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Nicole Belloubet serait bien inspirée de partir

Dans l'affaire Mila, la garde des Sceaux plaide la maladresse


Nicole Belloubet serait bien inspirée de partir
Nicole Belloubet, en janvier 2020 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA Numéro de reportage: 00940194_000005

Interrogée sur l’affaire Mila le 29 janvier sur Europe 1, Nicole Belloubet affirmait qu’ « insulter les religions, c’est porter atteinte à la liberté de conscience ». Céline Pina estime que la ministre de la Justice doit démissionner.


Le parquet a procédé au classement sans suite de l’enquête ouverte contre Mila pour « provocation à la haine à l’égard d’un groupe de personnes, en raison de leur appartenance à une race ou à une religion déterminée ». Cela n’a étonné personne dans le monde judiciaire, l’absence d’infraction était caractérisée.

Ce qui avait étonné c’est que l’on ait pu ouvrir une enquête qui ne s’imposait pas et présenter comme habituelle, une procédure qui ne l’est pas tant que cela. Au niveau juridique, l’affaire est réglée, Mila n’est pas coupable, mais les dégâts sont importants, c’est une manière de faire peur à tous ceux qui sont menacés au nom de cette religion : porter plainte peut entraîner votre propre mise en cause avant même que l’on ne songe à vous protéger. Une belle invitation à l’autocensure.

Une simple maladresse ?

Le problème politique reste donc entier. Que fait-on concernant le gros appel du pied électoraliste de la ministre qui se montre explicitement favorable à l’accusation de blasphème et qui promeut la notion d’insulte à la religion, on en parle ou en plus de se coudre les paupières, on se coud aussi la bouche ?

Car quand comme Mme Belloubet, on est professeur en droit public et que l’on a siégé au conseil constitutionnel, censé consacrer l’excellence d’une carrière et la compétence, on ne commet pas de telles « maladresses » accidentellement, voilà pourquoi celles-ci ne peuvent être qualifiées que de fautes. Effectivement, ce qui s’est passé ici est plus sordide.

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En période électorale, il y a le « ballon d’essai », façon de tester l’opinion pour voir si elle est prête à évoluer sur un point ou un domaine précis et il y a la fausse erreur, qui permet de transmettre un message que l’on ne peut assumer politiquement sans mettre sa fonction en péril. Ainsi le dérapage de Mme Belloubet a tout d’une manœuvre servant à envoyer un message à un électorat ciblé : le pouvoir a entendu ses attentes, il les comprend et renvoie un message de soumission envers une religion, soulignant que même si la société et la loi ne lui permettent pas de poursuivre l’auteur, la Ministre en personne est choquée par l’insulte faite à l’islam et la qualifie de grave. Elle se place ainsi en résonance avec une part importante de la population musulmane et prend une position essentielle pour les islamistes qui savent qu’elle est allée aussi loin qu’elle pouvait, voire un peu plus en l’occurrence pour témoigner de sa sensibilité à leurs revendications. Elle reprend ainsi une partie de leur logique et de leur sémantique (faire du blasphème une atteinte à la liberté de conscience) tout en s’indignant que cela abime son image et détruise sa légitimité. Elle abime l’esprit des lois pour un plat de lentilles clientélistes et ne comprend pas qu’elle s’est ainsi déconsidérée.

Cette faute rend cette femme indigne de sa fonction. Nous méritons une ministre de la justice qui prend à cœur son rôle de garante de la loi et de notre sécurité, pas d’une femme sans conscience qui ne se rend pas compte qu’elle accroche une cible au dos d’une jeune adolescente pour draguer un électorat particulier.

La loi du plus menaçant s’installe

La ministre est allée trop loin alors que l’affaire Mila n’est pas un fait divers. Elle parle de deux sociétés incompatibles en train de naître sur un territoire, dont l’une, celle qui a choisi l’islam pour étendard et comme projet de société déshumanise l’autre, celle qui considère que la religion est affaire privée et que les hommes ne se soumettent qu’aux lois qu’ils ont forgées par le débat et en s’appuyant sur leur raison et leur histoire commune.

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En transformant tout ce qui n’est pas eux, en mécréants juste bons à être violés, battus ou égorgés s’ils font simplement usage de leurs droits et libertés, l’islam politique consacre la loi du plus fort, du plus fou, et du plus menaçant. En y souscrivant en creux et en ne se dressant pas franchement contre, la ministre nous a abimé collectivement. Elle a cautionné l’inversion manifeste des valeurs et a consacré l’injustice faite à tous nos enfants à travers Mila. Parce que la loi est ce qui nous lie et nous fait citoyen. Le gouvernement en est le garant et l’exécutant. S’il lui tire dans le dos, ce sont les fondements de sa légitimité qu’il détruit et la base de notre contrat social qu’il sabote.

Devrons-nous à présent trembler pour nos enfants et adolescents à l’idée que s’ils critiquent ou injurient un jour la religion, enfin une religion particulière, au collège ou au lycée, ils risquent leur intégrité physique et peut-être leur vie ? Et que si cela arrive nous serons seuls face à la menace ? Trahis par ceux dont la fonction est de protéger ?

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Enfin, cette histoire parle aussi d’une forme de condescendance envers les Français de confession musulmane, jugés soumis à la religion et incapables d’accéder aux principes et idéaux universels comme à une forme de rationalité, donc in fine incompatibles avec nos mœurs républicaines. D’où le renoncement à imposer la loi pour favoriser la confusion et tenter d’installer une forme de relativisme entre menace de mort et insulte à la religion. Ce « Oui, mais » qui ôte toute valeur à ce qui est avant le « mais ».

Si nous étions un peuple respecté par ses représentants, Mme Belloubet serait démissionnée. Elle a failli à ses devoirs. Elle n’a plus de légitimité pour exercer sa fonction.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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