboné.

Le jeunisme, spécificité du national-socialisme

L’une des spécificités les plus repoussantes du national-socialisme résidait dans sa croyance que les adolescents voire les enfants n’avaient pas grand-chose à apprendre des adultes, mais qu’au contraire, ils avaient tout à leur apprendre.

Dans le cerveau dérangé du Führer, les jeunes étaient une avant-garde destinée à sauver la nature et à accoucher d’une nouvelle humanité qui se résoudrait à occuper la place d’une espèce animale parmi d’autres. Depuis le troisième Reich, aucun mouvement idéologique n’avait appelé les enfants et les adolescents à défiler seuls pour en remontrer au monde adulte.

Seul le mouvement nazi avait osé enrôler les jeunes, non comme tous les mouvements politiques en utilisant leurs qualités spécifiques d’énergie, de crédulité et d’enthousiasme, mais en les persuadant que les adultes corrompus et pusillanimes attendaient le salut à travers leur engagement.

Royaume-Uni: des clochers aux minarets

0
La mosquée Dar al-Arquam à Edimbourg, instalée dans les murs d'une église presbytérienne construite en 1859. Photo : Shutterstock

Dans un pays qui comptera bientôt davantage de croyants musulmans que de chrétiens pratiquants, de plus en plus d’églises détenues par des congrégations deviennent des mosquées ou des centres islamiques. Enquête.


Au sud de Manchester, après la tuerie de la Manchester Arena, en mai 2017, qui fit 23 morts et plus d’une centaine de blessés, la mosquée salafiste de Didsbury, que le terroriste Salman Abedi, un Britannique de 23 ans d’origine libyenne, fréquentait avec sa famille, affichait son soutien aux Mancuniens avec une banderole géante, « We love MCR » (« Nous aimons Manchester »). Six mois avant l’attentat, l’imam Mustafa Abdullah Graf avait fait, semble-t-il, l’éloge du djihad devant un millier de fidèles, appelés à soutenir les moudjahidins en Syrie. Le centre islamique adjacent à la mosquée annonce officiellement disposer d’un département de la charia qui publie des fatwas, supervise les affaires familiales et financières et aide à calculer la zakat (aumône). Et il est fort probable qu’il abrite de surcroît une de ces cours de justice chariatiques officieuses qui règlent les affaires quotidiennes d’une partie des 4,13 millions de musulmans recensés au Royaume-Uni en 2016 (soit 6,3 % de la population britannique), selon les données du Pew Research Centre.

Chapelle devient mosquée

La mosquée de Didsbury n’est autre que l’ancienne chapelle méthodiste d’Albert Park, ouverte au culte en 1883, fermée en 1962 et convertie depuis. Sur le territoire britannique, de nombreuses églises sont ainsi devenues des mosquées. Selon le Gatestone Institute, entre 2001 et 2016, 500 églises ont été vendues dans la seule capitale britannique. Certaines ont été transformées en mosquées, comme l’église St Mark devenue la mosquée de New Peckham ou encore la mosquée de Brick Lane (Brick Lane Jamme Masjid) qui était à l’origine une église méthodiste.

A lire aussi: Elisabeth Lévy: Catholiques, profanés en leur pays

En 2012, l’organisation Christian Research estimait qu’au moins 10 000 églises avaient fermé depuis 1960 au Royaume-Uni et que 4 000 autres le seraient en 2020. Il y avait alors 1 700 mosquées officielles sur le territoire et 2 000 lieux de culte musulmans non déclarés.

À Swansea, au Pays de Galles, l’imposante église St Andrews, propriété de l’Église réformée unie, a été transformée en mosquée dans les années 2000 au grand dam du British National Party (BNP). Dans la même rue, le centre islamique chiite Imam Khoei occupe lui aussi une ancienne église. À Édimbourg, en Écosse, l’ancienne église presbytérienne construite en 1859 sur Lauriston Place est devenue la mosquée Dar al-Arqam. L’an dernier, sur l’archipel des Hébrides, une mosquée a remplacé l’ancienne église de Stornoway.

Eglises vides et mosquées surpeuplées

Le nombre croissant de musulmans et celui décroissant des chrétiens au Royaume-Uni accélère le processus. En 2013, le Daily Mail publiait des photos comparant deux églises à l’auditoire clairsemé et une mosquée surpeuplée dans le même quartier de Londres. Les églises St George-in-the-East, sur Cannon Street Road, et St Mary, sur Cable Street, qui peuvent accueillir un millier de fidèles, n’en attirent plus qu’une vingtaine lors des messes dominicales. En revanche, lors de la prière du vendredi, la mosquée de Brune Street n’est pas assez grande pour contenir plusieurs centaines de croyants. Plus de la moitié des musulmans britanniques seraient âgés de moins de 25 ans, tandis que 25 % des chrétiens pratiquants approcheraient les 80 ans. En 2023, il y aura plus de croyants musulmans que de chrétiens pratiquants et le nombre de musulmans au Royaume-Uni pourrait atteindre 13 millions en 2050.

À Manchester, le très influent Centre du patrimoine musulman britannique (« British Muslim Heritage Centre ») occupe l’ancien Northern Congregational College, une structure gothique monumentale édifiée en 1840 sur le modèle des universités d’Oxford et de Cambridge et rachetée par des investisseurs saoudiens en 2003. Le BMHC, organisateur d’un « Syria Day » en soutien aux victimes du régime, dispose de sa propre chaîne de radio. Le maire de Manchester, Andy Burnham, s’y est récemment rendu pour dénoncer l’islamophobie à la suite de l’attentat de Christchurch et le prince Charles, qui y était le 3 avril, dit de ce centre le plus grand bien.

« Si l’acheteur le plus offrant est une discothèque, un casino ou un sex-shop… »

La vente des églises, souvent à des prix défiants toute concurrence, pourrait-elle être freinée pour assurer la préservation du patrimoine chrétien ? Au Royaume-Uni, les édifices religieux appartiennent aux diverses congrégations, et non pas à l’État, comme en France. Elles sont responsables de leur entretien. Pour une petite congrégation locale, il devient très difficile d’entretenir ou même de chauffer les bâtiments.

Dans un entretien du 19 avril 2019, le pasteur Williams expliquait qu’« en vertu du Charity Act et selon la législation britannique, une loi adoptée en 2011, si le bâtiment d’une église n’est plus utilisé pour le culte, il est du devoir de la congrégation de le vendre au meilleur prix, le bénéfice étant utilisé pour les activités qu’elle mène. Si l’acheteur le plus offrant est une discothèque, un casino ou un sex-shop, ou encore les témoins de Jéhovah ou une association islamique, son offre doit être acceptée, sans discrimination, et l’église vendue, même à un groupe religieux dont la congrégation désapprouve la candidature. »

« De nombreux chrétiens et certaines autorités religieuses dénoncent cette situation, d’autres y voient le signe d’une généreuse hospitalité chrétienne envers les autres religions », précise le pasteur, avant d’ajouter « qu’il serait souhaitable que la réciproque s’applique dans les pays où le christianisme est minoritaire… »

Religion, modernité et culture au Royaume-Uni et en France, 1800-1914

Price: 18,09 €

14 used & new available from 2,77 €

 

Emirats Arabes Unis : derrière la vitrine de l’ouverture, un antisémitisme grandissant

0
La mosquée Cheikh Zayed à Abou Dhabi © Tim Rooke / Shutterstock / SIPA Numéro de reportage : REX40464692_000043

Alors que les Emirats Arabes Unis sont souvent présentés dans l’opinion occidentale comme un pays sûr, libéral et adepte d’un islam ouvert, la réalité semble bien plus sombre.


En plus du tournant autoritaire entrepris par le régime des Emirats Arabes Unis, un ordre moral sévère est en train de s’imposer dans une société qui reste majoritairement conservatrice malgré la vitrine de Dubaï. L’antisémitisme est bien présent dans un pays qui souffle le chaud et le froid dans ses relations avec Israël.

L’essentialisation du juif présenté comme ennemi héréditaire

Plusieurs leaders d’opinion populaires aux Emirats Arabes Unis sont les auteurs de tweets et de vidéos notoirement antisémites. La démarche est souvent la même : derrière une vitrine officielle avenante et célébrant le dialogue des cultures en anglais, le discours est bien plus violent et tranchant en arabe.

Exemple avec deux personnalités, auteurs de propos antisémites inquiétants :

Très suivi sur Twitter où il dispose de plus de 320 000 followers, Rashid al-Nuaimi est un personnage clé du dispositif officiel de la riche fédération pour vendre à l’étranger son image de monarchie musulmane progressiste. En avril 2018, il a lancé le Conseil mondial des communautés musulmanes (The World Muslim Communities Council – TWMCC) qui vise à répandre « la paix et l’esprit de tolérance » auprès des communautés musulmanes vivant dans les pays non musulmans, particulièrement en Occident.

Problème : l’homme n’a pas eu froid aux yeux quand il s’est agi d’affirmer dans ses tweets que « malheureusement, on peut en Occident critiquer les religions et les prophètes mais mettre en doute la réalité de la Shoah est puni par la loi ».

Dans une autre déclaration mettant en avant les armes à brandir dans la lutte contre Israël, il rappelait que la meilleure d’entre elles consistait dans l’accroissement des naissances pour inverser le rapport de forces démographique.

L’islam de France contaminé

Autre fait troublant : ce sulfureux personnage s’est lié d’une grande amitié avec Mohamed Bechari – ancienne figure importante de l’islam de France et aujourd’hui établi à Abou Dhabi – pour amadouer une partie des musulmans de l’Hexagone. Insatiables et déterminés à prêcher la bonne parole de l’islam émirati à travers le monde, les deux compères se sont dernièrement rendus en Ouganda, en Russie ou en Nouvelle-Zélande afin de signer des partenariats, participer à des colloques et faire la promotion de leur organisation.

Selon certaines sources concordantes, Mohamed Bechari est en train de paver la route à Rashid al-Nuaïmi afin qu’il noyaute l’islam de France. Signe des temps : la grande mosquée d’Evry d’obédience marocaine lui a ouvert les portes pour un iftar[tooltips content=’Repas pris au coucher du soleil pendant le ramadan’]1[/tooltips] au début du Ramadan et plusieurs acteurs indiquent que l’offensive émiratie auprès des musulmans de France en est à ses débuts avec plusieurs grandes mosquées qui auraient été approchées. Pas sûr que le ministère de l’Intérieur et des cultes accepte sans réagir l’intrusion d’agents au passé aussi lourd et au double discours minant le pacte républicain.

La haine du juif à l’écran

Autre personnage qui relaie les thèses les plus funestes de l’antisémitisme aux Emirats Arabes Unis : le télécoraniste Wassim Youssef. D’origine jordanienne mais naturalisé émirati, ce dernier fait figure de star nationale à tel point que ses vidéos culminent à des millions de vues sur Youtube. Chantre d’un islam policé du « juste milieu » et proche de l’homme fort d’Abou Dhabi Mohamed ben Zayed (dit MBZ), celui qui se présente comme un prédicateur jeune et branché – il est âgé de 37 ans – n’hésite pourtant pas à relayer les pires poncifs d’un antisémitisme qu’il légitime à coups de sourates du Coran. Pour lui, les juifs sont des êtres qui ne respectent aucune parole, prêts à toutes les trahisons pour faire triompher leur communauté. Poursuivant dans son triste élan, que ce soit à la télévision ou lors de ses causeries diffusées sur ses réseaux sociaux depuis la Grande mosquée Cheikh Zayed à Abou Dhabi, il a par le passé fait sienne l’interprétation d’un verset du Coran attestant que les juifs ont encouru la colère de Dieu. Last but not least, leur trahison envers le Prophète Mahomet devrait pousser tous les musulmans du monde à s’en méfier et à se liguer pour que la malédiction divine s’abatte sur eux !