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Le jour où j’ai retrouvé un texte de Pierre Luccin


Suite du confinement berrichon et réouverture d’une enquête démarrée à la bibliothèque de Bourges…


Je suis tombé, par hasard, sur le nom de Pierre Luccin (1909 – 2001). J’ai toujours eu un faible pour les réprouvés. Quelques lignes d’une biographie iconoclaste, lues en appendice d’un roman, ont suffi à m’alpaguer. Une fiche Wikipédia guère plus explicite, suffisamment sulfureuse pour m’appâter, et j’étais ferré. Le garçon m’a plu, son côté disruptif résonnait en moi. Écrivain bordelais, primé par l’Académie française en 1943, édité par Gallimard et Delmas, steward sur les paquebots, ces grands palaces flottants durant les années 1930, négociant en vins, chroniqueur de revues gastronomiques, rédigeant à l’occasion quelques articles pour La journée vinicole, La vie de Bordeaux ou Rustica et frappé de cinq ans d’indignité nationale à la Libération. Sept livres parus entre 1943 et 1947 (La Taupe, Jacinthe, Le marin en smoking, Pierillot, La colère des albatros, Les voyages de Jean l’Aventure, La confession impossible), et puis plus rien, jusqu’à la sortie posthume de son roman autobiographique inachevé Le Sanglier en 2014. Il avait repris la plume à 80 ans passés. Une vie étrange partagée entre sa vigne et le démarchage des marchés du Nord pour vendre son picrate.

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C’en était trop pour un seul homme, pinardier et auteur repéré, un temps, par la critique, puis oublié dans les fossés des Lettres françaises. Un parcours mystérieux où les zones d’ombre demeurent, j’avais enfin trouvé mon déviant magnifique. Dans la préface d’une réédition, Raphaël Sorin se rappelait du phénomène, le qualifiant « d’un drôle de corps, un mélange de peuple et d’aristo ». J’avais des papillons dans le ventre, dans les yeux, et même partout ailleurs.

Était-ce un héritier de Villon, d’Aloysius Bertrand ou de Marot ? Rallongerait-il la longue liste des bannis des bibliothèques, les Albert Vidalie, Jean-Pierre Enard, André Vers, Jean-Pierre Martinet ou Pierre Autin-Grenier ?

Les mauvaises herbes de la littérature

Les non-alignés ont toujours quelque à chose à nous dire de l’enfermement social. Les CV proprets, humanistes et transparents, font fuir les lecteurs. Ils sont, en partie, responsables de la disparition des stylistes et des mauvais coucheurs. J’aime la bile et l’amertume quand elles exultent de la phrase. Les seuls juges de paix que je reconnaisse, sont les mots. Les écrivains hors-les-murs énervent les pédagogues et les libraires, toujours si prompts à vouloir nous rééduquer.

La littérature se nourrit de mauvaises herbes et d’échappées solitaires. Le roman pousse comme du chiendent, sans idéologie, sans argumentaire, il commence par déranger, et finit par aimanter l’esprit. Il n’est donc pas étonnant que l’œuvre de Luccin ait intéressé de respectables maisons girondines. Les effets de la mondialisation ne nous apprennent-ils pas à consommer à domicile ? C’est aussi vrai dans la création artistique que dans la culture des patates. Finitude et L’Éveilleur ont participé, ces dernières années, à le sortir de l’anonymat. Luccin n’entre dans aucune case. Il est tantôt rosse, tantôt nostalgique. Il aurait tendance à écrire sèchement, hésitant entre la confession désarmante avec, en fond de sauce, une hargne très plaisante, vipérine, qui sourd à chaque instant. Avec lui, ça tangue fort, on est balloté en haute mer. Le portrait que fait de lui Raphaël Sorin se confirme à l’écrit. Il a ce côté populo qui me régale, avec l’œil à l’affut qui décèle toutes les injustices dans les organisations et, en même temps, une posture seigneuriale, une grande maîtrise de la langue. Son talent s’exprime sans zoom. Au final, cette œuvre reste aussi mince et dense que celle d’Albert Cossery. On se met à rêver et si le garçon avait délaissé les ceps pour se consacrer totalement à sa machine à écrire, il aurait fait des miracles. Nous serions certainement riches de textes de « premier cru ». Je pensais que cette rencontre littéraire avec Luccin s’arrêterait là.

Littérature sur ordinateur

Ce matin, je vois ces quelques ouvrages alignés sur mon étagère. Il en manque cependant un. Je le possède dans mon ordinateur. Et, ça personne ne le sait, les historiens bordelais l’ignorent, à mon humble avis. Car Luccin m’a poursuivi jusque dans ma cité berruyère de naissance. L’histoire que je vais vous raconter-là, ne répond à aucune logique. Elle est fidèle à la carrière en clair-obscur de cet écrivain si méconnu. Aujourd’hui encore, ma « découverte » pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

Il y a deux ou trois ans, durant les vacances de Pâques, je m’ennuyais ferme dans la maison familiale. À plus de quarante ans, j’ai gardé les stigmates de tous les fils uniques, c’est-à-dire que j’alterne les phases d’agitation et de désœuvrement. Mon père persiflait sur mon incapacité à me concentrer et à faire quelque chose de ma vie. Ma mère me gavait de sablés au beurre. En ce temps-là, le confinement était doux. J’étais, une fois de plus, en manque de livres et de DVD. Je voulais absolument revoir « Sandra » de Luchino Visconti avec Claudia Cardinale et Jean Sorel. À cette époque-là, je m’intéressais à Roger Boussinot, je cherchais à lire Les Guichets du Louvre qui a inspiré un film à Michel Mitrani avec Christine Pascal, Henri Garcin, Alice Sapritch et Michel Auclair. J’aurais, peut-être, une chance de les trouver à la médiathèque de la ville. Je me connectais sur le site : https://mediatheque.ville-bourges.fr/ et y trouvais un vif plaisir. En roue libre, je passais plus d’une heure sur ce moteur de recherche. Je venais de lire La confession impossible ou Le marin en smoking, je ne m’en souviens plus vraiment. Et c’est là que j’ai tapé machinalement : « Pierre Luccin » avec la certitude que cette recherche serait vaine. Miracle de la numérisation et lien invisible qui relie les auteurs entre eux, je n’en croyais pas mes yeux. Un « livre » apparaissait bien et il était relié à Pierre Luccin. Aucun doute, c’était bien le Pierre Luccin des vignes, le marin de la Garonne. Ce « livre » ne figure dans aucune bibliographie. Il est inconnu. Pour être tout à fait honnête avec vous, il ne s’agit pas réellement d’un livre. Voilà ce qu’indiquait sa fiche signalétique :

Titre : « Bourges et sa province à la paresseuse » Edité par P. Luccin. Tabanac (33550 Langoiran)

Type de document : Ouvrages exclus du prêt

Langue : français

Description physique : 11 f. dact. ; 32 cm

Date de publication : [1979 ?]

Cotes : Byb 21951

Sections : Fonds Local

Pourquoi Pierre Luccin, le bordelais avait-il écrit une nouvelle sur la campagne autour de Bourges ? Lui avait-on commandé ou était-ce une initiative personnelle ? Quels organismes (municipalité, office de tourisme, etc…) avaient bien pu le mandater ? Pour quelles raisons ? L’écrivain avait-il des liens avec ce département du centre de la France ? Même la date de parution était accompagnée d’un point d’interrogation.

Manuscrit de Pierre Luccin
Manuscrit de Pierre Luccin

À toutes ces questions, je n’ai toujours aucune réponse. Je fais un piètre enquêteur. J’ai bien tenté d’interroger le personnel, sans succès. Il faut avouer que cette nouvelle se présentant sous la forme de 11 feuillets tapés à la machine avec des corrections au stylo Bic par endroits n’avait pas un intérêt patrimonial exceptionnel, sauf pour moi. Fort gentiment, à la Bibliothèque des Quatre Piliers, splendide bâtisse du centre historique de Bourges, on me permit de consulter sur place ce document qui était parfaitement remisé dans une chemise. Il s’agit donc d’un très court texte assez picaresque dans sa forme narrative qui recense de façon assez amusante, les hauts-lieux berrichons (vitraux de la cathédrale Saint-Etienne, châteaux de la Route Jacques Cœur), les sites naturels comme la Brenne et aussi les plats typiquement locaux, le poulet en barbouille figure en première page ou les fromages de chèvre, la fierté de notre terroir. J’ai longtemps pensé faire de cette découverte la trame d’un roman et, puis, je suis passé à autre chose.

Mais les jours que nous vivons, cloitré, m’incitent à reprendre mon enquête…

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Jaccard, passeur du désastre

 


Avec Confession d’un gentil garçon, notre ami Roland Jaccard poursuit son autobiographie fragmentée, mélancolique et brillante. L’oeuvre d’un nihiliste hanté par l’âge, le suicide et la transmission.


Dans Confession d’un gentil garçon, Roland Jaccard poursuit l’exploration du seul sujet qui l’intéresse vraiment : lui-même. Ne vous y trompez pas : ce n’est pas de l’égocentrisme ou de l’égoïsme, c’est de l’égotisme, nuance, comme chez le Stendhal de la Vie de Henry Brulard. En fait, il s’agit d’une démarche très humble. Se connaître est encore le meilleur moyen d’éviter l’esprit de système, les certitudes arrogantes, le sentiment de supériorité. L’usage du miroir est toujours une leçon de modestie. Ce qui s’y reflète, dans Confession d’un gentil garçon, c’est un homme hanté par l’âge, mais qui garde quelque chose de cambré, un homme qui ne renonce pas et nargue la Camarde.

L’idée du suicide

Depuis toujours, Roland Jaccard a prêché le nihilisme philosophique, et le suicide comme porte de sortie. On pourrait craindre pour sa vie. On aurait tort, là encore. Jaccard se souvient de son maître et ami Cioran qui lui aussi, quand on lui faisait remarquer qu’il parlait beaucoup de suicide sans passer à l’acte, répondait que ce n’était pas le suicide qui consolait, c’était l’idée du suicide. Savoir qu’on peut en finir quand on l’aura décidé, voilà ce qui rend supportable l’existence, et la fait même, à l’occasion, paraître aimable. Pas trop, tout de même, il ne faudrait pas exagérer, l’optimisme demeure une faute de goût : « Il arrive que la vie soit belle. J’ai envie d’ajouter : quel dommage ! »

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En plus, on ne se suicide pas quand on aime les jeunes filles, japonaises de préférence, même si on ne peut que constater qu’on en est arrivé au même âge que le héros du roman bref, sensuel, magnifique et désespéré de Kawabata, Les Belles Endormies, l’histoire d’un homme qui devient un voleur de beauté en s’introduisant la nuit dans des maisons de rendez-vous où il caresse des corps plongés dans un profond sommeil tout en méditant sur les années qui ont passé trop vite : « C’est ainsi que s’achèvent les vies. Tu débutes en mendiant, tu finis en rentier. »

Transmettre sans engendrer

Il faut dire que Roland Jaccard a l’aphorisme aiguisé comme une lame et la maxime précise comme une flèche en plein cœur. Ce Suisse de Paris a tout des grands moralistes français du xviie siècle. Comme eux, il n’est plus dupe de rien. La psychanalyse, par exemple, qu’il exerça jadis, est passée à la moulinette. S’il aime toujours Freud et Lacan, dont il est un spécialiste, c’est davantage comme entrepreneurs de démolition que comme hypothétiques guérisseurs. D’ailleurs, on ne guérit de rien dans le cas de Roland Jaccard et surtout pas d’une adolescence placée sous le signe de Benjamin Constant et d’Oscar Wilde, c’est-à-dire d’un vrai dandysme de la misanthropie.

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Pourtant, pour un homme qui ne croit en rien, sauf peut-être dans la frange de Louise Brooks, Roland Jaccard demeure un merveilleux passeur. Lui qui a toujours eu en horreur l’idée de faire des enfants a par un étrange paradoxe le goût de la transmission. Sa Confession d’un gentil garçon invite à la lecture de Proust, de Lichtenberg, de Léautaud, convoque le cinéma et la bande dessinée comme des arts majeurs.

Et si, finalement, le titre de ce petit livre mélancolique et brillant, désabusé et drôle n’était pas une antiphrase ? Et si Roland Jaccard était vraiment un gentil garçon ? Voilà ce qui, pour le coup, achèverait de le désespérer !

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La note de bas de page qui « accuse » la philosophe Carole Talon-Hugon

 


Invitée à donner une conférence sur l’excès de morale dans l’art, la philosophe Carole Talon-Hugon a été, sur signalement d’un collègue universitaire, la cible d’un appel au boycott pour une note de bas de page prétendument homophobe.


Été 2018. Le festival d’Avignon se termine. Carole Talon-Hugon en ressort accablée par le moralisme pesant dans lequel baigne la programmation. Elle décide d’en faire un livre. L’Art sous contrôle (PUF) est vite écrit. Philosophe spécialiste d’esthétique, professeur à l’université Nice Sophia Antipolis, elle relève depuis des années les manifestations de plus en plus vives d’une censure à multiple détente. L’art pour l’art est mort. Il doit édifier, et non choquer, ce qui n’est pas simple, car il n’y a plus de pudibonderie, seulement des sensibilités. L’homme et l’artiste ne font plus qu’un, l’artiste et son œuvre se confondent. Un geste déplacé de Woody Allen rend impossible une rétrospective de ses films. Théâtre, peinture et littérature doivent s’engager. Les secteurs qui recrutent sont dans le journal : minorités sexuelles ou ethniques, migrants, environnement. « J’avais un peu peur que le festival d’Avignon 2019 rende mon livre caduc, j’avais tort », sourit Carole Talon-Hugon. « Retour d’Avignon, la morale à zéro », titre Libération le 25 juillet. La journaliste du quotidien, Ève Beauvallet, déplore « l’humanisme bêlant » qui imbibe le festival et ironise sur « le rappel aux ordres humanistes » à destination de « ce public de fascistes qui compose, comme chacun sait, les salles du Festival d’Avignon in ». Bref, comme des milliers d’amateurs, elle se retrouve dans les critiques mesurées et argumentées de Carole Talon-Hugon envers les dérives moralisatrices du théâtre contemporain (Ève Beauvallet va d’ailleurs interviewer longuement l’auteur, le 25 juillet 2019).

Le 30 janvier 2020, la philosophe est invitée à la villa Arson, célèbre école d’art rattachée à l’université de Nice. Avant sa conférence, Thomas Golsenne, un ex-enseignant de l’établissement, aujourd’hui en poste à Lille, diffuse le commentaire suivant à destination des étudiants : « La honte… si vous lisez en détail ce livre plein de préjugés notamment homophobes, vous pourrez lire dans la note de la dernière page que l’acronyme LGBTQI s’est enrichi d’un + qui pourrait inclure les zoophiles et les pédophiles… j’espère que des personnes attentives lui feront remarquer le scandale de cette suggestion pendant sa conférence. » Certains étudiants réagissent au quart de tour. Des affiches appellent au boycott, une étudiante accuse Carole Talon-Hugon de faire l’apologie du viol, criant « pédophile ! » quand elle cite le nom de Gauguin. Contacté par Causeur, Thomas Golsenne se défend d’avoir appelé au boycott et campe sur sa position. Le livre est homophobe. Il cite l’objet du délit in extenso : « L’acronyme LGBT (lesbian, gay, bisexuel, transgenre) s’est récemment allongé en LGBTQIA+ (Q pour queer, I pour intersexes, A pour asexuel). Mais le “+” laisse ouverte la possibilité que d’autres préférences en matière sexuelle (fétichisme ? zoophilie ? pédophilie ?) revendiquent leur égale légitimité. » Selon Thomas Golsenne, cette note « scandaleuse » assimile « des préférences sexuelles légales et d’autres illégales ». Il rappelle qu’un conseiller municipal FN, Louis Noguès, a été condamné en diffamation (jusqu’à la cassation, en novembre 2017), pour avoir osé une telle assimilation.

Voilà un bel exemple d’extrait tiré de son contexte. La note renvoie à un passage où Carole Talon-Hugon détaille la fragmentation potentiellement infinie des revendications catégorielles, qui conduit à l’entre-soi et à l’enfermement, en insistant au contraire sur le fait que toutes les sensibilités (et la zoophilie en est une) ne peuvent revendiquer leur légitimité ! Dans la longue réponse qu’il nous a faite par mail, Thomas Golsenne écrit, à propos du racisme et du sexisme dans les écoles d’art : « J’ai également le souvenir d’un étudiant qui avait écrit un mémoire dans lequel les réflexions antisémites abondaient. Ce n’était pas un étudiant musulman (il n’y en a quasiment pas dans les écoles d’art). » Tirée de leur contexte, ces deux phrases accolées suggèrent que Thomas Golsenne croit les étudiants musulmans plus prompts à l’antisémitisme que la moyenne. « En fait, ce qui va peut-être calmer le jeu, c’est la peur de la charrette thermidorienne », conclut Carole Talon-Hugon, en référence au départ à la guillotine des révolutionnaires qui avaient lancé tant de condamnations. Certes, mais si une note de bas de page vaut acte d’accusation, comment arrêter la machine ?

Prudence médicale et précipitation climatique


Le Professeur Raoult affirme avoir une solution, on l’accuse d’être un faux prophète. Toute ressemblance…


 

Le virus est virulent ! HS sont les milliers de personnes qui s’entassent dans les hôpitaux. Sans qu’on puisse évaluer l’impact de la mesure, le confinement est décidé. C’est un pari osé. Il y a un bénéfice attendu, mais des risques associés : crise économique majeure, angoisse généralisée de la population, augmentation du risque de suicide, etc. Gouverner c’est prévoir et gouverner c’est agir. Dont acte.

À peine l’épidémie commencée, un gaulois réfractaire nommé Raoult avait annoncé un remède efficace : la chloroquine. Il n’était pas n’importe qui : un ponte mondial des maladies infectieuses, soutenu dans ses recherches par l’État et « pratiquant » depuis longtemps cette molécule, ennemie du lupus et du palu. Aussitôt, pourtant, les décodeurs du Monde faisaient tomber la bonne nouvelle dans le vide-ordure des « fake news ».

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Dans son service, aux premiers cas qui se présentent, Raoult commence illico à tester in-vivo le médicament. Sur une vingtaine de patients, les résultats sont pour le moins spectaculaires, notamment lorsque la chloroquine est associée à l’azithromycine.

Malgré les tests effectués par son champion, le gouvernement hésite. Le virus est mal connu, l’échantillon de patients est insuffisant, des études sont encore nécessaires. Gouverner c’est prévoir, gouverner c’est agir. La décision est prise : il faut attendre. Surprise car le pari n’est pas osé au vu de la faiblesse des risques associés : le médicament est bon marché, connu et administré depuis des décennies et, aux doses utilisées, les effets secondaires sont contrôlables. Le triomphe serait sans gloire car la décision est sans péril !

Sur ces entrefaites, on apprend que le Global Risks Reports du très sérieux Forum Économique Mondial n’identifiait pas, dans son rapport 2020, le risque pandémique dans la liste des risques les plus probables pour l’humanité. La meilleure place est trustée par le changement climatique. On se remémore alors que la France a engagé des milliards d’euros pour lutter contre ce mal évanescent et poursuit une transition énergétique hasardeuse. Elle a prévu, elle a agi. Elle a prévu le climat de la Terre des décennies et des siècles à venir, elle a prévu les graves conséquences, elle a prévu les résultats que produirait sa politique sur cet insaisissable « objet » climatique. Elle a fait un pari qui se situe dans le ciel éthéré des incertitudes sous les conseils avisés d’une enfant viking réfractaire à l’école.

Vercingétorix, lui, a fait ses classes. Depuis des décennies, il travaille sous les yeux vigilants d’Hippocrate et n’a cure des prévisions et des sermons des « autorités ». Il se murmure qu’il serait aussi climato-sceptique, donc de ces gens que les décodeurs, de manière chloroquignolesque, accusent de propager des fausses nouvelles.

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Et si on fermait les bourses?

Quatre, c’est la quatrième crise boursière que nous subissons en un peu plus de trente ans, après celle de 1987 provoquée par des ordinateurs mal réglés, celle de 2001 liée à la falsification des comptes des grands groupes américains, et celle de 2008 découlant de la faillite bancaire en Occident.

Covid-19 ne fait qu’éclater la bulle?

Le coronavirus serait cause de l’effondrement en cours. La chose est hors de doute mais elle n’est pas la seule à considérer. Au moment où il se produit, les cours des bourses, un peu partout dans le monde ont touché un sommet. Le S & P 500, indice le plus représentatif qui recense les 500 plus grandes sociétés américaines, évidemment toutes mondialisées, s’était accru de moitié en l’espace de trois ans ! Les indices européens avaient aussi flambé, malgré une très faible croissance du Vieux Continent. Coronavirus ou pas, on peut penser qu’un sévère réajustement aurait eu lieu plus ou moins tard, vraisemblablement lors de faillites d’entreprises américaines et chinoises qui affichent des taux d’endettement record.

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Mais l’épisode en cours est des plus instructifs. Car il montre les artifices qui ont permis aux bourses de connaître une montée au ciel durant ces vingt dernières années. Ces artifices sont au nombre de deux : les rachats d’actions et les dividendes non gagés sur des profits par lesquels les entreprises cotées ont subventionné leurs actionnaires.

L’économie réelle malade des boursicoteurs

Boeing est le point focal du problème ainsi posé. Ses dirigeants ont versé quelque 60 milliards de dollars aux actionnaires entre 2013 et 2020. Ils ont versé encore près de 4 milliards de dollars en début d’année malgré un exercice 2019 déficitaire. Ils appellent maintenant le Trésor Public américain à leur secours. 

Si le cercle de la raison cher à Alain Minc existait, que nous dirait-il ? Interdire les rachats d’actions et les versements de dividendes sans objet serait la toute première de ses recommandations. Conditionner l’exercice des droits de vote à un engagement de fidélité vis-à-vis de l’entreprise serait la deuxième. Il serait ainsi mis fin au racket des actionnaires sur les entreprises cotées.

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Mais il pourrait aller au-delà en préconisant la fermeture des bourses dès lors que, de toute manière, elles ont cessé de financer l’investissement et la recherche des entreprises concernées. L’évaluation des actions serait confiée à ces experts spécialisés qui déterminent le prix des entreprises non cotées à partir des bilans et des comptes d’exploitation. 

Alors, l’opinion échapperait au leurre financier que sont devenues les bourses. Alors encore, elle sortirait de l’état hypnotique dans laquelle elle est plongée par leurs annonces quotidiennes. Alors enfin, nous serions délivrés de cette caste parasitaire d’analystes et de traders spécialisés qui vit du leurre boursier.

Grand corps malade

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Le coronavirus nous a montré quelles sont nos vraies priorités. Combattre l’islamisme ne semble pas en faire partie.


C’est peu glorieux. La seule chose qui semble réellement nous importer ces jours-ci est la survie de notre corps, et non la perpétuation de notre civilisation. 

La France est à l’arrêt. L’économie est paralysée. À cause d’un virus certes très dangereux, mais dont la létalité demeure faible. À l’inverse, nous ne faisons rien ou presque face aux dangers réels et sérieux qui menacent de tuer notre mode de vie, et d’enterrer pour toujours notre civilisation. Si nous avions consacré ne serait-ce que 20% de l’effort actuel à lutter contre l’infection islamiste en France, nous aurions peut-être déjà réduit le communautarisme et le terrorisme à un phénomène résiduel. Nos démissions et nos égarements sont en train de transformer l’islamisme en un cancer dont les métastases circulent allègrement dans nos milieux universitaires, nos élites intellectuelles et économiques sans oublier nos forces de l’ordre. Oui, j’aurais souhaité que nous nous affolions, comme nous le faisons maintenant avec le coronavirus, à chaque attentat contre nos civils, à chaque atteinte à la laïcité, à chaque quartier qui tombe sous l’escarcelle des militants de la haine.

Ce n’est pas Covid-19 qui menace l’identité française

Le choix a été fait il y a longtemps et le « mérite » du coronavirus est d’en avoir fait une vérité éclatante : nous avons renoncé à notre civilisation c’est-à-dire à l’essentiel de notre identité. Nous nous résignons à vivre une vie diminuée où nous baissons la tête devant les lobbies qui nous haïssent et veulent éradiquer notre mode de vie. Nous admettons volontiers que nous allons disparaître en tant que peuple pourvu que nos petites vies soient préservées c’est-à-dire notre droit à consommer, à poser nos RTT et à partir en vacances en Thaïlande ou à Punta Cana. Le nombril l’a emporté sur l’esprit. L’individu et son petit confort, telles sont les vraies priorités de notre époque. Le collectif, la solidarité, la permanence ne sont plus que des vains mots.

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Macron dit que nous sommes en guerre, je le crois car lui se bat pour la seule chose qui intéresse cette génération :  la poursuite de la jouissance matérielle quitte à vivre une vie médiocre, sans aspiration à la gloire en tant que nation et à la grandeur en tant que peuple. Une existence limitée dans une époque absurde où les chefs naturels sont castrés de peur de les voir montrer le chemin de la renaissance alors que les joueurs de foot et les humoristes sont appelés à prêcher la bonne parole. Notre passage sur terre risque d’être inutile pour la bonne et simple raison que nous sommes, selon notre président, un peuple sans culture (« il n’y a pas une culture française »). Un peuple sans culture ne mérite pas de vivre et cette conclusion semble habiter tant nos élites que nos concitoyens. C’est peut-être ça la vérité de notre époque.

Tant qu’on a la santé…

Soyez-en assurés, le coronavirus va passer, le remède sera trouvé mais les autres maladies qui vont nous tuer en tant que peuple, culture et société continueront leur œuvre maléfique. Islamisme, épidémie des drogues et des suicides, crime organisé… autant d’affections opportunistes qui prospèrent sur un grand corps malade nommé Occident.

Aux gardiens de la vertu qui vont, sans aucun doute, s’indigner en lisant ce propos, je confirme que je suis bien confiné chez moi au Maroc, que je prends la pandémie au sérieux. Il s’avère tout simplement que l’homme ne se réduit pas à des fonctions vitales et à des organes en activité. Non, l’homme a toujours aspiré à vivre libre, la tête haute et fier de sa civilisation. Vivre en esclave confine à la mort la plus honteuse, que Dieu nous en préserve !

Perpignan: le Covid-19 achève bien les gitans


A Perpignan, toutes les victimes du coronavirus sont jusqu’à présent issues de la communauté gitane. Habitant notamment le quartier Saint-Jacques, l’un des plus pauvres de France, insalubre, vétuste et peu hygiénique, cette population fréquemment obèse et non-alphabétisée vit en famille dans des appartements confinés. L’ancien adjoint à la rénovation urbaine Olivier Amiel (LR), artisan d’un projet avorté de refonte du quartier, dénonce la ghettoïsation de cette communauté maintenue en marge de la société à des fins électoralistes. Entretien. 


Daoud Boughezala. Il y a quelques jours, la ville de Perpignan a décrété un couvre-feu pour faire respecter le confinement. Quelle est la situation sanitaire locale vis-à-vis du coronavirus ?

Olivier Amiel. La ville de Perpignan a été qualifiée de « cluster », c’est-à-dire de foyer où l’épidémie est significative dans un périmètre restreint. Le couvre-feu a été rendu nécessaire par le non-respect des règles de confinement dans certains quartiers, on a même vu la police devoir utiliser des gaz lacrymogènes pour faire rentrer les trafiquants de drogue qui restaient devant le plus important point de deal de Perpignan ! La situation est particulièrement grave dans la communauté gitane de la ville : les cinq premiers morts et les principaux hospitalisés à Perpignan sont issus de celle-ci.

Si la population gitane est particulièrement infectée par le Covid-19, est-ce dû à son mode de vie, à son type d’habitat insalubre, au non-respect du confinement ?

Oui. Il faut également ajouter une comorbidité favorisant le terrain aux infections virales liée aux nombreuses pathologies médicales de cette communauté (obésité, asthme, diabète…).

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Mais la raison première, c’est l’abandon électoraliste de cette communauté. Les responsables politiques de tous bords ont depuis des années à Perpignan sciemment traité la population gitane du quartier comme une « réserve d’indiens » qu’on fait voter pour soi. Abandon économique, social, scolaire et hélas aussi sanitaire. Tout ça pour quelques voix…

Pour justifier cet abandon, les pouvoirs publics se sont cachés derrière le relativisme culturel : « C’est dans leur culture de vivre ainsi ». La déscolarisation ? La maltraitance des femmes ? Les ordures dans la rue ? Les nuisances toute la nuit ? Les prédispositions aux maladies ? Tout ce que nous n’aurions jamais accepté ailleurs, nous l’avons accepté dans ce quartier au nom d’une tradition et d’une culture gitanes. C’est un manque de respect pour ce qu’est vraiment la culture gitane, une manière facile aussi de se défausser et de ne pas faire appliquer les règles républicaines de droit commun.

En tant qu’adjoint au maire, vous aviez piloté un projet de rénovation urbaine aujourd’hui suspendu, dans le quartier gitan Saint-Jacques. Sa mise en œuvre aurait-elle freiné la propagation du virus ?

Oui. Il s’agissait d’un projet global qui répondait à l’urgence urbaine et humaine dans un des deux cents quartiers de renouvellement urbain « d’intérêt national » qui est souvent considéré comme « le » quartier le plus pauvre de France avec des risques d’effondrements d’immeubles et 50% de logements potentiellement indignes, mais aussi des difficultés économiques et sociales hors normes : 60% des ménages sous le seuil de pauvreté, 90% de taux de chômage chez les 16-25 ans, plus des deux tiers des enfants non scolarisés, et de nombreuses pathologies médicales favorisant les infections virales… Le programme devait permettre un investissement public de cent millions d’euros pour agir sur l’habitat certes (réhabilitations quand c’était possible ou démolitions/reconstructions), mais aussi sur le retour du droit commun en matière de sécurité, d’emploi, de scolarisation et… de santé publique ! Cette population cumulant des pathologies spécifiques, elle représente un cocktail virologique mortel en cas d’épidémie.

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Pourquoi ce chantier n’a-t-il pas été mené à son terme ?

Le projet a été suspendu par manque de courage des pouvoirs publics (Ville et État). Ces derniers ont cédé face à la pression de responsables associatifs plus politiciens que les politiciens qui, sous couvert de défense du patrimoine ou d’un prétendu manque de concertation des habitants, ont mené une guérilla contre le projet de renouvellement urbain de Saint Jacques. Ils ont été largement aidés par un député En Marche qui a même organisé des troubles à l’ordre public pour, je le cite « faire bloquer la machine par l’État ».

Des médias nationaux et même internationaux trouvant cette misère pittoresque, se sont emparés des faits pour raconter l’histoire si belle et si fausse des gentils habitants et des méchants élus voulant détruire leurs logements et leur mode de vie… Comment dorment aujourd’hui ceux qui ont bloqué ce projet et continué à abandonner cette population ?

Au XIVe siècle, en Italie, les juifs habitant des ghettos insalubres furent accusés de répandre délibérément la peste noire. À Perpignan, les gitans souffrent-ils des mêmes préjugés racistes ?

Il y a effectivement beaucoup de commentaires racistes les concernant, notamment sur les réseaux sociaux ces derniers jours… Même si le mode de vie et les choix de cette communauté ont favorisé ce risque sanitaire particulièrement élevé, la responsabilité première est celle des élus qui ont abandonné cette population pour acheter la paix sociale et parfois leurs voix aux élections. Il y a eu aussi un manque de courage d’imposer le retour du droit commun et le respect des règles républicaines de base. Résultat ? De réservoir de voix électorales et à misère, la communauté gitane du cœur de Perpignan est devenue un réservoir virologique et de morts.

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Ces Parisiens chez les ploucs

 


Les bobos des villes se sont carapatés chez les ploucs des champs. Une satire signée Isabelle Marchandier.


Ils ont eu une journée top chrono pour fuir Paris et les grandes villes avant que l’épée de Damoclès du confinement ne les oblige à rester confinés chez eux. On les a vu prendre d’assaut les gares, les aéroports, les loueurs de voitures et faire la queue aux stations-services. Une sorte d’exode qui n’était pas sans rappeler celui de Juin 40.

La grande évasion

Les bobos des villes se sont carapatés chez les ploucs des champs. Ils ont trouvé refuge chez ceux dont ils méprisaient le mode de vie anti-écolo. Mais quelle ne fut pas leur galère pour quitter la capitale. Voyons concrètement ce qui s’est passé pour l’un d’entre eux. Prenons l’archétype de ce col blanc, écolo dans l’âme, filant à toute allure chaque matin sur sa trottinette électrique pour se rendre à la station F, le Q.G de la Tech made in France et des élites mondialisées. Mais voilà, ne connaissant pas les frontières, le virus made in China s’est exporté en Europe. Faisant fi des classes sociales et des tranches d’âges, il touche tout le monde. Devant l’ampleur de la crise sanitaire et l’impréparation des pouvoirs publics à la gérer, le citoyen de la start-up nation applique les injonctions du management agile : il s’adapte… et se barre.

Mais la grande évasion ne va pas sans sacrifice. Car pour assurer sa fuite et sa survie, il a dû renier ses convictions écologistes, pourtant bien mûres et récemment nourries par le prêchi-prêcha de sa nouvelle idole, Greta Thunberg. Imaginez la tempête Greta se déchaînant sous son crane lorsqu’il du se résoudre à louer une voiture, lui qui avait l’habitude de se déplacer en covoiturage.

Polluer ou être infecté, il faut choisir

Tant pis : face aux nouvelles normes de sécurité à adopter et à la distanciation sociale à respecter, Dame Nature passe en second. Il se dit qu’il boira de l’eau de pluie en guise de pénitence. Après tout, nous sommes en guerre. Mais au moment de louer la voiture, notre bobo tombe de nouveau des nues. La seule voiture encore disponible roule au diesel. Polluer ou être infecté, il faut choisir. Devant ce dilemme, notre start-uper se décide pour la première option. Une fois son diesel loué, direction sa maison de campagne située dans les terres en Touraine. Enfin arrivé dans le petit village tourangeau, il se gare pour aller faire les courses. Mais voilà qu’une inquiétude le gagne : où va-t-il se ravitailler en graines de chia, de pavot, de lin ou de courges, lui qui en saupoudre tous ses plats ? Comment tenir sans ses steaks de soja, son pain sans gluten et son lait d’amande ?

Alors qu’il essaye de résoudre ses terribles problèmes alimentaires, il arrive sur la place du marché et entend le boucher l’alpaguer en lui proposant des côtes de bœufs bien fermes : « C’est pas le moment d’avoir son système immunitaire en sous-régime, mon bon monsieur » lui lance le boucher. Mais rien n’y fait, il se rabat sur un jus de pruneau 100% naturel. Se purger en guise de pénitence, c’est bien aussi. Une fois installé dans sa résidence secondaire, lui vient alors l’idée de faire une petite séance de Tai-chi dans son jardin. Après tout, le temps s’y prête et puis c’est le moment idéal pour se reconnecter avec son être vrai, communier avec la nature et évacuer toutes les mauvaises ondes. Mais à peine a t-il commencé à s’étirer et à déployer lentement les membres de son corps, que sa concentration est troublée par un festival de caquètements et de meuglements et qu’une odeur extrêmement forte de fumier vient lui irriter les narines. Exaspéré par tous ces désagréments naturels, il décide de remettre sa séance à plus tard.

On a souvent besoin d’un plus petit que soi 

Heureusement qu’il a apporté son iPad Pro. Il va pouvoir enfin se délasser en matant Netflix. Affalé dans son canapé, il se croit enfin en sécurité. Il décide alors de se faire une petite frayeur et de regarder le film Contagion. Manque de chance, tous les ploucs de la région se sont connectés à Facebook pour lancer une cagnotte de soutien au corps médical. Le réseau est donc saturé et il est impossible de démarrer le film. Entre les photos de famille qu’il prenait le temps de développer avant l’arrivée du numérique et des rangées entières de VHS hors d’usage, trône un seul livre : Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez!

Et pendant ce temps-là, alors que les « anywhere », les bobos hors-sol, ont trouvé refuge en province, les « somewhere », ceux qui roulent en diesel et fument des clopes, se dévouent chaque jour à leurs risques et périls, hélas sans masques, pour ravitailler le pays, le soigner, le nettoyer, le protéger, l’approvisionner en essence et en fioul, bref le faire survivre. Belle revanche pour cette France trop souvent oubliée, raillée, méprisée et mise sur le banc des accusés pour son attachement à un mode de vie non-conforme au dogme du mondialisme écolo-responsable.

Et comme toute histoire se finit par une morale, relisons la célèbre fable de La Fontaine Le lion et le rat qui se conclut ainsi : « On a souvent besoin d’un plus petit que soi ».

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Ma guerre confinée

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Il y a la France d’aujourd’hui et celle de demain. Dans cette chronique, Alexis Brunet décrit son combat quotidien, ses attentes et ses rêves…


Lundi 23 mars, j’ouvre les yeux, il est 5h30 et pas un bruit. Déjà deux jours terré dans ma tranchée. J’ai passé les 48 dernières heures confiné à l’écoute du gazouillis des oiseaux printaniers mêlé aux sirènes du Samu. Voilà qui mérite bien une trêve! En mettant le nez dehors, embaume comme un parfum de libération. Mais très vite, la réalité de l’occupation me saute au visage : il est 6h30 du matin et pourtant ils sont déjà là, à croire qu’ils m’épiaient. Ces derniers jours, l’épidémie de jogging a contaminé tout mon quartier.

Qu’ils ne s’imaginent pas me contaminer, je suis un dur à cuire, je fais partie des résistants. Pas ceux qui ont fui sur l’Île d’Yeu mais les vrais, ceux qui arpentent leur huit clos en pantoufles, et qui ont la larme à l’œil en songeant aux soignants, policiers, pompiers et caissières qui échangent des coups de glaive au front contre le virus conquérant. Comme de nombreux Français, je me suis laissé prendre au jeu des applaudissements à 20h sur mon balcon. L’initiative est peut-être infantile, inefficace, bébête, au service du pouvoir et tout ce qu’on veut mais la jolie vendeuse de journaux m’a soufflé « merci pour vos applaudissements ».

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La bienveillance du gouvernement

Déjà vingt minutes de marche en changeant de trottoir pour éviter les joggeurs. Il est bon de se dégourdir les pattes mais que voilà? Je viens de me rendre compte que j’ai oublié le précieux sésame. Je ne voudrais tout de même pas risquer jusqu’à 3700 euros d’amende et 6 mois de prison. Ah, si seulement notre chère ministre de la Justice avait mis autant de zèle à traquer les cons finis qui ont menacé de mort la jeune Mila qu’à traquer les confinés réfractaires… Et le bout de mon nez me gratte à présent, combien de temps vais-je résister? « Restez à la maison », « ne touchez pas votre visage », « lavez-vous très régulièrement les mains », les injonctions bienveillantes de notre gouvernement me résonnent en tête jusqu’à m’en donner le tournis.

Trente minutes d’évasion passées dehors, cela n’a que trop duré. Il est temps de retourner dans ma tranchée. Comme 60 millions de Français, je suis une sorte de « Poilu » confiné et mon devoir m’appelle. Jusqu’à quand allons-nous devoir être des soldats de réserve ultra sédentarisés ? À travers la devanture vitrée d’un hôtel Ibis, un titre de BFM TV : « La chloroquine bientôt testée à grande échelle ». La fin du tunnel en vue pour les confinés bientôt atrophiés que nous sommes ? « Tout le monde l’utilisera », assure le nouveau Messie Didier Raoult dans les pages du Parisien. « Jamais aucun pays au monde n’a accordé une autorisation de traitement sur la base d’une étude comme celle-ci », tempère notre ministre de la santé Olivier Véran dans Le Figaro. Évidemment, où avais-je donc la tête ? Si ce provocateur de Trump s’enflamme autant pour un médicament, ce ne peut qu’être une mauvaise idée…

De nouveau à mon poste dans ma tranchée, je ne baisse pas la garde : à force de me laver les mains une cinquantaine de fois par jour, j’ai les mains fripées comme celles d’une grand-mère. « Utilisez donc un gel hydroalcoolique », me souffle une voix dans ma tête. Sans doute celle de notre bon Ministre de la Santé. Mais ça fait deux semaines qu’il est introuvable, le fameux « gel hydroalcoolique »! Aurais-je dû emmener Olivier Véran faire le tour des pharmacies parisiennes avec moi pour qu’il se rende compte de la pénurie pharmaceutique en cours dans la 7ème puissance économique mondiale ?

Le champ de bataille depuis ma fenêtre

Une petite ronde pour vérifier si tout le monde respecte bien les consignes. Depuis ma fenêtre, j’aperçois un jeune avec un gros masque blanc. Pauvre naïf, il n’a donc pas compris que porter un masque ne servait à rien ? À rien, le Ministère de la Santé nous le répète bien. Quelle idée saugrenue que celle de porter un masque, voilà bien un truc d’Asiatiques. D’ailleurs, si Hongkong ne déplore que quatre victimes de cette saleté de Covid-19, ce n’est sûrement pas parce qu’ils sortent tous masqués, mais parce qu’ils sont dociles et plus disciplinés, eux. Non, qu’on se le dise, avec un peuple latin et fier comme le nôtre, le remède le plus pragmatique, c’est le fameux confinement… Comme au XIXème siècle avec le choléra, comme en Italie avec les brillants résultats que l’on voit ; l’Italie qui, devant l’inertie de l’Union Européenne, a fini par se tourner vers Cuba.

À lire aussi: Le port du masque « à la hongkongaise » comme alternative au confinement

Il paraît que dans cette résistance face au microbe, notre courbe suit justement celle de l’Italie. C’est effrayant mais c’est ce que soutiennent certains « experts ». On sait donc maintenant ce qui nous attend. Ça tombe bien, j’ai toujours rêvé d’arpenter le Malecón en bonne compagnie. Sitôt que sonnera le glas des hostilités, je quitterai ma tranchée confinée pour un repos bien mérité! La Havane vaut bien une nouvelle quarantaine. Puis pourquoi ne pas rejoindre ensuite « l’armée de l’agriculture », comme nous le suggère le ministre Didier Guillaume? Ce n’est pas parce qu’on doit rester calfeutré qu’on doit s’interdire de rêver.

Qu’en pensent les personnes les plus vulnérables?


Un billet qui en fera tousser plus d’un


Le gouvernement, sans doute bien intentionné, prend des mesures de plus en plus drastiques en vue de protéger les personnes les plus vulnérables – celles souffrant de pathologies sévères et celles qui ont atteint la limite au-delà de laquelle leur ticket n’est plus valable. Un beau geste de solidarité, apprécié par les âmes charitables. Encore faut-il que ces mesures soient efficaces. Ne préjugeons de rien. À la fin du match, on aura tout loisir de commenter les stratégies mises en œuvre.

Il est pourtant une question que personne ne se pose vraiment : les vieillards et les handicapés souhaitent-ils vraiment tous qu’on prolonge leur calvaire ? À titre personnel (je précise que j’ai près de quatre-vingt ans), je réponds : non. Et je sais que je ne suis pas le seul. Entre la réanimation et le cocktail létal, je choisis sans hésitation la mixture qui m’enverra ad patres. En accord avec Sènèque, je dirais que « ce qui est un bien, ce n’est pas de vivre, mais de vivre bien. » « Faut-il quitter la vie ? », s’interrogeait l’empereur philosophe Marc-Aurèle. Il importe de se poser la question avant que la vieillesse n’obscurcisse la pensée, répondait-il… À quoi bon allonger une vie qui doit de toute manière aboutir à une triste fin, alors que l’on a compris, pour paraphraser l’Écclésiate, que tout ne passe que pour revenir. Vivre n’est pas seulement douloureux, c’est vain. Certes, chacun se fuit toujours… mais à quoi bon, si l’on n’échappe pas à soi ?

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Une intégrité physique et mentale nous donne un élan vital susceptible de nous procurer bien des plaisirs et de nous éviter ce genre de questions. Mais l’heure sonne vite où il n’est plus possible de les esquiver. Et dans des situations d’urgence comme celle que
nous vivons – il y en eut de bien pires dans le passé -, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les sacrifices auxquels consentent les citoyens et le corps médical n’ont de sens que si celles et ceux qui sont pris en charge le veulent vraiment. Leur offrir la possibilité de mourir en douceur, sans prolonger leur agonie, me semble tout aussi charitable. Sinon plus. Et raisonnable pour chacun, de surcroît.

Le jour où j’ai retrouvé un texte de Pierre Luccin

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Thomas Morales

Suite du confinement berrichon et réouverture d’une enquête démarrée à la bibliothèque de Bourges…


Je suis tombé, par hasard, sur le nom de Pierre Luccin (1909 – 2001). J’ai toujours eu un faible pour les réprouvés. Quelques lignes d’une biographie iconoclaste, lues en appendice d’un roman, ont suffi à m’alpaguer. Une fiche Wikipédia guère plus explicite, suffisamment sulfureuse pour m’appâter, et j’étais ferré. Le garçon m’a plu, son côté disruptif résonnait en moi. Écrivain bordelais, primé par l’Académie française en 1943, édité par Gallimard et Delmas, steward sur les paquebots, ces grands palaces flottants durant les années 1930, négociant en vins, chroniqueur de revues gastronomiques, rédigeant à l’occasion quelques articles pour La journée vinicole, La vie de Bordeaux ou Rustica et frappé de cinq ans d’indignité nationale à la Libération. Sept livres parus entre 1943 et 1947 (La Taupe, Jacinthe, Le marin en smoking, Pierillot, La colère des albatros, Les voyages de Jean l’Aventure, La confession impossible), et puis plus rien, jusqu’à la sortie posthume de son roman autobiographique inachevé Le Sanglier en 2014. Il avait repris la plume à 80 ans passés. Une vie étrange partagée entre sa vigne et le démarchage des marchés du Nord pour vendre son picrate.

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C’en était trop pour un seul homme, pinardier et auteur repéré, un temps, par la critique, puis oublié dans les fossés des Lettres françaises. Un parcours mystérieux où les zones d’ombre demeurent, j’avais enfin trouvé mon déviant magnifique. Dans la préface d’une réédition, Raphaël Sorin se rappelait du phénomène, le qualifiant « d’un drôle de corps, un mélange de peuple et d’aristo ». J’avais des papillons dans le ventre, dans les yeux, et même partout ailleurs.

Était-ce un héritier de Villon, d’Aloysius Bertrand ou de Marot ? Rallongerait-il la longue liste des bannis des bibliothèques, les Albert Vidalie, Jean-Pierre Enard, André Vers, Jean-Pierre Martinet ou Pierre Autin-Grenier ?

Les mauvaises herbes de la littérature

Les non-alignés ont toujours quelque à chose à nous dire de l’enfermement social. Les CV proprets, humanistes et transparents, font fuir les lecteurs. Ils sont, en partie, responsables de la disparition des stylistes et des mauvais coucheurs. J’aime la bile et l’amertume quand elles exultent de la phrase. Les seuls juges de paix que je reconnaisse, sont les mots. Les écrivains hors-les-murs énervent les pédagogues et les libraires, toujours si prompts à vouloir nous rééduquer.

La littérature se nourrit de mauvaises herbes et d’échappées solitaires. Le roman pousse comme du chiendent, sans idéologie, sans argumentaire, il commence par déranger, et finit par aimanter l’esprit. Il n’est donc pas étonnant que l’œuvre de Luccin ait intéressé de respectables maisons girondines. Les effets de la mondialisation ne nous apprennent-ils pas à consommer à domicile ? C’est aussi vrai dans la création artistique que dans la culture des patates. Finitude et L’Éveilleur ont participé, ces dernières années, à le sortir de l’anonymat. Luccin n’entre dans aucune case. Il est tantôt rosse, tantôt nostalgique. Il aurait tendance à écrire sèchement, hésitant entre la confession désarmante avec, en fond de sauce, une hargne très plaisante, vipérine, qui sourd à chaque instant. Avec lui, ça tangue fort, on est balloté en haute mer. Le portrait que fait de lui Raphaël Sorin se confirme à l’écrit. Il a ce côté populo qui me régale, avec l’œil à l’affut qui décèle toutes les injustices dans les organisations et, en même temps, une posture seigneuriale, une grande maîtrise de la langue. Son talent s’exprime sans zoom. Au final, cette œuvre reste aussi mince et dense que celle d’Albert Cossery. On se met à rêver et si le garçon avait délaissé les ceps pour se consacrer totalement à sa machine à écrire, il aurait fait des miracles. Nous serions certainement riches de textes de « premier cru ». Je pensais que cette rencontre littéraire avec Luccin s’arrêterait là.

Littérature sur ordinateur

Ce matin, je vois ces quelques ouvrages alignés sur mon étagère. Il en manque cependant un. Je le possède dans mon ordinateur. Et, ça personne ne le sait, les historiens bordelais l’ignorent, à mon humble avis. Car Luccin m’a poursuivi jusque dans ma cité berruyère de naissance. L’histoire que je vais vous raconter-là, ne répond à aucune logique. Elle est fidèle à la carrière en clair-obscur de cet écrivain si méconnu. Aujourd’hui encore, ma « découverte » pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

Il y a deux ou trois ans, durant les vacances de Pâques, je m’ennuyais ferme dans la maison familiale. À plus de quarante ans, j’ai gardé les stigmates de tous les fils uniques, c’est-à-dire que j’alterne les phases d’agitation et de désœuvrement. Mon père persiflait sur mon incapacité à me concentrer et à faire quelque chose de ma vie. Ma mère me gavait de sablés au beurre. En ce temps-là, le confinement était doux. J’étais, une fois de plus, en manque de livres et de DVD. Je voulais absolument revoir « Sandra » de Luchino Visconti avec Claudia Cardinale et Jean Sorel. À cette époque-là, je m’intéressais à Roger Boussinot, je cherchais à lire Les Guichets du Louvre qui a inspiré un film à Michel Mitrani avec Christine Pascal, Henri Garcin, Alice Sapritch et Michel Auclair. J’aurais, peut-être, une chance de les trouver à la médiathèque de la ville. Je me connectais sur le site : https://mediatheque.ville-bourges.fr/ et y trouvais un vif plaisir. En roue libre, je passais plus d’une heure sur ce moteur de recherche. Je venais de lire La confession impossible ou Le marin en smoking, je ne m’en souviens plus vraiment. Et c’est là que j’ai tapé machinalement : « Pierre Luccin » avec la certitude que cette recherche serait vaine. Miracle de la numérisation et lien invisible qui relie les auteurs entre eux, je n’en croyais pas mes yeux. Un « livre » apparaissait bien et il était relié à Pierre Luccin. Aucun doute, c’était bien le Pierre Luccin des vignes, le marin de la Garonne. Ce « livre » ne figure dans aucune bibliographie. Il est inconnu. Pour être tout à fait honnête avec vous, il ne s’agit pas réellement d’un livre. Voilà ce qu’indiquait sa fiche signalétique :

Titre : « Bourges et sa province à la paresseuse » Edité par P. Luccin. Tabanac (33550 Langoiran)

Type de document : Ouvrages exclus du prêt

Langue : français

Description physique : 11 f. dact. ; 32 cm

Date de publication : [1979 ?]

Cotes : Byb 21951

Sections : Fonds Local

Pourquoi Pierre Luccin, le bordelais avait-il écrit une nouvelle sur la campagne autour de Bourges ? Lui avait-on commandé ou était-ce une initiative personnelle ? Quels organismes (municipalité, office de tourisme, etc…) avaient bien pu le mandater ? Pour quelles raisons ? L’écrivain avait-il des liens avec ce département du centre de la France ? Même la date de parution était accompagnée d’un point d’interrogation.

Manuscrit de Pierre Luccin
Manuscrit de Pierre Luccin

À toutes ces questions, je n’ai toujours aucune réponse. Je fais un piètre enquêteur. J’ai bien tenté d’interroger le personnel, sans succès. Il faut avouer que cette nouvelle se présentant sous la forme de 11 feuillets tapés à la machine avec des corrections au stylo Bic par endroits n’avait pas un intérêt patrimonial exceptionnel, sauf pour moi. Fort gentiment, à la Bibliothèque des Quatre Piliers, splendide bâtisse du centre historique de Bourges, on me permit de consulter sur place ce document qui était parfaitement remisé dans une chemise. Il s’agit donc d’un très court texte assez picaresque dans sa forme narrative qui recense de façon assez amusante, les hauts-lieux berrichons (vitraux de la cathédrale Saint-Etienne, châteaux de la Route Jacques Cœur), les sites naturels comme la Brenne et aussi les plats typiquement locaux, le poulet en barbouille figure en première page ou les fromages de chèvre, la fierté de notre terroir. J’ai longtemps pensé faire de cette découverte la trame d’un roman et, puis, je suis passé à autre chose.

Mais les jours que nous vivons, cloitré, m’incitent à reprendre mon enquête…

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Jaccard, passeur du désastre

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Roland Jaccard © Hannah Assouline

 


Avec Confession d’un gentil garçon, notre ami Roland Jaccard poursuit son autobiographie fragmentée, mélancolique et brillante. L’oeuvre d’un nihiliste hanté par l’âge, le suicide et la transmission.


Dans Confession d’un gentil garçon, Roland Jaccard poursuit l’exploration du seul sujet qui l’intéresse vraiment : lui-même. Ne vous y trompez pas : ce n’est pas de l’égocentrisme ou de l’égoïsme, c’est de l’égotisme, nuance, comme chez le Stendhal de la Vie de Henry Brulard. En fait, il s’agit d’une démarche très humble. Se connaître est encore le meilleur moyen d’éviter l’esprit de système, les certitudes arrogantes, le sentiment de supériorité. L’usage du miroir est toujours une leçon de modestie. Ce qui s’y reflète, dans Confession d’un gentil garçon, c’est un homme hanté par l’âge, mais qui garde quelque chose de cambré, un homme qui ne renonce pas et nargue la Camarde.

L’idée du suicide

Depuis toujours, Roland Jaccard a prêché le nihilisme philosophique, et le suicide comme porte de sortie. On pourrait craindre pour sa vie. On aurait tort, là encore. Jaccard se souvient de son maître et ami Cioran qui lui aussi, quand on lui faisait remarquer qu’il parlait beaucoup de suicide sans passer à l’acte, répondait que ce n’était pas le suicide qui consolait, c’était l’idée du suicide. Savoir qu’on peut en finir quand on l’aura décidé, voilà ce qui rend supportable l’existence, et la fait même, à l’occasion, paraître aimable. Pas trop, tout de même, il ne faudrait pas exagérer, l’optimisme demeure une faute de goût : « Il arrive que la vie soit belle. J’ai envie d’ajouter : quel dommage ! »

A lire aussi: Qu’en pensent les personnes les plus vulnérables?

En plus, on ne se suicide pas quand on aime les jeunes filles, japonaises de préférence, même si on ne peut que constater qu’on en est arrivé au même âge que le héros du roman bref, sensuel, magnifique et désespéré de Kawabata, Les Belles Endormies, l’histoire d’un homme qui devient un voleur de beauté en s’introduisant la nuit dans des maisons de rendez-vous où il caresse des corps plongés dans un profond sommeil tout en méditant sur les années qui ont passé trop vite : « C’est ainsi que s’achèvent les vies. Tu débutes en mendiant, tu finis en rentier. »

Transmettre sans engendrer

Il faut dire que Roland Jaccard a l’aphorisme aiguisé comme une lame et la maxime précise comme une flèche en plein cœur. Ce Suisse de Paris a tout des grands moralistes français du xviie siècle. Comme eux, il n’est plus dupe de rien. La psychanalyse, par exemple, qu’il exerça jadis, est passée à la moulinette. S’il aime toujours Freud et Lacan, dont il est un spécialiste, c’est davantage comme entrepreneurs de démolition que comme hypothétiques guérisseurs. D’ailleurs, on ne guérit de rien dans le cas de Roland Jaccard et surtout pas d’une adolescence placée sous le signe de Benjamin Constant et d’Oscar Wilde, c’est-à-dire d’un vrai dandysme de la misanthropie.

À lire aussi: Roland Jaccard, l’ami nihiliste

Pourtant, pour un homme qui ne croit en rien, sauf peut-être dans la frange de Louise Brooks, Roland Jaccard demeure un merveilleux passeur. Lui qui a toujours eu en horreur l’idée de faire des enfants a par un étrange paradoxe le goût de la transmission. Sa Confession d’un gentil garçon invite à la lecture de Proust, de Lichtenberg, de Léautaud, convoque le cinéma et la bande dessinée comme des arts majeurs.

Et si, finalement, le titre de ce petit livre mélancolique et brillant, désabusé et drôle n’était pas une antiphrase ? Et si Roland Jaccard était vraiment un gentil garçon ? Voilà ce qui, pour le coup, achèverait de le désespérer !

Confession d'un gentil garçon

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La note de bas de page qui « accuse » la philosophe Carole Talon-Hugon

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Carole Talon-Hugon.

 


Invitée à donner une conférence sur l’excès de morale dans l’art, la philosophe Carole Talon-Hugon a été, sur signalement d’un collègue universitaire, la cible d’un appel au boycott pour une note de bas de page prétendument homophobe.


Été 2018. Le festival d’Avignon se termine. Carole Talon-Hugon en ressort accablée par le moralisme pesant dans lequel baigne la programmation. Elle décide d’en faire un livre. L’Art sous contrôle (PUF) est vite écrit. Philosophe spécialiste d’esthétique, professeur à l’université Nice Sophia Antipolis, elle relève depuis des années les manifestations de plus en plus vives d’une censure à multiple détente. L’art pour l’art est mort. Il doit édifier, et non choquer, ce qui n’est pas simple, car il n’y a plus de pudibonderie, seulement des sensibilités. L’homme et l’artiste ne font plus qu’un, l’artiste et son œuvre se confondent. Un geste déplacé de Woody Allen rend impossible une rétrospective de ses films. Théâtre, peinture et littérature doivent s’engager. Les secteurs qui recrutent sont dans le journal : minorités sexuelles ou ethniques, migrants, environnement. « J’avais un peu peur que le festival d’Avignon 2019 rende mon livre caduc, j’avais tort », sourit Carole Talon-Hugon. « Retour d’Avignon, la morale à zéro », titre Libération le 25 juillet. La journaliste du quotidien, Ève Beauvallet, déplore « l’humanisme bêlant » qui imbibe le festival et ironise sur « le rappel aux ordres humanistes » à destination de « ce public de fascistes qui compose, comme chacun sait, les salles du Festival d’Avignon in ». Bref, comme des milliers d’amateurs, elle se retrouve dans les critiques mesurées et argumentées de Carole Talon-Hugon envers les dérives moralisatrices du théâtre contemporain (Ève Beauvallet va d’ailleurs interviewer longuement l’auteur, le 25 juillet 2019).

Le 30 janvier 2020, la philosophe est invitée à la villa Arson, célèbre école d’art rattachée à l’université de Nice. Avant sa conférence, Thomas Golsenne, un ex-enseignant de l’établissement, aujourd’hui en poste à Lille, diffuse le commentaire suivant à destination des étudiants : « La honte… si vous lisez en détail ce livre plein de préjugés notamment homophobes, vous pourrez lire dans la note de la dernière page que l’acronyme LGBTQI s’est enrichi d’un + qui pourrait inclure les zoophiles et les pédophiles… j’espère que des personnes attentives lui feront remarquer le scandale de cette suggestion pendant sa conférence. » Certains étudiants réagissent au quart de tour. Des affiches appellent au boycott, une étudiante accuse Carole Talon-Hugon de faire l’apologie du viol, criant « pédophile ! » quand elle cite le nom de Gauguin. Contacté par Causeur, Thomas Golsenne se défend d’avoir appelé au boycott et campe sur sa position. Le livre est homophobe. Il cite l’objet du délit in extenso : « L’acronyme LGBT (lesbian, gay, bisexuel, transgenre) s’est récemment allongé en LGBTQIA+ (Q pour queer, I pour intersexes, A pour asexuel). Mais le “+” laisse ouverte la possibilité que d’autres préférences en matière sexuelle (fétichisme ? zoophilie ? pédophilie ?) revendiquent leur égale légitimité. » Selon Thomas Golsenne, cette note « scandaleuse » assimile « des préférences sexuelles légales et d’autres illégales ». Il rappelle qu’un conseiller municipal FN, Louis Noguès, a été condamné en diffamation (jusqu’à la cassation, en novembre 2017), pour avoir osé une telle assimilation.

Voilà un bel exemple d’extrait tiré de son contexte. La note renvoie à un passage où Carole Talon-Hugon détaille la fragmentation potentiellement infinie des revendications catégorielles, qui conduit à l’entre-soi et à l’enfermement, en insistant au contraire sur le fait que toutes les sensibilités (et la zoophilie en est une) ne peuvent revendiquer leur légitimité ! Dans la longue réponse qu’il nous a faite par mail, Thomas Golsenne écrit, à propos du racisme et du sexisme dans les écoles d’art : « J’ai également le souvenir d’un étudiant qui avait écrit un mémoire dans lequel les réflexions antisémites abondaient. Ce n’était pas un étudiant musulman (il n’y en a quasiment pas dans les écoles d’art). » Tirée de leur contexte, ces deux phrases accolées suggèrent que Thomas Golsenne croit les étudiants musulmans plus prompts à l’antisémitisme que la moyenne. « En fait, ce qui va peut-être calmer le jeu, c’est la peur de la charrette thermidorienne », conclut Carole Talon-Hugon, en référence au départ à la guillotine des révolutionnaires qui avaient lancé tant de condamnations. Certes, mais si une note de bas de page vaut acte d’accusation, comment arrêter la machine ?

Prudence médicale et précipitation climatique

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Plaquenil hydroxichloroquine. © Laurent BENHAMOU/ SIPA

Le Professeur Raoult affirme avoir une solution, on l’accuse d’être un faux prophète. Toute ressemblance…


 

Le virus est virulent ! HS sont les milliers de personnes qui s’entassent dans les hôpitaux. Sans qu’on puisse évaluer l’impact de la mesure, le confinement est décidé. C’est un pari osé. Il y a un bénéfice attendu, mais des risques associés : crise économique majeure, angoisse généralisée de la population, augmentation du risque de suicide, etc. Gouverner c’est prévoir et gouverner c’est agir. Dont acte.

À peine l’épidémie commencée, un gaulois réfractaire nommé Raoult avait annoncé un remède efficace : la chloroquine. Il n’était pas n’importe qui : un ponte mondial des maladies infectieuses, soutenu dans ses recherches par l’État et « pratiquant » depuis longtemps cette molécule, ennemie du lupus et du palu. Aussitôt, pourtant, les décodeurs du Monde faisaient tomber la bonne nouvelle dans le vide-ordure des « fake news ».

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Dans son service, aux premiers cas qui se présentent, Raoult commence illico à tester in-vivo le médicament. Sur une vingtaine de patients, les résultats sont pour le moins spectaculaires, notamment lorsque la chloroquine est associée à l’azithromycine.

Malgré les tests effectués par son champion, le gouvernement hésite. Le virus est mal connu, l’échantillon de patients est insuffisant, des études sont encore nécessaires. Gouverner c’est prévoir, gouverner c’est agir. La décision est prise : il faut attendre. Surprise car le pari n’est pas osé au vu de la faiblesse des risques associés : le médicament est bon marché, connu et administré depuis des décennies et, aux doses utilisées, les effets secondaires sont contrôlables. Le triomphe serait sans gloire car la décision est sans péril !

Sur ces entrefaites, on apprend que le Global Risks Reports du très sérieux Forum Économique Mondial n’identifiait pas, dans son rapport 2020, le risque pandémique dans la liste des risques les plus probables pour l’humanité. La meilleure place est trustée par le changement climatique. On se remémore alors que la France a engagé des milliards d’euros pour lutter contre ce mal évanescent et poursuit une transition énergétique hasardeuse. Elle a prévu, elle a agi. Elle a prévu le climat de la Terre des décennies et des siècles à venir, elle a prévu les graves conséquences, elle a prévu les résultats que produirait sa politique sur cet insaisissable « objet » climatique. Elle a fait un pari qui se situe dans le ciel éthéré des incertitudes sous les conseils avisés d’une enfant viking réfractaire à l’école.

Vercingétorix, lui, a fait ses classes. Depuis des décennies, il travaille sous les yeux vigilants d’Hippocrate et n’a cure des prévisions et des sermons des « autorités ». Il se murmure qu’il serait aussi climato-sceptique, donc de ces gens que les décodeurs, de manière chloroquignolesque, accusent de propager des fausses nouvelles.

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Et si on fermait les bourses?

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Wall Street à new York © Mark Lennihan/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22439194_000002

Quatre, c’est la quatrième crise boursière que nous subissons en un peu plus de trente ans, après celle de 1987 provoquée par des ordinateurs mal réglés, celle de 2001 liée à la falsification des comptes des grands groupes américains, et celle de 2008 découlant de la faillite bancaire en Occident.

Covid-19 ne fait qu’éclater la bulle?

Le coronavirus serait cause de l’effondrement en cours. La chose est hors de doute mais elle n’est pas la seule à considérer. Au moment où il se produit, les cours des bourses, un peu partout dans le monde ont touché un sommet. Le S & P 500, indice le plus représentatif qui recense les 500 plus grandes sociétés américaines, évidemment toutes mondialisées, s’était accru de moitié en l’espace de trois ans ! Les indices européens avaient aussi flambé, malgré une très faible croissance du Vieux Continent. Coronavirus ou pas, on peut penser qu’un sévère réajustement aurait eu lieu plus ou moins tard, vraisemblablement lors de faillites d’entreprises américaines et chinoises qui affichent des taux d’endettement record.

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Mais l’épisode en cours est des plus instructifs. Car il montre les artifices qui ont permis aux bourses de connaître une montée au ciel durant ces vingt dernières années. Ces artifices sont au nombre de deux : les rachats d’actions et les dividendes non gagés sur des profits par lesquels les entreprises cotées ont subventionné leurs actionnaires.

L’économie réelle malade des boursicoteurs

Boeing est le point focal du problème ainsi posé. Ses dirigeants ont versé quelque 60 milliards de dollars aux actionnaires entre 2013 et 2020. Ils ont versé encore près de 4 milliards de dollars en début d’année malgré un exercice 2019 déficitaire. Ils appellent maintenant le Trésor Public américain à leur secours. 

Si le cercle de la raison cher à Alain Minc existait, que nous dirait-il ? Interdire les rachats d’actions et les versements de dividendes sans objet serait la toute première de ses recommandations. Conditionner l’exercice des droits de vote à un engagement de fidélité vis-à-vis de l’entreprise serait la deuxième. Il serait ainsi mis fin au racket des actionnaires sur les entreprises cotées.

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Mais il pourrait aller au-delà en préconisant la fermeture des bourses dès lors que, de toute manière, elles ont cessé de financer l’investissement et la recherche des entreprises concernées. L’évaluation des actions serait confiée à ces experts spécialisés qui déterminent le prix des entreprises non cotées à partir des bilans et des comptes d’exploitation. 

Alors, l’opinion échapperait au leurre financier que sont devenues les bourses. Alors encore, elle sortirait de l’état hypnotique dans laquelle elle est plongée par leurs annonces quotidiennes. Alors enfin, nous serions délivrés de cette caste parasitaire d’analystes et de traders spécialisés qui vit du leurre boursier.

Grand corps malade

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Emmanuel Macron reunit ses collaborateurs pour gérer la crise sanitaire le 20 mars 2020 © ERIC DESSONS/JDD/SIPA Numéro de reportage: 00951245_000041

Le coronavirus nous a montré quelles sont nos vraies priorités. Combattre l’islamisme ne semble pas en faire partie.


C’est peu glorieux. La seule chose qui semble réellement nous importer ces jours-ci est la survie de notre corps, et non la perpétuation de notre civilisation. 

La France est à l’arrêt. L’économie est paralysée. À cause d’un virus certes très dangereux, mais dont la létalité demeure faible. À l’inverse, nous ne faisons rien ou presque face aux dangers réels et sérieux qui menacent de tuer notre mode de vie, et d’enterrer pour toujours notre civilisation. Si nous avions consacré ne serait-ce que 20% de l’effort actuel à lutter contre l’infection islamiste en France, nous aurions peut-être déjà réduit le communautarisme et le terrorisme à un phénomène résiduel. Nos démissions et nos égarements sont en train de transformer l’islamisme en un cancer dont les métastases circulent allègrement dans nos milieux universitaires, nos élites intellectuelles et économiques sans oublier nos forces de l’ordre. Oui, j’aurais souhaité que nous nous affolions, comme nous le faisons maintenant avec le coronavirus, à chaque attentat contre nos civils, à chaque atteinte à la laïcité, à chaque quartier qui tombe sous l’escarcelle des militants de la haine.

Ce n’est pas Covid-19 qui menace l’identité française

Le choix a été fait il y a longtemps et le « mérite » du coronavirus est d’en avoir fait une vérité éclatante : nous avons renoncé à notre civilisation c’est-à-dire à l’essentiel de notre identité. Nous nous résignons à vivre une vie diminuée où nous baissons la tête devant les lobbies qui nous haïssent et veulent éradiquer notre mode de vie. Nous admettons volontiers que nous allons disparaître en tant que peuple pourvu que nos petites vies soient préservées c’est-à-dire notre droit à consommer, à poser nos RTT et à partir en vacances en Thaïlande ou à Punta Cana. Le nombril l’a emporté sur l’esprit. L’individu et son petit confort, telles sont les vraies priorités de notre époque. Le collectif, la solidarité, la permanence ne sont plus que des vains mots.

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Macron dit que nous sommes en guerre, je le crois car lui se bat pour la seule chose qui intéresse cette génération :  la poursuite de la jouissance matérielle quitte à vivre une vie médiocre, sans aspiration à la gloire en tant que nation et à la grandeur en tant que peuple. Une existence limitée dans une époque absurde où les chefs naturels sont castrés de peur de les voir montrer le chemin de la renaissance alors que les joueurs de foot et les humoristes sont appelés à prêcher la bonne parole. Notre passage sur terre risque d’être inutile pour la bonne et simple raison que nous sommes, selon notre président, un peuple sans culture (« il n’y a pas une culture française »). Un peuple sans culture ne mérite pas de vivre et cette conclusion semble habiter tant nos élites que nos concitoyens. C’est peut-être ça la vérité de notre époque.

Tant qu’on a la santé…

Soyez-en assurés, le coronavirus va passer, le remède sera trouvé mais les autres maladies qui vont nous tuer en tant que peuple, culture et société continueront leur œuvre maléfique. Islamisme, épidémie des drogues et des suicides, crime organisé… autant d’affections opportunistes qui prospèrent sur un grand corps malade nommé Occident.

Aux gardiens de la vertu qui vont, sans aucun doute, s’indigner en lisant ce propos, je confirme que je suis bien confiné chez moi au Maroc, que je prends la pandémie au sérieux. Il s’avère tout simplement que l’homme ne se réduit pas à des fonctions vitales et à des organes en activité. Non, l’homme a toujours aspiré à vivre libre, la tête haute et fier de sa civilisation. Vivre en esclave confine à la mort la plus honteuse, que Dieu nous en préserve !

Perpignan: le Covid-19 achève bien les gitans

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Olivier Amiel

A Perpignan, toutes les victimes du coronavirus sont jusqu’à présent issues de la communauté gitane. Habitant notamment le quartier Saint-Jacques, l’un des plus pauvres de France, insalubre, vétuste et peu hygiénique, cette population fréquemment obèse et non-alphabétisée vit en famille dans des appartements confinés. L’ancien adjoint à la rénovation urbaine Olivier Amiel (LR), artisan d’un projet avorté de refonte du quartier, dénonce la ghettoïsation de cette communauté maintenue en marge de la société à des fins électoralistes. Entretien. 


Daoud Boughezala. Il y a quelques jours, la ville de Perpignan a décrété un couvre-feu pour faire respecter le confinement. Quelle est la situation sanitaire locale vis-à-vis du coronavirus ?

Olivier Amiel. La ville de Perpignan a été qualifiée de « cluster », c’est-à-dire de foyer où l’épidémie est significative dans un périmètre restreint. Le couvre-feu a été rendu nécessaire par le non-respect des règles de confinement dans certains quartiers, on a même vu la police devoir utiliser des gaz lacrymogènes pour faire rentrer les trafiquants de drogue qui restaient devant le plus important point de deal de Perpignan ! La situation est particulièrement grave dans la communauté gitane de la ville : les cinq premiers morts et les principaux hospitalisés à Perpignan sont issus de celle-ci.

Si la population gitane est particulièrement infectée par le Covid-19, est-ce dû à son mode de vie, à son type d’habitat insalubre, au non-respect du confinement ?

Oui. Il faut également ajouter une comorbidité favorisant le terrain aux infections virales liée aux nombreuses pathologies médicales de cette communauté (obésité, asthme, diabète…).

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Mais la raison première, c’est l’abandon électoraliste de cette communauté. Les responsables politiques de tous bords ont depuis des années à Perpignan sciemment traité la population gitane du quartier comme une « réserve d’indiens » qu’on fait voter pour soi. Abandon économique, social, scolaire et hélas aussi sanitaire. Tout ça pour quelques voix…

Pour justifier cet abandon, les pouvoirs publics se sont cachés derrière le relativisme culturel : « C’est dans leur culture de vivre ainsi ». La déscolarisation ? La maltraitance des femmes ? Les ordures dans la rue ? Les nuisances toute la nuit ? Les prédispositions aux maladies ? Tout ce que nous n’aurions jamais accepté ailleurs, nous l’avons accepté dans ce quartier au nom d’une tradition et d’une culture gitanes. C’est un manque de respect pour ce qu’est vraiment la culture gitane, une manière facile aussi de se défausser et de ne pas faire appliquer les règles républicaines de droit commun.

En tant qu’adjoint au maire, vous aviez piloté un projet de rénovation urbaine aujourd’hui suspendu, dans le quartier gitan Saint-Jacques. Sa mise en œuvre aurait-elle freiné la propagation du virus ?

Oui. Il s’agissait d’un projet global qui répondait à l’urgence urbaine et humaine dans un des deux cents quartiers de renouvellement urbain « d’intérêt national » qui est souvent considéré comme « le » quartier le plus pauvre de France avec des risques d’effondrements d’immeubles et 50% de logements potentiellement indignes, mais aussi des difficultés économiques et sociales hors normes : 60% des ménages sous le seuil de pauvreté, 90% de taux de chômage chez les 16-25 ans, plus des deux tiers des enfants non scolarisés, et de nombreuses pathologies médicales favorisant les infections virales… Le programme devait permettre un investissement public de cent millions d’euros pour agir sur l’habitat certes (réhabilitations quand c’était possible ou démolitions/reconstructions), mais aussi sur le retour du droit commun en matière de sécurité, d’emploi, de scolarisation et… de santé publique ! Cette population cumulant des pathologies spécifiques, elle représente un cocktail virologique mortel en cas d’épidémie.

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Pourquoi ce chantier n’a-t-il pas été mené à son terme ?

Le projet a été suspendu par manque de courage des pouvoirs publics (Ville et État). Ces derniers ont cédé face à la pression de responsables associatifs plus politiciens que les politiciens qui, sous couvert de défense du patrimoine ou d’un prétendu manque de concertation des habitants, ont mené une guérilla contre le projet de renouvellement urbain de Saint Jacques. Ils ont été largement aidés par un député En Marche qui a même organisé des troubles à l’ordre public pour, je le cite « faire bloquer la machine par l’État ».

Des médias nationaux et même internationaux trouvant cette misère pittoresque, se sont emparés des faits pour raconter l’histoire si belle et si fausse des gentils habitants et des méchants élus voulant détruire leurs logements et leur mode de vie… Comment dorment aujourd’hui ceux qui ont bloqué ce projet et continué à abandonner cette population ?

Au XIVe siècle, en Italie, les juifs habitant des ghettos insalubres furent accusés de répandre délibérément la peste noire. À Perpignan, les gitans souffrent-ils des mêmes préjugés racistes ?

Il y a effectivement beaucoup de commentaires racistes les concernant, notamment sur les réseaux sociaux ces derniers jours… Même si le mode de vie et les choix de cette communauté ont favorisé ce risque sanitaire particulièrement élevé, la responsabilité première est celle des élus qui ont abandonné cette population pour acheter la paix sociale et parfois leurs voix aux élections. Il y a eu aussi un manque de courage d’imposer le retour du droit commun et le respect des règles républicaines de base. Résultat ? De réservoir de voix électorales et à misère, la communauté gitane du cœur de Perpignan est devenue un réservoir virologique et de morts.

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Ces Parisiens chez les ploucs

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Photo : "Problemos", un film d'Eric Judor.

 


Les bobos des villes se sont carapatés chez les ploucs des champs. Une satire signée Isabelle Marchandier.


Ils ont eu une journée top chrono pour fuir Paris et les grandes villes avant que l’épée de Damoclès du confinement ne les oblige à rester confinés chez eux. On les a vu prendre d’assaut les gares, les aéroports, les loueurs de voitures et faire la queue aux stations-services. Une sorte d’exode qui n’était pas sans rappeler celui de Juin 40.

La grande évasion

Les bobos des villes se sont carapatés chez les ploucs des champs. Ils ont trouvé refuge chez ceux dont ils méprisaient le mode de vie anti-écolo. Mais quelle ne fut pas leur galère pour quitter la capitale. Voyons concrètement ce qui s’est passé pour l’un d’entre eux. Prenons l’archétype de ce col blanc, écolo dans l’âme, filant à toute allure chaque matin sur sa trottinette électrique pour se rendre à la station F, le Q.G de la Tech made in France et des élites mondialisées. Mais voilà, ne connaissant pas les frontières, le virus made in China s’est exporté en Europe. Faisant fi des classes sociales et des tranches d’âges, il touche tout le monde. Devant l’ampleur de la crise sanitaire et l’impréparation des pouvoirs publics à la gérer, le citoyen de la start-up nation applique les injonctions du management agile : il s’adapte… et se barre.

Mais la grande évasion ne va pas sans sacrifice. Car pour assurer sa fuite et sa survie, il a dû renier ses convictions écologistes, pourtant bien mûres et récemment nourries par le prêchi-prêcha de sa nouvelle idole, Greta Thunberg. Imaginez la tempête Greta se déchaînant sous son crane lorsqu’il du se résoudre à louer une voiture, lui qui avait l’habitude de se déplacer en covoiturage.

Polluer ou être infecté, il faut choisir

Tant pis : face aux nouvelles normes de sécurité à adopter et à la distanciation sociale à respecter, Dame Nature passe en second. Il se dit qu’il boira de l’eau de pluie en guise de pénitence. Après tout, nous sommes en guerre. Mais au moment de louer la voiture, notre bobo tombe de nouveau des nues. La seule voiture encore disponible roule au diesel. Polluer ou être infecté, il faut choisir. Devant ce dilemme, notre start-uper se décide pour la première option. Une fois son diesel loué, direction sa maison de campagne située dans les terres en Touraine. Enfin arrivé dans le petit village tourangeau, il se gare pour aller faire les courses. Mais voilà qu’une inquiétude le gagne : où va-t-il se ravitailler en graines de chia, de pavot, de lin ou de courges, lui qui en saupoudre tous ses plats ? Comment tenir sans ses steaks de soja, son pain sans gluten et son lait d’amande ?

Alors qu’il essaye de résoudre ses terribles problèmes alimentaires, il arrive sur la place du marché et entend le boucher l’alpaguer en lui proposant des côtes de bœufs bien fermes : « C’est pas le moment d’avoir son système immunitaire en sous-régime, mon bon monsieur » lui lance le boucher. Mais rien n’y fait, il se rabat sur un jus de pruneau 100% naturel. Se purger en guise de pénitence, c’est bien aussi. Une fois installé dans sa résidence secondaire, lui vient alors l’idée de faire une petite séance de Tai-chi dans son jardin. Après tout, le temps s’y prête et puis c’est le moment idéal pour se reconnecter avec son être vrai, communier avec la nature et évacuer toutes les mauvaises ondes. Mais à peine a t-il commencé à s’étirer et à déployer lentement les membres de son corps, que sa concentration est troublée par un festival de caquètements et de meuglements et qu’une odeur extrêmement forte de fumier vient lui irriter les narines. Exaspéré par tous ces désagréments naturels, il décide de remettre sa séance à plus tard.

On a souvent besoin d’un plus petit que soi 

Heureusement qu’il a apporté son iPad Pro. Il va pouvoir enfin se délasser en matant Netflix. Affalé dans son canapé, il se croit enfin en sécurité. Il décide alors de se faire une petite frayeur et de regarder le film Contagion. Manque de chance, tous les ploucs de la région se sont connectés à Facebook pour lancer une cagnotte de soutien au corps médical. Le réseau est donc saturé et il est impossible de démarrer le film. Entre les photos de famille qu’il prenait le temps de développer avant l’arrivée du numérique et des rangées entières de VHS hors d’usage, trône un seul livre : Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez!

Et pendant ce temps-là, alors que les « anywhere », les bobos hors-sol, ont trouvé refuge en province, les « somewhere », ceux qui roulent en diesel et fument des clopes, se dévouent chaque jour à leurs risques et périls, hélas sans masques, pour ravitailler le pays, le soigner, le nettoyer, le protéger, l’approvisionner en essence et en fioul, bref le faire survivre. Belle revanche pour cette France trop souvent oubliée, raillée, méprisée et mise sur le banc des accusés pour son attachement à un mode de vie non-conforme au dogme du mondialisme écolo-responsable.

Et comme toute histoire se finit par une morale, relisons la célèbre fable de La Fontaine Le lion et le rat qui se conclut ainsi : « On a souvent besoin d’un plus petit que soi ».

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Ma guerre confinée

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Jogging dans un parc à Toulouse le 21 mars 2020. © Frédéric Scheiber/ SIPA

Il y a la France d’aujourd’hui et celle de demain. Dans cette chronique, Alexis Brunet décrit son combat quotidien, ses attentes et ses rêves…


Lundi 23 mars, j’ouvre les yeux, il est 5h30 et pas un bruit. Déjà deux jours terré dans ma tranchée. J’ai passé les 48 dernières heures confiné à l’écoute du gazouillis des oiseaux printaniers mêlé aux sirènes du Samu. Voilà qui mérite bien une trêve! En mettant le nez dehors, embaume comme un parfum de libération. Mais très vite, la réalité de l’occupation me saute au visage : il est 6h30 du matin et pourtant ils sont déjà là, à croire qu’ils m’épiaient. Ces derniers jours, l’épidémie de jogging a contaminé tout mon quartier.

Qu’ils ne s’imaginent pas me contaminer, je suis un dur à cuire, je fais partie des résistants. Pas ceux qui ont fui sur l’Île d’Yeu mais les vrais, ceux qui arpentent leur huit clos en pantoufles, et qui ont la larme à l’œil en songeant aux soignants, policiers, pompiers et caissières qui échangent des coups de glaive au front contre le virus conquérant. Comme de nombreux Français, je me suis laissé prendre au jeu des applaudissements à 20h sur mon balcon. L’initiative est peut-être infantile, inefficace, bébête, au service du pouvoir et tout ce qu’on veut mais la jolie vendeuse de journaux m’a soufflé « merci pour vos applaudissements ».

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La bienveillance du gouvernement

Déjà vingt minutes de marche en changeant de trottoir pour éviter les joggeurs. Il est bon de se dégourdir les pattes mais que voilà? Je viens de me rendre compte que j’ai oublié le précieux sésame. Je ne voudrais tout de même pas risquer jusqu’à 3700 euros d’amende et 6 mois de prison. Ah, si seulement notre chère ministre de la Justice avait mis autant de zèle à traquer les cons finis qui ont menacé de mort la jeune Mila qu’à traquer les confinés réfractaires… Et le bout de mon nez me gratte à présent, combien de temps vais-je résister? « Restez à la maison », « ne touchez pas votre visage », « lavez-vous très régulièrement les mains », les injonctions bienveillantes de notre gouvernement me résonnent en tête jusqu’à m’en donner le tournis.

Trente minutes d’évasion passées dehors, cela n’a que trop duré. Il est temps de retourner dans ma tranchée. Comme 60 millions de Français, je suis une sorte de « Poilu » confiné et mon devoir m’appelle. Jusqu’à quand allons-nous devoir être des soldats de réserve ultra sédentarisés ? À travers la devanture vitrée d’un hôtel Ibis, un titre de BFM TV : « La chloroquine bientôt testée à grande échelle ». La fin du tunnel en vue pour les confinés bientôt atrophiés que nous sommes ? « Tout le monde l’utilisera », assure le nouveau Messie Didier Raoult dans les pages du Parisien. « Jamais aucun pays au monde n’a accordé une autorisation de traitement sur la base d’une étude comme celle-ci », tempère notre ministre de la santé Olivier Véran dans Le Figaro. Évidemment, où avais-je donc la tête ? Si ce provocateur de Trump s’enflamme autant pour un médicament, ce ne peut qu’être une mauvaise idée…

De nouveau à mon poste dans ma tranchée, je ne baisse pas la garde : à force de me laver les mains une cinquantaine de fois par jour, j’ai les mains fripées comme celles d’une grand-mère. « Utilisez donc un gel hydroalcoolique », me souffle une voix dans ma tête. Sans doute celle de notre bon Ministre de la Santé. Mais ça fait deux semaines qu’il est introuvable, le fameux « gel hydroalcoolique »! Aurais-je dû emmener Olivier Véran faire le tour des pharmacies parisiennes avec moi pour qu’il se rende compte de la pénurie pharmaceutique en cours dans la 7ème puissance économique mondiale ?

Le champ de bataille depuis ma fenêtre

Une petite ronde pour vérifier si tout le monde respecte bien les consignes. Depuis ma fenêtre, j’aperçois un jeune avec un gros masque blanc. Pauvre naïf, il n’a donc pas compris que porter un masque ne servait à rien ? À rien, le Ministère de la Santé nous le répète bien. Quelle idée saugrenue que celle de porter un masque, voilà bien un truc d’Asiatiques. D’ailleurs, si Hongkong ne déplore que quatre victimes de cette saleté de Covid-19, ce n’est sûrement pas parce qu’ils sortent tous masqués, mais parce qu’ils sont dociles et plus disciplinés, eux. Non, qu’on se le dise, avec un peuple latin et fier comme le nôtre, le remède le plus pragmatique, c’est le fameux confinement… Comme au XIXème siècle avec le choléra, comme en Italie avec les brillants résultats que l’on voit ; l’Italie qui, devant l’inertie de l’Union Européenne, a fini par se tourner vers Cuba.

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Il paraît que dans cette résistance face au microbe, notre courbe suit justement celle de l’Italie. C’est effrayant mais c’est ce que soutiennent certains « experts ». On sait donc maintenant ce qui nous attend. Ça tombe bien, j’ai toujours rêvé d’arpenter le Malecón en bonne compagnie. Sitôt que sonnera le glas des hostilités, je quitterai ma tranchée confinée pour un repos bien mérité! La Havane vaut bien une nouvelle quarantaine. Puis pourquoi ne pas rejoindre ensuite « l’armée de l’agriculture », comme nous le suggère le ministre Didier Guillaume? Ce n’est pas parce qu’on doit rester calfeutré qu’on doit s’interdire de rêver.

Qu’en pensent les personnes les plus vulnérables?

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Le suicide de Sénèque de Manuel Domínguez Sánchez

Un billet qui en fera tousser plus d’un


Le gouvernement, sans doute bien intentionné, prend des mesures de plus en plus drastiques en vue de protéger les personnes les plus vulnérables – celles souffrant de pathologies sévères et celles qui ont atteint la limite au-delà de laquelle leur ticket n’est plus valable. Un beau geste de solidarité, apprécié par les âmes charitables. Encore faut-il que ces mesures soient efficaces. Ne préjugeons de rien. À la fin du match, on aura tout loisir de commenter les stratégies mises en œuvre.

Il est pourtant une question que personne ne se pose vraiment : les vieillards et les handicapés souhaitent-ils vraiment tous qu’on prolonge leur calvaire ? À titre personnel (je précise que j’ai près de quatre-vingt ans), je réponds : non. Et je sais que je ne suis pas le seul. Entre la réanimation et le cocktail létal, je choisis sans hésitation la mixture qui m’enverra ad patres. En accord avec Sènèque, je dirais que « ce qui est un bien, ce n’est pas de vivre, mais de vivre bien. » « Faut-il quitter la vie ? », s’interrogeait l’empereur philosophe Marc-Aurèle. Il importe de se poser la question avant que la vieillesse n’obscurcisse la pensée, répondait-il… À quoi bon allonger une vie qui doit de toute manière aboutir à une triste fin, alors que l’on a compris, pour paraphraser l’Écclésiate, que tout ne passe que pour revenir. Vivre n’est pas seulement douloureux, c’est vain. Certes, chacun se fuit toujours… mais à quoi bon, si l’on n’échappe pas à soi ?

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Une intégrité physique et mentale nous donne un élan vital susceptible de nous procurer bien des plaisirs et de nous éviter ce genre de questions. Mais l’heure sonne vite où il n’est plus possible de les esquiver. Et dans des situations d’urgence comme celle que
nous vivons – il y en eut de bien pires dans le passé -, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les sacrifices auxquels consentent les citoyens et le corps médical n’ont de sens que si celles et ceux qui sont pris en charge le veulent vraiment. Leur offrir la possibilité de mourir en douceur, sans prolonger leur agonie, me semble tout aussi charitable. Sinon plus. Et raisonnable pour chacun, de surcroît.